La COMPOSITION de MELENCOLIA - jacquier.org · LA RÉALITÉ DE MELENCOLIA LE « PROJET DIDACTIQUE...

__________Une nouvelle lecture de l'histoire de l'art __________

Mathématiques - Histoire de l'art - Ésotérisme - Arts plastiques

La COMPOSITION de MELENCOLIA

de Albrecht DÜRERDe la gravure aux cartes

------------ Yvo Jacquier --------------------------------------------------------------------------

GÉOMÉTRIE COMPARÉE ----------------------------------------------------------------------------- Décembre 2012 -----

Yvo Jacquier © Géométrie comparée | La composition de MELENCOLIA de DÜRER 1 on 30

INTRODUCTION

UNE PRÉCISION SIGNÉE A.D. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

La géométrie comparée met en évidence la géométrie des maîtres anciens,

notamment ses rapports aux nombres. Le fameux quadrillage des

constructeurs de cathédrales est le principal outil de conversion des formes

en valeurs numériques. C'est le premier pas d'une traduction en langage

humain des lignes abstraites de la composition. À l'étude, la dernière et très récente correction d'échelle a vu s'afficher, sur le

fichier le plus lourd de la gravure Melencolia (1514), la valeur de 262,510

pixels par unité, au lieu des 262,222 établis quelques années plus tôt (soit

une différence de 0,288 pixel par carreau - 1,1‰). Une nouvelle figure a

récemment livré le secret de deux bords de l'oeuvre, et permis cette ultime

rectification... La première leçon d'une longue exploration des oeuvres de Dürer concerne

son extrême précision. C'est d'autant plus remarquable que la taille du sujet

de cet article est proche du format A4 (H ≈ 238 mm ± 0,75 mm et L ≈ 187

mm ± 0,75 mm - pour citer l'un des exemplaires du British Museum). Cette

oeuvre majeure de la Renaissance recèle bien d'autres enseignements.

Sans cette précision hors du commun, nul message ne serait identifiable.

Seules des marges de précision suffisamment serrées permettent d'acquérir

des certitudes. C'est le principe fondateur et même “déclencheur” de la

science...

Si le mot “magistral” a une définition, elle est dans Melencolia. Le fil conducteur de Melencolia qui se révèle ici résout notamment

l'insupportable “inventaire de boutique” auquel se livrent trop d'auteurs. Cette

oeuvre n'a pas seulement du sens, elle a un sens historique précis, résultant

de plusieurs missions explicites. En premier lieu celle d'expliquer le

fonctionnement du langage de l'image, ses rouages et ses règles.

Cependant, au-delà de cette mécanique subtile, Dürer se livre à un exposé

de l'histoire sacrée, depuis le signe paléolithique de la fertilité jusqu'à la

nuance qui sépare Zeus de Jupiter. Et il signe ce chapitre d'un anagramme :

LEO IN MICAEL. « ... La complaisance dans l'erreur, de la part de tels peintres, vient

uniquement du fait qu'ils ignorent tout de l'art de la mesure, sans lequel

personne ne peut devenir créateur. Mais les vrais responsables sont leurs

maîtres qui ignorent cet art. »

Albrecht Dürer, Instruction sur la manière de mesurer, 1525.


LA RÉALITÉ DE MELENCOLIA

LE « PROJET DIDACTIQUE de DÜRER » Melencolia appartient à un ensemble de quatre gravures appelées les

Meisterstiche, puisque ce concept historique est désormais élargi à Adam et

Ève (1504). Les autres gravures sont Le Chevalier, le Diable et la Mort

(1513) et Saint Gérôme dans sa cellule (1514). Les quatre oeuvres ont un

format comparable. Il est assez inhabituel pour avoir été remarqué.

Les tarots dits de Marseille, plus précisément ceux que le cartier Nicolas

Conver continue de reproduire scrupuleusement en 1760, ont été conçus

avec les Meisterstiche. L'ensemble a pour mission de présenter le testament

de toute une civilisation, une culture de l'Image qui a vécu depuis Pythagore,

pour le courant occidental, jusqu'à la Renaissance, période de son

apothéose. Ce véritable dispositif didactique est conçu pour s'ouvrir par

paliers. Chaque étape livre des informations qui permettent d'apprendre

graduellement l'art de la composition des Anciens.

Un langage de l'Image, à part entière, se révèle Les cartes des tarots

constituent une encyclopédie oecuménique des symboles. Elles sont la

synthèse de tous les courants spirituels, religieux et ésotériques accumulés

au cours d'une longue histoire. De l'Inde védique aux nords glacés de

l'Europe, des Celtes antiques aux traditionnels Chrétiens, aucune influence

n'échappe à ce carrefour universel de la symbolique.

N.B. : Dürer est précis au point d'anticiper les erreurs du chercheur !


L'oeuvre la plus célèbre de la Renaissance

MELENCOLIA § I

Albrecht Dürer (1471-1528)

Gravure au burin - 1514

238 mm par 187 mm (± 0,75 mm) British Museum de Londres, Royaume Uni — Musée Jenisch, cabinet

cantonal des Estampes, Vevey, Suisse — Cabinet des Estampes et des

Dessins, Strasbourg, France.


http://www.melencoliai.org/compo-tarots/000-MELENCOLIA%20.jpg

LA COMPOSITIONDE MELENCOLIA


LE GRAND CARRÉ - CROIX GRECQUE

Du cercle au carré

Selon d'adage, on a pas deux fois

l'occasion de donner une première

impression. L'importance de la première

affirmation de l'étude est donc capitale.

C'est là que l'intérêt et la confiance du

lecteur s'établissent ou non. Par la suite, le même lecteur appréciera

de ne pas être submergé par des flots

de détails sur l'oeuvre. En réalité, aucun

texte ne saurait se substituer à l'image. Ainsi, ce premier pas doit être prudent,

et ses exp l icat ion do ivent êt re

scrupuleuses. Il n'y a aucun texte de ce

genre. Ceux qui pouvaient le faire se

sont tus - ils sont morts il y a des

siècles, quant à ceux qui ont écrit sur

ces sujets, ils n'ont par exemple jamais

intégré la notion de précision en termes

scientifiques - ce que l'on désigne par

les marges de précision...

Nous allons construire un carré, ou plus exactement reconstituer celui qui a

servi de base à la composition de Dürer. Il nous faut en premier lieu trouver

son côté. La seule forme géométrique pure et identifiable du tableau est la

sphère du premier plan. Et elle est “presque parfaite”. L'étude révèlera qu'elle

répond au cercle qui la cerne en haut, sur la gauche et à droite, mais qu'elle

se rétracte à sa base. La réponse à cette incohérence réclame un chapitre

entier : il figure à l'article III sur la composition des tarots. Le centre de la sphère est résolument fiable, il nous servira donc de repère.

De l'autre côté de la scène, la ‘signature’ de Dürer nous offre une authentique

marque de composition : la croix/flèche que dessine le 4 de 1514. NB : à l'envers, c'est à dire dans le sens où elle a été gravée, l'inscription

1514 peut de lire : « † IRI ». Et cette affirmation est placée au-dessus de la

signature du maître.


http://www.melencoliai.org/compo-tarots/001-Didactique.jpg

D'autres marques précises de l'oeuvre vont

nous servir de guide. Une ombre esquisse un

angle droit près d'une arête du polyèdre :

cette indication confirmera la présence d'une

ligne dorée du carré. L'horizontale qui sépare

la troisième et la quatrième ligne du carré

magique sera également une indication

précieuse.

Si ces deux détails laissent une marge

d'appréciation assez large, il n'en va pas de

même pour la croix/flèche de la signature. Sa

pointe ne saurait être fiable, ne serait-ce que

parce que naturellement, la largeur du trait

s'élargit à cet endroit précis. Le segment

vertical est forcément, si c'est le cas, le repère

posé par Dürer. L'expérience montrera qu'il

fau t cho is i r sa l im i te ex tér ieure , au

microscope.

L'ensemble de ces développements initiaux se trouvera ré-ajusté par la suite

au travers d'une figure plus large encore que celle du grand carré : elle ira

chercher deux bords de la gravure. La précision qui s'en suivra sera de

l'ordre du dix millième (relatif/hauteur).

Pour l'instant, nous construisons le

premier carré. Il se développe à partir

du centre de la sphère, et aligne son

côté droit au trait de composition de la

signature. En haut, il prend une ligne

de séparation du carré magique, son

angle vient friser avec un ergot de la

chauve-souris dans le phylactère, et

cette horizontale soutient même le

bras de l'animal. En bas, le ligne du

carré passe entre les tenailles.

À chaque étape, plusieurs niveaux de

lecture de l'image sont possibles. Le

premier niveau considère les éléments

concrètement identifiables. Cette

lecture est strictement narrative. Le

second niveau s'appuie sur les traits

qu'elle détourne de leur signification

originale. Cette lecture est graphique,


http://www.melencoliai.org/Composition/Melencolia-001.jpg


et doit être recevable dès que l'on souligne ces traits. Enfin l'ultime niveau

laisse parler l'inspiration avec les motifs des ombres et des lumières, des

aspects presque cachés de l'oeuvre.

Du carré au rectangle, puis du rectangle au cercle

La composition met en action des

principes mathématiques. L'un des plus

beaux, et pour cette raison l'un des plus

fréquents, fait intervenir la fameuse

proportion dorée. Nous avons cru par

erreur qu'elle était apparue avec

l'identification numérique du nombre

d'or :

φ = (1+√5)÷2 ≈ 1,618 034

avec φ2 = φ + 1

Or pendant des mi l léna i res , la

proportion dorée a été considérée

c o m m e u n p u r p h é n o m è n e

géométrique, dans le contexte d'une

pratique à la règle et au compas. Tout

rectangle doré en engendre un plus

petit par soustraction d'un carré. Le

rapport entre ces deux rectangles est la

proportion dorée, mais on peut la

construire.

Dans le cas de Melencolia, l'on peut extraire les quatre rectangles

dorés inscrits au grand carré.



La division du côté du grand carré par φ

fixe le diamètre du cercle qui dessine

l'arc-en-ciel. C'est la première preuve

de la validité de la composition. Les

détails que nous avons énoncé

précédemment la confortent : le visuel

complet est à la page suivante. Dürer

a intégré d'énormes contraintes dans

ce projet, particulièrement celles du

vieillissement du papier. Ses gravures

sont conçues pour subir les siècles.

Preuve en est de la révélation tardive

de cette composition - près de cinq

siècles après sa conception. En

homme de métier, Albrecht Dürer a

induit des marges dans ses formes,

sans qu'elles n'altèrent la précision de

leur structure mathématique.

Ainsi les vibrations de l'arc-en-Ciel, outre de produire leur effet de sfumato

esthétique, évitent que les déformations du papier n'altèrent son cercle. Pour

être trop précis à l'origine, il deviendrait faux dans le temps.

Il faut le trait de la composition

pour le voir : la lanière de la

bourse dessine une langue au-

delà du carré. Une façon pour

Dürer de dénoncer la cupidité.

Tout en haut, la diagonale du

carré rejoint le cercle de l'arc-en-

ciel au bord de la gravure. Ce que

souligne l'ergot du phylactère. Le

‘O’ de MELENCOLIA et le C

bordent cette diagonale.

Le compas ne s'arrange pas de

façon militaire avec ces lignes,

t r o p c a r r é e s à s o n g o û t .

Cependant, il démontre toute la

précision de son appréciation.

D e u x l i g n e s o n t d u s e n s

concernant cet instrument, si l'on

considère la section carrée du

métal :



http://www.melencoliai.org/compo-tarots/005-MELENCOLIA.jpg

la ligne intérieure sur l'avant, et la ligne extérieure à l'arrière. La

première touche le milieu du cadre avec son angle, et la seconde

touche une ligne dorée à son extrémité.

La boule du compas est sur le cercle, dans son cadre, c'est à dire avant

qu'il ne devienne celui de l'arc-en-ciel. Le Oméga qui pend au fléau de

la balance souligne à la fois le milieu du cadre et sa ligne supérieure. Et

tout en bas, dans une certaine mesure, le croisement de la scie et de la

règle joue avec les lignes de référence du cadre. Le marteau également

s'accommode d'une ligne dorée, comme un peu plus haut le bord du

chaudron.

Le point qui se révèlera le plus important par la suite est l'angle extrême

du polyèdre. Plus on s'écarte du centre de la gravure et plus le dessin

original est tributaire des déformations du papier dans le temps. Voilà

pourquoi Albrecht Dürer a dessiné un angle abîmé, écorné même,

comme si la pierre avait avait voyagé avec lui jusqu'en Italie...

Cette somme de détails met peu à peu notre oeil en confiance,

néanmoins ces seuls arguments ne suffisent ni à nous convaincre

définitivement et surtout, pas à nous expliquer ce qu'est l'art de la

composition. Cette première étape est à la construction picturale ce que

le terrassement est à l'architecture : une base nécessaire qui ne rend

que très peu compte de ce que sera le résultat final.


DU CARRÉ JUSQU'AU CERCLE

Du carré au rectangle, puis au triangle, puis du triangle au cercle

Dürer continue son exposition du

vocabulaire géométrique de base.

Comment maintenant p lacer un

rectangle fondamental dans un carré ?

Nous avons vu le rectangle doré, qui

s'inscrit dans le sens des côtés du

carré. Il faut désormais trouver autre

chose. Par exemple, que la diagonale

du rectangle soit au milieu du carré.

Si l'angle du rectangle touche le bord,

on a affaire à un autre carré, inscrit, et

placé en losange (√2 fois plus petit). Il

faut trouver autre chose. Le triangle de

type 3-4-5 est un candidat idéal.

Dessinons donc un rectangle aux

proportions 3x4, avec sa diagonale au

milieu du cadre d'origine : le grand

carré. Pour l'instant on ne se soucie pas

des mensurations exactes, juste des

proportions entre les figures. D'où le ‘3’

etc.

Le visuel suivant est trop grand pour être placé ici, et ça tombe bien puisqu'il

va être question de Cupidon : il nous faut justifier son identité. Le petit ange

au centre de la gravure est souvent qualifié de putto. Cependant, ce

personnage est beaucoup plus qu'un hymne à l'Amour inspiré à l'artiste par

sa nostalgie de l'Italie. Le putto est un nourrisson joufflu et moqueur... Les

Allemands de Franconie seraient-ils plus précoces que les Vénitiens ou

autres Siciliens, précoces au point de savoir lire et écrire en bas âge ? Et son

attitude générale se prête plus au procès verbal qu'à la rêverie... Dürer ne

laisse rien au hasard; il campe un personnage affairé, sérieux et concentré,



qui ne peut pas être un banal putto. Les plateaux de la balance se font l'écho

de ses ailes. Or justement le signe astrologique de la Balance a pour planète

Vénus : Vénus, mère de Cupidon. Enfin, et ce détail est le plus probant de

tous : la position des bras et des mains de l'ange sont exactement celles de

l'archer qui se prépare à tirer une flèche. La ressemblance avec le Cupidon

des tarots de Dürer/Conver est en cela frappante. Même le bord de la tablette

évoque la forme d'un arc, avec sa ficelle qui dépasse !

Le rectangle a pris la mesure du

grand carré par sa diagonale; Il

peut désormais trouver une place

plus sage, à la verticale ou à

l'horizontale.

Les diagonales dessinent alors

une série de triangles.

Particularité intéressante de la

rosace qui se constitue : deux

triangles d'orientation différente

partagent le même cercle inscrit.

L'hypoténuse d'un autre triangle

trouve le ‘I’ du titre de l'oeuvre.

Sa symétrique épouse le pli de la

robe de l'Archange et passe près

du triangle noir tout au bas de la

roue de pierre (meule). Ce

triangle est le signe de la fertilité,

un symbole paléolithique... Enfin,

le rectangle vertical touche la tête

du chien sur la gauche et surtout

en haut, il s'appuie sur l'Alpha du

carré magique, et sépare l'aile de

l'archange du sablier.



Ce n'est pas un point de détail.

L'Archange ne touche pas le

symbole de Saturne, même s'il

en est proche. En revanche il

touche de son aile, juste, l'un

des plateaux de la Balance,

signe de Vénus. Y aurait-il du

Mars en ce personnage ? Doit-

on s'en étonner ?C'est saint

Michel, le chef des armées

célestes. Son pied droit est

fermement posé sur le seul outil

qui ressemble à une épée (la

scie, nous y reviendrons).

La rosace ci à droite n'est pas

seulement esthétique. L'une de

ses petites amandes capte une

précieuse indication : le chiffre

7. Posé au dénominateur ce

nombre désigne Mercure,

particulièrement dans π/7. Au

numérateur, il se réclame de Jupiter !

La ligne basse du rectangle

horizontal trouve à gauche, le

signe de l'oreille du chien. Ce petit

mot i f n 'es t pas fac i lement

identifiable. Or si Dürer l'avait

voulu, il le serait. L'on reconnait

un animal, proche du lion, du

chien ou encore du primate. On

peut, de façon générique l'appeler

la bête - en ajoutant avec intention

l'accent de la campagne. C'est “la

béte”. De l'autre côté sur la droite,

la ligne trouve une clef. Le

trousseau entier s'aligne sur la

diagonale bleue.




Un autre visuel se prépare. Le principe de sa constitution est simple. Il y

a tant de lignes à montrer, que l'on doit en réduire le nombre et les

étudier par thème. Ainsi les quatre triangles possibles de ce rectangle

ont chacun trois bissectrices (les droites qui coupent leurs angles en

deux).

Sur ce visuel, les bissectrices

vertes des quatre triangles sont

confrontées aux cercles de l'arc-

en-ciel du grand carré, en jaune.

D'un côté des triangles de type 3-

4-5, et de l'autre des cercles

dorés. Toutes ces figures ont en

commun une commune origine,

u n e m ê m e s o u r c e à l e u r

c o n s t r u c t i o n : l e c a r r é

fondamental. Et ô surprise,

quatre bissectrices se conjuguent

avec quatre cercles dorés, de

façon parfaite sur leurs amandes.

Ce n'est pas banal, on a affaire à

une authentique propriété. Et la

leçon symbolique peut s'énoncer

comme suit : les lignes internes

du triangle 3-4-5 ont une affinité

avec le nombre d'or.

La géométrie égyptienne en apporte de nombreuses preuves :

http://www.jacquier.org/Yvo_Jacquier-Geometrie_egyptienne-2014.pdf


http://www.jacquier.org/Yvo_Jacquier-Geometrie_egyptienne-2014.pdf


Appliquons le même procédé aux

rectangles, et rassemblons tous

les cas où l'une des diagonales

est verticale ou horizontale.

Quatre rectangles font huit

triangles. Un cercle cerne le tout.

Une diagonale/hypoténuse vient

chercher le pli de la robe, en

direction du rabot. Cette même

droi te vers le haut , prend

l'inclinaison de l'aile pour trouver

le milieu du sablier.

Préambule au chapitre suivant

Les non mathématiciens qui font l'effort de comprendre la composition

de Melencolia méritent l'attention et le respect de l'auteur. La géométrie

de Dürer est à la fois la plus complexe et la plus didactique de tous les

temps (en cela, Dürer est à Botticelli ce que Bach est à Stravinsky dans

le domaine musical). La démonstration qui va suivre ne doit effrayer

personne : il s'y passe deux choses en même temps, deux

phénomènes. Cette conjonction est le propre du génie de Dürer et de

son époque, mais rien ne nous empêche de les étudier séparément,

puis de les laisser se réunir tranquillement dans notre esprit. D'une part la composition géométrique des tarots s'accorde à l'échelle

de Melencolia : le quadrillage qui leur sert de trame se règle

simplement sur la sphère du premier plan. D'autre part le triangle que

nous avons étudié prend une place et une orientation et fait

explicitement référence aux tarots. Pour la petite histoire, le format des cartes et celui de la gravure sont

naturellement en accord. À l'origine, la confrontation des images ne

réclamait aucun changement d'échelle.



L'ÉCHELLE DE MELENCOLIA

La géométrie avec les yeux

Les éléments les plus simples de la géométrie avec les yeux, celle des

populations mégalithiques devenue pythagoricienne puis celte,

byzantine, romane ou encore gothique et russe jusqu'à ce qu'elle se

fonde dans le creuset de la Renaissance italienne pour préparer

l'avènement de la science, ces éléments les plus simples sont

aujourd'hui ignorés. Ne nous étonnons pas que les Anciens soient

taxés d'empirisme sous prétexte de leurs croyances précaires. Le

mépris est si facile envers ce que l'on ne comprend pas.

Les principales propriétés du triangle 3-4-5

sont :

1 = Rayon du cercle inscrit (dit intime)

2 = Diamètre du cercle inscrit

3 et 4 = Côtés formant l'angle droit - cathètes.

5 = Hypoténuse, diamètre du cercle circonscrit

6 = Surface du triangle

7 = Pente de l'hypoténuse quand le triangle

pivote de 45° - c'est le cas des tarots.

2.φ = Distance du sommet au cercle inscrit

sur la bissectrice d'ordre 2 (voir visuel).

- Les bissectrices sont les diagonales naturelles d'un simple, double et triple carré.

- Les bissectrices d'ordre 1 et 3 sont les diagonales naturelles d'un rectangle doré.

La composition des tarots comprend un système de

sept triangles liés entre eux par une homothétie (ils

sont semblables). Chacun représente un astre, de la

Lune à Saturne. L'ensemble des figures est construit

sur un quadrillage qui pivote au final de 45°. Le

double carré qui sert de cadre aux cartes est ici

représenté en imposte.

Deux triangles sont utiles à la compréhension de

Melencolia : Le triangle du Soleil et son cercle

inscrit (d = 2) et le triangle de Jupiter et son grand

cercle (D = 35/6).


http://www.melencoliai.org/compo-tarots/01-triangle_3-4-5.jpg


Une parfaite concordance Le rapport entre le cercle de l'arc en ciel et celui

de la boule, sur Melencolia, est exactement le

même que celui des deux cercles des tarots, à

savoir : le cercle circonscrit de Jupiter et le

cercle inscrit du Soleil.

L'on peut en conséquence accorder les deux

couples de cercles jusqu'à les confondre. En

d'autres termes : on peut mettre le cadre des

tarots à l'échelle de Melencolia.

Sur ce visuel, le cercle intime des tarots est

accordé à celui de la sphère. Toute la

composition des tarots se retrouve à cette

même échelle. Le cercle de la mandorle épouse

alors parfaitement l'arc-en-ciel, exactement

comme le cercle issu du grand carré de

Melencolia.

La bissectrice dorée du triangle solaire montre l'échelle. Les

compositions sont en effet, à la même échelle.

Suite de l'aventure : la magie des angles

La propriété mathématique la plus surprenante est la présence de la

proportion dorée sur une des bissectrices du triangle. À cette propriété, Dürer

va combiner celles d'une orientation particulière : Quand l'une des diagonales

d'un rectangle doré se met à l'horizontale, l'autre diagonale devient aussi la

diagonale d'un double carré.


http://www.melencoliai.org/compo-tarots/Emplacement_Sphere.jpg

http://www.melencoliai.org/compo-tarots/phi-01.jpg



Explication : Le rayon du cercle vert mesure √5/2 par construction (son

centre est au milieu d'un double carré). Le petit angle (noté ••) de la diagonale

d'un rectangle doré est la moitié du grand angle de la diagonale d'un double

carré. Si bien que si l'on incline un rectangle doré de cet angle noté ••, l'une

de ses diagonales se retrouve à l'horizontale...


LE GRAND TRIANGLE DE ZEUS

Le cercle de l'arc-en-ciel de Melencolia et le grand cercle de Jupiter des tarots

ne font qu'un. En conséquence, le grand triangle que nous étudions est celui

de Jupiter multiplié par le nombre d'or. Les deux triangles sont du même type

(3-4-5) et ils ont le même rapport que l'hypoténuse du grand triangle et le

diamètre du cercle de l'arc-en-ciel : φ.(NB : le diamètre du cercle circonscrit à

un triangle rectangle est égal à son hypoténuse) Pour cette raison, il est

légitime d'attribuer le grand triangle à Zeus.

Mesures du Grand Triangle de Zeus

d = (7/3).φ ≈ 3,775 413 Cercle inscrit

‘Sin’ = (7/2).φ ≈ 5,663 413 Petite cathète

‘Cos’ = (14/3).φ ≈ 7,550 413 Grande cathète

D = (35/6).φ ≈ 9,438 413 Cercle circonscrit

S = 7.φ Surface

RD = (7/3).φ2 ≈ 6,108 413 Longueur du rectangle doré

Calé sur la croix que forment deux lignes d'or du grand carré, voici

le rectangle doré de Zeus (celui qui prend ses mesures sur la

bissectrice dorée à l'aide du cercle inscrit). Il est présenté en

position horizontale - avant de prendre place sur le triangle, et

montre de curieuses affinités avec le polyèdre !



La position étrange du triangle de Zeus

L'inclinaison du triangle de Zeus

1) L e r e c t a n g l e d o r é q u i

s'installe sur sa bissectrice du

même nom a une diagonale à

l 'horizontale quand l 'autre

indique un double carré vertical

(en tant que diagonale).

2) L'angle β du petit côté du

triangle avec l'horizontale, a

pour tangente φ.

Surface du triangle du Soleil : 6.

Pour Jupiter : 7. Pour Zeus : 7φ.

La translation du triangle de Zeus

L'angle gauche est sur la médiane horizontale

du grand carré et le centre de son cercle inscrit

se pose sur la diagonale.



http://www.melencoliai.org/compo-tarots/Grand_Triangle.jpg



Bis repetita placent...

Voici d'autres visuels du rectangle doré de Zeus.

Le cadre des tarots

Pourquoi Dürer met-il en scène la

diagonale avec autant de soin ? Le

d o u b l e - c a r r é q u e r é c l a m e l a

composition de Melencolia n'est autre

que celui des tarots.

La carte reine du jeu, l'arcane XXI du

Monde répond parfaitement à cet

appel. L'arc-en-ciel devient mandorle

et le polyèdre piédestal. L'écharpe

trouve la lumière de la comète et le

sceptre/rouleau s'inscrit entre deux

barreaux de l'échelle.

Une révélation !

Une autre place du cadre se révèlera par la suite,

qui elle vaut pour toutes les cartes.





L'apparition du Monde (XXI)

Le cadre des tarots est sur la

diagonale du rectangle doré de

Zeus. Et il se cale, comme le

cercle inscrit au triangle, sur la

diagonale du grand carré. Dans

ces conditions, il touche presque

le cercle.

Cette figure mérite une grande

attention. Tous les éléments

s'alignent avec une précision

phénoménale. Ce visuel est

également un authentique sujet de

méditation. Aucune autre carte

que l'arcane XXI ne se sent aussi

bien à cette place. Face à ce

spectacle, l'on comprend que la

gravure et le jeu de cartes dit “de

Conver” ont été conçus comme un

ensemble cohérent.

Le projet didactique de Dürer.





Un bon point et une colle

Ce visuel exhibe plusieurs

surprises. La plus belle est l'angle d'or

qui monte depuis le cadre du

grand carré (~137,5°). Cette

droite prend dans sa ligne de

mire le pied du personnage, le

cercle de son sceptre/rouleau,

l'axe de la balance et le

sommet du sablier. L'on sait désormais pourquoi

le personnage du monde lève

le pied !

En revanche, le léger décalage vers le haut du centre du cercle gauche

de la mandorle ouvre une question. L'étude indépendante de la carte

met en évidence deux cercles de Jupiter parfaitement symétriques,

avec leurs centres au niveau du milieu du double carré. Or un angle de

~0,7° se forme entre les deux centres.

Les deux “niveaux” se croisent au dos de la main, précisément autour

du cercle que le personnage exhibe. Pour l'instant un seul fait est à

rapprocher de cet écart : la ligne d'horizon fait une pente du même

ordre, que prolonge en partie le bas du sablier par le jeu des ombres.

Cette inclinaison n'est pas à imputer à la maladresse : Dürer l'a voulue,

vraisemblablement pour de multiples raisons, dont celle de rattraper les

effets de la déformation du papier dans le temps. Une autre réalité peut

être à cette occasion évoquée : le phénomène des marées.

Particulièrement dans l'ambiance lunaire du tableau (une des pistes les

plus sérieuses pour en expliquer l'éclairage particulier). Auquel cas la

barque que représente la mandorle par sa forme se mettrait en quelque

sorte à tanguer.

Dürer est si précis que la moindre anomalie prend l'allure d'une

conjecture !



LE GRAND RECTANGLE DE ZEUS

La citation de π

Pour placer les bords de sa

gravure en haut et à droite, Dürer

a u t i l i s é u n p r o c é d é

particulièrement inattendu : Un rectangle de type 3 en

hauteur pour 4 en largeur se

développe au dessus de la moitié

inférieure du grand carré. Il

s'aligne sur la verticale gauche

du carré. La diagonale de ce rectangle

m e s u r e e x a c t e m e n t l a

circonférence du cercle inscrit au

triangle de Zeus. L'idée de placer les bords de la

gravure est particulièrement

ambitieuse. La gravure est

particulièrement capricieuse sur

ces marges autrement appelées

corbeille là où la presse laisse sa

trace.



Première coïnc idence : la

bissectrice verte d'un triangle

appartenant au premier rectangle

que nous avons placé sur le

grand carré, coupe la diagonale

rouge sur son bord blanc.

Deuxième coïncidence : une

amande de la rosace des

cercles des mêmes rectangles,

étudiés au début, pointe sur la

diagonale rouge.

NB : les deux rencontres ne

dépendent pas de la longueur

de la diagonale.




PLACE CENTRALE DES TAROTS

Le quadrillage

Les tarots trouvent une place générique

s u r Melencolia. Toutes les cartes y

défilent pour se confronter à saint Michel.

Par ailleurs, chaque carte trouve une

place privilégiée sur la gravure, qui met

ses symboles en valeur. Par exemple la

Justice, arcane VIII, prend celui de la

balance en écho à la sienne. Le présent article se concentre sur la

composition. Cette histoire figure dans

les autres, consacrés plus spécialement

aux tarots. En l'occurrence, le point de

croisement des lignes du quadrillage 6 et

1, en diagonale, vient se poser sur le

point d'accroche du triangle de Zeus sur

le polyèdre.

Le quadrillage partage l'unité de

Melencolia. La valeur de repère est la

sphère du premier plan, dont le

diamètre est 2. Il est à noter que

l'échelle de mesure s'établit avec

l ' e n s e m b l e d e s c o m p o s i t i o n s ,

particulièrement celles de grandes

mensu ra t ions comme le g rand

rectangle de Zeus et sa diagonale.

Celle-ci a permis d'affiner l'unité au-

delà du millième. L'établissement de

l'unité s'effectue par recoupement de

nombreuses informations. Les lignes de

l'homothétie sont partie prenante dans

la composition de Melencolia. Celle des

‘sinus’ passe sur la tête de Cupidon et

sous Oméga. Celle du centre des

cercles passe sur la tête de l'Archange

et sur la lettre Alpha que dessine le 4 du carré magique.




Les triangles astrologiques

Les deux triangles représentés ici

sont celui du soleil (d=2) et celui

de Jup i te r (d=7 /6 ) . Leu rs

bissectrices dorées, en jaune,

s'inscrivent entre les montants de

l'échelle. C'est un des effets les

p lus spec tacu la i res de la

confrontation des tarots avec

Melencolia.

Ensuite, le ‘cosinus’ de Jupiter

vient chercher un des sommets

du polyèdre.

Enfin, l'hypoténuse du Soleil

passe en haut en plein milieu de

la comète (!) et en bas, à

l'extrémité de la règle.

D e u x c o ï n c i d e n c e s s e

produisent avec la composition

de la gravure.

Une diagonale du grand carré,

en blanc, passe par le point

d'intersection entre l'hypoténuse

du Soleil et le ‘cosinus’ de

Jupiter.

Ensuite, le point de tangente du

cercle de Jupiter est sur une

ligne d'or du grand carré.




Le jeu des aires

Enfin l'hypoténuse du triangle de

Zeus trouve un deuxième point

du quadrillage, en plus de celui

qu'il partage avec lui à l'angle du

polyèdre. Il est à noter que ce

second point est sur le 7 inscrit

sur la manche de l'Archange. Le

7 de Jupiter, qui marque ses

mensurations.

Ce point dialogue en quelque

sorte avec le premier, ce qui

nous invite à constituer la figure

suivante.

Les deux lignes du quadrillage

qui passent par les points de

contact entre le triangle et le

q u a d r i l l a g e f o r m e n t

naturellement un triangle isocèle

de côtés jumeaux 5 et de grand

côté 5√2.

5√2 est la hauteur du cadre des

tarots, que nous devons alors

placer à l'horizontale. Il reste de

la place en bas pour un triangle

verticalement symétrique au

premier. La confrontation avec

les éléments de la gravure est

étonnante de précision.

Chaque triangle fait la moitié de

la surface du cadre des tarots

(25/2), si bien qu'au total la

figure en compte 50. Et l'on a ici

rassemblés, le cercle, un

double-carré et deux demi carrés.




L'Ankou, figure de référence

Le personnage de

l'Arcane sans Nom est le

seul à affronter

franchement le regard

de l'Archange... Sur ce visuel l'ensemble

des éléments de la

composition se

combinent comme par

magie. Un rectangle

doré prend naissance

sur la diagonale que fait

le petit côté du triangle

de Zeus, puis ajoute un

carré sur sa droite. Sa

diagonale verte est la

bissectrice dorée du

grand triangle. Le centre du cercle de

Zeus (inscrit) est sur le

trait qui cerne la tête de

l'Ankou. À l'opposé du

cadre des tarots, la

diagonale du premier

rectangle doré croise la

bissectrice de l'angle

droit (triangle), et le bord

du rectangle de Zeus.

Rendez-vous s'il en est

sur le cercle de la Faux !

Christophe de Cène nous fait remarquer qu'une droite joint le centre de

la sphère au milieu du pied du sablier avec un angle de 36° par rapport

à la verticale. Il passe du centre de la boule à travers le trou de la

meule de pierre, et se prolonge au coin du carré magique jusqu'au

sommet de la cloche. On peut encore ajouter la ceinture de Cupidon

(héritage maternel) à cet inventaire ! Une étude est en cours sur

l'interprétation de cette ligne.



Ce visuel est le bouquet final d'un article qui réserve peu de place à

l'interprétation. Néanmoins l'on peut tisser quelques trames de réflexion

et de méditation. Sur la religion, différentes couches se superposent. Le

symbole paléolithique de Vénus (triangle noir) coupe le pied de la Mort.

Jupiter se fait coiffer par Zeus, l'Ankou appelle toute la culture

druidique, et à travers saint Michel, Dürer expose les basiques du

catholicisme.

La science a la place qu'elle peut en 1514 : celle d'une préfiguration. À

travers la qualité des mathématiques que le maître déploie dans ses

compositions, mais aussi par les thématiques sous-jacentes aux

arguments qu'il expose : un sablier pour compter le temps, une balance

pour peser, un compas pour mesurer les distances, une cloche pour

donner le La, et même de la bougie pour évaluer la lumière (les plis du

vêtement de l'Archange n'évoquent-ils pas cette matière ?). Ces

instruments de mesure sont des outils de comparaison davantage que

le matériel dont la science aura besoin pour progresser.

Que pense l'Archange de tout cela ?


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