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RAPPORT SUR L’ÉTAT DES CONNAISSANCES Stephen Wyatt | Jean-François Fortier | Garth Greskiw | Martin Hébert | Solange Nadeau David Natcher | Peggy Smith | Ron Trosper La collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière au Canada : une relation dynamique

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RAPPORT SUR L’ÉTAT DES CONNAISSANCES

Stephen Wyatt | Jean-François Fortier | Garth Greskiw | Martin Hébert | Solange Nadeau David Natcher | Peggy Smith | Ron Trosper

La collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière au Canada : une relation dynamique

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RAPPORT SUR L’ÉTAT DES CONNAISSANCES

La collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière au Canada : une relation dynamique

Stephen Wyatt, Faculté de foresterie, Université de Moncton Jean-François Fortier, Département de sociologie, Université LavalGarth Greskiw, Faculty of Forestry, Université de la Colombie-BritanniqueMartin Hébert, Département d’anthropologie, Université LavalSolange Nadeau, Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêtsDavid Natcher, Indigenous Land Management Institute, Université de la SaskatchewanPeggy Smith, Faculty of Natural Resources Management, Université LakeheadRon Trosper, Faculty of Forestry, Université de la Colombie-Britannique

En collaboration avecLuc Bouthillier, Faculté de foresterie, géographie et géomatique, Université LavalMuhammad Israr, Faculty of Forestry, Université de la Colombie-BritanniqueDesneiges Larose, Faculty of Natural Resources Management, Université LakeheadAndrew Miller, Natural Resources Institute, Université du ManitobaShyla O’Donnell, Ministère des Ressources naturelles, Nouveau-BrunswickLeanna Parker, Faculty of Native Studies, Université de l’AlbertaDelphine Théberge, Département d’anthropologie, Université Laval

2010

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© 2010, Réseau de gestion durable des forêts*

*S. Nadeau © 2010 Sa Majesté la Reine du chef du Canada, Ressources naturelles Canada / Service canadien des forêts et Réseau de gestion durable des forêts

Cette publication peut être reproduite en tout ou en partie à des fins non commerciales sans autorisation, sous réserve d’une mention complète de la source. La reproduction de cette publication en tout ou en partie à toute autre fin, y compris la vente ou la distribution commerciale, exige une autorisation écrite préalable du Réseau de gestion durable des forêts.

La valeur ou la pérennité des renseignements ou liens contenus dans la présente publication ne font l’objet d’aucune garantie explicite ou implicite.

Les opinions, conclusions et recommandations exprimées dans la présente publication sont celles de leurs auteurs et ne doivent pas être interprétées comme étant celles du Réseau de gestion durable des forêts.

Référence : Wyatt, S., J.-F. Fortier, G. Greskiw, M. Hébert, S. Nadeau, D. Natcher, P. Smith et R. Trosper. 2010. La collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière au Canada : une relation dynamique. Rapport sur l’état des connaissances. 84 p. Traduit de l’anglais, titre original : Collaboration between Aboriginal peoples and the Canadian forestry industry : a dynamic relationship. Réseau de gestion durable des forêts, Edmonton, Alberta.

Pour une version électronique du présent rapport, visitez le site Web du Réseau de Gestion durable des forêts à http://sfmnetwork.ca. Les copies imprimées sont disponibles gratuitement jusqu’à épuisement des stocks.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

La collaboration entre les autochtones et l’industrie forestière au Canada : une relation dynamique : rapport sur l’état des connaissances / Stephen Wyatt ... [et al.].

Traduction de: Collaboration between Aboriginal peoples and the Canadian forest industry. Comprend des réf. bibliogr. Genre de fichier informatique: Monographie électronique en format PDF. Également publ. en version imprimée. ISBN 978-1-55261-252-1

1. Forêts--Gestion--Canada. 2. Politique forestière--Canada. 3. Autochtones--Titres de propriété--Canada. 4. Autochtones--Terres--Canada. 5. Foresterie durable--Canada. I. Wyatt, Stephen, 1963- II. Réseau de gestion durable des forêts

SD145.C6514 2010a 333.75089’97071 C2010-907075-5

Traduction Anne-Marie Pilon

Conception graphique www.c3design.ca

Impression Priority Printing Ltd.

Imprimé au Canada

This publication is also available in English

Imprimé en mars 2011

Photographie Couverture avant (de haut en bas) : • Stephen Wyatt • Stephen Wyatt • Stephen Wyatt

Arrière-plan : • Archives du RGDF

Couverture arrière : • Archives du RGDF

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Le programme de l’état des connaissances a été lancé par le Réseau de gestion durable des forêts (RGDF) pour tirer profit du trésor de connaissances et d’idées que les gens ont accumulé et publié au cours de plus d’une décennie de recherches. L’objectif était de créer une base de connaissances actualisée sur laquelle des politiques, des pratiques et des recherches futures pourront être bâties. Le programme a appuyé des groupes de chercheurs qui collaboraient avec des experts des organismes partenaires du RGDF pour examiner la littérature scientifique et rassembler les avis des experts sur les enjeux importants pour l’aménagement forestier canadien. Les thèmes prioritaires du programme ont été suggérés par les partenaires du réseau en consultation avec les responsables des thèmes de recherche. Dans le cadre du programme de l’état des connaissances, chaque équipe a choisi une approche adaptée à son sujet. Les projets ont exigé un grand nombre de groupes de travail, de consultations, d’examens de documents publiés et inédits, de synthèses et d’activités de rédaction. Le résultat est une série de rapports qui, nous l’espérons, serviront à la création de nouvelles politiques et pratiques et aideront à orienter les recherches futures.

Le programme de l’état des connaissances a permis de démontrer clairement quels sont les défis à affronter pour produire un examen objectif de la littérature publiée et pour saisir l’essence des réflexions des experts orientées vers l’avenir. Nous tenons à exprimer notre gratitude aux divers chercheurs, auteurs, rédacteurs et réviseurs, ainsi qu’à l’équipe de production de cette publication, pour avoir investi leur temps et leurs talents dans ce programme et l’avoir mené à bien.

Jim Fyles Fraser Dunn Directeur scientifique Président du conseil d’administration

Avant-propos

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Le présent rapport sur l’état des connaissances a pu être réalisé essentiellement grâce à la coopération d’un grand nombre de personnes et de groupes qui préconisent la collaboration entre les Autochtones et les intervenants de l’industrie forestière au Canada. Soulignons particulièrement l’apport capital des participants aux divers ateliers et réunions qui ont eu lieu dans le cadre du projet : à Québec en mars 2008, à Ottawa en juin 2008, à Saskatoon en janvier 2009 et au cours de deux webinaires. Le Programme forestier des Premières Nations du Québec et le Indigenous Land Management Institute de l’Université de la Saskatchewan ont fourni une aide inestimable pour l’organisation de ces ateliers. Nous exprimons notre gratitude au Réseau de gestion durable des forêts pour son aide financière, ainsi qu’au Service canadien des forêts qui a fourni l’espace et les ressources de travail pour la réalisation du projet. Nous tenons également à souligner l’apport de nos partenaires, tant ceux qui ont participé aux premières phases du projet que ceux qui ont cheminé avec nous. Chez les Autochtones, nous saluons les Premières Nations associées au Traité n°8 de l’Alberta (Treaty Eight First Nations of Alberta) l’Association nationale de foresterie autochtone, la Confederacy of Mainland Mi’kmaq (Nouvelle-Écosse), le Grand Conseil des Cris / l’Administration régionale crie, Eeyou Istchee (Québec) et l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador. Dans l’industrie forestière, nos partenaires sont Daishowa-Marubeni International Ltd., Tolko Industries Ltd. et l’Association des produits forestiers du Canada. Les gouvernements et ministères suivants ont également contribué au projet : Ressources naturelles Canada, le gouvernement de l’Alberta, le gouvernement du Québec et le Ministère des Ressources naturelles du Nouveau-Brunswick. Le temps et le soutien matériel que nous ont fourni nos divers hôtes ont été déterminants pour le fonctionnement de l’équipe. Nous remercions tout spécialement Magdalena Burgess de l’Université McGill pour son travail remarquable de révision et d’amélioration du document. Enfin, nous reconnaissons le rôle vital que les Autochtones ont joué depuis des millénaires en rapport avec le territoire forestier. Nous espérons que ce rapport contribuera à préserver ce legs.

Remerciements

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Table des matières

3 Avant-propos

4 Remerciements

7 Résumé

9 1.0 Introduction 9 1.1 Enjeux et objectifs

10 1.2 Terminologie : pour bien se comprendre

11 1.3 Contexte politique

11 1.4 Aspects juridiques

12 1.5 Méthodologie

15 2.0 Constats15 2.1 Qu’est-ce qui incite les Autochtones et l’industrie à établir et à entretenir des relations?

17 2.2 Différentes parties, différents objectifs

17 2.3 Approches de collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière

24 2.4 Arrangements collaboratifs au Canada

26 2.5 Repenser la collaboration : des leçons tirées de l’expérience

27 2.6 Résultats de la collaboration : bâtir différentes formes de capital

29 2.7 Un processus qui établit la collaboration

31 3.0 Répercussions et recommandations31 3.1 Répercussions pour le leadership et les communautés autochtones

31 3.2 Répercussions pour les gestionnaires de l’industrie forestière

32 3.3 Répercussions pour les gouvernements et les décideurs

33 3.4 Répercussions pour les chercheurs

35 4.0 Conclusions

37 5.0 Références citées

45 Annexes47 1 Contexte politique : aspects historiques et juridiques

51 2 Méthodologie

55 3 Facteurs déterminant la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière

57 4 Pratiques et politiques en matière de collaboration au Canada57 a. Aperçu par province et territoire66 b. Arrangements collaboratifs multiples68 c. Comparaison de la recherche et de la pratique en matière de collaboration

69 5 Harmonisation des intérêts des Autochtones et de l’industrie au Québec

71 6 Repenser la collaboration : métasynthèse et leçons apprises

70 7 Résultats de la collaboration et capital

81 8 Bâtir la collaboration

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Figures

23 Figure 1. Formes de collaboration 27 Figure 2. La collaboration peut aider à bâtir différentes formes de capital30 Figure 3. Modèle de processus pour bâtir une collaboration

Tableaux

12 Tableau 1. Arrêts de la Cour suprême du Canada en matière de droits autochtones18 Tableau 2. Traités, accords et protocoles d’entente 19 Tableau 3. Participation des Autochtones à la planification, à l’aménagement et à la cartographie de l’utilisation du territoire forestier 20 Tableau 4. Influence des Autochtones sur le processus décisionnel : formes, degrés et contextes21 Tableau 5. Types de tenures forestières détenues par les peuples autochtones 22 Tableau 6. Économie et commerce en foresterie : rôles et activités des Autochtones 24 Tableau 7. Fréquence du recours aux différentes formes de collaboration par les communautés autochtones67 Tableau 8. Occurrence de multiples arrangements collaboratifs 68 Tableau 9. Proportion d’études portant sur chaque forme de collaboration

Encadrés

12 Encadré 1. L’obligation de consulter et d’accommoder16 Encadré 2. Objectifs visés par les différentes parties dans les ententes de collaboration26 Encadré 3. Quelques leçons importantes70 Encadré 4. Éléments d’une harmonisation réussie : les Atikamekw de Wemotaci77 Encadré 5. Métasynthèse : méthodologie et sources d’information

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Au cours des dernières décennies, l’utilisation du territoire forestier a trop souvent été source de conflits entre les Autochtones et l’industrie forestière au Canada. Bien que ces conflits aient parfois mené à la confrontation et dégénéré en violence, ils ont également permis la conclusion d’ententes inédites de collaboration entre les deux parties. Ces ententes peuvent paver la voie à des avantages économiques tant pour l’industrie que pour les communautés autochtones, ainsi qu’à la création de systèmes de tenures forestières plus équitables et de mécanismes de gestion coopérative permettant aux Autochtones de jouer un rôle actif dans le processus d’aménagement forestier.

Dans le présent rapport, nous examinons les diverses expériences vécues en ce domaine au Canada et tentons de présenter un aperçu intégré de la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière au Canada. Nous avons passé en revue plus de 250 études, consigné des expériences de collaboration et répertorié les ententes collaboratives conclues dans 482 communautés autochtones au Canada.

Dans ce rapport, nous avons adopté une définition assez large du terme « collaboration » afin d’inclure une grande variété de situations où ces groupes travaillent ensemble pour tirer certains avantages des activités forestières. Voici les grandes lignes de nos résultats et observations sur la collaboration entre les Autochtones et les compagnies forestières :

1) La collaboration est motivée par les droits des Autochtones, les politiques et autres facteurs. Les facteurs menant à la collaboration varient selon les endroits et peuvent également changer avec le temps. Les ententes qui répondent adéquatement aux besoins d’une situation aujourd’hui pourraient ne pas convenir à une autre situation ou à un autre moment.

2) La collaboration peut et doit prendre différentes formes. Nous avons cerné cinq grandes approches de collaboration et bon nombre de sous-catégories. Les communautés autochtones et les compagnies forestières doivent choisir la ou les formes répondant le mieux à leurs besoins. Nous suggérons aux responsables de consulter la figure 1 (page ..) pour déterminer les types d’entente qu’ils ont actuellement.

3) La collaboration doit répondre à différents besoins et correspondre à divers intérêts. Les compagnies forestières, les peuples autochtones et les gouvernements ont des intérêts qui leur sont propres. Les parties peuvent effectivement s’entendre sur des objectifs communs ou sur des objectifs différents mais compatibles, et elles devront négocier lorsqu’il y aura des objectifs incompatibles.

4) Les résultats de la collaboration aident à bâtir du capital, mais ils doivent être pris en compte de manière équilibrée. Les ententes fructueuses peuvent contribuer à construire différents types de capital : économique, naturel, social, humain et culturel ou institutionnel. Comme chacun de ces types de capital ne présente pas la même importance pour toutes les parties, il faut équilibrer les résultats de la collaboration pour que chaque groupe en tire parti.

Résumé

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5) La collaboration n’est pas un processus spontané, il faut la bâtir. La collaboration est un processus, illustré à la figure 3 (page 30). Ainsi, elle ne se résume pas à un simple modèle à appliquer : elle est plutôt une occasion d’apprentissage et de croissance.

6) La collaboration requiert la participation des gouvernements – et de la souplesse. Les gouvernements jouent un rôle essentiel pour faciliter la collaboration entre les peuples autochtones et l’industrie forestière. Les représentants des deux groupes consultés dans le cadre de notre projet ont laissé entendre que les gouvernements fédéral et provinciaux n’avaient pas pris leurs responsabilités, surtout en ce qui a trait à la résolution des questions touchant les droits et le titre ancestral des Autochtones, ainsi qu’à la consultation et aux accommodements. Des politiques et programmes gouvernementaux souples permettront aux parties de conclure des ententes de collaboration qui correspondent à leurs intérêts.

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1.1 Enjeux et objectifs

Depuis 30 ans, les peuples autochtones jouent un rôle de plus en plus important dans l’aménagement des forêts au Canada. Plusieurs facteurs et processus y ont contribué : jugements des tribunaux précisant les droits des Autochtones, politiques gouvernementales, initiatives de l’industrie et nouvelles idées en matière de foresterie. De nombreuses approches variées ont ainsi été élaborées.

Cette évolution ne s’est pas faite sans heurt, toutefois. Les réussites et les percées ont été accompagnées de conflits et de mésententes. Les protestations, les démêlés devant les tribunaux et les blocages de chemins forestiers se poursuivent. Pour bon nombre d’Autochtones, réussir à participer aux destinées de la forêt est synonyme de longues batailles devant les tribunaux, autour des tables de négociation et sur le terrain. Pour les compagnies forestières, les exigences et les attentes des Autochtones sont souvent considérées comme des coûts supplémentaires ou des entraves. Enfin, les gouvernements se trouvent parfois confrontés à des responsabilités contradictoires, avec d’une part, la protection des droits des Autochtones et des traités, et d’autre part, les obligations qu’ils ont envers les compagnies forestières et l’ensemble des citoyens.

À mesure que les nouvelles ententes de collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières se sont multipliées, les chercheurs se sont penchés sur les relations entre les deux parties, ainsi que le rôle que pourraient jouer les Autochtones dans l’aménagement du territoire forestier. Le Réseau de gestion durable des forêts (RGDF) a joué un rôle important à ce titre en soutenant la recherche sur les

moyens de créer et d’entretenir des liens plus efficaces entre les Autochtones, les compagnies forestières et les gouvernements. Le réseau a appuyé d’importantes études et revues sur les relations entre ces trois parties. De plus, comme il a dû faire appel aux Autochtones pour réaliser ces travaux, le réseau a permis de faire en sorte que les points de vue des Autochtones trans-paraissent dans les résultats.

Ce projet et ce rapport sur l’état des connaissances visent à revoir les enjeux et approches actuels en matière de collaboration, à réfléchir sur les leçons apprises et à en préciser les conséquences sur les pratiques et les politiques, à la lumière d’un examen approfondi de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas dans diverses situations, et des raisons pour lesquelles cela fonctionne ou non. Nous avons établi plusieurs objectifs spécifiques :• Constituer une base de données sur les travaux

de recherche réalisés et l’expérience accumulée en rapport avec la description des aspects de la collabora tion entre l’industrie forestière et les peuples Autochtones;

• Explorer les liens entre différents facteurs de la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière par l’analyse des résultats d’études;

• Élaborer un cadre de travail pour préciser l’utilité des différentes techniques et options de politiques visant à établir des relations entre les Autochtones, l’industrie et le gouvernement;

• Préciser les retombées pour les responsables et les communautés autochtones, l’industrie forestière, les décideurs et les chercheurs; et

• Diffuser les résultats de ce travail aux parties intéressées.

1.0 Introduction

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Selon nous, les approches de collaboration et d’harmo-nisation entre groupes autochtones (habituellement Premières Nations et Métis) et les compagnies forestières doivent tenir compte d’une variété d’enjeux, porter sur une grande diversité de cas et exprimer une vaste gamme de points de vue. Nous avons adopté une définition assez large de « collaboration » afin d’inclure presque tous les cas où les peuples autochtones et les compagnies forestières ont donné un caractère formel à une relation en vue de travailler ensemble à l’aménagement et à la coupe de territoires forestiers au Canada. Nous espérons que cette analyse contribuera à établir de meilleures relations entre les peuples autochtones, les compagnies forestières et les gouverne-ments et qu’elle aidera les peuples autochtones à faire valoir leurs droits et à prendre leurs responsabilités en rapport avec le territoire forestier au Canada.

1.2 Terminologie : pour bien se comprendre

Pendant ce projet, nous avons dû veiller à bien comprendre et utiliser plusieurs termes qui portent souvent à confusion tant chez les chercheurs que les praticiens en foresterie.

Les peuples autochtones (ou les Autochtones) comprennent les Premières Nations1, les Métis et les Inuits, tel que précisé dans la Loi constitutionnelle de 1982. Bien que les Premières Nations soient les principaux partenaires de cette collaboration Autochtones-industrie forestière, les Métis s’y taillent une place non négligeable et les Inuits jouent des rôles importants localement au Labrador et dans les Territoires du Nord-Ouest. Le nom Autochtones décrit les membres de cette population, tandis que le terme communautés autochtones décrit individuellement les bandes et les nations, les villages, les réserves et les autres groupes organisés formés d’Autochtones, et leur gouvernement.

Territoire forestier est le terme généralement utilisé dans ce rapport pour désigner la forêt. Ce faisant, nous voulons souligner l’importance du territoire et des écosystèmes qui s’y trouvent, ainsi que les valeurs humaines et le sens du lieu qui y sont associés.

Foresterie et secteur forestier sont des termes utilisés dans un sens large pour décrire une variété de pratiques et d’activités économiques qui ont lieu sur un territoire forestier.

La compagnie forestière est l’entreprise qui s’occupe de la récolte et de la transformation des produits forestiers. Il s’agit habituellement, mais non exclusive-ment, de sociétés privées qui transforment le bois coupé en bois d’œuvre, en papier et en produits composites. Bien que nous utilisions ce terme dans un sens général, chaque entreprise possède ses propres objectifs et modes de fonctionnement. Nous employons également le terme industrie forestière pour décrire l’ensemble des compagnies œuvrant dans le secteur forestier.

Nous utilisons le terme « collaboration » pour désigner une multitude de modalités au moyen desquelles les peuples autochtones et les compagnies forestières travaillent de concert.

Nous avons convenu d’utiliser le terme « collaboration » pour décrire l’action de participer à une œuvre avec d’autres (Larousse)2. Nous utilisons ce terme pour décrire la multitude de modalités au moyen desquelles les peuples autochtones et les compagnies forestières travaillent de concert.

Collaboration (TRADUCTION) « mise en commun des appréciations et/ou des ressources tangibles (comme l’information, l’argent, le travail) par deux ou plusieurs intervenants pour résoudre des problèmes que nul ne peut résoudre par lui-même ».

Gray (1985, p. 912), cité dans Selin et Chavez (1995)

Ce terme générique signifie néanmoins que les deux parties contribuent à la relation et qu’elles s’attendent toutes deux à en tirer certains avantages. Le mot collaboration n’a pas la spécificité des autres termes

1 Bien que, dans la Loi constitutionnelle de 1982, le terme « peuples autochtones » décrive les « Indiens », les « Inuits » et les « Métis », nous utiliserons le terme « Premières Nations » au lieu d’« Indiens » pour nous conformer à l’usage courant.

2 Le Larousse en ligne offre également une autre définition : « politique de coopération active avec un occupant ennemi ».

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qui sont employés pour décrire les relations positives qui existent entre les peuples autochtones et les compagnies forestières, comme consultation, cogestion, partenariat, engagement et coopération.

Nous avons généralement évité le terme harmonisation, qui possède une signification particulière au Québec (voir annexe 5), mais qui est utilisé autrement ailleurs au Canada. Selon un participant à un atelier, [TRADUCTION] « Harmonisation » est un terme qui ajoute peu à un lexique déjà étoffé.

Le terme conciliation est de plus en plus employé tant dans les énoncés de politiques que dans les jugements. Dans la décision rendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique au sujet des Tsilquot’in, il est mentionné (en anglais) que la conciliation est un processus et qu’elle vise à restaurer l’harmonie entre des personnes ou des entités qui étaient en conflit.

1.3 Contexte politique

Les rapports entre les Autochtones et la foresterie reposent sur deux groupes distincts de politiques gouvernementales. Bien que le gouvernement fédéral joue un rôle essentiel dans l’orientation des enjeux relatifs aux peuples autochtones, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont également des obligations. L’aménagement et l’utilisation des forêts relèvent principalement des provinces : chacune gère les ressources forestières sur la plupart des terres publiques. Elles autorisent les compagnies privées à effectuer la coupe et la transformation, et leur imposent des règlements et des droits de coupe. (Bref aperçu historique à l’annexe 1.)

Depuis les années 1960, par des négociations politiques, des protestations publiques et des poursuites devant les tribunaux, les peuples autochtones tentent d’obtenir une meilleure reconnaissance de leurs droits et d’accroître leur autonomie. Cela inclut la reconnaissance de leurs droits à l’égard du territoire forestier déjà attribué aux compagnies forestières, une situation qui relève à la fois du gouvernement fédéral (responsable des Autochtones) et des autorités provinciales (responsables des terres et des forêts). Pendant ce temps,

le secteur forestier canadien vit des changements profonds en ce qui a trait à l’aménagement des forêts, l’objectif de cet aménagement et le choix des décideurs.

Cet environnement complexe et changeant a donné lieu à une grande diversité d’ententes collaboratives – ainsi qu’à de nombreux conflits et divergences d’opinion. Encourager la collaboration tout en évitant les conflits stériles ou destructeurs continue d’être un défi pour les peuples autochtones et l’industrie forestière au Canada.

1.4 Aspects juridiques

Les questions juridiques et relatives aux droits qui concernent la participation des Autochtones au secteur forestier portent généralement sur l’accès au territoire et aux ressources. Ces enjeux sont complexifiés par les lois constitutionnelles, qui confèrent aux provinces le droit de gérer les terres et les ressources naturelles sur leur territoire, alors que le palier fédéral a la responsabilité des Premières Nations et des territoires qui leur sont « réservés ».

Les droits des Autochtones – et les obligations des gouvernements et de l’industrie – ont des répercussions importantes sur les relations entre les Autochtones et l’industrie, ainsi que sur l’aménagement du territoire forestier en général.

Avant les années 1970, les droits des peuples autochtones au Canada ont rarement fait l’objet d’interprétation juridique. Une percée est survenue en 1973 avec l’arrêt3 Calder4 de la Cour suprême du Canada, qui reconnaissait que les Nisga’a étaient propriétaires de leurs terres ou qu’ils avaient un « titre ancestral » en absence d’entente entre les peuples autochtones et la Couronne. Cette cause a également mené à des discussions sur la signification de la

3 NdlT : « Arrêt » est le terme spécifiquement utilisé pour désigner une décision rendue par la Cour suprême du Canada.4 Les cas cités sont présentés à la section 5.1.

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Tableau 1. Arrêts de la Cour suprême du Canada en matière de droits autochtones

Calder 1973 Reconnaissance du titre ancestral.

Sparrow 1990 Clarification de la portée des droits ancestraux

Van der Peet 1996 Droits conférés par l’utilisation historique

Delgamuukw 1997 Titre ancestral, obligation de consulter, preuve orale, composante économique

Marshall 1999 Droit de s’assurer une subsistance convenable

Powley 2003 Reconnaissance des droits de chasse des Métis

Haïda 2004 Obligation pour la Couronne de consulter et d’accommoder, clarification des responsabilités de l’industrie

Taku River Tlingit 2004 Consultation et accommodement; la volonté de répondre aux préoccupations est un élément clé.

Mikisew 2005 L’obligation de consulter et d’accommoder s’applique aux traités historiques.

Sappier, Gray 2006 Droit de couper du bois pour usage personnel

Morris 2006 Les lois provinciales ne peuvent pas significativement porter atteinte aux droits issus de traités.

L’obligation de consulter et d’accommoder

Il y a obligation légale de consulter et d’accommoder les peuples autochtones avant que survienne tout développement susceptible de nuire aux droits ancestraux. Cette obligation s’applique dès que la Couronne prend connaissance de l’existence d’un droit ou d’un titre potentiel. Cela peut comprendre l’utilisation par les Autochtones de territoires non visés par des traités spécifiques ou des ententes relatives à des revendications territoriales. Toute violation des droits ancestraux et des droits issus de traités doit être justifiée, par exemple par un objectif législatif régulier (voir annexe 1).

La décision rendue au sujet du peuple Haïda en 2004 précise que l’obligation de consulter et d’accommoder incombe à la Couronne. Le peuple Haïda a poursuivi la province de la Colombie-Britannique ainsi que Weyer-haeuser, une compagnie forestière, pour avoir omis de les consulter sur le transfert d’un permis entre deux compagnies. Dans l’arrêt Haïda (2004), les juges ont déclaré que les tierces parties, comme une compagnie forestière, ne pouvaient être tenues responsables de l’omission par la Couronne de consulter et d’accommoder, mais ils n’ont pas entièrement absout la compagnie en ce qui concerne sa responsabilité de protéger les droits ancestraux et les droits issus de traités.

En fait, lorsque les provinces octroient à une compagnie forestière un permis de coupe sur des terres publiques, elles délèguent certaines de leurs responsabilités d’aménagement forestier aux détenteurs du permis. Cela peut inclure certaines responsabilités comme répondre aux préoccupations des Autochtones en matière d’aménagement forestier. Si la Couronne ne s’est pas acquittée de son obligation de consulter et d’accommoder, les compagnies peuvent en subir les conséquences. S’il n’y a pas de négociation entre la Couronne et les peuples autochtones, l’industrie peut se trouver obligée d’exercer des pressions sur la Couronne pour entre-prendre des négociations avec les communautés autochtones et de tenter de résoudre les questions d’accommodation sans l’assistance de la Couronne.

ENCADRÉ 1

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propriété des terres chez les Autochtones du Canada, incluant ceux qui avaient signé des traités dans le passé et ceux qui avaient conclu des ententes relatives aux revendications territoriales globales.

La loi constitutionnelle de 1982 reconnaissait et affirmait les droits existants des Autochtones et les droits issus de traités conclus avec les Autochtones du Canada. Plusieurs décisions importantes rendues par les tribunaux ont aidé à définir et à préciser les droits des Autochtones au cours des dernières décennies (voir ci-dessous le tableau 1 et, en fin de document, l’annexe 1).

Il incombe à la Couronne, tant fédérale que provinciale, de faire respecter les droits ancestraux, alors que le fardeau de prouver l’existence de ces droits revient aux peuples autochtones. Ces droits et responsabilités ont des conséquences importantes pour l’aménagement du territoire forestier et des opérations forestières, ainsi que pour les relations entre les Autochtones et l’industrie.

Par exemple, il y a obligation légale de consulter et d’accommoder les peuples autochtones avant tout développement susceptible de nuire aux droits ancestraux (encadré 1). L’obligation s’applique dès que la Couronne connaît l’existence d’un droit ou d’un titre potentiel – et on pourrait arguer que l’ensemble du Canada est soumis à un droit ancestral, sous quelle que forme qu’il se présente. La Cour suprême du Canada a déclaré que l’obligation de consulter doit mener à la conciliation. Dans les faits, ce n’est pas toujours évident.

Bien que les tribunaux aient émis quelques lignes directrices claires concernant des relations plus respectueuses entre la Couronne et les peuples autochtones, il reste à ces deux parties d’harmoniser leurs attentes : d’une part, les peuples autochtones sont souvent insatisfaits des processus établis par les tribunaux ou les gouvernements pour accommoder leurs intérêts, et d’autre part, le secteur privé doit parfois négocier ses propres obligations tant avec la Couronne qu’avec les peuples autochtones.

1.5 Méthodologie

Le projet comprend quatre activités :

• Constituer une base de données des expériences décrites dans la littérature scientifique et les rapports;

• Répertorier les expériences de collaboration dans les communautés autochtones au pays;

• Analyser les documents sélectionnés au moyen d’une métasynthèse;

• Organiser des ateliers réunissant des praticiens, des décideurs et des chercheurs.

Nos sources comprenaient un vaste éventail de publications et de documents non publiés, ainsi que les expériences personnelles des participants ou d’autres personnes. Souvent, les experts et les praticiens apportent des points de vue et des explications qui ne se trouvent pas dans les documents, et leur expérience peut s’appliquer à d’autres situations. Nos décrivons notre démarche et la méthodologie en détail en annexes 2 et 6.

Les experts et les praticiens sont souvent en mesure d’apporter des points de vue et des explications qui ne figurent pas dans les documents.

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Constats2.02.1 Qu’est-ce qui incite les Autochtones

et l’industrie à établir et à entretenir des relations?

La collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières a évolué constamment dans les trente dernières années, se manifestant sous une grande diversité de formes. Cette évolution résulte entre autres des décisions rendues par les tribunaux décrites à la section 1.4, ainsi que des changements apportés aux politiques gouvernementales et aux objectifs des parties en cause. Nous avons relevé certains facteurs déterminants (à droite) des relations entre les Autochtones et l’industrie, que nous élaborons à l’annexe 3.

Différents facteurs déterminants peuvent mener à diverses formes de collaboration.

Bien que tous ces facteurs puissent inciter les parties à collaborer, ils traduisent également les différences d’intérêts et de priorités qui existent entre elles. En conséquence, différents facteurs peuvent mener à diverses formes de collaboration. De plus, comme ces facteurs ne s’harmonisent pas toujours entre eux, il peut exister des situations où deux ou plusieurs de ces facteurs s’opposent (p. ex. des groupes environne-mentaux qui utilisent le processus de consultation pour s’opposer à ce que les Autochtones coupent du bois; la reconnaissance des droits qui s’opposent aux

propositions de tenures forestières). Ainsi, chaque partie doit examiner les effets relatifs de chaque facteur sur sa situation et sur chacune des propositions de collaboration.

PRINCIPAUX FACTEURS DÉTERMINANTS

• La reconnaissance et la définition des droits ancestraux ont incité les gouvernements et autres acteurs à adopter de nouvelles approches.

• Bon nombre de peuples autochtones veulent jouer un plus grand rôle dans la gestion de leurs propres affaires. Leur participation aux décisions et activités du secteur forestier peut contribuer à leur autonomie grâce aux retombées économiques et/ou à leur influence accrue sur l’utilisation du territoire traditionnel.

• Les notions de foresterie durable et les processus de certification ouvrent de nouvelles avenues et constituent des éléments motivateurs nouveaux, tout comme la participation accrue du public à la foresterie.

• L’industrie forestière tient à disposer d’une main-d’œuvre adéquate, surtout en régions éloignées et dans le Nord.

• Les changements apportés aux modes de tenures forestières peuvent ouvrir de nouveaux débouchés.

• Les innovations et les nouvelles technologies en planification et en aménagement des forêts peuvent aider les gestionnaires à mieux répondre aux préoccupations des Autochtones.

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Objectifs visés par les différentes parties dans les ententes de collaboration

Objectifs visés par les peuples autochtones

• Obtenir une reconnaissance de leurs droits sur le territoire forestier et exercer ces droits et les responsabilités qui en découlent.

• Avoir accès au territoire traditionnel et aux ressources afin de préserver leur identité culturelle et de participer aux divers aspects de l’économie contemporaine.

• Partager les retombées du développement économique du territoire forestier (p. ex. par les revenus, l’emploi et le développement commercial).

• Obtenir l’habilitation, l’autonomie et l’autodétermination (notamment par la gouvernance et l’accommodation des institutions autochtones).

• Exercer de l’influence, voire un certain contrôle sur l’aménagement du territoire forestier (surtout pour protéger les valeurs, les sites et l’utilisation du territoire).

• Appliquer et actualiser les connaissances ancestrales concernant le territoire forestier, tant pour les pratiques traditionnelles que pour l’aménagement contemporain.

• Parfaire les compétences et élargir l’expérience en aménagement contemporain du territoire forestier.

Objectifs de l’industrie forestière

• Établir des relations harmonieuses afin de s’assurer un accès aux ressources ligneuses et d’éviter les conflits.

• Améliorer le rendement économique (court terme) et la viabilité économique (long terme) en réduisant au minimum les coûts et en continuant à faire des profits.

• Faire preuve de responsabilité sociale et préserver l’appui du public.

• Respecter les règlements et politiques gouvernementales ainsi que les programmes de conformité volontaire (p. ex. certification) et donner la preuve de cette conformité.

• Améliorer les pratiques d’aménagement forestier en intégrant les valeurs et les connaissances des Autochtones.

• Accroître le bassin de main-d’œuvre dans le secteur forestier.

Objectifs des gouvernements

• Promouvoir le développement économique pour soutenir l’emploi, répondre aux besoins sociaux et générer des revenus pour les gouvernements.

• Veiller à ce que l’industrie forestière au Canada demeure concurrentielle à l’échelle mondiale.

• Encourager l’aménagement durable des forêts, surtout pour les avantages que la population peut tirer des forêts publiques.

• Tenir compte des demandes faites par chacun des multiples intervenants sur le territoire forestier; éviter les conflits.

• Respecter les obligations constitutionnelles consistant à reconnaître et à faire respecter les droits ancestraux et les droits issus de traités et maintenir l’honneur de la Couronne.

• Encourager la protection des valeurs environnementales, de l’habitat de la faune, de la biodiversité ainsi que des valeurs sociales et culturelles.

ENCADRÉ 2

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2.2 Différentes parties, différents objectifs

En général, la collaboration sera fructueuse dans la mesure où chaque intervenant est capable de reconnaître et de comprendre les intérêts et les objectifs de l’autre. Si les intérêts convergent ou, au moins s’ils ne sont pas en conflit, les parties devraient pouvoir s’entendre sur les objectifs de l’entente. Par contre, si les intérêts sont en conflit, chacune des parties doit déterminer quels objectifs sont les plus importants pour elle et lesquels peuvent être atteints dans le contexte.

La réussite d’une collaboration repose souvent sur la capacité de chaque participant à reconnaître et à comprendre les intérêts et les objectifs de l’autre.

Chaque partie a ses propres intérêts, objectifs et attentes à l’égard de l’entente, comme il est écrit à l’encadré 2. (La liste d’objectifs a été établie d’après la littérature et les discussions qui ont eu lieu au cours de deux ateliers)5. Bien que ce rapport porte surtout sur la collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières, les participants aux ateliers ont souligné le fait que les politiques gouvernementales établissent le contexte et le cadre de travail de la collaboration et que, par conséquent, il faut aussi tenir compte des intérêts et des objectifs des gouvernements.

Il faut préciser que les intérêts et les objectifs des parties évoluent avec le temps. La situation ou les capacités d’une partie peuvent changer, de nouvelles idées peuvent jaillir, de nouvelles pratiques peuvent être mises au point ailleurs, et des politiques ou autres acteurs peuvent ouvrir de nouvelles avenues. Puisque les objectifs et les intérêts ne sont pas figés, ils doivent ainsi être revus à intervalles réguliers.

Comme les intérêts et les objectifs des parties évoluent avec le temps, ils doivent être revus à intervalles réguliers.

2.3 Approches de collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière

Au Canada, la collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières se présente sous des formes très variées. Dans la présente section, nous tentons de décrire cette diversité en examinant les arrangements institutionnels (mécanismes) et les résultats souhaités.

Nous avons ainsi cerné cinq principales approches de collaboration6 :• traités, accords et protocoles d’entente, qui constituent

le cadre de travail permettant la réalisation des arrangements de collaboration;

• participation à la planification et à l’aménagement du territoire forestier;

• influence sur le processus décisionnel, notamment par des consultations;

• tenures forestières;• activités économiques telles que commerces

et partenariats.

Le renforcement des capacités constitue une sixième approche, essentielle au succès de chacune des cinq autres. Considérée seule, elle a cependant moins de valeur.

Toutefois, dans les faits, il n’est pas toujours évident de distinguer une approche de l’autre. Par exemple, les tenures sont souvent liées aux activités économiques, alors que les accords peuvent permettre d’établir des modalités de consultation ou de définir des rôles pour la planification de l’aménagement. De plus, le renforcement des capacités représente un aspect important de toutes les approches. Néanmoins, toutes ne permettent pas également d’obtenir les résultats visés. Le fait de connaître la gamme d’options et de saisir les différences entre elles peut aider les Autochtones, les compagnies forestières et les gouvernements à déterminer le meilleur moyen de répondre aux besoins de chaque partie.

Bon nombre de communautés autochtones entre-prennent de front plusieurs approches et/ou ententes collaboratives différentes généralement adaptées aux

5 Vu le peu de participation des intervenants des gouvernements et de l’industrie à ces ateliers, les objectifs décrits ici sont tirés de la littérature et de l’apport des participants autochtones et des chercheurs.

6 Ces notions sont décrites en détail dans Wyatt et coll. (2009).

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besoins et aux objectifs de chaque partie (voir section 2.2). De nombreux arrangements sont ainsi spécifiques d’une situation ou d’une communauté. Pour chaque situation et pour chaque communauté, les compagnies forestières et les gouvernements devraient recourir à la combinaison d’arrangements susceptible de mieux répondre aux besoins de chaque partie. Il n’y a pas de recette universelle qui s’applique directement à chaque situation.

Dans cette section, nous présentons chacune de ces grandes approches à l’aide d’un tableau décrivant différentes formes d’arrangements collaboratifs. Ces tableaux traduisent généralement le degré de contrôle et de responsabilité qu’ont les Autochtones – du plus élevé (haut du tableau) au plus faible (bas du tableau). Nous indiquons également pour chaque forme de collaboration le ou les groupe(s) qu’elle intéresse le plus : Autochtones (Aut), organismes gouvernementaux (Gouv) ou compagnies forestières (Indust).

2.3.1 Traités, accords et protocoles d’entente

Depuis longtemps, les traités et les accords servent à établir un cadre formel de travail dans les relations entre les peuples autochtones, les gouvernements et les compagnies. Bien que souvent considérés comme des arrangements entre différents secteurs ou paliers gouvernementaux, ils englobent également les protocoles d’entente et les accords avec les entreprises.

De tels arrangements visent généralement à préciser les droits de chaque partie et à établir les modalités de collaboration.

Il faut aussi souligner l’importance du degré de transfert de pouvoir aux autorités autochtones, qui peut varier depuis des règlements détaillés qui accordent aux peuples autochtones de vastes pouvoirs en matière d’autonomie et d’aménagement du territoire (p. ex. l’accord conclu avec les Nisga’a en Colombie-Britannique, Rynard 2000) jusqu’aux protocoles d’entente, comme pour la protection des lieux de chasse pendant les activités de coupe (tableau 2).

Les traités et les accords de niveau plus élevé établissent les bases des autres démarches, mais ils contribuent rarement de manière directe à l’emploi ou aux revenus des Autochtones. Les protocoles d’entente et autres accords spécifiques similaires qui sont conclus entre les peuples autochtones et une ou plusieurs compagnies forestières ou autres entités n’établissent pas des droits territoriaux, mais peuvent définir les modalités de la collaboration sur divers enjeux. Il arrive souvent que de tels arrangements résultent de négociations ou de procès visant le partage des pouvoirs et des responsabilités entre gouvernements, peuples autochtones et compagnies forestières.

Tableau 2. Traités, accords et protocoles d’entente

Traités et règlements globaux Les nations autochtones exercent leur autonomie, elles gèrent l’accès au territoire et aux ressources et elles peuvent en encadrer l’utilisation par les autres. Aut & Gouv

Ententes sur l’aménagement La prise de décisions et l’aménagement relèvent à la fois des peuples autochtones et du territoire et des ressources des gouvernements ou des compagnies. Aut, Gouv & Indust

Accords et protocoles d’entente Ce sont des conventions visant à définir les enjeux d’accès ou de prise de décisions spécifiques du secteur forestier dans un secteur donné, comme la foresterie. Aut, Gouv & Indust

Protocoles d’entente portant sur Ce sont des ententes portant sur une situation spécifique comme les pratiques de des cas ou des situations spécifiques chasse ou la coupe dans une région donnée. Aut, Gouv & Indust

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2.3.2 Participation des Autochtones à la planification, à l’aménagement et à la cartographie de l’occupation du territoire forestier

La gestion des activités sur les territoires traditionnels représente un objectif important pour de nombreux peuples autochtones. Ces activités peuvent comprendre les pratiques traditionnelles, l’aménagement des ressources ou le développement commercial des ressources naturelles. Cependant, la majeure partie du territoire forestier au Canada relève d’organismes gouvernementaux ou de compagnies privées auxquelles le gouvernement a octroyé des droits de coupe et d’aménagement. Les peuples autochtones souhaitant jouer un rôle dans l’aménagement du territoire forestier doivent négocier avec les organismes provinciaux ou même les compagnies forestières pour déterminer la portée de leur rôle.

Le degré de supervision qu’un peuple autochtone possède sur les activités d’aménagement forestier varie (tableau 3). Le plein exercice représente un idéal pour

la plupart des communautés, mais il est rare dans les faits. Les connaissances autochtones traditionnelles peuvent servir dans toutes les formes de collaboration, plus spécifiquement, par exemple, les études sur l’utilisation et/ou la cartographie du territoire7. Toutefois, le pouvoir des Autochtones est réduit lorsque leur rôle se limite à fournir de l’information (p. ex. à des gestionnaires non autochtones), sans autres responsabilités de planification ou d’aménagement.

La gestion des activités sur les territoires traditionnels représente un objectif important pour de nombreux peuples autochtones. Ceux-ci peuvent atteindre cet objectif par des négociations avec les organismes provinciaux et les entreprises privées.

Tableau 3. Participation des Autochtones à la planification, à l’aménagement et à la cartographie de l’utilisation du territoire forestier

Planification de l’occupation du territoire Gestion du territoire par les Autochtones, incluant établissement d’objectifs, et aménagement du territoire institutions et décisions relatives aux activités. Aut, Gouv & Indust

Planification complète Planification par les Autochtones en fonction de leurs objectifs, valeurs et connaissances, et définition des droits d’utilisation du territoire par les autres utilisateurs. Aut, Gouv & Indust

Planification partielle Réalisation par les Autochtones de certaines tâches de planification, sous la supervision d’un gestionnaire non autochtone. Aut & Indust, peut-être Gouv

Activités d’aménagement Diverses activités conformes au plan d’aménagement forestier élaboré par un gestionnaire non autochtone. Aut & Indust, peut-être Gouv

Études et cartes de l’utilisation et Cartographie et documentation des connaissances et de l’occupation du de l’occupation du territoire par l territoire contribuant à la planification de l’aménagement. Aut, Gouv & Industes Autochtones

Documentation et/ou partage des Études restreintes des connaissances autochtones susceptibles d’avoir peu connaissances traditionnelles d’incidence sur la protection des valeurs des Autochtones dans les activités de gestion. Aut, Gouv & Indust

7 Pour une discussion détaillée des études sur le rôle de l’occupation et de l’utilisation du territoire par les Autochtones dans l’aménagement des forêts, consultez le rapport de Wyatt et coll. 2010a.

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2.3.3 Influence sur la prise de décisions en aménagement forestier

Au Canada, les gouvernements ont choisi d’établir une variété de processus de consultation qui permettent aux peuples autochtones d’influer sur les décisions relatives à l’aménagement forestier. Cette approche est différente de la précédente (participation des Autochtones à l’aménagement) car elle considère d’emblée que les gouvernements et/ou les compagnies forestières continueront d’être responsables de l’aménagement du territoire forestier.

L’influence exercée sur la prise de décisions, également appelée « consultation » ou « participation », peut se manifester sous une grande variété de formes, notamment celles qui ont été décrites pour d’autres approches (voir Beckley et coll. 2006). Un élément essentiel est le degré de pouvoir ou d’influence qu’une communauté autochtone possède sur les décisions finales (voir Berkes et coll. 1991), qui varie du plein pouvoir décisionnel jusqu’à la simple transmission d’information (tableau 4). Nous incluons la cogestion ici plutôt que dans l’approche précédente pour souligner la distinction entre le rôle décisionnel des arrangements de cogestion et l’aspect

mise en œuvre de l’aménagement forestier. (Discussion plus approfondie de la cogestion à l’annexe 6ii.)

Alors que les processus de « consultation » gagnent en popularité, les peuples autochtones insistent sur le fait que la consultation doit être plus qu’une formalité : elle doit porter fruits. Les processus doivent permettre aux Autochtones de participer véritablement et à parts égales, et doivent mener à la prise de décisions qui respectent leur point de vue (ANFA 2000, Ross et Smith 2003). Il faut également reconnaître que l’attribution officielle des pouvoirs ne confère pas toujours une véritable influence sur la prise de décisions. Ainsi, un comité consultatif à l’esprit ouvert serait susceptible de mieux répondre aux préoccupations des Autochtones qu’un conseil officiel de cogestion doté d’un mandat très strict.

Enfin, nous constatons qu’il y a différents contextes pour la prise de décisions selon la portée de celles-ci, les institutions et les autorités en cause. Les discussions sur les droits territoriaux se déroulent dans un contexte de politiques et doivent faire appel à des négociateurs chevronnés, tandis que les contestations relatives aux lignes directrices de coupe relèvent du domaine de l’exploitation et doivent généralement être réglées par des professionnels en foresterie de chaque partie.

Tableau 4. Influence des Autochtones sur le processus décisionnel : formes, degrés et contextes

Formes et degrés d’influence sur le processus décisionnel

Autonomie Les nations autochtones ont les pleins pouvoirs dans les processus décisionnels, qu’elles peuvent exercer par des règles et des institutions coutumières. Aut & Gouv

Délégation d’autorité L’autorité en matière de prise de décisions est déléguée à une nation autochtone en vertu d’un cadre de travail établi par le gouvernement. Aut & Gouv

Processus décisionnels conjoints Les décisions sont prises conjointement par les Autochtones et les autres et comités de cogestion intervenants. La représentation est habituellement paritaire. Aut & Gouv, parfois Ind

Tables rondes consultatives Les Autochtones et les autres intervenants participent aux discussions sans prendre multipartites de décisions. Aut, Gouv & Indust

Partage d’information Les gestionnaires et les communautés autochtones partagent l’information sur les propositions, les préoccupations et les activités. Aut, Gouv & Indust

Transmission d’information Les gestionnaires transmettent l’information au sujet de leurs plans et de leurs activités. Les peuples autochtones peuvent formuler des commentaires. Aut, Gouv & Indust

Contextes de processus décisionnels

Élaboration de politiques Élaboration de politiques gouvernementales et influences sur celles-ci; définition du cadre de travail et de la portée des activités de gestion. Aut & Gouv

Planification Planification de l’aménagement à moyen terme; zonage et détermination des activités permises. Aut, Gouv & Indust

Gestion des activités Mise en œuvre des plans d’aménagement et administration quotidienne des activités. Aut & Indust

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2.3.4 Tenures forestières8

Longtemps octroyées aux compagnies forestières, les tenures forestières sont désormais accordées par les autorités provinciales aux nations et aux organismes autochtones qui souhaitent obtenir le droit de mener des activités de coupe ou jouer un rôle actif dans l’aménagement des forêts publiques. La plupart des tenures existent d’abord pour la récolte de la matière ligneuse, mais elles peuvent aussi avoir comme raison d’être les produits forestiers non ligneux (PFNL) ou même la compensation en fixation du carbone. Il faut noter que les systèmes de tenures sont régis par les cadres juridiques des responsabilités gouvernementales à l’égard des ressources naturelles.

L’Association nationale de foresterie autochtone (ANFA) a examiné la portée des tenures détenues par les Premières Nations au pays et les a classées en quatre groupes, correspondant à une allocation totale de près de 12 millions de m3 par année (Brubacher 2003, 2007). Nous élargissons cette classification en y ajoutant quatre groupes supplémentaires (tableau 5). Elles varient en fonction de leur principale raison d’être et du degré de participation des peuples autochtones à la planification et à l’aménagement. (Discussion récente dans Vertinsky et Luckert [2010]).

Tableau 5. Types de tenures forestières détenues par les peuples autochtones

Terres gérées par les Autochtones Les peuples autochtones détiennent les droits et responsabilités d’aménagement en vertu de traités ou de lois. Aut & Gouv

Tenures forestières conçues Les droits et responsabilités sont délégués par les gouvernements en vertu de par ou avec des groupes autochtones systèmes établis par ou avec les peuples autochtones. Aut & Gouvet détenues par ceux-ci

Fiducies Le titre est délégué à un fiduciaire qui aménage le territoire pour des bénéficiaires autochtones en vue d’atteindre des buts spécifiques. Aut & Gouv

À long terme, fondées sur Droits et responsabilités à long terme pour la coupe et/ou l’aménagement; territoire la superficie ANFA classe 1 défini; grande échelle. Aut & Gouv

Volume important Droits à long terme de récolter un certain volume de matière ligneuse; possibilité de ANFA classe 2 responsabilités en aménagement. Aut & Gouv, peut-être Indust

Court terme / entreprise Attribution à court terme, généralement pour un volume spécifié de matière ANFA classe 3 ligneuse, à une communauté autochtone ou à une entreprise. Aut, Gouv & Indust

Mineure et spéciale En général, permis à court terme pour récolter des produits spécifiés à des ANFA classe 4 conditions strictes (incl. bois de chauffage, PFNL). Aut, Gouv & Indust

Nouvelles tenures inédites Contrôle et gestion d’utilisations innovatrices de la forêt, p. ex. biodiversité, compensation en fixation de carbone, écoservices, PFNL. Aut & Gouv

8 Le terme tenure forestière décrit les permis, règlements et accords que les gouvernements utilisent pour définir les droits et les obligations des parties qui souhaitent mener des activités de coupe dans les forêts publiques (Ross et Smith 2002).

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2.3.5 Rôles et activités économiques et commerciales

Pour bon nombre de peuples autochtones, l’industrie forestière offre des occasions de revenus (pour les individus et pour les communautés), de développement économique, d’autonomie politique, d’emploi et de possibilité d’aménager le territoire forestier. Wilson et Graham (2005) ont estimé à environ 1500 le nombre d’entreprises autochtones en foresterie au Canada en 2002 – ce nombre a certainement augmenté depuis9. Les tenures forestières (approche précédente) sont souvent considérées comme jouant un rôle économique,

mais nous avons constaté que certaines communautés ont mis en place des partenariats économiques à grande échelle sans pour autant détenir de tenure, alors que d’autres obtiennent une tenure qu’ils sous-traitent ensuite à des non-Autochtones. Les diverses activités possibles figurent au tableau 6; chacune d’elles est assortie d’exigences très différentes en matière de ressources humaines, financières et matérielles. (Voir annexe 6iii pour en savoir davantage sur le rôle du développement économique.)

Les entreprises autochtones peuvent adopter diverses structures, p. ex. entreprises individuelles, entreprises

Tableau 6. Économie et commerce en foresterie : rôles et activités des Autochtones

Transformations primaire Usines de transformation des produits forestiers comme les scieries et les et secondaire papetières, produits à valeur ajoutée et PFNL. Aut, Gouv & Indust

Activités de planification Services spécialisés d’aménagement, généralement à contrats, comme les forestière inventaires, la planification et les évaluations communautaires. Aut & Indust

Aménagement et opérations Activités opérationnelles, généralement à contrats, comme la construction de forestières chemins, l’exploitation forestière et la surveillance. Aut, Gouv & Indust

Opérations sylvicoles et plantation, Activités exigeantes en main-d’œuvre, généralement à contrats, comme la la coupe protection des forêts d’éclaircie, la remise en état et la lutte contre les incendies. Aut, Gouv & Indust

Ententes relatives à l’emploi Ententes entre les communautés et les compagnies ou les organismes pour l’emploi et à la formation d’Autochtones, incluant souvent la formation. Aut & Indust

Ententes relatives aux revenus Ententes visant le paiement de redevances ou de droits de coupe, ou le partage des et au partage des profits profits de la part soit du gouvernement, soit des compagnies. Aut, Gouv & Indust

Coûts d’accès Paiements nécessaires pour accéder aux ressources, incluant les répercussions et avantages et l’indemnisation. Aut, Gouv & Indust

Débouchés indirects Services mécaniques, transport, exploitation des campements forestiers, etc. Aut & Indust

Produits forestiers Écotourisme, crédits de carbone et/ou compensation en fixation du carbone, non ligneux (PFNL) services environnementaux, commercialisation des PFNL. Aut, Gouv & Indust

Formes d’entreprises

Entreprise sans but lucratif Organisation locale qui redistribue les profits à une communauté autochtone. appartenant à la nation ou à la communauté

Entreprises, partenariats Organisations commerciales gérées par des Autochtones, individuellement coopératives autochtones ou et collectivement.

Coentreprises détenues par Contrôle de l’entreprise habituellement déterminé par la participation des Autochtones et (possession d’actions). des non-Autochtones

9 Voir également Trosper et coll. (2007) et Hickey et Nelson (2005) pour l’analyse des facteurs qui influent sur la participation des Autochtones à l’industrie forestière au Canada.

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communautaires et coentreprises avec des groupes non autochtones. Les avantages économiques, les profits et le renforcement des capacités sont des objectifs communs à toutes les parties. Toutefois, le rôle économique que jouent les Autochtones leur permet rarement de participer à la prise de décisions en matière d’aménagement forestier, ou de proposer des solutions de rechange aux pratiques habituelles de l’industrie forestière (Curran et M’Gonigle 1999, Wyatt 2004). Le rôle économique le plus approprié sera choisi en fonction de la situation locale, des ressources disponibles, des tenures forestières et surtout, de la volonté des compagnies forestières en place d’accepter et d’accueillir de nouveaux acteurs dans leur secteur d’activités.

2.3.6 Renforcement des capacités

Souvent, les communautés autochtones ne disposent pas du personnel qualifié et expérimenté essentiel aux différentes formes de collaboration, surtout aux niveaux plus élevés. À leur tour, les compagnies forestières et les gouvernements ont rarement le personnel capable d’interagir efficacement avec les peuples autochtones. Des programmes soigneusement conçus et mis en œuvre peuvent contribuer à

améliorer ces capacités. Au Canada, il existe de nombreux programmes du genre, souvent financés par les gouvernements fédéral ou provinciaux, mais qui font également appel aux compagnies forestières et aux groupes du secteur d’activités. Les programmes de formation ne peuvent pas être considérés comme une forme de collaboration s’ils sont pris isolément, mais ils le peuvent lorsqu’ils sont liés à une occasion d’appliquer ces compétences. Selon Stevenson et Perrault (2008), les grandes questions du renforcement des capacités sont : pour quoi? et pour qui? La participation à des ententes de collaboration peut en soi aider chaque partie à acquérir ces capacités (voir section 2.6).

2.3.7 Quelles formes de collaboration utilisez-vous?

La figure 1 intègre nos diverses approches et les formes de collaboration, selon les tableaux précédents. Nous invitons les responsables et les gestionnaires de chacune des trois parties à repérer les formes de collaboration qu’ils utilisent. La figure devrait également permettre de cerner les résultats possibles et d’envisager d’autres formes de collaboration pour obtenir d’autres résultats.

Traités, accords, protocoles d’entente

Renforcement des capacités

Aménagement et planification

Influence sur la prise de décisions

Tenures forestières

Rôles économiques

Traités

Accords

Protocoles d’entente – secteur

Protocoles d’entente – cas

Autochtone

Global

Planification

Activités

Cartes de l’utilisation du territoire

Études sur les connaissances traditionnelles

Autonomie

Délégation d’autorité

Cogestion

Tables de consultation

Échange d’information

Transmission d’information

Territoires autochtones

Tenure autochtone

Fiducies

ANFA classe 1

ANFA classe 2

ANFA classe 3

ANFA classe 4

Émergentes

Transform. primaireTransform. secondairePlanif. forestièreOp. forestièresSylvicultureEmploiPartage des revenusCoûts d’accèsIndirectPFNL

Figure 1 . Formes de collaboration

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2.4 Arrangements collaboratifs au Canada

La collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières peut prendre de multiples formes, dont la distribution varie selon les régions. Pour évaluer l’étendue de cette variété sur le terrain, nous avons répertorié les arrangements collaboratifs conclus dans 482 communautés autochtones de toutes les provinces et territoires, sauf au Nunavut. Nous avons ainsi pu examiner la fréquence de pratique des diverses approches et les relier aux politiques et programmes mis en place dans chaque province.

Cette liste repose principalement sur des sources secondaires : les rapports des Autochtones et des gouvernements, les sites Web, la littérature scientifique et d’autres documents. L’information a été complétée par des spécialistes en la matière, notamment des

représentants de divers groupes autochtones et du gouvernement (comme ceux du Programme forestier des Premières nations) et un certain nombre de chercheurs universitaires. Il est important de souligner qu’il est pratiquement impossible de répertorier la totalité des cas et que certains n’ont pas été pris en compte. Par exemple, comme il y a peu d’information sur la participation des Métis en foresterie, il est vraisemblable que ce groupe est sous-représenté dans notre liste.

Le tableau 7 présente la fréquence relative des diverses formes de collaboration dans les 482 communautés autochtones. Malheureusement, nous n’avons pas obtenu de données précises pour toutes les communautés autochtones des régions forestières de la Colombie-Britannique. Par conséquent, deux approches collaboratives (planification, aménagement

Tableau 7. Fréquence du recours aux différentes formes de collaboration par les communautés autochtones1

FNORMES DE COLLABORATION

Traités, Economic Nombre de accords et Études sur Influence sur Rôles et PROVINCE OU TERRITOIRE communautés protocoles l’utilisation la prise de Tenures partenariats répertoriées d’entente du territoire1 décisions1 forestières économiques

Colombie-Britannique 164 93 % (153) nd nd 98 % (160) 74 % (122)

Alberta 44 34 % (15) 43 % (19) 52 % (23) 18 % (8) 59 % (26)

Saskatchewan 39 28 % (11) 46 % (18) 49 % (19) 44 % (17) 54 % (21)

Manitoba 50 56 % (28) 50 % (25) 18 % (9) 46 % (23) 12 % (6)

Ontario 81 23 % (19) 17 % (14) 33 % (27) 33 % (27) 62 % (50)

Québec 32 59 % (19) 41 % (13) 88 % (28) 38 % (12) 72 % (23)

Nouveau-Brunswick 15 0 13 % (2) 0 100 % (15) 100 % (15)

Île-du-Prince-Édouard 2 0 0 0 0 100 % (2)

Nouvelle-Écosse 14 43 % (6) 79 % (11) 43 % (6) 7 % (1) 100 % (14)

Terre-Neuve et Labrador 4 50 % (2) 50 % (2) 75 % (3) 75 % (3) 50 % (2)

Yukon 10 90 % (9) 100 % (10) 100 % (10) 90 % (9) 10 % (1)

Territoires du Nord-Ouest 27 100 % (27) 7 % (2) 0 37 % (10) 0

Total (sauf CB) 318 43 % (136) 36 % (116) 39 % (125) 39 % (125) 50 % (160)

Total (avec CB) 482 60 % (289) 59 % (285) 58 % (282)

1 Dans les faits, ces chiffres pourraient être notablement plus élevés (voir texte). nd Les données relatives à la Colombie-Britannique n’étaient pas suffisantes pour que nous puissions classer deux de ces formes de

collaboration.

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et études sur l’utilisation du territoire; et influence sur la prise de décisions) ont été exclues des résultats pour cette province. Comme bon nombre de communautés pratiquent plus d’une forme de collaboration, les totaux obtenus pour une ligne donnée peuvent être supérieurs à 100 %. La situation de chaque province ou territoire est décrite à l’annexe 4, avec les principaux éléments de politique.

Les trois approches pour lesquelles nous avons de l’information de toutes les provinces sont adoptées à des fréquences similaires de 58 % à 60 % par toutes les communautés répertoriées. Des trois, les traités et arrangements officiels portant sur l’utilisation du territoire forestier sont un peu plus souvent utilisés, soit par 60 % des communautés (289). Toutefois, cette proportion chute à 43 % lorsque la Colombie-Britannique est exclue du compte. Nous n’avons pas tenu compte de l’adhésion officielle à des traités historiques, mais nous avons inclus les nouveaux traités, comme ceux conclus avec les Nisga’a et les Cris de la Baie James, ainsi que les accords sur l’aménagement et l’utilisation du territoire. Les traités et les accords sont particulièrement nombreux en Colombie-Britannique, les territoires et le Québec, ce qui traduit l’intérêt à l’égard de ces formes de collaboration pour la résolution des revendications territoriales. Dans les autres provinces où des traités historiques ont été conclus, les nouvelles formes d’accords sont moins fréquentes.

Les tenures détenues par des Autochtones suivent de très près en deuxième place (59 % de communautés répertoriées ou 285). En troisième place, les rôles économiques, les contrats et les partenariats entre un groupe d’Autochtones et une compagnie forestière, dans 58 % des communautés (282). Il est intéressant de souligner que cette approche est la forme de colla-boration la plus fréquemment adoptée dans l’ensemble des provinces et des territoires, si la Colombie-Britannique est exclue. Les tenures et la participation économique sont deux approches souvent préconisées par les politiques gouvernementales et peuvent apporter des avantages immédiats tant aux communautés autochtones qu’aux compagnies, sans mettre en question la responsabilité gouvernementale à l’égard du territoire forestier. Bien que l’octroi en sous-traitance des activités de sylviculture et de coupe représente les formes d’arrangement économique les plus courantes,

certaines communautés possèdent la totalité ou une partie des usines de transformation du bois.

L’influence sur la prise de décisions et les études de l’utilisation du territoire sont un peu moins fréquentes, étant adoptées par 39 % et 36 % des communautés (à l’exclusion de la Colombie-Britannique, par manque d’information cohérente). Toutefois, comme les deux catégories sont particulièrement difficiles à identifier, il est possible que les fréquences réelles soient notablement plus élevées. Vu que l’influence, ou consultation, se présente sous une grande variété de formes, nous avons tenté de restreindre cette catégorie aux processus plus complexes que le simple échange d’information. Les arrangements pour l’aménagement peuvent également se présenter sous de multiples formes : il est donc difficile de les évaluer à l’aide de données secondaires.

Plus des deux tiers des communautés étudiées pratiquent plus d’une forme de collaboration, et près de la moitié, plus de deux. En fait, notre liste sous-estime probablement l’ampleur des collaborations multiples. Par exemple, nous avons dénombré un seul cas d’arrangements différents de la même approche (étude de l’utilisation du territoire et rôle en aménagement) et nous n’avons pas tenu compte des arrangements passés (comme une coentreprise qui n’a pas fonctionné). L’adoption de plusieurs formes de collaboration aide effectivement toutes les parties à réaliser une gamme d’objectifs, mais elle signifie également que la demande de ressources plutôt rares sera accrue, surtout pour les communautés autochtones. La question des multiples arrangements collaboratifs est approfondie à l’annexe 4b.

Enfin, nous avons examiné le nombre d’études qui ont été entreprises sur chaque approche de collaboration et l’avons comparé à la fréquence que nous avons obtenue pour ces approches. Cette analyse montre que les tendances observées dans les études et les projets de recherche ne traduisent pas fidèlement le recours aux arrangements de collaboration dans la pratique. La collaboration économique et les tenures forestières sont particulièrement sous-représentées en recherche, malgré qu’elles soient les approches collaboratives les plus largement utilisées. Des détails à ce sujet sont présentés à l’annexe 4c.

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2.5 Repenser la collaboration : des leçons tirées de l’expérience

Les relations entre les peuples autochtones et les compagnies forestières au Canada évoluent constam-ment. C’est pourquoi nous devons revoir notre point de vue et notre manière de saisir cette relation. En trente ans de collaboration, il y a eu des réussites et des échecs. Bien que certains modèles fonctionnent mieux que d’autre dans certains contextes, le respect strict d’une ou de plusieurs formes de collaboration représente un piège potentiel.

Carlsson et Berkes (2005) considèrent que l’aménage-ment des ressources naturelles réalisé en collaboration est voué à l’échec s’il émerge d’un cadre imposé. Bon nombre de nouvelles initiatives consistent à reproduire les modèles existants, plutôt que de les adapter à des contextes changeants. Il est beaucoup trop facile d’adopter un point de vue selon lequel la relation entre peuples autochtones et compagnies forestières ne peut être abordée qu’en fonction d’un certain cadre de partenariat commercial ou de processus de consultation.

Nous avons effectué une métasynthèse pour dépasser le simple résumé des expériences et des études existantes. Nous cherchions non pas à proposer un nouveau cadre

(ou un meilleur piège), mais à mieux comprendre les mécanismes qui font en sorte qu’une collaboration fonctionne dans certains contextes. Les communautés devront toujours élaborer leurs propres arrangements de collaboration. La métasynthèse peut offrir une meilleure compréhension des résultats provenant d’études isolées, et proposer de nouvelles explications par l’analyse et la synthèse des résultats. L’annexe 6 offre une discussion plus détaillée de ce travail, qui a été effectué au moyen d’un logiciel spécialement conçu pour l’analyse qualitative.

Trois grands thèmes ont été traités dans notre métasynthèse. Dans l’analyse et la discussion (annexe 6), chaque thème est réinterprété d’une manière subtile-ment différente de son application habituelle au Canada :

• Le recours aux connaissances autochtones et scientifiques en aménagement forestier ne se limite pas à la manière de consigner et d’utiliser les connaissances des Autochtones. Il s’agit plutôt de comprendre et de respecter les rapports entre les connaissances (tant autochtones que scientifiques) et les personnes qui détiennent ce savoir et la forêt.

• La cogestion est souvent présentée comme un arrangement institutionnel pour le partage de

Quelques leçons importantes

La communication respectueuse aide chaque partie à comprendre d’autres points de vue et à apprécier les connaissances, l’expérience et les valeurs de l’autre.

Les droits, le pouvoir et les différences dans la vision du monde et les connaissances doivent être considérés clairement et équitablement. Pour y parvenir, les parties doivent négocier les processus et les normes qui assur-eront le respect des intérêts de chacun.

Les structures institutionnelles doivent être souples pour s’adapter à la complexité et au changement. Égale-ment, l’absence d’institution est susceptible d’offrir un espace permettant aux parties d’établir leurs propres modes de collaboration.

Apprendre par l’action semble ici particulièrement approprié; mettre en place des activités de collaboration, réfléchir aux résultats et tirer parti des résultats (tant les bons que les moins bons).

Les participants doivent définir clairement les buts, comprendre comment les atteindre et fixer des indicateurs de réussite (ou d’échec) pour le suivi et l’évaluation.

ENCADRÉ 3

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l’aménagement des ressources naturelles, mais elle est davantage considérée comme un processus d’apprentissage social visant à régir l’utilisation de ces ressources par l’humain.

• Le développement économique n’est pas simplement synonyme d’améliorer l’emploi et d’accroître les revenus d’entreprises. Il s’agit plutôt d’une évolution soutenue vers des objectifs communautaires, une capacité accrue et de meilleures relations.

Notre approche nous a permis de cerner cinq enjeux communs qui s’appliquent aux thèmes décrits ci-dessus (encadré 3).

Ces enjeux s’appliquent au-delà des simples arrangements ou cas, et nous permettent d’avoir une vue d’ensemble de la collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières. Ils ont également contribué à l’élaboration de notre approche, qui vise à installer la collaboration entre les parties (voir section 2.7).

2.6 Résultats de la collaboration : bâtir différentes formes de capital

Les arrangements de collaboration peuvent apporter une grande variété de résultats. L’importance relative de chacun dépendra des buts et des préférences de chaque partenaire. Au départ, nous les décrivions simplement comme des résultats, mais les participants d’un atelier tenu à Ottawa en juin 2008 ont proposé que la collaboration soit considérée comme un moyen de bâtir ou de réduire un capital. Le choix du mot « capital » est expliqué à l’annexe 7. Nous suggérons que la collaboration puisse contribuer aux cinq grands types de capital suivants (figure 2).

Le capital économique inclut argent et revenus, mais il signifie aussi emploi et débouchés commerciaux. Le capital économique ne se limite pas à l’économie monétaire ou à l’économie de marché : il comprend également l’économie de subsistance ou les économies naturelles. La plupart des arrangements collaboratifs ont parmi leurs principaux objectifs la création de capital économique.

Figure 2. La collaboration peut aider à bâtir différentes formes de capital.

CollaborationAutochtones - industrie

Capital économiqueRevenuEmploi

Formation

Capital institutionnelRenforcement des capacités

Systèmes et processus

Capital culturel et humainConnaissances et compétences

Coutumes, valeurs et identitéLeadership

Capital socialRelations et coopération

Confiance

Capital naturelBiodiversité

FauneÉtat de la forêt

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Le capital naturel couvre une vaste gamme de biens et de services provenant de l’environnement, comme la biodiversité, la faune, les sols, l’eau, les forêts et l’intégrité des processus écologiques. Berkes et Folke (2002, p.6) ont défini trois grands types de capital naturel : ressources non renouvelables, ressources renouvelables et écoservices assurés par le fonction-nement des écosystèmes. L’échelle est un élément important à prendre en compte dans le capital naturel : des mesures qui peuvent être avantageuses à grande échelle (comme planter davantage d’arbres) pourraient grandement diminuer le capital écologique à plus petite échelle (comme la biodiversité ou la qualité de l’eau).

Pour les peuples autochtones, le capital social correspond à la force des relations sociales coopératives d’une communauté. Cela inclut à la fois les relations au sein d’une communauté et les relations de celle-ci avec l’extérieur. Les mesures prises par les gouvernements et l’industrie pour appuyer et fonder des communautés, ainsi que par la société à différents niveaux peuvent également contribuer à bâtir le capital social. Woolcock (2001, p.72) distingue trois grandes formes de capital social : celui qui crée et renforce les relations au sein des communautés (bonding), celui qui relie entre elles des communautés dont le volume global et/ou la composition en capital sont similaires (bridging), et celui qui crée des liens entre groupes dont le volume global et/ou la composition en capital diffèrent (linking). Le degré de confiance entre partenaires, thème récurrent depuis quelque temps dans les ateliers, peut être vu comme un indicateur important du capital social (Coleman 1990 dans Berkes et Folke 2002, p.6).

Le capital culturel comprend les formes de connais-sances, compétences ou dispositions culturelles (Johnson 1993, p.7). Pour les peuples autochtones, ce type de capital englobe les connaissances du territoire et de ses utilisations, le leadership, les coutumes, les valeurs et l’identité.

Le capital humain traite des compétences et des connaissances que les individus acquièrent par la scolarité et les apprentissages informels qui se font dans les familles et les communautés, ainsi qu’au travail (Coleman 1988).

Le capital institutionnel fait référence aux organisa-tions, aux structures sociales et aux règles que les acteurs mettent en place pour se gouverner (Ostrom

1990, p.190) et, plus particulièrement, au fait que ces organismes peuvent jouir d’un certain statut social (Pazzaglia et Margolis 2008, p.185). La légitimité des institutions et organisations n’est pas statique. À mesure qu’elle se bâtit, elle peut devenir une ressource en soi. Par conséquent, le capital institutionnel participe aussi bien de la création graduelle des arrangements institutionnels que de la valeur que les acteurs accordent à ces arrangements.

La réussite peut se définir comme une augmentation globale du capital pour tous les partenaires. Idéalement, le capital économique est produit, le capital naturel est préservé ou accru, les relations sociales de confiance sont établies, les connaissances sont acquises par tous les partenaires, et des institutions véritables sont bâties. En pratique, il est toutefois difficile de mesurer les différentes formes de capital, sauf leur utilité générale dans l’obtention des objectifs sociaux souhaités.

Le capital sous ses diverses formes est à la fois un résultat de la collaboration et une condition préalable à la réussite d’arrangements plus élaborés.

Au cours des ateliers, les participants de l’industrie forestière ont précisé que le capital est à la fois un résultat de la collaboration et une condition préalable à la réussite d’arrangements futurs plus élaborés. Ostrom (1990 190) souligne que la réussite du lancement d’institutions à petite échelle permet à un groupe de personnes de bâtir sur le capital social ainsi créé afin de résoudre des problèmes plus importants au moyen d’arrangements institutionnels de plus grande envergure et plus complexes. Par conséquent, il est avantageux de permettre aux partenaires de fixer des buts à court terme qui soient réalistes en cherchant à accroître une forme de capital qui sera essentielle à la réussite d’arrangements collaboratifs futurs qui, à leur tour, auront des retombées plus vastes sur l’ensemble des résultats.

Les parties à un tel arrangement n’attachent générale-ment pas la même importance aux différents résultats. Dans les ateliers, les participants de l’industrie

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mettaient l’accent sur les avantages à court terme de la collaboration, comme la création d’emploi et la formation (capital économique) et l’établissement de relations plus étroites (capital social). Les buts à court terme des participants autochtones étaient plus diversifiés, selon le contexte individuel : mieux faire reconnaître leurs valeurs et leurs connaissances (capital culturel), consolider les institutions traditionnelles (capital institutionnel) et générer des revenus pour la communauté (capital économique). Les deux groupes ont mentionné l’importance de préserver les écosystèmes, les valeurs environ nementales ou les processus naturels (capital naturel), mais à diverses échelles. La collaboration exigera probablement des compromis, que les parties devront négocier en temps opportun.

2.7 Un processus qui établit la collaboration

Les relations et la collaboration entre les Autochtones et les compagnies forestières ne sont pas statiques. Les intérêts partagés par les parties évoluent avec le temps, ce qui exige la réévaluation des arrangements collaboratifs à intervalles plus ou moins rapprochés. Les changements apportés aux politiques et aux programmes gouvernementaux, les décisions rendues récemment par les tribunaux, les conjonctures économiques et l’accroissement des capacités sont tous des facteurs qui contribuent à transformer le contexte de la foresterie. Ces changements feront en sorte que certains modèles de collaboration existants perdront de leur intérêt, alors que de nouvelles formes pourront être exploitées, même dans les domaines où les enjeux fondamentaux des droits ne sont pas encore résolus. De nouvelles formes de collaboration deviennent ainsi possibles et les visions et les objectifs sont revus.

Dans un tel contexte de changements, les peuples autochtones, en particulier, sont préoccupés par les modèles statiques de collaboration dans lesquels les participants seraient confinés à des rôles déterminés. Les structures de collaboration devraient pouvoir s’adapter à mesure que les capacités se renforcent et que leurs besoins changent.

Il semble prématuré d’établir l’« harmonie »  entre les peuples autochtones et l’industrie forestière comme but ultime, car une telle définition pourrait évoquer les inégalités actuelles entre les intervenants en ce qui concerne les droits et les ressources. Il faut des processus clairs, souples et constructifs qui procurent aux parties des résultats à court terme tout en abordant des enjeux fondamentaux et en établissant la confiance et les capacités pour l’avenir. De tels processus doivent être non pas linéaires, mais circulaires, pour qu’une expérience de collaboration (réussie ou non) pave la voie à une autre. Par conséquent, nous présentons le modèle suivant (figure 3) du processus visant à bâtir la collaboration.

Un processus de création de collaboration doit fournir des résultats à court terme tout en abordant des enjeux fondamentaux et en bâtissant des capacités pour l’avenir.

Toutes les étapes de ce processus ont une importance égale.

Chaque composante du processus est décrite en détail à l’annexe 8. Pour obtenir une collaboration fructueuse, il faut savoir que tous les éléments du processus ont la même importance. Des rapports officieux d’expériences particulières mettent souvent l’accent sur un ou deux éléments, comme la communication ou les mécanismes. Toutefois, des négociations officielles qui sont perçues comme équitables par tous les partenaires sont tout aussi importantes pour établir la confiance. Aussi, des arrangements collaboratifs qui n’apportent aucun résultat tangible à court ou à moyen termes ne sont pas susceptibles de perdurer. Enfin, le suivi, aussi bien en tant que composante formelle qu’informelle du processus, est essentiel à l’évolution d’une relation, car elle aide à préciser les rôles, les buts, les intérêts et les attentes de chaque partie, qui évoluent avec le temps.

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Figure 3. Modèle de processus pour bâtir une collaboration.

Résultats / capitalsocial, économique,

écologique, institutionnel, culturel

Institutions et processus

de mise en œuvre

CommunicationPréciser les objectifs,

intérêts et attentes

Négocier des intérêts contradictoires

Négocier des objectifs communs

Surveillance et suiviÉvaluation

et apprentissage

Contexte influant sur la relationHistoire, équilibre du pouvoir, politique et loi, économies, institutions en place, etc.

Dispositions nécessaires à la relationConfiance, écoute, respect, ouverture, patience, etc.

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Répercussions et recommandations

3.1 Répercussions pour le leadership et les communautés autochtones

Les Autochtones en position de leadership jouent un rôle critique dans la collaboration avec les compagnies forestières. Dans ce contexte, le leadership inclut non seulement les élus comme les chefs et les conseillers, mais aussi les experts (de la communauté ou non) qui peuvent offrir des avis et du soutien technique, les aînés et les membres de la communauté qui peuvent exprimer leurs besoins et formuler leur vision, ainsi que les entrepreneurs autochtones qui se trouvent souvent à l’avant-plan des arrangements collaboratifs.

Choisir parmi différentes formes de collaboration

Les peuples autochtones ont le choix d’une variété d’arrangements collaboratifs (section 2.3). La plupart des communautés ont des limites de temps, de capacité et de ressources financières et techniques, et doivent choisir la ou les formes de collaboration qu’elles peuvent se permettre d’entreprendre. Ces choix traduisent généralement les besoins, les priorités et la capacité de la communauté, ainsi que les possibilités offertes par les compagnies et les politiques gouvernementales. Les responsables doivent veiller à ce que ces choix s’harmonisent à la vision de la communauté pour son avenir.

Choix parmi de multiples formes de collaboration

Les communautés autochtones peuvent, et surtout devraient, adopter différents arrangements collaboratifs pour répondre

à des besoins différents. Bon nombre de communautés peuvent adopter plusieurs formes de collaboration simultanément. Il demeure toutefois important de s’assurer que cette diversité ne suscite pas de conflits internes.

Reconnaissance des droits et création d’espaces pour la collaboration

Le fait d’établir des droits, que ce soit par des traités, des négociations, des processus juridiques ou autres, aide à ouvrir des avenues pour que les Autochtones puissent négocier des arrangements collaboratifs qui répondent à leurs besoins. Toutefois, les droits à eux seuls ne fourniront pas les résultats souhaités par de nombreuses communautés en matière d’économie ou d’utilisation du territoire. La lutte pour les droits par des contestations judiciaires et des protestations directes s’est révélée efficace pour de nombreuses communautés, mais ces conflits peuvent devenir le creuset de tensions qui sapent la confiance de l’industrie forestière, ce qui complique la collaboration.

3.2 Répercussions pour les gestionnaires de l’industrie forestière

Les gestionnaires et les dirigeants de l’industrie forestière constituent le deuxième groupe important dans la collaboration entre Autochtones et l’industrie.

3.0

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Dans leur entreprise, ils sont souvent appelés à négocier avec les responsables autochtones à propos d’enjeux qui dépassent largement ceux qui ont trait au quotidien de la gestion de l’entreprise ou de l’aménage-ment forestier. Les grandes entreprises forestières du Canada sont en exploitation dans plus d’une province et doivent par conséquent composer avec diverses communautés dans le respect des règles et politiques provinciales.

Il faut choisir parmi différentes formes de collaboration

Les gestionnaires de l’industrie doivent choisir parmi une variété d’arrangements collaboratifs (section 2.3). Bien qu’au départ cette variété semble porter à confusion, elle permet aux gestionnaires de choisir celle qui correspond le mieux aux besoins locaux. Ils doivent tenir compte des besoins, des priorités et des capacités de la compagnie, des possibilités et des intérêts des communautés en cause et du cadre de travail établi par les politiques gouverne-mentales et autres facteurs, telle que la certification.

Une même compagnie peut recourir à diverses formes de collaboration

Les compagnies qui sont en exploitation dans plusieurs endroits doivent habituel-lement étudier une variété d’arrangements collaboratifs pour répondre aux besoins distincts de chaque communauté autochtone tout en respectant les exigences réglementaires et les politiques de chaque province. Les procédures mises en place dans chaque compagnie doivent permettre et encourager une telle diversité, plutôt que tenter d’établir un modèle unique.

Les intérêts des Autochtones ne se limitent pas à la foresterie

Ce sont les questions de revenus et d’emploi qui, souvent, incitent de nombreuses communautés autochtones à la collaboration, mais ce sont rarement leurs seuls intérêts. Les droits des Autochtones, le pouvoir décisionnel, l’accès au territoire, le bien-être ou la reconnaissance de la communauté

peuvent être tout aussi importants, voire plus. Bien qu’il soit souvent impossible pour les compagnies forestières d’aborder directement ces questions, les gestionnaires doivent être au fait de la signification de ces enjeux et de leurs répercussions potentielles sur la collaboration.

La collaboration est un investissement

L’établissement d’arrangements collaboratifs avec des communautés autochtones peut apporter divers avantages, notamment la réduction du nombre ou de l’ampleur des conflits, l’amélioration de l’accès à la matière ligneuse, de la main-d’œuvre, des apprentissages, la conformité aux lois et règlements et la responsabilité sociale de l’entreprise. Le temps, les efforts et les sommes consacrés à la collaboration doivent être considérés comme un investissement.

3.3 Répercussions pour les gouvernements et les décideurs

À l’origine, ce projet portait sur seulement deux groupes : l’industrie forestière et les peuples autochtones. Toutefois, la collaboration entre ces groupes ne saurait prendre forme sans le rôle des gouvernements. Ceux-ci ont des responsabilités précises à l’égard de la forêt, des peuples autochtones et de tout secteur commercial. Les politiques et les cadres réglementaires, les modes de tenures forestières, les programmes d’appui et d’encouragement, et même le cadre juridique commercial ont tous des répercussions importantes sur les modalités de la collaboration entre les Autochtones et l’industrie. Mais d’abord, les droits des Autochtones priment sur toutes les préoccupations des Autochtones et peuvent avoir des répercussions sur la foresterie en de nombreux endroits au Canada. Par conséquent, les gouvernements jouent un rôle essentiel dans l’encadrement de la collaboration.

La collaboration requiert la clarté en ce qui concerne les droits des Autochtones

Tant les participants de l’industrie que des peuples autochtones ont tenu à exprimer la perception que les gouvernements fédéral

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et provinciaux doivent faire davantage pour résoudre les questions en suspens au sujet des droits des Autochtones et de l’industrie pour le même territoire forestier. La résolu-tion des demandes de longue date formulées par les Autochtones pour la reconnaissance de leurs droits faciliterait la collaboration en permettant aux Autochtones et aux gestionnaires des compagnies forestières de négocier des enjeux plus spécifiques dans leur cadre de responsabilités.

Il n’existe pas de solution unique pour tous les cas en matière de collaboration

Il existe plusieurs formes de collaboration (section 2.3), mais les programmes gouvernementaux ne portent souvent que sur un seul modèle ou sur une initiative spécifique, comme encourager l’emploi des Autochtones dans le secteur forestier. Il faudrait que les politiques gouverne mentales soient souples et reconnaissent que la collaboration sera réussie dans la mesure où il existe une variété d’arrangements possibles qui répondent aux besoins des partenaires.

La collaboration exige des cadres politiques clairs

Presque toutes les formes de collaboration mentionnées dans ce rapport sont encadrées par des politiques gouvernementales. Les arrangements existants tels que les tenures forestières, les exigences en matière de consultation, les traités et les programmes de formation doivent être élargis et améliorés afin d’inclure d’autres initiatives élaborées par les peuples autochtones et les compagnies forestières.

Importance des exigences minimales pour la collaboration, et pièges qui y sont associés

Nombre de provinces établissent des exigences minimales pour la collaboration, comme la consultation ou une tenure. Bien que ces exigences soient avantageuses, les gouvernements devraient également encourager les arrangements innovateurs qui dépassent le cadre restreint de ces obligations.

La collaboration doit être encouragée par l’accès aux ressources

La capacité et les ressources sont problématiques pour bon nombre de communautés autochtones, tandis que les compagnies forestières et les organismes gouvernementaux manquent plutôt de personnel qualifié possédant les connaissances nécessaires pour appuyer la collaboration avec les peuples autochtones. Les carences de chacune des parties doivent être corrigées de manière précise et rapide, partout au pays.

3.4 Répercussions pour les chercheurs

À titre de chercheurs, les auteurs de ce rapport ont tiré un certain nombre leçons pour leurs travaux à venir. En particulier, la section 2.4 met en évidence les endroits où les travaux précédents ont été concentrés et comment cela diffère de la pratique courante. Selon nous, les futurs travaux peuvent apporter un soutien essentiel à la collaboration en nous permettant de mieux comprendre comment elle s’installe et les facteurs qui contribuent à sa réussite. Ainsi, les travaux à venir devraient porter sur les thèmes suivants :

Compréhension plus approfondie des fondements de la collaboration

La section 2.7 présente un modèle pour bâtir la collaboration (figure 3). Ce modèle doit être éprouvé davantage en l’appliquant à des arrangements collaboratifs spécifiques dans une variété de situations. Cela aidera à mieux comprendre comment et pourquoi une collaboration s’installe.

Meilleure connaissance de la collaboration dans le développement économique

Tel que noté à la section 2.4, la collaboration économique est répandue au Canada mais est très rarement étudiée. Il faut faire davantage de recherche sur la participation des Autochtones aux entreprises forestières et aux autres arrangements collaboratifs. Il faut approfondir les sujets comme les avantages des arrangements économiques pour les peuples autochtones, la caractérisa-tion des processus efficaces, l’identification

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des facteurs qui font en sorte que la collaboration produise des résultats et des retombées favorables sur les autres intérêts des communautés autochtones.

Évaluation du développement et des répercussions des multiples formes de collaboration

Cette étude montre que de nombreuses communautés entreprennent de front plusieurs formes de collaboration. Toutefois, la plupart des études sur la collaboration portent surtout sur un arrangement collaboratif dans une situation précise à un moment donné, ou sur une seule forme pour plusieurs cas. Il faut faire davantage de recherche pour comprendre comment les communautés autochtones et les compagnies forestières déterminent la ou les formes les plus appropriées, comment une expérience influe sur les autres et quelles sont les tendances à long terme en matière d’arrangements collaboratifs.

Évaluation de l’efficacité des différentes formes de collaboration

Certains travaux visaient à élaborer des critères relatifs à la participation des Autochtones au développement de la foresterie (p. ex. Natcher et Hickey 2002). Nous avons également envisagé de bâtir une matrice d’évaluation (similaire à celle proposée par Beckley et coll. 2006) pour aider les compagnies forestières, les responsables autochtones et les organismes gouvernementaux à évaluer dans quelle mesure les différentes formes de collaboration peuvent effectivement atteindre certains buts ou résultats. Nous n’avons pas pu effectuer cette évaluation, mais nous croyons qu’un tel outil serait pratique pour bâtir la collaboration.

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Conclusions4.0Depuis trente ans, les peuples autochtones, les compagnies forestières, les organismes gouvernementaux et les chercheurs ont acquis une expérience approfondie des différentes facettes de la collaboration. Cette diversité d’expériences est très précieuse. Il serait impossible de compiler en un seul rapport toutes les connaissances ainsi obtenues; les résultats présentés ici ne donnent qu’un aperçu de l’ensemble des options, expériences et points de vue actuels en ce domaine.

Toutefois, nous considérons également qu’une grande part de cette expérience demeure en silos : les connaissances traditionnelles sont distinctes des partenariats commerciaux, qui sont séparés des actes judiciaires, lesquels sont menés différemment des discussions sur les pratiques forestières, et ainsi de suite. Pour la rédaction de ce rapport, nous avons adopté une définition large de la collaboration et avons cherché à dégager les points communs aux diverses sources. Selon ces expériences, nous proposons que l’état des connaissances sur la collaboration Autochtones-industrie repose sur six grandes idées.

La collaboration est déterminée par les droits des Autochtones, les politiques et d’autres facteursLes compagnies forestières et les peuples autochtones établissent des arrangements collaboratifs en réponse à divers facteurs déterminants, et non seulement parce qu’ils estiment que c’est une bonne idée. Ces facteurs déterminants sont notamment la clarification des droits des Autochtones, la modification des politiques fédérales et provinciales, les décisions rendues par les tribunaux et les défis économiques du Canada dans le secteur forestier. Comme ces facteurs n’ont pas tous la même importance relative partout au pays, les peuples autochtones et les compagnies forestières peuvent avoir à adopter des arrangements variés et différents pour établir la collaboration. De plus, puisque l’importance relative de certains facteurs peut changer avec le temps, il est possible que les arrangements qui sont appropriés aujourd’hui ne le soient plus dans un avenir plus ou moins lointain.

La collaboration peut et devrait prendre différentes formesIl existe de nombreuses formes de collaboration (résumé à la figure 1). Bien que cette diversité puisse porter à confusion, elle permet en fait aux partenaires de choisir la forme qui convient le mieux à leurs besoins et à leur situation. Pour bon nombre de communautés autochtones, un seul arrangement collaboratif ne répondra pas à leurs besoins et elles devront adopter simultanément plusieurs formes de collaboration. Le choix et l’utilisation de multiples formes de collaboration imposent une certaine cohérence au sein des stratégies globales pour satisfaire une variété d’attentes et de buts. Nous suggérons que les chefs autochtones et les dirigeants de l’industrie examinent le tableau pour déterminer comment s’y inscrivent les formes de collaboration qu’ils pratiquent.

La collaboration doit répondre à divers besoins et intérêtsLes compagnies forestières, les peuples autochtones et les gouvernements ont chacun leurs propres intérêts à

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l’égard du territoire forestier et du développement du secteur forestier. Les arrangements collaboratifs doivent par conséquent répondre à diverses attentes. De plus, ces intérêts et ces attentes peuvent changer avec le temps. Il est donc très important que chaque partie comprenne les buts et les points de vue des autres (sections 2.1 et 2.2.).

Les parties arrivent souvent à s’entendre sur des buts communs ou alors sur des buts différents mais non incompatibles. Lorsqu’il est impossible d’atteindre tous les buts, chaque partie doit déterminer quels sont les plus importants pour elle qui peuvent être atteints dans le contexte de l’arrangement. Si elles n’arrivent pas à s’entendre sur les buts, la mise en œuvre de la collaboration se trouve entravée. Il peut alors s’ensuivre qu’une partie considère un arrangement comme une réussite, alors qu’une autre le considère comme un échec parce que ses besoins n’ont pas été satisfaits.

Les résultats de la collaboration contribuent à créer du capital, mais ils doivent être pondérésLes résultats des arrangements de collaboration ne se limitent pas à l’emploi, au revenu ou à des recommandations visant à modifier les pratiques forestières, et ils peuvent être de diverses natures : économique, environnementale, sociale, humaine, et de type capital culturel et institutionnel (section 2.6). Les résultats positifs contribuent à créer du capital pour investir dans des futurs arrangements collaboratifs. Différentes formes de capital ne sont pas également importantes pour chacun des partenaires. Il leur faudra peut-être faire des compromis pour déterminer l’ordre de priorité des résultats attendus, ce qui exige négociations et discussions.

La collaboration ne tombe pas du ciel : il faut la créer et l’entretenirLa collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières se comprend mieux lorsqu’on la considère comme un processus qui apporte des résultats à court terme aux parties tout en abordant des enjeux fondamentaux, en facilitant l’apprentissage, en établissant la confiance et en créant de la capacité pour l’avenir. Il s’agit d’un processus circulaire et itératif (figure 3) : une expérience de collaboration a des répercussions sur les futures. En fait, la collaboration ne se résume pas à un simple modèle ou à une recette qui s’applique directement : c’est un processus d’apprentissage et d’établissement de relations.

La collaboration a besoin de l’engagement et de la souplesse des gouvernementsLes gouvernements, tant fédéral que provinciaux, sont des acteurs clés qui facilitent la collaboration entre les compagnies forestières et les peuples autochtones. Le gouvernement fédéral a la responsabilité première des « Indiens » (les Autochtones), alors que les provinces veillent à la planification de l’utilisation du territoire, aux tenures forestières, au développement économique, à la consultation et au soutien de l’industrie. Les politiques provinciales qui en découlent peuvent toutes avoir des répercussions sur les arrangements de collaboration qui s’établissent entre les peuples autochtones et les compagnies forestières. Comme les contextes changent et que la collaboration peut prendre diverses formes, il faudrait que les politiques et programmes gouvernementaux soient souples, au lieu de chercher à appliquer un seul modèle dans toutes les situations.

Les deux paliers de gouvernement ont la responsabilité de consulter et d’accommoder les peuples autochtones lorsque les activités forestières envisagées sont susceptibles d’influer sur les intérêts des Autochtones. Dans plusieurs provinces, tant l’industrie que les groupes autochtones estiment que les gouvernements ne font rien pour résoudre les problèmes associés aux droits des Autochtones. L’incertitude ainsi créée nuit à la collaboration. Bon nombre considèrent que le fédéral devrait promouvoir plus activement les intérêts des Autochtones à l’égard du développement et de l’aménagement des ressources naturelles.

Les gouvernements jouent également un rôle essentiel pour soutenir la collaboration, notamment en aidant à renforcer les capacités et en instaurant des processus qui encouragent les relations entre les compagnies forestières et les communautés autochtones. Enfin, dans la mesure où la recherche au Canada est financée par des fonds publics, le soutien du gouvernement peut permettre aux chercheurs de mieux comprendre la dynamique de la collaboration et contribuer au développement d’approches efficaces.

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5.1 Arrêts de la Cour suprême

Les jugements rendus par la Cour suprême du Canada (CSC) figurent dans leur intégralité sur le site suivant http://scc.lexum.umontreal.ca/fr/.

Calder et al. c. Procureur général de la Colombie-Britannique, [1973] R.C.S. 313

Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010

Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511, 2004 CSC 73

Première Nation crie Mikisew c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), [2005] 3 R.C.S. 388, 2005 CSC 69

R. c. Gladstone, [1996] 2 R.C.S. 723

R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 533

R. c. Morris, [2006] 2 R.C.S. 915, 2006 CSC 59

R. c. Powley, [2003] 2 R.C.S. 207, 2003 CSC 43

R. c. Sappier; R. c. Gray, [2006] 2 R.C.S. 686, 2006 CSC 54

R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075

R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507

Première nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet), [2004] 3 R.C.S. 550, 2004 CSC 74

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Annexes

1 Contexte politique : aspects historiques et juridiques

2 Méthodologie

3 Facteurs déterminant la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière

4 Pratiques et politiques en matière de collaboration au Canada a. Aperçu par province et par territoire b. Arrangements collaboratifs multiples c. Comparaison entre la recherche et la pratique

5 Harmonisation des intérêts des Autochtones et de l’industrie au Québec

6 Repenser la collaboration : métasynthèse et leçons apprises

7 Résultats de la collaboration et capital

8 Bâtir la collaboration

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Annexe 1 Contexte politique : aspects historiques et juridiques

Un peu d’histoire

Résumer l’évolution des relations entre les peuples autochtones et l’état canadien dépasse la portée de ce document11. Précisons toutefois que, depuis le XIXe siècle, la politique gouvernementale à l’égard des « Indiens » a eu un objectif double : d’abord, les protéger des conséquences préjudiciables du contact avec les Euro-Canadiens, puis faciliter leur intégration dans la société canadienne. C’est sur ce double objectif que l’Acte des Sauvages, 1876 repose (depuis, ce document a été amendé et porte le nom de Loi sur les Indiens), de nombreux traités, ainsi que les systèmes d’éducation et de réserves. Depuis les années 1960, les peuples autochtones ont revendiqué la reconnaissance de leurs droits et une plus grande autonomie par des négociations politiques, des protestations publiques et des contestations judiciaires. Les peuples autochtones ne sont désormais plus disposés à être « protégés » ou « intégrés » par les gouvernements. Pourtant, des vestiges de ces politiques demeurent encore aujourd’hui.

La réglementation concernant la coupe forestière au Canada a été établie dès les premières colonies. Cependant, la politique à l’égard des forêts est plus étroitement associée à l’expansion de l’industrie forestière, survenue à la fin du XIXe siècle. En vertu de la constitution canadienne (et par suite des Accords de transfert des ressources naturelles avec les provinces des Prairies, en 1930), les gouvernements provinciaux détiennent généralement la responsabilité des ressources forestières sur la plupart des terres publiques. Ils autorisent les compagnies privées à effectuer la coupe et la transformation, et imposent des règlements et des droits de coupe. Au XXe siècle, les forestiers professionnels ont pris la responsabilité de l’aménagement forestier et ont mis au point une gamme d’outils et de techniques visant à assurer un approvisionnement stable de biens et d’avantages (en particulier, bois d’œuvre, revenu et emploi). Au pays, la foresterie repose sur un équilibre des pouvoirs et des responsabilités entre plusieurs parties jouant différents rôles : les gouvernements, pour la propriété et la réglementation, les compagnies privées, pour l’exploitation de la ressource et la transformation de la matière, et un groupe de gestionnaires forestiers professionnels.

Depuis quelques décennies, cet équilibre s’est rompu. Le mouvement en faveur de la protection de l’environnement a remis en question le modèle de production établi par l’industrie forestière, introduisant des notions d’écologie et de développement durable et préconisant une vision scientifique plus vaste du paysage forestier (Stefanick 2001). De plus, l’intérêt accru de la population à l’égard de la foresterie et le nombre grandissant de groupes d’intérêts a rendu l’aménagement forestier plus complexe, ce qui a souvent incité les gouvernements à multiplier les règlements et les contrôles. Les peuples autochtones revendiquent la reconnaissance de leurs droits sur les forêts qui ont été attribuées à des compagnies forestières, une situation qui met en jeu à la fois le gouvernement fédéral (responsable des Autochtones) et les provinces (responsables des terres et des forêts). Récemment, la crise

11 Vous trouverez une discussion plus approfondie sur ce sujet très complexe dans d’autres sources, comme Stevenson et Webb (2003).

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économique a grugé la profitabilité du secteur forestier, ce qui a accru l’importance de la productivité et le contrôle des coûts de l’aménagement et réduit les débouchés pour les investissements et les activités « non essentielles ».

Aspects juridiques

Jusqu’aux années 1970, les tribunaux n’avaient pas eu beaucoup d’occasions d’interpréter les droits des Autochtones au Canada. En fait, entre 1927 et 1951, la loi en vigueur à leur sujet empêchait les Premières nations d’utiliser les fonds fédéraux pour mener des revendications contre le gouvernement (Butt et Hurley 2006). Toutefois, les protestations continues des peuples autochtones ont entraîné diverses recommandations entre 1947 et 1969 pour la résolution des revendications territoriales. Le Livre blanc de 1969 (fédéral) contient, entre autres recommandations, celles selon lesquelles le gouvernement fédéral confirme sa responsabilité à l’égard des « Indiens » et règle les revendications territoriales, « confirmant les traités et réparant les promesses non tenues » (Lester 1977). Dans les dernières décennies, bon nombre de droits et responsabilités ont été précisés12.

L’arrêt Calder (1973) : le titre « aborigène »

En 1973, une percée est survenue dans le domaine des droits des Autochtones avec l’arrêt Calder de la Cour suprême du Canada (CSC)13 . Le titre « aborigène » des Nisga’a a été reconnu en vertu de la proclamation royale de 1763. Selon l’arrêt Calder, il existe une forme unique de propriété ou titre aborigène, qui ne peut être « éteint par la suite, sauf par cession à la Couronne ou par le pouvoir législatif compétent, et alors uniquement au moyen d’une loi précise » (Calder 1973).

Cet arrêt s’appliquait en Colombie-Britannique et ailleurs au pays où aucune entente n’avait été négociée entre les peuples autochtones et la Couronne. La cause a également soulevé la question des liens particuliers qui existent entre les peuples autochtones et le territoire, et a mené à des discussions sur la nature de la propriété des terres chez les divers peuples autochtones au Canada, notamment ceux qui ont signé des traités historiques et qui ont conclu des ententes sur leurs revendications globales.

Responsabilités des gouvernements concernant les droits des Autochtones et les droits issus de traités

L’arrêt Calder a ouvert la porte aux négociations politiques entre les peuples autochtones et la Couronne, ce qui a entraîné des changements dans la Constitution canadienne. Dans la Loi constitutionnelle de 1982 (rapatriement de la Constitution), le paragraphe 35 reconnaît et affirme l’existence des droits des Autochtones au Canada et des droits des peuples autochtones issus de traités. Les Autochtones sont définis comme « des Indiens, des Inuit et des Métis ». Ces droits ont fait partie de la loi la plus importante du pays et ont mené à de nombreuses luttes devant les tribunaux en vue de définir et d’interpréter ces droits. Le tableau 1 (section 1.4) résume quelques arrêts clés rendus au cours des dernières décennies.

Après avoir reconnu l’existence du titre aborigène, la Cour suprême du Canada a rendu des jugements visant à définir les responsabilités des gouvernements, du secteur privé et des peuples autochtones pour ce qui est de prévenir, ou au moins réduire au minimum, la violation des droits des Autochtones et des droits issus de traités.

La CSC a précisé qu’il revient d’abord à la Couronne, tant fédérale que provinciale, de confirmer ces droits, dans le but premier de maintenir son honneur. Il incombe aux peuples autochtones d’établir le fardeau de la preuve de ces droits.

12 Deux publications récentes du RGDF font état des discussions sur les droits des Autochtones sur le territoire forestier au Canada : Vertinsky et Luckert (2010) et Anderson et coll. (2010).

13 Les causes citées sont énumérées après la liste de références.

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L’obligation de consulter et d’accommoder

La responsabilité prévue par la Constitution de reconnaître et d’affirmer les droits des Autochtones et les droits issus de traités a évolué au fil des causes entendues par la CSC, comme Sparrow (1990), Delgamuukw (1997), Taku River Tlingit (2004) et Haida (2004), pour devenir l’obligation de consulter et d’accommoder les peuples autochtones avant tout développement.

La décision rendue en 2004 en rapport avec les Haida précise que cette obligation revient à la Couronne, dans ce cas, la province de la Colombie-Britannique. Les Haida ont poursuivi tant la Province que Weyerhaeuser, une compagnie forestière, pour avoir omis de les consulter sur le transfert d’une licence forestière entre deux compagnies. La CSC a ainsi déclaré :

« L’objectif de conciliation ainsi que l’obligation de consultation, laquelle repose sur l’honneur de la Couronne, tendent à indiquer que cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui-ci. »

Les juges ont déclaré que les tierces parties (incluant les compagnies qui détiennent des tenures forestières sur une terre de la Couronne) ne pourraient être tenues responsables de l’omission de la Couronne de consulter et d’accommoder. Pourtant, la décision n’absolvait pas entièrement l’industrie de sa responsabilité de protéger les droits des Autochtones et les droits issus de traités. La juge en chef a conclu que :

« le gouvernement est légalement tenu de consulter les Haïda au sujet de la récolte de bois sur le bloc 6, y compris en ce qui concerne la cession ou le remplacement des CFF. Une consultation menée de bonne foi pourrait à son tour entraîner l’obligation de trouver des accommodements aux préoccupations des Haïda à propos de la récolte de bois, mais il est impossible pour le moment de préciser le genre d’accommode ment qui s’impose, à supposer qu’une telle mesure soit requise. Il faut une véritable consultation. Les intéressés n’ont aucune obligation de parvenir à une entente. Le gouvernement ne peut se décharger des obligations de consultation et d’accommodement en les déléguant à Weyerhaeuser. De son côté, cette dernière n’a pas d’obligation indépendante de consulter les Haïda ou de trouver des accommodements à leurs préoccupations, bien qu’il demeure possible qu’elle soit tenue responsable à l’égard d’obligations qu’elle aurait assumées. »

Pour les compagnies privées, la clarification des obligations de la Couronne était un soulagement, mais n’a pas complètement résolu le problème. En fait, lorsque les licences sont accordées à des compagnies forestières pour la récolte de bois sur des terres publiques, les provinces délèguent aux compagnies leurs responsabilités d’aménagement forestier. Pourtant, l’« obligation de consulter et d’accommoder » revient à la Couronne, bien qu’une compagnie puisse être responsable des résultats des consultations entre la Couronne et les peuples autochtones. Les compagnies forestières pourraient subir les conséquences de l’omission par la Couronne de consulter de la manière appropriée, surtout si cette omission mène à un long conflit au sujet des activités de développement des ressources. En conséquence, l’industrie pourrait choisir d’exercer des pressions sur la Couronne pour faire aboutir les négociations plus rapidement, ou de tenter de résoudre directement les problèmes d’accommodement sans l’aide de la Couronne (malgré la décision rendue en rapport avec les Haïda).

Portée de l’obligation

Jusqu’en 2004, la plupart des arrêts de la CSC s’appliquaient à des endroits comme la Colombie-Britannique, où aucune entente n’avait encore été conclue entre la Couronne et les peuples autochtones. Dans la cause Mikisew en 2005, la CSC a affirmé que l’obligation de consulter et d’accommoder s’appliquait également aux endroits où il y a eu des traités historiques. Jusqu’à ce moment, les provinces comme l’Ontario et les Prairies, où la majorité des

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traités historiques ont été signés, avaient considéré que ces ententes initiales de cession des terres les avaient absoutes de toute obligation de consulter. La juge en chef a précisé :

« L’obligation en l’espèce comporte des éléments informationnels et des éléments de solution. Dans cette affaire, étant donné que la Couronne se propose de construire une route d’hiver relativement peu importante sur des terres cédées où les droits de chasse, de pêche et de piégeage des Mikisew sont expressément assujettis à la restriction de la « prise », j’estime que l’obligation de la Couronne se situe plutôt au bas du continuum. La Couronne devait aviser les Mikisew et nouer un dialogue directement avec eux (et non, comme cela semble avoir été le cas en l’espèce, après coup lorsqu’une consultation publique générale a été tenue auprès des utilisateurs du parc). Ce dialogue aurait dû comporter la communication de renseignements sur le projet traitant des intérêts des Mikisew connus de la Couronne et de l’effet préjudiciable que le projet risquait d’avoir, selon elle, sur ces intérêts. La Couronne devait demander aux Mikisew d’exprimer leurs préoccupations et les écouter attentivement, et s’efforcer de réduire au minimum les effets préjudiciables du projet sur les droits de chasse, de pêche et de piégeage des Mikisew. Elle n’a pas respecté cette obligation lorsqu’elle a déclaré unilatéralement que le tracé de la route serait déplacé de la réserve elle-même à une bande de terre à la limite de celle-ci. »

L’obligation de consulter et d’accommoder s’enclenche lorsque la Couronne prend connaissance de l’existence d’un droit ou d’un titre potentiel. Au Canada, avec les traités historiques et les revendications territoriales contemporaines, en des endroits tels que la Colombie-Britannique et le Labrador où il existe peu d’ententes négociées avec la Couronne, on pourrait prétendre que chaque centimètre carré du pays est assujetti à un droit autochtone quelconque. Tout développement susceptible d’avoir un effet préjudiciable sur les droits des Autochtones enclenche cette obligation.

La loi permet certains empiètements sur les droits des Autochtones et les droits issus de traités, mais ils doivent être justifiés. Tout développement ou règlement proposé doit respecter la relation spéciale de confiance qui existe entre la Couronne et les peuples autochtones. Un objectif législatif régulier peut justifier un empiètement minimal des droits et possède « un caractère impérieux et réel pour l’ensemble de la communauté » (R. c. Gladstone, 1996). La CSC considère l’agriculture, les mines, la foresterie et le développement hydroélectrique comme des objectifs législatifs réguliers.

La conciliation : un processus en cours

La CSC a répété que l’obligation de consulter et d’accommoder devrait mener à la conciliation, qui peut être obtenue par des négociations. La conciliation peut exiger de la Couronne qu’elle change ses plans ou ses politiques pour répondre aux préoccupations des Autochtones.

Toutefois, la conciliation demeure un objectif difficile à atteindre. Peu de peuples autochtones sont satisfaits des processus établis par les tribunaux ou les gouvernements pour accommoder leurs intérêts. Des interprétations différentes de la définition du titre aborigène peuvent avoir mené de nombreux peuples autochtones à insister sur le contrôle de leur territoire, même face à des ententes négociées qui pouvaient sous-tendre une cession de contrôle.

De nombreux peuples autochtones jugent inacceptable l’ancienne pratique consistant à exiger l’extinction du titre aborigène par des négociations, notamment des traités historiques. La légalité de l’« extinction » a d’ailleurs été mise en question par le rapporteur spécial des Nations Unies (Amnesty International 2005), qui a pressé le gouvernement canadien de ne plus l’exiger.

Alors que les tribunaux ont émis des lignes directrices claires imposant des relations plus respectueuses entre la Couronne et les peuples autochtones, ces deux parties doivent trouver le moyen de concilier leurs attentes. Dans ce processus, le secteur privé doit négocier ses propres obligations tant envers la Couronne qu’envers les peuples autochtones.

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Annexe 2 Méthodologie

L’analyse et la synthèse de diverses sources d’expérience et de connaissances, comme celles qui concernent les relations entre les peuples autochtones et les compagnies forestières, exigent une méthodologie rigoureuse pour la consultation et le choix du matériel. Dans ce rapport, le matériel comprenait des études universitaires, des rapports non officiels et des cas d’expérience personnelle, et englobait des aspects variés tels que les partenariats économiques, les processus de consultation, la cartographie de l’utilisation du territoire et les initiatives de gouvernance et de politiques.

Le projet consistait en quatre grandes activités : 1. compiler une base de données d’études et de rapports scientifiques analysant et décrivant divers aspects des

relations entre les peuples autochtones et les compagnies forestières;2. répertorier les expériences de collaboration dans les communautés autochtones au pays;3. effectuer un survol théorique des publications choisies par évaluation, interprétation et réinterprétation

(une métasynthèse);4. organiser une série d’ateliers réunissant des praticiens, des décideurs et des chercheurs.

1 Base de données des études et des expériences

Pour la première étape du projet, la principale source d’information était les articles et rapports publiés décrivant les diverses initiatives relatives aux approches de collaboration entre peuples autochtones et compagnies forestières, incluant celles qui portaient sur la cartographie de l’utilisation du territoire par les Autochtones et leurs connaissances au sujet du territoire forestier. Les publications ont fourni divers types d’information, notamment : descriptions de la situation et du contexte; méthodologie d’étude; résultats quantitatifs ou qualitatifs; analyses, résultats ou interprétations de ceux-ci; relations ou comparaisons avec d’autres études, implications théoriques, recommandations pratiques ou leçons tirées de l’expérience. Il fallait donc planifier et établir une base de données pour organiser, obtenir et analyser l’information recueillie. La base de données renfermait ainsi plus de 250 cas et nous a permis de :

Répertorier les expériences de collaboration par province et territoire, préciser la forme de collaboration, le lieu, le contexte politique, la propriété des terres, les collaborateurs et autres éléments d’information.

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Codifier l’information à l’aide de codes ouverts nominaux et ordinaux. Cette codification nous a permis de décrire globalement l’information et d’effectuer une analyse préliminaire des données pour nous aider à repérer les cas pertinents pour la métasynthèse.

Accéder à l’information, soit par référence à des cas précis, soit par recherche de cas présentant des caractéristiques communes.

Analyser l’information, en particulier au moyen de tableaux de fréquences et de tableaux à double entrée pour déterminer l’importance relative des thèmes et des codes.

Chaque source ou article publié a fait l’objet d’un examen visant à déceler trois grands types d’information. D’abord, l’information sur le cas permettait aux chercheurs de décrire l’expérience ou l’étude. Ensuite, l’information sur l’étude portait sur les méthodes utilisées et leur portée, permettant aux chercheurs d’établir l’importance relative de chaque cas et de préparer un aperçu des expériences de partout au pays. Enfin, les évaluations et conclusions de l’étude ont constitué les données primaires pour l’analyse qualitative et la sélection des cas pertinents pour la métasynthèse.

Le codage de chaque cas ou expérience visait à classifier l’information selon 50 différentes caractéristiques d’intérêt potentiel pour les chercheurs, les praticiens et les décideurs. Le système de codage a été mis au point par l’équipe de chercheurs, mais une seule personne était responsable de l’ensemble du codage pour que l’interprétation et l’application des codes soient les plus uniformes possibles. Nous avons apporté plusieurs modifications au système pour y inclure des catégories supplémentaires afin de décrire adéquatement les cas pertinents ou particulièrement innovateurs.

Nous avons également consulté la « littérature grise », autrement dit, des documents et des rapports d’études non publiés dans les journaux scientifiques ou non soumis à l’examen par les pairs, tels que des rapports de projet, des documents de travail et des données internes. Dans un domaine qui évolue rapidement comme la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière, ce genre de documents renseigne sur les nouvelles orientations et aborde des sujets pratiques qui n’ont pas encore nécessairement fait l’objet de recherche formelle. Cependant, nos tentatives ont été peu fructueuses en général. Bien que ce matériel puisse souvent être obtenu par des chercheurs qui effectuent des études de cas dans des situations précises, cette source d’information repose sur la confiance entre les parties. L’obtention systématique de ce type de matériel pour représenter la diversité des cas au pays dépassait les capacités de ce projet.

2 Liste des expériences de collaborations dans les communautés autochtones

La base de données sur les études a été complétée par l’établissement de la liste des projets pilote, des études, des partenariats, des ententes et des autres arrangements observés dans 482 communautés autochtones réparties dans toutes les provinces et territoires (sauf le Nunavut). Cette liste a servi à valider la base de données par la détermination du nombre réel de différents types d’arrangements ou d’activités, ce qui permettait de nous assurer qu’aucune forme de collaboration potentiellement importante n’avait été omise parce qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une étude formelle. Vu la rapidité de l’évolution dans ce secteur, notre liste est nécessairement incomplète. Cet instantané illustre néanmoins la diversité des expériences de collaboration au pays.

3 Revue des documents choisis : la métasynthèse

Pour mieux comprendre le mode de fonctionnement de la collaboration, nous avons effectué une métasynthèse, qui nous a permis de dépasser le simple cadre des expériences et des travaux existants. Plus qu’un simple survol de la littérature ou que la somme de ses parties, la métasynthèse offre un nouvel éclairage des résultats de chacune des études et propose de nouvelles explications par l’analyse et la synthèse des résultats (Finfgeld 2003, Glasmeier et Farrigan 2005, Padgee et coll. 2006). Des plus de 250 études contenues dans notre base de données, nous en

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avons d’abord repéré 90 qui étaient particulièrement riches et informatives puis, parmi celles-ci, nous en avons sélectionné 24 pour une analyse approfondie. Cette méthode nous a permis de comparer et d’analyser une gamme d’études de cas qualitatives et quantitatives en intégrant, interprétant et réinterprétant les résultats, les concepts et les modèles. Ce travail est décrit en détails à l’annexe 6.

4 Ateliers réunissant praticiens, décideurs et chercheurs

Enfin, des ateliers ont été organisés, réunissant des praticiens et des chercheurs de partout au pays. Les experts des communautés autochtones, de l’industrie forestière et des organismes gouvernementaux ont également des connaissances sur les expériences de collaboration. Les experts et les praticiens apportent souvent des points de vue et des éléments de compréhension qui ne figurent pas dans les documents et qui permettent d’appliquer l’expérience d’une situation à une autre. De plus, les différentes parties d’une même initiative de collaboration peuvent avoir différentes opinions sur le succès ou l’insuccès relatif de l’initiative, ou sur les facteurs qui y ont contribué.

Les deux ateliers principaux, tenus à Ottawa et à Saskatoon, portaient respectivement sur les thèmes de la collaboration et la cartographie de l’utilisation du territoire par les Autochtones14. L’atelier d’Ottawa visait à élaborer un cadre de travail conceptuel des approches de collaboration, à cerner les objectifs principaux des différentes parties et à explorer la notion de collaboration comme moyen de bâtir du capital. À Saskatoon, les participants se sont penchés sur le rôle de la cartographie de l’utilisation du territoire en aménagement forestier et ses relations avec d’autres formes de collaboration15. Des ateliers de plus petite envergure et des groupes de discussions ont eu lieu à Moncton, à Québec et à Edmonton. Trois webinaires ont été organisés pour la présentation des analyses préliminaires et l’obtention des commentaires et des apports de participants de partout au Canada. Cette formule s’est révélée particulièrement efficace pour recueillir de l’information auprès des représentants de l’industrie qui peuvent difficilement se déplacer pour participer à des ateliers de deux jours.

14 Vous pouvez consulter les rapports de ces ateliers en ligne http://www.umce.ca/foresterie/sfmn/index.php.15 Ce thème est exploré en profondeur dans un autre rapport sur l’état des connaissances.

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Annexe 3 Facteurs déterminant la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière

Nombre d’études et de cas utilisés dans notre analyse présentent les origines ou les motifs des expériences de collaboration. À la lumière du projet Avenirs de la forêt du RGDF (Duinker 2009), nous avons décrit quelques facteurs déterminants politiques et contextuels, de la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière.

Facteur déterminant no 1 – Reconnaissance des droits des Autochtones

Depuis quelques décennies, les tribunaux canadiens ont reconnu et défini de mieux en mieux les droits des Autochtones, ce qui a incité les gouvernements et autres acteurs à adopter de nouvelles approches (section 1.4). Des forums internationaux et des processus de gestion durable des forêts comme la certification permettent également de reconnaître l’importance de respecter les droits des Autochtones. Toutefois, les pratiques d’aménagement forestier et les politiques gouvernementales tardent souvent à refléter ces changements.

Facteur déterminant no 2 – Habilitation, autonomie et gouvernance des Autochtones

À mesure que leurs droits ont été de mieux en mieux reconnus, les peuples autochtones ont tenté d’obtenir du gouvernement fédéral davantage de responsabilités pour la gestion de leurs propres affaires, ainsi que la capacité d’encadrer l’utilisation de leur territoire traditionnel, souvent contrôlé par les provinces, ou d’influer sur l’encadrement de celle-ci.

Ces efforts sont souvent associés à des programmes visant à réaffirmer leur identité linguistique et culturelle et à des plans de développement économique visant à réduire leur dépendance à l’égard des gouvernements.

Vu l’importance du territoire forestier pour la plupart des communautés autochtones, la collaboration avec les compagnies forestières peut représenter une étape commode pour obtenir des avantages économiques, lesquels peuvent contribuer à leur autonomie (Parsons et Prest 2003).

Facteur déterminant no 3 – Concepts et idées pour la foresterie durable

Pour bon nombre d’acteurs, l’aménagement forestier durable (AFD) a remplacé le rendement soutenu en tant que principe directeur de la foresterie au Canada. Des notions comme l’aménagement écosystémique et l’AFD sont de plus en plus considérés comme incluant une composante sociale, souvent avec une visée spécifique pour les Autochtones (Smith 1998, Wilson 2001). De même, les connaissances et les valeurs des Autochtones sont de plus en plus considérées comme utiles dans l’amélioration des pratiques forestières et l’AFD.

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Facteur déterminant no 4 – Outils pour la foresterie durable

Depuis le Sommet de la Terre de 1992, le Canada a recouru à divers mécanismes pour promouvoir l’AFD, incluant les processus de certification et de détermination des critères et indicateurs (C&I). Tous les grands processus de certification et de C&I reconnaissent désormais aux peuples autochtones des rôles spécifiques, soit par les droits, les processus de consultation ou la participation économique (p. ex. Collier et coll. 2002). Quant aux responsables autochtones, ils se sont révélés habiles à utiliser ces dispositions pour créer de nouvelles avenues de collaboration.

Facteur déterminant no 5 – Participation de la population à la foresterie

La participation de la population est devenue un élément important de la foresterie au Canada. Les aménagistes forestiers doivent désormais accepter la nécessité de passer d’un système expert, reposant sur des bases scientifiques, à un système adoptant une démarche de prise de décisions mieux adaptées aux enjeux sociaux (Beckley et coll. 2006).

Les peuples autochtones ont pu profiter des mécanismes spécifiquement destinés à faire participer les intervenants et de l’ouverture accrue aux nouvelles idées et aux concepts inédits en aménagement forestier.

Toutefois, ils soulignent également qu’ils ont des droits qui leur sont spécifiques – autrement dit que le reste de la population canadienne n’a pas – et qu’ils sont « plus qu’un autre intervenant » (Smith 1996, Stevenson et Webb 2003).

Facteur déterminant no 6 – Tendances en matière de démographie et d’emploi dans les régions forestières du Canada

Au Canada, l’industrie forestière veille de plus en plus à assurer une main-d’œuvre adéquate pour le secteur, en particulier dans les régions éloignées et septentrionales. En parallèle, la population autochtone croît rapidement et elle est plus jeune et moins urbanisée que la population non autochtone (Statistique Canada 2008). De plus en plus de compagnies et d’entreprises de formation tentent de développer les capacités des Autochtones dans le secteur forestier.

Facteur déterminant no 7 – Changements apportés aux tenures forestières

Les modes de tenures forestières sont en révision dans plusieurs provinces. On propose d’augmenter la diversité de modes de tenures et de détenteurs de tenures (Ross et Smith 2002). En Colombie-Britannique, il existe divers modes de tenures forestières, et en 2006, les Premières nations détenaient des tenures représentant 6 000 000 m3 par année (Brubacher 2007). La réforme des tenures pourrait, tout en modifiant les conditions des tenures existantes, offrir aux groupes autochtones de nouvelles possibilités pour en obtenir.

Facteur déterminant no 8 – Technologie et innovation

Les nouvelles technologies et les innovations survenues en planification et en aménagement forestier peuvent aider les gestionnaires à répondre aux préoccupations des Autochtones au sujet de la foresterie, par des outils comme la modélisation, la SIG et la visualisation (Lewis et Sheppard 2006).

Il est peu probable que les huit facteurs déterminants énumérés ci-dessus représentent à eux seuls tous les facteurs politiques ou contextuels pouvant inciter une communauté autochtone ou une compagnie forestière à s’engager dans une démarche de collaboration. Ils représentent toutefois des forces qui jouent souvent dans de telles relations au Canada.

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Annexe 4 Pratiques et politiques en matière de collaboration au Canada

4a Aperçu par province et territoire

Colombie-Britannique

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 164 93 % (153) na na 98 % (160) 74 % (122)

Études dans notre base de données 48 21 % (10) 35 % (17) 4 % (2) 19 % (9) 21 % (10)

Formes de collaboration en Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique compte 196 000 Autochtones répartis dans 198 communautés des Premières nations, ce qui représentent près du tiers du nombre total de ces communautés au Canada (Statistique Canada 2008). Les territoires forestiers autochtones – surtout des réserves – couvrent environ 198 000 hectares (Brubacher 2007). La province est également le plus important producteur de bois d’œuvre au pays, avec 51,74 millions d’hectares de territoire forestier en exploitation et une récolte totale, pour 2004, de 87 Mm3 de matière ligneuse. Les Premières Nations détenaient des tenures totalisant 6 Mm3 en 2006, soit 7,3 % du total pour la province (Brubacher 2007).

Les revendications territoriales demeurent un enjeu important dans cette province, car la majorité de celle-ci n’a pas été incluse dans les traités historiques. En conséquence, bon nombre de revendications font encore l’objet de négociations et les tribunaux sont souvent appelés à préciser les droits et titres autochtones et à déterminer les processus de consultation appropriés à adopter. L’Accord Nisga’a, entré en vigueur en 2000 dans la région côtière du nord de la province, est le traité le plus récent à être signé entre le Canada et une Première nation et les arrêts Calder, Delgamuukw et Haida de la Cour suprême ont mené à des décisions phares en ce domaine.

Le régime forestier de la province a considérablement changé depuis dix ans. La réforme des tenures entreprise en 2003 visait à réattribuer 8 % de l’ensemble des tenures forestières aux Premières nations, ce qui fait en sorte que, dans notre liste, la proportion de communautés autochtones détenant une tenure forestière et ayant des activités économiques est très élevée. Cette proportion s’explique aussi par la grande diversité de types (12) de tenures en vigueur en Colombie-Britannique, selon la Forestry Act de la province (Brubacher 2007). Toutefois, les tenures détenues par les Premières nations sont surtout des licences de courte durée ou à volume fixe, plutôt que des licences de propriété forestière de production à long terme fondées sur la superficie détenues par les compagnies forestières. Il faut souligner l’existence d’ententes de forêts communautaires (Community Forest Agreements), instaurées en 1998 pour encourager la gestion locale et la récolte par des communautés autochtones et non autochtones.

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L’épidémie de dendroctone du pin ponderosa a entraîné un accroissement de la récolte (dans les forêts publiques, les volumes sont passés de 58 Mm3 en 1998 à 78 Mm3 en 2004), ce qui a également fourni de nouvelles avenues aux communautés et aux personnes autochtones pour lancer des entreprises forestières. Parmi d’autres initiatives, notons les ententes de partage des revenus (Interim Agreement Agreement) au nombre de 32 ententes totalisant 41 M$ qui ont été signées entre 2002 et 2004 (Wilson et Graham, 2005). Selon un processus révisé de planification visant à préparer les plans d’intendance forestière, il faut désormais consulter davantage les peuples autochtones pour connaître les sites culturellement importants. Le document « New Relationship », signé en 2005, prévoit également la révision des ententes sur les forêts et les districts (Forest and Range Agreements) pour qu’elles soient mieux adaptées aux objectifs et aux intérêts des Autochtones. Enfin, Wilson et Graham (2005) précisent que les initiatives du gouvernement visant à mieux encadrer l’industrie forestière ont été fructueuses, mais qu’elles exercent aussi des pressions supplémentaires sur les entreprises autochtones, qui sont en général relativement petites.

Alberta

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 44 34 % (15) 43 % (19) 52 % (23) 18 % (8) 59 % (26)

Études dans notre base de données 21 29 % (6) 10 % (2) 33 % (7) 10 % (2) 19 % (4)

Formes de collaboration en Alberta

L’Alberta compte 48 Premières nations, regroupant 91 400 Indiens inscrits (Statistique Canada 2009). En 2007, la récolte de bois dépassait légèrement 20 Mm3, plaçant l’Alberta au 4e rang des provinces pour l’importance de la production de bois d’œuvre. Les Premières nations détenaient des tenures forestières totalisant 1 145 973 m3 en 2006, ce qui représente 4,7 % de la possibilité annuelle de coupe de la province (Brubacher 2007).

Les terres publiques couvrent 89 % de l’Alberta et presque toutes les terres arborées ont déjà été attribuées à des compagnies forestières. La réaffectation est problématique, surtout si peu de communautés autochtones (voire aucune) peuvent satisfaire les exigences d’un accord d’aménagement forestier : exploitation d’une scierie, respect des possibilités annuelles de coupe établies par la province et élaboration de plans détaillés d’aménagement forestier. La tenure est l’approche de collaboration la moins usitée par les communautés autochtones en Alberta. Par contre, 59 % des communautés ont défini des rôles économiques et établi des relations et des partenariats avec les compagnies forestières (souvent multinationales).

Certaines communautés, notamment les nations Little Red River Cree et Tall Cree, Whitefish Lake First Nation et Bigstone Cree Nation, ont adopté des arrangements de tenures conjointes et de tenures en cogestion. Soulignons que la Little Red River Cree Nation participe depuis longtemps aux travaux de recherche en partenariat avec le Réseau de gestion durable des forêts et plusieurs universités.

Depuis quelques années, le gouvernement albertain apporte une aide financière aux Premières nations pour cartographier et documenter l’utilisation et l’occupation traditionnelles du territoire : c’est une pratique relativement courante parmi les communautés que nous avons répertoriées. Le gouvernement a également instauré plusieurs initiatives de consultation, incluant une politique de consultation pour les Premières nations et un cadre de travail détaillé pour l’utilisation du territoire16. Néanmoins, la plupart des représentants des Autochtones et de l’industrie qui ont participé à notre projet se sont dits préoccupés du fait que le gouvernement agit peu pour résoudre les problèmes liés aux droits des Autochtones, semblant les laisser se régler par des consultations entre les communautés et les compagnies forestières.

16 www.aboriginal.alberta.ca/images/Policy_APROVED_-_May_16.pdf www.landuse.alberta.ca/AboutLanduseFramework/LUFProgress/documents/LanduseFramework-FINAL-Dec3-2008.pdf

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Saskatchewan

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 39 28 % (11) 46 % (18) 49 % (19) 44 % (17) 54 % (21)

Études dans notre base de données 12 8 % (1) 50 % (6) 33 % (4) 8 % (1) 33 % (4)

Formes de collaboration en Saskatchewan

La Saskatchewan compte 141 890 Autochtones (Statistique Canada 2008). On y trouve Norsask Forest Products, le plus gros transformateur de bois d’œuvre appartenant à des Autochtones, le Meadow Lake Tribal Council. La tenure de Norsask est gérée par Mistik Management, propriété conjointe de Norsask et d’une compagnie inter-nationale de pâte à papier. Mistik a établi des arrangements de cogestion avec neuf communautés locales (Mistik 2009). Selon Wilson et Graham (2005), le succès de Norsask a incité le gouvernement provincial à être plus proactif à l’égard des autres entreprises autochtones.

En 1999, la province a adopté un plan visant à doubler la taille de l’industrie forestière, qui récoltait alors 4 Mm3 de bois par année, tout en encourageant la participation des communautés. Le plan proposait la réaffectation d’une partie de l’approvisionnement existant en bois afin de promouvoir les entreprises communautaires autochtones. Il proposait également la création d’un nouveau centre de recherche en foresterie, avec représentation des Autochtones au conseil de gestion.

Le plan de 1999 semble avoir eu un effet notable sur la participation des Autochtones aux activités du secteur forestier. En 2006, les Premières nations avaient droit à près de 2 Mm3 par année, ce qui représente 24,3 % du total dans la province (Brubacher 2007). Cela constitue la proportion la plus élevée dans toutes les provinces, devançant de loin la Colombie-Britannique qui occupe la seconde place avec 7,3 %. Plus de la moitié des communautés que nous avons répertoriées ont prévu des arrangements économiques, et une grande partie d’entre elles ont adopté également d’autres approches. Depuis quelques années, le gouvernement provincial a également encouragé l’étude et la cartographie de l’utilisation du territoire, et près de la moitié des communautés en ont bénéficié. D’autres groupes peuvent aussi être engagés dans ce type d’études, mais pourraient avoir choisi de garder l’information confidentielle pour l’utiliser dans leurs revendications territoriales.

Il faut également noter qu’environ le tiers des 62 communautés autochtones de la Saskatchewan habitent dans les prairies méridionales et n’ont pas été incluses dans notre liste. De plus, comme il a été difficile de répertorier les ententes de collaboration dans l’importante population métis de la Saskatchewan, il est probable que l’importance de leur participation soit sous-estimée.

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Manitoba

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 50 56 % (28) 50 % (25) 18 % (9) 46 % (23) 12 % (6)

Études dans notre base de données 2 0 100 % (2) 0 0 0

Formes de collaboration en Manitoba

Au Manitoba, on compte plus de 60 Premières nations et environ 100 000 Indiens inscrits. Bien que la forêt couvre une très grande partie du Manitoba, l’industrie forestière y est moins développée que dans la plupart des autres provinces et une bonne proportion du bois récoltable n’est pas allouée. En 2006, les Premières nations détenaient des tenures forestières correspondant à 154 000 m3 par année (Brubacher 2007), ce qui est considérablement moins que le volume de bois coupé par les Premières nations au Nouveau-Brunswick, dont la superficie est beaucoup plus faible que celle du Manitoba.

Bien que le Manitoba ait fait l’objet de plusieurs traités historiques numérotés, de nombreuses revendications territoriales subsistent. En 1997, 400 000 ha ont été transférés à 19 Premières nations en vertu des droits fonciers issus des traités (Wilson et Graham 2005). Certaines revendications demeurent toutefois non résolues, notamment pour 200 000 ha actuellement détenus par une compagnie forestière, ce qui entretient un climat incertain.

Une stratégie forestière provinciale lancée en 2002 visait cinq objectifs, notamment accroître les occasions de cogestion, d’emploi et de développement économique pour les communautés autochtones. Résultat : les compagnies forestières doivent consulter les Autochtones qui occupent le territoire sur lequel elles ont des licences. Selon notre liste, le niveau de participation en rapport avec les rôles économiques et l’influence sur la prise de décisions est relativement faible, ce qui s’explique au moins en partie par le fait que bon nombre de communautés autochtones se trouvent dans des secteurs non exploités par les forestières.

Conformément à la stratégie de 2002, treize Premières nations du sud-est de la province ont voulu se regrouper pour réaliser un partenariat avec une compagnie non autochtone afin d’exploiter une usine de panneaux de lamelles orientées (OSB). La compagnie s’est retirée du projet en raison de la situation économique, mais ces Premières nations ont informé le gouvernement provincial qu’elles sont toujours intéressées à une telle affectation des ressources forestières. D’une manière similaire, à l’est du lac Winnipeg, d’autres développements potentiels pourraient reposer sur des arrangements avec les communautés autochtones.

Certaines Premières nations du Manitoba se sont concentrées sur l’établissement de zones protégées plutôt que sur le développement économique. En particulier, la Poplar River First Nation a joint l’Initiative boréale canadienne, appuyant l’objectif de cette dernière de protéger 50 % de la région boréale et d’établir un site du patrimoine mondial dans le nord-est du Manitoba et le nord-ouest de l’Ontario (www.poplarriverfirstnation.ca/poplar_river_chrono.htm).

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Ontario

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 81 23 % (19) 17 % (14) 33 % (27) 33 % (27) 62 % (50)

Études dans notre base de données 23 17 % (4) 43 % (10) 22 % (5) 4 % (1) 13 % (3)

Formes de collaboration en Ontario

L’Ontario, province la plus populeuse du Canada, compte 242 495 Autochtones (Statistique Canada 2008) pour 139 communautés de Premières nations, dont 81 faisaient partie de notre liste.

Des 139 Premières nations de la province, environ 110 se trouvent dans le secteur d’exploitation forestière défini dans le cadre de la décision prise en 1994 par la Commission des évaluations environnementales sur la gestion du bois d’œuvre en Ontario (renouvelée et réaffirmée en 2003). Le Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO) publie un rapport chaque année sur la participation des Autochtones dans chacun des districts du secteur d’exploitation forestière. Dans son rapport de 2004-2005, le MRNO reconnaissait que, malgré le fait les groupes autochtones ne détenaient aucun permis d’aménagement forestier durable, « des permis complémentaires de récolte du bois sont accordés aux Premières nations ».

Dans notre liste, 62 % des communautés ont conclu des ententes économiques et un tiers détiennent des tenures forestières. Wilson et Graham (2005) estimaient que les Premières nations de l’Ontario se sont vues offrir ou attribuer 1,5 Mm3 de bois en 2000, mais Brubacher (2007) souligne qu’ils n’avaient pas les valeurs précises. Il semble que les gestionnaires de district du MRNO ont fait la promotion d’accords spécifiques pour les travaux à contrat et les travaux sylvicoles et pour faciliter l’accès aux programmes gouvernementaux de formation et de renforcement des capacités.

Pour la planification et l’aménagement, le Manuel de planification de la gestion forestière du MRNO (Forest Management Planning Manual) exige des gestionnaires de produire des rapports sur les ressources autochtones et des cartes décrivant les valeurs des Autochtones; les communautés reçoivent un financement pour satisfaire ces exigences. Il est également requis d’inviter les représentants des communautés autochtones à faire partie des équipes de planification et l’aménagement des forêts, même si toutes les communautés ne profitent pas de cette occasion. Notre liste révèle que le tiers des communautés participent à une forme ou une autre de consultation. Nous reconnaissons toutefois qu’il est particulièrement difficile d’obtenir ces éléments d’information.

Plusieurs Premières nations situées au nord du secteur d’exploitation forestière participent maintenant à la planification communautaire de l’utilisation du territoire, étant donné que la forêt du Grand Nord est de plus en plus exploitée. En particulier, la Première nation Pikangikum, par l’initiative de la forêt Whitefeather, est en train d’envisager d’autres manières de gérer la forêt sur leur territoire traditionnel (Shearer et coll. 2009, Smith 2007). L’Ontario a promulgué sa Loi sur le Grand Nord en 2010, s’engageant ainsi à protéger 50 % de la superficie et à mettre en œuvre la planification communautaire de l’utilisation du territoire avec les Premières nations.

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Québec

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 32 59 % (19) 41 % (13) 88 % (28) 38 % (12) 72 % (23)

Études dans notre base de données 20 25 % (5) 30 % (6) 35 % (7) 5 % (1) 15 % (3)

Formes de collaboration en Québec

Au Québec, la population autochtone se chiffre à 108 430 personnes (Statistique Canada 2008) et, par son importance, l’industrie forestière occupe le deuxième rang au Canada, après la Colombie-Britannique.

Presque toutes les communautés des Premières nations des régions forestières participent à l’une ou l’autre forme de collaboration (Wyatt et coll. 2010b). La présence de onze différentes nations autochtones et l’absence de traités (jusqu’au traité avec les Cris, signé en 1975) font en sorte qu’il y existe une variété de formes de collaboration dans cette province. Les trois quarts des communautés ont conclu des arrangements économiques, la plupart des contrats pour travaux sylvicoles, et deux communautés sont partenaires de coentreprise (scieries). Le tiers des communautés détient des tenures forestières, tirant avantage des changements apportés à la Loi sur les forêts en 2001. Une nouvelle version de la loi a été promulguée en février 2010; les modes d’allocation du bois (tenures) ont été modifiés et les exigences en matière de consultation sont plus nombreuses (Wyatt et coll. 2010b).

Les revendications territoriales et les négociations politiques sont fréquentes, mais longues, et leur efficacité varie. Par exemple, les Algonquins du lac Barrière participent à un processus d’aménagement forestier avec les gouvernements fédéral et provincial depuis 1991 (Notzke 1995). À la fin des années 1990, les Cris se sont rendus devant les tribunaux au sujet des répercussions de l’exploitation forestière, en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois de 1975. Cette poursuite a donné lieu à des négociations avec le gouvernement du Québec et à la signature de la « Paix des Braves » en 2002. Cette entente prévoit l’établissement d’un conseil consultatif conjoint, protège les terres et accorde aux Cris une somme de 3,5 G$ sur une période de 50 ans.

Il importe de souligner l’ajout d’une disposition à la Loi sur les forêts de 2001, qui permet aux communautés des Premières nations et aux compagnies forestières de négocier des « mesures d’harmonisation » qui diffèrent des pratiques forestières habituelles. Elles peuvent être approuvées par le gouvernement pour être appliquées localement (voir annexe 5). Ces dispositions encouragent les consultations et les relations avec les compagnies forestières, mais n’abordent pas les sujets comme les objectifs de l’aménagement ou les droits des Autochtones. Bien que la recherche soit active au Québec, la majorité des études ont été menées auprès des communautés cries. Les autres nations ont reçu moins d’attention.

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Nouveau-Brunswick

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 15 0 13 % (2) 0 100 % (15) 100 % (15)

Études dans notre base de données 2 0 0 0 100 % (2) 0

Formes de collaboration en Nouveau-Brunswick

Au Nouveau-Brunswick, l’industrie forestière produit environ 5 % du rendement soutenu au Canada, alors que la population autochtone (17 655 personnes) représente 2 % du total au pays (Statistique Canada 2008). En 1998, après que la cour d’appel du NB s’est prononcée sur le droit (issu de traités) de récolter du bois dans l’affaire Paul, le gouvernement a alloué aux communautés autochtones 4,4 % du total de coupe annuelle dans les forêts publiques (Blakeney 2003). Par conséquent, toutes les Premières nations du Nouveau-Brunswick participent à la coupe forestière, bien que certaines communautés aient choisi d’offrir leur allocation en sous-traitance à des entreprises non autochtones.

Depuis 2003, un programme de renforcement des capacités financé par les deux paliers de gouvernement a permis à plusieurs centaines de membres des Premières nations de recevoir une formation à l’emploi dans l’industrie forestière (ASEP 2009). Cependant, la crise persistante dans cette industrie a entraîné de nombreuses pertes d’emploi dans la province et nous n’avons aucune information sur l’emploi des Autochtones dans ce secteur d’activités. La Première nation d’Eel Ground, qui a développé l’aménagement forestier et la transformation sur sa réserve, n’a pas réussi à conserver son entreprise Straight Arrow Specialized Lumber Products. Aucune Première nation ne possède de scierie dans la province et ne participe aux activités d’aménagement forestier (sauf en tant que membres de comités consultatifs).

Selon Wilson et Graham (2005), l’importance des forêts privées au NB fait en sorte que les grandes compagnies forestières ont moins consulté les Premières nations dans cette province qu’ailleurs au pays. Cela pourrait s’expliquer en partie par le fait que la moitié seulement des forêts du Nouveau-Brunswick se trouvent sur des terres publiques et que les propriétaires privés se sentent peut-être moins enclins à consulter les peuples autochtones pour l’aménagement de leur territoire forestier qu’ils possèdent en propriété franche.

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Île-du-Prince-Édouard

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 2 0 0 0 0 100 % (2)

Études dans notre base de données 0 0 0 0 0 0

Formes de collaboration en Île-du-Prince-Édouard

Comme l’Île-du-Prince-Édouard compte peu de forêts, que son industrie forestière est réduite, que les terres publiques y occupent une petite superficie et que les Autochtones y sont peu nombreux, cette province joue un rôle minime au chapitre de la collaboration entre les Autochtones et l’industrie forestière. L’écotourisme et la biomasse sont des secteurs envisagés pour le développement économique. Certaines activités de cartographie de l’utilisation traditionnelle du territoire ont été menées, mais la prédominance des terres privées dans cette province limite leur application en foresterie.

Nouvelle-Écosse

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 14 43 % (6) 79 % (11) 43 % (6) 7 % (1) 100 % (14)

Études dans notre base de données 1 0 0 0 100 % (1) 0

Formes de collaboration en Nouvelle-Écosse

La population des Premières nations en Nouvelle-Écosse s’élève à 24 175 (Statistique Canada 2008) et l’industrie forestière exploite environ 3 % du total au pays. Comme le territoire forestier se trouve surtout sur des terres privées, les Premières nations éprouvent des problèmes d’accès aux forêts, aux tenures et aux débouchés économiques. Toutefois, les nations Mi’kmaq de l’île du Cap-Breton ont négocié des ententes avec des compagnies forestières pour couper des volumes précis. La Confederacy of Mainland Mi’kmaq a également obtenu de jouer un rôle important dans la mise en œuvre d’activités du Programme forestier des Premières nations (fédéral) dans la province. En particulier, cette collaboration a contribué à documenter les connaissances traditionnelles sur les forêts et les plantes. Les Premières nations ne possèdent aucune scierie dans la province et seule une nation participe directement à l’aménagement forestier – sur des territoires qu’elle a obtenus d’elle-même. Lorsqu’une Première nation a besoin de bois pour son propre usage, la province tente de le lui procurer. Toute autre influence sur le développement des ressources naturelles se limite aux processus de consultation ouverts à la population générale.

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Terre-Neuve et Labrador

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 4 50 % (2) 50 % (2) 75 % (3) 75 % (3) 50 % (2)

Études dans notre base de données 1 100 % (1) 0 0 0 0

Formes de collaboration en Terre-Neuve et Labrador

En ce qui concerne les peuples autochtones et l’industrie forestière, il est préférable de considérer séparément le Labrador et l’île de Terre-Neuve. Au Labrador, la population de Premières nations, de Métis et d’Inuits est très importante. La foresterie commerciale a eu un cycle d’expansion et de ralentissement et la coupe est désormais faite uniquement pour satisfaire les besoins locaux. La nation Innu et la nation Métis du Labrador sont en train de négocier le règlement de revendications territoriales globales avec le gouvernement provincial. Cette ronde de négociations coïncide avec l’intérêt manifesté par les Innus à l’égard de la foresterie, ce qui a donné lieu à une approche inédite de cogestion et d’aménagement écosystémique (Courtois et coll. 2008). Les Inuits de Postville possèdent une petite scierie et ils sont vraisemblablement la seule communauté inuit au Canada à être engagée dans l’exploitation forestière commerciale.

À Terre-Neuve, la Cour suprême a statué que les Mi’kmaq ne bénéficient pas des droits des Autochtones ou des droits issus de traités. De plus, de vastes superficies de terres publiques appartiennent à des compagnies forestières qui détiennent des permis d’une durée pouvant atteindre 99 ans. Par conséquent, les Autochtones de Terre-Neuve jouent un rôle beaucoup moins important que ceux du Labrador en foresterie.

Yukon

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 10 90 % (9) 100 % (10) 100 % (10) 90 % (9) 10 % (1)

Études dans notre base de données 22 18 % (4) 32 % (7) 50 % (11) 0 0

Formes de collaboration en Yukon

Le Yukon compte 14 Premières nations, soit environ 8 000 personnes (Statistique Canada 2008). Les activités de foresterie commerciale portent sur de faibles volumes (environ 20 000 m3 par année) dans la partie méridionale du territoire, malgré que le gouvernement estime que 15 % du territoire forestier pourrait être exploité. En 2006, une seule entreprise appartenant à des Autochtones possédait une petite tenure de 15 000 m3 par année (Brubacher 2007).

Des revendications globales sont en cours au Yukon, et des règlements définitifs ont été négociés avec onze Premières nations. En vertu de l’Accord-cadre définitif du Conseil des Indiens du Yukon, 41 595 km2 de terres ont été octroyés aux 14 Premières nations. Depuis 2003, plusieurs Premières nations ont élaboré conjointement des plans stratégiques d’aménagement forestier avec le gouvernement territorial. Selon Wilson et Graham (2005), cinq ou six Premières nations pourraient jouer un rôle important dans le secteur forestier au Yukon.

Plusieurs mécanismes permettent aux Premières nations du Yukon d’avoir voix au chapitre en matière de planification de l’utilisation du territoire. La Commission de la gestion de la faune aquatique et terrestre du Yukon

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est un comité consultatif comprenant six membres nommés par le Conseil des Premières nations du Yukon et six, nommés par le gouvernement. Les Conseils des ressources renouvelables ont été créés en vertu des ententes finales, pour permettre aux membres des communautés de participer au processus décisionnel pour la gestion des ressources sur leur territoire traditionnel. Enfin, trois Commissions régionales d’aménagement du territoire veillent à élaborer des plans d’aménagement en des endroits spécifiques (territoires traditionnels). Leurs recommandations sont présentées aux trois parties tenantes de l’entente : le gouvernement du Canada, le gouvernement du Yukon et les Premières nations en cause.

Territoires du Nord-Ouest

Traités, accords et Études sur Influence Rôles et

protocoles l’utilisation sur la prise Tenures partenariats partnerships d’entente du territoire de décisions forestières économiques

Communautés répertoriées 27 100 % (27) 7 % (2) 0 37 % (10) 0

Études dans notre base de données 12 25 % (3) 25 % (3) 50 % (6) 0 0

Formes de collaboration en Territoires du Nord-Ouest

Dans les Territoires du Nord-Ouest, on compte 26 Premières nations, soit environ 20 000 personnes (Statistique Canada 2008). Malgré une superficie de 28 Mha de forêts, le secteur forestier est peu développé avec une récolte de 20 000 à 30 000 m3 de bois par année. Wilson et Graham (2005) estiment qu’environ 8000 personnes habitent des régions où l’industrie forestière pourrait se pratiquer.

Les percées les plus importantes concernant la participation des Autochtones à l’industrie forestière sont survenues dans le règlement des revendications territoriales, les processus d’autonomie gouvernementale et l’aménagement des ressources. Par exemple, en vertu de leurs revendications territoriales et de l’entente d’autonomie gouvernementale, les Tlicho se sont vus accorder des droits sur 3,9 millions d’hectares de territoire entourant leurs quatre communautés (Brubacher 2007). Les Tlicho partagent également leurs responsabilités par le biais du Conseil des ressources renouvelables du Wekeezhii dans le vaste secteur du Wekeezhii. Comme les revendications territoriales ont fait l’objet de règlements, toutes les entreprises d’importance (1000 m3 et plus) doivent être approuvées par les Premières nations. Wilson et Graham (2005) soulignent également que le projet gazier Mackenzie (y compris le pipeline de la vallée du Mackenzie) influera sans doute sur le secteur forestier de plusieurs manières, notamment par : les processus de consultation, la récolte et la coupe totale pour la construction, le développement économique et le partage des recettes.

4b Arrangements collaboratifs multiples

La plupart des communautés autochtones pratiquent plus d’une forme de collaboration. Le tableau 8 montre que plus des deux tiers des communautés ont adopté au moins deux démarches de collaboration, et 219 communautés, au moins trois. Dans les faits, l’adoption de multiples arrangements est sans doute plus largement répandue que nos données le laissent entendre. Sur les 482 communautés répertoriées, seules 13 (9 en Alberta et 4 au Manitoba) ne participaient à aucune forme de collaboration.

Le recours simultané à différentes démarches donne à penser que les communautés ne souhaitent pas « mettre tous leurs œufs dans le même panier ». En recourant à une variété d’arrangements collaboratifs, les communautés peuvent atteindre différents objectifs et disposent ainsi d’une solution de rechange advenant des problèmes avec une démarche. Cette gamme d’options peut aussi refléter la diversité des acteurs au sein d’une communauté. Cependant, le recours à de multiples processus exige davantage de ressources, rares dans bon nombre de communautés, et peut être source de conflits internes.

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1 Pour 9 communautés répertoriées en Alberta et 4 au Manitoba : aucune approche de collaboration.2 À cause de l’insuffisance de données pour la CB, nous avons dû exclure deux approches (Études sur l’utilisation et l’aménagement du territoire et

Influence sur la prise de décisions) de nos résultats. Par conséquent, le maximum de démarches possibles simultanément en CB est 3. Voilà pourquoi nous présentons deux totaux.

La difficulté que nous avons eue à obtenir des données exactes pour toutes les communautés autochtones de la Colombie-Britannique des régions forestières nous a incités à exclure deux démarches (Planification, aménagement et études sur l’utilisation du territoire; et Influence sur la prise de décisions) de nos résultats. Ainsi, il est particulièrement éloquent que 68 % des communautés de la province recourent aux trois démarches incluses dans nos résultats. Il est très vraisemblable qu’un nombre important de ces communautés aient également adopté une des deux autres démarches, voire les deux.

Notre méthodologie nous donne le nombre minimal de démarches utilisées. Les arrangements existants qui n’ont pas été identifiés par nos diverses sources n’ont pas été inclus. Aussi, différents exemples de la même démarche (comme deux entreprises forestières dans une même communauté ou une étude de l’utilisation du territoire et un plan d’aménagement) étaient considérés comme une seule occurrence de recours à une démarche donnée. Nous n’avons pas inclus les arrangements visant le renforcement des capacités.

Les différences entre les provinces sont également importantes. Les collaborations multiples sont les plus fréquentes en Colombie-Britannique, ce qui pourrait s’expliquer par l’absence de traités historiques, un certain nombre d’arrêts importants de la Cour suprême du Canada, l’abondance de communautés des Premières nations, une industrie forestière largement représentée et la diversité des types de tenures forestières. Québec suit de près au second rang, avec 66 % de ses communautés recourant à au moins trois démarches. Il est surprenant de constater que les communautés de l’Ontario semblent moins enclines à adopter de multiples formes de collaboration, ce qui pourrait s’expliquer par des données incomplètes ou par des facteurs tels qu’un approvisionnement en bois totalement alloué ou encore sur la façon dont les gouvernements provinciaux interprètent l’obligation de consulter et d’accommoder dans les régions assujetties à des traités historiques.

Tableau 8. Occurrence de multiples arrangements collaboratifs

NOMBRE D’APPROCHES

Nombre de PROVINCE ou RÉGION communautés 1 2 3 ou 4 5 répertoriées approche approches approches approches

Colombie-Britannique 164 2 % (3) 30 % (49) 68 % (112) na

Alberta1 44 11 % (5) 30 % (13) 34 % (15) 2 % (1)

Saskatchewan 39 33 % (13) 31 % (12) 31 % (12) 5 % (2)

Manitoba1 50 38 % (19) 24 % (12) 28 % (14) 2 % (1)

Ontario 81 57 % (46) 26 % (21) 15 % (12) 2 % (2)

Québec 32 15 % (5) 18 % (6) 51 % (17) 12 % (4)

Atlantique 35 14 % (5) 37 % (13) 43 % (15) 3 % (1)

Territoires 37 40 % (15) 30 % (11) 30 % (11) 0

Total (sauf CB)2 318 34 % (109) 28 % (88) 30 % (96) 3 % (11)

Total (avec CB)2 482 23 % (112) 28 % (137) 43 % (208) na

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4c Comparaison de la recherche et de la pratique en matière de collaboration

La base de données compilée pour ce projet englobait 208 études menées au Canada et portant sur le recours à une initiative ou à une démarche particulière de collaboration. La plupart des études portaient sur une seule démarche dans une seule communauté, certaines, sur les expériences vécues dans plusieurs communautés ou provinces, ou même partout au pays, et les autres, sur plus d’une démarche. Le tableau 9 présente la fréquence relative des différentes démarches de collaboration examinées dans ces études, en précisant la province où le travail a été effectué. La comparaison entre ce tableau et notre liste (tableau 7, section 2.4) nous permet de relever certains enjeux concernant l’état de la recherche sur les démarches de collaboration.

Il est important de préciser que les tenures forestières et les rôles économiques sont les deux démarches auxquelles les communautés recourent le plus souvent, soit 61 % et 58 % respectivement. Toutefois, ces sujets ont suscité peu d’intérêt chez les chercheurs, considérant que seules 12 % des études ont porté sur les tenures et 16 % sur les rôles et les partenariats économiques. Cette observation concerne particulièrement les Maritimes, où la principale forme de collaboration adoptée par les groupes autochtones est le partenariat économique – toutefois, aucune étude n’a été publiée sur les enjeux, les avantages et les difficultés de cette démarche.

Le sujet le plus souvent abordé en recherche a été les études sur l’utilisation du territoire. Cette observation peut s’expliquer par deux facteurs : l’origine académique de cet outil et son importance dans les négociations pour les revendications territoriales ainsi que des droits des Autochtones et du titre aborigène. Les traités et ententes ont également intéressé les chercheurs.

Tableau 9. Proportion d’études portant sur chaque forme de collaboration

FORMES DE COLLABORATION

Traités, Études sur Influence Rôles et PROVINCE OU TERRITOIRE accords et l’utilisation sur la prise roles and Nombre protocoles du de Tenures partenariats

d’études d’entente territoire décisions forestières économiques

Colombie-Britannique 48 21 % (10) 35 % (17) 4 % (2) 19 % (9) 21 % (10)

Alberta 21 29 % (6) 33 % (7) 10 % (2) 10 % (2) 19 % (4)

Saskatchewan 12 8 % (1) 50 % (6) 33 % (4) 8 % (1) 33 % (4)

Manitoba 2 0 100 % (2) 0 0 0

Ontario 23 17 % (4) 43 % (10) 22 % (5) 4 % (1) 13 % (3)

Québec 20 25 % (5) 30 % (6) 35 % (7) 5 % (1) 15 % (3)

Nouveau-Brunswick 2 0 0 0 100 % (2) 0

Île-du-Prince-Édouard 0 0 0 0 0 0

Nova Scotia 1 0 0 0 100 % (1) 0

Newfoundland and Labrador 1 100 % (1) 0 0 0 0

Yukon 22 18 % (4) 32 % (7) 50 % (11) 0 0

Territoires du Nord-Ouest 12 25 % (3) 25 % (3) 50 % (6) 0 0

Au moins 2 prov./terr. 44 25 % (11) 36 % (16) 2 % (1) 16 % (7) 20 % (9)

Total 208 22 % (45) 36 % (74) 18 % (38) 12 % (24) 16 % (33)

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Annexe 5 Harmonisation des intérêts des Autochtones et de l’industrie au Québec

Parmi les termes de référence de ce rapport, il y a le mot « harmonisation ». L’expression « mesures d’harmonisation » (harmonisation measures) est utilisée en aménagement forestier au Québec depuis les années 1980. Elle a servi à créer un terrain d’entente sur lequel le gouvernement provincial et les Premières nations du Québec pouvaient aborder la question de la récolte et de l’aménagement des forêts sur les terres publiques. Le mot « harmonisation » est vaste et désigne de nombreuses réalités : • un cadre réglementaire provincial pour l’« harmonisation des utilisations », • un ensemble de « pratiques d’harmonisation » que les Premières nations souhaiteraient voir s’appliquer, et • des « processus locaux d’harmonisation » (chacun possédant sa propre dynamique et produisant ses propres

résultats).

Les « mesures d’harmonisation » sont négociées entre les compagnies forestières et les communautés des Premières nations, après approbation par le ministère.

Le cadre réglementaire de l’harmonisation au Québec repose sur les modifications apportées à la Loi sur les forêts en 2001 et sur les processus officialisés par le gouvernement provincial en 2005 (Pâquet et Deschênes 2005, p.11-13). En premier lieu, les compagnies forestières ayant un contrat d’aménagement forestier sont tenues de consulter les communautés des Premières nations au sujet des activités de coupe et d’aménagement effectuées sur le territoire forestier. Si la communauté exprime des préoccupations, les deux parties peuvent négocier des modifications aux pratiques standards de coupe et d’aménagement établies par la réglementation du gouvernement. Toute modification doit ainsi être approuvée par le Ministre, pour ensuite être intégrée aux plans d’exploitation d’un secteur donné, tels que décidé par la compagnie et la communauté.

La nature et la teneur des consultations et des ententes ne sont pas précisées. Cependant, les lignes directrices gouvernementales mettent l’accent sur les enjeux d’accès au territoire, le déroulement des activités (p. ex. sylvicoles) et la préservation des paysages visuels. Les ententes d’harmonisation entraînent habituellement l’élaboration d’un plan d’interventions modifié prévoyant du zonage, des bandes-tampons ou des bandes riveraines, et des secteurs protégés. Les résultats sont évalués par les intervenants au moyen d’un simple formulaire sur lequel ils cochent s’ils sont satisfaits ou non et qu’ils retournent au gouvernement. Ces formulaires servent d’outil de suivi. Le non-respect du plan convenu peut entraîner une amende ou une réduction du volume alloué.

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En général, l’harmonisation semble produire des résultats qui dépassent ceux que la simple conformité au cadre réglementaire permet d’obtenir. Les résultats n’ont pourtant pas répondu à toutes les aspirations des Premières nations. Une de leurs préoccupations est la brièveté de la période de temps mise à leur disposition pour la consultation et la négociation d’une entente – généralement moins de trois mois. Une autre est le manque de souplesse : pour de nombreux aspects de l’aménagement forestier, comme l’établissement et l’allocation des volumes de bois pour la coupe, les décisions sont prises avant même que les Premières nations soient consultées (Dupré dans FNQLSDI 2004). Enfin, d’autres problèmes soulevés par les Autochtones à cet égard sont le manque d’information détaillée et le peu de participation de la part des représentants du gouvernement.

L’harmonisation a été plus fructueuse lorsque les Premières nations et les compagnies forestières ont mis en place des mécanismes dépassant les exigences réglementaires minimales, comme ce fut le cas avec les Cris dans le Nord du Québec et les Atikamekw de la vallée du Saint-Maurice (encadré 4). Elle l’a été moins lorsque le cadre de l’harmonisation était mal conçu ou qu’il se limitait aux lignes directrices minimales, comme ce fut le cas avec les Mi’kmaq, les Algonquins et les Innus.

L’harmonisation a été plus fructueuse lorsque les exigences minimales ont été dépassées.

Préoccupations des Premières nations : brièveté de la période de temps accordée pour les consultations et les négociations, et manque de souplesse (p. ex. lorsque les plans sont établis avant la consultation).

Éléments d’une harmonisation réussie : les Atikamekw de Wemotaci

La communauté Atikamekw de Wemotaci a entrepris un processus d’harmonisation en 1999. Au sein de la communauté, elle a formé une équipe technique constituée de membres qui avaient une formation reconnue en techniques d’utilisation du territoire (faune, foresterie et SIG) et d’un forestier professionnel non atikamekw. Cette équipe était dirigée par un négociateur atikamekw qualifié. En parallèle, une table d’harmonisation a été formée d’anciens et d’autres membres de la communauté.

La table permettait à la communauté de faire part de ses objectifs et de ses préoccupations à l’équipe tech-nique. Celle-ci négociait alors les plans et pratiques d’aménagement forestier avec les représentants des compagnies. De plus, elle avait accès aux études sur l’occupation et l’utilisation du territoire traditionnel menées au cours des années 1990, à un ensemble de prescriptions de coupe « atikamekw » élaboré par des consultants et à une compagnie de services forestiers atikamekw.

Tous ces éléments dépassent les exigences de la loi ou des lignes directrices gouvernementales. L’harmonisation a eu plusieurs retombées positives pour cette communauté : • protéger des sites utilisés par les Atikamekw à diverses fins; • aider à élaborer des pratiques de foresterie adaptées à l’utilisation territoriale et au mode de vie des

Atikamekw; • contribuer à développer les capacités individuelles et organisationnelles, ainsi que des débouchés

économiques; • favoriser la formulation de leurs préoccupations et de leurs intérêts relativement à la forêt et à

l’environnement dans d’autres contextes.Extrait de Gosselin (2004) et de Wyatt (2004, 2006).

ENCADRÉ 4

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Annexe 6 Repenser la collaboration : métasynthèse et leçons apprises

La métasynthèse est une technique de recherche relativement récente, qui sert à réévaluer une théorie, particulière-ment par l’examen d’une gamme d’études publiées ou non. Elle aide à rehausser le niveau théorique (Schreiber et coll. 1997) en clarifiant des notions et des tendances observées dans les données, ainsi qu’en raffinant l’état existant des connaissances (Finfgeld 2003). En général, une métasynthèse consiste à : • recenser les études documentées; • sélectionner un sous-ensemble de ces études selon des critères comme la complétude de l’information,

la méthode utilisée et les questions posées; • analyser les conclusions principales ainsi que le contexte et les détails de l’étude; et• synthétiser le tout par un cadre de travail conceptuel englobant les diverses études.

(Beierle et Cayford 2002, Bondas et Hall 2007, Padgee et coll. 2006).

Plus qu’une simple revue de la littérature ou que la somme de ses parties, une métasynthèse peut apporter un éclairage nouveau sur les résultats d’études séparées en offrant de nouvelles explications par l’analyse et la synthèse des résultats compilés.

Dans les trente dernières années, de très nombreuses études ont été menées sur les expériences des peuples autochtones en foresterie et en aménagement du territoire. Par cette métasynthèse, nous visions non seulement à examiner et à résumer la recherche sur le sujet, mais aussi à mettre au jour des enjeux communs susceptibles de nous aider à mieux comprendre les fondements d’une collaboration réussie. À partir de notre base de données compilées à partir de plus de 250 documents - articles publiés, rapports d’études et autres -, nous en avons retenu 90 particulièrement informatifs, puis un sous-ensemble de 24. Nous avons effectué sur ces derniers une analyse plus détaillée portant sur trois thèmes choisis qui illustraient différents aspects de la gamme d’expériences de collaboration :• recours aux connaissances des Autochtones en aménagement forestier; • cogestion et gouvernance du territoire forestier par les Autochtones; et • initiatives de développement économique visant à faire participer les peuples autochtones à l’industrie forestière.(Voir encadré 5 pour des détails sur les méthodes et les sources utilisées.)

i. La sagesse en action vers l’atteinte d’objectifs : un usage équilibré des connaissances autochtones et scientifiques en aménagement forestier

De nos jours, l’aménagement et les processus décisionnels relatifs au territoire forestier font appel à la fois aux connaissances scientifiques et aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones. Ces types de connaissances reposent sur des bases très différentes (Aikenhead et Ogawa 2007), ce qui donne souvent lieu à des approches conflictuelles dans l’utilisation et la gestion des ressources naturelles (Berkes et coll. 2000).

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Tant les connaissances des Autochtones que celles des non-Autochtones peuvent contribuer à la vision et au processus décisionnel de l’aménagement forestier.

Dans la tradition des Autochtones, il est habituellement question de manières de vivre dans la nature, qui soulignent la nécessité de relations responsables entre les connaissances, les personnes et l’ensemble de la création, souvent doublées d’un aspect spirituel. La science reconnaît l’existence de ces traditions, mais les considère comme « non scientifiques » : elle préfère examiner les objets, les causes et les effets. Les Autochtones misent plutôt sur l’observation des changements quotidiens dans des contextes locaux, alors que la science cherche à établir des règles communes qui s’appliquent à des situations similaires, que ce soit sur place ou ailleurs.

Les connaissances traditionnelles sont souvent décrites en termes qui traduisent un parcours, un cheminement (le processus), plutôt qu’en un ensemble de données statiques. Aikenhead et Ogawa (2007) utilisent l’expression « sagesse en action » (wisdom in action) pour décrire la manière qu’ont les Autochtones de vivre dans la nature – d’en faire partie –, tout en suggérant que les scientifiques et les gestionnaires visent plutôt des destinations précises, souvent sans tenir compte des détours et virages très enrichissants du parcours – le processus en tant que tel.

Le défi consiste à tenter de concilier les connaissances autochtones et scientifiques, malgré qu’il puisse parfois mener à des conflits, par exemple sur les intentions relatives au partage ou à l’utilisation de l’information. Les préoccupations ont trait notamment au recours aux études portant sur les connaissances autochtones comme substitut à la consultation, à l’utilisation de l’information selon des manières qui ne respectent pas les valeurs des Autochtones, aux enjeux liés à la transmission orale des connaissances, et à la meilleure façon d’utiliser les connaissances autochtones dans les processus formels de planification.

Les processus actuels de gestion reposent souvent sur l’écrit et sont officialisés par les gouvernements sans consultation préalable des peuples autochtones, qui s’inquiètent alors du fait qu’ils sont exclus des mécanismes de gestion des ressources naturelles (Greskiw et Innes 2009). Par exemple, les Dene Tha considèrent que la mise en commun des connaissances doit aussi faire appel à l’apprentissage mutuel de la culture de l’autre et le partage des visions ou des perspectives (Horvath et coll. 2001). Il ne suffit pas de se contenter de consigner les connaissances des Autochtones. Il faut plutôt faire en sorte que chaque partie comprenne comment l’autre considère ses connaissances et qu’ensemble, elles élaborent une vision commune de l’utilisation de ce savoir.

Malgré les différences, il existe des parallèles et des points communs entre ces formes de connaissances. Les deux reposent sur une observation attentive et consistent à bâtir un système à partir des connaissances acquises. Un certain nombre de méthodes actuelles de gestion des ressources ressemblent aux pratiques utilisées par les Autochtones, notamment l’aménagement de territoires morcelés, la protection des sources de renouvellement des écosystèmes et leur réponse à la variabilité et aux surprises, ainsi qu’à la gestion de celles-ci (Berkes et coll. 2000).

Il faut se rendre compte ici qu’il existe différentes façons d’appréhender la nature et qu’une pluralité de vérités apportera une meilleure compréhension (Aikenhead et Ogawa 2007). Il ne s’agit pas d’un concours entre les connaissances scientifiques et les connaissances des Autochtones.

La conciliation leur permettrait de contribuer aux décisions concernant le territoire forestier. Les structures institutionnelles, comme les tables rondes ou les conseils de cogestion, peuvent faciliter cette conciliation, surtout si l’autorité décisionnelle est partagée (Mabee et Hoberg 2006). Il faut absolument surveiller l’efficacité et l’équité de ces processus (Carlsson et Berkes 2005, Armitage et coll. 2007). Une telle conciliation pourrait être considérée comme la « sagesse dans l’atteinte d’objectifs »– où les destinations et le cheminement sont déterminés par un processus visant à connaître les contextes pertinents et les relations porteuses entre les connaissances autochtones et scientifiques.

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ii. La cogestion : s’engager dans un processus plutôt que définir un mécanisme

Au Canada, la cogestion est de plus en plus considérée comme modèle pour les relations entre peuples autochtones, gouvernements et compagnies en ce qui a trait à l’aménagement du territoire forestier. Elle est perçue comme pouvant offrir aux peuples autochtones un rôle égal dans le processus décisionnel. Elle est souvent proposée comme solution à une crise, en particulier lorsque les droits, les intérêts ou les connaissances des Autochtones n’ont pas été pris en compte (Nadasdy 1999). Les publications parues initialement au sujet de la cogestion portaient surtout sur les arrangements formels entre les parties. Les études plus récentes portent plutôt sur les développements sociaux, l’évolution des arrangements et sur les concepts de cogestion adaptative et d’apprentissage mutuel (Armitage et coll. 2007, Carlsson et Berkes 2005).

[TRADUCTION]

« Cogestion : situation dans laquelle au moins deux acteurs sociaux négocient, définissent et garantissent entre eux un partage équitable des fonctions de gestion, des droits et des responsabilités à l’égard d’un territoire, d’une région ou d’un ensemble de ressources naturelles. »

(Borrini-Feyerabend 2000, p. 8)

Au Canada, la cogestion est de plus en plus considérée comme modèle pour les relations entre peuples autochtones, gouvernements et compagnies en ce qui a trait à l’aménagement du territoire forestier. Elle est perçue comme pouvant offrir aux peuples autochtones un rôle égal dans le processus décisionnel. Elle est souvent proposée comme solution à une crise, en particulier lorsque les droits, les intérêts ou les connaissances des Autochtones n’ont pas été pris en compte (Nadasdy 1999). Les publications parues initialement au sujet de la cogestion portaient surtout sur les arrangements formels entre les parties. Les études plus récentes portent plutôt sur les développements sociaux, l’évolution des arrangements et sur les concepts de cogestion adaptative et d’apprentissage mutuel (Armitage et coll. 2007, Carlsson et Berkes 2005).

À partir de l’expérience accumulée au Canada et ailleurs, Borrini-Feyerabend (2000) a conclu que la cogestion ne saurait réussir par la simple création d’un conseil ou d’une institution similaire et que l’établissement d’un processus d’apprentissage structuré est essentiel.

Selon Borrini-Feyerabend (2000), la cogestion est appropriée lorsqu’au moins deux acteurs ont besoin de ressources et que chacun a des droits, des connaissances et une expérience de longue date. La cogestion est inappropriée lorsqu’il y a de l’incertitude au sujet de l’accès aux ressources ou de la gestion et de l’information. Malheureusement, l’incertitude caractérise la plupart des situations mettant en jeu des communautés autochtones et des compagnies forestières au Canada, et elle peut saper la cogestion et tout autre arrangement collaboratif. Le manque de sensibilisation aux risques associés à la cogestion indique qu’il faut approfondir la recherche dans ce domaine (Carlsson et Berkes 2005, Natcher et coll. 2005).

Borrini-Feyerabend (2000) propose un processus de cogestion en trois phases :

• La phase préparatoire vise surtout à ce que les ressources soient adéquates, que les initiateurs aient un rôle bien défini et que les communications soient efficaces. En examinant l’expérience vécue avec les Nuu-chah-nulth de Clayoquot Sound, Mabee et Hoberg (2006) ont découvert que les facilitateurs de la cogestion n’ont pas prévu qu’il existe des différences culturelles entre les participants et que par conséquent, il faut en tenir compte.

• La phase de négociation consiste à établir la confiance et jeter les bases de la coopération, tout en obtenant des solutions. Natcher et coll. (2005) ont conclu que l’identité du groupe et l’engagement partagé sont essentiels à la réussite de tout processus de cogestion. Mabee et Hoberg (2006) ont également noté l’importance d’aborder la question du pouvoir et de veiller à ce que les arrangements assurent aux peuples autochtones des rôles égaux dans les processus décisionnels conjoints.

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• La phase d’apprentissage « par l’action » souligne les processus ainsi que les rôles et responsabilités de chaque partie, tant dans la mise en œuvre que dans le suivi de l’aménagement. Olsson et coll. (2004) utilisent l’expression « cogestion adaptative », caractérisée par l’apprentissage par étapes par la gestion et le partage des droits et des responsabilités.

La notion de cogestion pourrait être mieux comprise en tant que verbe que substantif. Natcher et coll. (2005) rappellent que la cogestion consiste plutôt à gérer des relations humaines que des ressources à proprement parler. Considérer la cogestion comme un processus d’apprentissage par l’action définit un cycle d’apprentissage : qu’est-ce que les partenaires cherchent à obtenir, comment ont-ils l’intention d’y arriver et comment sauront-ils s’ils ont réussi.

iii. Développement économique : renforcer les capacités, les communautés et les relations

Depuis une décennie, les peuples autochtones sont devenus plus actifs dans le secteur forestier. Pour bon nombre d’entre eux, la participation économique au secteur forestier leur permet d’exercer leurs droits constitutionnels, de rebâtir des communautés et de retrouver l’autonomie (Greskiw et Innes 2008, Nadasdy 1999). Selon Trosper et coll. (2007), le double constat selon lequel les communautés autochtones vivent souvent dans de piètres conditions socio-économiques et que 80 % des communautés sont situées dans les régions où se pratique l’exploitation commerciale de la forêt a incité les décideurs à élaborer des politiques visant à encourager le développement économique basé sur la forêt. L’argument courant est que l’autosuffisance entraînera l’autodétermination, la décolonisation et la mise en place d’institutions fondées sur les connaissances autochtones (ANFA/IOG 2000).

Malgré ces buts, les indicateurs économiques habituels de bien-être n’indiquent aucun changement notable dans les communautés autochtones (Parkins et coll. 2006). Les observations faites au pays révèlent qu’il existe de nombreuses entraves à l’établissement d’entreprises forestières autochtones, surtout en ce qui concerne l’accès au territoire, au financement et aux capacités. En premier lieu, les territoires gouvernés par les Autochtones (habituellement des réserves indiennes) ne couvrent que 0,25 % du territoire forestier au Canada (Brubacher 2003, 2007). Les provinces octroient de plus en plus de tenures forestières aux entreprises autochtones, mais ces tenures ne correspondent pas nécessairement aux objectifs et aux droits des Autochtones. L’accès au financement, que ce soit par les institutions commerciales, les programmes gouvernementaux ou même les biens existants, représente une autre pierre d’achoppement (Williams 2008). De nombreuses communautés autochtones sont confrontées à une pénurie de compétences en gestion, en technique et en main-d’œuvre. Il existe certes les programmes des gouvernements et de l’industrie, comme le Programme de foresterie des Premières nations (fédéral), mais Boyd (2006) souligne que, dans la région de Chilcotin en Colombie-Britannique, bon nombre de ces initiatives sont de courte durée, reposent sur des projets spécifiques d’entreprises ou ne sont pas coordonnées avec des initiatives de formation plus larges. De plus, les bouleversements actuels dans le secteur forestier ajoutent à la difficulté de démarrer de nouveaux projets et entreprises.

Confrontées à des problèmes d’accès au territoire, aux ressources, au financement et aux compétences, de nombreuses communautés ou entreprises autochtones ont opté pour établir des arrangements économiques avec des entreprises forestières non autochtones17. Ces arrangements peuvent prendre de nombreuses formes, depuis les coentreprises jusqu’à des accords (ANFA/IOG 2000, Trosper 2007), et peuvent jouer des rôles diversifiés tels que l’évitement de conflits et l’obtention de profits et d’avantages socioculturels (Hickey et Nelson 2005). Toutefois, l’intégration d’entreprises autochtones dans une industrie caractérisée par une capitalisation élevée et une gouvernance centralisée présente de nombreux défis, car les compagnies comprennent souvent mal les intérêts et les contraintes de leurs partenaires potentiels (ANFA/IOG 2000).

Pour de nombreuses communautés autochtones, la participation à des arrangements économiques est motivée davantage par des principes tels que la réciprocité et le respect que par le profit (Trosper 2009). Il importe de reconnaître les buts et les priorités de chaque partenaire, ce qui peut faire en sorte qu’un arrangement donné accommode les deux parties.

17 Voir à la section 2.3 une discussion sur les partenariats et autres arrangements économiques entre peuples autochtones et compagnies forestières.

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Greskiw (2006) souligne que bien que les membres autochtones et non autochtones de la Likely Xats’ull Forestry Corporation n’aient jamais travaillé ensemble, ils se sont rendu compte qu’ils avaient des intérêts communs qu’un partenariat commercial permettrait de concilier. Ainsi, les deux communautés de Likely (non autochtone) et de Xats’ull (autochtone) ont pu obtenir du gouvernement une tenure de forêt communautaire fondée sur la superficie et la gérer pour le bénéfice des deux.

La coopération, la cogestion et l’apprentissage mutuel constituent des changements importants dans la manière dont les gouvernements et les entreprises avaient l’habitude de faire des affaires. De petites avancées modestes pourraient permettre d’obtenir des progrès importants avec le temps (Wilson et Graham 2005).

Trosper (2007) et Williams (2008) soulignent également l’importance d’avoir des politiques et procédures efficaces qui peuvent apporter la stabilité aux entreprises dirigées par une bande. Trosper (2007) a constaté qu’une politique claire peut aider à distinguer les intérêts de la bande de ceux de l’entreprise afin de réduire au minimum les conflits d’intérêts et les perceptions d’interférence politique.

Le rétablissement de l’autonomie est un but important pour le développement économique des Autochtones, et le faire par une collaboration avec un groupe non autochtone peut sembler paradoxal. Toutefois, les arrangements économiques fournissent des occasions d’apprendre, améliorent la communication entre les cultures et consolident les entreprises, tant autochtones que non autochtones. Souvent, la réussite se mesure non pas par l’importance des effectifs ou des revenus, mais par les progrès accomplis vers l’atteinte des buts de la communauté, l’accroissement des capacités et l’amélioration des relations.

iv. Leçons à appliquer pour une collaboration fructueuse

Les trois thèmes examinés dans la métasynthèse représentent des aspects assez différents de la collaboration entre les peuples autochtones et les compagnies forestières. D’ailleurs, la recherche examine habituellement ces thèmes séparément. Notre discussion sur les connaissances des Autochtones soulève des questions sur le type d’information utilisé en aménagement et sur les valeurs et intérêts des Autochtones à l’égard du territoire forestier. La cogestion est souvent vue comme un modèle de mécanisme, mais elle est de plus en plus considérée comme un processus rassembleur pour gérer l’utilisation du territoire forestier. Le développement économique signifie habituellement développement des entreprises et modèles de partenariat, mais il doit aussi être vu comme une partie de la quête des peuples autochtones vers l’autonomie. Lorsque ces thèmes sont présentés en parallèle, nous constatons qu’il y a un certain nombre d’enjeux communs.

En premier lieu, la communication est essentielle pour que chaque partie comprenne les points de vue de l’autre et en apprécie les connaissances, l’expérience et les valeurs. Cette compréhension permet d’établir une vision partagée, une identité de groupe et un apprentissage commun, qui serviront de guide lorsque les négociations seront plus ardues. Natcher et coll. (2005) ont conclu que la réussite de la cogestion dépendrait de la capacité des membres à composer avec les différences de connaissances et d’expériences plutôt qu’à les considérer comme des entraves. Comme Greskiw (2006) a découvert avec le partenariat Likely Xats’ull qu’un but commun est parfois plus utile que la convivialité pour amorcer une collaboration.

En second lieu, les enjeux fondamentaux doivent être abordés et résolus de manière claire et équitable. Les peuples autochtones s’attendent à ce que leurs droits soient respectés dans les arrangements collaboratifs. Ne pas en tenir compte ou les considérer comme hors du sujet de discussion ne peut contribuer à bâtir une relation. L’inégalité des pouvoirs est un problème souvent vécu par les Autochtones : l’étude effectuée chez les Autochtones de Clayoquot Sound a révélé que les participants n’avaient pas tous la même interprétation de « partenaires égaux » (Mabee et Hoberg 2006). Si les forestiers non autochtones ne comprennent pas les bases épistémologiques des connaissances des Autochtones, ils pourraient se contenter de marquer les sites sur une carte sans tenir compte des valeurs et des règles sous-jacentes à cette information. Les parties doivent négocier des processus et des normes qui respectent les intérêts de chacune.

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En troisième lieu, les structures institutionnelles (mécanismes), notamment les organisations, les processus et les systèmes, ont fait l’objet de nombreuses études, notamment sur les partenariats d’affaire, qui ont été particulièrement utiles pour élaborer les lignes directrices (Trosper et coll. 2007, Williams 2008). Les travaux classiques de Cornell et Kalt (1992) sur le développement économique des Autochtones aux États-Unis soulignent l’importance des mécanismes de résolution des contestations, de la séparation entre la politique et les affaires, et de la définition claire des responsabilités et des rôles. Toutefois, Carlsson et Berkes (2005) insistent sur la complexité de la cogestion, suggérant que, en pratique, les mécanismes de cogestion évoluent plutôt que d’être fixés ou déterminés à l’avance. Les structures participatives comme les tables rondes et les conseils conjoints de gestion sont souvent proposées comme mécanismes de collaboration, mais la complexité et l’évolution des situations leur imposent aussi de la souplesse. Il faut aussi reconnaître que l’absence de mécanisme peut parfois être la meilleure option – offrant un espace où les parties peuvent établir leurs propres modalités de collaboration.

En quatrième lieu, l’apprentissage par l’action (Borrini-Feyerabend 2000) : il faut amorcer des activités de collaboration, avoir les résultats en vue et apprendre des résultats (tant les bons que les moins bons). Cela correspond d’une part au concept de gestion adaptative, qui un processus par étapes dans lequel les activités de gestion sont elles-mêmes considérées comme les outils primaires de l’expérimentation (Holling 1978, Walters 1986), et d’autre part à la notion d’organisations apprenantes (Senge 1990). Pour Cajete (2000), [TRADUCTION] « générer ou apprendre des façons autochtones de vivre dans la nature est un processus de développement de savoirs. » Les partenariats d’affaire pourraient être un exemple type de la formation « sur le tas », mais à l’échelle nationale, la coordination et le soutien à l’apprentissage par des réussites et des échecs a été au mieux sporadique (ANFA/IOG 2000).

En cinquième lieu, le suivi et l’évaluation complètent l’apprentissage par l’action. Ils exigent des buts clairement établis, une bonne compréhension de la manière dont ils seront atteints et un choix des indicateurs de réussite (ou d’échec) appropriés. Malgré leur importance, le suivi et la définition de bons indicateurs semblent avoir été négligés. Brubacher (2003, 2007) utilise les tenures forestières comme indicateur de l’accès des Premières nations aux ressources forestières. Toutefois, Horvath et coll. (2001) et Parkins et coll. (2006) considèrent que les indicateurs habituels omettent probablement des aspects essentiels du bien-être des communautés Autochtones. L’apprentissage de la collaboration, l’évaluation des réalisations et l’amélioration des politiques ne seront possibles que si les parties réussissent à suivre aussi bien les processus que les résultats en des termes qui traduisent de manière éloquente leurs propres buts et vues sur le territoire forestier.

Ces cinq enjeux sont communs aux trois thèmes de collaboration relevés dans cette métasynthèse. Ils nous permettent de dépasser les notions individuelles de connaissances traditionnelles, de cogestion ou de partenariat, et de considérer dans son intégralité la collaboration entre peuples autochtones et compagnies forestières.

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Métasynthèse : méthodologie et sources d’information

Cette métasynthèse a commencé avec le codage des données clés de plus de 250 documents de notre base de données – articles publiés, rapports d’étude et autres documents décrivant divers projets et initiatives. De ce corpus, nous avons sélectionné 90 documents qui contenaient des descriptions étoffées et des analyses appro-fondies et qui représentaient une variété d’expériences, de contextes et de situations géographiques. Pour faire une analyse plus détaillée, nous avons relevé trois thèmes récurrents qui illustraient divers aspects de la gamme d’expériences de collaboration. Pour chacun de ces thèmes, nous avons sélectionné entre sept et neuf articles, que nous avons soumis à un codage et à une analyse plus poussés.

Le thème des connaissances des Autochtones a regroupé sept études portant sur les attentes et les problèmes associés à l’harmonisation des connaissances autochtones et scientifiques. Les expériences de Little Red River Cree, des Premières nations du Yukon, des Dene Tha’ et du Grand conseil de Prince Albert (dans le nord de la Saskatchewan) portaient tous sur les enjeux liés à l’utilisation des connaissances autochtones en foresterie (Hiebert et Van Rees 1998, Horvath et coll. 2001, Natcher et Davis 2007, Natcher et Hickey 2002). Ils ont été liés à trois discussions plus théoriques (Aikenhead et Ogawa 2007, Berkes et coll. 2000, Davidson-Hunt et Berkes 2003).

Pour le thème de la cogestion, des cas précis ont été apportés par les Northern Secwepemc (Greskiw et Innes 2008), les Gitksan (Pinkerton 1998) et les Nuu-chah-nulth (Mabee et Hoberg 2006) de la Colombie-Britannique, les Little Salmons/Carmacks (Natcher et coll. 2005) du Yukon et une étude de 15 accords de cogestion résumant des cas répertoriés partout au pays (Notzke 1995). Ces cas ont été complétés par des analyses théoriques de Ostrom (1990), Berkes et coll. (1991, 2003) et Carlsson et Berkes (2005), ainsi qu’un guide de cogestion (Borrini-Feyerabend 2000).

Enfin, le thème du développement économique a été élaboré à partir d’études effectuées en Colombie-Britannique (Boyd 2006, Lertzman et Vredenburg 2005, Williams 2008) ainsi que plusieurs autres menées ailleurs au pays (Brubacher 2003, 2007; ANFA/IOG 2000, Smith 2006, Wilson et Graham 2005).

Chacun des 24 articles sélectionnés a été analysé individuellement au moyen du logiciel d’analyse qualitative Atlas.ti (ATLAS.ti 1993-2009). Selon la Grounded Theory (Glaser 1998), il a fallu fragmenter la description des anecdotes au cœur de chaque article, en relevant les éléments de données, les explications et la théorie, et en les codant au moyen du logiciel18. Les codes provenaient non pas d’une liste prédéfinie, mais des idées et de l’information contenues dans chaque article. Cependant, à mesure que le codage avançait, certains codes utilisés pour les articles précédents se sont révélés appropriés pour faciliter la création de liens entre les articles.

Le logiciel comprenait un outil d’analyse réseau qui permettait de relier les codes entre eux à l’aide de termes comme « is a part of » (fait partie de), « is a cause of » (est la cause de) ou même « is opposed to » (s’oppose à). Par conséquent, dans chaque article, nous avons pu grouper les codes similaires et établir des relations entre les codes et entre les groupes de codes. Ils peuvent être représentés graphiquement pour illustrer des réseaux conceptuels. Ces réseaux ne comprennent pas toutes les idées contenues dans chaque article pour chacun des thèmes, mais ils présentent les sujets prépondérants.

Enfin, nous avons relié les réseaux préparés à partir de chaque article afin de cerner les thèmes récurrents dans les 24 documents. Ces thèmes communs ont fourni une nouvelle synthèse d’un ensemble plus vaste d’expériences et une « métahistoire » qui les intègre et les explique. En bâtissant cette explication, nous cherchions plus particulièrement à comprendre les fondements d’une collaboration fructueuse entre peuples autochtones et compagnies forestières. Les cinq « leçons » présentées ci-dessus sont les thèmes clés qui ont émergé des réseaux d’idées élaborées par l’analyse qualitative intégrée des 24 études de cas.

ENCADRÉ 5

18 J.-F. Fortier a fait le codage initial de toutes les études de la base de données. G. Greskiw s’est occupé de la métasynthèse, ce qui inclut le codage analytique des 24 documents choisis et l’analyse réseau de ces codes.

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Annexe 7 Résultats de la collaboration et capital

Le terme « capital » a d’abord été utilisé en économie classique, où il décrit les biens physiques qui servent à générer un revenu. Depuis, il a pris d’autres acceptions, avec « capital humain », qui décrit les connaissances et les compétences des gens et « capital social » qui désigne les normes et les réseaux nécessaires à une action collective (Woolcock 1998). En rapport avec les rôles publics tenus dans la gestion des ressources naturelles, Berkes et Folke ont défini le capital comme suit : [TRADUCTION] « une ressource épuisable dont la valeur est liée à sa capacité de produire un flux de bénéfices » (Berkes et Folke 2002). Dans cette optique, le capital peut adopter diverses formes : financière, naturelle, humaine et sociale. Il peut donc être utilisé comme concept unificateur dans l’analyse des diverses dimensions de la collaboration, pour la gestion des ressources naturelles, et des relations complexes entre ces dimensions.

À titre de concept, le « capital » semble être approprié pour aborder les résultats des différentes approches de collaboration. D’abord, et peut-être surtout, lorsque nous pensons aux résultats de la collaboration à titre de capital, nous portons notre attention sur le fait que la collaboration est généralement considérée comme un investissement en vue d’accumuler des ressources pour l’avenir. Toutefois, il faut garder à l’esprit que le capital peut aussi être réduit, voire perdu, par suite de mauvaises décisions en matière d’investissements et de gestion. Ensuite, le concept de capital est utile pour comprendre les conversions d’une forme de ressources en d’autres et les compromis que doivent faire les intervenants. Les responsables peuvent délibérément choisir d’utiliser une forme de capital pour en bâtir une autre, par exemple, utiliser des ressources forestières pour obtenir des revenus et créer de l’emploi, ou appliquer les connaissances et les valeurs traditionnelles au sein d’un partenariat en aménagement forestier. À l’opposé, les activités de récolte qui génèrent de l’emploi et des revenus, mais qui réduisent considérablement d’autres types de capital, peuvent entraîner globalement une perte.

Cependant, ce recours au concept de capital diffère du sens que l’économie classique donne à ce terme. Woolcock (1998) souligne que le terme « capital social » sert à décrire différentes réalités, ce qui en affaiblit l’efficacité comme outil théorique et empirique. Selon les notions classiques, le capital économique peut être acheté et vendu; c’est une « propriété », tant « personnelle » que « réelle » (la propriété « réelle » est liée au territoire; la propriété « personnelle » est détachable). Cela lui donne une valeur marchande, qui peut être observée ou estimée. Comme le capital économique produit des « revenus », toute dépréciation de la valeur du capital est déduite du revenu, avec toutes les autres dépenses, ce qui permet de déterminer le « profit » de l’activité. Ces caractéristiques de la signification classique de « capital économique » ne se retrouvent pas dans l’acception plus large du mot « capital » évoquée par Berkes et Folke (2002). Spash (2008) approfondit la réflexion, soulignant la difficulté d’attribuer une valeur monétaire aux écosystèmes et le danger d’utiliser « naïvement » des démarches économiques sans reconnaître les fondements de ces concepts. Ces différences de signification, ajoutées au fait que les gestionnaires des compagnies forestières et les décideurs des gouvernements connaissent plutôt mieux la définition classique du terme, pourraient semer la confusion et l’incompréhension dans les discussions sur les résultats de la collaboration considérées en termes de « capital ».

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Dans ce rapport, nous avons néanmoins décidé de discuter des résultats des arrangements collaboratifs en termes de capital. Après en avoir pondéré les forces et les faiblesses, Woolcock (1998) a conclu que le capital social est un concept utile, particulièrement en ce qui concerne les enjeux sociopolitiques d’une démarche interdisciplinaire. Nous considérons que cette vue plus large du capital, dans laquelle la valeur monétaire n’est qu’un moyen de mesurer la productivité de diverses formes de capital, est utile pour tenir compte des résultats des différents types de collaboration et pour étudier comment les résultats d’un arrangement collaboratif peuvent favoriser (ou entraver) les efforts futurs. Nous devons cependant reconnaître que cette démarche comporte des faiblesses et nous espérons que les études à venir aideront à éclaircir cette question.

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Annexe 8 Bâtir la collaboration

Le processus consistant à bâtir la collaboration qui est présenté à la figure 3 (page 30) n’est pas une recette décrivant comment réussir un arrangement collaboratif. Il s’agit plutôt d’un modèle qui tente d’intégrer la diversité des relations complexes qui ont été décrites dans de nombreuses études au Canada. La recherche met souvent l’accent sur l’importance de communications claires, de mécanismes efficaces, de la bonne compréhension du contexte. Dans ce modèle, tous les éléments du processus sont d’importance égale pour bâtir des collaborations fructueuses. De plus, le modèle est non pas linéaire, mais circulaire : une expérience de collaboration (fructueuse ou non) peut paver la voie à une autre. Cette annexe précise les sept éléments présentés à la figure 3 et présente les façons dont ils peuvent contribuer à bâtir une collaboration.

1 Le contexte influe sur la relation

Aucun arrangement collaboratif ne peut être instauré dans le vide. Des caractéristiques comme les relations antérieures entre les parties, l’inégalité des pouvoirs ou la liberté d’action et les politiques et lois du gouvernement influeront toutes sur les intérêts et les capacités de chaque partie, ainsi que sur la confiance qu’elles éprouvent l’une pour l’autre. Ces caractéristiques et d’autres facteurs peuvent changer à mesure que la situation évolue, éliminant les barrières, créant de nouvelles occasions ou invalidant d’anciens plans. En fait, ni une communauté autochtone ni une compagnie forestière n’ont de prise sur le contexte, mais elles doivent toutes deux être conscientes de la manière dont ce contexte influe sur le processus de collaboration et des effets que les changements peuvent apporter.

2 La communication précise les buts et les intérêts

Comme première étape, la communication entre les parties vise à préciser les intérêts et les buts de chacune (section 2.2) et à faire en sorte que chacune comprenne les enjeux et les problèmes de l’autre (Bouthillier et Roberge 2007). L’obtention de gains de part et d’autre par la collaboration dépend dans une large mesure de la compréhension des buts et intérêts de l’autre. Il est évident que la communication met en jeu tant les peuples autochtones que les compagnies forestières, mais ces deux parties s’entendent aussi sur le fait que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent aussi y participer activement. Les gouvernements y ont non seulement leurs propres intérêts et buts, mais ce sont eux qui établissent les cadres réglementaires qui sous-tendent la collaboration. Si les gouvernements ne sont pas présents pour aborder les questions fondamentales comme les droits, les participants des peuples autochtones et de l’industrie ne pourront pas nécessairement évoluer dans le processus de collaboration.

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[TRADUCTION]

« La délégation des responsabilités du gouvernement (de consulter) vers l’industrie semble être un problème dans bon nombre de provinces. « On » s’attend à ce que l’industrie trouve la solution à des enjeux importants, comme la participation des Autochtones, alors qu’elle n’a pas le pouvoir d’agir à ce titre. »

Un participant de l’industrie, le 15 janvier 2009

3 Négocier des buts communs et des intérêts conflictuels

Lorsque des représentants des peuples autochtones, des compagnies forestières et des gouvernements se rencontrent, les enjeux dont il est question imposent souvent des négociations. On parle de négocier des buts communs lorsque les buts d’une partie n’interfèrent pas avec ceux des autres et qu’il est possible d’en arriver à une solution « gagnant-gagnant ». La négociation est quand même nécessaire pour établir conjointement une bonne compréhension de ces buts, mais elle peut se faire assez rapidement.

[TRADUCTION]

« Nous devons aborder les enjeux fondamentaux pour lesquels nous ne pouvons faire de compromis; ensuite, nous passerons aux enjeux pour lesquels nous avons une marge de manœuvre. »

Un participant à l’atelier d’Ottawa, le 19 juin 2008 Il faut cependant négocier des intérêts conflictuels lorsqu’il est question d’enjeux fondamentaux et que la situation impose des compromis. Il est à souhaiter que l’étape de communication aura contribué à préciser la source de conflits tout en suscitant la bonne volonté autour d’intérêts communs. Toutefois, comme les participants à cette étude l’ont mentionné à de nombreuses reprises, la légitimité d’un processus collaboratif exige une structure de négociation équitable et un niveau approprié de responsabilités et de pouvoir. Si ce type de légitimité existe, le processus de collaboration pourra avancer et des solutions négociées pourront être mises en œuvre dans les pratiques et les mécanismes, tout comme les gains mutuels.

Il faut noter que de nombreuses communautés ont choisi de participer simultanément aux deux types de négociation. Les buts mutuels offrent la possibilité de poursuivre des buts qu’il est facile d’atteindre et qui portent sur des priorités de la communauté, comme le développement économique. La collaboration peut aider à établir des relations et à créer des capacités qui soutiendront les progrès accomplis dans des négociations plus ardues touchant des enjeux fondamentaux.

4 Mécanismes et processus de mise en œuvre

La mise en œuvre de mesures pour atteindre les buts négociés exige la création de mécanismes, à un certain degré. Ces mécanismes (institutions) peuvent être des organismes formels comme les conseils de cogestion ou les coentreprises, ou alors des structures moins formelles ou des accords sur les processus. Un mécanisme peut soutenir la mise en œuvre, mais il n’aura pas nécessairement d’incidence notable sur le résultat de la collaboration (Nadeau et coll. 2004). Il faut également se rappeler que les mécanismes déjà en place peuvent être remplacés par inadvertance par de nouvelles structures : pensons à la disparition des structures traditionnelles de gestion auxquelles participaient les anciens quand un nouveau comité de gestion a été mis en place. La mise en œuvre exige habituellement des engagements à long terme et de la cohérence, la création de capacités et l’obtention de résultats à mesure que le projet avance. De plus, la confiance s’établit plus solidement non pas uniquement en période de crise ou en rapport avec un seul enjeu, comme c’est souvent le cas avec les structures ad hoc, mais lorsque les interactions sont récurrentes et régulières et qu’elles s’effectuent dans divers contextes, (McGregor 2006).

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5 Résultats

Tel que discuté à la section 2.6, les résultats d’une collaboration efficace contribuent à bâtir du capital, qu’il soit économique, culturel, naturel, institutionnel ou social. Le développement de capital institutionnel s’applique particulièrement à l’étape 4 (ci-dessus) de ce modèle de collaboration, car les organisations et les processus prévus pour la mise en œuvre deviennent également des résultats d’une collaboration fructueuse. Les résultats peuvent également être considérés en d’autres termes. Il y a les résultats qui se traduisent par des actions qui sont les plus évidents car ils sont observables et concrets : pensons à l’emploi ou à des changements de tenure forestière. Il y a également les résultats procéduraux, qui ont trait à la manière dont les choses sont faites, comme un rôle accru des Autochtones dans le processus décisionnel. Puis, il y a les résultats réflexifs, qui ont trait à la compréhension et aux perceptions, par exemple, lorsque la confiance est accrue ou que l’importance du territoire pour une communauté autochtone est bien comprise. La collaboration doit offrir une variété de résultats. Toutefois, comme les attentes et les buts sont différents, les parties auront peut-être chacune une définition différente de la « réussite ». Le fait d’accepter que la collaboration apporte plus qu’un simple ensemble de résultats concrets peut aider les partenaires à établir une relation plus étroite et à faire une évaluation plus approfondie des progrès accomplis en tant que groupe.

6 Suivi, apprentissage et retour

Le suivi des résultats de la collaboration autant que du processus en tant que tel est une partie essentielle du modèle : il permet aux partenaires de tirer des enseignements du processus et de faciliter la communication pour le cycle suivant. Pour être efficace, le suivi exige des participants qu’ils décident de la manière d’évaluer les résultats et les conséquences attendus, mais aussi qu’ils puissent reconnaître les conséquences inattendues. Le suivi doit souvent obliger les participants à composer avec les résultats « négatifs », que ce soit par des mécanismes de gestion des conflits ou par la révision des objectifs et des mécanismes. Malgré cela, le suivi est souvent une force positive dans la collaboration : il permet de repérer les éléments qui ont contribué au succès, de partager les connaissances et les nouvelles capacités et de souligner les réalisations. Que le suivi porte sur les aspects positifs ou négatifs, il permet toujours de préciser les intérêts et les buts, ce qui contribue à paver la voie à un nouvel arrangement collaboratif.

7 Attitudes favorisant la relation

Dans le déroulement harmonieux d’un arrangement collaboratif, nous constatons souvent que la relation entre les parties devient plus étroite. Cela s’observe par certaines attitudes envers l’autre : une plus grande confiance, un respect plus profond, une ouverture à des valeurs ou à des perceptions différentes, une patience accrue, et ainsi de suite. Par contre, lorsque la collaboration frappe des écueils, la méfiance envers l’autre augmente. Cela s’observe particulièrement lorsqu’une partie considère que la collaboration est fructueuse alors que l’autre est moins satisfaite, comme lorsqu’une coentreprise forestière accroît le flux d’approvisionnement en matière ligneuse pour une compagnie et emploie des Autochtones, mais sans faire participer la communauté à la planification. Les attitudes favorisant la relation sont autant les résultats d’une collaboration fructueuse que les caractéristiques qui pavent la voie à d’autres initiatives.

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CONSEILS SUBVENTIONNAIRES

• Réseaux de centres d’excellence du gouvernement du Canada

• Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG)

• Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)

PARTENAIRES

Gouvernements• Gouvernement du Canada (Environnement Canada) (Ressources naturelles Canada,

Service canadien des forêts) (Parcs Canada, Direction de l’intégrité

écologique)• Gouvernement de l’Alberta (Advanced Education and Technology –

Alberta Forestry Research Institute)  (Sustainable Resource Development)• Gouvernement de la Colombie-Britannique

(Ministry of Forests and Range)• Gouvernement du Manitoba

(Manitoba Conservation)• Gouvernement de l’Ontario

(Ministère des Richesses naturelles)• Gouvernement du Québec (Ministère

des Ressources naturelles et de la Faune)• Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador

(Department of Natural Resources)• Gouvernement du Yukon (Ministère

de l’Énergie, des Mines et des Ressources)

Industries• Abitibi Bowater Inc.• Ainsworth Lumber Co.Ltd.• Alberta-Pacific Forest Industries Inc.• Canadian Forest Products Ltd.• Daishowa-Marubeni International Ltd.• J.D. Irving, Limited• Louisiana-PacificCanada Ltd.• Manning Diversified Forest Products Ltd.• Tembec Inc.• Tolko Industries Ltd.• Weyerhaeuser Company

ONG• Canards Illimités Canada

Premières nations• Heart Lake First Nation• Kamloops Indian Band• Kaska Tribal Council• Little Red River Cree Nation• Moose Cree First Nation• Ralliement national des Métis• Treaty 8 First Nations of Alberta

Universités• University of Alberta (établissement hôte)• British Columbia Institute of Technology• Dalhousie University• Lakehead University• Memorial University of Newfoundland• Mount Royal College• Royal Roads University• Ryerson University• Simon Fraser University• Thompson Rivers University• Trent University• Université Concordia• Université Laval• Université du Manitoba• Université McGill• Université de Moncton• Université de Montréal• Université du Nouveau-Brunswick• Université d’Ottawa• Université du Québec à Chicoutimi• Université du Québec à Montréal• Université du Québec à Rimouski• Université du Québec à Trois-Rivières• Université du Québec

en Abitibi-Témiscamingue• Université de Sherbrooke• Université de Winnipeg• University of British Columbia• University of Calgary• University of Guelph• University of Lethbridge• University of Northern British Columbia• University of Regina• University of Saskatchewan• University of Toronto• University of Victoria• University of Waterloo• University of Western Ontario• Wilfrid Laurier University

Membres associés• Association nationale

de foresterie autochtone• Forest Ecosystem Science

Cooperative Inc.• Forêt modèle du lac Abitibi• Forêt modèle du Manitoba• Fundy Model Forest• Institut canadien de recherches

en génie forestier• Institut forestier du Canada

Partenaires du Réseau GDFaoût 2007

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Réseaux de centres d’excellence

Réseau de Gestion durable des forêts www.reseaugdf.ca