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    Lon DEGRELLE : LA COHUE DE 1940

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    LON DEGRELLE

    LA COHUEDE 1940

    ROBERT CRAUZAZ DITEUR, LAUSANNE

    1949

    AAARGH

    Internet2004

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    I

    UN SOIR AVEC LOPOLD III

    Septembre 1939 au Chteau de Laeken. - Portrait de Lopold III. - Politique deneutralit du roi des Belges. - Le comte Xavier de Grnne, champion del'intervention. - Ma position radicalement anti-interventionniste. -Accordcomplet avec le Roi. - Projet dune formule de pleins pouvoirs. - Approbationpuis indcision royales. - L'anarchie recommence. - Sances du Parlement. - Lapresse dchane.

    La grenade qui alluma la Deuxime guerre mondiale roula sur le sol durant ladernire nuit d'aot 1939.

    On et pu la dsamorcer avant cet instant fatal. On et pu retenir le bras avant laterrible projection. On et pu encore, l'ultime seconde, dtourner l'explosif vers deschamps morts. Non. La guerre tait revenue parce qu'elle devait revenir, parce quetrop de gavials la dsiraient, parce que les hommes sont fous, ont besoin de sang, ont

    besoin de haine, et trouvent dans les grandes tueries internationales ces exutoiresfabuleux o les vertus s'exaltent, o les vices se repaissent, o la vie - Bien ou Mal -

    peut jaillir vers l'exceptionnel.Ds les premiers remous europens, je fus l'ennemi acharn de cette guerre.Guerre facilement vitable : une bagarre comme celle de Dantzig et du Corridor

    polonais n'et pas t plus complique rgler que l'incident des Sudtes. C'tait unequestion de justice et de bon sens.

    Guerre insense ! Saigne chaque gnration depuis Bonaparte ( Ma gloire,disait-il, vaut plus que la vie d'un million d'imbciles ), l'Europe courait au suicideen courant la guerre, une fois de plus. Pour moi, c'tait vident, d'une vidence qui

    brlait les yeux. Depuis 1936, je l'avais rpt semaine aprs semaine.Refuser froidement, systmatiquement, au Reich surpeupl son espace vital,

    l'une ou l'autre de ses anciennes colonies, des communications normales, dcentes,entre ses deux provinces prussiennes de l'Est ; s'opposer, malgr la volont massivedes lecteurs, au retour la mre patrie de villes aussi indiscutablement allemandesque Dantzig ; faire, au contraire, de chaque tape du regroupement des Germainsl'occasion d'un bacchanal universel, monter de toutes pices une affaire de Pologneen corrompant et en achetant ses colonels et ses ministres, chauffer ce pays blanc,le pousser des provocations matamoresques alors que la dite Pologne et ses chefs

    politiques, quelques mois plus tt, collaboraient, enthousiastes, avec Hitler, laliquidation de l'Etat tchque, exigeaient bruyamment Teschen, arme au poing, leur

    part des dpouilles, c'tait non seulement acculer le peuple le plus solide et le plussain du continent un clat fatal, mais c'tait pousser l'Europe entire la guerre

    civile, une guerre o Anglais et Franais, mme vainqueurs, ne pouvaient riengagner, ne pouvaient que perdre.Et il en fut ainsi.Aprs avoir appel l'univers la cure, on a dtruit de fond en comble l'oeuvre

    d'Hitler. C'est entendu. Et aprs ? Que reste-t-il de la France cocardire de 1939, deson prestige mondial, de sa monnaie saine, de ses colonies si prospres ? Quereste-t-il de l'orgueilleux Empire britannique, de sa domination matrielle, de samatrise des mers, de l'impressionnante vigueur de la livre sterling, qui dictait sa loi

    jusqu'alors aux marchs de l'univers ?Seul le fanatisme a pu rendre les hommes assez aveugles pour ne pas entrevoir

    cette roulade gnrale.Mais si la chute des grands pays europens tait inscrite dj dans l'avenir, plus

    forte raison les petits pays, placs aux lieux historiques des tlescopages,

    risquaient-ils de se faire broyer dans ce draillement fantastique !Plus spcialement, nous, les hommes des vieux Pays-Bas de la mer du Nord,nous allions nous trouver l'un des pr incipaux carrefours du feu et du sang.

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    Pour moi, chef de Rex, pour des milliers de Belges qui avaient conserv leursang-froid la veille de cette folle tragdie, une proccupation avait domin toutesles autres : tenter l'impossible pour pargner notre peuple les horreurs de ce conflit,et pour tenir, jusqu' la dernire seconde, la Belgique l'cart de l'empoignade des

    puissants.A peine la guerre eut-elle jet son premier cri sauvage dans les plaines de l'Est,

    je publiai dans la presse rexiste un article pour maudire le nouveau carnage. Puis jedemandai au roi Lopold III de me recevoir.Leader du plus fort parti d'opposition en Belgique, je ne me reconnaissais pas le

    droit, dans un tel pot au noir, de m'en remettre ma seule inspiration. Un pays,surtout un pays en danger, est, doit constituer d'abord, physiquement et moralement,une unit. Je ne dsirais agir que dans la mesure o je serais certain d'tre encomplte communion d'esprit et d'action avec celui qui symbolisait, mes yeux,l'intrt constant de la nation.

    Quelques mois plus tard, les hasards de la tourmente europenne devaient fairede Lopold III un des hommes les plus prement vilipends du sicle. Mais enseptembre 1939, il tait encore un prince de lgende, indiscut dans son pays et l'tranger.

    Le Roi m'invita le retrouver discrtement dans la soire, au Palais de Laeken.La nuit allait tomber. Le grand parc noircissait, masse gante enserrant l'alle

    claire et la lourde ptisserie du chteau gris et blanc. Un officier, le capitaineJacques de Dixmude, m'attendait. Il me guida vers un salon. Le Roi, en tenue degnral, bott, culotte beige, entra aussitt, le teint frais, les cheveux ariens, lesyeux portant ces tranges lueurs de gentillesse et de tristesse qui toujoursdconcertaient.

    Lopold tait alors remarquablement beau, puissamment bti, mais rac, tout ensouplesse. Nanmoins, sa force rayonnante tait accompagne, a toujours taccompagne, de secrtes manations de regrets, de timidit, d'ennui, de mlancolie.On le sentait la fois fort et faible, clatant de vigueur et hsitant. Son oeil avait desfrmissements et, en mme temps, des lueurs qui fondaient et s'teignaient. A

    chacune de mes rencontres avec Lopold III, j'ai eu la sensation physique que cethomme, blouissant de jeunesse, tait min par un complexe de neurasthnie qui ledbilitait profondment. Cette tristesse transparaissait de faon fugitive,s'vanouissait, revenait, donnait un charme rveur ce qu'il y avait d'effmin dansson corps d'athlte : la peau quasi transparente, les traits du visage presque trop fins,la chevelure qui ondoyait avec des douceurs de soie... Son regard, quand on allaittout au fond, tait un regard o flottaient des appels...

    Nous nous tions assis cte cte, sans table pour nous sparer, sans tmoinpour nous dranger. Les volets s'taient referms sur le crpuscule. Une lumiredore animait lessoieries d'un dlicat argent cendr.

    Le Roi tait un homme extrmement simple.A ma premire audience, en 1936,au bout de quelques minutes, je lui avais dit, tout uniment : Sire, le protocole veutque je rponde vos questions, rien de plus. A ce systme-l, nous risquons de

    passer ct d'importants problmes. Puis-je, ici aussi, parler clairement ? Depuisce jour-l, nos conversations avaient t directes. Le Roi avait l'esprit vif, malicieux,ironique parfois. Son intelligence tait nette, profonde, sans pdanterie. Il avait

    beaucoup tudi, bien tudi ; ses connaissances taient exactes, compltes, nes'embrouillaient pas. Il parlait avec lenteur, comme son pre, Albert Ier. Mais ondevinait, certains mots lancs d'un ton mtallique, qu'il tait irritable et ttu. Ilavait des nerfs malades, susceptibles de s'effondrer, et une volont capable de lecontracter trop fort, au point de le rendre but devant l'adversaire et devantl'obstacle.

    J'tais curieux de voir comment les vnements internationaux avaient ragi surce nvros autoritaire. Il tait calme. Il avait couru cheval jusqu' la tombe du

    jour. Le corps dtendu, les jambes croises, il m'expliquait son point de vue, ou ilm'coutait.

    Depuis toujours, la politique trangre de Lopold I ll et la politique trangre deRex avaient concid de faon exacte.

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    Lors de notre pousse en flche en 1936, le Roi, avec un grand courage, avaitsagement libr la Belgique de tout lien militaire avec des voisins qui eussent pu,contre nos intrts, nous entraner dans leurs conflits gostes.1 Il avait toujoursveill ce que les contacts de l'Etat belge avec l'tranger fussent corrects, orientsvers la comprhension et la collaboration. Une dtente relle s'tait produite. Nosrelations avec l'Angleterre taient parfaites. Nos relations avec la France taient

    restes relativement bonnes, bien que le Roi ne ft pas prcisment un gallophile.Nos relations avec le Reich avaient cess d'tre mauvaises, du moins sur le planofficiel. En 1935 dj, le roi Lopold avait vivement encourag le Premier ministrevan Zeeland inviter Bruxelles M. de Ribbentrop, alors simple dlgu personneld'Hitler.

    En face du conflit qui jetait dsormais les uns contre les autres Allemands,Franais, Anglais, quelle attitude la Belgique allait-elle prendre ? Se lancer, elleaussi, tte baisse, dans la bagarre ? tre neutre du bout des lvres ? tre neutrerellement, sincrement, objectivement ?

    Je dcrivis au Roi les remous violents qui agitaient la nation.L'Europe entire tait marque spirituellement, depuis plusieurs annes, par le

    conflit militaire naissant. Dans chaque pays, les partis, les clans, les familless'affrontaient. Les passions s'taient exaspres en Belgique comme ailleurs.Au sein du Mouvement rexiste lui-mme, des tendances diverses s'affrontaient.

    Tous nous tions d'accord pour rsister dsesprment l'envahisseur, d'o qu'ilvint. Mais pas de provocations, pas de prises de position prmatures ! s'criaientles uns. - N'est-il pas prfrable, rpliquaient les autres, de devancer l'invasion, dechoisir temps ses partenaires, afin d'intervenir avec un maximum de chances, ens'tant prpars au choc, dlibrment, et avec soin ?

    Pour certains de nos dirigeants, tels que le comte Xavierde Grnne, la guerreavec l'Allemagne tait certaine. Ami insparable du roi Albert, compagnon de sesexcursions montagnardes, Xavier de Grnne tait anim par un brlant besoin de sedvouer et par une gnrosit la fois sublime et enfantine. Il avait fait au Congol'ascension du Mont-de-la-Lune, puis tait redescendu de la Lune vers la Belgique

    juste au moment o je frappais grands coups de balai dans le houraillis debanquistes, de grugeurs, de coupeurs de bourse et de pots-de-viniers des vieux partisde politico-finance. Il tait devenu snateur de Rex, un snateur imptueux,fantasque, toujours prt grimper aux lustres, se retournant, de son fauteuil, pouradministrer des paires de claques sonores dans les abajoues de ses adversairesbaubis. Mais il tait droit comme une pe, pur comme les lumires du matin.

    Au dbut de 1939, il tait venu me trouver afin de me proposer un plan nouveaude politique trangre : Attaqus par Hitler, nous le serons tt ou tard,m'expliqua-t-il. Inutile de se leurrer. Plutt que d'attendre d'tre rejets dans le campanglo-franais, parmi la bousculade d'un premier jour d'invasion, mieux vaut passerimmdiatement dans la coalition o nous serons refouls tout de mme un jour, bongr mal gr, panzers allemands dans les reins.

    Par consquent, Xavier de Grnne me demandait de lancer fond le Mouvement

    rexiste dans une grande campagne dintervention pro-allie.

    Une initiative de ce genre n'tait pas pour me dplaire en principe. Si l'intrt denotre pays tait de renoncer la neutralit, il fallait renoncer carrment laneutralit.

    Nous tions libres de toute attache vis--vis de l'Allemagne. Xavier de Grnne,qui connaissait, jusqu'au plus petit secret politique ou financier de Rex, savait mieuxque quiconque que notre indpendance l'gard du Reich tait absolue. Pour lui,

    pour nous,seul le salut du pays comptait.Mais o tait le salut ? Je ne parvins pas me rallier aux arguments de Xavier de

    Grnne. D'abord, au dbut de 1939, la guerre europenne n'tait pas certaine. (Il est

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    Le discours du Roi au Conseil des ministres fut bruyamment applaudi par M. Lon Degrelle qui y vitl'aboutissement de sa campagne pour l' indpendance de la Belgique. (PAUL REYNAUD, La Francea sauv l'Europe.)

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    hors de doute aujourd'hui que, sans les pressions de tout genre exerces cettepoque-l sur la Pologne par le Royaume-Uni, un rglement, germano-polonais ett mis au point qui, mme imparfait, et tout de mme mieux valu que la rductionde Varsovie en amas de ruines, et la livraison de l'tat polonais en 1945 la tyranniedes Soviets.)

    En deuxime lieu, mme si cette guerre vitable n'tait pas vite, il n'tait pas

    sr qu'elle se prolongerait. Un arrangement pouvait survenir. Et, en fait, lertablissement de la paix fut possible encore, diverses reprises, durant l'hiver fatalqui suivit la campagne de Pologne. Nous avions donc tout intrt ne pascompromettre notre pays trop tt.

    Enfin, les Allis n'taient pas prts. Les Anglais ne possdaient que quelquesdivisions en tat de se battre. Ils comptaient, comme d'habitude, sur la docilit descontinentaux pour recevoir les premiers horions. Les Franais disposaient deshommes indispensables, cela est exact. Mais le moral de leurs troupes taitdLestable. Au surplus celles-ci ignoraient tout de la guerre moderne. Et l'aviationleur faisait dfaut.

    Nous lancer volontairement et prmaturment dans cette bagarre, c'tait appelerla rue allemande chez nous, un moment o personne en Europe n'tait en situationd'y rsister.

    Certes, depuis lors, la guerre a t apparemment gagne par les Allis, aprsquels dlais et quel prix ! En fait, elle a t perdue par tous les Europens, Franaiset Anglais compris. Pour ceux-ci particulirement, elle fut une dtestable affaire.S'ils avaient prvu la vritable fin, ils eussent t plus prudents et, sans doute, mieuxinspirs au commencement.

    D'autres sont venus la rescousse, sur le tard, les Amricains dollars deRoosevelt, les Asiatiques faucille de Staline. Eux l'ont emport. Mais l'Europe at frappe mort. Victoire de l'Amrique, oui ! Victoire du communisme et desMongols, oui ! Mais victoire des Allis de 1939, non ! Les belligrants d'alors,vaincus et vainqueurs, ont bel et bien t mis knock-out, tous indistinctement.

    En 1939, on ne pouvait pas encore tabler sur l'intervention des Amricains, demeurs, en grande majorit, des isolationnistes.

    Les Soviets, de leur ct, taient dcids rester le plus longtemps possible

    l'afft. Quand les Europens se seraient bien entre-dchirs et affaiblis, quand ils seseraient engags sans rmission dans l'irrparable, alors seulement les Sovietsdevaient entrer en lice pour le coup de massue final.

    Chaque soir, je rptais mes dirigeants et faisait seriner dans mes journaux lamme antienne : S'il y a une guerre en Europe, c'est Staline, en fin de compte, quila gagnera.

    Pour ces divers motifs, j'tais l'ennemi rsolu de la guerre, surtout d'une guerre l'clatement de laquelle nous aiderions, ou dans laquelle nous nous engagerions sansy tre obligs absolument.

    Primo, il fallait tout faire pour viter la guerre en Europe. Secundo, si elleclatait, il faudrait tout faire pour l'touffer. Tertio, si elle continuait nous devionsnous acharner rester en dehors du conflit, dans l'espoir, si mince ft-il, qu'unarrangement interviendrait, malgr tout, avant que le rouleau compresseur ne nous

    passt, tous, sur le corps.

    Tels furent les arguments que je redis au roi Lopold, au dbut de septembre1939.

    Tels avaient t les arguments que j'avais exposs, quelques mois plus tt, Xavier de Grnne. Nos thses, chacun de nous, taient honntes et galementdfendables. Mais, en conscience, j'tais certain que les miennes taient les plusconformes l'intrt de l'Europe et de mon pays. Je fis appeler mes amis les pluschers et les amis les plus chers de Xavier. Tous me donnrent raison. Xavier deGrnne, qui tait un homme trs prcis, tait venu dj avec la liasse d'articles quiallaient ouvrir, dans notre quotidien, Le Pays rel, la campagne pro-allie. Il repritson dossier avec un bon sourire affectueux et gavroche. Il conclut : Peut-tre est-cevous qui avez raison, mais si vous avez tort, je reviendrai ici un jour et je vous

    abattrai tous, un par un, au revolver. Il ne blaguait pas.

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    Nous nous dclarmes d'accord sur la formule et nous nous quittmesfraternellement.

    Le plus cocasse fut la suite. Malgr nos efforts pour sauver la paix, la Belgiquefut tout de mme envahie et submerge. Je m'attendais logiquement, aprs lacampagne de 1940, voir apparatre le cher Xavier, brandissant son rigolo. Maisquand, aprs mon sjour dans dix-neuf prisons dmocratiques , je rentrai

    Bruxelles, le premier article que je trouvai en tte du principal journal de la pressecollaborationniste fut un article de Xavier de Grnne !Non point qu'il et chang. Ses principes taient de roc. Mais il avait vu le

    rsultat de cette guerre qu'il avait voulu, en toute bonne foi, prcipiter. Fidle sonpays, il tentait de relever les ruines.

    Il alla aussitt plus loin que quiconque dans les visions d'avenir. Il comprit toutle parti que les Soviets tireraient de la tragdie o sombrait l'Europe. Redoutantl'ampleur de la pousse communiste de l'aprs-guerre, n'hsitant pas devant ledanger, il imagina un plan personnel de dfense de la Belgique aussi secret queradical. Il tait devenu presque invisible. Nous ne savions ce qu'il faisait en dehorsde ses articles. Audacieux comme toujours, il courait mystrieusement les routes,s'employait rassembler le matriel de combat d'une milice de son invention, qui, au

    jour de la dcomposition gnrale, ferait face, Bruxelles, aux bandes de Moscou

    triomphantes.Les Allemands tombrent sur le pot-aux-roses,dcouvrirent un arsenal prodigieux.Xavier, qui allait fond en tout, avait retourn toute la Flandre pour y dterrer lesdpts d'armes enfouis par diverses divisions de l'arme belge, la veille de lacapitulation du 28 mai 1940. Il avait ramen, fourbi, cach, dans les caves de sonchteau et ailleurs, de quoi armer plusieurs dizaines de milliers d'hommes ! Cher,trs cher Xavier, noble et pur paladin de la Lutte ! Les lois de la guerre taient contrelui. Les Allemands le condamnrent mort, mais ils ne l'excutrent point. Onn'entendit plus parler de lui. Seulement aprs la guerre, l'on apprit qu'il avaitsuccomb, force de privations, mais fier et indomptable, au camp de concentrationde Buchenwald.

    Ma conversation avec le Roi, Laeken, s'tait prolonge trs tard.

    Au fur et mesure que j'avais expos Lopold III mes inquitudes, mes dbatsintrieurs et mes rsolutions, au fur et mesure aussi que j'avais connu exactementles conceptions du Souverain, j'avais eu la joie de constater que les thses duMonarque concordaient exactement avec les miennes. Me sparer politiquementd'un merveilleux ami comme Xavier de Grnne m'avait cot. Mais savoir que leRoi, lui aussi, trouvait la guerre europenne une folie, dsirait, ds la premireclaircie, s'employer rconcilier les opposants, voulait, en tout cas, tenir, jusqu' ladernire extrmit, la Belgique en dehors de cet entre-gorgement, me donnait lecourage de continuer la lutte.

    Si mme chez nous, au sein de Rex, parti disciplin, les remous avaient timpressionnants, qu'tait-ce au dehors, parmi les foules la drive que soulevaientles campagnes des journaux !

    A travers l'Europe, les agences d'information et la grande presse taient pour unelarge part aux mains de flibustiers qui btifiaient les masses, leur chauffaient la

    bile, tranaient le Reich sur la claie, menaient contre lui des campagnes inoues,mensongres et haineuses.

    La presse belge, toujours colle celle de Paris, n'avait pas chapp ceschantages. Le roi Lopold en connaissait parfaitement les houles. Elle n'tait, laveille de la guerre, qu'un bouillonnement grondant d'imprcations antiallemandes.

    Je fis remarquer au Roi que pareille attitude serait inconciliable avec unepolitique officielle de neutralit. Il fallait se dcider dans un sens ou dans l'autre et,si l'on estimait que l'Allemagne tait un pays de monstres et qu'il ny avait rien faire avec elle, sortir carrment de la neutralit, prendre parti, le visage dcouvert ;mais si on jouait la carte de la neutralit, il fallait la jouer honntement,

    publiquement, avec srnit et objectivit.

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    Le Roi ne pouvait pas ne pas dsirer qu'on dsenvenimt l'opinion publique aulieu de lui injecter chaque jour, dose massive, les pires excitants, la tribune duParlement et dans les journaux.

    Mais comment mettre un frein ces campagnes d'emballeurs, de ferrailleurs etde clabaudeurs, dans un pays o la licence est la base mme des liberts publiques ?J'en tais arriv au deuxime point de mon rapport au Roi.

    En ce qui concernait la neutralit, je savais dsormais que j'tais sur la bonnevoie, exactement dans le sens de la pense royale. Encore fallait-il que cetteneutralit ne ft pas seulement une attitude artificielle, dmentie quotidiennement

    par les jappagesde milliers de faiseurs et d'nergumnes.Je proposai au Roi de se servir au maximum des droits que lui confrait la

    Constitution. La constitution belge ordonne que les Chambres se runissent aumoins durant quarante jours par an. Les quarante jours de l'anne parlementaire de1939 taient atteints et dpasss.

    La constitution beige exige, en outre, que les budgets soient vots par lesChambres.

    Je suppliai le Roi de venir lui-mme devant le Parlement, de faire appel aucivisme des parlementaires, de leur demander d'accorder leur confiance auGouvernement pour dix mois, et de voter sur-le-champ tous les budgets,

    patriotiquement, sans discussion.Les trois grands partis traditionnels taient au pouvoir. Ils monopolisaientl'autorit. Ils pouvaient donc avoir des apaisements complets sur la gestiongouvernementale. Nous, rexistes, tions prts, sans demander quoi que ce ft, ne

    pensant qu'au salut de la patrie, voter immdiatement ces pouvoirs largis quipermettraient un gouvernement fort, ft-il lectoralement notre adversaire, de fairerespecter dans le pays sa politique.

    Les mesures que je proposais au Roi taient strictement constitutionnelles. Ellesne portaient atteinte aucun privilge de la nation ou des partis. Si le Roi, unmoment si grave de l'histoire, se prsentait lui-mme, fort de son prestige, devant leParlement, en une demi-heure, le rsultat serait acquis. Par contre, si les deuxAssembles se lanaient nouveau dans des dbats tumultueux et quotidiens, des

    paroles intempestives jailliraient ; llectricit se communiquerait au pays et les

    efforts du Roi et de ses ministres pour mener une politique honnte de neutralitseraient torpills publiquement par des barbouillons irresponsables.Ce qui est possible aux Communes, qui possdent de vieilles traditions de

    sagesse et o se rassemblent des Britanniques protocolaires et flegmatiques, ne l'estpoint dans nos pays de bretteurs au sang vif, au verbe tout en couleurs. Il fallait queles Chambres belges, l'appel du Monarque, admissent elles-mmes la ncessitd'viter tout cart et laissassent le Gouvernement manuvrer utilement etsilencieusement. Il fallait que celui-ci ft certain de pouvoir mener en paix, pendantces mois prilleux, sa politique difficile et complexe sans s'accrocher sans cesse la

    patte des rets, sans que chaque ministre dt, au surplus, perdre chaque jour quatreou cinq heures btiser, badauder, assister, impuissant, d'interminables dbatssur la fabrication des sabots Saint Nicolas-Waes ou sur les alas de la pche desmarins ostendais au canal Saint-Georges...

    Il fallait, enfin, que, fort de la confiance de la quasi-unanimit du Parlement, leGouvernement ft mme d'imposer provisoirement une sourdine auxintemprances de langage de certains provocateurs.

    Je dis au Roi : Sire, aujourd'hui tout le pays, sentant le danger extrieur, estfrmissant. Il est conscient du pril. Il attend vos consignes et acclamera, soyez-encertain, votre initiative. Les rpercussions en seront considrables, l'intrieur et ltranger. Le Gouvernement pourra travailler. La neutralit ne sera pas mise en

    pril, chaque instant, par des excs individuels. La neutralit est un exercice decorde raide. Elle ne permet gure d 'extravagances, surtout des pays aussi petits etaussi mal placs que la Belgique. Durant ces jours-ci, o tous les esprits sonttendus, vous pouvez aisment obtenir un effort, librement consenti, vers ladiscipline nationale. Mais si vous laissez passer cette occasion unique, si, demain, leParlement redevient une foire lanterneries et insultes internationales, votre

    politique de neutralit s'effondrera et fournira certains le prtexte des coupspeut-tre mortels.

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    Le Roi, je le voyais la vivacit de son regard, tait frapp par monargumentation.

    Au fond de lui-mme, pareil son gnial grand-oncle Lopold II, Lopold IIIn'apprciait qu' demi l'agitation politicienne. Il travaillait assez en marge duParlement et des ministres issus de celui-ci. Parfois mme il se cachait d'eux. Ilavait, son cabinet personnel, compos de militaires et de civils experts en toutes

    rubriques, vritable ministre occulte qui souvent contrecarrait, et parfois mmeannulait, l'oeuvre du gouvernement parlementaire. La formule des ministres,hommes liges des partis, dplaisait Lopold III, qui et voulu leur substituer deshauts fonctionnaires et des techniciens. Il ne manquait pas une occasion de rabrouerles professionnels du Parlement, les renvoyant brusquement leurs lecteurs, les

    privant de dcorations attendues, comme on prive les enfants de leurs jouets.Lopold II, parlant du Palais des snateurs et des dputs, disait la baraque d'en

    face . Lopold III, plus timide, avait, la dent moins froce ; mais on pouvait devinerque le ftichisme parlementaire ne le touchait pas.

    Il n'tait pas rexiste, du moins publiquement. Mais il connaissait toutes les taresdu rgime des partis, suivait avec attention les mouvements, comme le ntre, quivisaient rtablir, au sein d'tats librs de l'anarchie du nombre, l'autorit du

    pouvoir excutif, l'ordre, la comptence, la continuit, l'esprit de responsabilit.

    Nanmoins, mon projet, du dbut de septembre 1939 ne visait en aucunemanire humilier une institution tombe tout naturellement, et d'assez longue datedans le dcri public. A mon avis, le moment tait, mal choisi pour se livrer descritiques contre le rgime dmocratique, et pour tenter, en raison des circonstancesextrieures, de le striliser. Ma proposition se situait bien au del des vieilles

    polmiques antiparlementaires.Elle visait uniquement prvenir, dans l'immdiat, les plus gros excs des clans

    politiciens et permettre un travail fcond au pouvoir excutif, lui-mme manationdirecte du Parlement et des trois grands partis belges dits dmocratiques .C'taient ceux-ci, en dfinitive, qui auraient voter ces pouvoirs exceptionnels.

    Au fur et mesure que j'avanais dans mon expos, le Roi tmoignait ceprogramme un intrt croissant. A la fin, il me dclara que ma proposition taitexcellente, qu'il partageait ma faon de voir et, quil allait agir dans ce sens-l. Je le

    quittai, la nuit, frmissant de joie, certain d'avoir aid, pour plusieurs mois - lesmois cruciaux, sans doute - au maintien de la neutralit, cest--dire au maintien dela paix pour la Belgique.

    Hlas, les bonnes dispositions du Roi ne rsistrent pas aux oppositions aigres,et au chantage des protonotaires qu'il consulta : chaque gte-pte parlementaireentendait conserver le droit de lancer, travers la tempte, ses discours tapageurs,d'agiter l'opinion (puisque, en somme, c'est en l'agitant qu'on la conquiert).

    Le Roi bien dcid devant moi rclamer une formule de pouvoirs largis, crutprfrable de louvoyer lorsqu'il eut heurt les premiers obstacles. I l temporisa, laissapasser loccasion. Finalement, rien ne se produisit et le Parlement se runit nouveau, dans son anguillre agite, parmi la fivre et le hourvari habituels.

    Pendant trois jours entiers, chaque parti dlgua la tribune acajou ses jaboteurs

    et ses harangueurs. Ds la deuxime runion, les provocations commencrent, despropos blessants pour l'Allemagne furent lancs. Un ostrogoth nomm Hubin,paltoquet demi gteux, spcialis dans la projection de crachats longue distance,courut, vultueux, au pied de la tribune, cracha pleine bouche dans la direction deses contradicteurs. Chaque discours n'tait qu'une enfilade de chamailleries, de

    jocrisseries ou de lieux communs, nonns par des bousilleurs.Le Premier ministre Pierlot, serrant dans ses deux mains maigres son crne nu

    comme un goguenot, attendait, l'oeil fig, cadavreux, la bouche amre, que tous cesproreurs eussent fini de lantiponner derrire leur carafe. Le ministre des Affairestrangres, Paul-Henri Spaak, toff, mouflard, ltroit, dans son banc, ne

    parvenait, pas croiser ses petites jambes boudines ; il agitait sa tte norme etrose, ses bras courtauds, impuissant devant ces flonflons, ces nigauderies, cesdversements bilieux.

    Je parlai aprs tout ce beau monde, durant quelques minutes seulement,suppliant les Belges - peuple d'entre-deux - de garder leur sang-froid, non seulement

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    pour demeurer hors de la guerre, mais aussi pour tre moralement, prpars remplir leur devoir de fraternit envers les hommes en rconciliant un jour lesennemis de 1939, par-dessus les cimetires et les ruines. Spaak tira grand-peine, deson banc ministriel, sa bedondaine de ttrodon. Il vint moi, les mains tendues,l'oeil chaleureux, son sourire de joyeux vivant fleur de sa toute petite bouche : Vous tes le seul qui ayez dit ici quelque chose d'humain et de sens ! dclara-t-il

    avec chaleur.Mais si, pendant quelques minutes, j'avais tenu un langage inspir uniquementpar la gravit du drame, si j'avais t, par miracle, applaudi par tous les partis, uninstant calms, les discours partisans de ces trois jours avaient dj russi, eux, casser compltement dans le pays 1'unanimit spirituelle ne au premier jour duchoc europen.

    Faisant cho aux clabauderies des Chambres, les rabouilleurs et les pipeurs de lapresse belliciste jetaient le caleon Hitler, le tranaient aux gmonies, repartaientavec plus de fougue que jamais dans leur campagne dinformations truques, defabuleuses victoires imaginaires, de gredineries et de bobards destins braver leReich et exciter l'opinion publique. A en croire ces joueurs de gobelet, la cavalerie

    polonaise courait sur Berlin ! Sur sept colonnes de premire page, la ligne Siegfriedtait enfonce ! Aix-la-Chapelle tait crase sous les bombes de l'aviation

    franaise ! Et nous n'tions qu'aux tout premiers jours de la politique belge deneutralit !

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    II

    LE TOHU-BOHU NEUTRE

    Insanit des bellicistes internationaux. - Folies provocatrices en Belgique. -Vnalit des va-t-en-guerre. - Le cas de l'Allemagne et de l'Italie. - Au-dessus dela mle. - Mussolini, Rex et la Belgique. - Le Reich, zone interdite. - Lefanatisme antiallemand. - Abstention allemande en Belgique. - Pas decinquime colonne. - Amiti de Spaak.

    Les Allis n'avaient pu envoyer leurs sous-fifres polonais ni un sous-marin niun avion pendant leur duel dcisif de septembre 1939.

    Or, l'on ne gagne pas seulement la guerre avec des fanfaronnades de journaux.La preuve avait t faite, le mois mme du dclenchement des hostilits, del'aberration que reprsentait cette aventure.

    Pourquoi pousser la Pologne se raidir, se refuser violemment tout accord,alors que ses excitateurs n'taient pas capables de lui apporter le moindre secours l'heure des comptes ?

    Dsormais la Pologne tait morte, bien morte, les pieds et le nez froids pourtoujours. Les Soviets eux-mmes, bravant les Allis, avaient pu impunmentconfisquer un gros tiers du territoire polonais, bien dcids l'absorber en totalit sil'occupant allemand,un jour, dfaillait.

    Ainsi, ds la fin de septembre 1939, l'objectif officiel de la guerre des Allisavait cess d'exister. La Pologne tait mange, la sauce tartare d'un ct, au kolrabi de l'autre. Mme si le Reich devait tomber un jour, elle ne pourrait quechanger d'estomac, sans plus d'histoire.

    On pouvait donc croire encore que les comptiteurs arrteraient les frais aprscette mirifique cacade.

    A la ligne Maginot, Franais et Allemands apprivoisaient les araignes et tiraientdeux coups de fusil par jour. On envoyait les Anglais sur le continent, un par un,avec des prcautions de collectionneurs de timbres poste. Le feu sacr n'y tait pas.L'opinion europenne renclait devant la guerre, une guerre engage follement, pardes agents provocateurs et des jocrisses, une guerre qui n'avait dj plus (enadmettant qu'elle l'et jamais eue) la moindre signification morale, puisque les Allisn'avaient point os, le 15 septembre 1939, riposter l'U.R.S.S. qui, imitant Hitler -mais sans frais, et lchement - s'tait rue, son tour, sur le trop naf protg . Sila guerre du 3 septembre 1939 avait dcoul de pactes franco-anglo-polonais, ces

    pactes eussent d valoir aussi bien contre l'agresseur Staline que contre l'agresseurHitler. Ce margouillis n'avait aucun sens.

    Il fallait esprer que des hommes srieux s'interposeraient avantque n'arrivt lacatastrophe pour l'Europe entire, puis pour le monde entier.

    Hitler avait prononc Berlin, l'Opra Kroll, le 6 octobre 1939, un discourstrs conciliant. Il avait offert, avec la paix, la rsurrection d'une Pologne, rtrciecertes (en politique comme en amour, les fautes se payent), qui valait mieux,toutefois, pour les Polonais, que la liquidation complte, sous les frules conjuguesdu Gupou et de la Gestapo.

    Mais des haines insenses dominaient depuis des annes la politique de l'Europe.Pour les Juifs, hargneux et vindicatifs, pour les marxistes rageurs, expulss del'Europe centrale, pour les francs-maons qui avaient perdu Prague, leur capitale,

    pour les estafiers de la grosse finance menacs durement dans leurs bnfices etpculats par les gigantesques ralisations sociales d'Hitler, il ne s'tait jamais agi, onl'imagine bien, d'accorder ou de refuser Dantzig le droit - bien dmocratique

    pourtant ! - de dcider librement de son destin, ni de favoriser ou de saboter lacration pacifique d'un couloir, large d'un kilomtre, entre la Prusse occidentale et la

    Prusse orientale. Il ne s'agissait pas davantage des millions de Polonais qu'on avaitlaiss tomber comme des dattes aux premires marques tangibles de leur infortune.

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    Une fois vaincus, on les avait ports froidement pour zro l'actif du consortiumalli.

    Non, les vritables motifs de la guerre taient tout autres. Il s'agissait d'abattre,comme au dbut du XIXe sicle, un adversaire idologique, un unificateur possibledu continent, et un concurrent sur le plan conomique.

    Les propositions de paix d'Hitler furent repousses avec jactance et sans examen

    par Daladier, bltre spulcral, bgayant devant son flacon de Pernod, puis par leconducteur d'autobus britannique Chamberlain, roide et born comme son riflard.Une effroyable clameur de joie sadique accompagna, travers toute l'Europe,

    cette perspective de nouvelles tueries.Que la grande presse aux ordres des gouvernements allis, que les vide-goussets

    de l'Internationale juive et des grands trusts se soient livrs une telle danse du scalpet pu se concevoir la rigueur. Les uns dfendaient leur rtelier, les autres leurchamp de rapine. Mais que, dans des pays neutres comme la Belgique, de pareilstrpignements se produisissent, cela dpassait l'entendement.

    Car enfin, si vraiment la guerre avait lieu, o allait-elle avoir lieu ? La Pologneavait disparu. La ligne Maginot et la ligne Siegfried fermaient, l'unique frontgermano-alli, comme deux portes de coffre-fort. Il ne restait qu'un champ de

    bataille possible : les terres, larges ouvertes, des vieux Pays-Bas, l'ternel champ de

    bataille des Franais, des Anglais, des Allemands, qu'ils sappelassent Louis XIV ouLouis XV, Dumouriez ou Bonaparte, Malbrough ou Wellington, Blcher ouGuillaume II. Dsirer le prolongement des hostilits, c'tait appeler sur notre sol deshorreurs sans nom.

    Les lcheurs et les hynids qui, en Belgique, poussaient, ces abominationseussent d tre vous la maldiction publique. La Patrie n'avait pas de piresennemis que ces provocateurs. Pourtant, c'taient eux que les gobe-mouches

    proclamaient des patriotes, tandis que ceux qui, lucidement, voulaient carter de leurpays le danger qui menaait taient trans dans la boue et peints sous les traitsd'agents la solde d'Hitler !

    A peine mnagea-t-on Lopold III lorsque, de concert avec la reine Wilhelminede Hollande, il lana aux belligrants, en novembre 1939, un appel vibrant la

    pacification. De quoi se mlaient, ces deux trouble-fte ? Le roi tant le Roi, la

    presse pouvait difficilement le bcher de faon ouverte. Mais cette tentative dfaitiste de Lopold III fut, ds alors, porte sur la page des comptes rgler :elle fut pour beaucoup dans le dbordement inou de calomnies et de gredineries quisubmergea le roi des Belges vaincu, le 28 mai 1940.

    Quelques intellectuels bruxellois - lacs et clercs - eurent la tmrit de lancer,eux aussi, un message d'apaisement. Qu'est-ce qu'ils prirent comme insultes : Valets d'Hitler ! - Combien vous a-t-on pays ? - La voix de leur Matre ! etc... Oril s'agissait de Belges, donc de non-belligrants, qui avaient parfaitement le droit de

    prfrer, une guerre qui craserait leur pays, un arrangement qui l'pargnerait !Ce dsir de paix tait si dfendable que le Pape lui-mme, la fin de 1939, fit

    une ultime tentative de rapprochement. Mais au mme moment, l'Archevque deParis publia dans Paris-Soir une dclaration de Nol : il s'y rjouissait des tueries en

    cours et les considrait comme des oeuvres pies, au plus haut point agrables Dieu ! La presse de Bruxelles se dlectait de pareilles lucubrations. C'tait quirenchrirait,. Chacun voulait, tout prix, rendre les Allemands enrags et unerconciliation, quelle qu'elle ft, absolument impossible.

    Le journalisme tait descendu au degr le plus bas de la prostitution. Lesquotidiens de Bruxelles publiaient, pour chauffer blanc leurs lecteurs bats, defoudroyantes chroniques militaires, dates de l'tranger - de la ligne de feu de

    prfrence ! - chefs d'oeuvre d' envoys spciaux qui rdigeaient, en ricanant, cestextes vingt mtres de l'immeuble mme de leur journal, la table du petit caf ducoin, en face d'un pot de gueuse-lambic...

    Ces farceurs pouvaient mentir tant qu'ils le voulaient, mentir grossirement oumentir ridiculement, dshonorer la presse dinformation, mettre en pril leur pays.Cela n'avait aucune importance ! C'tait mme trs bien ! Ils taient de bons Belges,

    de vrais Belges ! Mais nous, qui essayions de conserver notre sang-froid dans cettefolle aventure, de tenir la balance droite, de ne prendre parti ni pour l'un, ni pour

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    l'autre, de dmontrer la nation quelle catastrophe serait pour elle la cessation de lapaix, nous ne savions plus comment nous abriter, sous les voles de pommes cuiteset d'ignominies dont les hordes bellicistes nous accablaient !

    Ces hordes taient puissamment entretenues par la propagande allie. En juin1940, aprs la capitulation, on dcouvrit l-dessus une documentation ahurissante.

    Non seulement la plupart des journaux va-t-en-guerre de 1939 taient vendus aux

    services secrets des Allis, non seulement les plus connus des mandarins de la pressebelge taient appoints par eux, mais une nue de vedettes de la haute socitbruxelloise servaient d'agents d'information au Deuxime bureau franais. Lanoblesse dsargente avait t la plus pre trahir les siens, dresser et vendre de

    petites listes perfides. Le prsident d'un des cercles les plus aristocratiques deBruxelles en fut rduit se jeter sous un tram en juillet 1940, lorsqu'il fut tabli,documents comptables en main, qu'il dirigeait en ralit une des plus grossesofficines du rseau d'espionnage de Gamelin et de Daladier !

    Pourtant, ces pandours de salon, ces ruffians blasonns, ces cumeurs demarmite, bombaient le torse patriotiquement ! Et c'est nous qui avions nousdfendre chaque jour d'accusations infmes !

    A prsent encore, comme je l'ai fait en 1939, comme je l'ai fait en 1940 en pleineoccupation allemande, je tiens dire, rpter avec acharnement que jamais, ni

    avant ni pendant la neutralit, un seul pfennig, une seule consigne, voire mme unconseil quelconque ne nous furent donns par le Reich, ou de la part du Reich, envue d'influencer notre ligne de conduite - dicte par l'unique souci d'viter notre

    patrie et l'Europe le risque d'une nouvelle dvastation du continent.

    Certes, divers points du programme de Rex correspondaient plus ou moinsexactement avec un certain nombre de donnes fascistes ou nationales-socialistes.Certes, le grand souffle d'idal qui soulevait lItalie et le Reich faisait vibrer nosmes, prises de grandeur ! Nous avions tudi avec intrt le remarquableredressement opr au profit de leur peuple par Mussolini, puis par Hitler. Il fallaittre un croton ou un fanatique pour se refuser reconnatre que ces deux hommesd'tat avaient leur actif de magnifiques ralisations : restauration de l'ordre publie ;collaboration des classes ; dveloppement puissant de l'conomie de leur pays ;

    respect des travailleurs et amlioration extraordinaire de leur sort matriel, surtoutdans le Reich ; renaissance merveilleuse de la vie familiale (chaque anne un millionsix cent mille naissances dans l'Allemagne hitlrienne, soit un million de plus quedans la France riche, ensoleille, comble par le sort) ; panouissement de la

    jeunesse ; dveloppement des sports ; rayonnement de la vie artistique ; exaltation del'esprit de communaut et des vertus civiques.

    Ces rformes et ces ralisations, inspires, soutenues par une mystiquerayonnante, fire, dsintresse, dtonaient dans l'Europe dmocratique, fatigue,corrompue, sans imagination, sans ferveur et sans foi.

    Mais le fascisme, le national-socialisme taient des phnomnes accidentels. Il yavait d'autres problmes, antrieurs Mussolini et Hitler, problmes que ladisparition des deux grands rformateurs n'a nullement limins. Ces problmes-l

    aussi nous proccupaient, en tant qu'Europens et en tant qu'hommes. Nousestimions que dans la rpartition des biens terrestres, le peuple allemand et aussi le

    peuple italien n'avaient pas t traits avec justice. Il y a des injustices entre nationsexactement comme il y a l'intrieur d'une nation des injustices sociales. Pourquoides nations uses, dpeuples, comme la Grande-Bretagne et la France,devaient-elles retenir pour elles seules et monopoliser sans fin les terres riches, lescolonies, les matires premires ? Pourquoi un espace vital tait-il acquis aux seuls

    pays dont la vitalit, d'anne en anne, dgringolait ?En contractant davantage encore qu'il ne l'tait le peuple le plus travailleur et le

    plusprolifique d'Europe les inspirateurs du trait de Versailles ont commis uneerreur qui est l'origine des principaux malheurs de noire sicle. Les seize cent milleAllemands qui naissaient chaque anne, au temps d'Hitler, avaient, en toute justice,le mme droit de s'panouir que les rares produits des demi-bourgeois dcadents des

    pays dits dmocratiques, devenus en ralit des pays jalousement, gostementconservateurs, conservateurs de privilges conomiques, de marchs internationaux,

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    de millions de kilomtres carrs de terres souvent inexploites, en Asie et enAfrique.

    Nous estimions que l'panouissement des peuples qui travaillent le plus et quiont le plus d'enfants tait une question d'quit. Et aussi une question de prudencelmentaire. Si on voulait que l'Allemagne surpeuple ne dbordt point, il fallait luitrouver des exutoires, en Europe et hors d'Europe, et lui rendre notamment ses

    anciennes colonies d'Afrique, dont l'Angleterre et la France, dj combles, s'taientavidement empares en 1919.Mais l'Angleterre, accoutume prendre, rarement rendre, avait fait la sourde

    oreille chaque proposition. Ile de deux cent quarante mille kilomtres carrs quirgnait, avant la Deuxime guerre mondiale, sur quarante millions de kilomtrescarrs dans le monde (cent soixante six fois sa propre superficie), l'Angleterreentendait qu'on ne restitut pas un arpent de terre coloniale une Allemagne quasideux fois plus peuple que le sol anglais et clatant de toutes parts dans sa carapace.

    En 1945 - folie suprme ! - on contracta davantage encore l'norme masse deshabitants du Reich, chassant, cette fois, de leurs propres terres et de leurs foyers,treize millions de Prussiens, de Pomraniens, de Silsiens, de Sudtes, dpouills detout, les empilant fabuleusement dans une demi-Allemagne en ruine dont la densitatteignit, ainsi ou dpassa deux cents habitants au kilomtre carr, soit cinq fois plus

    que sur la riche terre de France, sept fois plus que dans l'artificielle Pologne !Politique insense qui fera que tout sautera, tt ou tard, une troisime fois enEurope !

    En 1939, l'aspect typiquement goste et conservateur de la politiqueanglo-franaise ne nous chappait point, malgr les belles tirades dmocratiques.Le peuple, c'tait pour nous le peuple du monde et non seulement celui de deux paysgavs. Nous eussions dsir qu'une solution de justice et d'quit apportt un nouvelquilibre l'Europe en rpartissant plus humainement, plus quitablement, lesmoyens de vie entre les tats repus et dliquescents, et les tats pauvres maisfconds et dynamiques.

    L tait le problme fondamental de l'apaisement europen, en dehors desquestions passagres de rgimes.

    Toutefois, l'intrt que nous portions aux expriences et aux revendicationsvitales des peuples dbordants de l'Europe ne changeait rien notre comportementconcernant la paix belge et la paix continentale. A l'automne de 1939, notre devoirtait plus net et plus strict que jamais : saisir les dernires chances qui restaient laBelgique d'chapper la guerre, demeurer fidles notre mission europenne de

    pays d'entre-deux 1 ouvert aux rconciliations.Pour cela, nous devions pratiquer la neutralit la plus exacte, maintenir

    honntement et nergiquement un dernier champ d'atterrissage de la paix, l'Ouest.Culturellement, nous tions profondment lis la France. Politiquement etsocialement, nous prouvions un vif intrt pour les ides nouvelles quereprsentaient Hitler et Mussolini. Mais raisonnablement, en patriotes lucides, nousvoulions, en 1939, demeurer sereinement, totalement, au-dessus de la mle, poursauver notre peuple et pour essayer de sauver les autres peuples.

    J'ajouterai, avec la plus totale franchise, que nous ne fmes soumis aucunetentation.

    On m'a dit qu'en France, il y eut, dans certains milieux touchant de prs lapolitique et la presse, des travaux d'approche entrepris par des personnalitsallemandes auxquelles les ressources ncessaires ne manquaient point. C'est assezdans les moeurs de Paris. Pour prparer ses alliances, jadis, et pour placer sesemprunts, le Tsarisme n'avait pas agi autrement. En Belgique, ces collusionsn'existrent point. Je parle de ce que je connais : si tonnant que cela puisse paratre- beaucoup ne me croiront pas, mais c'est ainsi - jamais, durant tous ces mois deneutralit, ni moi ni qui que ce soit Rex ne fut l'objet de la plus petite intervention,

    1

    Chaque jour qui passe sans que la Belgique soit implique dans la guerre est un jour gagn pourla cause de la paix. Il y a toujours un lment d'espoir dans l'avenir. Quelque chose peut arriver quicartera le coup... (Lopold III l'ambassadeur des Etats-Unis Cudahy, janvier 1940.)

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    si discrte ft-elle, venant d'un Allemand ou d'un missaire quelconque desAllemands.

    Le Troisime Reich s'est durant l'hiver de la neutralit totalementdsintress de sa propagande en Belgique. Il s'y est laiss insulter, bafouer, sans

    jamais ragir. Certes, s'il et tent quoi que ce ft dans notre direction, il et tdcourag aussitt. Nous tions neutres et prtendions l'tre honntement. En

    politique, l'honntet est sans doute une faiblesse. Nous avions cette faiblesse-l.Mais le fait que la propagande du Reich n'ait jamais tent de nouer le moindrecontact avec nous, ne ft-ce que pour nous documenter, m'a toujours laiss rveur.

    Je connaissais personnellement Hitler, comme je connaissaispersonnellement Mussolini, comme je connaissais personnellement Franco, commej'avais nou en France de nombreuses relations politiques dans les milieux les plusdivers, comme j'avais t l'hte, aux Communes, de fort aimables dputs

    britanniques du parti de Winston Churchill. Je pouvais arriver au pouvoir. Mondevoir tait de prparer pour cette heure-l les relations internationales qui me

    permettraient de travailler utilement pour mon pays.Mais la tension europenne et la mauvaise foi de nos adversaires taient

    devenues telles ds 1937, que j'avais cru prfrable de ne plus entretenir de relations,

    mme trs espaces, avec les dirigeants de l'Axe.Nous possdions, avant cela, en Italie, de nombreux, de vrais, d'ardents amis.Sur le conseil direct de Mussolini (avec qui je n'avais jamais eu de contact avantnotre grande victoire de 1936, mais qui, par la suite, s'tait pris d'un grandattachement pour moi et m'avait reu chez lui, diverses reprises, avec beaucoupd'affection), certains de nos camarades romains avaient financirement paul nos

    jeunes organisations, matriellement dpourvues de tout. Mais ils avaient toujoursfait montre d'un dsintressement absolu, n'ayant, videmment, sur la Belgique devises politiques d'aucun ordre. Ils prouvaient de la sympathie pour nos ides,taient sensibles au feu de notre idal, se sentaient solidaires de notre lutte contre lecommunisme. Ils prouvaient galement, pareils aux Italiens de la Premire guerremondiale, un trs vif intrt pour tout ce qui concernait l'avenir et la scurit de laBelgique. C'est elle, travers le Rexisme, qu'ils encourageaient et qu'ils aimaient.

    Au lieu de prcher pour leurs nouveaux associs d'outre-monts, ils s'employaient- paradoxalement - nous mettre en garde contre nos voisins de l'Est. Mussolini neme parla jamais du Reich que pour me donner les plus grands conseils de prudence.Au fond, s'il admirait secrtement l'Allemagne - avec une certaine amertume - leDuce fut toujours, comme tout Italien, instinctivement anti-germain. En 1936, il me

    brossa un portrait-charge de Ribbentrop, qu'il dtestait, en des termes beaucoup pluscolors et incisifs que ceux dont se servirent Nuremberg, dix ans plus tard, les

    procureurs des Puissances allies.Aussi, toute ide d'une influence indirecte de l'Allemagne nationale-socialiste

    exerce sur la Belgique par la filire Fascisme-Rexisme doit tre exclue. C'estexactement le contraire qui se passa. Nul plus que Mussolini ne me dconseilla descontacts avec le Troisime Reich. Ce ne fut pas l, de sa part, un avis isol oumomentan. La position de Mussolini vis--vis de la Belgique resta toujours

    identique. Ce fut tel point que le Duce alla, en 1939 et en 1940, jusqu' dvoiler auprofit de notre pays des secrets militaires essentiels que lui avait communiqus sonassoci de l'Axe, en guerre dj. Ayant t tenu au courant de divers projetsd'invasion des territoires de l'Ouest par la Wehrmacht, Mussolini, trois reprises,donna l'ordre Ciano d'en informer l'ambassadeur de Belgique prs du Quirinal,

    puis - pour tre bien sr d'atteindre directement le roi des Belges - de prvenir laprincesse Marie-Jos elle-mme, soeur de Lopold III. Ces communications secrtesfurent faites le 26 dcembre, le 30 dcembre 1939 et le 2 janvier 1940.1 Lesremerciements du roi Lopold Ill furent transmis, pa r crit, Ciano par la princesseMarie-Jos, deux semaines plus tard, le 16 janvier 1940, exactement.

    Ces rvlations du Dure eurent, l'poque, sur la politique extrieure belge unerpercussion considrable. Sur l'ordre personnel du Roi, et l'insu de ses ministres,

    1 Ciano dit notamment la soeur de Lopold III : Que la Belgique soit sur ses gardes, elle pourrait treattaque le 15 janvier ou peu aprs. Or, le plan allemand d'attaque l'Ouest tait fix au 17 janvier !

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    des initiatives brusques, ahurissantes, furent prises, en janvier 1940, dans le plusgrand secret. Nous reparlerons plus loin de ces incidents mlodramatiques.

    L'Allemagne, certes, est en droit, ce propos, de juger svrement Mussoliniqui, indiscutablement, ne fut pas correct vis--vis de son partenaire de l'Axe. Maisun fait est un fait. Mussolini, jaloux sans doute des triomphes d'Hitler et ne dsirant

    point qu'ils s'accrussent dmesurment, au lieu de favoriser le jeu du Troisime

    Reich, servit directement les intrts de la Belgique, aux dpens de son associ !D'ailleurs, je le rpte, ds 1937, entendant gronder au loin l'orage des passionsinternationales, voulant viter tout ce qui et pu nuire l'action intrieure duRexisme, j'avais mis fin totalement mes contacts avec nos amis d'Italie. La mmerserve fut observe par tous mes collaborateurs. Malgr le plaisir que j'avais rencontrer Mussolini, foyer prodigieux de vie, d'exprience et de pittoresque, je nevis plus jamais le Duce. Ni davantage Ciano, cynique, mais drle, observateurendiabl, croquant avec un humour froce les bonzes et les cuistres.

    Ces relations italiennes taient intressantes, utiles la Belgique. J'ai souventregrett d'avoir, en les suspendant, cd au chantage de la canaille. J'eusse d braverles insulteurs et tenir bon. Finalement, c'est le roi Lopold lui-mme qui,secrtement, fut oblig de renouer des contacts avec les chefs du Fascisme. Ilexpdia, muse-pot, en 1939, le socialiste (national-socialiste inconscient) Henri de

    Man chez le comte Ciano, qui le reut deux reprises.1

    Toujours la tendance nettement pro-belge du Fascisme se maintint, qu'elle se soitmanifeste travers moi ou, accessoirement, travers de Man, ou, en 1939 et en1940, de manire dcisive, travers l'active princesse Marie-Jos, agent de liaisondirect de Lopold III auprs de Ciano, qui devint, dans le domaine priv, le plustrange et le plus indiscret des confidents de la soeur du roi des Belges.

    Telles furent les relations Hitlrisme-Fascisme-Rexisme.Mais il n'y avait pas que l'Hitlrisme et le Fascisme.Toutes les expriences en cours piquaient notre curiosit. C'est ainsi que

    j'envoyai en mission d'tudes Moscou, l 't de 1936, Xavier de Grnne, chef dugroupe snatorial de Rex. J'avais moi-mme, aux dbuts de Rex, demandl'autorisation de me rendre en U. R. S. S. Seul le refus des autorits sovitiques

    m'avait fait, l'poque, renoncer ce projet.Je fus toujours un grand voyageur. Avant de crer Rex, j'tais all en Asie, enAfrique, au Canada, aux Antilles, aux tats-Unis. A plus forte raison, avais-jetudi de prs la plupart des pays d'Europe. Il et t stupide de ma part d'ignorerl'Allemagne. Jeune tudiant je l'avais parcourue d'un bout l'autre bicyclette. J'yretournai, avec un intrt accru, en 1934, tudier le phnomne national-socialiste,mais ml la foule, sans prendre contact avec les dirigeants du Troisime Reich.

    En 1936, lors d'un passage Berlin - voyage d'excursion en compagnie de mafemme et de deux amis - Ribbentrop vint me rendre visite l'Htel Kaiserhof onous tions tous descendus. Il m'invita djeuner dans sa simple et belle propritde Dalhem, cache dans les sapins. Aprs le repas, nous allmes, lui et moi, prendrele th chez Hitler.

    Entrevue non prpare, entrevue trs vivante, trs intressante, qui m'avait

    permis d'entendre Hitler noncer une proposition fort originale pour le rglement del'pineux litige belgo-allemand d'Eupen-Malmdy. Entrevue dont je rendis compteau Roi par la suite. Entrevue malheureusement sans lendemain car, la seuleannonce que j'avais pass deux jours dans la capitale du Reich (je n'avais pas rvlque j'avais t reu par Hitler, l'invitation ayant t prive ; on pensa seulement que

    j'y avais vu Goebbels qui, ce moment-l, tait... Athnes !), la pressedmocratique se dchana avec un fanatisme si imbcile, si sauvage, si abrutisseurque je m'en tins l et prfrai renoncer, ds lors, toute nouvelle prise de contactavec le chef du Troisime Reich.

    C'tait regrettable, car la Belgique, terre d'changes, et d avoir de bonnesrelations avec tous ses voisins, et notamment avec le plus puissant d'entre eux. S'il yavait des difficults, le meilleur moyen de les aplanir tait de se connatre, de

    1 De la mme manire, Henri de Man avait t envoy par Lopold III Berlin, o il avait rencontr OttoAbetz.

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    s'expliquer d'homme homme, en toute franchise. Mais quatre ans avant la guerredj, les journaux belges et les partis taient tellement empoisonns par la haineantiallemande et par les subsides franais, qu'il fallait renoncer savoir quoi que ceft de ce qui se passait dans le Reich et s'en tenir exclusivement aux ragots, auxdformations et aux mensonges provocateurs des grandes agences juives. Vouloir serendre compte par soi-mme de la vie de l'Allemagne nationale-socialiste c'tait, en

    Belgique comme en France, se suicider politiquement.Une exprience gigantesque se dveloppait. Le plus important pays de l'Europe -plus peupl lui seul que la France, la Suisse, la Belgique, la Hollande, le Danemarket la Norvge runis - faisait peau neuve. Interdiction absolue de le visiter, deregarder, d'couter ! Et cela en pleine paix, en 1936 ! Sinon, si on avait l'audace demettre les pieds dans le Reich pour un week-end, c'tait l'assaut gnral de la presse dmocratique ! C'tait le vacarme et le fleuve de boue ! Elle tait belle, la libert !

    Je me rendis encore, tout juste, en Tchcoslovaquie et en Autriche, au printempsde 1938. J'eus grand soin de ne plus passer par Berlin, traversai en trombe, envingt-quatre heures, l'Allemagne du Sud et revins en avion ! Exactement comme si

    j'avais fait un mauvais coup !Voil quel degr d'intolrance on tait arriv en Europe, des mois, des annes,

    avant Munich !

    Je fus bien oblig d'interdire mes amis galement de voyager dans le Reich,tant taient inous le fanatisme et le chantage de nos adversaires. Avec une volontde mentir que plus rien n'arrtait, des directeurs de journaux grand tirage, tels quela socialiste Wallonie de Lige, allrent jusqu' publier, comme document massue,des photos qu'ils avaient truques leur rdaction mme. Ils avaient substitu aucorps d'Hitler passant, bras lev, parmi les drapeaux nazis de Nuremberg, celui duchef de notre groupe de dputs, Pierre Daye, extrait d'une photo o il faisait le salutrexiste la sortie du Parlement, Bruxelles ! L'escroquerie tait flagrante. Nous

    publimes cte cte la photo de Bruxelles et celle de Nuremberg. L'Association dela Presse - prside par un franc-maon, agent franais qui devait se rouler aux piedsdes Allemands vainqueurs en 1940 et mettre aussitt sa plume leur service - ne

    daigna mme pas dsavouer ces canailleries, ni adresser un reproche auxfalsificateursLes plus minimes dtails engendraient des campagnes forcenes. En 1937 -

    1937 ! - on fit un foin norme dans la presse de gauche parce qu'une auto allemandeavait stationn un soir devant l'immeuble de l'avenue Molire o ma femme, mesenfants, et moi habitions alors. Cette auto, c'tait la preuve du complot, des menesd'Hitler en Belgique et de ma trahison ! Quy avait-il dans cette histoire d'auto ?Rien ! Pas un Allemand ne m'avait rendu visite. Il y avait dix ou douze appartementsdans l'immeuble. Sans doute, un soir, un autre locataire avait-il reu la visite d'unquelconque citoyen du Reich ? Quel locataire ? A quel tage ? Je n'en sus jamaisrien. Les journaux n'en savaient pas plus que moi.

    Mme euss-je reu un soir des Allemands, quel crime y aurait-il eu cela ?Je pratiquais en Belgique exactement la mme discrtion qu' l'tranger. Je

    n'entretenais pas la moindre relation avec l'ambassade d'Allemagne, alors que jerencontrais chez Pierre Daye des personnalits de l'ambassade de France et que jedjeunais chez de gros bonnets de l'ambassade de Sa Majest britannique. Ni Bruxelles, ni nulle part ailleurs, je n'avais de contact direct ou indirect, de quelquegenre que ce ft, avec un Allemand ou un homme de confiance des Allemands.

    Lors des grandes offensives de Rex en 1936, le correspondant bruxellois d'uneagence allemande de presse tait venu chez moi aux nouvelles, de mme que sescollgues trangers. Si je me souviens bien, il s'appelait Bayer, comme la firme

    pharmaceutique. C'est l'unique Allemand de Belgique qui j'ai dit quatre mots durantces annes-l.

    Il tait lamentable d'tre ainsi totalement coups de tout contact avec le voisin leplus important de la Belgique au moment o l'tude de son activit et permis defaire tant de constatations instructives ! Je pouvais envoyer Xavier de Grnne

    tudier Moscou les rouages de l'U.R.S.S. C'tait bien ! Je pouvais moi-mmesjourner Londres afin de voir fonctionner la dmocratie britannique. C'tait bien !

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    Mais se pencher, un instant, en simple observateur, sur l'norme chaudireallemande en bullition, c'tait se condamner automatiquement des mois devritable terrorisme journalistique, voir son portrait affich sur tous les murs du

    pays, coiff d'un casque pointe, entendre des centaines d'aliborons en dlire et deviragos hurler frntiquement : A Berlin ! Berlin ! chacun de vos meetings !

    Hitler lui-mme avait fait une croix sur la possibilit d'amliorer les relations deson pays avec la Belgique et avec la Hollande (fanatique elle aussi, quoique avecmoins de vhmence). Ds novembre 1939, comme nous le verrons, il avait tinform par les services d'espionnage allemands en France des conventions verbalesqui venaient d'tre conclues, dans le plus grand secret, entre l'tat-major de LopoldIII et le gnralissime alli Gamelin.

    Les services de propagande allemands n'essayrent en aucune manire deredresser la situation. A croire que tout effort pour clairer les milieux dirigeants

    belges leur tait apparu comme vou l'avance l'chec. Ds le dbut de la guerre,l'Allemagne et d, normalement, envoyer la rdaction des quotidiens belges, de ladocumentation, des informations, des reportages, des cartes, des photos. Franais,Anglais nous inondaient de pareilles paperasses. Or pas une fois nous ne remes le

    plus mince imprim du Reich. Rien. C'tait mme absolument extraordinaire.

    Souvent j'en fis la remarque mes rdacteurs. Non seulement, aucun Allemand, ouaucun dlgu de la propagande allemande, ne chercha, durant toute la dure de laneutralit, entrer en contact avec nous pour nous expliquer le point de vue de son

    pays ou nous parler de son effort de guerre, mais jamais un seul feuillet dedocumentation, tendancieuse ou non, ne nous fut envoy. L'abstention allemandetait totale.

    Il dut en tre ainsi dans tous les milieux belges. J'ai pos beaucoup de questions, ce sujet, aprs l'invasion de 1940, alors que les langues s'taient dlies. Je n'ai euconnaissance que d'une seule exception, d'ailleurs absurde, parce que sans intrtrel pour le Reich : un Belge, aux caractristiques physiques et morales nettementisralites, qui dirigeait un petit hebdomadaire, reut de l'ambassade du Reich Bruxelles une somme de trois cent mille francs ou de quatre cent mille francs

    pendant l'hiver 1939-1940. Je ne me souviens plus exactement du chiffre, mais c'est

    un de ces deux chiffres. Cette gratification fut remise au mercenaire en question parun jeune attach de l'ambassade d'Allemagne, le Dr Max Liebe. Elle fut pieusementcomptabilise l'administration de l'hebdomadaire sous une rubrique assezimprvue : Don de la Finlande. Cette brave Finlande !

    Dtail amusant : le bnficiaire de ce subside nazi avait t libelliste du premierministre Van Zeeland au cours de sa campagne contre Rex en 1936-1937. Il tait, delongue date, tu et toi avec Spaak qui, lorsqu'il avait t nomm - c'tait ses dbuts- ministre des Communications, lui avait assur un traitement de pure complaisance,de mille francs par mois, aux frais de l'tat belge, sans que le discret prbendier fttenu un travail quelconque. Durant la neutralit, alors qu'il empochait les billets duDr Max Liebe, ce brochurier venait visiter le ministre des Affaires trangres n'importe quelle heure, le relanant mme dans sa salle de bains d'o le bon grosSpaak surgissait ruisselant, cramoisi, le poil en cor de chasse, drap comme une

    matrone romaine dans un peignoir bigarr, ou boudin dans un amusant pet-en-lair.Le 10 mai 1940, le premier jour de la guerre de l'Ouest, on arrta

    ignominieusement, comme vendus , des milliers de Belges innocents. Maiscelui-l, le seul Belge de langue franaise qui avait touch de l'argent del'Allemagne, ne fut, videmment, inquit par personne ! Il assista paisiblement lacapitulation du 28 mai 1940. Son ami le Dr Liebe lui fournit, aussitt aprs, unfromage de toute premire grandeur. Et du journal o on l'avait install, il s'empressade larder de flches empoisonnes l'arrire-train majestueux de M. Spaak, sonex-protecteur.

    Je suis peu prs sr que cet exemple est unique. Les Allis se sont empars en1945 de tous les documents officiels du Reich. Et j'imagine que leurdcouverte a ddcevoir cruellement les flaireurs de scandales et les gobeurs, car il est tabli, de lafaon la plus nette, qu'il n'y a pas eu de cinquime colonne en Belgique.

    Au tribunal de Nuremberg on a reconstitu, mticuleusement, pays par pays, leplan de la propagande du Reich avant 1940 et le travail prparatoire des divers

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    Quisling en Europe. Qu'a-t-on tabli contre Rex ? Contre moi ? Rien. Absolumentrien. Sinon le contraire de ce que nos calomniateurs eussent tant dsir prouver. Onn'a produit aucun document la barre, parce que tous les documents allemandsmontraient de faon premptoire que nos relations avec le Reich avant la guerretaient inexistantes, que je n'avais t en aucune manire un Quisling, que j'avaistout ignor des projets d'entre des troupes allemandes en Belgique, du premier au

    dernier jour de la neutralit. On a eu beau retourner tous les dossiers, examiner cesarchives la loupe. Ma loyaut patriotique a jailli, clatante, de ces multiplesconfrontations avec les faits.

    En 1939, dj, nos adversaires politiques savaient parfaitement quoi s'en tenirsur les infamies que dversaient sur Rex et sur moi les pipeurs et les fripons de la

    presse dmocratique .Paul-Henri Spaak, mieux mme que n'importe qui, en tant que ministre des

    Affaires trangres, de connatre les ramifications de la propagande trangre enBelgique, ne douta jamais un instant de ma sincrit. Il connaissait monindpendance, mon patriotisme, mon souci d'pargner la guerre mon pays. En

    pleine sance de la Chambre des dputs, il ne craignait point de venir,ostensiblement, s'asseoir ct de moi, car il approuvait ouvertement,

    chaleureusement, ma politique trangre, d'ailleurs absolument conforme cellequ'il professait lui-mme cette poque-l.Je dsirais aller en France passer les ftes de Nol, au sein de ma belle-famille

    franaise. C'est Spaak personnellement qui, avec son habituelle accortise, rgla avecl'ambassadeur de France la question de mon visa. Franchement, si j'avais t suspect ses yeux, Spaak aurait-il fait lui-mme une telle dmarche auprs du reprsentantdu gouvernement franais en Belgique ? Et si le gouvernement franais avait eu lemoindre doute sur l'honntet de ma politique de neutralit, m'et-il accordl'autorisation, en pleine guerre, de me promener sur son territoire et d'y passer mesvacances d'hiver en compagnie de militaires redescendant du front ?

    Je retrouvai Paris, venant directement de la ligne Maginot, mon beau-frre,jeune candidat officier, et mon beau-pre, capitaine de rserve qui, malgr sescinquante-sept ans, avait lch ses usines et tait reparti gaillardement, comme

    volontaire, au front d'Alsace ; il allait mourir pour la France quelques mois plus tard.Je passai une semaine avec eux, blaguant, flnant. Mon beau pre et moi tionsdes amis intimes. J'admirais son patriotisme bruyant et incandescent. Son devoir lui, Franais, une fois la guerre engage, tait de se battre. Mon devoir moi, Belge,tant que la guerre pargnait la Belgique, tait d'viter mon pays cette catastrophetout en lanant l'Europe les derniers appels pacifiques qui pourraient encore,

    peut-tre, la sauver des abmes de feu et de sang vers lesquels elle se prcipitait.On n'a pas entendu mes appels. Ni les appels de personne. La guerre mondiale

    numro 2, voulue, cherche par des milliers de melons et de fous furieux, a eu lieutout de mme. Les rsultats sont l : ruines effroyables, amertume partout, lecontinent europen compltement disloqu, mr pour les pires convulsions socialeset politiques !

    Je ne devinais que trop, ds 1939, qu'il en serait ainsi. Il ne fallait pas tre un

    aigle, ni voler bien haut pour imaginer l'avance l'ampleur possible du dsastre.Mais essayer d'empcher ce dsastre tait un crime ! Un crime que nous allions, mesfidles et moi, payer pendant des annes ! Un crime que nous allions payer cher,dans des bains de larmes et de sang !

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    III

    LES LOGES AU TRAVAIL

    Pierlot, glaon hypocrite. - Spaak, le cynique souriant. - Paul-mile Janson etles Jansonides. - Les quatorze catgories de militaires suspects. - Nouvelle visiteau Roi. - Ses promesses. - Fourberie tenace de Janson. - Bovesse, gouverneur deNamur et agent du Deuxime bureau franais. - La franc maonnerie au Palaisdu Roi.

    Au mois de septembre 1939, la peur de la guerre tait parvenue attnuerpendant quelques jours les haines partisanes dans les pays neutres de l'Europe. Maisil ne fallut pas plus de deux ou trois semaines pour que chacun et rinstall dans la drle de guerre les prjugs et les fureurs de jadis. En Belgique comme ailleurs,les insultes, les accusations calomnieuses volrent nouveau comme des milliers de

    dards.Le gouvernement belge, durant ces mois o se jouaient la paix de notre pays et

    l'avenir de l'Europe, et d, lui au moins, constituer un lot de patriotisme, deloyaut, d'objectivit. Mais comment cela et-il t possible dans un rgimedmocratique o le pouvoir ne dpend que des partis, est leur esclave, doit partageret pouser leurs passions sous peine de prir ? Les gouvernements de partis vivent,ne peuvent vivre, que dans le tumulte, la mauvaise foi, la haine, comme les brochetsvivent dans l'eau, les chauves-souris dans l'ombre, les crapauds dans la fadeur desmarais.

    Le premier ministre belge de 1939 s'appelait, si on s'en souvient, Pierlot. Terne,chagrin, c'tait un dyspeptique aux pommettes osseuses, l'oeil vitreux d'anachortecafard. Il n'avait jamais ri, pas mme en se regardant dans son armoire glace. Cerabat-joie cabochard n'tait aim que des caricaturistes. Il parlait du ton distant,

    rfrigrant, du guignard abstme qui vient d'apprendre que sa ferme a brl, que sabanque a saut et que sa belle-mre est tombe de vingt mtres de hauteur sans sefaire de mal. Les dputs s'approchaient de lui comme d'un cercueil, l'air constern,cherchant instinctivement de la main le rameau de buiset l'eau bnite.

    Au dbut, on avait tendance s'apitoyer devant le regard dcompos de cetordonnateur de pompes funbres. Mais l'homme n'tait pas dessch par un capricedu sort. Il avait le coeur fig comme le visage, tait capable - on le vit par la suite -de commettre, par ambition ou par aversion, les pires cruauts. Officiellement

    bien-pensant, frre d'un chanoine rebondi et apoplectique, ce cagot acteux allait,durant la guerre. commander et payer, de Londres, les assassinats les plus ignobleset les plus vils qu'ait enregistrs l'histoire de la Belgique, assassinats de centaines de

    parents, de femmes, d'enfants de ses adversaires idologiques et notamment desvolontaires belges du front de l'Est. Il devait se glorifier de ces crimes abjects dans

    un discours dmagogique ses lecteurs de Bertrix en 1945. Mais il s'croula peuaprs dans le mprisgnral.

    Le ministre des Affaires trangres, Paul-Henri Spaak, tait l'extrme opposdu croque-mort Pierlot : tout rond, bien disant, bien buvant, bien mangeant, il taitros comme un mtre cube de charcuterie frache.

    Honnte pour l'argent, il tait totalement dnu de scrupules en politique. Lecrne dplum trs tt, l'chine dodue, court sur pattes comme un goland, il tait

    pass avec le sourire des bagarres de rue socialo-communistes aux exercicesd'assouplissement ministriels. Il jouait les rles les plus divers avec uneconnaissance parfaite de la comdie humaine, ici dmagogue, l langue dore,sensible et charmeur, trop intelligent pour se prendre son jeu et capable cause decela d'oprer les retournements les plus tonnants, les plus imprvus, avec un naturel

    et un cynisme qui tenaient, en mme temps, du prodige et de la farce.

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    Cultiv, il avait l'loquence discrtement ampoule, aux trmolos de bon ton, quisduit toujours les assembles populaires. Il avait conscience de sa suprioritd'intellectuel et de bourgeois argenteux sur les croquants de son parti. Il comblait cescoupe-choux de compliments savamment doss, mais il conservait les distances. Ilse permettait mme d'tranges liberts avec la dmocratie, rejoignant parfois, la findes sances de nuit, les traves du Parti socialiste, vtu d'un smoking impeccable,

    l'oeillet la boutonnire, un brin de poudre de riz l'paule, le teint fleuri par dedistingues libations.Spaak a t de tous les ministres : pro-catholiques, anti-catholiques,

    conservateurs, anti-conservateurs. Il a t rpublicain, il a t monarchiste. Il a flattLopold III. Puis il l'a tran dans la boue. Puis il s'est tran ses pieds. Puis il l'a

    banni. Mais il le replacerait demain sur le trne, avec la mme conviction dans lespropos, s'il trouvait une restauration lopoldienne un quelconque intrt personnel.Au fond, il a toujours t extrmement logique. Intelligent, il ne croit personne ; ilne fait d'exception que pour lui-mme, et encore est-ce avec le sourire, uniquement

    parce qu'il s'agit d'une vieille connaissance lui et qu'il ne saurait dcemment trecruel envers lui-mme. Mais il ne se fait pas plus d'illusions sur sa propre personneque sur autrui.

    La foi, en politique, est un handicap presque mortel. Celui qui croit quelque

    chose est toujours arrt par sa conscience. Il perd, de prime abord, cinquantepossibilits sur cent d'arriver au succs. Spaak, lui, ne croyant rien, n'est arrt parrien, et surtout, il ne prend rien au tragique. Pourquoi prendrait-il au tragique desattitudes qui ne sont ses yeux que des tours de passe-passe ou de vertueuses

    pantalonnades ? Srieux quand il pontifie, ne riant pas l'autel, ambitieux, maisd'une ambition contenue par la bonne ducation capitaliste qu'il a reue, intelligent,mais d'une intelligence qui prend garde de ne jamais craser les imbcilesncessaires, souple, capable des plus extraordinaires pirouettes, mais sauvanttoujours les apparences, faisant, peine retomb pieds joints sur la piste, des

    professions de foi tellement loquentes que ceux qui riaient ou s'indignaient sont prispar le doute ou par l'motion, prestidigitateur polic, sr de lui, cynique, mais d'uncynisme tellement nuanc qu'il prend la forme d'une supriorit de l'esprit, Spaakdevait russir. Son chec et t la condamnation mme des procds les plus

    classiques de la tactique politicienne.Il est le spcialiste le plus dou qui soit de la dmagogie conservatrice, ayant surles bourgeois la supriorit du meneur qui dispose des masses, mais dominant detout son entregent ses collgues marxistes mal dgrossis, accessoiristes passslourdement, au bout de plusieurs lustres, de leur usine au Parlement ou la directiond'un ministre de second ordre, autodidactes gns aux entournures, flanqus, ausurplus, de femmes impossibles, pouses trop tt et dont la prsence les paralyse.

    Durant l'hiver 1939-1940, Spaak, fidle au Roi (sans lequel il n'y aurait pas eude Spaak ministre), avait pous - provisoirement, car chez lui tout est provisoire ! -l'apparente politique royale de neutralit. Il me comblait au Parlement degentillesses. Ce garon volumineux, au corps ramass de taureau, mais au sourire de

    bb Cadum, est aimable sans effort. Nul n'a plus fort que lui rclam ma tte en1945 et en 1946. Mais ce n'tait point par haine, j'en suis certain. En 1945 et en

    1946, l'lecteur voulait du sang. Le vent tait au cannibalisme. Spaak suivait le vent,essayait mme de courirplus vite que lui.

    Mais que le vent tourne demain, qu'une nouvelle tornade change la face dumonde, il n'y aura pas plus empress que Spaak pour m'offrir - une nouvelle fois - defaire quipe avec lui.

    C'est un Talleyrand du vingtime sicle - dvalu videmment, comme tout lereste - la bedaine en plus, le pied bot en moins, ayant lch les pull-oversdmagogiques comme l'autre avait envoy voler les camails, un peu moinscaustique, car les gros sont naturellement plus conciliants, mais aussi adroit etondoyant Bruxelles et l'O. N. U. que ne le fut l'ex-vque d'Autun, pour oucontre Napolon, avec ou sans les rois, Londres, Paris et au Congrs de Vienne.Tous les deux ont triomph parce qu'ils avaient, en plus de l'intelligence, del'entregent et de l'ambition, cette indiffrence totale l'gard des principes sans

    laquelle, en politique, il n'est point de succs ni, surtout, de dure.

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    L'lment perfide entre tous de ce gouvernement belge de la neutralit, ce ne futpas Pierlot, venimeux comme un naja mais sacristain sans envergure, ce ne fut pasnon plus Spaak, troubadour, quilibriste professionnel, agressif, tortueux ou thtraldans la chaleur de l'ambition, mais incapable de recourir froid la mchancet et la vilenie ; le mauvais gnie de cette quipe politicienne, celui qui allait ignoblementse servir des circonstances dramatiques de 1939 - 1940 pour tendre, dans le secret,

    ses adversaires politiques, un monstrueux traquenard de basse police, tait unhomme insensible comme du quartz, avec de petits yeux bleus mtalliques, rondelet,barbichu, hautain, au crne brillant et melonn : Paul-mile Janson.

    La tribu des Janson - communment appele Bruxelles les Jansonides -appartenait cette bourgeoisie franc-maonne si puissante en Belgique, riche enhommes cultivs, employant ddaigneusement et sans frais, pour la basse besogne,toute une clientle de gagne-petit grincheux, cass d'anne en anne, dans lesadministrations publiques.

    Les Jansonides rgnaient despotiquement parmi l'orgueilleuse mafia librale oils s'taient imposs depuis un demi-sicle, dbordant ensuite largement, hommes e tfemmes, vers le socialisme (Spaak tait le neveu de Paul-mile Janson) quand ce

    parti fournit un meilleur rendement lectoral.N'abandonnant en route aucun membre du clan, les Jansonides formaient

    politiquement la caste la plus importante de Bruxelles, la Chambre des dputs, auSnat, au Gouvernement, dans la magistrature civile et militaire. Ils ne pouvaient pastout. Mais ils pouvaient beaucoup. On les appelait par leurs prnoms, comme lesrois. Spaak, c'tait Paul-Henri. Janson c'tait Paul-mile.

    Paul-Emile tait un vieux manoeuvrier. Cauteleux, il avait, pendant cinquanteans, particip tous les conclaves maonniques, prpar les plus tnbreuxtorpillages politiciens. Revenu, aprs une longue clipse, dans le Gouvernement, en1939, il promenait avec lenteur au Parlement son buste carr comme un pick-up,

    plant sur les habituelles jambes courtes de la tribu. Il avait, malgr l'ge, gard letrait mordant, le ton aigu et impratif. Le cou boudin, le crne rose et ovodal, ilinterrompait les orateurs en dix mots secs.

    Il tait courtois avec moi, toujours. Mais les tres humains ne me trompent pas.Ds le premier regard, je devine les hommes comme si un jaillissement de mon tre

    plongeait un thermomtre secret dans l'me des autres. Jamais ce diagnostic ne m'agar. Ces fluides-l sont bien plus srs que toutes les analyses de l'esprit. Chaquefois que, cdant aux prires d'amis arrangeants, je n'ai pas tenu compte de ce premier

    jugement instinctif, je l 'ai regrett, parfois de faon amre. Dans ce Janson ripolin,aux lvres aigus, aux petits yeux d'acier, j'tais certain d'avoir sond des abmes dehaine.

    Jamais, toutefois, je n'eusse imagin que cet homme qui, comme toute sa race,faisait du patriotisme une profession, allait se servir de ces mois d'avant-guerre pourmonter contre ses adversaires politiques la manoeuvre la plus vile et - hlas ! - la

    plus sanglante laquelle se livra jamais un membre du Gouvernement en Belgique.Un jour, je vis arriver chez moi, absolument pouvant, un officier suprieur de

    la Gendarmerie. Il sortit de sa poche un ordre secret de son chef. Celui-ci, la

    requte de Janson, enjoignait tous ses subordonns de dresser la liste de quatorzecatgories de militaires suspects, incarcrer en cas de guerre !

    Ces quatorze catgories reprsentaient exactement toutes les nuances del'opinion publique qui n'appartenaient pas aux trois partis gouvernementaux. Ainsi,au moment o sept cent mille Belges taient sous les drapeaux, o nous-mmesaccordions, par patriotisme, le vote de confiance de notre groupe parlementaire auGouvernement, alors que ce dernier ne possdait pas la plus petite preuve d'une

    propagande antinationale quelconque au sein de l'arme ou mme hors de l'arme,au moment o il n'et fallu faire du pays qu'un seul bloc et qu'une seule me, unministre sectaire avait commis l'infamie d'ordonner qu'on dresst secrtement cesfichiers abominables, vouant l'avance au dshonneur, si la guerre clatait, desdizaines de milliers de soldats fidles et honntes qui avaient pu, avant la tornade, ne

    pas partager entirement, en politique intrieure, telle ou telle ide des

    francs-maons, des marxistes ou des banquiers internationaux, mais qui, dans leurs

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    rgiments, ne pensaient tous qu' leur devoir, la dfense de leurs foyers et de leurpatrie !

    Cette manoeuvre satanique, cet abme d'ignominie me laissrent d'abord inerte.Comment ! Dans l'ombre d'un ministre, on avait mont un traquenard aussimonstrueux pour happer l'ancienne opposition (car depuis notre vote

    pro-gouvernemental de septembre 1939, nous n'tions mme plus dans l'opposition),

    on s'tait servi de ces circonstances exceptionnelles pour prparer la rafle quimarquerait au fer rouge les anciens opposants lectoraux des trois partistraditionnels ! Je ne pouvais arriver croire cela. Cela me paraissait trop horrible.Pourtant le texte tait l, dans mes mains, l'ordre officiel, suivi de la signatureofficielle !

    On imagine quel coup de thtre se ft produit si j'avais donn connaissance aupays de ce document secret, l'indignation qui et soulev l'arme si elle avait apprisqu' une heure pareille, ressuscitant les plus abominables traditions de lafranc-maonnerie du dbut du sicle, on avait ordonn d'tablir, en quatorzecatgories, les f iches d'innombrables suspects, officiers et soldats, non seulementles philo-communistes ou les trotskistes (d'ailleurs sages ce moment-l), mais aussiles rexistes, les nationalistes flamands, les Dinasos de Joris van Severen, la Lgionnationale, l'Action nationale, etc...

    Janson tait un homme intelligent. Il n'avait pu ignorer qu'une mesure sifanatique risquait, si elle tait connue, de flanquer par terre, compltement, le moralde l'arme. Mais la passion politicienne avait t la plus forte, et le maon Jansonavait demand qu'on dresst parmi les troupes, la veille peut-tre d'une attaque lafrontire, le fichier des milliers d'adversaires politiques incarcrer et avilir dsque l'occasion de la guerre le permettrait.

    J'hsitai pendant quelques heures sur la dcision prendre. J'eusse d monterincontinent la tribune du Parlement, interpeller le Gouvernement, donner lecture dece document, dmasquer devant tout le pays le rpugnant manoeuvrier qui sabotait,

    par calcul lectoral, l'unanimit de la Patrie. J'avais la porte de mes coups cevieux tratre, oui, tratre, car c'tait la pire des trahisons que de couper ainsi l'armeen deux, que d'essayer de souiller l'honneur de milliers d'officiers et de soldats, sansautre justification que la volont d'liminer, par ce coup de force, une ancienne

    opposition politique.Janson et t cras sous ces rvlations. La colre et soulev les lmentssains du pays. Mais o et conduit ce scandale ? Le moral de la nation en ft sortiredoutablement atteint. Quel courage et encore eu l'arme, quelle confianceaurait-elle conserve dans l'tat si elle avait appris que des politiciens sans vergogne

    pouvaient, sans l'ombre d'une justification, prparer dans le dos des troupes, parambition et par haine, de si rpugnantes conjurations ?

    En conscience, je ne pouvais pas rpondre la manoeuvre criminelle de Jansonpar un clat qui et affaibli ma patrie. Je prfrai dominer mon indignation, avalerma langue et rgler l'incident d'homme homme avec le Roi. Je lui crivis que

    javais une communication trs importante lui faire.

    Lorsque j'eus mis Lopold III au courant de cette manceuvre indigne tendant

    diviser l'arme en deux clans - les bons, ceux qui taient amorphes ou soutenaientles vieux politiciens professionnels ; les mauvais, ceux qui avaient rv, avant laneutralit, de rformer lgalement les institutions de leur pays - le Souverain nevoulut pas croire qu'un tel ordre, si lche, si tortueux, avait pu tre donnofficiellement, surtout un tel moment. Il ne me restait plus, pour convaincre le Roi,qu' sortir de ma poche l'ordre mme, le document authentique, sign. Et j'ajoutai :

    - Sire, je ne vais pas laisser ainsi poignarder l'unit du pays ni permettre qu'ondshonore nos camarades sous les drapeaux. J'ai ici le moyen de dcocher aux partisgouvernementaux un coup terrible. Je suis prt renoncer cette victoire facile.Mais une condition : c'est que cet ordre infme sera retir sans retard.

    - Faites-moi confiance, me rpondit le Roi. Moi aussi je trouve cette mesureindigne. Elle sera annule. Je vous en donne ma parole.

    L'ordre fut retir en effet. C'est cette intervention du Roi, dclenche la suite

    de ma dmarche, que l'arme belge doit de ne pas avoir reu dans le dos le coup decouteau de Janson, le 10 mai 1940.

  • 7/31/2019 La Cohue de 1940_DEGRELLE Lon_A4

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    Lon DEGRELLE : LA COHUE DE 1940

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    Imagine-t-on ce qui se ft pass si cette razzia gigantesque avait eu lieu ? Etquelle excuse ce plan monstrueux ?

    Vit-on des tratres, le 10 mai, dans l'arme belge ?La conduite de nos soldats, partout, fut exemplaire, rexistes et anti-rexistes

    tombant, fraternellement confondus, pour dfendre le sol de leur pays. Combien deces soldats glorieux n'eussent-ils pas t arrts, le 10 mai 1940, et couverts

    d'infamie, si le Roi n'avait pas stopp temps le complot des Janson et de leurclique ?

    Janson avait fait semblant de se soumettre la volont royale. En fait, ni lui niles Loges n'avaient renonc leur plan. Ils allaient nous renvoyer lteuf et sevenger de leur chec avec une hargne diabolique. Ayant bien d, malgr lui,renoncer se servir de ces quatorze listes de militaires suspects , Janson fitdonner d'autres ordres secrets pour que les mmes prparatifs de dynamitagelectoral se fissent, mais aux dpens des civils cette fois-ci.

    Je fus stupide en croyant au patriotisme d'un Janson et en pensant qu'un dsirroyal pouvait passer chez lui avant un ordre des Loges. Je n'envisageai pas uneseconde la possibilit d'un second guet-apens. Plus mfiant, j'aurais exig le renvoide Janson. Mais j'tais si sincrem