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Université Lumière Lyon II Institut d’Études Politiques de Lyon Métiers et pratiques du droit dans les administrations et les entreprises La Codification du Droit de l’Outre-Mer Mémoire de fin d’études Cyril COURTIER Directeur de mémoire : Maître André VIANÈS, Avocat au barreau de Lyon, Maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon Année universitaire : 2006-2007

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Université Lumière Lyon IIInstitut d’Études Politiques de Lyon

Métiers et pratiques du droit dans les administrations et les entreprises

La Codification du Droit de l’Outre-Mer

Mémoire de fin d’étudesCyril COURTIER

Directeur de mémoire : Maître André VIANÈS, Avocat au barreau deLyon, Maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Année universitaire : 2006-2007

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Table des matièresDédicace . . 5Avertissement . . 6Remerciements . . 7Liste des principales abréviations . . 8Introduction . . 9

0.1. L’outre-mer . . 90.2. Présentation du droit de l’outre-mer . . 140.3. La codification . . 16

Première partie : La codification, vue à travers le prisme du droit de l'outre-mer . . 221.1. Les grands principes du droit de l’outre-mer . . 22

1.1.1. Le droit élaboré par le pouvoir central . . 221.1.2. Les codifications « territoriales » . . 32

1.2. Le droit de l’outre-mer : . . 421.2.1. Les caractéristiques du droit de l’outre-mer compliquent sa codification . . 421.2.2. L’intérêt renouvelé de la codification, pour le droit de l’outre-mer . . 50

Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification . . 582.1. Les acteurs et les temps de la codification . . 58

2.1.1. Conception historique . . 582.1.2. Les codifications actuelles : qui et quand ? . . 64

2.2. La prise en compte de l’outre-mer dans les processus de codification actuels . . 702.2.1. La place et le contenu du droit de l’outre-mer dans les processus decodification . . 722.2.2. Comment procéder à la codification de dispositions relatives à l’outre-mer ?. . 80

Bibliographie . . 901) Sur la codification du droit de l’outre-mer : . . 902) Sur la codification : . . 90

2-1) Ouvrages : . . 902-2) Articles : . . 90

3) Sur le droit de l’outre-mer : . . 913-1) Ouvrages : . . 913-2) Les ouvrages collectifs : . . 923-3) Articles : . . 933-4) Les encyclopédies : . . 95

4) Les textes : . . 954-1) Textes généraux sur l’outre-mer : . . 964-2) Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique : . . 964-3) Saint-Pierre-et-Miquelon : . . 964-4) Mayotte : . . 974-5) La Nouvelle-Calédonie : . . 974-6) Polynésie française : . . 97

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4-7) Wallis-et-Futuna : . . 974-8) Terres australes et antarctiques françaises : . . 974-9) Clipperton et Iles éparses : . . 98

5) Les autres documents cités : . . 98Annexes . . 100

Annexe n° 1 . . 100Annexe n° 2 . . 100Annexe n° 3 . . 101Annexe n° 4 . . 104Annexe n° 5 . . 106Annexe n° 6 . . 108

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Dédicace

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DédicaceA toutes les personnes rencontrées dans le cadre de différentes expériences professionnelles quim’ont transmis leur passion de la codification ou de l’outre-mer ; A mes parents pour leur soutienet leurs sacrifices tout au long de ces années à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon.

« Plus un droit devient complexe et abondant, plus il devient inintelligible, secretet donc arbitraire et injuste, plus il devient un obscur message codé et c’est parun code qu’il est le mieux décodé »Philippe MALAURIE, « Les enjeux de la codification », A.J.D.A., 1997, p. 644.« Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre par rapport au droit commun, ledroit de la France d’outre-mer est un droit d’avenir »Jean-Yves FABERON, La Nouvelle donne institutionnelle, La Documentationfrançaise, p. 20.

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AvertissementL’Institut d’Etudes Politiques n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinionsémises dans ce mémoire, lesquelles doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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Remerciements

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RemerciementsCe mémoire basé sur un sujet rarement traité par les sources bibliographiques classiques n’auraitpu voir le jour sans la contribution et le soutien de nombreux professionnels du monde del’Administration, parmi lesquels les plus hautes personnalités et les plus grands spécialistes de lacodification et du droit de l’outre-mer.

Je remercie, enfin, pour leur suivi et

leur collaboration dans l’élaboration de ce travail :

Monsieur André VIANES,

avocat, maître de conférences à l’I.E.P. de Lyon, directeur de mémoire

Et Madame Hélène SURREL,

maître de conférences de droit public à l’I.E.P. de Lyon

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Liste des principales abréviations

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Introduction

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Introduction

0.1. L’outre-merDans les représentations collectives, l’outre-mer1 est souvent lié à deux stéréotypes, deuxclichés qui, malgré leur antagonisme, illustrent un constat commun : les métropolitainsconnaissent relativement mal l’outre-mer.

Ainsi, l’outre-mer ne se résume pas aux cocotiers, aux plages de sable fin, aux vahinésou aux colliers de fleurs... Certes, l’outre-mer est une destination touristique majeure, certes,la plupart des terres d’outre-mer bénéficie d’un climat plutôt ensoleillé, certes, l’accueil localpeut parfois être surprenant pour des métropolitains plus habitués à l’indifférence citadine,cependant, l’outre-mer, ce sont aussi des terres moins touristiques (Guyane) aux climatsplus hostiles (Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres Australes et Antarctiques Françaises).

A l’opposé de ce préjugé idyllique, se situe le regard catastrophiste, qui se caractérisepar un triple jugement : en considérant que ces terres d’outre-mer se définissent avanttout par une histoire dramatique (esclavage, bagne…) ; qu’elles ne sont que les scoriesd’une colonisation honteuse (discours des mouvements indépendantistes) ; et enfin, qu’ellessont caractérisées par un retard de développement social, économique, culturel, propreà les relier aux pays les moins avancés ; ces discours sont profondément simplistes. Eneffet, malgré de réelles et légitimes difficultés, l’outre-mer a su traiter dignement son passé,non pour oublier, mais pour se souvenir sans tomber dans les travers d’une dangereuserevendication vengeresse extrémiste. De même, les discours indépendantistes ne doiventpas être surestimés et leur influence reste somme toute modeste (à l’exception notoire dela Nouvelle-Calédonie) : l’outre-mer reste attaché à la métropole. Enfin, si le niveau dedéveloppement de l’outre-mer est éloigné des standards européens, il faut analyser cettesituation avec finesse, en effet, un habitant ultramarin n’a pas toujours les mêmes besoinsqu’un citoyen occidental européen attaché à un confort de plus en plus poussé. On ne vitpas de la même façon à Paris, Cayenne, Papeete, Mamoudzou ou Mata-Utu.

A la décharge de ceux qui n’ont qu’une vision imprécise de l’outre-mer, il faut considérerque l’information sur celui-ci est plutôt rare et quand elle existe, elle tend à conforter lesimages d’Epinal précédemment évoquées.

Premièrement, dans les médias, l’outre-mer (peut-être d’ailleurs comme pour toutes lesautres régions) n’apparaît que lors des catastrophes de grande ampleur : pour la périoderécente, l’épidémie de chikungunya, le cyclone Gamède à la Réunion ou la catastropheaérienne survenue au Venezuela le 16 août 2005 dans laquelle 152 martiniquais ont péri.Les médias participent ainsi à l’accélération de la représentation négative de l’outre-mer,en sous-entendant que ces territoires se distinguent essentiellement par des difficultés

1 Le genre comme le pluriel du mot « outre-mer » donne lieu à des usages plutôt variés ; dès lors, par souci d’harmonisation, l’auteura suivi une interprétation rigide de la langue française, en considérant qu’en tant qu’adverbe substantivé, ce terme devait être entenducomme un masculin invariable.

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climatiques ou sanitaires. Et quand ces évènements dramatiques sont l’occasion pourles journalistes d’élargir le débat, c’est souvent pour évoquer les difficultés que ces faitsprovoquent sur le tourisme, ainsi, d’un cliché à l’autre, le débat n’avance guère.

Deuxièmement, dans l’institution scolaire et universitaire, l’outre-mer est très rarementévoqué, de nombreux élèves peuvent suivre une scolarité entière sans étudier l’outre-mer.Des éléments plutôt succincts sont parfois évoqués dans les programmes de géographie

de la classe de 4ème. Les cartes fièrement affichées par les instituteurs de la IIIème

République qui montraient la puissance des possessions françaises partout de par le mondeont effectivement disparu. Aujourd’hui, sur les cartes de France parfois présentes sur lesmurs des classes ou dans les livres de géographie, ne figure plus que la métropole,parfois complétée par les seuls départements d’outre-mer. S’agissant de l’enseignementsupérieur, les formations de recherche sur l’outre-mer sont relativement rares et sontsouvent cantonnées aux universités d’outre-mer.

Pourtant, l’outre-mer est un ensemble de grand intérêt, il permet à la France debénéficier d’une situation unique et exceptionnelle de par le monde (le soleil ne se couchejamais sur la France d’Outre-Mer). 2,5 millions d’habitants (soit environ la population de larégion Lorraine ou Languedoc-Roussillon) peuplent, en toute quiétude, les terres d’outre-mer.

Avant tout approfondissement et après cette première approche intuitive, ilconvient d’éclaircir plus précisément la notion d’outre-mer. Ce concept est apparu en1946 où il a remplacé, dans l’ordre juridique français, le terme de colonie. Selon Jean-François AUBY, la définition de l’outre-mer doit s’entendre comme l’ensemble des« territoires qui, situés hors du territoire métropolitain, ont été intégrés à la Francedans le cadre du mouvement de colonisation et n’ont pas accédé à l’indépendance

». 2

Aujourd’hui, la plupart des dictionnaires usuellement consultés définissentl’adverbe « outre-mer » en tant qu’il renvoie « au delà des mers, par rapport à

la France ». 3

C’est ainsi que l’outre-mer peut se définir soit par un critère historique, soit par

un critère géographique. 4

Pour éviter tout fourvoiement, la délimitation précise de ces territoires situés outre-mer est indispensable : ici, seule la France d’outre-mer dans ses frontières actuelles seraétudiée. Ainsi, si des territoires comme l’Algérie (jusqu’en 1962), les Comores (jusqu’en1975) ou les territoires des Afars et des Issas (devenus la République de Djibouti en 1977),ont pu être inclus, pendant quelques années, dans cet ensemble de la France d’outre-mer,leur étude relève aujourd’hui, non plus de l’outre-mer, mais du droit international comparé.

2 Jean-François AUBY, Droit des collectivités périphériques françaises, P.U.F., p. 13.3 Le Petit Larousse illustré, Larousse, 2004, p. 730.4 Voir en particulier sur l’enjeu des critères définitoires de l’outre-mer, Frédéric SAUVAGEOT, Les catégories de collectivités

territoriales de la République, P.U.A.M., 2004, p. 133-146.

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Introduction

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La présentation de l’outre-mer français en 2007, proposée ci-après, poursuit unelogique géographique.5 Pour mieux visualiser la réalité de l’outre-mer, l’annexe n° 1 (page119) reproduit un planisphère mondial qui représente l’ensemble des territoires ultramarins.

OCÉAN ATLANTIQUE :Guadeloupe :Sous souveraineté française depuis 1635, la Guadeloupe est un archipel des Antilles

de 1 702 km², situé à 6 700 km de Paris et constitué de plusieurs six groupes d’îles :la Guadeloupe continentale, d’une superficie de 1 438 km², composée de la Basse-Terreà l’Ouest (848 km²) où se trouve la commune de Basse-Terre, chef-lieu, et la Grande-Terre (590 km²) où se situe la capitale économique, Pointe-à-Pitre, séparées par un étroitcanal, la Rivière Salée ; l’île de l a Désirade d’une superficie de 22 km² ; l’archipel desSaintes (14 km²) ; l’île de Marie Galante (158 km²) et les « Iles du Nord ». La populationde la Guadeloupe est estimée à 453 000 personnes, l es principales villes étant LesAbymes, 63 054 habitants, Pointe-à-Pitre, 20 948 habitants, et le chef-lieu Basse-Terre,12 410 habitants.

Saint-Barthélemy et Saint-Martin :Les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont situées au nord des Antilles, à

respectivement 230 et 250 kilomètres de la Guadeloupe. L’île de Saint-Martin est partagéeentre deux Etats : la partie septentrionale de l’île est française, tandis que la partieméridionale est sous souveraineté hollandaise.

Guyane :Constituant une exception pour l’outre-mer, le territoire de la Guyane n’est pas insulaire.

En effet, la Guyane est située, à 7 072 km de Paris, dans le Nord-Est de l’Amérique du Sud,entre le Surinam et le Brésil. La Guyane est bordée, au nord par l’Océan Atlantique, à l’estpar le fleuve Oyapock (frontalier avec le Brésil), à l’ouest, par le fleuve Maroni (frontalieravec le Surinam) et au sud par la ligne de partage des eaux avec le bassin de l’Amazone(frontière avec le Brésil). La taille du territoire guyanais est impressionnante : 86 504 km², soitl’équivalent d’un pays comme le Portugal. Le climat guyanais est particulièrement chaud, detype équatorial , à température presque constante, avec une pluviométrie importante et unehumidité relative très forte, avec un taux rarement inférieur à 80 %. Selon le recensementde 1999, la Guyane comptait 157 213 habitants mais avec le taux de natalité le plusimportant de France et d’Amérique du Sud (31,3 pour mille en 1999) et un solde migratoirelargement excédentaire, le rythme de croissance de la population est estimé à 3,6 % paran. Cependant, la répartition de cette population reste contrainte par l’imposante présencede la forêt amazonienne sur plus de 90 % du territoire : la population est essentiellementconcentrée dans les villes de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent-du-Maroni.

Martinique :Distante de 6 858 km de la métropole, la Martinique est une île française depuis 1635,

située dans l’Océan Atlantique, dans l’archipel des Petites Antilles, entre les territoires de laDominique au Nord et de Sainte-Lucie au Sud. La Martinique se caractérise par une faiblesuperficie (1 128 km²) et par la présence de La Montagne Pelée (à 1 397 mètres d’altitude),

5 Les données fournies sont extraites du site Internet : Ministère de l’Outre-Mer, Découverte de l’outre-mer, disponiblesur : <http://www.outre-mer.gouv.fr/outremer/front?id=outremer/decouvrir_outre_mer> (page consultée le 25 avril 2007). Le lecteurintéressé par les problématiques économiques de l’outre-mer pourra utilement se renseigner sur les sites suivants : Institut d’Emissiond’Outre-Mer (I.E.O.M.), disponible sur : <http://www.ieom.fr/> (page consultée le 25 avril 2007) et Institut d’Emission des Départementsd’Outre-Mer (I.E.D.O.M.), disponible sur : <http://www.iedom.fr/index.asp> (page consultée le 25 avril 2007).

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l’un des derniers volcans toujours en activité. La population martiniquaise s’élevait à 381 427 habitants en 1999 dont 94 049 à Fort-de-France, le chef-lieu, 35 460 au Lamentinet 20 845 à Schoelcher . Ces trois communes forment le principal pôle d’activité de l’île.

Saint-Pierre-et-Miquelon :Situé à 4 600 km de Paris, dans le nord-ouest de l’Océan Atlantique, à 25 km des côtes

de Terre-Neuve, aux abords du golfe du Saint-Laurent, face au Canada ; l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est constitué de trois îles : Saint-Pierre (26 km²), Miquelon (110km²) et Langlade (91 km²), ces deux dernières étant reliées par un isthme de sable. Les6 316 habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon se répartissent de façon inégalitaire puisque5 618 habitants vivent à Saint-Pierre où se concentre l’essentiel de l’activité économiqueet seulement 698 à Miquelon-Langlade. Le climat est de type nordique avec des hiverssouvent rigoureux, des vents d’une extrême variation et des brumes fréquentes.

OCÉAN INDIEN :La Réunion :Située dans l’océan Indien, à 800 km à l’est de Madagascar, l’île de La Réunion,

française depuis 1638, constitue, avec les îles Maurice et Rodrigues, l’archipel desMascareignes. Avec une superficie totale de 2512 kilomètres carrés et une population de706 300 habitants (recensement de 1999), La Réunion dispose de la densité de populationla plus importante de tout l’outre-mer ( 282 habitants/ km²). La configuration de l’île l’exposeà un climat tropical, avec des pluies très abondantes.

Mayotte :Française depuis 1841, Mayotte a souhaité, par le référendum organisé le 22 décembre

1974 sur l’indépendance des îles des Comores, rester dans la République française ; cettevolonté sera confirmée par une nouvelle consultation en février 1976.

Mayotte est située dans l’hémisphère sud, à l’entrée du canal du Mozambique, àmi-chemin entre Madagascar et l’Afrique. Dans le grand archipel des Comores, Mayotteconstitue un petit archipel de 374 km² composé de deux îles principales et d’une trentainede petits îlots parsemés dans un lagon de plus de 1 500 km², délimité par une barrière decorail longue de plus de 160 km. Le chef-lieu administratif est Dzaoudzi , mais l’activitééconomique est concentrée autour de Mamoudzou, sur Grande-Terre, l’île principale.

La population de Mayotte, en constante augmentation, est estimée, en 2002, à160 265 habitants. La ville de Mamoudzou regroupe, à elle seule, plus de 45 000 habitants,soit 28 % de la population totale. La religion musulmane, implantée à Mayotte depuis le

XVème siècle, et pratiquée par 95 % de la population, occupe une place majeure dansl’organisation de la société mahoraise.

Terres Australes et Antarctiques Françaises :Les Terres australes et antarctiques françaises sont constituées d’un ensemble de

territoires : l’île Saint-Paul (7 km²), l’île Amsterdam (54 km²), l’archipel Crozet (115km²), l’archipel Kerguelen (7 215 km²), et la Terre Adélie (432 000 km²). Elles sontsituées dans la zone sud de l’océan Indien et sur le continent antarctique, soit à plus de12 000 kilomètres de la métropole. Les Terres australes et antarctiques françaises n’ont pasde population permanente, seuls des scientifiques y vivent périodiquement.

OCÉAN PACIFIQUE :Iles Wallis-et-Futuna :

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Introduction

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Le territoire des îles Wallis-et-Futuna forme un archipel de trois îles principales : Wallis(76 km²), Futuna (46 km²) et Alofi (18 km²). Situées entre les îles Fidji à l’ouest, les îlesSamoa à l’est et les îles Tonga au sud-est, elles appartiennent à l’Océanie polynésienne,à 2 000 km de la Nouvelle-Calédonie. La population au recensement de 2003 s’élevait à14 944 habitants. Le territoire des îles Wallis-et-Futuna possède une spécificité notable : ilest administré par trois rois. En effet, la République française a reconnu les trois royaumescoutumiers : celui d’Uvéa à Wallis et ceux d’Alo et de Sigave à Futuna qui se confondent avecles circonscriptions administratives. Ces trois royaumes ont signé un traité de protectoratavec la France, ratifié par la République en 1887.

Nouvelle-Calédonie :James Cook, en 1774, est le premier Européen à découvrir la Nouvelle-Calédonie,

visitée l’année suivante par La Pérouse. Le 24 septembre 1853, l’amiral Fébvrier-Despointes prend possession de l’île au nom de la France. La Nouvelle-Calédonie estfrançaise depuis cette date.

Située dans le Pacifique occidental, la Nouvelle-Calédonie, qui a une superficie de18 575 km², est un archipel qui comprend la Grande-Terre, deux fois grande comme la Corse(400 km de long sur 50 km de large), les quatre îles Loyauté (Ouvéa, Lifou, Tiga et Maré),l’archipel des îles Belep, l’île des Pins et quelques îlots lointains. En 2001, la populationétait estimée à 216 132 personnes, dont 44 % de mélanésiens et 34 % d’européens. L’unitémonétaire en Nouvelle-Calédonie est le franc pacifique lié à l’euro : 100 CFP = 0,84euros.

L’histoire de la Nouvelle-Calédonie est surtout connue à travers les évènements desannées 80, liés à la montée du mouvement indépendantiste kanak. Les tentatives derépression de ce mouvement ont accru les violences qui atteignent leur sommet avec lesévènements d’avril 1988. Par la suite, la signature des accords Matignon (26 juin 1988) etOudinot (20 août 1988) a permis d’apaiser ces tensions politiques et d’engager un processusde discussions pacifiques.

Le 5 mai 1998, les trois partenaires des accords de Matignon (Etat, R.P.C.R.,F.L.N.K.S.) ont signé l’accord de Nouméa qui fixe le cadre de l’évolution institutionnelle dela Nouvelle-Calédonie au cours des vingt prochaines années.

Polynésie française :La Polynésie française est un immense archipel composé d’environ 118 îles et couvrant

une superficie émergée de 4 200 km² dispersée sur plus de 2 500 000 km² (soit l’équivalentde la surface de l’Europe). Ces îles ont été progressivement rattachées à la France à partirde 1843 et regroupées, jusqu’en 1957, au sein des Etablissements français de l’Océanie.

Plusieurs archipels sont traditionnellement recensés : les archipels des Marquises,des Australes, des Tuamotu, des Gambier, des Iles sous le Vent et enfin des Iles du Vent,avec l’île de Tahiti qui abrite la ville de Papeete (située à 17 000 km de Paris), capitaleadministrative et commerciale de la Polynésie française. Connue pour la beauté de sessites, de ses plages de sable blanc et de ses fonds marins, cette île est la plus habitéedu territoire et dispose de nombreux hôtels de grand luxe. La Polynésie française comptedésormais 245 405 habitants (recensement de 2002), soit un accroissement de 11,81 %en six ans. La commune de Faaa est la plus importante (28 339 habitants) de l’île deTahiti, loin devant Papeete , la capitale, et Punaauia .

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Cas particulier, les î les Eparses 6 :

L’appellation d’îles Eparses recoupe un ensemble de cinq îles, Bassas da India , Europa, Glorieuses, Juan da Nova, toutes quatre situées dans le canal du Mozambiqueet Tromelin , isolée dans l’océan Indien. Placées sous l’autorité du ministre chargé de

l’outre-mer depuis le 1er avril 1960,7 l’administration de ces îles est confiée depuis l’arrêté du3 janvier 2005 8 au préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiquesfrançaises. Cette fonction était jusqu’alors assurée par le préfet de La Réunion.9

Les îles Eparses sont classées en réserves naturelles. Toutes (sauf Bassas daIndia) sont seulement habitées par des météorologistes, un gendarme (sauf Tromelin) etoccasionnellement par des scientifiques. La quasi-totalité du soutien logistique est assuréepar des avions de l’Armée de l’Air et des navires de la Marine Nationale, qui assurentégalement la surveillance des eaux territoriales et de la Zone Economique Exclusive(Z.E.E.).

0.2. Présentation du droit de l’outre-merS’intéresser à l’outre-mer peut se concevoir, dans de nombreuses sciences ou disciplines,et ce dans des perspectives des plus variées. Ainsi, peuvent être recensées denombreuses études10 historiques, géographiques, économiques, culturelles, sociologiques,ethnologiques… ayant pour thème l’outre-mer. Mais la présente démarche est toute autre,en tant qu’elle retient l’outre-mer selon une logique juridique.

Le droit de l’outre-mer peut se définir selon deux acceptions. La première vise à étudierla nature des liens entre la France et les pays d’outre-mer ; Pierre-François GONIDECdéfinissait ainsi le droit de l’outre-mer par : « l’étude des règles juridiques qui définissentles rapports de la France métropolitaine et des pays d’outre-mer qui lui sont rattachés ».11

Cette définition, de type fédéraliste, avait un sens historique, en revanche, elle n’est plusguère utilisée aujourd’hui. Actuellement, les définitions portent moins sur les flux que sur

6 Pour être rigoureusement exhaustif, il faudrait également évoquer le cas de l’île de Clipperton, située au large duMexique dans l’Océan Pacifique, dont le régime juridique a été récemment revu par l’article 14 de la loi organique n° 2007-224du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, J.O.R.F. du 22 février 2007, p.3220.

7 Décret n° 60-555 du 1er avril 1960 relatif à la situation administrative de certaines îles relevant de la souveraineté de laFrance, J.O.R.F. du 14 juin 1960, p. 5343.

8 Arrêté du 3 janvier 2005 relatif à l’administration des îles Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India(îles Eparses), J.O.R.F. du 18 janvier 2005, p. 798.

9 Pour comprendre les enjeux notamment juridiques de l’administration de ces îles, voir le témoignage professionnel de FrançoisGARDE, « L’administration des îles désertes », R.F.A.P., n° 101, janvier-février 2002, p. 59-67.10 Il est impossible de proposer une bibliographie des études consacrées à l’outre-mer par ces différentes disciplines, il peut seulementêtre conseillé de se référer à la bibliographie du site : La Documentation française, Dossier Outre-mer, disponible sur : < http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/outre-mer/ouvrages.shtml > (page consultée le 25 avril 2007).

11 Pierre-François GONIDEC, Droit d’outre-mer, Tome I, Montchrestien, 1959, p. 9.

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Introduction

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les stocks, ainsi pour François LUCHAIRE, le droit de l’outre-mer désigne ─tout simplementpourrait-on dire─ « l’ensemble des règles juridiques particulières » à l’outre-mer.12

Ces définitions font pressentir les caractéristiques fondamentales de ce droit : sonancienneté, et donc l’importance de l’approche historique ; son évolutivité due notammentaux modifications constitutionnelles et aux changements de statuts, conséquences entreautres de revendications pour toujours plus d’autonomie politique ; son caractère transversalet pluridisciplinaire qui en fait tout l’intérêt mais aussi toute la difficulté : suivant l’expressiondu Professeur GONIDEC, le droit de l’outre-mer est un « microcosme juridique » puisquetoutes les disciplines y sont étudiées : le droit international comme le droit interne, ledroit public comme le droit privé. Sont aussi bien concernés les institutions politiques etadministratives, centrales et locales (donc le droit constitutionnel et administratif) ; lesinstitutions économiques, financières, budgétaires (donc le droit budgétaire, le droit fiscal,les finances publiques) ; la condition des personnes ou le régime des biens (donc le droitcivil, le droit du travail ou le droit commercial etc.).

Cette notion de droit de l’outre-mer doit être, elle-même, replacée dans un contextehistorique particulièrement riche.13

L’Empire colonial :

L’expansion coloniale de la IIIème République (en 1940, la France coloniale comptait73 millions d’habitants contre 40 millions en métropole) en constituant ce que l’on a appeléle deuxième empire colonial français a créé des situations juridiques particulières et inéditesque le pouvoir central se devait de prendre en compte. En effet, eu égard aux écartsde développement, aux difficultés de communication et à la conception inégalitaire etségrégative de l’époque, les colonies ne pouvaient pas être régies par les mêmes règles dedroit que la métropole. Il fallait donc « empêcher l’application mécanique »14 de dispositifsinadéquats et donc inapplicables.

De ce constat, naquit la nécessité de créer des structures administratives chargéesspécifiquement de cette problématique. Pendant longtemps, exercée par une direction descolonies, placée au sein du ministère de la marine, la gestion des colonies fut ensuite,dès 1881, confiée à un sous-secrétariat. Ce sous-secrétariat connut une existence réduitepuisque dès 1894, il fut transformé par Casimir PERRIER en ministère. En 1910, ceministère s’installa rue Oudinot, dans des bâtiments aujourd’hui encore occupés par leMinistère de l’outre-mer.

Néanmoins, il fallait également que les décisions que ce ministère allait prendre soientéclairées, c’est pour cela que fut créé en 1883 un Conseil supérieur des colonies, qui pouvaitdonner au gouvernement des avis sur les projets de décrets ou de lois intéressant lescolonies. Transformé en 1935 en Conseil Supérieur de la France d’outre-mer, cet organismecessa ses activités en 1940 et ne fut pas réactivé après-guerre.

Ces décisions centrales se devaient enfin d’être appliquées sur le terrain. Les difficultésapparaissaient immenses sur ce point car il fallait trouver des administrateurs et des jugescapables d’appliquer des textes dans un milieu divers et parfois surprenant pour desfonctionnaires métropolitains. En 1889, le pouvoir décida donc de créer l’Ecole Coloniale,

12 François LUCHAIRE, Droit d’outre-mer et de la coopération, P.U.F., 2ème édition refondue, 1966, p. 2.13 Sur l’historique du droit de l’outre-mer, une excellente synthèse est proposée dans l’article de Philippe LECHAT, « Regards

sur le droit de l’outre-mer », Revue Juridique Polynésienne, n° 1, 1994, 17 p.14 Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », Pouvoirs, n° 113, 2005, p. 111.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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établissement de formation de haut niveau, en vue d’une meilleure adaptation de cespersonnels. Il est intéressant de constater qu’à l’époque, les administrateurs et les jugessuivaient, outre une formation en droit colonial public et privé, des enseignements delangues des pays d’outre-mer, d’ethnologie ou de droit coutumier ; une telle formationpourrait certainement être un atout non négligeable pour les fonctionnaires d’aujourd’hui quitravaillent outre-mer.

Tous ces efforts ont invité les juristes à rapidement s’intéresser à cette branche trèsparticulière du droit, seul exemple d’une réflexion transversale à l’ensemble du corpusjuridique. Des revues paraissent : « la Tribune des colonies et des protectorats » crééeen 1891 devient par la suite le bréviaire de nombreux spécialistes sous le nom duRecueil Penant (Recueil général de jurisprudence, de doctrine et de législation coloniale etmaritime). Cependant, depuis 1960, cette revue a fait le choix de l’étude des pays africainsdevenus indépendants et ne concerne plus le droit de l’outre-mer.

Les D.O.M. - T.O.M.L’étude du droit de l’outre-mer à proprement parler n’a de sens qu’à partir de 1946 :

l’Empire est remplacé par une Union Française, les colonies par des départements et desterritoires d’outre-mer, les citoyens de la République ne forment plus qu’une seule et mêmecatégorie, et par voie de conséquence, le droit colonial devient le droit de l’outre-mer.

Si à première vue, le droit de l’outre-mer a connu une simplification historique du fait dumouvement de décolonisation des années 1960 puisque les territoires à gérer sont réduitsà ce que le journaliste Jean-Claude GUILLEBAUD a appelé des « confettis » ; le droit del’outre-mer s’est, par la même occasion, progressivement complexifié, peut-être parce queles juristes l’ont progressivement délaissé. En effet, l’intérêt pour le droit spécifique à l’outre-mer retombe à partir de 1960. Il est de moins en moins enseigné, il ne suscite plus beaucoupd’ouvrages publiés et les manuels ne sont plus réédités. Bien souvent, le droit de l’outre-mer s’est vu accolé le droit de la coopération qui étudie les relations avec les nouveauxEtats indépendants et leurs législations propres mais dans le fond, et en dépit d’un passécommun, cette discipline ne relève pas de la même logique que le droit de l’outre-mer.

Aussi paradoxal que cela peut paraître, la renaissance de l’outre-mer, aprèsl’effacement progressif dû au mouvement de décolonisation du début des années 1960,part de la crise et en particulier de la question néo-calédonienne, au cours des années1980. Au fur et à mesure de la montée de la violence du conflit, les hommes politiques sevoient obligés de s’intéresser à ce territoire du bout du monde et les juristes doivent réfléchiraux solutions institutionnelles nécessaires à la sortie de crise. Les différentes évolutionsstatutaires, notamment par la création de concepts nouveaux en droit public français mettantparfois en cause les fondamentaux de notre République (principe d’égalité…), ont permisde redonner goût au droit de l’outre-mer. Ainsi, les revues juridiques publient de plus en plusfréquemment des articles sur l’outre-mer (notamment depuis la réforme constitutionnelledu 28 mars 2003 qui a profondément modifié la logique historique du droit de l’outre-mer)même si on déplore encore un manque patent d’ouvrages globaux sur le droit de l’outre-mer.

0.3. La codification

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Introduction

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La codification est une entreprise très ancienne 15 puisque les historiens du droit fontremonter les tentatives les plus lointaines aux travaux menés par Hammourabi puis parJustinien. A l’époque, le rassemblement de textes juridiques au sein d’un document uniquevisait à améliorer la lisibilité du droit, en vue d’une meilleure communication au public.

La France est une terre d’élection pour la codification car à la différence des paysanglo-saxons, et notamment de la Grande-Bretagne restée fidèle à la « common law »,elle bénéficie d’une tradition de droit écrit qui facilite l’établissement de codes. En France,l’idée de l’édification de codes reprenant l’ensemble des règles de droit prend naissancesous l’Ancien Régime. En 1453, l’ordonnance de Montils-lès-Tours engage un processusde rédaction des coutumes des diverses régions en principe sans modifications. En 1579,Henri III, par l’ordonnance de Blois, décide qu’un recueil complet des édits et ordonnancesserait établi. Il confie ce travail à Barnabé Brisson, président au Parlement de Paris, quiachève le travail en 1587. L’ordonnance de 1673 sur le commerce de la terre, égalementappelée « code marchand » ou « code Savary » permet non seulement de compiler destextes existants, mais aussi de moderniser et d’adapter des pans entiers de la législation dece secteur. La période révolutionnaire poursuit cette démarche de façon plus systématique,la loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire16 dispose que : « l es lois civiles serontrevues et réformées par les législateurs ; et il sera fait un code général de lois simples,claires, et appropriées à la Constitution ». Trois décrets de l’an II créent une commissiondu recensement et de la rédaction complète des lois, animée par Couthon et Cambacérès,chargée de « rédiger un code succinct et complet des lois rendues jusqu’à ce jour ensupprimant celles qui sont devenues confuses ».

Mais c’est le Premier consul Napoléon Bonaparte qui réussit le premier à établir unvéritable code, associant à jamais son nom dans l’histoire, à l’œuvre de la codification. Lepremier élan codificateur français remonte donc au Consulat et à l’Empire. Cette époquevoit la naissance du code civil (1804), du code de procédure civile (1806), du codede commerce (1807), du code d’instruction criminelle (équivalent de l’actuel code deprocédure pénale, 1808) puis enfin du code pénal (1810).

Par la suite, après le Premier Empire et jusqu’au milieu du XXème siècle, la codificationne constitue plus un souci majeur. La codification ne fait plus l’objet que de tentativesdispersées adoptées selon des méthodes diverses.

La IVème République relance le processus de codification avec l’institution d’unecommission supérieure chargée par le décret n° 48-800 du 10 mai 194817 d’étudier lacodification et la simplification des textes législatifs et réglementaires. L’action de cettecommission supérieure permanente permet l’élaboration de nombreux codes : assurances,agriculture, aviation civile, postes et télécommunications, famille et aide sociale, mutualité,santé publique, sécurité sociale, communes, domaine, élections, expropriation, marchéspublics, urbanisme, voirie routière, monnaies et médailles, débits de boissons.

Il faut ensuite attendre la fin des années 1980 pour que la codification ressorte del’oubli dans lequel la Cinquième République l’avait plongée et cette réapparition est pour

15 Sur l’histoire de la codification : Rémy CABRILLAC, Les codifications, P.U.F., p. 10-53 ; Gabriel ARDANT, « La Codificationpermanente des lois, règlements et circulaires », Revue du droit public et de la science politique, 1952, p. 35-70 ; Jean-LouisGAZZANIGA, « Le Code avant le code » in Bernard BEIGNIER La Codification, Dalloz, 1996, p. 21-32.

16 Loi publiée au Recueil Duvergier, p. 361.17 J.O.R.F. du 13 mai 1948, p. 4627-4628.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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le moins spectaculaire, car depuis cette date, la codification va être placée au rang despriorités successives de tous les gouvernements et va même recevoir une consécrationconstitutionnelle (par la décision du Conseil constitutionnel n° 99-421 DC du 16 décembre199918 élevant l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi en objectif à valeur constitutionnelle).Plus précisément, la codification renaît avec le décret du 12 septembre 198919 qui crée laCommission supérieure de codification (qui succède à l’ancienne commission instaurée en1948). Cette commission s’est fixée de nouveaux objectifs et a redéfini les méthodes de lacodification. Il a notamment été décidé que la partie législative des codes serait désormaissoumise au vote du Parlement. Entre 1989 et 1995, quatre codes ont ainsi été adoptés parle Parlement : le code de la propriété intellectuelle, le code de la consommation, les troispremiers livres du code des juridictions financières et six livres du code rural.

En 1996, une circulation du Premier ministre20 lance un ambitieux chantier decodification. Mais du fait notamment de l’engorgement du calendrier législatif, le processusde codification marque ensuite un temps d’arrêt. Certes la loi n° 96-142 du 21 février 199621

permet d’adopter le code général des collectivités territoriales, premier code de grandeampleur, mais ensuite seul le livre VI du code rural est adopté en 1998.

Pourtant, certains projets de codes étaient prêts à l’examen mais leur inscriptionà l’ordre du jour des assemblées était sans cesse repoussée. L’idée d’une codificationpar ordonnance devient alors de plus en plus prégnante. La première expérience de lacodification par ordonnance (autorisée par la loi n° 99�1071 du 16 décembre 199922

habilitant le gouvernement à procéder par ordonnances à l’adoption de la partie législativede certains codes) permet d’adopter dans le courant de l’année 2000, les parties législativesde neuf codes : le code de justice administrative, les livres VII et IX du code rural, le code dela santé publique, le code de l’éducation, le code de commerce, le code de l’environnement,le code de la route, le code monétaire et financier, le code de l’action sociale et des familles.Au vu du succès de cette première expérience, il n’y a guère d’hésitation ni au sein duGouvernement, ni au Parlement pour prolonger la codification par ordonnance.

La loi du 2 juillet 200323 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit propose lapoursuite de la codification par ordonnances, qu’il s’agisse d’adopter de nouveaux codes oude compléter et corriger des codes existants. Quatre nouveaux codes sont ainsi adoptés : lecode du patrimoine, le code de la recherche, le code de la défense et le code du tourisme.Deux autres (le code rural et le code général des collectivités territoriales) sont égalementcomplétés ou corrigés.

Cette présentation linéaire des grandes vagues de codifications françaises ne doit pasmasquer la grande diversité des codifications et la grande incertitude qu’il existe autour

18 Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, àl’adoption de la partie législative de certains codes, J.O.R.F. du 22 décembre 1999, p. 19041, Rec. p. 136.

19 Décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission supérieure decodification, J.O.R.F. du 13 septembre 1989, p. 11560.

20 Circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaire, J.O.R.F. du 5 juin 1996, p. 8263.21 J.O.R.F. du 24 février 1996, p. 2992.22 J.O.R.F. du 22 décembre 1999, p. 19040.23 J.O.R.F. du 3 juillet 2003, p. 11192.

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Introduction

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de la définition même de la notion de codification.24 En effet, celle-ci recouvre en fait despratiques bien différentes, tant dans l’élaboration que dans le contenu.

Il convient de préciser que seule la codification officielle est ici prise en compte etque celle-ci doit s’entendre comme la réunion de trois éléments : la codification désigne

le fait pour une autorité politique (1er élément) de publier un texte juridique auquel elle

donne le nom de « code » (2ème élément) qui recense, ordonne et classe une multitude dedispositions juridiques permettant de créer un « corps cohérent de textes englobant selon

un plan systématique l’ensemble des règles relatives à une matière »25 (3ème élément). Lacodification privée réalisée par les éditeurs juridiques (tels Dalloz ou Litec) relève de la puredoctrine et ne saurait être légitimement considérée comme une véritable norme.

Il faut également exclure la codification au sens du droit international : en effet, euégard à la particularité de cette matière, ces projets de codification, d’ailleurs de plus en plusnombreux, n’ont pas le même sens (la codification désigne, au sens du droit international,« une entreprise concertée de rédaction d’une règle jusqu’alors coutumière »26), ne posentpas les mêmes problèmes, ne sont pas conçus selon les mêmes techniques et n’impliquentpas les mêmes conséquences.27 La même remarque peut être réitérée, s’agissant du droitcommunautaire.28

Au niveau national, il est impossible de faire l’impasse sur ce qui constituerait la summadivisio de la codification : la codification à droit constant versus la codification réformatrice.La codification à droit constant permet de recenser, de regrouper et de réunir plusieursdispositions au sein d’un seul document, un code, sans que cette opération soit l’occasionde réformer, au fond, le droit applicable. En d’autres mots, le codificateur se limite à remettreen ordre, voire à actualiser le droit mais il refuse d’innover dans le droit applicable. La plupartdes codifications ont eu lieu et ont lieu à droit constant.

La codification réformatrice, quant à elle, permet de modifier en profondeur les règlesjuridiques applicables, à l’occasion de cette remise en ordre du droit. Cette codificationconsiste donc en une grande révolution du droit dans le fond, comme dans la forme.

24 Philippe MALAURIE, « Peut-on définir la codification ? Éléments communs et éléments divers », R.F.A.P., n° 82, avril-juin1997, p. 177-182.

25 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, P.U.F., 2000, p. 162.26 Ibidem, p. 163.27 Sur la codification du droit international : Roberto AGO, « Nouvelles réflexions sur la codification du droit international »,

R.G.D.I.P., 1988/3, p. 548 ; Yves DAUDET, « La codification du droit international », R.F.A.P., n° 82, avril-juin 1997, p. 197-208 ;André ORAISON, « Justifications et enjeux de la codification du droit international public », Revue juridique de l’Océan Indien, n° 4,2003-2004, p. 25-43 ; Dominique BUREAU, « La codification du droit international privé » in Bernard BEIGNIER (dir.), La codification,Dalloz, 1996, p. 119-143 ; Hervé LECUYER, « La codification du droit international privé », Revue Juridique de l’Océan Indien, n°4, 2003-2004, p. 63-75.

28 Filali OSMAN, Vers un code européen de la consommation ?, Actes et débats du colloque organisé par le Groupe derecherches en droit des affaires et de la propriété à Lyon les 12 et 13 décembre 1997, Bruylant, 1998, 422 p. ; Denis SIMON,« Justifications et enjeux de la codification du droit communautaire », Revue Juridique de l’Océan Indien, n° 4, 2003-2004, p. 45-61 ;Sandra MAGNIN, La codification du droit communautaire, A.J.D.A., 1997, p. 678 ; Sylvaine PERUZZETTO, « La codification du droitcommunautaire » in Bernard BEIGNIER (dir.), La codification, Dalloz, 1996, p. 145-164.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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Il semble néanmoins qu’il faille dépasser ce dualisme caricatural. 29 Fondamentale pour

la doctrine, cette division n’en est pas moins largement abstraite en pratique, dès lors quetoute codification constitue une rupture dans le droit : le code se substitue totalement oupartiellement à des textes antérieurs, les textes antérieurs sont expressément abrogés, lenouveau droit est replacé dans un nouveau plan avec une nouvelle numérotation, certainstextes obsolètes sont abrogés…

Cependant, la rupture n’est jamais complète : même les codesnapoléoniens ont reprisdes portions significatives de l’ancien droit.

Il n’existe donc pas de codification à droit parfaitement constant, comme il n’existe pasde codification à droit non constant qui réforme tout le droit. En fait, chaque codificationplace le curseur de la réforme plus ou moins loin suivant les besoins de la matière. Ainsi, siles codifications napoléoniennes ont pu être fortement réformatrices, il faut plus retenir uncontexte historique particulier qu’un mythe d’une codification noble. Aujourd’hui encore, lacodification de certaines matières nécessite une prise de distance plus ou moins importanteavec le droit constant, suivant la nature du droit codifié : le récent code général de la propriétédes personnes publiques,30 élaboré à droit non constant constitue un excellent exemple decette analyse.

► Depuis les années 1980, ces deux thématiques (la codification et le droit de l’outre-mer) sont au centre des intérêts de tout bon juriste. En effet, d’une part la codification permetune transformation sans précédent de la forme du droit, il modifie notre approche du droitet matérialise le droit au droit ; et d’autre part, l’outre-mer, en étant un terreau d’exceptions,constitue un trésor pour tout juriste, nécessairement attiré par le cas particulier. L’outre-merest un extraordinaire laboratoire juridique, précurseur de l’évolution métropolitaine :

« l ’Administration d’outre-mer est, à bien des égards, aux avant-postes desévolutions auxquelles l’ensemble des administrations françaises doit faireface. (…) [Outre-mer, les] défis posés par la décentralisation, par l’intégrationeuropéenne et par la mondialisation apparaissent de manière particulièrementclaire et poussent à l’innovation en matière de structures et de gestion ».31

De façon générale, l’outre-mer permet de prendre conscience de la relativité desrègles juridiques. Cette relativité qui s’explique par les conditions politiques, sociales,économiques, culturelles, géographiques particulières à l’outre-mer est certainement ungage de bonne administration, en ce sens que comme le rappelait Portalis dans son discourspréliminaire sur le projet de code civil32 :

« le législateur ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour leshommes, et non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées aucaractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites ».

29 La doctrine a trop souvent schématisé cet antagonisme, pour glorifier la codification réformatrice, et ironiser sur la codificationà droit constant (cette petite codification, cette codification administrative, technocratique, qui ne serait qu’une simple compilationetc.) ; sans toujours bien prendre conscience du contexte dans lesquelles ces codifications sont élaborées.

30 Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnespubliques, J.O.R.F. du 22 avril 2006, p. 6024.31 Jean-Yves FABERON et Jacques ZILLER, « Introduction », R.F.A.P., n° 101, janvier-février 2002, p. 7.32 prononcé le 1er pluviose an IX.

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Introduction

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Etudier la codification et le droit de l’outre-mer, c’est donc faire le choix d’une question quise situe à l’intersection des problèmes théoriques et des difficultés pratiques.33

Pour examiner, sous tous ses aspects, les lieux d’échange entre la codificationd’une part et le droit de l’outre-mer d’autre part ; la meilleure technique semble êtrel’entremêlement des hypothèses de recherche.

Ainsi, dans une première partie, c’est en étudiant les caractéristiques et l’évolution dudroit de l’outre-mer qu’apparaîtront l’intérêt, les difficultés et les résultats de la codificationpour le droit de l’outre-mer.

Ensuite, en inversant le regard et en mettant donc l’accent sur les processus decodification, c’est-à-dire sur les techniques d’élaboration des codes, l’analyse se focaliserasur la prise en compte du droit de l’outre-mer dans les réflexions codificatrices.

Plan du mémoire :

1. La codification, vue à travers le prisme du droit de l’outre-mer2. Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification

33 Jean-Claude DOUENCE « Rapport de synthèse » in Jean-Yves FABERON (dir.), Le régime législatif de la Nouvelle-Calédonie,Dalloz, 1994, p. 100.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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Première partie : La codification, vue àtravers le prisme du droit de l'outre-mer

Vue depuis l’outre-mer, la codification regroupe deux ensembles de projets ; les uns, conçusdans le cadre habituel de la codification du droit métropolitain ; les autres, récemmentélaborés par certaines autorités locales. Ces codifications recèlent un certain nombred’intérêts, notamment dans l’amélioration de l’accessibilité et l’intelligibilité du droit. Maiselles posent également, eu égard aux spécificités du droit de l’outre-mer, des difficultésparticulières. Ainsi, l’étude des grands principes du droit de l’outre-mer (1.1.) permet demieux comprendre l’intérêt mais aussi les difficultés de la codification de ce droit si particulier(1.2.).

Plan de la 1ère partie :1.1. Les grands principes du droit de l’outre-mer.1.2. Le droit de l’outre-mer : une matière difficile mais essentielle à codifier.

1.1. Les grands principes du droit de l’outre-merTout codificateur doit posséder une connaissance fine et précise de la matière qu’il s’apprêteà codifier. Ainsi, cette première sous-partie consacrée au régime juridique applicable àl’outre-mer tend à répondre à un double objectif :

- préciser la répartition des compétences entre l’Etat et les autorités locales ; cetéclaircissement étant essentiel en matière de codification puisque seule l’autorité qui acompétence pour élaborer une réglementation peut procéder à sa codification ;

- déterminer le régime général d’applicabilité des textes outre-mer, dès lors que lapremière étape de toute codification consiste en une consolidation du droit en vigueur.

Le préalable à l’étude de la codification du droit de l’outre-mer réside donc dans laprésentation générale de la répartition des compétences entre l’Etat et les autorités localeset des conditions particulières d’application du droit étatique (1.1.1.). Après cette analyse quipermettra de mieux connaître le droit que l’Etat peut codifier, il faudra envisager le traitementdu reste du droit, en particulier, sous l’angle des nouvelles codifications « territoriales »récemment mises en place par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française (1.1.2.). Eneffet, pour ces deux collectivités, la mission de codification est une compétence partagée :chaque niveau codifie librement les textes dans son domaine de compétences.

1.1.1. Le droit élaboré par le pouvoir centralL’outre-mer, comme son nom l’indique, est constitué de différentes catégories decollectivités qui bénéficient toutes d’une caractéristique géographique commune : elles sontsituées en dehors du continent européen. Les collectivités d’outre-mer ont en commun d’être

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Première partie : La codification, vue à travers le prisme du droit de l'outre-mer

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périphériques géographiquement et juridiquement. En dehors de ce trait commun relatif àl’éloignement métropolitain, l’outre-mer est un ensemble pluriel et peu homogène. Au final,le seul élément commun à tous les outre-mer, c’est peut-être le fait d’être différent !

Depuis la révision constitutionnelle de mars 2003,34 les collectivités ultramarines dela République française sont désormais nommément désignées dans la Constitution.Juridiquement, l’outre-mer est donc ainsi clairement circonscrit.

Cette précision marque l’attachement de la République française à ces régions. BrigitteGIRARDIN, ministre de l’outre-mer de 2002 à 2004 notait ainsi, dans sa contributionintroductive au numéro de la Revue française d’administration publique consacrée à l’outre-mer,35 qu’« il était pour le moins paradoxal que Mayotte figure dans la Constitution de laRépublique islamique des Comores qui la revendique, et non dans celle de la Républiquefrançaise ».

Du point de vue de la symbolique républicaine, il s’agissait aussi, selon une formulecélèbre, de faire des habitants de l’outre-mer des citoyens français « à part entière » et nonplus des citoyens « entièrement à part ».

L’article 72-3 de la Constitution36 énonce ainsi : « La Guadeloupe, la Guyane, laMartinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis-et-Futuna et laPolynésie française sont régies par l’article 73 pour les départements et régions d’outre-mer et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l’article73 [entité qui réunirait le département et la région d’outre-mer au sein d’une seule et mêmecollectivité], et par l’article 74 pour les autres collectivités ».

Pour ne pas oublier les deux autres terres d’outre-mer, la Constitution poursuiten précisant que : « Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII. Laloi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes etantarctiques françaises ».

Tel le dieu Janus des Romains, le droit de l’outre-mer a souvent été représenté pardeux faces : les D.O.M. face aux T.O.M., le principe de l’identité législative versus le principede la spécialité législative.

Aujourd’hui, cette logique binaire semble ne plus correspondre à la diversité dessituations rencontrées outre-mer, elle a été profondément remaniée par la réformeconstitutionnelle du 28 mars 2003.37 Néanmoins, cette dernière crée une nouvelle dualité,entre les départements et régions d’outre-mer de l’article 73 de la Constitution (111-1) et lesautres collectivités d’outre-mer (111-2).

111-1. Les départements et régions d’outre-merL’outre-mer compte quatre départements et régions d’outre-mer qui s’ajoutent aux quatre-vingt-seize départements et aux vingt-deux régions de métropole : il s’agit de la Guadeloupe,la Guyane, la Martinique et La Réunion.

34 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, J.O.R.F. du 29mars 2003, p. 5568-5570.

35 Brigitte GIRARDIN, « Avant-propos, la réforme constitutionnelle et l’outre-mer », R.F.A.P., n° 101, janvier-février 2002, p. 3-5.36 Tel qu’inséré par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 précitée.37 Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, précitée.

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Ces collectivités constituent des départements depuis la loi de départementalisationdu 19 mars 194638 ; il s’agissait alors de faire en sorte que ces quatre vieilles colonies

conquises entre le XVIIème et XVIIIème siècle soient des départements français à partentière et traitées comme tels. Depuis 1982, les départements d’outre-mer sont égalementdes régions d’outre-mer. Les compétences des régions d’outre-mer sont seulement élargiespar rapport aux régions métropolitaines, elles gèrent des compétences supplémentairesafférentes au développement, à l’aménagement et à la fiscalité. Elles bénéficient égalementde quelques règles institutionnelles particulières.

Les départements d’outre-mer et les régions d’outre-mer sont compétents sur unemême assise territoriale. Ainsi, certains ont pu penser qu’il y avait là un risque de doubleemploi, le législateur a donc logiquement voulu créer, en 1982, une assemblée uniquequi aurait eu des compétences départementales et régionales. Mais cette dispositiona été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 2 décembre 1982,car cette assemblée unique aurait eu « une nature différente de celle des conseilsgénéraux »39 métropolitains, qu’ainsi, les départements d’outre-mer seraient régis par unstatut différent des départements métropolitains, méconnaissant ainsi les articles 7240 et 73de la Constitution.

111-11. Le principe de l’identité législativeL’article 73 de la Constitution de 1946, en les qualifiant de départements, précise égalementque : « le régime législatif des départements d’outre-mer est le même que celui desdépartements métropolitains sauf exceptions déterminées par la loi ».

Comme l’indique la circulaire du 21 avril 198841 : « depuis la loi de départementalisationqui a fait des départements d’outre-mer des départements comme les autres et non plusdes colonies, les lois et décrets nouveaux s’y appliquent de plein droit et sans mentionspéciale ». Les départements et régions d’outre-mer sont ainsi régis par le principe del’identité législative.

Aujourd’hui, l’article 73 de la Constitution de 1958 explicite clairement le sens à donnerau principe de l’identité législative : « Dans les départements et les régions d’outre-mer, leslois et règlements sont applicables de plein droit », c’est-à-dire qu’en l’absence de mentionexpresse, les textes s’appliquent dans les départements et régions d’outre-mer.

Le terme d’« identité » a progressivement remplacé celui d’« assimilation », il n’en resteque ces deux notions renvoient à un même principe : celui de l’application directe et de pleindroit de l’ensemble des textes juridiques nationaux métropolitains. Si la notion d’assimilationsous-tendait l’idée d’un rattrapage progressif, un alignement de l’ancien droit colonial sur

38 Loi n° 46-451 du 19 mars 1946 tendant au classement comme départements français de la Guadeloupe, de la Martinique,de La Réunion et de la Guyane française, J.O.R.F. du 20 mars 1946, p. 2294.

39 Décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982, Loi portant adaptation de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droitset libertés des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion, J.O.R.F.du 4 décembre 1982, p. 3666 ; Rec. p. 70.

40 Dans sa version alors en vigueur : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements,les territoires d’outre-mer ».

41 Circulaire du 21 avril 1988 relative à l'applicabilité des textes législatifs et réglementaires outre-mer, à la consultation desassemblées locales de l'outre-mer et au contreseing des ministres chargés des D.O.M.-T.O.M., J.O.R.F. du 24 avril 1988, p. 5454.

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le droit commun, il faut croire qu’aujourd’hui, le droit métropolitain et le droit des D.R.O.M.sont similaires, voire identiques.

Le droit de l’outre-mer « départementalisé n’est pas en principe dissocié de l’ordrejuridique français, c’est-à-dire que les normes qui le constituent lui sont applicables sansque les textes aient besoin d’en faire mention expresse à cette fin ».42

Cette applicabilité concerne toutes les normes juridiques : lois, ordonnances, décretsou arrêtés ministériels. Aucune mesure spéciale de promulgation ou de publication localen’est nécessaire.

111-12. Les exceptions au principe de l’identité législativeEn réalité, si l’applicabilité du droit commun est la règle ou le principe, l’existence d’un droitspécifique est une exception notable et réelle, qui justifie d’une étude spécifique des juristes.En effet, eu égard à la singularité de leur position sur le territoire républicain, il peut êtrenécessaire de prévoir des dispositifs spécifiques pour ces collectivités.

L’article 73 de la Constitution de 1958, avant sa révision de 2003, donnait la possibilitéau législateur de prévoir des exceptions au principe de l’identité législative en le justifiantpar la situation particulière des départements d’outre-mer.43

La révision constitutionnelle de 200344 a modifié cette rédaction et autorise désormais« les adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières » de cescollectivités,45 accentuant ainsi le caractère dérogatoire de ces départements et régionsd’outre-mer.

Cette nouvelle formule, plus large que l’ancienne, devrait permettre un assouplissementdu régime des adaptations. En effet, cette nouvelle rédaction permet de contrerl’interprétation rigide de l’ancien texte par le juge constitutionnel, en effet, ce dernier avaitconsidéré que « le statut des D.O.M. [devait] être le même que celui des départementsmétropolitains »46 et que ces adaptations « ne sauraient avoir pour effet de doter lesdépartements d’outre-mer d’une "organisation particulière"».47 Ainsi que l’indique LaurentBlériot dans son étude consacrée aux nouveaux départements et régions d’outre-merissus de la révision constitutionnelle de 2003,48 « le changement de cap engagé marquela fin d’une longue période de cinquante-sept ans de mimétisme constitutionnel avec letraditionnel département métropolitain et le début d’un rapprochement du statut des DROMsur celui du reste de l’outre-mer ».

Désormais, deux exceptions au principe de l’identité législative sont ouvertes :

42 Olivier GOHIN, Institutions administratives, L.G.D.J., p. 475.43 « Le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’outre-mer peuvent faire l’objet de mesures

d’adaptation nécessitées par leur situation particulière ».44 Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, précitée.45 Article 73, alinéa 1er.46 Décision n° 84-174 DC du 25 juillet 1984, Loi relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de

Martinique et de la Réunion, J.O.R.F. du 28 juillet 1984, p. 2493 ; Rec. p. 48.47 Décision n° 2000-4635 DC du 7 décembre 2000, Loi d’orientation pour l’outre-mer, J.O.R.F. du 14 décembre 2000, p. 19830,

Rec. p. 164.48 Laurent Blériot, « Les départements et régions d’outre-mer : un statut à la carte », Pouvoirs, n° 113, 2005, p. 57-71.

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- Le législateur et les autorités titulaires du pouvoir réglementaire peuvent prévoir desmesures, des adaptations au droit commun, des dispositifs juridiques spécifiques justifiéspar la situation des D.R.O.M. La loi ou le règlement est alors complété par des dispositionsqui n’auront vocation à s’appliquer que dans ces départements et régions d’outre-mer, voiremême dans un seul de ces départements-régions.

Cette règle traditionnelle dans le régime de l’assimilation législative des départementsd’outre-mer est désormais complétée par le deuxième alinéa de l’article 73 de la Constitutionqui autorise ces collectivités à rédiger elles-mêmes ces adaptations.49

Cette faculté limitée aux matières de compétence de ces collectivités nécessite unehabilitation préalable du législateur. Ainsi, si ce dernier estime qu’une législation mérite uneadaptation dans les départements d’outre-mer, il peut soit procéder lui-même à la rédactiond’un droit dérogatoire, soit décentraliser cette faculté d’adaptation pour le cas d’espèce (surproposition de la collectivité concernée) et laisser les collectivités fixer leur propre droit enleur confiant une sorte de « pouvoir d’auto-adaptation du droit commun ».50 Cette dernièrepossibilité laisse entrevoir une progressive différenciation du droit de chaque D.R.O.M.,signe peut-être d’une meilleure prise en compte des situations particulières : contrairementà l’image d’Epinal, les besoins juridiques diffèrent très largement dans chaque collectivité :on ne vit pas de même façon à Saint-Denis, à Fort-de France ou à Cayenne.

- la deuxième exception, dégagée par le troisième alinéa de l’article 73 de laConstitution,51 rompt avec fracas avec le dogme du principe de l’identité législative quin’autorisait qu’une adaptation du droit commun. Désormais, les D.R.O.M. peuvent êtrehabilités par la loi à fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire52 (et nonplus de simples adaptations) dans un nombre limité de matières pouvant relever dudomaine de la loi. Dès lors, on ne peut plus parler d’identité législative, puisqu’un droitspécifique, nécessairement différent de celui en vigueur en métropole, va être élaboré parles collectivités locales. La reconnaissance de ce pouvoir réglementaire matériellementlégislatif, bien que revendiquée par les autorités locales, ne doit être ni sous-estimée,ni surévaluée. De nombreuses garanties ont été prévues : une habilitation législativepréalable est nécessaire, certaines matières liées à l’exercice de la souveraineté ou dedroits fondamentaux ont été expressément exclues du dispositif (alinéa 4 de l’article 73 dela Constitution53), l’édiction de ce droit reste soumis au principe de juridicité qui impliquele respect des normes supérieures (bloc de constitutionnalité, droit communautaire, traitésinternationaux) et enfin, bien que matériellement législatifs, ces actes demeurent de natureadministrative et peuvent donc être contestés devant la juridiction administrative (et nondevant la juridiction constitutionnelle comme peuvent l’être les lois).

49 Voir articles L.O. 3445-1 à L.O. 3445-8 du code général des collectivités territoriales.50 Yves BRARD, « Identité ou spécialité législative », in Jean-Yves FABERON (dir.), La nouvelle donne institutionnelle, Etudes

de la Documentation française, n° 5193-94, 2004, p. 115-125.51 L’alinéa 5 de l’article 73 précise que ce dispositif n’est pas applicable à l’île de la Réunion, conformément à la volonté de

nombreux élus de la collectivité. En distinguant un régime particulier à une collectivité, la rédaction constitutionnelle consacre ainsi,par elle-même, le nouveau principe qu’elle souhaite promouvoir, à savoir l’évolution différenciée du droit de chaque département etrégion d’outre-mer.

52 Voir articles L.O. 3445-9 à L.O. 3445-11 du code général des collectivités territoriales.53 La nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de

la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit etles changes ainsi que le droit électoral.

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Une telle dérogation devrait concerner, dans un premier temps, des matières commela fiscalité ou l’urbanisme (matières où les régions ont déjà des compétences élargies et quisont gérées avec succès par le conseil général à Saint-Pierre-et-Miquelon). La législationminière ou forestière en Guyane pourrait également bien correspondre aux finalités de cedispositif. Toutes ces possibilités, toutes ces exceptions (applicabilité ou non des textes,mesures d’adaptation nationales ou locales, règles matériellement législatives élaboréespar une collectivité locale…) amènent à penser que l’identité législative devient touterelative.

L’étude du droit positif permet de trouver quelques-uns de ces dispositifs d’adaptationdu droit aux départements et régions d’outre-mer, qui sont, à l’heure actuelle, toujoursélaborés par le législateur ; il appert que nombre de ces normes sont aujourd’hui inclus dansdes codes. La doctrine cite, en général, cinq matières pour illustrer les spécificités du droitmatériel spécifique aux départements et régions d’outre-mer : le droit domanial,54 le droitfiscal,55 le droit des étrangers,56 le droit de la fonction publique57 et le droit social.

En dehors des hypothèses juridiques, il convient de noter que l’application deslégislations peut ensuite, de facto, suivre les exigences du contexte local. Ainsi, en Guyane,eu égard à l’absence de voies de communications terrestres vers les communes enclavéesdu territoire (l’utilisation de la pirogue est le moyen de transport le plus souvent utilisé), il estfort malaisé, pour le conseil général responsable des transports scolaires, d’appliquer lesrègles du code du marché public en matière de publicité et de mise en concurrence pourl’emploi des piroguiers, le plus souvent issus de la population bushinengue.58

L’outre-mer ne se limite cependant pas aux seuls départements et régions d’outre-mer.

111-2. Les autres collectivités d’outre-merLes anciens territoires d’outre-mer bénéficiaient d’un régime particulier justifié par lesparticularités géographiques, économiques, historiques ou culturelles de ces territoires,59

54 Le droit de l’eau, par exemple, fait l’objet d’une simplification radicale puisque l’article L. 5121-1 du code général de lapropriété des personnes publiques inclut dans le domaine public de l’Etat : « toutes les eaux stagnantes ou courantes (…), tousles cours d’eaux, naturels ou artificiels, les sources et (…) les eaux souterraines », de même, l’article L. 5121-2 précise que « lesprélèvements d’eau sont soumis à autorisation et au versement d’une redevance domaniale ». Le domaine public maritime estégalement agrandi par la zone dite des cinquante pas géométriques, c’est-à-dire par une bande de terre située le long du rivage dela mer qui s’étend de la limite des plus hautes marées vers l’intérieur des terres, sur une distance qui était, à l’origine, de 50 pas, soit81,20 mètres. Ces spécificités ont des conséquences, par ricochet, sur le droit de l’urbanisme, du logement ou de l’aménagement.

55 Les taux de T.V.A. sont allégés pour la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion : 2,1 et 9,5 % contre 5,5 et 19,6 %(article 296 du code général des impôts). En Guyane, la T.V.A. n’est pas applicable. L’impôt sur le revenu est réduit de 30 % dans lesdépartements précités, et de 40 % en Guyane (article 297 du code général des impôts). Le législateur a également créé de nombreuxdispositifs de « défiscalisation » ou plus précisément de « réductions d’impôts accordées au titre d’investissements réalisés outre-mer », essentiellement pour encourager le développement économique et social de ces régions. Il existe, en revanche, un impôtspécifique : l’octroi de mer. Cette taxe est perçue, sur la production locale et la production importée, par les conseils régionaux qui enfixent les taux par catégories de produits, ainsi que les éventuelles exonérations.

56 Voir Stéphanie BOUVIER, La reconduite à la frontière, Mémoire I.E.P. de Lyon, juin 2007.57 Les règles applicables aux congés et aux frais de déplacement connaissent des adaptations du fait de l’éloignement, mais

surtout les traitements sont majorés pour tenir compte du coût de la vie.58 Maude ELFORT, De la décentralisation à l’autonomie : la Guyane, R.F.A.P., n° 101, janvier-février 2002, p. 28.

59 Ces particularités impliquent que certains citoyens puissent conserver un statut de droit local, l’article 75 de la Constitution préciseainsi que : « Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent leur

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l’ancienne rédaction de l’article 74 de la Constitution prévoyait que « les territoiresd’outre-mer ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dansl’ensemble des intérêts de la République ». Mais au gré de l’évolution historique deces territoires, la catégorie des T.O.M. s’est progressivement vidée. Sont apparues descollectivités à statut particulier créées par le législateur pour faire face à des besoinsspécifiques : en 1976 pour Mayotte et en 1985 pour Saint-Pierre-et-Miquelon puis en 1998pour la Nouvelle-Calédonie. Depuis, il ne restait juridiquement plus que trois territoiresd’outre-mer.

En 2003, le pouvoir constituant a choisi de retrouver la logique binaire qui avaitcaractérisé l’outre-mer pendant de longues années : il a donc créé, à côté des départementset régions d’outre-mer (article 73 de la Constitution), les collectivités d’outre-mer de l’article74 mais le pouvoir constituant, ne souhaitant pas retomber dans le travers de l’éparpillementprogressif des feus T.O.M., a choisi de renvoyer aux lois statutaires pour la déterminationdu régime juridique applicable. L’article 74 ne régit donc pas une véritable catégorie maisplutôt un ensemble de cas particulier.60

Curieux rapprochement, en effet, que celui d’une catégorie qui rassemble « unecollectivité poussant l’autonomie à ses limites (la Polynésie française), les territoires lesplus centralisés de la République, puisque ne disposant pas d’assemblée élue (les Terres

Australes et Antarctiques Françaises 61 ) et cette collectivité hybride ayant encore […]

parmi ses responsables, les autorités les plus originales au sein de la République, en laprésence de trois rois traditionnels (Wallis-et-Futuna) ».62

111-21. Le principe de la spécialité législativePendant longtemps, les T.O.M. étaient liés au régime de la spécialité législative, legs dela période coloniale. Jean PERES63 précise que « le principe de spécialité législative a étédéfini pour la première fois dans les lettres royales de 1744 et de 1746 et dans l’ordonnanceroyale du 18 mars 1766 qui prescrivaient aux conseils souverains (…) de n’enregistrer lesdécisions du Roi que sur ordre spécial ».

Ce principe a été repris dans les Constitutions de l’an VII, de 1814, 1830, 1848 etle sénatus-consulte du 3 mai 1854. Le régime de la spécialité législative implique la non-applicabilité de plein droit du droit métropolitain, c’est-à-dire le mécanisme contraire del’identité législative : en l’absence de mentions particulières, le texte n’est pas applicable.

statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé ». Ce statut de droit local, non étudié ici, du fait de son caractère essentiellementcoutumier, ne concerne plus que certains habitants de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie et des îles Wallis-et-Futuna. Pour une analyseplus approfondie de ces statuts de droit local, voir François GARDE, « Sur l’article 75 : les autochtones et la République », R.F.D.A., n°1, janvier-février 1999, p. 1-13 et Régis LAFARGUE, « Les contraintes posées par l’article 75 de la Constitution : entre héritage colonialet volonté de modernisation de la société mahoraise » in Laurent SERMET et Jean COUDRAY (dir.) Mayotte dans la République,Montchrestien, 2004, p. 305-331.

60 Jean-Yves FABERON, « La France et son outre-mer : un même droit ou un droit différent ? », Pouvoirs, n° 113, 2005, p. 12.61 En réalité, les Terres Australes et Antarctiques Françaises, tout comme la Nouvelle-Calédonie, ne sont considérées comme

des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. Elles bénéficient d’un régime dérogatoire, ainsi que le sous-entend l’article 72-3 de la Constitution. Voir supra, p. 26.

62 Jean-Yves FABERON, op. cit., p. 18.63 Jean PERES, « Application des Lois et Règlements en Polynésie Française, répartition des compétences », Revue juridiquepolynésienne, n° 8, 2002, p. 182. S’agissant de l’historique du principe de la spécialité législative, l’auteur renvoie au RépertoireGénéral Alphabétique du Droit Français, Editions Fuzier-Herman, 1894, p. 324 et s.

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Si le législateur estime qu’un texte doit s’appliquer dans ces collectivités, il doit alors leprévoir expressément. A la différence de celle de 1958 qui ne reconnaît pas expressémentce principe, la Constitution de 1946 précisait que « la loi française n’est applicable dans lesterritoires d’outre-mer que par disposition expresse ».

La spécialité législative ne se limite d’ailleurs pas aux lois stricto sensu, elle vaut pourl’ensemble des règles de droit.

Le principe de spécialité « se définit concrètement, pour l’application des textes auxterritoires d’outre-mer, comme l’obligation, soit de prévoir des textes spécifiques à cesterritoires, soit d’assortir les textes métropolitains d’une mention expresse d’applicabilité auxT.O.M. ».64 Longtemps négligée, cette nécessité d’extension par une mention particulièreconnaît, depuis quelques années, un regain d’intérêt par l’intermédiaire notamment descodifications comportant une partie consacrée à l’outre-mer.65

Désormais, le principe de spécialité n’apparaît plus comme automatiquement associéà toutes les collectivités d’outre-mer de l’article 74 de la Constitution. Ainsi, tout est questionde proportion. En conséquence, « à l’opposition identité / spécialité, ne faut-il pas substituerune échelle de spécialité du droit, comme Duguit avait proposé d’écarter la distinctiondomaine public / domaine privé au profit d’une échelle de domanialité ».66

L’actuel article 74 de la Constitution stipule que : « les collectivités d’outre-mer régiespar le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’entreelles au sein de la République ». Ce sont donc ces lois statutaires qui déterminent lerégime d’applicabilité du droit dans chaque collectivité de l’article 74. Ces statuts doiventêtre définis par une loi organique. Il est ainsi proposé un examen successif du statut dechaque collectivité.

111-22. Le régime d’applicabilité du droit, collectivité par collectivitéSaint-Pierre-et-Miquelon :

Saint-Pierre-et-Miquelon constitue sans doute la collectivité d’outre-mer la plus prochedu droit commun. Le régime juridique applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon est déterminépar la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon67 (notamment ses articles 22 et 48), laquelle fixe le principe de l’identité législative,sauf pour certaines matières qui relèvent du conseil général.68

64 Jérôme LAMBERT, Rapport n° 3085, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et del’administration générale de la République sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à prendre,par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, Document del’A.N. (2000-2001), p. 7.

65 Jean PERES, op. cit., p. 183.66 Yves BRARD, op. cit., p. 117.67 Loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, J.O.R.F. du 14 juin 1985, p. 6551.68 La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 (J.O.R.F. du 22 février 2007, p. 3121) a inséré, au II de l’article L.O.

6414-1 du code général des collectivités territoriales, la liste de ces matières (impôts, droits et taxes, cadastre, régime douanier,urbanisme, construction, habitation, logement). De plus, le législateur organique a créé un article L.O. 6413-1 qui prévoit explicitement,

à compter du 1er janvier 2008, l’applicabilité de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’ensemble des dispositions législativeset réglementaires, à l’exception de celles qui relèvent de la loi organique en application de l'article 74 de la Constitution ou de lacompétence de la collectivité en application du II de l'article L.O. 6414-1.

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Saint-Barthélemy et Saint-Martin :

Le régime juridique de ces îles, récemment défini par une loi du 21 février 200769 esttout à fait original, car il mixe les principes d’identité et de spécialité législatives et romptainsi avec les habitudes en la matière : pour les matières où l’Etat est toujours compétent,s’appliquera le principe de l’identité législative70 (sauf en matière de droit des étrangersqui demeure régi par le principe de la spécialité législative71). « Autrement dit, il y auraun recoupement entre les matières qui ressortiront à la compétence de la collectivité

ultramarine 72 en sa qualité de personne publique décentralisée et celles qui échapperont

au principe d’identité législative ».73

Mayotte :Depuis que Mayotte a voté, en 1974, pour son rattachement à la République française,

elle était dotée d’un statut de collectivité territoriale sans autres précisions. Suite auxrevendications locales pour une plus grande départementalisation du territoire, Mayotte aété dotée en 200174 d’un nouveau statut plus proche du droit commun.

Le régime juridique de la collectivité départementale de Mayotte est donc, en l’étatactuel de la législation, fixé par l’article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 : « Sontapplicables de plein droit à Mayotte les lois, ordonnances et décrets portant sur les matièressuivantes : 1° Nationalité ; 2° Etat et capacité des personnes ; 3° Régimes matrimoniaux,successions et libéralités ; 4° Droit pénal ; 5° Procédure pénale ; 6° Procédure administrativecontentieuse et non contentieuse ; 7° Droit électoral ; 8° Postes et télécommunications.(…) Les autres lois, ordonnances et décrets ne sont applicables à Mayotte que sur mentionexpresse ».

Mayotte reste donc régie par le principe de la spécialité législative, cependant, parexception, un certain nombre de matières est directement applicable (principe de l’identitélégislative).75

Dans ces matières, la volonté commune des autorités locales et du législateur nationalest de parvenir à une progressive identité avec le droit commun, ce qui implique un travailconsidérable de rattrapage, par l’extension de pans entiers de droit, donc de codes.

En réalité, se profile à Mayotte un bouleversement considérable du régime juridiqueapplicable : l’article L.O. 6113-1 du code général des collectivités territoriales76 prévoit, à

69 Loi n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, J.O.R.F. du22 février 2007, p. 3121.

70 Voir les articles L.O. 6213-1 (Saint-Barthélemy) et L.O. 6313-1 (Saint-Martin) du code général des collectivités territoriales.71 Voir notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-547 DC du 15 février 2007, J.O.R.F. du 22 février 2007, p.

3252.72 Voir articles L.O. 6214-3 (Saint-Barthélemy) et L.O. 6314-3 (Saint-Martin) du code général des collectivités territoriales.73 Edwin MATUTANO, « L'identité et la spécialité législatives au gré des évolutions institutionnelles de l'o utre-mer », La

Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n° 10, 5 mars 2007, p. 2065.74 Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, J.O.R.F. du 13 juillet 2001, p. 11199.75 Pour l’analyse de ce régime mixte, voir Laurent BLÉRIOT, « Réflexions sur le régime législatif de Mayotte après la loi du 11

juillet 2001 : entre spécialité et identité législatives » in Laurent SERMET et Jean COUDRAY (dir.), Mayotte dans la République, actesdu colloque de Mamoudzou des 14, 15 et 16 septembre 2002, Montchrestien, 2004, p. 185-200.

76 Tel qu’inséré par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007, précitée.

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compter du 1er janvier 2008, l’application du principe de l’identité législative, à l’exceptiondes dispositions législatives et réglementaires qui interviennent dans les domaines relevantde la loi organique en application de l’article 74 de la Constitution ou dans l’une des matièresqu’il énumère.77 Dans ces dernières matières, « les règles ne seront applicables à Mayotteque sur mention expresse, vestiges de son ancienne soumission au principe de spécialitélégislative ».78

Iles Wallis-et-Futuna :Wallis-et-Futuna sont deux îles du Pacifique Sud qui sont devenues un territoire d’outre-

mer à la suite d’une loi de 1961. Cette même loi n° 61-814 du 29 juillet 196179 définit, enson article 4, le régime juridique d’application des normes juridiques aux îles de Wallis-et-Futuna. Seuls sont applicables les lois et décrets expressément rendus applicables.

Polynésie française :La Polynésie française était un territoire d’outre-mer jusque dans les années 1980. Une

loi du 6 septembre 198480 confère à la Polynésie un statut relativement autonome renforcépar une loi organique du 12 avril 1996.81 La Polynésie française dispose d’une assemblée,d’un gouvernement et d’un président. Le régime juridique actuel de la Polynésie françaisea été élaboré par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomiede la Polynésie française.82 Son article 7 précise que : « Dans les matières qui relèvent de lacompétence de l’État, sont applicables en Polynésie française les dispositions législativeset réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ».

L’article 74 inclut une division au sein des C.O.M. entre les collectivités dotées ou nonde l’autonomie. En réalité, aujourd’hui, seules la Polynésie française et désormais, depuisla loi du 21 février 2007,83 Saint-Barthélemy et Saint-Martin, bénéficient de l’autonomie quidonne droit d’intervenir dans des matières précises qui relèvent de la compétence de l’Etat(domaine de la loi).

Bien que ne faisant pas partie des collectivités d’outre-mer de l’article 74, la Nouvelle-Calédonie reste régie par ce même principe de la spécialité.

77 Impôts, droits et taxes, propriété immobilière et droits réels immobiliers, cadastre, expropriation, domanialité publique,urbanisme, construction, habitation, logement, aménagement rural, protection et action sociales, droit syndical, droit du travail, emploiet formation professionnelle, entrée et séjour des étrangers et droit d'asile et finances communales.

78 Edwin MATUTANO, op. cit., p. 2065.79 Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d’outre-mer, J.O.R.F. du 30 juillet

1961, p. 7019.80 Loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française, J.O.R.F. du 7 septembre 1984,

p. 2831-2840.81 Loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, J.O.R.F. du 13 avril 1996,

p. 5695-5705, rectificatif au J.O.R.F. du 21 mai 1996, p. 7599 ; Loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d’autonomie de laPolynésie française, J.O.R.F. du 13 avril 1996, p. 5705-5707.

82 Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, J.O.R.F. du 2 mars2004, p. 4183-4213et Loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française, J.O.R.F. du 2mars 2004, p. 4212-4220.

83 Loi organique n° 2007-223, précitée.

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Ce constat peut être réitéré pour les Terres Australes et Antarctiques Françaises :

l’article 14 de la loi organique du 21 février 200784 a inséré un article 1er-1 dans la loi du6 août 195585 pour préciser que dans ce territoire, sont seules applicables les lois et décretsqui comportent une mention expresse à cette fin.

1.1.2. Les codifications « territoriales »La codification classique et moderne étudiée dans la suite de ce mémoire ne peut regrouper,par principe, que des dispositions élaborées par les autorités nationales. Ainsi, les actes desautorités communautaires ou les délibérations des collectivités infra-étatiques ne peuventpas, en théorie et à strictement parler, faire l’objet de codifications.

Certains auteurs ont pu considérer (à juste titre à une certaine époque), queles difficultés d’accessibilité et d’intelligibilité du droit ne cessaient paradoxalement des’aggraver outre-mer depuis que la codification se développait en métropole. L’explicationétait simple : les différentes codifications se concevaient fréquemment sans prendreen compte l’outre-mer, par manque de temps essentiellement. Ainsi, non seulementl’accessibilité et l’intelligibilité du droit applicable outre-mer n’étaient pas améliorées, maisbien souvent, elles s’empiraient : en effet, dans cette hypothèse, les textes codifiés enmétropole étaient abrogés, mais l’ordre juridique ancien était maintenu outre-mer, tantet si bien que l’outre-mer se retrouvait régi par des textes qui n’étaient plus applicablesen métropole mais qui demeuraient en vigueur pour les seuls espaces ultramarins, alorsque ces mêmes textes avaient, pendant longtemps, gouverné la destinée de tous lescitoyens. De ce fait, l’accès aux textes applicables outre-mer se compliquait : les bases dedonnées juridiques habituelles ne répertoriaient plus ces textes considérés comme abrogés.La codification faisait ainsi disparaître l’accès aux textes qui restaient pourtant encoreapplicables localement, un comble pour une technique censée favoriser l’accessibilité dudroit !

Par ailleurs, et plus fondamentalement s’agissant des collectivités d’outre-mer et enparticulier de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, le poids du droit étatiqueest minoritaire par rapport à l’ensemble des dispositions normatives en vigueur. L’essentieldu droit applicable est élaboré par les autorités locales, le plus souvent sous forme d’actesréglementaires matériellement législatifs mais parfois même, pour les lois du pays deNouvelle-Calédonie sous forme d’actes législatifs. Comment prendre en compte ce droitlocal, dans le cadre de l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité du droit86 ; la codification dudroit local peut-elle être une solution ?

La conjonction de nombreux facteurs (112-1) a progressivement milité pour unereconnaissance juridique officielle des codifications « territoriales » (112-2).

En l’état actuel du droit, en matière de codification d’actes locaux, seules la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française peuvent être ici considérées.

112-1. Le contexte84 Ibidem.85 Loi n° 55-1052 du 6 août 1955 conférant l’autonomie administrative et financière aux Terres australes et antarctiques

françaises, J.O.R.F. du 9 août 1955, p. 7979.86 Décision du Conseil Constitutionnel n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, J.O.R.F. du 22 décembre 1999, p. 19041, Rec.

p. 136.

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La nécessité d’améliorer la lisibilité et l’accessibilité du droit élaboré par les collectivitésd’outre-mer est connue depuis longtemps, en raison précisément des caractéristiques durégime juridique des actes élaborés par ces collectivités (112-11). Le renouvellement dela conception de la codification, en métropole, a certainement joué un rôle moteur pour lareconnaissance de ces codifications « territoriales » (112�12.).

112-11. Le régime juridique particulier applicable aux actes élaborés par laNouvelle-Calédonie et la Polynésie françaiseEn donnant un pouvoir normatif aux assemblées territoriales, la loi-cadre du 23 juin1956,87 dite loi « Defferre », a marqué un tournant décisif dans l’optique décentralisatricede l’outre-mer. Si ces compétences décentralisées restaient l’exception, les années70 et 80 ont ensuite opéré un changement radical : les nouveaux statuts88 prévoientdésormais que la compétence de droit commun revient à ces territoires,89 l’Etat ne gardantqu’une compétence d’attribution (en particulier pour tout ce qui relève des fonctions ditesrégaliennes : justice, maintien de l’ordre, monnaie, défense). L’action du Parlement et duGouvernement est ainsi fortement limitée par l’importance de la compétence normativedes autorités locales qui exercent ainsi un véritable pouvoir législatif ratione materiae.90

Les dernières réformes statutaires91 n’ont fait qu’accélérer ce mouvement, confirmantl’impression de plus en plus forte que « la République française est une fédération quis’ignore ».92

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont les deux collectivités les plusconcernées par ces évolutions.

La Nouvelle-CalédonieLa Nouvelle-Calédonie est régie par un système juridique qui atteint un tel degréd’exceptionnalité, qu’il est inscrit dans un titre spécifique de la Constitution (titre XIII).

87 J.O.R.F. du 24 juin 1956, p. 5782.88 Statut « Stirn » de 1976 pour la Nouvelle-Calédonie (loi n° 76-1222 du 28 décembre 1976 relative à l’organisation de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, J.O.R.F. du 29 décembre 1976, p. 7530), statut de 1977 pour la Polynésie française (loi n° 77-772 du12 juillet 1977 relative à l’organisation de la Polynésie française, J.O.R.F. du 13 juillet 1977, p. 3703), puis statuts dits « d’autonomieinterne » de 1984 pour les deux territoires (loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française,J.O.R.F. du 7 septembre 1984, p. 2831 et loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie etdépendances, J.O.R.F. du 7 septembre 1984, p. 2840), statut néo-calédonien approuvé par le référendum du 6 novembre 1988 (loiréférendaire n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, J.O.R.F. du 10 novembre 1988, p. 14087).89 Le Conseil constitutionnel a admis, dès sa décision n° 65-34 L du 2 juillet 1965 (Rec. p. 75) la possible dérogation à la répartitiondes compétences de l’article 34 et 37, sur le fondement des anciens articles 74 et 76 de la Constitution.90 Voir Frédéric SAUVAGEOT, « Les pouvoirs réglementaires matériellement législatifs des collectivités ultra-marines françaises : laparticipation active des collectivités d’outre-mer à l’exercice de la fonction législative », Revue juridique et politique, n° 1, 2006, p. 50-71.91 Loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française (J.O.R.F. du 13 avril 1996, p. 5695),loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (J.O.R.F. du 21 mars 1999, p. 4197) et loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française (J.O.R.F. du 2 mars 2004, p. 4183).92 Thierry MICHALON, « La République française une fédération qui s'ignore ? », Revue de droit public, 1982, p. 623-688.

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Le système actuel est déterminé par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998,93

complétée par les lois organique et ordinaire du 19 mars 1999.94 Ces textes, modifiés depuisà de nombreuses reprises, mettent en pratique l’accord de Nouméa signé le 5 mai 199895

par les deux grandes forces politiques néo-calédoniennes, le F.L.N.K.S. et le R.P.C.R., etle Premier Ministre de la République française, puis approuvé par un référendum organiséen Nouvelle-Calédonie le 8 novembre 1998.

Cet accord inscrit la Nouvelle-Calédonie dans un processus « d’émancipation » quipourrait conduire à l’indépendance. Le point 5 du préambule de l’accord précité est trèsexplicite : « Au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédoniedes compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité etl’organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposées au vote des populationsintéressées. Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ». Par ailleurs, cet accord crée une « citoyenneté néo-calédonienne », établiesur une résidence continue en Nouvelle-Calédonie d’au moins dix ans.96 Ces « citoyens »bénéficient d’un droit de vote aux élections locales et au scrutin d’autodéterminationou de la priorité d’accès aux emplois locaux. Bien sûr, les constitutionnalistes n’ontpas manqué de souligner que cette citoyenneté néo-calédonienne mettait en cause desprincipes constitutionnels aussi fondamentaux que le suffrage universel, l’égalité devantla loi ou devant l’emploi public. Mais rien n’est impossible, pour la Nouvelle-Calédonie ! Ilconvient ainsi de rappeler que, dans l’arrêt Sarran,97 le Conseil d’Etat, invité à examiner lalégalité d’un décret qui fixait les mesures d’organisation d’un scrutin électoral en Nouvelle-Calédonie, a écarté le moyen tiré de ce que ledit décret méconnaîtrait les stipulationsd’engagements internationaux (P.N.U.D.C.P. et C.E.S.D.H.L.F.), en tant que les dispositionsconstitutionnelles qui restreignent le corps électoral appelé à participer au scrutin ont unevaleur supérieure.98

Les compétences qui demeurent dans la sphère étatique sont limitativementénumérées à l’article 21 de la loi organique n° 99-20999 et sont divisées en trois catégories :

- les compétences exclusivement réservées à l’État concernent douze domaines dontnotamment la nationalité, les libertés publiques, les droits civiques et le régime électoral,la justice, la défense, la monnaie, le crédit, les changes, la fonction publique de l’État, lesmarchés publics de l’État et de ses établissements publics… ;

- les compétences partagées avec la Nouvelle-Calédonie concernent huit domaines,énumérés au II de l’article 21 de la loi organique, dont par exemple,100 les relationsextérieures, l’entrée et le séjour des étrangers, le maintien de l’ordre ou le droit pénal.

93 Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie, J.O.R.F. du 21 juillet 1998, p. 11143.94 Loi organique n° 99-209, J.O.R.F. du 21 mars 1999, p. 4197, rectificatif au J.O.R.F. du 16 avril 1999, p. 5610 ; Loi n° 99-210,

J.O.R.F. du 21 mars 1999, p. 4226.95 Accord du 5 mai 1998 sur la Nouvelle-Calédonie, J.O.R.F. du 27 mai 1998, p. 8039.96 Voir article 77 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007, J.O.R.F.

du 24 février 2007, p. 3354.97 Conseil d’Etat, Assemblée, 30 octobre 1998, Sarran et Levacher, Rec. p. 368.98 Sur cette question voir : Régis FRAISSE, « La hiérarchie des normes applicables en Nouvelle-Calédonie », R.F.D.A., 2000,

p. 82 ; Mathias CHAUCHAT, « L'accord de Nouméa condamné par le droit international? », Dalloz 1998, chron. p. 419.99 Loi organique n° 99-209 précitée.100 Les modalités de ce partage des compétences sont précisées par les articles 28 et 38 de la loi organique.

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- les compétences qui demeurent étatiques, mais qui doivent être transférées à laNouvelle-Calédonie entre 2004 et 2009. Ces matières énumérées au III de l’article 22 dela loi organique concernent, par exemple, l’enseignement du second degré public et privé,l’enseignement primaire privé, le droit civil ou le droit commercial.

Les compétences de la Nouvelle-Calédonie font ensuite l’objet d’une minutieuseénumération à l’article 22 de la loi organique. En effet, contrairement à la Polynésie françaiseoù la collectivité d’outre-mer détient la compétence générale, le mécanisme est ici pluscomplexe : les compétences de l’État et de la Nouvelle-Calédonie sont exhaustivementrecensées, et ce sont les provinces qui héritent de la compétence générale.

S’agissant des normes adoptées par la Nouvelle-Calédonie, l’innovation majeureconcerne les lois du pays.101 L’accord de Nouméa, qui les crée, prévoit simplement que« certaines délibérations du Congrès auront le caractère de loi du pays ». La loi organiquedu 19 mars 1999102 a en conséquence précisé le régime juridique de ces lois du pays,103

en donnant une définition purement matérielle de cette norme : « les délibérations parlesquelles le congrès adopte des dispositions sur les matières définies à l’alinéa suivantsont dénommées : lois du pays » (alinéa 1 de l’article 99). Il peut être précisé que ledomaine des lois du pays ainsi défini ne reprend ni l’ensemble des matières relevant de lacompétence de la Nouvelle-Calédonie, ni les matières législatives énoncées par l’article 34de la Constitution. Y figurent pêle-mêle les impôts, l’état et la capacité des personnes, lesrégimes matrimoniaux, les successions et libéralités…

La procédure d’élaboration d’une loi du pays fixée par la loi organique n° 99-209 reprendla même logique que celle suivie pour l’adoption d’une loi de la République (au sens del’article 34 de la Constitution), la similitude se retrouve fréquemment dans l’utilisation desmêmes mots. L’initiative appartient concurremment au gouvernement, sous forme de projetsde loi du pays, et aux membres du Congrès, sous forme de propositions de loi du pays (art.73 et 100). Projets et propositions de loi du pays doivent être soumis au Conseil d’Etat pouravis avant leur adoption (art. 100). Chaque projet ou proposition de loi du pays doit fairel’objet d’un rapport établi par un membre du Congrès (art. 102). Les lois du pays doiventêtre adoptées par le Congrès à la majorité des membres qui le composent.

La caractéristique la plus innovante de la loi du pays concerne son contrôlejuridictionnel. La rédaction de l’accord de Nouméa est, là encore, particulièrement explicite :« certaines délibérations du Congrès auront le caractère de loi du pays et de ce fait nepourront être contestées que devant le Conseil constitutionnel avant leur publication ». Laloi organique en a tiré les conséquences logiques : « la loi du pays qui a fait l’objet d’unenouvelle délibération du Congrès peut être déférée au Conseil constitutionnel » (art. 103),ces lois du pays « ne sont susceptibles d’aucun recours après leur promulgation » (art.107). Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi que par certaines autorités limitativementénumérées (le haut-commissaire, le gouvernement et le président ou dix-huit membresdu Congrès de la Nouvelle-Calédonie, le président d’une assemblée de province), etuniquement avant la promulgation de la loi du pays dans les dix jours suivant une deuxièmedélibération de la loi.

101 Pour une étude approfondie de ces lois du pays, voir : Laure BAUSINGER-GARNIER, La loi du pays en Nouvelle-Calédonie :véritable norme législative à caractère régional, L’Harmattan, 2001, 192 p. ; Gérard ORFILA, Régime législatif, réglementaire etcoutumier de la Nouvelle-Calédonie, L’Harmattan, 2000, p. 86-95.

102 Loi organique n° 99-209 précitée.103 Voir les articles 99 à 107 de la loi organique.

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Par un contrôle préventif, par voie d’action, le Conseil constitutionnel contrôle laconstitutionnalité des lois du pays, et veille en particulier à ce que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie s’en tienne strictement aux compétences qui lui sont reconnues. Aucun recourspour excès de pouvoir devant le juge administratif n’est recevable, en effet, les lois du paysont force de loi. Et ceci n’est pas qu’un simple effet de vocabulaire mais marque un tournanthistorique qui rompt avec la tradition républicaine française (dans laquelle le Parlement esttraditionnellement le seul habilité à légiférer). En effet, si depuis longtemps, l’Etat a partagéson « domaine » législatif, il a franchi un cap supplémentaire, pour la Nouvelle-Calédonie,en lui attribuant un « pouvoir législatif ». Auparavant, les normes édictées par une autoritéterritoriale n’avaient jamais eu valeur de lois ; ces actes conservaient leur nature d’acteadministratif (et étaient donc contestables devant la juridiction administrative), y comprislorsqu’ils intervenaient dans des matières législatives transférées (le transfert entraînantseulement une mutation de la matière qui en faisait l’objet : elle cessait alors d’être unematière législative pour se transformer en matière réglementaire).

Ainsi, il s’agissait d’une simple dévolution d’un pouvoir normatif empiétant surle domaine législatif mais demeurant un pouvoir réglementaire subordonné à la loi.Aujourd’hui, les lois du pays de Nouvelle-Calédonie apparaissent comme la manifestationd’un véritable pouvoir législatif dévolu à des assemblées locales, soumis alors au seulcontrôle de constitutionnalité. Au vu de l’innovation majeure que constitue ce dispositif, lacodification des lois du pays paraît logique.

La Polynésie françaiseLa Polynésie française a souhaité également bénéficier des avancées consenties àla Nouvelle-Calédonie. Les compétences locales polynésiennes ne font que croître :aujourd’hui, les compétences de l’Etat sont strictement limitées aux matières énuméréespar l’article 14 de la loi statutaire104 ; la Polynésie française étant compétente pour toutesles autres matières.

L’accroissement très sensible des compétences des institutions locales a compliqué unpeu plus la tâche des professionnels : « L’octroi à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésiefrançaise d’une large autonomie interne et de compétences étendues répondait aux attentesdes élus et des populations. Mais pour le juriste, elle constitue surtout une source d’unegrande complexité dans l’identification du droit applicable ».105

La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de laPolynésie française106 a donc instauré des « lois du pays »107 en Polynésie française maisleur régime juridique est bien différent de celui des lois du pays de Nouvelle-Calédonie, cequi ne simplifie guère le droit de l’outre-mer. Ce sont essentiellement des éléments formels

104 Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, J.O.R.F. du 2 mars 2004,p. 4183.

105 Célia VÉROT, « Les conflits de loi entre droit métropolitain et droit local d’outre-mer, Conclusions sur Conseil d’Etat,Assemblée, 4 novembre 2005, Président de la Polynésie française », R.F.D.A., n° 6, novembre-décembre 2005, p. 1129.

106 J.O.R.F. du 2 mars 2004, p. 4183.107 « Tant la loi organique du 27 février 2004 (…) qui les institue, que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 février

2004, prennent soin d’entourer la dénomination de “loi du pays” de guillemets », Laurent TESOKA, « Le “modèle” des lois du pays », inJean-Yves FABERON (dir.), Les collectivités françaises d’Amérique au carrefour des institutions, La Documentation française, 2006,p. 213.

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qui définissent la notion de « lois du pays » : elle est adoptée au terme d’une procédurespécifique et bénéficie d’un régime contentieux particulier.

Premièrement, les « lois du pays » de Polynésie française sont des actes portant surcertaines matières strictement énumérées à l’article 140 de la loi organique précitée dontnotamment le droit civil, le droit du travail, le droit syndical et de la sécurité sociale, le droitde la santé publique, le droit de l’action sociale et des familles, le droit de l’aménagementet de l’urbanisme, le droit de l’environnement, le droit domanial de la Polynésie française…

Les projets ou les propositions de « loi du pays » sont obligatoirement soumis àl’avis préalable du haut conseil de la Polynésie française (article 141), qui est composé depersonnalités qualifiées parmi lesquelles figurent notamment des magistrats ayant exercéleurs fonctions en Polynésie française, des professeurs des universités, des avocats oudes fonctionnaires de catégorie A. Le conseil économique, social et culturel est égalementconsulté sur les projets ou propositions de « loi du pays » à caractère économique ou social.Un rapporteur est désigné par l’assemblée, la « loi du pays » est adoptée au scrutin publicet à la majorité des membres qui composent l’assemblée (article 142).

Si la procédure d’adoption d’une « loi du pays » diffère de celle applicable aux autresdélibérations, l’élément le plus spécifique de ces actes concerne leur contrôle juridictionnel.Il existe, en fait, deux possibilités, pour soumettre une « loi du pays » devant le Conseild’Etat directement : soit, la saisine est effectuée par le haut-commissaire, le Président de laPolynésie française, le président de l’assemblée ou six représentants à l’assemblée, dansle délai de 15 jours suivant l’expiration du délai de 8 jours ouvert pour une demande deseconde lecture ; soit, la saisine est effectuée, par toute personne physique et morale,justifiant d’un intérêt à agir, dans le délai d’un mois suivant la publication de la « loi du pays »au Journal officiel de la Polynésie française. Le Conseil d’Etat se prononce dans les troismois de sa saisine sur la conformité des « lois du pays » au regard de la Constitution, des loisorganiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit. Le Conseilconstitutionnel a précisé que les « lois du pays » de Polynésie française (contrairement auxlois du pays de Nouvelle-Calédonie) conservaient un « caractère d’actes administratifs ».108

112-12. La reconnaissance du principe constitutionnel d’accessibilité etd’intelligibilité de la loiLes avantages de la codification ont été, depuis longtemps, développés par de nombreuxacteurs, qu’ils soient hommes politiques ou professeurs de droit. Mais, à la fin des années90, le processus de codification se trouvait néanmoins dans l’impasse : un certain nombrede codes prêts à l’examen et validés par la Commission supérieure de codification, restaientbloqués sur le bureau du Parlement. Contrairement au programme ambitieux mis en place àpartir de la circulaire de 1996, aucun code n’avait pu être publié entre 1996 et 1999, hormisun livre du Code rural. Ainsi, le Gouvernement s’était convaincu de l’intérêt de déposerun projet de loi l’habilitant à adopter les parties législatives de certains codes, par voied’ordonnances, pour précisément contourner l’obstacle du calendrier parlementaire.

Le Conseil Constitutionnel a été saisi, de ce projet de loi, le 24 novembre 1999 parplus de soixante députés. Ont été invoqués une atteinte à l’article 34 et au principe desouveraineté, le non-respect de l’article 38 de la Constitution et de la compétence dulégislateur, la non-conformité du texte de loi aux articles 74 et 77 de la Constitution ainsiqu’un détournement de procédure en raison du non-respect de l’article 37 alinéa 2 de la

108 Décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, J.O.R.F. du 2 mars 2004, p. 4220.

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Constitution. Par sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999,109 en rejetant le recours,le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle à l’objectif consistant à rendrela loi plus accessible et plus intelligible, de manière à en faciliter la connaissance par lescitoyens :

« en effet, l’égalité devant la loi énoncée par l’article 6 de la déclaration desdroits de l’Homme et du citoyen et " la garantie des droits " reprise par sonarticle 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pasd’une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; une telleconnaissance est en outre nécessaire à l’exercice des droits et libertés garantistant par l’article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n’a de bornesque celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel " toutce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut êtrecontraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas" ».

L’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité du droit dégagé par le Conseil constitutionneldans sa décision précitée, a valeur constitutionnelle, et en vertu du principe des lois desouveraineté,110 cet objectif s’applique à tout le territoire, y compris en Nouvelle-Calédonieet en Polynésie française. Or, dans ces collectivités, comme indiqué précédemment, l’Etata accepté de partager le domaine législatif et a transféré de plus en plus de compétencesaux autorités locales.

Ce dernier phénomène n’est pas nouveau mais il a pris une nouvelle dimension cesdernières années, ce qui explique pourquoi aujourd’hui, le droit élaboré par les autoritéslocales prédomine quantitativement le droit élaboré par le Parlement et le Gouvernementde la République Française. En conséquence, les exigences d’accessibilité et d’intelligibilité(et donc de codification) ne peuvent plus être ignorées par les assemblées locales.

Or, la connaissance et l’accès au droit dans ces deux collectivités étaient fortementmalaisés car le droit local ne bénéficiait pas des moyens techniques d’accessibilité etd’intelligibilité connus en métropole (et en premier lieu, de la codification). Cependant,conscientes de ce problème, les autorités locales de ces deux collectivités ont mis en placedes projets novateurs qui méritent d’être mieux connus.

112-2. La politique mise en place

La loi organique de 1999,111 par le 18° de son article 127, a reconnu au gouvernement deNouvelle-Calédonie la compétence de préparer « la codification des lois du pays et de laréglementation édictée par la Nouvelle-Calédonie ». La loi statutaire de 2004112 a étenducette faculté de la codification d’actes réglementaires à la Polynésie française. Quelle estalors la politique mise en place par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, enmatière de codifications d’actes locaux ?

112-21. La Polynésie françaiseL’article 102 de la loi statutaire de 2004 prévoit que toutes les matières qui sont de lacompétence de la Polynésie française relèvent de l’assemblée à l’exception de celles qui

109 Décision n° 99-421 DC, J.O.R.F. du 22 décembre 1999, p. 19041.110 Voir infra, p. 52-53.111 Loi organique n° 99-209 précitée.112 Loi organique n° 2004-192 précitée.

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sont attribuées au conseil des ministres, au sein desquelles l’article 90 de la même loi classe« la codification des réglementations et la mise à jour des codes ». La codification s’effectuedonc normalement par arrêté pris en conseil des ministres, néanmoins, l’article 92 laisseentrevoir une possibilité de délégation de cette compétence : le président ou les ministrespeuvent recevoir du conseil des ministres le pouvoir de prendre des décisions, en matièrede « codification des réglementations de la Polynésie française et [de] mise à jour annuelledes codes ». Néanmoins, un certain nombre de « codifications hybrides » existait déjàauparavant : certaines délibérations recevaient, parfois de façon impropre, le nom de code.

Selon le recensement de Monsieur Jacques BASSET, Président de la Chambreterritoriale des comptes de Polynésie française, 25 « codes » locaux seraient applicablesen Polynésie française. Cependant, dans les faits, certains de ces codes ne constituentqu’une reprise pure et simple d’un code (ou d’une partie du code) national, promulgué et/ou publié au J.O.P.F.

Selon Jean PERES, « si un sérieux effort de codification a été accompli en métropoleces dernières années, beaucoup reste à faire en Polynésie française qui ne connaît quequelques codes techniques tels que le code des impôts, le code des douanes, le code del’enregistrement, le code de l’urbanisme, le code du travail et le code de l’expropriation pourcause d’utilité publique ».113

Citons également le code de l’aménagement de la Polynésie française (2005), le codede l’environnement (2004) ou le code des impôts directs de la Polynésie française (1995)…

Le site Internet de l’Assemblée de Polynésie française,114 dans une rubrique destinéeà assurer l’accessibilité du droit, recense plusieurs codes, ci-après énumérés :

- Code de procédure civile de Polynésie française (délibération n° 2001-200 APF du 4décembre 2001 portant code de procédure civile de Polynésie française) ;

- Code des ports maritimes (délibération n° 2001-5 APF du 11 janvier 2001 portantdispositions relatives au code des ports maritimes de la Polynésie française) ;

- Code des postes et télécommunications (délibération n° 99-90 APF du 27 mai 1999portant dispositions relatives au code des postes et télécommunications en Polynésiefrançaise, J.O.P.F. n° 23 du 10 juin 1999, p. 1251) ;

- Code de déontologie des sages-femmes (délibération n° 97-109 APF du 10 juillet 1997portant code de déontologie des sages-femmes de la Polynésie française, J.O.P.F. n° 30du 24 juillet 1997, p. 1443) ;

- Code de déontologie des pharmaciens (délibération n° 97-107 APF du 10 juillet 1997portant code de déontologie des pharmaciens de la Polynésie française, J.O.P.F. n° 30 du24 juillet 1997, p. 1437) ;

- Code de déontologie des chirurgiens dentistes (délibération n° 96-116 APF du10 octobre 1996 portant code de déontologie des chirurgiens dentistes de la Polynésiefrançaise, J.O.P.F. n° 43 du 24 octobre 1996, p. 1838) ;

- Code du travail de la Polynésie française (délibérations n° 91-1 à 91-32 AT du 16janvier 1991) ;

113 Jean PERES, « Application des lois et règlements en Polynésie française », Revue Juridique Polynésienne, n° 11, 2005,p. 65.

114 Site Internet : Assemblée de Polynésie française, Rubrique : Textes, codes, disponible sur : <http://www.assemblee.pf/textes/textes.aspx?categorieId=COD> (page consultée le 25 avril 2007).

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- Code minier de la Polynésie française (délibération n° 85-1051 AT du 25 juin 1985portant code minier du territoire de la Polynésie française, J.O.P.F. n° 21 du 20 juillet 1985,p. 893) ;

- Code des marchés publics (délibération n° 84-20 du 1er mars 1984 portantapprobation du code des marchés publics de toute nature passés au nom du territoire dela Polynésie française et de ses établissements publics, J.O.P.F. n° 24 du 20 juillet 1984,p. 818) ;

- Code de la route de la Polynésie française (délibération n° 85-1050 AT du 24 juin 1985portant réglementation générale sur la police de la circulation routière, J.O.P.F. n° 24 NS du5 septembre 1985, p. 267).

Si certaines délibérations instituent des « codes », en tant qu’elles regroupent denombreuses dispositions afférentes à un même « thème », il ne peut s’agir d’authentiquesentreprises de codification, faute de procéder, au préalable, à une réflexion globalepermettant de créer un véritable corps cohérent de textes regroupant l’ensemble desdispositions d’une matière juridique.

122-22. La Nouvelle-CalédonieEn Nouvelle-Calédonie, en matière de codification, le rôle préparatoire est confié augouvernement,115 en ce qui concerne ce niveau institutionnel.116 Ce dernier a développé unedémarche légistique117 systématique, plus structurée qui permet de ne pas se limiter à l’effetd’annonce d’une délibération « portant code de » mais de réellement promouvoir la miseen cohérence d’un pan de l’ordre juridique.

Le projet central mis en place est appelé Légicalédonie.118 Directement inspiré deLégifrance, il a pour but la mise en place d’un système d’information public et global,assurant l’accès gratuit en ligne au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie, à la majeurepartie du droit consolidé et/ou codifié applicable en Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’à unesélection de jurisprudence. La démarche entreprise par la Nouvelle-Calédonie vise ainsià simplifier le quotidien des administrations, du monde judiciaire, des professionnels, desdécideurs et des citoyens, pour faciliter l’accès de tous à un droit sûr et intelligible. Ce projeta été élaboré en partenariat avec l’Etat, les juridictions installées localement et l’Universitéde la Nouvelle-Calédonie.

La mission Légicalédonie est composée d’un chef de mission (rattaché au secrétariatgénéral du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie), d’une cellule légistique pérenne dequatre personnes (placée à la direction des affaires administratives et juridiques de laNouvelle-Calédonie) et d’un informaticien (de la direction des technologies et des servicesde l’information de la Nouvelle-Calédonie). Outre des groupes de travail thématiques créésen tant que de besoin, une organisation particulière a été mise en place avec un Comité

115 Voir 18° de l’article 127 de la loi organique n° 99-209 précitée.116 A la différence des provinces et des communes, pour lesquelles aucune procédure spécifique n’est prévue.117 « La légistique est une science (science appliquée) de la législation, qui cherche à déterminer les meilleures modalitésd’élaboration, de rédaction, d’édiction et d’application des normes » Jacques CHEVALLIER, « L'évaluation législative: un enjeupolitique », in Alain DELCAMP et al., Contrôle parlementaire et évaluation , Paris, 1995, p. 15 ;

118 Les premières réalisations de ce projet peuvent d’ores et déjà être consultées sur le site Internet : Documentation juridiqueNC, disponible sur : < www.juridoc.gouv.nc> (page consultée le 25 avril 2007).

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de pilotage, pour fixer les orientations générales des travaux. La composition de ce comitéest ci-après mentionnée :

En Comité restreint : En Comité plénier :Haut-commissairePrésident du gouvernementde la Nouvelle-CalédoniePrésident duCongrèsPrésidents des trois Assemblées deprovince

Membres du Comité restreintPremierprésident et Procureur général auprèsde la Cour d’appel de NouméaPrésidentdu Tribunal administratif de Nouvelle-CalédoniePrésident de l’Université de laNouvelle-CalédonieBâtonnier de l’Ordre desavocats

Le projet a également reçu le soutien de différentes institutions et notamment :

Pour la production de la norme de droit : Pour le «projet juridico-numérique » :Secrétariat général du gouvernementMinistèrede l’Outre-merConseil d’EtatCour decassationCommission supérieure decodification

Comité de diffusion du droitDirection desJournaux officiels (équipes « Legifrance» et « Multimedia »)La Documentationfrançaise (équipe « service publiclocal »)Ministère de l’Economie et desfinances ( Direction générale de lamodernisation de l’Etat )Ministère de l’Intérieur(D.G.C.L.) mission codification et légistique)

Pour fixer le périmètre d’un code, la Nouvelle-Calédonie étudie les choix opérés dansles codes homologues, en vigueur en France métropolitaine, dans les Etats francophonesou dans les Etats voisins du Pacifique. Au vu de cette étude et après un inventairedes textes applicables (désormais facilité par la dématérialisation du J.O.N.C.), le planse construit logiquement. Les méthodes préconisées par la Commission supérieure decodification (et notamment la circulaire de 1996 et le guide de légistique pour les principeset le logiciel Magicode pour la technique matérielle) sont généralement suivies par lesacteurs de la codification en Nouvelle-Calédonie. Le logiciel de codification Magicode a,néanmoins, été profondément renové et remanié, afin de mieux correspondre aux exigencesdu droit de l’outre-mer, donnant ainsi naissance à l’outil global MagiNC. La numérotationdes articles permet de connaître leur source : la numérotation des articles issus de loisdu pays119 commencent par la mention Lp, et ceux issus de la compétence réglementairedu Congrès de Nouvelle-Calédonie par la mention R120 (même si cela peut créer desconfusions avec la mention correspondant aux décrets en Conseil d’Etat métropolitains).La codification se réalise à droit constant « intelligent », acceptant, de façon générale,les mêmes exceptions qu’en métropole (substitution des mots ou des concepts désuets,cohérence rédactionnelle…).

Par ailleurs, des réflexions se font jour aujourd’hui pour construire un recueilcomplet d’une matière réunissant, par exemple, une délibération d’une des provinces,une délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie et un extrait des articles du codemétropolitain en vigueur en Nouvelle-Calédonie, permettant ainsi d’avoir une vision

119 Voir supra, p. 40-42.120 Arrêté n° 2000-1595/GNC du 24 août 2000 relatif à l’application d’une signalétique commune en matière de codification,

J.O.N.C. du 5 septembre 2000, p. 4675.

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exhaustive du droit applicable dans une matière donnée. Ce travail relève plus d’un recueilque d’une réelle codification, mais il améliore substantivement l’accessibilité et l’intelligibilitédu droit applicable.

Ainsi, par la conjonction de nombreux facteurs (la création des lois de pays, ladémultiplication des autorités (Etat, Nouvelle-Calédonie et Provinces)…), il est apparunécessaire de reconnaître un partage de la mission de codification entre l’Etat et lescollectivités publiques de la Nouvelle-Calédonie. Dans les années à venir, ces réflexionspourraient être étendues à d’autres collectivités d’outre-mer, voire aux pays francophones.Il est également fort probable qu’un jour, en métropole, si les transferts de compétencesvers les autorités décentralisées continuent à s’accélérer, que le problème de l’accès audroit territorial soit posé de façon explicite. Dans cette hypothèse, l’outre-mer aura, encoreune fois, joué son rôle de laboratoire juridique.

1.2. Le droit de l’outre-mer :une matière difficile mais essentielle à codifier

Qu’ils soient élaborés au niveau national ou de façon décentralisée, les textesspécifiques à l’outre-mer ont connu une histoire mouvementée et présentent aujourd’huides caractéristiques notables qui contribuent tout à la fois, à plaider pour l’intérêt deleur codification, et à complexifier (et donc à retarder) cette entreprise. Actuellement, « ilfaut souvent partir à la recherche de textes épars pour disposer de l’ensemble de laréglementation applicable »121 outre-mer. Cette difficulté « explique d’ailleurs l’effort decodification qui s’est fait jour ça et là ».122 On pourrait résumer ce propos sous la formed’un cercle vicieux : plus un droit est complexe, plus une codification est utile, mais plusun droit est complexe, plus cette codification est difficile à mettre en œuvre et risque doncd’être abandonnée.

Ainsi, outre-mer, l’utilité de la codification est à la mesure de la difficulté à cerner quellessont les normes applicables dans « la confusion, voire l’anarchie actuelle ».123

Ainsi, l’examen de quelques difficultés du droit de l’outre-mer (1.2.1.) permettra demieux comprendre l’intérêt de sa codification (1.2.2.).

1.2.1. Les caractéristiques du droit de l’outre-mer compliquent sacodification

Le préalable à toute codification consiste en « un recensement systématique de tous lestextes en vigueur dans une matière. C’est l’une des parties les plus difficiles de la codificationcar l’on a souvent du mal à distinguer ce qui est en vigueur et ce qui ne l’est pas ».124 Il fautprécisément « identifier parmi la succession de textes ceux qui sont abrogés et ceux qui

121 Jean-Yves FABERON (dir.), Le régime législatif de la Nouvelle-Calédonie, Dalloz, 1994. p. 88.122 Ibidem.123 Ibidem, p. 100.

124 Guy BRAIBANT, « La problématique de la codification », R.F.A.P., n° 82, avril-juin 1997, p. 165-176.

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s’appliquent ».125 Or, les caractéristiques du droit de l’outre-mer compliquent ces opérationsde recherche du droit applicable : en effet, outre-mer, « il est parfois très difficile de savoirquel est le droit applicable ».126 Dans certaines matières, par exemple, personne ne saittrès bien quels sont les textes applicables. Le travail de codification achoppe donc sur deuxpremières difficultés : il s’agit de trouver les normes potentiellement applicables (121-11)pour ensuite vérifier, plus précisément leur applicabilité (121-12).

« Les parties des codes relatives aux territoires d’Outre-Mer (…) causent quelquessoucis parce que dans l’état actuel des textes et de la jurisprudence du Conseil d’Etat, ilest extrêmement difficile de savoir si une loi ou un règlement sont applicables dans cesterritoires ».127 Dans une réflexion aisément extensible à l’ensemble de l’outre-mer, RémyCABRILLAC et Jean-Baptiste SEUBE128 utilisent une métaphore locale pour expliquer lacomplexité du droit applicable à Mayotte, ce droit « constitue aujourd’hui un maquis danslequel il est aussi difficile de se repérer que dans la végétation luxuriante qui couvre lespentes du mont Choungui dominant l’île ».

121-1. Les difficultés liées au recensement des textes

121-11. L’inventaire du droit applicableLa première difficulté concerne l’accès au droit, puisque les dispositions applicables dansles collectivités d’outre-mer sont souvent issues de textes anciens, désuets voire obsolètes.Le droit en matière de police des étrangers dans les collectivités d’outre-mer a, par exemple,longtemps été défini par des textes de 1849, avant d’être réformé en 2000.129

Or, plus un texte est ancien, plus son accès est difficile. Les dispositions édictées avant1945 sont très délicates à retrouver, surtout si elles ne sont plus en vigueur que pour lesseules collectivités d’outre-mer.

Cette difficulté liée à l’ancienneté des textes concerne également les départements etrégions d’outre-mer, puisque avant la loi de départementalisation, avant 1946, les actuelsD.R.O.M. étaient soumis au régime de la spécialité législative : l’adoption de dispositionsexpresses d’extension était alors nécessaire. Le passage au régime de l’identité législativen’a pas été prolongé par une portée rétroactive de ses effets. L’ancien principe de laspécialité continue donc à s’appliquer pour les textes antérieurs à 1946.

En conséquence, le droit de l’outre-mer est difficilement « repérable » à premièrevue. Pour trouver le bon texte, celui qui va s’appliquer, il faut souvent de longues heuresde recherche dans les Journaux officiels. Ainsi, « p our dégager la version applicableaujourd’hui d’une norme à partir du maquis de textes successivement édictés par des

125 Sophie LAMOUREUX, « La codification ou la démocratisation du droit », R.F.D.C., n° 48, 2001, p. 802.126 Alain VIDALIES, Rapport n° 1917, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administrationgénérale de la République, sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de lapartie législative de certains codes, Document de l’A.N. (1999-2000), p. 13, voir annexe n° 2 (page 120).

127 Guy BRAIBANT, « La Commission supérieure de codification », in Bernard BEIGNIER, La codification, Dalloz, 1996, p. 102.128 Rémi CABRILLAC et Jean-Baptiste SEUBE, « Pitié pour le code civil, à propos de l’ordonnance n° 2002-1476 du 19

décembre 2002 », Recueil Dalloz 2003, n° 16, p. 1058.129 Exemple cité par Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », op. cit., p. 127.

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institutions différentes, les juristes triturant le droit de l’outre-mer ont l’habitude du parcoursdu combattant ».130

Dans certaines matières, il peut même exister des « vides » juridiques : certainspoints d’application du droit ne sont clarifiés ni par les textes législatifs ou réglementairesapplicables outre-mer, ni par la jurisprudence qui reste peu abondante localement (du faitde la faiblesse relative de la population).

Il apparaît, néanmoins, que le droit ne peut pas et ne doit pas régler toutes lessituations : l’outre-mer n’a pas, de toute évidence, les mêmes besoins législatifs etréglementaires « qu’un pays de plusieurs millions d’habitants. Instituer trop de contraintesnuirait à la fois à la liberté des citoyens et au développement économique ».131

121-12. L’incertitude sur l’application des textes pour les collectivitéssoumis au principe de la spécialité législativeIl faut évoquer, en premier lieu, les difficultés provoquées par les mesures de promulgationet/ou de publicité locales : en effet, sous l’empire de certains statuts et pour certainescollectivités,132 les lois et règlements n’étaient applicables, une fois les formalités deconsultation réalisées, que sur mention expresse et après promulgation du texte par lereprésentant de l’Etat dans la collectivité et/ou publication au Journal officiel local. Cetteprocédure peut entraîner une difficulté réelle pour retrouver trace de l’acte de publicationlocale de textes expressément rendus applicables, dès lors qu’il est parfois omis de procéderà cette publication. Ainsi, certains textes expressément rendus applicables par le législateurmétropolitain ne sont pas applicables localement ! Cette difficulté tend à devenir moinsprégnante, des mesures balais ayant rattrapé le retard.

Mais plus fondamentalement et plus fréquemment, ce sont les incertitudes autour duprincipe de la spécialité législative qui peuvent mettre en péril le travail du codificateur :en effet, le principe de la spécialité législative selon lequel l’application d’un texte estsubordonnée à la présence d’une mention expresse, connaît certaines exceptions, sourcesdes principales difficultés du droit de l’outre-mer.

Il existe, en effet, des lois ou des décrets qui vont être automatiquement applicables auxcollectivités soumises au principe de spécialité, même en l’absence de mention expresse.Deux types d’exceptions peuvent être ainsi énumérés : les lois de souveraineté et les loisapplicables de plein droit, suite à une intervention législative.

Lois de souveraineté :« En l’absence de texte d’extension ultérieur, nous devons nous interroger pour savoir

si nous sommes en présence d’une loi de souveraineté ».133 L’analyse de cette notion de lois

130 Anne GRAS, « L’accès au droit en Nouvelle-Calédonie », Revue Juridique, Economique et Politique de Nouvelle-Calédonie,n° 9, 2007-1.

131 Gérard ORFILA, « L’inventaire du droit de l’outre-mer, l’expérience calédonienne », in Jean-Yves FABERON (dir.), Le régimelégislatif de la Nouvelle-Calédonie, Dalloz, 1994, p. 49.132 Supprimée à Saint-Pierre-et-Miquelon en 1976, à Mayotte en 1981, en Nouvelle-Calédonie en 1985 et en Polynésie française en2004, l’exigence d’une publication locale des lois et règlements édictés par le pouvoir central ne subsiste plus aujourd’hui que pourune seule collectivité : les îles Wallis-et-Futuna.

133 Sabine SAILLET, « L’application des normes » in Jean-Yves FABERON (dir.), Le régime législatif de la Nouvelle-Calédonie,Paris, Dalloz, 1994, p. 91.

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de souveraineté, bien qu’abrupte à première vue, est essentielle s’agissant de la codificationdu droit de l’outre-mer, car c’est essentiellement ce type de lois qui est codifié.134

Les lois de souveraineté se définissent facilement par leur principe, mais il est trèsdélicat d’apprécier leur contenu exact. Les lois de souveraineté sont des lois qui, euégard à leur objet, sont naturellement destinées à l’ensemble du territoire, quelque soitses particularités. Ainsi, les lois de souveraineté constituent une exception au principe despécialité régissant les collectivités d’outre-mer, en tant qu’elles n’ont pas besoin de recevoirune mention expresse d’applicabilité pour prendre effet localement.

A l’origine, la définition globale des lois de souveraineté apparaissait délicate du faitdu caractère jurisprudentiel de cette notion. En 1988, une circulaire du Premier ministre135

avait tenté un premier recensement des catégories de lois de souveraineté ; depuis, destextes statutaires relatifs à certaines collectivités ont fixé la liste de ces lois de souveraineté.Cependant, ces définitions diffèrent suivant les statuts, et ne coïncident pas toujours avec lesconceptions jurisprudentielles. En effet, si la loi organique du 27 février 2004136 a énuméré,dans son article 7, les matières qui sont applicables sans mention expresse (principe deslois de souveraineté), le Conseil constitutionnel a émis une réserve, en précisant quecette énumération « ne saurait être entendue comme excluant les autres textes qui, enraison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l’ensemble du territoire de laRépublique ».137

Sont généralement classées parmi les lois de souveraineté, les lois qui organisentles pouvoirs publics, qui sont par nature communs à la métropole et à l’outre-mer : laConstitution (le principe de son applicabilité de plein droit a été posé par la jurisprudence dès1864 pour le Conseil d’Etat138), les règles de valeur constitutionnelle, les lois organiques, lesrègles relatives aux institutions nationales (Gouvernement, Parlement, Conseil économiqueet social), aux plus hautes juridictions (Conseil d’Etat, Cour de cassation, Tribunal desconflits) mais aussi aux établissements publics nationaux et aux entreprises nationales. Fontégalement partie des lois de souveraineté les textes constituant le statut des personnels(fonctionnaires, militaires de fonction…) ou les textes relatifs au domaine public del’Etat. En revanche, des doutes subsistent sur les conventions internationales ou sur lesrègles relatives à la Cour des comptes ou à l’organisation et la procédure judiciaires ouadministratives.

Pour accepter l’existence d’une loi de souveraineté, le juge peut analyser l’intentiondu législateur (qui, la plupart du temps, n’existe pas) : est-ce que celui-ci a voulu légiférerpar voie générale aussi bien pour la métropole que pour l’outre-mer ? Le codificateur peutpoursuivre le même raisonnement. C’est ainsi que le codificateur doit, en quelque sorte,anticiper le comportement du juge ; ce travail est ainsi pour le moins complexe et incertain.

134 Ce paragraphe vise à analyser succinctement cette notion, pour mieux comprendre la difficulté de son appréhensionpour le codificateur. Pour une étude plus approfondie, voir Edwin MATUTANO, « Actualité d’une notion en mutation : “les lois desouveraineté”», R.F.D.C., n° 63, 2005, p. 517-537 ; Sylvie BONAN, « Les lois dites de “souveraineté” outre-mer », R.F.D.A., n° 12,novembre-décembre 1996, p. 1232-1238 ; Gérard ORFILA, Régime législatif, réglementaire et coutumier de la Nouvelle-Calédonie,L’Harmattan, p. 67-76.

135 Circulaire du 21 avril 1988 relative à l'applicabilité des textes législatifs et réglementaires outre-mer, à la consultation desassemblées locales de l'outre-mer et au contreseing des ministres chargés des D.O.M.-T.O.M., J.O.R.F. du 24 avril 1988, p. 5456.

136 Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, précitée.137 Décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, précitée.138 Conseil d’Etat, 21 mai 1864, Rec. p. 164.

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Lois applicables de plein droit suite à une intervention législative :

Le seul exemple connu est celui de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970139 dont l’article3 dispose : « Les dispositions législatives relatives aux matières mentionnées à l’article

1 er ci-dessus [état et capacité des personnes, régimes matrimoniaux, successions etlibéralités] et postérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi ainsi que les dispositionspénales qui s’y rapportent, seront applicables de plein droit dans les territoires d’outre-mer,sauf les exceptions déterminées par la loi ». Cet article qui consiste à disposer pour l’avenirest critiquable et la doctrine n’a pas manqué de le critiquer. Toutefois, le Conseil d’Etat l’atoujours appliqué et rappelé à l’occasion de l’applicabilité de certaines dispositions du codede l’action sociale et des familles, en considérant qu’elles étaient applicables de plein droit,dès lors qu’elles concernaient l’état et la capacité des personnes.

En réalité, la frontière est ténue, puisque les matières sont définies de manièrerelativement imprécise. Les incertitudes sur l’applicabilité d’une législation sont fréquentes.C’est ainsi, par exemple, dans un rapport140 sur l’application de la loi relative au pacte civilde solidarité (PACS), deux parlementaires, après avoir précisé que seules deux dispositionsconcernant l’une la définition du concubinage, l’autre le statut des fonctionnaires étaientapplicables de plein droit dans les territoires d’outre-mer, regrettent qu’une loi de cette naturene soit pas appliquée de façon égale sur l’ensemble du territoire de la République. En effet,même si le PACS a une nature contractuelle, il a dans les faits trait aux droits de la personne.

121-2. Les difficultés de l’actualisationLe témoignage de Sabine SAILLET, alors juge au tribunal de première instance de Nouméa,explicite bien le problème de l’actualisation du droit de l’outre-mer : « Le juge, bien sûr en toutpremier lieu, va consulter le journal officiel. S’il y trouve la mention expresse d’applicabilité,il n’y aura pas de difficulté. Mais en l’absence de cette mention, cela ne signifie pas quela loi n’est pas applicable : le juge doit se poser le problème de l’extension par un texteultérieur. L’absence de codification (…) donne la mesure de notre difficulté ».141 Le jugeadministratif ou le codificateur doivent faire face au même problème. Mais plus largement,ce sont l’ensemble des administrateurs, des acteurs économiques et des citoyens qui seretrouvent pénalisés par ces incertitudes autour du droit en vigueur.

121-21. L’évolution de la législationLes exigences d’une société de plus en plus technique et complexe ont nécessité uneintervention croissante de la règle de droit pour régler des situations nouvelles. Néanmoins,l’inflation normative caractéristique des cinquante dernières années, a engendré unecomplexité et une instabilité croissantes qui ont finalement contribué à dévaloriser la règlede droit. Ce phénomène et ses dommageables conséquences sont démultipliés outre-mer.

139 Loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d’outre-mer, J.O.R.F. du 10 juillet1970, p. 6459.

140 Patrick BLOCHE et Jean-Pierre MICHEL, Rapport d’information n° 3383 déposé par la commission des affaires culturelles,familiales et sociales et la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, surl’application de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, Document A.N., 13 novembre 2001, p. 23-24.141 Sabine SAILLET, « L’application des normes » in Jean-Yves FABERON (dir.), Le régime législatif de la Nouvelle-Calédonie,Dalloz, 1994, p. 91.

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Première partie : La codification, vue à travers le prisme du droit de l'outre-mer

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L’élaboration d’une nouvelle législation se fait de plus en plus vite, parfois pour répondreà un simple mouvement d’opinion, dès lors, la réflexion sur l’applicabilité du texte à l’outre-mer trouve rarement sa place.

Les rédacteurs juridiques ne sont peut-être pas toujours sensibilisés (le souhaitent-ilsd’ailleurs ?) à « la situation des terres françaises situées outre-mer [où] loin d’un discoursmétropolitain sur l’égalité si convenu, se sont développés des principes, des procédures etdes pratiques qui s’insèrent difficilement dans la vulgate égalitariste ».142

Ainsi, à cause de ce manque de connaissance, le législateur et les administrationscentrales ont très largement méconnu les principes mêmes de la détermination du droitapplicable outre-mer, ce qui a engendré des erreurs, des oublis et des situations trèsconfuses.143 « Certaines dispositions du droit commun, introduites depuis longtemps dansla législation coloniale, n’ont pas été mises à jour des réformes intervenues par la suite ».144

La première difficulté concerne les modifications de lois applicables. En effet,l’obligation de mention expresse d’applicabilité vaut également pour toutes les modificationsde dispositions précédemment rendues applicables. Toute nouvelle avancée législative doitdonc expressément être introduite, même lorsqu’elle porte sur une législation déjà étendue(Conseil d’État, Assemblée, 9 février 1990, « Elections municipales de Lifou »145).

Même cas de figure pour les abrogations de textes : à défaut de mention expressed’abrogation pour les collectivités d’outre-mer, le texte reste applicable, ce qui peutprovoquer des situations juridiques parfois imprévues. Certains textes abrogés en métropolesont maintenus en vigueur outre-mer car le texte abrogatif ne contient pas (par erreur ounon) de mention expresse d’applicabilité. Ainsi, le code d’instruction criminelle, qui a étéabrogé en métropole en 1957 est resté en vigueur en Nouvelle-Calédonie jusqu’en 1984,année où il a été remplacé par le code de procédure pénale. En matière de procédurepénale, la Nouvelle-Calédonie a longtemps été régie par ce qui est devenu en métropole« l’ancien code de procédure pénale ».

Cette obligation de prévoir la mention expresse d’applicabilité même pour desabrogations ou des modifications de textes applicables a souvent été négligée parle législateur. Cela contribue à la création de nombreux vides juridiques, auxquels lecodificateur doit faire face.

Une difficulté similaire impacte les départements et régions d’outre-mer soumis auprincipe de l’identité législative : elle concerne les lois qui modifient, sans prévoir de dispositifd’inapplicabilité, une loi antérieure qui était expressément inapplicable aux D.R.O.M. Deuxinterprétations sont possibles : il peut être considéré que sans mention contraire et en vertudu principe de l’identité législative, la loi nouvelle est automatiquement applicable et metdonc fin au régime de droit local, ou à l’inverse, que l’absence de mention expresse n’estqu’une pure omission et que la nouvelle loi doit être déclarée inapplicable dès lors qu’ellefait que modifier une ancienne loi inapplicable.

142 Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », op. cit. , p. 109-110.143 Peut être ici citée la difficulté liée à l’exigence de recourir, dans certains domaines, à la loi organique. En effet, les articles

73, 74 et 77 de la Constitution fixent un domaine d’intervention de la loi organique, afin de protéger les compétences des assembléeslocales et d’assurer une stricte interprétation des dispositions constitutionnelles applicables à l’outre-mer, voir infra, p. 57.

144 Jacques LARRIEU, « Dispositions relatives à l’outre-mer », Droit et patrimoine, n° 95, juillet 2001, p. 94.145 Rec. p. 28.

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La jurisprudence a choisi une solution intermédiaire, en distinguant les textesmodificatifs et les textes novatoires. Les premiers sont inapplicables aux D.R.O.M., mêmeen l’absence de mention expresse dès lors qu’ils se limitent à des modifications partiellesde textes antérieurs inapplicables ; les seconds, en revanche, sont automatiquementapplicables aux D.R.O.M. puisqu’ils « renouvellent substantiellement la matière ».146

Par ailleurs, le codificateur doit combler de nombreuses autres difficultés.

121-22. Les autres difficultésAbsence de structures locales idoines :

Dans certains domaines, alors que la loi nationale dispose de la mention expresse etqu’elle a fait l’objet des procédures de publicité idoines, elle demeure inappliquée du fait del’absence de structures locales permettant la mise en œuvre de cette législation. Tel était

le cas, par exemple, de la législation sur les droits d’auteurs. La loi n° 92-597 du 1er juillet1992 relative au code de la propriété intellectuelle147 a été dans sa quasi intégralité étendueà la Nouvelle-Calédonie. Or cette loi se trouvait limitée dans son application, dans la mesureoù il n’existait pas de structure locale de défense des droits d’auteurs telle la S.A.C.E.M.

De même, certaines collectivités restant relativement peu peuplées, il est parfoisdifficile, pour les autorités locales, d’installer des structures ad hoc, sur le modèle de cellesmises en place dans les régions ou les départements métropolitains. La collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon et ses 6000 habitants est la plus touchée par cette difficulté.

Le codificateur, en intervenant a posteriori, peut parfois hésiter à codifier desdispositions qui ne sont pas appliquées outre-mer, faute de structures locales.

Absence de décret d’application :De même, parfois, il existe des incertitudes autour d’une loi dont l’application est

subordonnée à la publication d’un décret d’application qui n’a jamais été publié. La loi sesuffit-elle à elle-même ou est-elle inapplicable sans ce complément ?

Evolution des statuts :Selon le principe de la permanence législative, tout texte adopté par une autorité

compétente dans le cadre d’un ancien statut reste applicable sous l’empire d’un nouveaustatut (modifiant la répartition des compétences entre l’Etat et les autorités du territoire) tantque l’autorité nouvellement compétente n’a pas expressément abrogé ledit texte.

Dans le cadre d’un transfert de domaine de compétence de l’Etat vers une collectivitéd’outre-mer, les anciennes lois métropolitaines régissant ce domaine restent applicablesmais elles ne peuvent être abrogées que par l’autorité locale nouvellement compétente, etpar elle seule. En conséquence, certaines matières relevant, au regard du statut actuel,de la compétence des autorités territoriales peuvent contenir des dispositions prises parl’Etat anciennement compétent. Des lois métropolitaines survivent ainsi après un transfertde compétence, parfois alors même qu’elles ont été abrogées en métropole.

Les zones de frottement entre les compétences étatiques et les compétences locales :Il s’agit, certainement, de la plus grande difficulté de la codification du droit de l’outre-

mer. En effet, les lois statutaires ont opéré une répartition ratione materiae entre les146 Jean-Claude DOUENCE, « Le régime constitutionnel des départements et régions d’outre-mer », Répertoire Collectivités

locales, Dalloz, Fascicule 1908-1, 2003, p. 14.147 J.O.R.F. du 3 juillet 1992, p. 8801.

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compétences de l’Etat et celles des assemblées locales, cependant, la réalité est souventbien plus complexe : ainsi, il existe nécessairement des zones de frottement entre deuxmatières, qui créent des incertitudes autour de l’autorité habilitée à intervenir. Ces situationssont d’autant plus difficiles qu’elles font l’objet d’enjeux d’appropriation très forts : lesautorités locales sont, en particulier, très sensibles à tout empiétement sur leur domainede compétence. « Un texte relatif [à] la santé publique (et trouvant naturellement saplace dans le code du même nom) ne pourra être étendu en Nouvelle-Calédonie ou enPolynésie française – qui exercent la compétence correspondante – que dans ses aspectstouchant à l’état des personnes ou aux libertés publiques »,148 compétences qui demeurentétatiques.149

Les incertitudes sur la catégorie juridique de la norme à codifier :Le codificateur peut parfois procéder à des reclassements : le codificateur change

alors la catégorie juridique à laquelle appartient le texte, afin de respecter la hiérarchie desnormes. Outre-mer, les reclassements sont fréquents (notamment du fait de l’anciennetédes textes et de la forte évolutivité des statuts), mais ils sont aussi plus délicats.

- Répartition entre la loi organique et la loi ordinaireLes articles 74 et 77 de la Constitution prévoient le recours obligatoire à la loi

organique, dans un certain nombre d’hypothèses, notamment pour définir l’organisationinstitutionnelle, la répartition des compétences ou le régime législatif des collectivitésd’outre-mer concernées. Cette exigence constitutionnelle permet une plus grande sécuritéjuridique, en tant qu’elle évite « les incursions subreptices d’un législateur parfois enclin àdes évolutions mal contrôlées ».150 Cependant, faire le départ entre le domaine de la loiorganique et celui de la loi ordinaire n’est pas toujours chose aisée.

- Répartition entre le domaine législatif et le domaine réglementaireLa délimitation stricte du domaine de la loi et du règlement est une innovation de la

Constitution de 1958. Les textes antérieurs doivent donc être actualisés, en fonction dece nouveau contexte. Outre-mer, eu égard à la diversité des sources juridiques : décrets-lois, décrets du Président de la République, actes de gouverneurs locaux…, distinguer lesdispositions législatives des dispositions réglementaires est une opération très compliquée.

Pour conclure, il convient de donner la parole aux professionnels, au travers dequelques témoignages qui résume bien l’esprit des difficultés du droit de l’outre-mer :

Pour François GARDE,« Déterminer le droit applicable, c’est d’abord fouiller le maquis juridique destextes sédimentés, retrouver le texte d’extension, veiller aux revirements de jurisprudence du Conseil d’Etat sur l’applicabilité outre-mer. (…) Au terme decette enquête, (…) le praticien du droit (…) n’aura franchi qu’une première étape.Il lui faudra également vérifier qu’aucun des éléments de son corpus n’a étéannulé par la juridiction administrative. Ainsi éclairé, il devra déterminer si lacompétence en cause – au départ toujours compétence de l’Etat – n’a pas ététransférée, par un texte statutaire ou particulier, à une collectivité et, si oui, à

148 Stéphane DIÉMERT, « L’évolution de la fonction législative outre-mer ou comment on légifère pour l’outre-mer », Revuejuridique et politique, n° 1, 2006, p. 15.

149 Il faut remarquer la grande transversalité de ces matières étatiques, source de nombreuses difficultés.150 Stéphane DIÉMERT, op. cit., p. 27.

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laquelle. Si ce transfert a eu lieu, (…) reste à savoir quel usage la collectivité ena fait. Si elle s’est abstenue, le texte d’Etat reste applicable. Si elle l’a modifiépar délibération, le jeu de piste recommence en droit local. Pour la Nouvelle-Calédonie, qui a le double privilège d’avoir la plus grande instabilité statutaire ettrois niveaux de collectivités, même le spécialiste le mieux averti s’y perd ». 151

Dans sa collaboration,152 Gérard ORFILA établit une typologie des lacunes et desinsuffisances du système d’application de la loi en Nouvelle-Calédonie : selon lui, entreles textes rendus applicables, mais non publiés au Journal officiel local ; les lois renduesapplicables et publiées, mais sans les décrets d’application ; les textes modifiés, lamodification n’ayant pas été rendue applicable alors que le texte initial l’était ; les textesanciens demeurés applicables et les lois applicables mais sans mention d’applicabilité (loisde souveraineté), le droit de l’outre-mer cumule les difficultés en terme de lisibilité.

Dans son témoignage, Gérard SÉNÉCHAL, alors Président du tribunal mixte decommerce de Nouméa,153 identifie quatre difficultés « fréquentes et significatives » :

- l’éparpillement de la norme applicable qui implique une incertitude sur laréglementation en vigueur ;

- le caractère spécifique, pour un territoire, d’un certain nombre de règles ;- les vides juridiques (absence de règles applicables) ;- les problèmes liés à l’applicabilité de la norme (absence de publicité…).Cette situation d’un droit de l’outre-mer empreint de nombreuses incertitudes explique

la conclusion de Gérard ORFILA154 :« Au-delà de l’inventaire, l’actuelle codification du droit français peut égalementêtre conçue pour améliorer le régime législatif de la Nouvelle-Calédonie, etce à partir du principe de la spécialité législative. Chaque code applicable enNouvelle-Calédonie pourrait contenir des dispositions mentionnant l’applicabilitéd’un certain nombre d’articles, ces dispositions pouvant faire l’objet d’une miseà jour régulière. Il serait alors facile de connaître le droit codifié applicable enNouvelle-Calédonie ».

1.2.2. L’intérêt renouvelé de la codification, pour le droit de l’outre-mer

Il est intéressant de constater que la problématique de la codification, comme celle du droit

de l’outre-mer, qui se sont éclipsées tout au long de la Vème République, ont connu unremarquable regain d’intérêt à partir de la même époque : la fin des années 1980, pourensuite devenir une préoccupation majeure de tous les gouvernements.

151 François GARDE, « Le respect des normes : les juges » in Jean-Yves FABERON, La nouvelle donne institutionnelle, p.

154.152 Gérard ORFILA, « L’inventaire du droit de l’outre-mer : l’expérience calédonienne », in Jean-Yves FABERON (dir.), Le régimelégislatif de la Nouvelle-Calédonie, Dalloz, 1994, p. 49.

153 Jean-Yves FABERON (dir.), Le régime législatif de la Nouvelle-Calédonie, Dalloz, 1994, p. 88-90.154 Gérard ORFILA, op. cit., p. 52. Il faut remarquer que cette conclusion a été rédigée à une époque où la codification du

droit de l’outre-mer n’en était qu’à ses balbutiements.

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Pour que l’intérêt d’une codification du droit de l’outre-mer (122-2) apparaisseclairement aux yeux des gouvernants, il a fallu attendre que le droit de l’outre-mer reçoiveune meilleure reconnaissance (122-1). En effet, « les œuvres législatives les plus génialesn’ont aucune chance de succès si elles ne sont soutenues par un pouvoir politique qui veilleà les faire aboutir ».155

122-1. Une meilleure (re)connaissance de l’outre-mer

122-11. Une réelle volontéPendant longtemps, le législateur et les administrations centrales ont très largementméconnu les principes mêmes de la détermination du droit applicable outre-mer, ce qui aengendré des situations très confuses.

Le texte fondateur de la reconnaissance de l’importance du droit de l’outre-mer est lacirculaire du Premier ministre du 21 avril 1988156 qui vise à « sensibiliser les administrationsà la prise en compte de l’outre-mer dans l’élaboration de leur politique et dans la rédactiondes textes. Il est encore trop souvent constaté que cette préoccupation est tardive, voireabsente , et conduit, uniquement pour des raisons de calendrier ou de procédure, à différerl’application de certains textes outre-mer et, par conséquent, à accentuer des différencesnon justifiées entre la métropole et les D.O.M.-T.O.M. ».

A des fins pédagogiques, cette circulaire rappelle « à l’intention des ministèresintéressés, les règles de base et les textes de référence relatifs :

1. aux conditions dans lesquelles une législation ou une réglementation peut êtreapplicable à l’outre-mer français ;

2. à la consultation (obligatoire ou non) des assemblées locales sur des projets de loiou de décret ;

3. au contreseing du ou des ministres chargés des D.O.M.-T.O.M. ».

Une autre circulaire du Premier ministre en date du 15 juin 1990,157 appelle à« associer suffisamment tôt le ministère des départements et territoires d’outre-mer auxtravaux préparatoires des textes pour qu’il puisse apprécier, en droit et en opportunité,leur applicabilité aux territoires d’outre-mer ». D ans chaque projet de loi en discussion auParlement, les dispositions d’extension et d’adaptation à l’outre-mer doivent être réfléchies,cette discipline devant ainsi permettre aux parlementaires de mesurer pleinement la portéede l’extension outre-mer. Ce même texte note « l’importance de la coordination de l’actiondu Gouvernement à l’égard de l’outre-mer, dans tous les domaines et, en particulier, danscelui de l’élaboration des textes législatifs et réglementaires », et complète l’information desadministrations sur les évolutions jurisprudentielles intervenues depuis la circulaire de 1988(précisant notamment la portée du principe de spécialité législative).

155 Jean FOYER, « Rapport de synthèse » in Le nouveau code de procédure civile : vingt ans après, La Documentationfrançaise, 1998, p. 331.

156 Circulaire du 21 avril 1988 relative à l'applicabilité des textes législatifs et réglementaires outre-mer, à la consultation desassemblées locales de l'outre-mer et au contreseing des ministres chargés des D.O.M.-T.O.M., J.O.R.F. du 24 avril 1988, p. 5454-5462.

157 Circulaire du 15 juin 1990 relative à l’application des textes législatifs et réglementaires outre-mer, J.O.R.F. du 31 juillet1990, p. 9209.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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La circulaire du 21 novembre 1995158 relative aux études d’impact devant accompagnerles projets de loi approfondit cette démarche d’attention croissante au droit de l’outre-mer : les études d’impact doivent désormais obligatoirement comporter « les raisons pourlesquelles le texte est ou non rendu applicable aux départements ou aux territoires d’outre-mer et, en cas d’applicabilité, les conditions de celle-ci (adaptation, respect des procéduresconsultatives, etc...) ».

122-12. Toujours de nombreuses difficultésSi l’ignorance est moindre depuis quelques années, l’urgence et toutes sortes d’autrescontingences impliquent que les problèmes de l’outre-mer n’éveillent pas encore un intérêtmajeur. Il faut dire que l’élaboration du droit de l’outre-mer est particulièrement délicate.En effet, pour pouvoir rédiger des mesures d’adaptation (pour les collectivités régies parle principe de l’identité législative) ou des dispositions spécifiques d’applicabilité (pourcelles régies par le principe de la spécialité législative), il est souvent nécessaire dansun premier temps d’interroger, de façon plus ou moins informelle, les représentants del’Etat dans les collectivités et les autorités locales concernés voire parfois les organisationsprofessionnelles ; d’élaborer ensuite un dispositif qui respecte les principes des statutsde chaque collectivité pour enfin saisir officiellement la collectivité concernée.159 Ce travailprend du temps car ce schéma doit être mené individuellement pour chaque collectivitépuisque chacune d’entre elles a des spécificités contextuelles et juridiques qui excluent touttraitement global.

Or, le temps manque souvent : les services du ministère de l’outre-mer ne sont pastoujours saisis assez tôt (la compétence transversale du ministère n’est pas d’ailleurs denature à simplifier le travail), dans de nombreux cas, la réforme de droit commun nepeut pas être retardée de quelques semaines uniquement pour prévoir le dispositif spéciald’application à l’outre-mer, dont la vocation se limite à quelques cas particuliers. Enfin,la complexité du droit de l’outre-mer interdit toute approximation hasardeuse de dernièreminute. En conséquence, il est fréquent que le législateur, ne maîtrisant pas toutes lessubtilités de cette entreprise, préfère ne pas prévoir de mentions d’applicabilité quandbien même, il apparaît que le texte a naturellement vocation à être applicable dans cescollectivités.

Le « particularisme des procédures conditionnant l’application du droit à l’outre-merconduit fréquemment, dès lors que des adaptations se révèlent nécessaires, à différerpour les collectivités régies par le principe de spécialité législative, l’entrée en vigueurdes actualisations ».160Aussi, jusqu’à une époque récente et pour pallier les difficultés quepouvait présenter le vide juridique ainsi créé, le législateur procédait périodiquement (deuxou trois fois par an) à une étude globale sur l’extension outre-mer des lois récemmentvotées. Surnommées lois balais, ces lois portant diverses dispositions relatives à l’outre-merressemblaient fort à un inventaire à la Prévert.161 Mais l’encombrement de l’ordre du jour

158 Circulaire du 21 novembre 1995 relative à l’expérimentation d’une étude d’impact accompagnant les projets de loi et de

décret en Conseil d’Etat, J.O.R.F. du 1er décembre 1995, p. 17566.159 Sur le régime des consultations, voir infra, p. 100-101.

160 Jean-Marie GIRAULT, Rapport sur le projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation de la législation enmatière pénale applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte, Sénat, 1997-1998, n° 264, non numéroté.

161 Jean PERES, « Application des lois et règlements en Polynésie française », Revue Juridique Polynésienne, n° 11, 2005,p. 38.

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parlementaire et l’ampleur du rattrapage législatif nécessaire ne permettaient pas toujoursde faire adopter ces lois balais dans un délai raisonnable. Le recours aux ordonnances sur lefondement de l’article 38 de la Constitution, plus simple et plus rapide que celui à la loi balai,s’est donc multiplié. Eu égard à ses nobles objectifs, ce recours aux ordonnances (même s’ilconstitue, pour certains, une « banalisation périlleuse »162) a été progressivement accepté,non sans regrets : « Force est de constater que les projets de texte incluant d’emblée lesmesures nécessaires à leur extension ou à leur mise en œuvre outre-mer ne sont pas légionet si l’on dénote quelques menus progrès au cours de la période récente, il est à craindreque les facilités offertes par un recours banalisé à la procédure des ordonnances ne mettentrapidement un terme à cette évolution favorable ».163

Selon le recensement de Christophe TISSOT,164 au titre de trois lois (lois n° 98-145 du6 mars 1998,165 n° 99-899 du 25 octobre 1999166 et n° 2001-503 du 12 juin 2001167), ce sontpas moins de 40 ordonnances qui ont été prises en quatre ans.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003168 a simplifié ce régime des ordonnances,l’article 74-1 prévoit désormais que : « dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurentde la compétence de l’Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires,les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n’aitpas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure ».Ainsi, l’habilitation préalable est supprimée, la Constitution donne, en quelque sorte, unehabilitation permanente au Gouvernement.

Malgré les apparences et selon l’analyse de Christophe TISSOT, la procédure resteparticulièrement exigeante, en effet, quatre conditions pèsent sur l’élaboration de cesordonnances :

- un double critère ratione materiae : les ordonnances ne peuvent porter que sur desdispositions déjà en vigueur en métropole et sur des matières de compétence étatique ;

- un critère ratione loci : ce dispositif ne s’applique qu’aux collectivités d’outre-mer del’article 74 et en Nouvelle-Calédonie (et pas aux départements et régions d’outre-mer) ;

- une possibilité de dérogation : le Parlement peut exclure le recours à cette procédure,en réalisant ou non lui-même ces extensions.

162 José BALARELLO, Rapport n° 295, au nom de la commissions des lois constitutionnelles, de législation, du suffrageuniversel, du Règlement et d’administration générale, sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, parordonnances, les mesures législatives nécessaires à l’actualisation et à l’adaptation du droit applicable outre-mer, Document du Sénat(2000-2001), p. 10.

163 Ibidem, p. 6.164 Christophe TISSOT, « L’usage des ordonnances », in Jean-Yves FABERON, La nouvelle donne institutionnelle, Etudes de

la Documentation française, n° 5193-94, 2004, p. 141-147.165 Loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives

nécessaires à l’actualisation et à l’adaptation du droit applicable outre-mer, J.O.R.F. du 10 mars 1998, p. 3608.166 Loi n° 99-899 du 25 octobre 1999 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives

nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, J.O.R.F. du 26 octobre 1999, p. 15951.167 Loi n° 2001-503 du 12 juin 2001 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives

nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, J.O.R.F. du 13 juin 2001, p. 9336.168 Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, précitée.

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De plus, la procédure de ratification, nécessaire pour donner valeur législative àl’ordonnance, est particulièrement rigide : les ordonnances « deviennent caduques enl’absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant [leur]publication ».169 Le délai porte sur la ratification et non sur le dépôt d’un projet de loi(contrairement aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution).

122-2. L’intérêt de la codification pour l’outre-mer

122-21. La codification améliore l’accessibilité du droit de l’outre-merLa codification revêt une importance particulière outre-mer : la complexité qui résulte desstatuts de collectivité d’outre-mer, et du principe de spécialité législative qui lui est souventattaché, fait qu’il est parfois très difficile de savoir quel est le droit applicable dans cesterritoires.

Dès lors, les avantages traditionnels de la codification sont essentiels pour le droit del’outre-mer : en effet, un code a toujours eu pour objectif premier de mettre à la disposition detous un instrument lisible et clair pour une meilleure accessibilité au droit. « Toute codificationapparaît (…) comme la réponse technique à un besoin de sécurité juridique, né d’une crisedes sources du droit due à un éclatement désordonné de ces sources, à une difficultéde connaissances des règles (…) éparses, ou à une inflation législative galopante ».170Lasituation actuelle du droit de l’outre-mer correspond parfaitement au contexte fréquemmentdécrit par la doctrine pour expliquer la nécessité de la codification : « l’impossibilité d’accéderaux règles, donc de les prouver, la multitude de textes, voire un enchevêtrement de normesde natures différentes, a suscité une insécurité juridique d’abord concrètement ressentiepar les justiciables, qui se trouvent victimes d’une injustice, ou les praticiens du droit quin’arrivent plus à démêler les règles pour déterminer celles applicables au litige qui leur estsoumis ».171

Le droit de l’outre-mer « encore insuffisamment actualisé et accessible, ne répondqu’imparfaitement aux exigences de la sécurité juridique ».172 C’est pourquoi l’exigenced’accessibilité prend une acuité encore plus grande outre-mer et c’est ainsi que « l e vastemouvement de codification initié ces dernières années a été l’occasion pour les pouvoirspublics de rendre plus accessible le droit applicable dans l’outre-mer ».173 En effet, « àla place d’un droit éparpillé, on trouve un droit rassemblé matériellement dans un mêmetexte ».174La codification, par l’effort de recensement préalable qu’elle induit, met ainsi enlumière les textes en vigueur applicables outre-mer.

Cette démarche est d’autant plus profitable qu’elle s’applique à des textes souventanciens, difficilement accessibles.

Concrètement, et à travers un exemple, cela signifie qu’« avant la codification, pasmoins de vingt textes différents devaient être consultés afin de savoir si, oui ou non, les

169 Article 74-1 de la Constitution.170 Rémy CABRILLAC, Les codifications, P.U.F., p. 68.171 Rémy CABRILLAC, op. cit., p. 70.172 Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », op. cit., p. 130.173 Jean-Baptiste SEUBE, « L’application de la loi à Mayotte », Jurisclasseur Civil Code, Appendice à l’article 3, Fascicule

5, 2005.174 Sophie LAMOUREUX, op. cit., p. 802.

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dispositions [de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales] s’appliquaient àMayotte ».175 Désormais, la seule lecture du code de commerce permet de connaître lalégislation applicable.

La codification est ainsi très appréciée, en tant qu’elle offre, en un seul document,le recensement du droit applicable à l’outre-mer, matière par matière. La codification desrègles procédurales, par exemple, permet de visualiser, en un seul ouvrage, l’ensemble desrègles applicables à une institution. Le système de codification qui retient une déclinaisonpar collectivité est aussi très apprécié, dès lors qu’il permet un traitement au cas par cas.Par ailleurs, ce sont les facilités de la mise à jour des codes qui entraînent l’approbation.176

« Auparavant, il fallait, pour savoir si un article s’appliquait à Mayotte, aller s’assurer que laloi qui l’avait modifié avait bien été étendue à Mayotte. Cette quête était parfois délicate, etexposait souvent le juriste à des erreurs ou à des approximations ».177

La codification peut également se justifier par un raisonnement a contrario : « Le juge,bien sûr en tout premier lieu, va consulter le journal officiel. S’il y trouve la mention expressed’applicabilité, il n’y aura pas de difficulté. Mais en l’absence de cette mention, cela nesignifie pas que la loi n’est pas applicable : le juge doit se poser le problème de l’extensionpar un texte ultérieur. L’absence de codification (…) donne la mesure de notre difficulté ».178

122-22. La codification améliore l’intelligibilité du droit de l’outre-merSi la codification permet d’accéder aux textes en vigueur, elle est aussi et surtout unmoyen d’améliorer la qualité de ces textes. En effet, codifier est une ambition extrême,qui doit permettre de systématiser un corps de textes, c’est-à-dire de créer un ensemblejuridique cohérent dans une matière donnée. Cela commence nécessairement par un travailde « toilettage », d’autant plus appréciable, outre-mer, que les dispositions applicablessont souvent anciennes. Pour Stéphane DIÉMERT, « les travaux actuels de codificationconstituent une utile occasion de recension des textes applicables outre-mer et permettentde combler les éventuelles failles dans l’applicabilité des textes anciens ».179

L’exemple de Mayotte permet de mieux comprendre pourquoi la codification améliorel’intelligibilité du droit. Sans codification, le droit « complexe et touffu » de Mayotte était d’unepart « peu compatible avec les objectifs de lisibilité et d’intelligibilité de loi et d’autre part (…)incompatible avec le développement économique souhaité pour Mayotte ».180 L’insécuritéjuridique inquiétait, en effet, les investisseurs économiques.181 Le constat connu, il ne restaitplus qu’à en déduire les conclusions logiques : « De là l’idée de mettre de l’ordre dans ledroit mahorais, de là, l’idée de préciser les dispositions applicables à Mayotte, de là l’idée

175 Jean-Baptiste SEUBE, « La lisibilité du droit commercial à Mayotte », in Laurent SERMET et Jean COUDRAY (dir.), Mayottedans la République, actes du colloque de Mamoudzou des 14, 15 et 16 septembre 2002, Montchrestien, 2004, p. 213-223.

176 En réalité, cette facilité ne concerne pas tous les codes (bien au contraire !) et dépend de l’existence d’une dispositiondestinée à prendre en compte les évolutions législatives futures, voir infra, p. 103.

177 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification : l’expérience mahoraise », Revue Juridique de l’Océan Indien,n° 4, 2003-2004, p. 88.

178 Sabine SAILLET, op. cit., p. 91.179 Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », op. cit., p. 113.

180 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification : l’expérience mahoraise », op. cit., p. 86.181 François GARDE, « Le respect des normes : les juges », op. cit., p. 154.

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de codifier ».182 La codification est, en effet, la solution la plus pertinente pour « rendre à lanorme plus de clarté et de compréhension ».183

Ainsi, « l’entreprise de codification relancée sous l’égide du Président Braibant et dela Commission supérieure de codification, a constitué, avec la notable exception apportée,pour l’outre-mer, au principe de la codification à droit constant, une occasion d’actualiseret de moderniser le droit de l’outre-mer ».184La circulaire de 1996 précise, en effet, que« l’élaboration de chaque code posera la question de l’extension du droit applicable enmétropole aux territoires d’outre-mer. La dérogation admise pour ces territoires au principede la codification à droit constant peut être l’occasion d’y étendre le droit métropolitainen vue de combler des vides juridiques ».185 En effet, tout juriste qui connaît « les grandstraits caractéristiques de la légistique contemporaine : urgence, précipitation, législation decirconstances ou d’émotion… »,186 ne pourra guère être étonné de l’oubli dans lequel estplongé l’outre-mer dans de nombreuses discussions législatives, or, cette attitude conduit àdes approximations, des oublis, voire des erreurs, qui pénalisent gravement la lisibilité dudroit de l’outre-mer. La codification est donc une occasion unique de revenir, à tête reposée,pourrait-on dire, sur la lisibilité du droit de l’outre-mer.

La codification contribue donc à l’harmonisation du droit, dans la mesure où elle clarifieet ordonne les règles applicables. Ainsi, le droit de l’outre-mer est réadapté au contexteactuel, au niveau du vocabulaire, mais également au regard des nouveaux statuts descollectivités qui définissent une répartition de compétence souvent bien différente de celleen vigueur au moment de l’édiction des textes.

Technique nécessaire mais en aucun cas suffisante pour pallier la prolifération desnormes, la codification favorise la démocratisation des règles juridiques et renforce l’étatde droit en rendant le droit plus simple et plus cohérent. C’est ainsi qu’elle réunit deuxavantages : elle permet un accès simplifié aux règles de droit dans un domaine donné etelle donne au législateur, pour une matière donnée, une vision d’ensemble, propice à unemeilleure efficacité dans l’édiction de futures normes.

La codification du droit de l’outre-mer permet donc de le rendre accessible et intelligible :« la codification constitue dès lors un travail indispensable permettant de faire le point sur lestextes en vigueur et de réfléchir à leur éventuelle modernisation par l’extension, sous réserved’une consultation des assemblées territoriales concernées, des dispositions intervenuesdepuis lors ».187

De façon polémique, l’outre-mer est parfois présenté comme un territoire où le droitapplicable n’est pas appliqué et où le droit non applicable est de facto appliqué. Dès lors,la codification est peut-être l’occasion de mettre en cohérence droit applicable et droitappliqué.

Dans une réflexion sur Mayotte, aisément reproductible pour l’ensemble de l’outre-mer,Jean-Baptiste SEUBE s’interroge sur le pourquoi de l’émergence (ou plus précisément de

182 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification : l’expérience mahoraise », op. cit., p. 86.183 Sophie LAMOUREUX, « La codification ou la démocratisation du droit », op. cit., p. 802.184 Stéphane DIÉMERT, « L’évolution de la fonction législative outre-mer ou comment on légifère pour l’outre-mer », op. cit.,

p. 14.185 Circulaire du 30 mai 1996, précitée. Voir infra, p. 97-98.186 Jean-Baptiste SEUBE, « La lisibilité du droit commercial à Mayotte » in Mayotte dans la République, op. cit., p. 215.187 Alain VIDALIES, Rapport n° 1917, op. cit., p. 14.

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l’apparition pure et simple dans nombre de cas), de dispositions relatives à l’outre-mer dansles codes : « Après tout, les particularités du droit mahorais [du droit de l’outre-mer] existentdepuis bien longtemps sans que les codes aient eu à s’en soucier. Au mieux, trouvait-on unemention, faite par l’éditeur commercial du code, qui précisait que telle ou telle dispositions’appliquait ou non à Mayotte ».188

La principale explication amenée par ce professeur est d’ordre symbolique, faireapparaître le droit de l’outre-mer dans un code serait un moyen de mieux reconnaître cesterritoires dans le droit de la République : « signe d’une considération nouvelle apportéeà Mayotte, signe d’une volonté de clarifier le droit mahorais, signe surtout d’une volontéde moderniser ce droit, Mayotte est dans tous les codes, Mayotte fait l’objet de toutes lesattentions ».189 Il est ainsi apparu, depuis longtemps, que « le code est (…) plus grand quel’ensemble des articles qu’il contient »190 et qu’« une grande part du prestige du code tientnon seulement au contenu de ses dispositions, mais au simple fait qu’il se présente commecode ».191

188 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification : l’expérience mahoraise », op. cit., p. 87.189 Ibidem.190 Rémy CABRILLAC, Les codifications, P.U.F., p. 99.191 Ibidem.

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Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer,vu à travers le prisme de la codification

Le droit de l’outre-mer apparaît comme une matière essentielle à codifier, notamment parcequ’il recèle un certain nombre d’incertitudes quant à son applicabilité. Les motivations dela codification du droit de l’outre-mer (le pourquoi) sont donc, à présent, connues, resteà répondre à la problématique de la place de l’outre-mer (et plus précisément des textesrelevant de la compétence de l’Etat, dans leur version applicable outre-mer) dans lesprocessus de codification usuellement mis en place par le pouvoir central (le comment).Pour mener à bien cette réflexion, il faut inverser le regard, et appréhender la codificationdu droit de l’outre-mer, par le biais de ses acteurs, de ses temps (2.1.) et enfin de sestechniques (2.2.).

Plan de la 2 nde partie :2.1. Les acteurs et les temps de la codification.2.2. Les techniques de la codification.

2.1. Les acteurs et les temps de la codificationLa progression choisie poursuit une logique chronologique. Ainsi, avant d’étudier le systèmeactuel (2.1.2.), l’analyse se focalisera sur les différents aspects historiques (2.1.1.) de cetteproblématique de la codification du droit de l’outre-mer.

2.1.1. Conception historiqueCette partie tend à répondre à l’interrogation suivante : Comment l’outre-mer a étéhistoriquement intégré aux différentes réflexions codificatrices ?

211-1. Jusqu’en 1989

211-11. Les codifications au XVIIIème et XIXème sièclesEn réalité, et contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori, il existe de nombreusesréflexions historiques sur la codification du droit colonial.

En effet, dès les débuts du processus de la colonisation, il est apparu nécessaire dedisposer d’un ouvrage qui recense l’ensemble des textes applicables dans chaque colonie.

Ce souhait est exprimé pour la première fois au début du XVIIIème siècle par plusieurs

ministres de la marine. En effet, jusqu’à la fin du XIXème siècle et la création d’un ministèredes colonies, l’administration de ces territoires est confiée au ministère de la marine ; il

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Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification

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faut noter qu’à l’époque, il existait seulement six ministères correspondants aux grandesfonctions de l’Etat : justice, guerre, finances, intérieur, marine, affaires étrangères.

Le premier acte fondateur de la codification pour les colonies est l’arrêt du Conseil du roidu 17 décembre 1761 qui lance un programme de recensement « des règlements ainsi quedes mémoires, pièces et projets s’y rapportant » pour chaque colonie. La procédure mise enplace prévoit la transmission des documents au Conseil supérieur de Saint-Domingue quilui-même adressera cet ensemble à une commission composée de membres du Conseildu roi. La démarche du Conseil du roi vise à pouvoir, dans le cadre de cette commission,examiner l’ensemble des textes en vigueur pour mieux réfléchir à d’éventuelles réformes.Le constat s’impose : les finalités de la codification outre-mer n’ont pas changé depuis plusde 250 ans.

Cependant, cette première entreprise générale et volontariste de codification pour lescolonies n’a produit que des résultats partiels et relativement modestes : deux publicationsseulement sont intervenues suite à l’arrêt du Conseil du roi lançant ce projet. Le code de laMartinique, œuvre du magistrat Jacques PETIT DE VIEVIGNE, publiée en deux volumes en1767 peut être considéré comme la toute première œuvre de codification publiée pour unecolonie. En réalité, le résultat est encore approximatif, notamment dans les distinctions entreles dispositions qui sont en vigueur et celles qui ont cessé de produire leurs effets ou ontété abrogées. La seconde publication de cette période date de 1768, il s’agit du code desîles de France et de Bourbon, dont le travail est dû à Jean Baptiste Etienne de LALEU. Cesdeux ouvrages établis selon l’ordre chronologique des textes connaîtront quelques mises àjour, mais les recueils destinés aux autres colonies semblent ne pas avoir abouti.

Il est délicat de déterminer l’exacte nature juridique de ces recueils qui contiennentdes ordonnances et des édits royaux ainsi que les règlements adoptés par les gouverneurslocaux. Ces codes recevant l’onction des autorités locales (l’arrêté d’approbation est signépar les autorités militaires, administratives et judiciaires), ils ne sauraient relever totalementde l’édition privée (à la différence, par exemple, du recueil de MOREAU DE SAINT-MERRY« Lois et constitutions des colonies françaises » publié en 1789 et première véritablecompilation privée des textes en vigueur dans les colonies), cependant, conformémentaux usages de la codification de l’Ancien Régime,192 ces codes ne sont pas juridiquementdirectement applicables. Seuls les textes qu’ils contiennent ont force de loi. Tant et si bienque les termes de « code » et de « codification » peuvent paraître inadaptés dans un telcontexte, en particulier au regard de la définition contemporaine de ces notions.

Par la suite, et tout au long du XIXème siècle, aucune codification ne concernedirectement le droit spécifique applicable dans les colonies, à l’exception notable du codedes îles Sous-le-Vent. La création de ce code est originale puisqu’elle est le fruit d’uneinitiative privée du magistrat Louis LANGOMAZZINO. Après le recensement des textesapplicables sur ce territoire, partie des Etablissements français d’Océanie et du Protectoratdes îles de Tahiti et le classement de ces dispositions par matière, il soumet ce travail àl’Administration locale qui est séduite et qui l’adresse à son tour au ministre de la marine. Cedernier l’approuve mais d’une façon juridiquement incertaine. Le ministre salue le travail parle biais d’une dépêche ministérielle,193 qui sera ensuite insérée en tête du code mais sansprocéder à une validation par décret. Néanmoins, le gouverneur local vise régulièrementle code dans ses arrêtés. En ce sens, ce code peut être considéré comme le premier

192 Voir Marc SUEL, Essai sur la codification à droit constant : précédents, débuts, réalisation, Paris : Journaux officiels, 1995,296 p.

193 Louis ROLLAND et Pierre LAMPUÉ, Précis de législation coloniale, Paris, Dalloz, 1940, p. 310-311.

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code d’application directe pour ce qui constitue aujourd’hui l’outre-mer. C’est le code quis’applique et non les textes qu’il contient. Cette réflexion devient encore plus pertinenteau regard de l’exclusion des dispositions des codes métropolitains applicables localement.Ainsi, ce code ne peut plus être considéré comme un simple recueil qui recenseraitl’ensemble complet des textes applicables.

211-12. Les codifications au XXème sièclePar la suite, en Tunisie, plusieurs décrets beylicaux permettent l’entrée en vigueur de codes :code des obligations (16 décembre 1906), code de procédure civile (24 septembre 1910)et code d’instruction criminelle (30 décembre 1921) ; de même, au Maroc, un code desobligations, un code pénal et un code du commerce terrestre sont publiés par des dahirs du12 août 1913. En Asie, le pouvoir colonisateur n’impose que très progressivement son droit.Ce qui ne signifie pas paradoxalement que la codification est absente : en effet, parfois, lespeuples autochtones disposaient déjà de codes ; par exemple en Annam, coexistent deuxcodes : le code de Gia-Long et le code des Lê.

Si dans un premier temps, les gouverneurs locaux se contentent de traduire ces codes« autochtones », par la suite, ils imposent leurs codes : code civil du Cambodge (1920), codecivil du Laos (1927), code civil du Tonkin (1931) et code civil de l’Annam (à partir de 1936).Suivent le code pénal, la codification des textes fiscaux (1929) ou de la réglementationdouanière (1931). Toutes ces codifications sont relativement difficiles à analyser, car ellespeuvent mêler, dans le cadre d’une même production, tout à la fois une codification à droitconstant du droit local, une actualisation des textes applicables voire des réformes d’autoritédu pouvoir colonisateur.

En Algérie, proximité oblige, la codification fait l’objet d’une démarche plussystématique. Initiée par les travaux d’une commission créée en 1902 pour codifier le droitmusulman algérien et dirigée par le doyen de la faculté de droit d’Alger, le professeurMORAND ; la codification en Algérie se manifeste par trois décrets de 1929 qui rassemblentles textes fiscaux en vigueur selon une logique matérielle et non organique puisque sontcodifiés à la fois les lois métropolitaines applicables à l’Algérie, les lois propres à l’Algériemais également certains textes issus des assemblées locales.194

Cependant, aucune de ces démarches historiques n’a jamais pu être menée defaçon concomitante à l’ensemble des colonies. Dès 1886, dans son traité de législationcoloniale, Paul DISLÈRE195 regrette l’absence d’une sorte de code colonial. C’est pourquoi,il développe dans le Tome II de son traité un précieux recueil chronologique des texteslégislatifs et réglementaires parus jusqu’en 1896 et applicables dans les colonies, la miseà jour opérée par le tome III recule cette limite jusqu’en 1901. Dans le prolongementde ce travail, Bernard SOL et Daniel HARANGER publient à partir de 1930 un Recueilgénéral et méthodique de la législation et de la réglementation des colonies françaises196

194 Comme indiqué précédemment, cette conception est abandonnée aujourd’hui. La codification s’entend aujourd’hui commeun procédé affectant le droit édicté par les autorités centrales (lois du Parlement, décrets du Président de la République ou du PremierMinistre), excluant par là-même les actes des collectivités territoriales. Néanmoins, s’agissant de l’outre-mer, des exceptions à ceprincipe ont été ouvertes en attribuant une compétence de codification de leurs actes à certaines collectivités territoriales. Cependant,même dans cette hypothèse, les projets de codification des actes des autorités locales restent distincts de ceux adoptés par le pouvoircentral. Voir supra, point 112-2, p. 46-49.

195 Paul DISLÈRE, Traité de Législation coloniale, Paris, Paul Dupont éditeur, 1886-1901, 4 vol., 830, 921, 160 et 316 pp.196 Paris, Société d’Editions Géographiques, Maritimes et Coloniales, 8 volumes de 1930 à 1938.

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qui vise, selon leur expression, à faciliter la recherche permanente d’une « matière fuyanteet rebelle ». Les deux premiers volumes de leur remarquable travail contiennent les grandscodes dans leur version applicable dans les colonies.

En parallèle de ce travail doctrinal, l’administration des colonies se montre, elle aussi,intéressée par les démarches codificatrices. L’arrêté du 19 octobre 1936 instaure unbureau des études législatives qui reçoit pour mission de rassembler l’ensemble des texteslégislatifs et réglementaires applicables aux colonies. A cette fin, une circulaire ministérielledu 10 juin 1937 invite les gouverneurs à procéder localement à ce recensement. L’exécutionde ces intentions semble être restée plutôt limitée. De même, en 1943, le secrétaire d’Etataux colonies Jules BRÉVIÉ demande à ses services de procéder à la codification de tous lestextes législatifs et réglementaires applicables aux colonies. Cependant, et en toute logique,le travail ne peut guère se mettre en place, au vu du contexte historique de l’époque.

Les premiers codes publiés après la Libération concernent l’outre-mer : ce sontle code pénal indigène197 et le code du travail indigène198 destinés à régir l’Afriqueoccidentale française (A.O.F.), l’Afrique équatoriale française (A.E.F.), le Cameroun et leTogo. Entre 1944 à 1948, plusieurs codes concernant spécifiquement l’outre-mer sontpubliés, notamment dans le domaine fiscal.199 Par ailleurs, en 1944, le Ministre de la Franced’outre-mer confie à quatre de ses fonctionnaires retraités, la réalisation d’un Jurisclasseurde la France d’outre-mer (J.C.F.O.M.). Cette publication d’ordre doctrinal, même si elle areçu le soutien et l’appui du ministère de l’outre-mer, n’intervient qu’en 1946 après deuxans de dur labeur : « tous les textes de portée générale du pouvoir central en vigueur au31 décembre 1946, incluant leurs modifications, sont [ainsi] publiés, avec le cas échéantindication des rédactions propres à chaque pays d’outre-mer ».200 Le mouvement deproduction juridique s’accélérant considérablement, le J.C.F.O.M. compte en 1958 quinzevolumes, le premier d’entre eux comporte d’ailleurs les codes dans leur version applicable

outre-mer. A l’aune de la Vème République, il prend le nom de Jurisclasseur d’outre-mer(J.C.O.M.) et compte huit volumes. Cet extraordinaire travail cesse malheureusement en1968.

211-2. La Commission adjointe à la Commission Supérieure de Codification

211-21. Le cadre juridiqueAprès une longue période de désintérêt, les gouvernants ont commencé à manifester leurattachement à la codification à partir de 1989. Le décret n° 89-647 du 12 septembre 1989201

crée une Commission supérieure de codification, en lieu et place de l’ancienne commissionsupérieure instaurée en 1948. L’interrogation sur la place de l’outre-mer dans la codification

moderne s’est immédiatement fait ressentir, en effet, l’alinéa 2 de l’article 1er du décret du12 septembre 1989 qui précise les missions de la Commission supérieure de codification,fixe, parmi ses multiples compétences, celle de vérifier le « champ d’application des textes

197 Décret du 17 juillet 1944, J.O. du 27 juillet 1944, p. 637.198 Décret n° 45-1352 du 18 juin 1945, J.O.R.F. du 20 juin 1945, p. 3719.199 Voir en particulier le tableau sommaire dressé par Marc SUEL, op. cit., p. 194.200 Philippe LECHAT, op. cit., p. 10.

201 Décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission supérieure de codification,J.O.R.F. du 13 septembre 1989, p. 11560. Voir infra, annexe n° 3, page 121.

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codifiés en ce qui concerne les territoires d’outre-mer ». Il était ainsi explicite que cettenouvelle Commission supérieure de codification était également compétente pour l’outre-mer, ce qui n’allait nullement de soi, au vu de l’absence de précédent. De même, celasignifiait que le droit de l’outre-mer devait également être codifié. Sur ces deux points, ils’agit d’un véritable tournant pour le droit de l’outre-mer.

Au vu de la complexité, à la fois de la codification et du droit de l’outre-mer,202

il apparaissait délicat, pour la Commission supérieure de codification, de s’occuper dudroit de l’outre-mer en même temps que la codification du droit métropolitain. Commentalors la Commission supérieure de codification allait-elle pouvoir poursuivre sa mission decodification du droit pour l’outre-mer, alors que le chantier de la codification du droit del’outre-mer paraissait nécessiter, au moins s’agissant des collectivités soumises au principede la spécialité législative, un examen long et approfondi ?

Un décret publié peu après allait donner la solution et expliciter la méthode mise enplace pour assurer pleinement la mission de codification des dispositions « outre-mer », eneffet, le décret n° 89-704 du 28 septembre 1989203 « adjoint à la Commission supérieurede codification créée par le décret du 12 septembre 1989 susvisé une commission chargéede recenser pour chacun des territoires d’outre-mer l’ensemble des textes législatifs etréglementaires applicables et de signaler au Premier ministre les domaines dans lesquelsil n’existe aucun texte ».

Le dispositif se base en réalité sur deux niveaux, un national et un local, ainsi quele précise l’article 2 du décret du 28 septembre 1989 précité qui fixe la composition,l’organisation et le fonctionnement de cette commission adjointe à la Commissionsupérieure de codification : « La commission est composée, sous la présidence d’unconseiller d’Etat désigné par arrêté du Premier ministre, d’un représentant du garde dessceaux, ministre de la justice, d’un représentant du ministre chargé des territoires d’outre-mer et d’un représentant du secrétaire général du Gouvernement. La commission disposede rapporteurs désignés par son président. Elle est habilitée à solliciter l’aide des ministèresconcernés par sa mission. Tous renseignements utiles pour l’inventaire des textes doiventlui être fournis »

En parallèle, la commission adjointe à la C.S.C. « est assistée dans chaqueterritoire d’outre-mer par une commission locale »,204 dont les modalités de composition,d’organisation et de fonctionnement sont précisées dans un article 3 :

« Dans chaque territoire, la commission locale est composée sous la présidence dusecrétaire général du territoire d’un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premierprésident de la cour d’appel et d’un magistrat de l’ordre administratif désigné par le présidentdu tribunal administratif ainsi que, le cas échéant, de personnalités qualifiées désignées parle secrétaire général du territoire.

Le secrétariat de la commission locale est assuré par les services du représentant del’Etat dans le territoire. Le président de la commission adjointe détermine les travaux descommissions locales ».

Le conseiller d’Etat, Jean-Claude PÉRIER a rapidement été désigné président de lacommission adjointe à la Commission supérieure de codification (parfois également appelée

202 Voir supra, point 1.2.1., p. 49-58.203 Décret du 28 septembre 1989 portant création d’une commission adjointe à la Commission supérieure de codification,

J.O.R.F. du 29 septembre 1989, p. 12 239. Voir infra, annexe n° 4, page 124.204 Dernier alinéa de l’article 1 du décret du 28 septembre 1989, précité.

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commission d’inventaire du droit de l’outre-mer). Après une fertile réflexion, il a précisé,dans une note d’orientation205 du 24 avril 1989206 le cadre qu’il souhaitait suivre pour menerà bien sa mission. Une fois clairement définis les finalités, les moyens, l’organisation etla procédure de ce travail « d’inventaire », le travail pouvait commencer, en particulier

localement. La commission locale prévue à l’article 1er du décret du 28 septembre 1989voit ainsi rapidement le jour à Nouméa.

Les missions de cette commission étaient claires : d’une part, elle procédait àl’inventaire du droit existant, en recensant l’ensemble des textes applicables dans chaqueterritoire d’outre-mer ; d’autre part, et par différence, « la commission se [devait] de signalerau gouvernement les lacunes législatives et réglementaires qu’elle pourrait constater danscertaines matières ».207 Cette Commission adjointe à la C.S.C. poursuivait également unobjectif, encore plus ambitieux : elle devait assurer la préparation de véritables codes del’outre-mer. Cette expérience d’une codification spécifique à chaque collectivité d’outre-mer,en parallèle du cadre métropolitain habituel, aurait dû permettre une meilleure lisibilité dudroit applicable outre-mer.

211-22. La méthode de travailLa méthodologie de Monsieur PÉRIER pour assurer ce travail est clairement indiquée dansle rapport d’activité novembre 1989-novembre 1990 de la Commission adjointe :

Premièrement, la Commission adjointe a demandé à pouvoir disposer du fichierlégislatif des services du Premier Ministre qui recensait, à l’époque, pas moins de 370 000textes applicables en métropole. Sur cette masse, seuls 3 000 comprenaient une mentionexpresse d’applicabilité dans les territoires d’outre-mer.

Deuxièmement, la Commission adjointe a cherché à délimiter exactement la répartitiondes compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales.

Troisièmement, elle a établi « un index alphabétique des mots-clés, qui, par leurassemblage, [devaient] permettre de balayer toutes les matières pouvant donner lieu àun texte législatif ou réglementaire ». Pour cela, sur chaque territoire, les administrationset les organismes publics étaient invités à indiquer à la commission locale les textes surlesquels ils ont l’habitude de travailler, et qu’ils considèrent donc comme applicables (biensûr, un important travail de vérification de la réelle applicabilité de ces texte était effectuéensuite). Les responsables de ce travail d’inventaire ont été agréablement surpris par lesoutien de certains services publics ou de certains milieux professionnels qui n’hésitaientpas à apporter leur pierre à l’édifice en évoquant tel ou tel texte. Il faut ainsi resterréaliste : sur certains sujets très précis, techniques et spécialisés, seules les personnesles plus impliquées peuvent apporter l’information nécessaire à la connaissance des textesapplicables. Il faut également rester lucide, quelque soit l’importance de ce travail, il resteratoujours des textes oubliés.

Ce travail d’inventaire a concerné concurremment les textes de compétence étatique etles textes élaborés par les autorités territoriales ; c’est ainsi qu’il ne s’agit pas à proprement

205 J.O.R.F. du 17 novembre 1989, p. 14 169.206 Comme l’indique Gérard ORFILA : « L’examen attentif du calendrier des textes et des travaux des commissions nationale

et locale montre que ces commissions étaient déjà au travail alors que les textes réglementaires qui devaient les créer n’étaient pasencore adoptés », La Nouvelle-Calédonie et le droit, L’Harmattan, 1998, p. 79.

207 Note d’orientation de Jean-Claude PÉRIER sur les travaux de la Commission adjointe à la Commission supérieure decodification, J.O.R.F. du 17 novembre 1989, p. 14169.

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parler d’une commission chargée de la codification du droit. La commission adjointe a jouéun rôle d’inventaire pour permettre une connaissance plus fine et plus complète du droit,étape nécessaire pour mener en toute sécurité un projet de codification.

Si le travail de recensement ne se limite aux compétences étatiques, l’examen desdispositions par la Commission adjointe s’est néanmoins concentré sur les textes entrantdans la compétence de l’Etat. A l’issue de ces travaux, des surprises plus ou moinsinattendues sont apparues : « Bien sûr, il existe des matières sans texte (cas des platscuisinés, de la viande hachée) et même des textes sans matière ! Tel est le cas dudécret du 28 août 1935 (J.O.N.C., 15 novembre 1935, p. 360) qui a aménagé l’institutiondes lieutenants de chasse. Ce texte […] n’a jamais reçu la moindre application ».208 Lesprincipales difficultés de ce travail se sont retrouvées dans la recherche du contenu de lanotion des lois de souveraineté.209

Ces travaux ont été décisifs pour les futures codifications, en effet, la circulaire de1996210 dispose que « la Commission adjointe à la Commission supérieure de codificationoffre aux ministères, en liaison avec le Ministère de l’outre-mer, sa capacité de recenserles textes susceptibles d’extension aux territoires par une codification qui soit adaptée lemieux possible à ces territoires ».

2.1.2. Les codifications actuelles : qui et quand ?En l’état actuel de la réflexion, il apparaît que si le droit de l’outre-mer a fait l’objetde nombreux travaux préparatoires dans l’objectif de sa codification, tous ces projetsmanquaient de cohérence avec le droit métropolitain codifié. C’est précisément, sur cedernier point, que se situe la rupture des codifications actuelles ou modernes. Pour définirce terme, il faut prendre en compte trois éléments : la codification actuelle est, en effet,premièrement, conçue par la Commission supérieure de codification créée en 1989 ; elleest, deuxièmement, basée sur les principes de la circulaire de 1996211 et enfin, elle se réalisedésormais par le biais de la technique des ordonnances212 de l’article 38 de la Constitution(depuis 1999). Reste à préciser quels sont les acteurs (212-1) et le contexte temporel(212-2) de ces codifications actuelles.

212-1. Les acteurs de la codification du droit de l’outre-merLa question des acteurs peut paraître surprenante dans la mesure où un code rassemblantdes textes juridiques officiels, seul l’organe ayant compétence pour adopter ces textespeut décider de leur codification.213 Pourtant, souvent accaparées par d’autres tâches,et guère intéressées par ces projets de codification qui nécessitent beaucoup de tempspour un faible intérêt politique,214 les autorités compétentes ont souvent pris appui sur

208 Gérard ORFILA, op. cit., p. 71.209 Voir supra, p. 52-53.210 Circulaire du 30 mai 1996, précitée. Voir infra, annexe n° 5, p. 125.

211 Circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaire, J.O.R.F. du 5 juin 1996, p. 8263.212 Voir supra, point 112-12, p. 43-44 et infra, point 222-21, p. 99-100.213 Rémi CABRILLAC, Les codifications, P.U.F., p. 204.214 De même, s’agissant des codifications à droit constant, le pouvoir politique a parfois hésité à codifier un droit, qui est, par nature,le résultat stratifié de réformes adoptées par des majorités aux sensibilités politiques opposées.

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des structures administratives ad hoc, comme par exemple pour la période actuelle, laCommission supérieure de codification (212-12). La codification du droit de l’outre-merporte, en supplément, une interrogation, quant à la répartition des tâches entre le ministèrede l’outre-mer et le ministère chargé de procéder à la codification d’une matière juridique(212-11).

212-11. Les ministèresMême si, comme il sera indiqué par la suite, le ministère pilote (celui qui élaboreconcrètement un code et qui en est responsable) est aussi chargé de la codification de lapartie « outre-mer » du code ; il n’en reste pas moins que le ministère de l’outre-mer joue unrôle de conseil particulièrement apprécié, tant le droit de l’outre-mer multiplie les subtilitésméconnues et délicates à manier. « La partie outre-mer d’un code ne peut être élaboréesans cette participation active du Ministère »215 de l’outre-mer. Il est ainsi indispensable deprésenter le rôle de ce ministère de l’outre-mer, en particulier en matière de codification.

Créé en 1894, le ministère de l’outre-mer est un ministère aux missions transversales,ainsi que l’indique, l’article 1 du décret n° 2002-900 du 15 mai 2002 relatif aux attributionsdu ministre de l’outre-mer216 :

« Le ministre de l’outre-mer est chargé :1° De coordonner l’action du Gouvernement dans les départements d’outre-mer et

de participer à l’élaboration et à la mise en oeuvre des règles applicables dans cesdépartements ;

2° D’élaborer et de mettre en oeuvre la politique du Gouvernement en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes etantarctiques françaises, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, notamment en matière dedéveloppement économique et social ;

3° De préparer et de mettre en oeuvre les règles applicables dans les collectivitésmentionnées au 2° dans le respect des compétences propres de ces collectivités ».

L’organisation du ministère de l’outre-mer est aujourd’hui déterminée par le décret n° 89-320 du 18 mai 1989 portant organisation de l’administration centrale du ministèredes départements et territoires d’outre-mer.217 Il est structuré, depuis la réforme DIJOUD(du nom du ministre de l’époque) de 1979, en deux directions : la Direction des affairesadministratives, politiques et financières (D.A.P.A.F.) qui est compétente pour administrerl’outre-mer et qui exerce des attributions similaires à celles du ministère de l’intérieur enmétropole218 ; et la Direction des affaires économiques, sociales et culturelles (D.A.E.S.C.)qui traite plus spécifiquement des problématiques de développement économique et social.

La D.A.P.A.F. est donc compétente pour exercer la fonction juridique,219 cette missionest, d’ailleurs, devenue de plus en plus importante, puisque : « parmi les fonctions qui se

215 Commission supérieure de codification, 14ème rapport, 2003, p. 13.216 J.O.R.F. du 16 mai 2002, p. 9257.217 J.O.R.F. du 19 mai 1989, p. 6297.218 Gérard BÉLORGEY, « Le ministère de l’outre-mer : les raisons de la permanence et les besoins de réforme », R.F.A.P.,

n° 101, janvier-février 2002, p. 88.219 Article 2 du décret n° 89-320 du 18 mai 1989 portant organisation de l’administration centrale du ministère des départements

et territoires d’outre-mer, J.O.R.F. du 19 mai 1989, précité.

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sont le plus particulièrement développées [ces dernières années, au ministère de l’outre-mer], on relèvera un important effort de coordination juridique et de codification ».220

Tous les projets de lois, de décrets et d’arrêtés intéressant l’outre-mer, qu’il s’agissede textes généraux qui leur sont applicables de plein droit ou de textes propres, doiventêtre étudiés par le ministère de l’outre-mer. Le contreseing du ministre de l’outre-mer estd’ailleurs, recueilli sur tous les textes ainsi adoptés.

La circulaire du 15 mai 1990221 invite ainsi tous les ministères : « à associersuffisamment tôt le ministère des départements et territoires d’outre-mer [aujourd’hui, leministère de l’outre-mer] aux travaux préparatoires des textes pour qu’il puisse apprécier,en droit et en opportunité, leur applicabilité aux territoires d’outre-mer [aujourd’hui, auxcollectivités d’outre-mer régies par le principe de la spécialité législative] ».

Cependant, nul doute que le fonctionnement actuel du ministère de l’outre-mer n’estpas parfait : de nombreux rapports ont mis en exergue le manque de moyens de la cellulejuridique du ministère de l’outre-mer. Un rapport de la Cour des comptes a étudié ceproblème en rappelant que cette situation est d’autant plus préoccupante que la missionjuridique a un impact direct sur l’efficacité de toute la chaîne de décision des politiquespubliques. De même, le ministère de l’outre-mer est le seul à pouvoir exercer correctementsa mission de coordination de l’outre-mer, les autres ministères n’ayant pas la connaissanceconcrète et pratique que peuvent avoir les fonctionnaires de la rue Oudinot.

La Cour des comptes identifie plusieurs zones de frottement qui perturbent lefonctionnement du ministère de l’outre-mer et pointe notamment du doigt la dilution descompétences, au sein d’une pluralité de bureaux et de services. Dans cette perspective,la recommandation de la Cour des comptes est simple : il faut rassembler l’ensemblede la fonction juridique du ministère sous une autorité unique, rattachée au niveau duministre. Cette réorganisation pourrait conduire à la création d’un secrétariat général chargéd’élaborer directement ou d’expertiser les textes du ministère ; il disposerait d’une base dedonnées sur l’état du droit qu’il mettrait à jour et dont il assurerait l’accessibilité.

Le 14ème rapport de la Commission supérieure de codification mettait aussi l’accentsur les conséquences dommageables de la faiblesse des moyens du ministère de l’outre-mer qui « a été et reste incapable structurellement, en dépit de son plein engagement, derépondre aux demandes dont il a été et reste l’objet ».222 Les solutions sont, là encore,évidentes : il apparaît indispensable de réfléchir à un renforcement des moyens de la cellulejuridique du ministère de l’outre-mer. Sans cela, il n’est pas certain que demain les partiesoutre-mer des codes puissent être effectivement élaborées.223

Pour conclure sur le rôle du ministère de l’outre-mer en matière de codification, il fautpréciser que celui-ci garde un rôle de conseil, le rôle de préparation concrète de la partie« outre-mer » d’un code étant la compétence du ministère pilote.

Cette répartition des rôles permet de conserver l’unité de la conception d’un code,mais peut parfois retarder son élaboration, car le codificateur est contraint à s’intéresserprécisément aux dispositions relatives à l’outre-mer, quand bien même, il préférerait

220 Gérard BÉLORGEY, op. cit., p. 89.221 Circulaire du 15 juin 1990 relative à l’application des textes législatifs et réglementaires outre-mer, J.O.R.F. du 31 juillet

1990, p. 9209-9210.222 Commission supérieure de codification, 14ème rapport, 2003, p. 13.223 Ibidem, p. 14.

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parfois déléguer cette tâche au ministère de l’outre-mer. En pratique, les avis et lesrecommandations du ministère de l’outre-mer sont quasiment toujours repris par lescodificateurs.

212-12. La Commission supérieure de codification

Le décret n° 97-894 de 1997224 a supprimé la Commission adjointe à la Commissionsupérieure de codification. Cette suppression se justifiait notamment par l’abandon del’idée de codes spécifiques à l’outre-mer (idée qui s’était révélée très difficile à mettre enœuvre) pour lui préférer celle, plus modeste mais plus efficace, de la création de parties« outre-mer » dans tous les codes. Ainsi, désormais, c’est la Commission supérieure decodification,225 elle-même qui gère la codification du droit de l’outre-mer.

La Commission supérieure de codification est présidée par le Premier Ministre, ce qui luipermet de bénéficier de l’autorité nécessaire pour faire valoir ses projets. Le Vice-présidentest un président de section du Conseil d’Etat nommé pour quatre ans. Ce dernier estsecondé par un rapporteur général et des rapporteurs généraux adjoints qui sont désignéspar arrêté du Premier ministre. La Commission supérieure de codification est, en outre,composée d’onze membres permanents :

- Pour la représentation du Parlement : un membre de la commission des lois del’Assemblée nationale et un membre de la commission des lois du Sénat ;

- Pour la représentation des hautes juridictions : un représentant du Conseil d’Etat, unreprésentant de la Cour de cassation et un représentant de la Cour des comptes ;

- Pour le représentation du Gouvernement : un directeur au Secrétariat général duGouvernement, le directeur des Journaux officiels, le directeur des affaires civiles et dusceau (ministère de la justice), le directeur des affaires criminelles et des grâces (ministèrede la justice), le directeur général de l’administration et de la fonction publique et (surtout !)le directeur des affaires politiques, administratives et financières (ministère de l’outre-mer).

- Elle est, enfin, composée de membres siégeant en fonction de l’objet du codeexaminé : un membre de la commission compétente de l’Assemblée nationale ; un membrede la commission compétente du Sénat ; le directeur d’administration centrale concerné parle code examiné ; un membre de la section compétente du Conseil d’Etat.

La composition des membres permanents de la Commission supérieure de codificationillustre ainsi parfaitement la nouvelle volonté d’associer activement le ministère de l’outre-mer à tous les projets de codification. Le représentant du ministère de l’outre-mer figureparmi les onze membres permanents, il peut faire valoir son avis dans toutes les réunions,il n’a plus à justifier d’un intérêt particulier pour l’outre-mer.

L’article 1 du décret n° 89-647 du 12 septembre 1989226 qui énonce les missions dela Commission supérieure de codification, précise qu’il appartient à ladite commission de« recenser les textes législatifs et réglementaires applicables dans les territoires d’outre-mer, vérifier le champ d’application des textes à codifier en ce qui concerne ces mêmesterritoires et signaler au Premier ministre les domaines pour lesquels il semble souhaitabled’étendre à ces territoires les textes applicables en métropole ».

224 Décret n° 97-894 du 2 octobre 1997, J.O.R.F. du 4 octobre 1997, p. 14403.225 Sur l’organisation et le fonctionnement de la Commission supérieure de codification : Guy BRAIBANT, « La Commission supérieurede codification », in Bernard BEIGNIER, La codification, Dalloz, 1996, p. 97-105. Voir également infra, annexe n° 3, page 121.

226 J.O.R.F. du 13 septembre 1989, p. 11560.

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Pour ce qui concerne plus particulièrement la codification du droit de l’outre-mer, lepersonnage central est le rapporteur particulier chargé de la partie « outre-mer » des codes.« La commission adjointe à la commission supérieure de codification ayant été supprimée en1997, ses attributions sont désormais exercées par la commission supérieure de codificationqui peut nommer, outre le rapporteur principal du projet de code, un rapporteur pour la partieoutre-mer. Ce dernier coordonne les travaux du ministère en charge du code et ceux duministère chargé de l’outre-mer. Il doit donc être associé aux travaux de codification dès lelancement du projet ».227

En théorie, le décret n° 97-894 du 2 octobre 1997 modifiant le décret n° 89-647 du 12septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission supérieurede codification,228 prévoyait que « t rois au moins des rapporteurs particuliers mentionnésci-dessus sont chargés spécialement de la codification des textes applicables dans lesterritoires d’outre-mer », néanmoins, Monsieur Mattias GUYOMAR, maître des requêtes auConseil d’Etat, est, à ce jour, le seul rapporteur particulier « outre-mer ».

De façon générale, la fonction d’un rapporteur particulier « outre-mer » vise à assurerun rôle d’intermédiaire, notamment en rendant compte à la Commission supérieure decodification des difficultés particulières que peut poser le droit de l’outre-mer. Ainsi, lerapporteur particulier « outre-mer » assure la coordination des différents travaux decodification : il vérifie, par exemple, la cohérence entre le projet de code et les autres codesactuellement applicables.

Ce rapporteur particulier « outre-mer » doit remplir une tâche spécifique, carcontrairement aux autres rapporteurs particuliers, celui-ci doit suivre, non le processusd’élaboration d’un code, mais l’ensemble des projets de codification.

C’est pourquoi sa tâche est à la fois plus simple et plus compliquée : plus simple, car uncertain nombre de questions (choix du périmètre, du contenu du code…) sont déjà résolues(les décisions prises pour la partie « métropolitaine » étant logiquement reproduites pourla partie « outre-mer ») ; plus compliquée car le droit de l’outre-mer pose des problèmesspécifiques souvent difficiles à résoudre229 (incertitude sur l’applicabilité d’un texte, forteévolutivité des statuts…).

212-2. Le contexte temporel de la codification du droit de l’outre-merQuand procède-t-on, aujourd’hui, à la codification du droit de l’outre-mer ? A quellesoccasions ? Dans quel contexte ?

Il importe ici de distinguer quatre hypothèses, dont certaines ne relèvent pas, àproprement parler, de la codification.

212-21. Les entreprises générales de codification- la première hypothèse est plus évidente, le droit de l’outre-mer est codifié en même tempsque le droit métropolitain ; la codification du droit de l’outre-mer suit alors parfaitement lecalendrier des codifications prévues par la Commission supérieure de codification, au seinde laquelle l’esprit du Conseil d’Etat prédomine souvent.

227 Site Légifrance, Guide de légistique, disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr/html/Guide_legistique/accueil_guide_leg.htm> (page consultée le 25 avril 2007).

228 J.O.R.F. du 4 octobre 1997, p. 14403.229 Sur ces difficultés, voir supra, point 121, p. 51-58.

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Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification

Courtier Cyril - 2007 69

C’est par cette voie que le droit de l’outre-mer a été inséré dans de nombreux codesdepuis 1989 et dans pratiquement tous les nouveaux codes élaborés depuis cette date.230

- la seconde hypothèse est un dérivé de la première, induit des difficultés particulièresdu droit de l’outre-mer et de sa codification. Dans ce cas, la codification du droit de l’outre-mer est différée par rapport à la codification du droit métropolitain.

Il s’agit, bien souvent, plus d’un empêchement technique que d’une réelle volonté

politique, ainsi que l’indique le 14ème rapport de la Commission supérieure de codification,« d es retards ont été pris, et des codes ont été publiés sans les dispositions relatives àl’outre-mer. C’est ainsi que les trois premières parties réglementaires du code de la santépublique ont été publiées sans dispositions relatives à l’outre-mer ».231

La codification outre-mer est différée de quelques mois par rapport à la métropole,puisqu’elle s’est révélée trop compliquée pour être réalisée à temps, notamment au vu dupeu de moyens humains dont dispose la cellule juridique du ministère de l’outre-mer.

En effet, « face à l’ampleur de la tâche et dans le but de ne pas retarder la codification »il a parfois été prévu « que les dispositions applicables aux territoires d’outre-mer seraientregroupées dans un livre spécifique publié séparément lorsqu’il aura été élaboré ».232 Lacodification du droit de l’outre-mer se réalise, mais quelques temps après la codification dudroit métropolitain.

Cette solution n’est guère satisfaisante, eu égard au principe d’égalité et à la politiquemise en place par la Commission supérieure de codification qui visait, précisément, à éviterla coexistence d’un droit métropolitain codifié et d’un droit de l’outre-mer non codifié.

Cependant, il apparaît parfois plus pertinent de retarder de quelques mois la codificationdu droit de l’outre-mer, plutôt que de proposer une rédaction approximative des dispositionsrelatives à l’outre-mer.

212-22. De quelques autres variantes- la troisième hypothèse permet de rattraper le retard de la codification en outre-mer, ainsi, ilest procédé à des « extensions », autrement dit, il est inséré une partie « outre-mer » dansun code déjà en vigueur.

Cette « codification » spécifique du droit de l’outre-mer vise à compléter des codesanciens afin de préciser l’applicabilité du droit outre-mer.

Cette « codification », en temps décalé (mais à une échelle beaucoup plus longuepar rapport à la seconde hypothèse, généralement, plusieurs années, voire parfois dessiècles !), permet de rattraper le retard en matière de codification du droit de l’outre-mer.

Le droit applicable à la collectivité départementale de Mayotte a, en particulier, étéinséré de la sorte, dans de très nombreux codes : « signe d’une considération nouvelleapportée à Mayotte, signe d’une volonté de clarifier le droit mahorais, signe surtout d’une

230 Voir infra, point 221-12, p. 88-90.231 Commission supérieure de codification, 14ème rapport, 2003, p. 13.232 Patrice GÉLARD, Rapport n° 4, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement

à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes, Document du Sénat (1999-2000), disponible sur :<http://www.senat.fr/rap/l99-004/l99-004_mono.html> (page consultée le 25 avril 2007).

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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volonté de moderniser ce droit, Mayotte est dans tous les codes, Mayotte fait l’objet de

toutes les attentions ». 233

En pareil cas, il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une codification, mais bienplutôt d’une modification d’un code.234 Ainsi, le ministère de l’outre-mer est, en général,seul compétent et le processus habituel de la codification (avec le suivi du projet par laCommission supérieure de codification) n’est pas mis en œuvre.

Ainsi, l’insertion de ce droit de l’outre-mer dans ces codes « anciens » se réalise defaçon relativement discrète,235 dans le cadre de grandes lois portant diverses mesuresd’adaptation et d’actualisation du droit de l’outre-mer.236

- la dernière hypothèse est un pis-aller de la méthode précédente : un texte législatif ouréglementaire non codifié prévoit l’application, le plus souvent avec des adaptations, d’uncode à l’outre-mer.237

Cette solution est très peu satisfaisante du point de vue de la lisibilité et de l’intelligibilité,puisque la seule lecture du code ne donne aucune information sur le droit de l’outre-mer,il faut impérativement connaître l’existence de la loi ou du règlement pour connaître l’étatdu droit applicable.

Cette technique, historiquement très utilisée tend à disparaître, même si elle réapparaîtindirectement, avec les risques de « décodification ».238

2.2. La prise en compte de l’outre-mer dans lesprocessus de codification actuels

Les spécificités du droit de l’outre-mer sont telles que même le processus de codification nepeut être rigoureusement similaire à celui employé pour codifier le droit « métropolitain ».

233 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification, l’expérience mahoraise », op. cit., p. 87.234 Voir Jean-Jacques HYEST, Rapport n° 75, au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage

universel, du Règlement et de l’administration générale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée Nationale, portant ratification desordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l’actualisation et àl’adaptation du droit applicable outre-mer, Document A.N., 1999-2000, 137 p.

235 Pour un contre-exemple où l’insertion d’une partie « outre-mer » dans un code ancien a été particulièrement décriée(à propos des dispositions relatives à Mayotte dans le code civil) : Voir infra, p. 89-90, voir également Jean-Baptiste SEUBE,« Les techniques de codification : l’expérience mahoraise », Revue Juridique de l’Océan Indien, n° 4, 2003-2004, p. 85-93 ; RémyCABRILLAC et Jean-Baptiste SEUBE, « Pitié pour le code civil, à propos de l’ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002 »,Recueil Dalloz 2003, n° 16, p. 1059 ; Jean-Baptiste SEUBE, « La lisibilité du droit civil à Mayotte », in Laurent SERMET et JeanCOUDRAY (dir.) Mayotte dans la République, actes du colloque de Mamoudzou des 14, 15 et 16 septembre 2002, Montchrestien,2004, p. 225-233.

236 Voir Jean-Jacques HYEST, op. cit., 137 p.237 Ibidem.238 Voir infra, p. 103-104.

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Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification

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Le guide de légistique de Légifrance239 précise ainsi explicitement que « les départementset collectivités d’outre-mer connaissent des régimes particuliers qui ont des effets sur lecontenu, les méthodes et le calendrier de la codification ».

Chaque projet de codification doit donc prendre en compte, au mieux, le droit del’outre-mer, en fonction de ses propres particularités. Il s’agit donc ici d’identifier quels sontles mécanismes actuels de prise en compte des subtilités du droit de l’outre-mer dans lecadre d’un projet de codification, c’est-à-dire d’un processus d’élaboration d’un code. Il estnécessaire de signaler, dès à présent, que le droit de l’outre-mer a obligé la codification às’adapter et à innover.240

La décision de lancement d’un projet visant à codifier une nouvelle branche du droit,ou à refondre un code déjà existant, est prise en réunion interministérielle. Dans un premiertemps, la mission de codification (la cellule administrative chargée d’élaborer concrètementle code) doit recenser l’ensemble des textes législatifs et réglementaires intéressant lamatière à codifier, permettant progressivement, à petits pas, de définir le périmètre du code.

Dès cette première étape, il est demandé aux missions de codification de prendrecontact, à la fois avec les différents ministères concernés et avec les personnalités qualifiéesqui pourraient apporter un regard pertinent. C’est à ce stade que le ministère de l’outre-mer peut déjà être consulté. Au vu de ces premiers éléments (la matière à codifier, le projetde périmètre et les différents textes qu’il est prévu de codifier…), le ministère de l’outre-mer peut faire part de son expertise, en réfléchissant conjointement avec la mission decodification, à la place de l’outre-mer dans le futur code.

Par la suite, le ministère de l’outre-mer est consulté lors de l’élaboration concrète duprojet. Les différentes versions de travail lui sont soumises, mais la codification reste dela seule compétence du ministère pilote, le ministère de l’outre-mer n’a qu’à un rôle deconseil. Concrètement, il est demandé, à toutes les missions de codification, d’indiquer dansla deuxième colonne du tableau Magicode (du nom du logiciel informatique habituellementutilisé en matière de codification), l’application territoriale de l’article qui va être codifié.

A l’occasion de chaque codification, il est d’usage, pour le ministère de l’outre-mer deréfléchir à ces quelques questions :

- est-ce que la matière à codifier ressort encore des compétences de l’Etat et n’a pas ététransférée aux autorités locales ? Cette réflexion permet de cadrer l’application territorialedu futur code, en ciblant d’ores et déjà les collectivités dont le droit applicable va être codifié.

- quelle est l’importance que pourrait prendre l’outre-mer dans le futur code ? Existe-ilun droit spécifique à l’outre-mer dans la matière à codifier ?

- quelles sont les difficultés particulières que pourrait receler la codification de ce droit ?Le ministère de l’outre-mer peut ainsi mettre en garde la mission de codification sur lesspécificités et les subtilités du droit de l’outre-mer qui pourrait être codifié.

De façon plus générale, il s’agit de déterminer le contenu (2.2.1.) de la codification dudroit de l’outre-mer, ainsi que sa technique (2.2.2.).

239 Voir infra, annexe n° 6, page 127. La fiche consacrée à la codification de ce guide de légistique explicite, de façon synthétiqueet pertinente, les règles et les techniques de la codification actuelle.

240 Guy BRAIBANT, « La codification », R.F.D.A., n° 3, mai-juin 2000, p. 497.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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2.2.1. La place et le contenu du droit de l’outre-mer dans lesprocessus de codification

221-1. L’insertion de l’outre-mer dans les projets de codificationComme il est d’usage en matière de codification, ce sont les questions du périmètre et duplan des codes qu’il convient de résoudre en premier lieu.

221-11. Le périmètreContrairement à de très nombreuses autres branches juridiques, la codification du droit del’outre-mer ne pose aucun problème dans le choix du périmètre d’un code.

En effet, la définition du périmètre d’un code est une opération très importante, maispas toujours aisée à effectuer. Il faut prendre en compte à la fois les blocs de législationdu domaine mais aussi des autres codes, déjà existants ou à venir. Le périmètre d’uncode suscite généralement de nombreux débats, les ministères étant parfois tentés vouloirconserver leur « pré carré », quand bien même le principe veut que le périmètre d’uncode n’entraîne aucune conséquence en terme de répartition ministérielle. De nombreusesmatières à codifier sont transversales et peuvent être abordées selon plusieurs angles, or,une même disposition ne peut être codifiée, en position pilote, qu’une seule fois dans unseul code.

Ces difficultés pour définir un périmètre, très fréquentes dans les travaux de codification,ne concernent pas le droit de l’outre-mer, pourtant par nature transversal. En effet, le droitde l’outre-mer se définit ratione loci et non ratione materiae, tant et si bien que la codificationdu droit de l’outre-mer va suivre le cadre des codifications métropolitaines.

Une proposition hypothétique pourrait faire voler en éclats cet avantage, la créationd’un code de l’outre-mer, un code qui regrouperait l’ensemble des dispositions juridiquesapplicables à l’outre-mer. Ce projet, s’il a pu être historiquement mené par des éditeursprivés, comme par des autorités publiques,241 n’a plus guère d’audience aujourd’hui.

En effet, ce regroupement a pu être séduisant dans un premier temps, en tant qu’ilpermettrait d’avoir en un seul document tout le droit de l’outre-mer, et qu’éviterait ainsi derechercher le droit applicable à une collectivité dans une collection d’une vingtaine de codes.Il apparaîtrait également plus logique, a priori, de regrouper le droit par collectivité plutôtque par matière, car personne (sauf peut-être le ministère de l’outre-mer !) n’est amené às’intéresser et à appliquer à la fois les dispositions relatives à Mayotte et celles relativesaux îles Wallis-et-Futuna. De même, la plupart des études de doctrine sur le droit matérielanalyse, de façon séparée, le droit applicable à chacune des collectivités d’outre-mer.

Ainsi, plutôt que de rédiger des codes avec des dispositions relatives à l’outre-merparticulièrement peu lisibles, « ne vaudrait-il pas mieux [par exemple] éditer tout simplementplusieurs codes de commerce, dont le Code de commerce de Nouvelle-Calédonie ou celuide Saint-Pierre-et-Miquelon ? »242 243 voire même de façon plus ambitieuse, le codificateur

241 Pour l’exemple de la Commission adjointe à la Commission supérieure de codification, voir supra, p. 74.242 Jacques LARRIEU, « Dispositions relatives à l’outre-mer », op. cit., p. 97. Même souhait d’un autre auteur : « N’aurait-

il pas mieux valu éditer plusieurs codes de commerce, dont le code de commerce applicable à Mayotte ? », Jean-Baptiste SEUBE,« La lisibilité du droit commercial à Mayotte » in Mayotte dans la République, actes du colloque de Mamoudzou des 14, 15 et 16septembre 2002, Montchrestien, 2004, p. 223.

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ne pourrait-il pas créer, « pour chaque collectivité d’outre-mer son propre "jardin juridique àla française", (…) en rédigeant un code spécifique pour chacune d’entre elles ».244

Cette idée d’un code de l’outre-mer risque pourtant d’achopper sur deux obstacles.Le premier est d’ordre politique : en effet, créer un code de l’outre-mer pourrait

stigmatiser les différences (juridiques) entre la métropole et l’outre-mer, alors queles gouvernants tentent, depuis longtemps, de démontrer l’unité (hypothétique) de laRépublique.

Le second obstacle est d’ordre technique : la réalisation d’un code de l’outre-mer seraitun travail gigantesque (il faudrait revoir la rédaction de tous les codes) pour un résultatmitigé : ce code de l’outre-mer serait particulièrement peu lisible ; en effet, le droit del’outre-mer se construit (encore ?) fréquemment sur la base du droit métropolitain, le codede l’outre-mer serait rempli de dispositions renvoyant à un autre code. Il faudrait doncrechercher le droit applicable dans d’autres codes, ce qui compliquerait la tâche.

Aujourd’hui, les choses sont claires, le droit de l’outre-mer se codifie, branche parbranche, en suivant le même cadre que les codes métropolitains.

Néanmoins, il existe encore quelques codes spécifiquement consacrés à unecollectivité d’outre-mer. Pour mémoire, peuvent être cités :

* Code des communes de la Nouvelle-Calédonie, créé par le décret n° 2001-579 du29 juin 2001 (J.O.R.F. du 5 juillet 2001, p. 10736).

* Code de la consommation des boissons et des mesures contre l’alcoolismeapplicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, créé par l’ordonnance n° 92-1079

du 1er octobre 1992 (J.O.R.F. du 6 octobre 1992, p. 13871), abrogé par l’article 4 del’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 (J.O.R.F. du 22 juin 2000, p. 9340).

* Code du domaine de l’Etat et des collectivités publiques applicable à lacollectivité territoriale de Mayotte, créé par l’ordonnance n° 92-1139 du 12 octobre 1992(J.O.R.F. du 16 octobre 1992, p. 14460) abrogé par le II de l’article 7 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 (J.O.R.F. du 22 avril 2006, p. 6024).

* Code des douanes de Mayotte, créé par l’ordonnance n° 92-1142 du 12 octobre1992 (J.O.R.F. du 16 octobre 1992).

* Code forestier de Mayotte, créé par l’ordonnance n° 92-1140 du 12 octobre 1992(J.O.R.F. du 16 octobre 1992) et décret n°98-935 du 9 octobre 1998 (J.O.R.F. du20 octobre1998, p. 15873).

* Code du travail applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte, décret n° 92-238 du 9 mars 1992 (J.O.R.F. du 15 mars 1992, p. 3751), décret n° 91-1263 du 16décembre 1991 (J.O.R.F. du 19 décembre 1991, p. 16543), ordonnance n° 91-246 du 25février 1991 (J.O.R.F. du 6 mars 1991, p. 3208).

* Code des communes de Polynésie française, loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977(J.O.R.F. du 30 décembre 1977, p. 6287).

* Code de procédure pénale applicable dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, de la Polynésie française et des îles de Wallis-et-Futuna,créé par décrets n° 83-1204 du 29 décembre 1983 (J.O.R.F. du 31 décembre 1983, p. 3906),

243 « La solution d’un code général des collectivités territoriales spécifiquement rédigé pour la collectivité [de Mayotte] auraitpu être judicieuse », Elsa LAMAISON, « La lisibilité du droit à Mayotte », in Mayotte dans la République, op. cit., p. 208.

244 Ibidem.

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n° 84-801 du 27 août 1984 (J.O.R.F. du 29 août 1984, p. 2744), n° 88-601 du 6 mai 1988(J.O.R.F. du 8 mai 1988, p. 6595), n° 94-217 du 11 mars 1994 (J.O.R.F. du 18 mars 1994, p.4188), et n° 94-345 du 25 avril 1994 (J.O.R.F. du 3 mai 1994, p. 6400), abrogé par le décretn° 2005-404 du 27 avril 2005 (J.O.R.F. du 30 avril 2005, p. 7566).

Ces codifications spécifiques sont aujourd’hui en voie de disparition ; non seulement,plus aucun code n’est élaboré de la sorte, mais de plus, les anciens codes spécifiquessont progressivement rapatriés dans les codes métropolitains. Le code des communes dela Nouvelle-Calédonie et le code des communes de Polynésie française pourraient être

ainsi prochainement insérés au sein de la 6ème partie du code général des collectivitésterritoriales.

Il semble qu’aujourd’hui, il est difficile, pour les gouvernements, de justifier untel traitement différencié. La démarche de la Commission supérieure de codification acertainement eu un rôle important dans cette évolution. Mais plus fondamentalement,ces codes spécifiques devenaient vite obsolètes et faute d’actualisation périodique,entretenaient des archaïsmes qui pénalisaient lourdement l’action des administrations oudes citoyens d’outre-mer.

Le code de procédure pénale applicable dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie etdépendances, de la Polynésie française et des îles de Wallis-et-Futuna nourrit (nourrissait,car il a été abrogé en 2005) une originalité qui mérite d’être citée, car elle participe à unebonne intelligibilité du droit, atout essentiel pour le droit de l’outre-mer. La numérotationdes articles de ce code permettait de connaître le champ territorial d’application de ceux-ci. En effet, après la lettre indiquant la source juridique d’où émanait la norme codifiée(R pour les décrets en Conseil d’Etat, D pour les décrets simples), figuraient deux autreslettres qui indiquaient à quelles collectivités s’appliquaient cet article (NC pour la Nouvelle-Calédonie, PF pour la Polynésie française et WF pour les îles Wallis-et-Futuna). Si aucunedes lettres (NC, PF ou WF) n’apparaissaient dans la numérotation, cela signifiait que l’articleétait applicable dans les trois collectivités.

En 1989, la Commission supérieure de codification avait exprimé le souhait de recourir àune telle numérotation, mais dans les seuls cas où aucune division n’indiquait expressémentque les dispositions mentionnées étaient destinées aux anciens territoires d’outre-mer.Pourtant, dans les faits, le codificateur a eu, par la suite, recours aux seules divisionsconsacrées spécifiquement et expressément à l’outre-mer et après recherche, il semblequ’aucun article d’aucun code n’ait jamais reçu de telles numérotations spécifiques. Il fautdire que la solution aurait été particulièrement inélégante et guère pratique tant le nombrede lettres et de chiffres à retenir eût été important.

221-12. La place des dispositions « outre-mer » dans un codeLa prise en compte de l’outre-mer dans le plan d’un code est variable, plus ou moinsimportante, plus ou moins visible. Le droit de l’outre-mer n’apparaît, dans tous les cas,qu’après le droit commun, le droit métropolitain. En effet, le plan de chaque code se conçoitdans le cadre d’une progression du général au particulier. De plus, le droit de l’outre-merse construisant parfois en référence au droit métropolitain (soit pour prévoir l’application dudroit commun à l’outre-mer, soit pour au contraire, l’exclure), il est nécessaire que l’outre-mer n’apparaisse qu’après le dispositif métropolitain.

Néanmoins, l’insertion du droit de l’outre-mer dans le plan d’un code peut s’effectuerselon deux modalités :

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- le droit de l’outre-mer est regroupé dans une division finale spécifique (une partie ouun livre), et constitue ainsi les ultimes dispositions du code ;

- le droit de l’outre-mer est ventilé tout au long du code, que ce soit avec un livre à la finde chaque partie, un titre à la fin de chaque livre, voire un chapitre à la fin de chaque titre.

Le choix entre ces différentes possibilités est motivé à la fois par l’importance desdispositions relatives à l’outre-mer, et par le caractère spécifique du droit de l’outre-mer parrapport au droit métropolitain. Rémy CABRILLAC émet une appréciation plus politique, àpropos de l’insertion, il y a quelques années, de dispositions relatives à Mayotte dans lecode général des collectivités territoriales : « le gouvernement a préféré les codifier au fil desparties du code plutôt que de les inclure dans une partie spécifique, avec l’évidente raisonpolitique de ne pas réserver à Mayotte un statut à part mais de progressivement l’alignersur le droit commun ».245 246 A posteriori, cette appréciation paraît, d’ailleurs, erronée car laloi du 21 février 2007247 a précisément créé une sixième partie à ce même code général descollectivités territoriales, pour prévoir notamment un nouveau régime législatif à Mayotte,lequel n’a jamais été aussi proche du droit commun.

La première hypothèse de plan (celle de l’insertion d’un livre final spécial) a néanmoinsposé un problème quasiment métaphysique, s’agissant des codes historiques, en particulierdu code civil. En effet, suite à la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001,248 il a fallu réfléchir àl’insertion, dans le code civil, des dispositions d’application du code à Mayotte. La solutionchoisie, au moyen de l’ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002,249 qui a consisté àcréer un livre IV intitulé : « Dispositions applicables à Mayotte » après « Des personnes »,« Des biens et des différentes modifications de la propriété » et « Des différentes manièresdont on acquiert la propriété », n’a pas manqué de provoquer la critique très forte de ladoctrine. Sans totalement partager la formulation volontairement provocatrice et caricaturaleparfois employée : « à l’opposé du génie français et de la magie du code civil, le début du

XXI ème siècle annonce un code civil incohérent, illisible et éphémère », le livre IV ducode civil « se lit comme une litanie de dispositions fantomatiques »250 et « heurte aussisûrement notre Code civil que le ferait l’ajout d’une tourelle de plastique sur Notre-Damede Paris ou d’un tag bariolé sur la Joconde »,251 il appert que cette codification ne peut êtrepleinement satisfaisante, non pas tant pour le caractère peu lisible ou technocratique decertaines dispositions codifiées252 (il s’agit bien là d’une constante du droit de l’outre-mer),non pas tant pour l’unité nationale du code civil, chère à Napoléon, mais bien plutôt du fait

245 Rémy CABRILLAC, Les codifications, P.U.F., p. 243.246 Si cette appréciation pouvait être justifiée dans le cas cité par l’auteur, il semble un peu maladroit et exagéré de généraliser

une telle volonté politique pour tout choix de plan de la partie « outre-mer » des codes.247 Loi n° 2007-223 précitée.248 J.O.R.F. du 13 juillet 2001, p. 11199.249 Ordonnance portant extension et adaptation de dispositions de droit civil à Mayotte et modifiant son organisation judiciaire,

J.O.R.F. du 21 décembre 2002, p. 21363.250 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification : l’expérience mahoraise », Revue Juridique de l’Océan Indien,

n° 4, 2003-2004, p. 91.251 Rémy CABRILLAC et Jean-Baptiste SEUBE, « Pitié pour le code civil, à propos de l’ordonnance n° 2002-1476 du 19

décembre 2002 », Recueil Dalloz 2003, n° 16, p. 1059.252 Exemple de l’article 2298 du code civil : « Ne sont applicables à Mayotte les dispositions du cinquième alinéa de l’article

832 et celles des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article 832-2 ».

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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de la codification de dispositions transitoires qui se sont rapidement retrouvées obsolètesvoire erronées : nombre des dispositions de ce livre IV (désormais livre V) auraient besoind’être actualisées aujourd’hui. Cet exemple prouve que si la codification de l’outre-merest devenue un sujet à la mode, il faut certainement éviter, en la matière, la précipitationqui se révèle nécessairement contre-productive à plus long terme. La multiplication descodifications risque de nuire à leur qualité, ou « o sant alors le jeu de mots, on peut penserque la passion, au sens d’engouement, des codes pour Mayotte conduit à la Passion, ausens de mortification, des codes par Mayotte ».253

Choisir la seconde technique (celle de l’insertion des dispositions relatives à l’outre-mer, au fil du code, à la fin de chaque livre), ainsi que l’indique le rapport au Président dela République relatif à l’ordonnance n° 2000-930 du 22 septembre 2000 relative à la partielégislative du code de la route,254 « permet, par le rapprochement de ces dispositions decelles applicables en métropole, de sensibiliser ceux qui seront conduits ultérieurement àmodifier le code, à la nécessité de s’interroger sur les extensions à réaliser ».

En conséquence, l’outre-mer occupe une place de plus en plus importante dans lesplans des codes, ce qui a pu apparaître surprenant, pour certains auteurs : « le livre III[du code de commerce] ne comporte que 66 articles, ce qui, vu l’importance de la venteet des relations commerciales exclusives, semble tout de même un peu mince, comparé,par exemple, aux innombrables dispositions que le Code de commerce consacre à l’outre-mer ».255

Les intitulés des divisions consacrées à l’outre-mer, même s’ils n’ont aucune valeurnormative, ne doivent rien au hasard, un certain usage s’est développé pour relier chaqueexpression à un contexte précis. Ainsi, l’expression « Dispositions relatives à l’outre-mer » tend à s’imposer. Les expressions « Dispositions d’adaptation…», « Dispositionsspécifiques à » « Dispositions particulières à » servent pour les dispositions qui adaptentles dispositions de droit commun, elles concernent surtout les D.O.M.-R.O.M., l’expression« Dispositions applicables…» permet d’annoncer la division qui prévoit les articles qui sontapplicables outre-mer ; elle est fréquente pour les collectivités régies par le principe despécialité.

221-2. Que faut-il codifier ?De par ses fins d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, la codification du droit de l’outre-mer a été l’occasion de multiplier les grilles de lecture (221-21), éléments essentiels pourgarantir une sécurité juridique accrue.

Néanmoins, plus fondamentalement, la circulaire de 1996256 a précisé les textes àcodifier (221-22), s’agissant de l’outre-mer : pour les départements et régions d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce sont les « mesures d’adaptation qui devront êtrerecensées et codifiées lors de l’élaboration du code ». A Mayotte, ce sont « les dispositionsspécifiques à la collectivité territoriale [aujourd’hui la collectivité départementale] qui devrontêtre recensées et codifiées lors de l’élaboration du code ». Pour tous les autres territoires(Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, îles Wallis-et-Futuna et les Terres Australes

253 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification : l’expérience mahoraise », op. cit., p. 87.254 J.O.R.F. du 24 septembre 2000, p. 15053.255 Bertrand FAGES, « De certaines formes de ventes et des clauses d’exclusivité », Droit et patrimoine, n° 95, juillet-août

2001, p. 70.256 Circulaire du 30 mai 1996, précitée. Voir infra, annexe n° 5, p.125.

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et Antarctiques Françaises), la codification concernera les dispositions qui prévoientl’application soit de certaines portions du code, soit d’un droit spécifique de compétenceétatique.

221-21. Les grilles de lectureChaque codification prévoit désormais, au sein d’un ou plusieurs articles, des grilles delecture pour le droit de l’outre-mer. Une grille de lecture permet le remplacement de certainsmots, pour les besoins de l’application d’un texte, sans aucune modification de fond. Il s’agitd’assurer des substitutions terminologiques, eu égard à l’organisation particulière de l’outre-mer. Cela permet de dissiper toute incertitude par exemple quant à la compétence d’uneautorité. Les deux domaines les plus souvent concernés sont l’organisation administrativeet l’organisation judiciaire de l’Etat, avec des dispositions semblables à celles ci-aprèsreproduites :

1) L’organisation administrative de l’Etat :Un exemple classique :Pour l’application du présent code, le mot « préfet » est remplacé par les mots :a) « Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie » en Nouvelle-

Calédonie ;b) « Haut-Commissaire de la République en Polynésie française » en Polynésie

française ;d) « Administrateur supérieur des îles Wallis-et-Futuna » dans les îles Wallis-et-Futuna ;e) « Administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises » dans

les Terres australes et antarctiques françaises.Mais attention aux subtilités, comme par exemple à l’article L. 2571-1 du code général

des collectivités territoriales : « Pour l’application des dispositions de la deuxième partie duprésent code aux communes de Mayotte : 1º (…) le mot : "départemental" est remplacé parles mots : "de la collectivité départementale" ; »

2) L’organisation judiciaireEn Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna, les

mots ci-après énumérés sont remplacés comme suit :1º « tribunal de grande instance » ou « tribunal d’instance » par « Tribunal de première

instance » ;2º « tribunal de commerce » par « Tribunal mixte de commerce » ;3º « conseil de prud’hommes » par « Tribunal du travail ».A Mayotte, les mots ci-après énumérés sont remplacés comme suit :1º « cour d’appel » par « Tribunal supérieur d’appel » ;2º « tribunal de grande instance » ou « tribunal d’instance » par « Tribunal de première

instance » ;A Saint-Pierre-et-Miquelon, les mots ci-après énumérés sont remplacés comme suit :1° « cour d’appel » par « tribunal supérieur d’appel » ;2° « tribunal de grande instance » par « tribunal de première instance ».

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Par ailleurs, la codification est l’occasion de préciser les renvois. En effet, tout codecontient, nécessairement, des références à certains textes ou à certaines règles qui nes’appliquent pas outre-mer. Il faut donc adapter ces références. Ainsi, pour assurer unepleine sécurité juridique, le codificateur prévoit expressément des articles dans lesquels ilest effectué des substitutions, afin que certains articles du code (applicables à l’outre-mer)ne renvoient pas à des dispositions non applicables. Ainsi, il peut être prévu des articles dustyle : « Pour l’application du présent code à Mayotte : la référence au " code du travail" est remplacée par la référence au " code du travail applicable à Mayotte " ». De façonmoins précise, et afin de pallier tout risque de mauvaise interprétation, de nombreux codesont prévu une « disposition balai » du type : « Les références faites par les dispositions duprésent code [ou du présent livre, du présent chapitre etc.] à des dispositions qui ne sontpas applicables sont remplacées par des références aux dispositions ayant le même objetapplicables localement ».

221-22. Les autres dispositions codifiées1) Pour les collectivités (ou les matières) soumises au principe de l’identité législative :

- les articles qui écartent l’application de certaines dispositions :L’article codifié est constitué d’une simple mention territoriale directe de non application

de certaines dispositions.257 Par exemple, l’article L. 514-1 du code de l’entrée et duséjours des étrangers et du droit d’asile prévoit que : « les dispositions des articles L.512-2 à L. 512-4 ne sont pas applicables en Guyane ni dans la commune de Saint-Martin(Guadeloupe)».

C’est ainsi que l’effet suspensif des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontièren’est pas applicable dans ces deux collectivités, ce traitement particulier est justifié parla situation de l’immigration au plan local car ainsi que le rappelle justement StéphaneDIÉMERT, « la pression migratoire extraordinaire que connaît la Guyane, dont la moitiéde la population est étrangère, et la moitié de cette moitié au moins est composéed’étrangers clandestins, justifie-t-elle que le recours en annulation des arrêtés préfectorauxde reconduite à la frontière ne soit pas assorti d’un effet suspensif ».258 Ce droit spécifiquese justifie par un constat de bon sens : faute d’absence d’effet suspensif, « le seultribunal administratif de Cayenne serait saisi d’un nombre de recours [en matière d’arrêtéspréfectoraux de reconduite à la frontière] identique à celui formé devant l’ensemble destribunaux administratifs de métropole… ».259

A contrario, dans d’autres cas, le législateur limite l’application du texte à la seule Francemétropolitaine. Cette solution a l’avantage d’atténuer les effets stigmatisants de l’exclusionmais elle apparaît moins solide juridiquement.

- les articles qui procèdent à des adaptations :Au sein du droit de l’outre-mer codifié, viennent ensuite des articles qui procèdent à des

adaptations, généralement motivées par trois sortes de considérations, selon la typologie

257 Il est toujours possible, et tout concourt à l’accélération de cette pratique, d’utiliser cette technique de l’exclusion del’applicabilité du droit commun pour une seule collectivité : la Guyane, eu égard à ses nombreuses particularités, reste ainsi ledépartement d’outre-mer le plus dérogatoire.

258 Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », op. cit., p. 113.259 Ibidem.

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de Jacques LARRIEU260 : les adaptations « purement techniques liées à la situationgéographique ou politique », celles qui permettent de prendre en compte les compétencesdes autorités locales et enfin, celles destinées à « assurer la cohérence rédactionnelle destextes ».

De nombreux auteurs estiment que, de ce fait, les dispositions relatives à l’outre-mersont, de façon générale, relativement confuses. Ils obligent à des renvois successifs etfinissent par perdre l’interprète dans un labyrinthe de normes. « Loin de permettre unemeilleure compréhension de la règle, les dispositions applicables à Mayotte découragerontles justiciables curieux de connaître leur droit. (…) À vrai dire, on ne saurait trop blâmer lescodificateurs sur ce point. Il est en effet assez évident que le problème, formel, du manquede lisibilité est la traduction d’un problème de fond, plus important ».261

Le droit de l’outre-mer se construit, en effet, par référence au droit métropolitain : la loirègle le cas du régime juridique applicable à l’outre-mer par un rapport de transposition avecle droit commun, qu’il s’agisse d’appliquer ce dernier, de ne pas l’appliquer ou de proposer(de lui substituer) des « amendements ».

Cette technique de la référence législative,262 ne concerne d’ailleurs pas uniquement ledroit de l’outre-mer. Elle est tout aussi fréquente, qu’anodine et inaperçue pour des juristesqui préfèrent livrer aujourd’hui de magnifiques réquisitoires contre l’inflation normative. Ilapparaît, pourtant, que cette technique d’économie législative n’est pas toujours utiliséeà bon escient, et qu’elle entraîne parfois des rattachements surprenants qui pénalisentl’intelligibilité de la norme. Il serait, ainsi, bien souvent plus pertinent de réécrire totalementla disposition, plutôt que de proposer une simple référence technocratique et jargonneuse.

- les articles qui consacrent un droit de l’outre-mer spécifique :Mais le droit de l’outre-mer, contrairement à ce que certains juristes peuvent croire,

ne se conçoit pas uniquement de façon négative, « par l’exclusion pure et simple del’applicabilité d’une norme »,263 les autorités centrales peuvent choisir de prévoir, decréer des dispositions juridiques spécifiques à ces collectivités, en dehors du systèmemétropolitain.

Il existe par exemple une réglementation minière spécifique applicable outre-mer, lecode général des personnes publiques contient de nombreuses dispositions qui n’ont pasd’équivalent en métropole : la zone des cinquante pas géométriques, le caractère publicde la domanialité des cours d’eau…. De même, depuis plusieurs décennies, de nombreuxdispositifs de défiscalisation sont régulièrement adoptés en vue d’attirer les investissementsvers l’outre-mer. Cet aspect de l’activité législative tend à prendre une place croissante.

2) Pour les collectivités (ou les matières) soumises au principe de spécialité législative :

260 Jacques LARRIEU, « Dispositions relatives à l’outre-mer », op. cit., p. 97.261 Ibidem.262 Voir l’analyse doctrinale de cette notion : Gérard CORNU, « L’esprit d’économie législative », in L’art du droit en quête

de sagesse, P.U.F., p. 323-327.263 Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », op. cit., p. 114.

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Sous cet angle, les articles d’un code prévoient quelles sont les parties de ce mêmecode qui sont applicables à ces collectivités, en vérifiant que l’Etat est toujours compétent,pour légiférer dans cette matière.264

Sur ces parties applicables, il est souvent nécessaire de prévoir des grilles de lectureet des articles d’adaptation du type de ceux rédigés pour les collectivités soumises auprincipe de l’identité. Ces techniques de légistique conduisent ainsi en une « duplicationpartielle du texte de droit commun pour chaque collectivité soumise au principe de spécialitélégislative ».265

2.2.2. Comment procéder à la codification de dispositions relatives àl’outre-mer ?

La mission de codification dispose à présent, du droit consolidé qu’elle souhaite codifier,elle sait également où placer ces dispositions, il ne reste plus qu’à préciser le procédé decodification (222-1). Le code élaboré, il faut ensuite lui donner sa pleine valeur juridique, enl’insérant dans un texte normatif officiel (222-2) élaboré selon une procédure particulière.

222-1. Le droit constantLa codification de dispositions du droit de l’outre-mer n’est pas exactement régie par lesmêmes règles que celles habituellement suivies. Un important « régime dérogatoire » enmatière de codification de droit de l’outre-mer doit être analysé. Ainsi, il est tentant deconsidérer que, même au niveau de la technique et des principes de la codification, ledroit de l’outre-mer ne suit pas le droit métropolitain. En effet, alors que la codificationmoderne fait du droit constant son principe moteur, elle accepte pour l’outre-mer une notableexception. Le « droit » de la codification lui-même admettrait donc des adaptations pourl’outre-mer.

222-11. Sens d’une codification à droit constantTous les codes modernes sont élaborés selon le principe du droit constant (autrementappelé « méthode statique ») qui consiste à regrouper des textes en vigueur sans enmodifier le contenu. Codifier à droit constant , cela signifie qu’on ne modifie jamais l’étatdu droit. Il s’agit de reprendre l’ensemble des textes qui existent dans un domaine, de lesremettre en forme, de les réorganiser, de les présenter selon un plan rationnel mais de nerien ajouter à ce qui existe déjà dans le corpus normatif. La codification à droit constantimplique que seules sont rassemblées dans un code les lois en vigueur à la date de sonadoption. A contrario, la codification à droit constant signifie que les textes actuellement encours d’élaboration ne sont pas pris en compte dans le projet de code. Ces normes serontintégrées dans le code dès leur publication.

264 Hypothèse qui risque de devenir de plus en plus rare, du fait de l’instauration de régimes législatifs qui prévoient un quasirecoupement entre les matières régies par le principe de l’identité législative et celles qui échappent à la compétence locale, voir loiorganique n° 2007-223 du 21 février 2007, J.O.R.F. du 22 février 2007, p. 3121.

265 Stéphane DIÉMERT, « L’évolution de la fonction législative outre-mer ou comment on légifère pour l’outre-mer », op. cit.,p. 15.

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L’article 3 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyensdans leurs relations avec les administrations266 a consacré légalement ce principe du droitconstant, en disposant que « la codification législative rassemble et classe dans des codesthématiques l’ensemble des lois en vigueur à la date d’adoption de ces codes » et que« cette codification se fait à droit constant, sous réserve des modifications nécessairespour améliorer la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés, assurer le respect de lahiérarchie des normes et harmoniser l’état du droit ».

Cette technique du droit constant caractérise les codes modernes. En effet, lescodes napoléoniens étaient élaborés à droit non constant et faisaient table rase du passépour refaçonner et recréer un ordre normatif nouveau. En réalité, l’œuvre napoléoniennecorrespond à une période historique particulière caractérisée par une mutation profonde dessources du droit. Napoléon Bonaparte et son Code civil achèvent par là même la Révolutionen jetant les bases d’un ordre économique, social et juridique nouveau. La codification àdroit non constant ne peut être le résultat que d’une demande sociale forte ou d’un videjuridique récurrent. La codification prend aujourd’hui une toute autre dimension et relèved’une logique complètement différente. Il ne s’agit plus de créer du droit mais de faciliterl’accès aux normes existantes. Cette technique du droit constant est la seule qui permetted’élaborer des codes sans les ralentir ou les perdre dans l’examen et les débats de touteréforme de fond. Au contraire, en fournissant aux auteurs de projets de réforme une basede textes clairs, ordonnés et en vigueur, la codification prépare la réforme et la simplificationultérieures des textes.

Sous couvert d’une codification à droit constant, qui par définition n’a pas vocation àcréer de nouvelles normes, les auteurs des codes participent indirectement à l’élaborationdu droit de deux manières :

- D’une part, isoler une disposition normative de son environnement immédiat voire desa source (le texte législatif ou réglementaire d’où elle est issue) et de son auteur constituepour certains une véritable transgression et peut consacrer un pouvoir normatif de fait ducodificateur au moment de la réécriture du droit. De même, la structuration du code lorsde son élaboration, et notamment dans le choix du plan du code, a des conséquencesimportantes dans l’interprétation future à donner à ce code. Ainsi, le sens à donner à unarticle peut dépendre du nom du titre ou du chapitre dans lequel il est inséré.

- D’autre part, si l’article 3 de la loi du 12 avril 2000 consacre légalement que lacodification à droit constant ne modifie en rien le fond du droit, il a autorisé des modificationslorsqu’elles sont nécessaires pour « améliorer la cohérence rédactionnelle des textesrassemblés, assurer le respect de la hiérarchie des normes et harmoniser l’état du droit». Pour préparer un code pleinement conforme à la hiérarchie des normes, le codificateurvérifie donc d’une part la validité des normes qu’il codifie, ce qui l’amène à constatercertaines abrogations ou caducités, d’autre part la conformité du futur code à la Constitutionfrançaise et aux engagements internationaux de la France. De même, les mots et lesconcepts désuets ou dépassés sont remplacés par des notions correspondant plus à lalangue actuelle.

Certes, ce travail de mise à jour est nécessaire, mais en effectuant ce toilettage, lacodification à droit constant n’est pas neutre.

222-12. L’outre-mer et le droit constant

266 J.O.R.F. du 13 avril 2000, p. 5646.

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La codification actuelle s’opère donc à droit constant, sous la réserve des exceptionsprécédemment évoquées, cependant, une telle technique ne saurait être retenue outre-mer. En effet, la codification doit être l’occasion de procéder à une vraie réforme du droitde l’outre-mer. Le droit de l’outre-mer est trop souvent chaotique, touffu, incomplet ouillisible...267 ainsi, il est urgent de réformer de telles dispositions et de ne pas codifier un telétat de droit.

Les codificateurs ont donc admis que, pour l’outre-mer, la codification s’accompagned’une novation et d’une modernisation du droit préexistant. Ainsi, « pour l’outre-mer, il nes’agit pas de ranger et de classer les règles existantes, mais de créer des règles d’unenouveauté sinon absolue, du moins relative, en étendant des règles codifiées qui, jusqu’àmaintenant, n’étaient pas toutes applicables ».268

Cependant, en pratique, les atteintes au droit constant ne peuvent être motivées quepar la nécessité de remédier à un vide juridique. En effet, la circulaire de 1996269 préciseexplicitement que « la dérogation admise pour ces territoires au principe de la codificationà droit constant peut être l’occasion d’y étendre le droit métropolitain en vue de comblerdes vides juridiques ». La codification peut donc être l’occasion de procéder à certainesextensions d’application, par exemple, pour pallier un oubli ou une erreur (l’outre-mer alongtemps été l’oublié de saines réformes270).

De même, la codification permet de remédier à l’ancienneté du droit de l’outre-mer,en effet, « certaines dispositions du droit commun, introduites depuis longtemps dans lalégislation coloniale, n’ont pas été mises à jour des réformes intervenues par la suite ».271

Ainsi que l’indique le rapport fait au Président de la République sur le code de commerce :« la codification des dispositions applicables à l’outre-mer déroge à la règle du droit constant,(…) cette dérogation est particulièrement justifiée, (…) du fait de l’état tout à la fois lacunaireet obsolète de la législation (…) applicable dans les collectivités soumises au principe despécialité législative ».272 L’application stricte du principe de la codification à droit constantaurait eu pour conséquence inopportune de maintenir, dans l’ordre juridique des collectivitésd’outre-mer, des dispositions tombées en désuétude.273

Ainsi, lorsqu’une loi est applicable dans ces collectivités mais que les modificationsultérieures apportées à cette loi n’ont pas été étendues, la codification peut permettred’assurer une mise à jour de la norme. Néanmoins, comme l’indique Jean PERES, cesextensions peuvent représenter : « dans certains cas, un véritable bouleversement desnormes législatives applicables dans ces territoires. Il en est ainsi notamment du code decommerce, du code de l’éducation, du code monétaire et financier, du code de la santépublique ou du code de l’action sociale ».274

267 Jean-Baptiste SEUBE, « L’application de la loi à Mayotte », Jurisclasseur Civil Code, Appendice à l’article 3, Fascicule 5, 2005.268 Jacques LARRIEU, « Dispositions relatives à l’outre-mer », op. cit., p. 95.269 Circulaire du 30 mai 1996 précitée. Voir infra, annexe n° 5, p. 125.270 Yves PIMONT, Les territoires d’outre-mer, P.U.F., 1994, p. 42.271 Jacques LARRIEU, « Dispositions relatives à l’outre-mer », op. cit., p. 95.272 Rapport au Président de la République du 18 septembre 2000 relatif à l’ordonnance n° 2000-912 relative à la partie

Législative du code de commerce, J.O.R.F. du 21 septembre 2000, p. 14777.273 Ibidem.274 Jean PERES, « Application des lois et règlements en Polynésie française », op. cit., p. 39.

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En réalité, la dérogation au droit constant dépend de la formulation (généralementvague) choisie par le législateur dans sa loi d’habilitation (en cas de codification parordonnances). L’article 1 de la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 portant habilitationdu Gouvernement à procéder par ordonnances, à l’adoption de la partie législative decertains codes,275 précisait ainsi que « le gouvernement peut (…) étendre l’application desdispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d’outre-mer, à la collectivitéterritoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et à la collectivité territoriale de Mayotte, avec lesadaptations nécessaires ». C’est ainsi qu’en autorisant l’extension des textes codifiés,ce procédé « évite au Gouvernement le recours à des lois portant dispositions diverses,complexes et hétérogènes concernant l’outre-mer ».276

Le droit applicable à la collectivité départementale de Mayotte en particulier a connu,ces dernières années, un alignement progressif sur le droit métropolitain grâce à lacodification. Fruit d’une profonde et ancienne revendication des élus mahorais, ces réformesconstituent pour Mayotte « un véritable plongeon dans la modernité ».277

De même, la codification est l’occasion de prendre en compte la nouvelle répartition descompétences entre l’Etat et les collectivités locales d’outre-mer, résultant de lois statutairespostérieures aux textes qu’il est envisagé de codifier.278 Il s’agit de « retirer de l’ordrejuridique un certain nombre de règles communes qui, désormais, ne relèvent plus de lacompétence de l’Etat ».279 Pour conclure, il apparaît que la codification permet une remiseà niveau globale du droit de l’outre-mer puisque « l a codification présente le double intérêt(…) de permettre l’actualisation du droit applicable outre-mer et d’analyser pour le codeconcerné la répartition des compétences entre l’Etat et la collectivité d’outre-mer ».280

222-2. Le texte juridique constitutif d’un codeLa partie législative d’un code doit relever de l’exercice législatif, la partie réglementaire d’uncode doit être élaborée par le pouvoir réglementaire, mais bien souvent, au vu de la situationd’encombrement du calendrier parlementaire, la codification législative doit s’effectuer sousforme d’ordonnances de l’article 38 de la Constitution (222-21). Le codificateur doit doncégalement réfléchir au contenu de ce texte (222-22).

222-21. Les ordonnances de codification

L’arrêt du Conseil d’Etat du 24 octobre 2001,281 « Gouvernement de la Polynésie française »apporte des éléments d’analyse particulièrement intéressants sur cette question de lacodification par ordonnance du droit de l’outre-mer. Dans le cadre d’un recours enannulation, le gouvernement de la Polynésie française contestait l’ordonnance n° 2000-930du 22 septembre 2000 relative à la partie législative du code de la route282 ainsi que l’arrêté

275 J.O.R.F. du 22 décembre 1999, p. 19040.276 Sophie LAMOUREUX, op. cit., p. 811.277 Jean-Baptiste SEUBE, « Les techniques de codification, l’expérience mahoraise », op. cit., p. 90.278 Rapport au Président de la République du 18 septembre 2000, précité.279 Jacques LARRIEU, « Dispositions relatives à l’outre-mer », op. cit., p. 96.280 Patrice GELARD, op. cit., non numéroté.

281 Req. n° 222395.282 J.O.R.F. du 24 septembre 2000, p. 15056.

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du 6 octobre 2000 par lequel le haut-commissaire de la République en Polynésie françaisea promulgué l’ordonnance précitée qui aurait méconnu la répartition des compétences entrel’Etat et les autorités de la Polynésie française.

En vertu du statut alors en vigueur, la réglementation de la circulation routière relevaitde la compétence exclusive de la Polynésie française. Cependant, le Conseil d’Etat n’a passuivi l’argumentation développée par le gouvernement de Polynésie française dès lors quele code de la route n’est pas applicable dans sa globalité en Polynésie française. En effet,à l’issue de chaque livre du code de la route, figurent des titres consacrés spécifiquementaux dispositions applicables à l’outre-mer, lesquels prévoient l’application de seulementquelques articles du code de la route à la Polynésie française.

Ces articles applicables concernent seulement des matières qui relèvent de lacompétence de l’Etat comme le maintien de l’ordre sur le réseau routier (interdiction de lacirculation en état d’ivresse, réglementation des véhicules dangereux…). Ainsi, le Conseild’Etat a rejeté la requête visant à annuler l’ordonnance précitée mais il a néanmoinsannulé l’arrêté de promulgation qui, lui, contenait « d’autres dispositions qui touchent à lacompétence de droit commun conférée aux autorités de la Polynésie française ». Danscette décision, l’Assemblée du Conseil d’Etat n’a pas suivi les conclusions du commissairedu gouvernement,283 mais ces dernières permettent de prendre connaissance d’un autremoyen développé par le gouvernement de la Polynésie française, beaucoup plus original.

Dans sa requête, le gouvernement de la Polynésie française motive l’illégalité del’arrêté de promulgation par le fait qu’il méconnaîtrait l’objectif constitutionnel d’accessibilitéet d’intelligibilité de la loi consacré par le Conseil constitutionnel284 à l’occasion de la loihabilitant le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances à l’adoption de la partielégislative de certains codes !!! Plus précisément, le gouvernement de la Polynésie françaisereprochait au haut-commissaire d’avoir promulgué l’intégralité de l’ordonnance et nonles seules dispositions applicables en Polynésie française. Bien évidemment, l’argumentdes requérants n’a pas été suivi puisque la promulgation d’une partie seulement del’ordonnance aurait eu pour conséquence de pénaliser la lisibilité du droit. De par lastructure du code qui prévoit, en fin de chaque livre, une division spécifique pour l’outre-mer et le contenu de ces dispositions (renvois fréquents aux dispositions de la partie« métropolitaine » du code), le code de la route ne forme qu’un tout ; dès lors, la promulgationde l’intégralité de l’ordonnance visait précisément à améliorer la lisibilité du droit applicableen Polynésie française et ne saurait être considérée comme méconnaissant l’objectif àvaleur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

Le Conseil d’Etat a rendu une autre décision, à propos de la codification outre-mer, elledate du 17 mai 2002285 et précise qu’une ordonnance rendue applicable dans un territoired’outre-mer se trouve automatiquement ratifiée pour ce territoire même si la loi de ratificationne prévoit pas l’applicabilité du texte dans le T.O.M. Le Conseil d’Etat n’a pas donc, enla matière, poursuivi la logique instaurée par l’arrêt « Elections municipales de Lifou » du9 février 1990,286 qui déclarait inapplicable, en l’absence de mention expresse, une loi qui nefaisait que modifier un autre texte déjà applicable. Il a considéré que la ratification agissaitseulement sur la nature des dispositions d’une ordonnance mais n’avait pas d’incidence sur

283 Christine MAUGÜE, « Le cas des territoires d’outre-mer », R.F.D.A., janvier-février 2002, p. 73-76.284 Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, précitée. Voir supra, point 112-12, p. 43-44.285 C.E., 17 mai 2002, Req. n° 232359, HOFFER.286 C.E., 9 février 1990, Rec. p. 28.

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Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification

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le droit applicable ; qu’en conséquence, il ne saurait y avoir des dispositions ratifiées devaleur législative en métropole qui demeurent réglementaires outre-mer.

222-22. Le contenu des ordonnances et des décrets de codificationDans les ordonnances ou les décrets de codifications, il est fréquent de retrouver desrédactions similaires, puisque ces textes sont élaborés selon les même règles de légistique.

Les visas : Dans les visas, figurent fréquemment les articles 74 et 77 de la Constitution,mais surtout les avis (ou à défaut les saisines) des assemblées locales. Il s’agit là d’unequestion rituelle du droit de l’outre-mer.

En effet, de façon à garantir une transparence démocratique et à éviter l’applicationde législations inadaptées au contexte local, il existe de nombreuses obligations (de valeurconstitutionnelle, législative ou réglementaire) quant à la consultation des assembléeslocales.

Ces obligations de consultation constitue, bien plus une contrainte pénalisante pourl’action de l’Etat qu’une réelle garantie démocratique (le ministère de l’outre-mer se retrouvebien souvent obligé de se concentrer pour résoudre des problèmes liés aux consultations,plutôt que de traiter des questions « de fond » 287). En effet, le Ministère de l’outre-merne peut saisir les assemblées que lorsque le texte est suffisamment finalisé288 ; tant et sibien qu’à ce moment-là, il est souvent trop tard pour changer l’esprit du texte : l’avis n’apas que très peu d’influence. Il faut signaler, par ailleurs, que les avis des assemblées sontsouvent caricaturaux et se résument en une critique systématique du projet, notamment eninvoquant l’empiètement sur les compétences locales. Les assemblées locales n’hésitentpas à faire valoir leurs droits lorsqu’ils leur apparaissent menacés, notamment dans leursavis, mais également au contentieux.289

Concrètement, il appartient au(x) ministère(s) compétent(s) de saisir, par écrit, leministère de l’outre-mer, afin que ce dernier procède à la saisine des assemblées locales.Pour cette mission, le ministère de l’outre-mer utilise, bien entendu, l’intermédiaire desreprésentants de l’Etat outre-mer.

Les articles :Un article doit prévoir l’application des dispositions de l’ordonnance ou du décret de

codification aux collectivités d’outre-mer régies par le principe de la spécialité législative.Le Ministre de l’outre-mer est ainsi toujours contresignataire des ordonnances ou décretsde codification. Par ailleurs, les rapports au Président de la République (s’agissantdes ordonnances ou des décrets en Conseil des ministres) sont souvent l’occasion decommentaires intéressants sur le droit de l’outre-mer en vigueur dans une matière donnée.Cela peut permettre de donner quelques repères, matière par matière, sur les spécificités

287 Afin précisément de ne pas tomber dans ce travers, le présent mémoire sera volontairement peu développé sur ce point etrenvoie le lecteur intéressé aux articles suivants : Régis FRAISSE, « La loi et l’outre-mer après la révision constitutionnelle, l’exempledu droit d’asile », A.J.D.A., n° 15, 19 avril 2004, p. 811-817 et Jean-Philippe THIELLAY, « L’application des textes dans les outre-mersfrançais », A.J.D.A., n° 20, 26 mai 2003, p. 1032-1037.

288 Pour éviter tout risque d’invalidation pour cause de saisine sur un texte différent de celui finalement adopté.289 Pour un exemple à propos du code du route, voir : MAUGÜE, Christine. « Le contentieux des ordonnances de codification, le

cas des territoires d’outre-mer, Conclusions sur Conseil d’Etat, 24 octobre 2001, Gouvernement de la Polynésie française », R.F.D.A.,janvier-février 2002, p. 73-76. Voir supra, point 222-21, p. 99-100.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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du droit de l’outre-mer : répartition entre l’Etat et les collectivités d’outre-mer, éventuelleévolution de cette répartition, explication du sens des régimes spécifiques à l’outre-mer…

Certaines rédactions particulières peuvent être ici citées, il est possible d’y recourirsuivant le contexte de chaque codification :

- Prise en compte de l’évolution des statuts :Afin de prendre en compte l’évolution des statuts, qui implique que des compétences

jadis étatiques ont été depuis transférées aux collectivités, il est prévu un articlegénéralement rédigé de la façon suivante : « Les dispositions de la présente ordonnancesont applicables à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française à l’exception de cellesqui relèvent de la compétence de ces collectivités à la date de publication de la présenteordonnance ».

- Maintien en vigueur de textes :La codification moderne prévoit l’abrogation de tous les textes codifiés. Cependant,

certaines de ces abrogations ne concernent pas l’outre-mer : l’abrogation des textes codifiésest réalisée « sauf en ce qui concerne » l’outre-mer.

Cette hypothèse relève soit du cas d’un transfert de compétence, ainsi queprécédemment expliqué, soit du cas d’une codification différée faute d’avoir pu terminé leprojet à temps. Ainsi, le législateur est amené à conserver l’ordre juridique ancien pour cescollectivités tout en promouvant une nouvelle organisation en métropole, d’où la formulesouvent utilisée : « Les dispositions abrogées restent en vigueur en tant qu’elles s’appliquenten Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans lesTerres australes et antarctiques françaises ».290

Cette technique est une atteinte au principe d’égalité des citoyens, en effet, ceprocessus empêche ces collectivités de bénéficier d’un ordre juridique clair et codifié ; maisplus grave, l’accès au droit toujours en vigueur devient encore plus malaisé. En effet, lestextes codifiés en métropole sont abrogés et disparaissent ainsi de nombreuses basesd’accès au droit, à commencer par légifrance ou les éditions privées de codes alors que cestextes restent en vigueur dans ces collectivités d’outre-mer.

- Entrée en vigueur différée :Certains textes prévoient une entrée en vigueur différée des dispositions relatives à

l’outre-mer, ainsi que l’annonce un article qui est souvent rédigé sur le modèle suivant :« Les dispositions de la présente ordonnance qui rendent applicables des dispositions quine sont pas en vigueur dans ces collectivités au jour de sa publication entreront en vigueurà compter du… ».

Plus précisément, pour garantir la sécurité juridique, ce report est toujours prévu pourles dispositions qui n’étaient pas applicables précédemment. « Conscients des difficultésque ne manqueraient pas de poser [ces extensions de législations], les codificateurs[prévoient donc] une entrée en vigueur échelonnée des dispositions nouvelles applicablesdans les collectivités »291 d’outre-mer.

- Prise en compte des évolutions législatives futures :

290 Article 10 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété despersonnes publiques, J.O.R.F. du 22 avril 2006, p. 6024.

291 Jean-Baptiste SEUBE, « L’application de la loi à Mayotte », op. cit., non numéroté.

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Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification

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Il est rare que les ordonnances ou décrets de codification prévoient une telle disposition,quand bien même, elle apparaît essentielle pour éviter les effets de « décodification ».292

Il faut, en effet, savoir si les modifications futures du code sont applicables (ou non) auxcollectivités d’outre-mer. Cette précision a parfois été apportée a posteriori par d’autres lois,ainsi, la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte293 dispose, dans le II de son article 3, que : « les dispositions législatives postérieures à la présente loi qui modifient le Code de commercesont applicables de plein droit à Mayotte, à l’exception de celles modifiant le chapitre II dutitre V du livre II, le chapitre Ier du titre II du livre III, le chapitre II du titre II du livre V et lelivre VII de ce Code ».

Le prolongement de cette analyse pose les termes du problème de l’actualisationdes codes. En effet, outre-mer cette question pose des difficultés spécifiques, parfoiscompliquées à résoudre. Après la publication de l’ordonnance ou du décret de codification,le code prend pleinement sa place dans le droit positif. Mais cet état du droit estamené à évoluer : le législateur ou le pouvoir réglementaire modifie régulièrement de trèsnombreuses dispositions de codes, mais qu’en est-il de l’application de ces modificationsoutre-mer ?

En réformant certaines dispositions d’un code, il peut s’avérer nécessaire d’adapterle dispositif à l’outre-mer, dans l’idéal, le législateur devrait par exemple rédiger unnouvel article dans la partie outre-mer du code, prévoyant des mesures d’adaptationou d’application pour les nouvelles réformes ainsi introduites dans le corps du code ;cependant, le législateur préfère parfois indiquer simplement et seulement dans la loi, lesmesures d’adaptation ou d’application concernant l’outre-mer.

Ainsi, la lecture du code donne une vision, au mieux incomplète, au pire inexacte dudroit applicable outre-mer ; dès lors, pour connaître l’état exact de ce droit, il faut avoirconnaissance de toutes les lois qui ont modifié le code.

Ces procédés de « décodification » peuvent être encore plus problématiques, lorsqu’àl’occasion d’une modification d’un code, l’autorité compétente omet purement et simplementde prévoir le cas de l’outre-mer. Ainsi, les collectivités d’outre-mer soumises au principede spécialité législative demeureront régis par l’ancien droit codifié. Dans cette hypothèse,l’accès au droit devient particulièrement malaisé, dès lors qu’aucun texte juridique necontient l’information selon laquelle le nouveau droit codifié n’est pas applicable à cescollectivités d’outre-mer, ledit code pourra même contenir un article qui affirme l’applicationde dispositions qui ne sont plus celles applicables !!! En réalité, cet article doit s’entendrecomme prévoyant l’application des dispositions qui ont été abrogées par la nouvelleréforme mais qui continuent à s’appliquer outre-mer, faute pour le législateur d’avoir prévul’application outre-mer des nouvelles dispositions et de l’abrogation des anciennes (selonla jurisprudence « Elections municipales de Lifou »294).

Pour tenter de sortir de ce nœud gordien, il pourrait être proposé d’étendre la solutionmise en place avec le code électoral ; l’ordonnance de codification prévoit expressément queles dispositions du code applicables aux collectivités régies par le principe de la spécialitélégislative, sont celles en vigueur à la date de publication de l’ordonnance. Autrement dit, ilest proposé de figer le droit de l’outre-mer codifié, à un instant t, au moment de la publicationdu code. Les éventuelles réformes du code pourront être applicables outre-mer, mais la loi

292 Stéphane DIÉMERT, « Le droit de l’outre-mer », op. cit., p. 109-130.293 Loi n° 2001-616, précitée.294 C.E., 9 février 1990, Rec. p. 28.

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modificative devra le prévoir expressément et ce nouveau droit ne sera pas obligatoirementcodifié.

Et pourquoi pas imaginer des « clauses de rendez-vous », plus ou moins officielles, pourrégulièrement réintégrer le droit de l’outre-mer dans les codes, au travers d’une réflexionglobale sur la nécessité des réformes intervenues depuis la création d’un code ?

Par cette technique et par sa tendance naturelle à se décodifier (du fait du principe dela spécialité législative), le droit de l’outre-mer oblige ses auteurs à être perpétuellementattentifs et à régulièrement procéder à des inventaires du droit applicable ; il est, de ce fait,fort probable que le droit de l’outre-mer fasse encore l’objet de nombreuses réflexions decodifications.

Les grandes évolutions vers lesquelles le droit de l’outre-mer va tendre dans lesprochaines années, sont déjà bien connues, dès lors que la révision constitutionnelle du 28mars 2003295 en a constitué un acte précurseur.

Il appert que les autorités locales vont bénéficier de plus en plus de pouvoirs, parl’accélération de transferts de décentralisation, la possibilité de bénéficier d’un statutd’autonomie (article 74 de la Constitution) ou les nouvelles facultés d’habilitation législativeouvertes par l’article 73 de la Constitution (pouvoir d’auto-adaptation et pouvoir normatifdérogatoire).

Cependant, ce mouvement risque de pénaliser l’accessibilité et l’intelligibilité dudroit, en effet, les nouvelles réformes issues de la révision constitutionnelle de 2003296

représentent « les prémices d’un droit spécifique à chaque DOM (…) induisantinévitablement un risque de dérive vers l’autonomie juridique et, de manière plus prosaïque,une difficulté d’accès aux normes applicables. Pour l’administrateur et les juges vont seposer des questions toutes simples, et pourtant redoutables, d’applicabilité des textes dedroit commun dans ces collectivités ».297

Néanmoins, il est permis d’espérer que, par ces techniques, le droit applicable à l’outre-mer y gagnera en clarté et qu’il sera bien mieux et plus rapidement adapté aux réalitéslocales. L’intérêt du citoyen ou du justiciable doit toujours primer sur le confort du juge oude l’administrateur.

Dans les années à venir, il apparaît que ce problème d’accessibilité et d’intelligibilitédu droit élaboré par les autorités locales risque, d’ailleurs, de ne pas se limiter à l’outre-mer. En effet, les grandes réformes de la décentralisation ont donné de plus en plus decompétences aux régions, aux départements, aux établissements publics de coopérationintercommunale et aux communes mais il apparaît légitime de s’interroger sur l’impact decette (r)évolution, en terme de qualité et d’accès du droit élaboré. Cette décentralisation del’élaboration du droit risque d’aboutir à un droit plus difficile d’accès rédigé avec moins definesse et d’intelligibilité.

Ainsi, dans cette matière, comme dans tant d’autres, le droit de l’outre-mer apparaît« aux avant-postes » des grandes évolutions du droit français et constitue ainsi « la sèvedu renouvellement du droit public français ».298

295 Loi constitutionnelle du 28 mars 2003, précitée.296 Ibidem.297 Jean-Philippe THIELLAY, « Les outre-mers dans la réforme de la Constitution », A.J.D.A., 24 mars 2003, p. 568.298 Jean-Yves FABERON, « L’évolution statutaire », La nouvelle donne institutionnelle, Etudes de la Documentation française,

n° 5193-94, 2004, p. 17.

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Deuxième Partie : Le droit de l’outre-mer, vu à travers le prisme de la codification

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« Ce qui nous intéresse, ce n’est pas tant les différences que les apportsdispensés par le droit de l’outre-mer au droit commun. Il est en effetincontestable que celui-ci apporte au débat métropolitain des concepts, dessolutions, des réponses originales. Le droit comparé est une ressource pour ledroit français, mais notre droit connaît en son sein, un droit à part, original etbien vivant : le droit de l’outre-mer »299

Lyon, le 25 avril 2007Cyril COURTIER

299 Christophe TISSOT, « Allocution de clôture du colloque » in Jean-Yves FABERON (dir.), Les collectivités françaises

d’Amérique au carrefour des institutions, La Documentation française, 2006, p. 361.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

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Bibliographie

1) Sur la codification du droit de l’outre-mer :

Ce sujet n’a été que très rarement traité par la doctrine ; sur ce thème, seuls peuventêtre cités :

- SEUBE, Jean-Baptiste. « Les techniques de codification : l’expérience mahoraise ».Revue Juridique de l’Océan Indien, n° 4, 2003-2004, p. 85-93.

- LARRIEU, Jacques. « Dispositions relatives à l’outre-mer ». Droit et patrimoine, juillet2001, p. 94-97.

- Rapport d’activité (novembre 1989 – novembre 1990) de la Commission adjointe à laCommission supérieure de codification chargée de l’inventaire des textes applicablesdans les territoires d’outre-mer, J.O.R.F. du 17 novembre 1990, p. 14169-14170.

2) Sur la codification :

2-1) Ouvrages :

- BEIGNIER, Bernard (dir.). La codification. Paris : Dalloz, 1996. 226 p. (Thèmes etcommentaires).

- CABRILLAC, Rémy. Les codifications. Paris : P.U.F., 2002. 320 p. (Collection « Droit,éthique, société »).

- OPPETIT, Bruno. Essai sur la codification. Paris : P.U.F., 1998. 96 p. (Collection« Droit, éthique, société »).

- SUEL, Marc. Essai sur la codification à droit constant : précédents, débuts, réalisation.Paris : Journaux officiels, 1995. 296 p.

2-2) Articles :

- BRAIBANT, Guy. « Problèmes actuels de la codification française ». R.F.D.A., n° 4,juillet-août 1994, p. 663-667.

- BRAIBANT, Guy. « Codifier : pourquoi ? comment ? » R.F.A.P., n° 73, janvier-mars1995, p. 127-141.

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Bibliographie

Courtier Cyril - 2007 91

- BRAIBANT, Guy. « Codification ». R.F.D.A., n° 3, mai-juin 2000, p. 493-498.

- BRAIBANT, Guy. « La problématique de la codification ». R.F.A.P., n° 82, avril-juin1997, p. 165-176.

- BRAIBANT, Guy et ZARADNY, Aude. « L’action de la Commission supérieure decodification ». A.J.D.A., 11 octobre 2004, p. 1856-1859.

- LAMOUREUX, Sophie. « La codification ou la démocratisation du droit ». R.F.D.C., n°48, 2001, p. 802-824.

- MALAURIE, Philippe. « Les enjeux de la codification ». A.J.D.A., 1997, p. 644.

- MALAURIE, Philippe. « Peut-on définir la codification ? Éléments communs etéléments divers ». R.F.A.P., n° 82, avril-juin 1997, p. 177-182.

- MATTARELLA, Bernardo Giorgio, « La codification du droit : réflexions surl’expérience française contemporaine ». R.F.D.A., n° 4, juillet-août 1994, p. 668-687.

- RUFIN, Michel. « La codification : un témoignage parlementaire ». R.F.D.C., n° 32,1997, p. 811-825.

- VERPEAUX, Michel. « La codification devant le Conseil constitutionnel ». A.J.D.A., 11octobre 2004, p. 1849-1856.

3) Sur le droit de l’outre-mer :Les publications relatives à l’outre-mer sont innombrables, mais les problèmes juridiques n’yoccupent généralement qu’une place réduite. De plus, de nombreuses études juridiques surl’outre-mer sont aujourd’hui obsolètes, du fait de la très forte évolutivité du droit en vigueur.

3-1) Ouvrages :Utiles à consulter pour une perspective historique, ces ouvrages sont aujourd’hui dépassés,avec l’intervention de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 :

- AUBY, Jean-François. Droit des collectivités périphériques françaises. Paris : P.U.F.,1992. 208 p. (Collection Droit administratif).

- ELFORT Maude, FABERON Jean-Yves, GOESSEL-LE BIHAN Valérie, MICHALONThierry et RENO Fred. La loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000.Aix-en-Provence : P.U.A.M., 2001, 624 p. (collection Collectivités locales).

- FABERON, Jean-Yves et AUBY, Jean-François. L’évolution du statut de départementd’outre-mer. Aix-en-Provence : P.U.A.M., 1999. 308 p.

- JACQUEMART, Sylvie. La question départementale outre-mer. Paris : P.U.F., 1983.266 p. (collection Gral, série « Etudes et recherches juridiques »).

- MICLO, François. Le régime législatif des départements d’outre-mer et l’unité de laRépublique. Paris : Economica, 1982. 380 p. (collection Droit public positif).

Sur la Nouvelle-Calédonie :

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

92 Courtier Cyril - 2007

- BAUSINGER-GARNIER, Laure. La loi du pays en Nouvelle-Calédonie: véritablenorme législative à caractère régional. Paris : L’Harmattan, 2001. 192 p. (collectionLogiques juridiques)

- FABERON, Jean-Yves. Le régime législatif de la Nouvelle-Calédonie. Paris : Dalloz,1994. 103 p.

- GARDE, François. Les institutions de la Nouvelle-Calédonie. Paris : L’Harmattan,2001. 356 p. (collection Logiques juridiques)

- LUCHAIRE, François. Le statut constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Paris :Economica, 2000. 149 p.

- ORFILA, Gérard. Régime législatif, réglementaire et coutumier de la Nouvelle-Calédonie. Paris : L’Harmattan, 2000. 162 p. (collection Logiques juridiques).

Autre :

- SAUVAGEOT, Frédéric. Les catégories de collectivités territoriales de la République.Aix-en-Provence : P.U.A.M., 2004. 474 p.

3-2) Les ouvrages collectifs :

L’outre-mer, Revue Pouvoirs n° 113, 2005, et notamment :

- FABERON Jean-Yves, « La France et son outre-mer : un même droit ou un droitdifférent ? », p. 5-21.

- BLÉRIOT Laurent, « Les départements et régions d’outre-mer : un statut à la carte »,p. 57#71.

- CLINCHAMPS Nicolas, « Les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie : lefédéralisme en question », p. 73-93.

- DIÉMERT Stéphane, « Le droit de l’outre-mer », p. 109-130.

FABERON, Jean-Yves. (dir.), La nouvelle donne institutionnelle, Etudes de laDocumentation française, n° 5193-94, 2004, 224 p. et notamment :

- FABERON Jean-Yves, « La France et son outre-mer : un même droit ou un droitdifférent ? », chapitre 1, p. 5-16 ;

- FABERON Jean-Yves, « L’évolution statutaire », chapitre 2, p. 17-29 ;

- VERPEAUX Michel, « Les conséquences générales de la révision constitutionnelle de2003 », chapitre 3, p. 31-42 ;

- DOUENCE Jean-Claude, « Les garanties démocratiques : la consultations despopulations », chapitre 4, p. 43-55 ;

- DIÉMERT Stéphane, « L’ancrage constitutionnel de l’outre-mer français », chapitre 6,p. 67-82 ;

- LUCHAIRE François, « Les catégories de collectivités de l’outre-mer français »,chapitre 8, p. 99-104 ;

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Bibliographie

Courtier Cyril - 2007 93

- BRARD Yves, « Identité ou spécialité législative », chapitre 10, p. 115-125 ;- ROUX André, « Le pouvoir normatif », chapitre 11, p. 127-139 ;- TISSOT Christophe, « L’usage des ordonnances », chapitre 12, p. 141-147 ;- GARDE François, « Le respect des normes : les juges », chapitre 13, p. 149-154 ;- GOHIN Olivier, « Rapport de synthèse », p. 197-212.Revue française d’administration publique n° 101, janvier-février 2002 :-GIRARDIN Brigitte, « Avant-propos, la réforme constitutionnelle et l’outre-mer », p.

3-5 ;- FABERON Jean-Yves et ZILLER Jacques, « Introduction », p. 7-8 ;- LUCHAIRE François, « L’outre-mer français aujourd’hui », p. 9-13 ;- CUSTOS Dominique, « La décentralisation dans les DOM entre continuité et

renouvellement », p. 15-24 ;- ELFORT Maude, « De la décentralisation à l’autonomie : la Guyane », p. 25-37 ;- FABERON Jean-Yves, « La Nouvelle-Calédonie : vivre l’accord de Nouméa », p.

39-57 ;- GARDE François, « L’administration des îles désertes », p. 59-67 ;- BÉLORGEY Gérard, « Le ministère de l’outre-mer : les raisons de la permanence et

les besoins de réforme », p. 83-96.FABERON, Jean-Yves (dir.), Les collectivités françaises d’Amérique au carrefour des

institutions. Paris : La Documentation française, 2006. 366 p. (collection « Mondeeuropéen et international », et notamment :

- DIÉMERT Stéphane, « Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nouvelles collectivitésd’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution », chapitre 3.6., p. 191-210 ;

- TESOKA Laurent, « Le "modèle" des lois du pays », chapitre 3.7., p. 211-220 ;- TISSOT Christophe, « Allocution de clôture », p. 361-362.SERMET Laurent et COUDRAY Jean, Mayotte dans la République, actes du colloque

de Mamoudzou des 14, 15 et 16 septembre 2002. Paris : Montchrestien, 2004, 718 p.(collection Grands colloques), et notamment :

- BLERIOT Laurent, « Réflexions sur le régime législatif de Mayotte après la loi du 11juillet 2001 : entre spécialité et identité législatives », p. 185-200 ;

- LAMAISON Elsa, « La lisibilité du droit à Mayotte », p. 201-212 ;- SEUBE Jean-Baptiste, « La lisibilité du droit commercial à Mayotte », p. 213-223 ;- SEUBE Jean-Baptiste, « La lisibilité du droit civil à Mayotte », p. 225-233 ;- LAFARGUE Régis, « Les contraintes posées par l’article 75 de la Constitution : entre

héritage colonial et volonté de modernisation de la société mahoraise », p. 305-331.

3-3) Articles :

- BIOY, Xavier. « Le droit de l’outre-mer à la recherche de ses catégories ». RRJ Droitprospectif, 2001, n° 4, ET Droit écrit, n° 3, 2001, p. 133-151.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

94 Courtier Cyril - 2007

- CABRILLAC, Rémi et SEUBE, Jean-Baptiste. « Pitié pour le code civil, à propos del’ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002 ». Recueil Dalloz 2003, n° 16, p.1058-1059.

- DIEMERT, Stéphane. « L’évolution de la fonction législative outre-mer ou comment onlégifère pour l’outre-mer ». Revue juridique et politique, n° 1, 2006, p. 9-40.

- FRAISSE, Régis. « La loi et l’outre-mer après la révision constitutionnelle, l’exempledu droit d’asile ». A.J.D.A., n° 15, 19 avril 2004, p. 811-817.

- GOHIN, Olivier. « L’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie ». A.J.D.A., juin1999, p. 502-503.

- GOHIN, Olivier. « L’outre-mer dans la réforme constitutionnelle de ladécentralisation ». R.F.D.A., juillet-août 2003, p. 678-683.

- GRAS, Anne. « L’accès au droit en Nouvelle-Calédonie ». Revue Juridique,Economique et Politique de Nouvelle-Calédonie, n° 9, 2007-1.

- JORDA, Julien, « Les collectivités territoriales outre-mer et la révision de laConstitution ». RFDC, n° 56, 2003, p. 697-723.

- MATUTANO, Edwin. « Actualité d’une notion en mutation : les lois de souveraineté »,RFDC, n° 63, 2005, p. 517- 537.

- MATUTANO, Edwin. « L’identité et la spécialité législatives au gré des évolutionsinstitutionnelles de l’outre-mer ». La Semaine Juridique Administrations etCollectivités territoriales, n° 10, 5 mars 2007, p. 2065.

- MAUGÜE, Christine. « Le contentieux des ordonnances de codification, le casdes territoires d’outre-mer, Conclusions sur Conseil d’Etat, 24 octobre 2001,Gouvernement de la Polynésie française ». R.F.D.A., janvier-février 2002, p. 73-76.

- ORAISON, André. « Quelques réflexions générales sur l’article 73 de la Constitution

de la Vème République, corrigé et complété par la loi constitutionnelle du 28 mars2003 ». R.F.D.A., juillet-août 2003, p. 684-693.

- PERES, Jean. « Application des Lois et Règlements en Polynésie Française,répartition des compétences ». Revue juridique polynésienne, n° 11, 2005, p. 23-66.

- SAUVAGEOT, Frédéric. « Les pouvoirs réglementaires matériellement législatifs descollectivités ultra-marines françaises : la participation active des collectivités d’outre-mer à l’exercice de la fonction législative ». Revue juridique et politique, n° 1, 2006, p.50-71.

- THIELLAY, Jean-Philippe. « L’application des textes dans les outre-mers français ».A.J.D.A., n° 20, 26 mai 2003, p. 1032-1037.

- THIELLAY, Jean-Philippe. « Les outre-mers dans la réforme de la Constitution ».A.J.D.A., 24 mars 2003, p. 564-573.

- VEROT, Célia. « Les conflits de loi entre droit métropolitain et droit local d’outre-mer, Conclusions sur Conseil d’Etat, Assemblée, 4 novembre 2005, Président de laPolynésie française ». R.F.D.A., n° 6, novembre-décembre 2005, p. 1129-1135.

- VERPEAUX, Michel. « Référendum local, consultations locales et Constitution ».A.J.D.A., 24 mars 2003, p. 540-547.

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Bibliographie

Courtier Cyril - 2007 95

- VIVIER, Jean-Loup. « L’application outre-mer des textes nationaux ». Les PetitesAffiches, 22 avril 1999, n° 80, p. 12-18.

3-4) Les encyclopédies :

Jurisclasseur administratif :

- SCHULTZ (Patrick), Départements d’outre-mer, Jurisclasseur administratif, Fascicule130, 1997.

- SCHULTZ (Patrick), Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, Jurisclasseur administratif,Fascicule 131, 1996.

- SCHULTZ (Patrick), Polynésie, Wallis-et-Futuna, Terres australes et antarctiquesfrançaises, Juriclasseur administratif, Fascicule 132, 1996.

- SCHULTZ (Patrick) Nouvelle-Calédonie, Juriclasseur administratif, Fascicule 133,1995.

Jurisclasseur Civil Code :- LUCHAIRE (François), Application de la loi outre-mer, principes généraux,

Jurisclasseur Civil Code, Appendice à l’article 3, Fascicule 1, 2003, 31 p.- ZATTARA-GROS (Anne-Françoise), Application de la loi outre-mer, les départements

d’outre-mer, Jurisclasseur Civil Code, Appendice à l’article 3, Fascicule 2, 2005.- AGNIEL (Guy) Application de la loi en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna,

Jurisclasseur Civil Code, Appendice à l’article 3, Fascicule 3, 2006.- MOYRAND (Alain), Application de la loi en Polynésie française, Jurisclasseur Civil

Code, Appendice à l’article 3, Fascicule 4, 2005.- SEUBE (Jean-Baptiste), L’application de la loi à Mayotte, Jurisclasseur Civil Code,

Appendice à l’article 3, Fascicule 5, 2005.

Autres :

- AUBY (Jean-François), Départements d’outre-mer, Jurisclasseur Collectivitésterritoriales, Fascicule 350, 2000.

- DOUENCE (Jean-Claude), Le régime constitutionnel des départements et régionsd’outre-mer, Répertoire Collectivités locales, Dalloz, Fascicule 1908-1, 2003, 32 p.

- FABERON (Jean-Yves), Le régime général de l’article 74 de la Constitution,Répertoire Collectivités locales, Dalloz, Fascicule 1942-1, 2005, 27 p.

- ORFILA (Gérard), Fascicule Outre-mer, Répertoire civil Dalloz, 2002, 22 p.

4) Les textes :S’agissant des lois, le lecteur intéressé pourra utilement se référer aux rapports et auxdébats parlementaires afférents.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

96 Courtier Cyril - 2007

4-1) Textes généraux sur l’outre-mer :

- Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, J.O.R.F. du 14décembre 2000, p. 19760.

- Loi de programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003, J.O.R.F. du 22juillet 2003,p. 12320.

- Loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de laRépublique, J.O.R.F. du 29 mars 2003, p. 5568-5570.

- Loi n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnellesrelatives à l’outre-mer, J.O.R.F. du 22 février 2007, p. 3121.

- Circulaire du 21 avril 1988 relative à l’applicabilité des textes législatifs etréglementaires outre-mer, à la consultation des assemblées locales de l’outre-mer etau contreseing des ministres chargés des D.O.M.-T.O.M., J.O.R.F. du 24 avril 1988,p. 5454.

- Circulaire du 15 juin 1990 relative à l’application des textes législatifs etréglementaires outre-mer, J.O.R.F. du 31 juillet 1990, p. 9209.

- Circulaire du 6 avril 1994 relative à la coordination de l’action du gouvernement dansles départements et territoires d’outre-mer, J.O.R.F. du 10 avril 1994, p. 5326.

4-2) Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique :

- Loi n° 46-451 du 19 mars 1946 tendant au classement comme départements françaisde la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion et de la Guyane française,J.O.R.F. du 20 mars 1946, p. 2294.

- Décret n° 60-406 du 26 avril 1960 relatif à l’adaptation du régime législatif et del’organisation administrative des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, dela Martinique et de La Réunion, J.O.R.F. du 29 avril 1960, p. 3944.

- Loi n° 82-1171 du 31 décembre 1982 portant organisation des régions de

Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, J.O.R.F. 1er janvier 1983,p. 13.

- Loi n° 84-747 du 02 août 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe,de Guyane, de Martinique et de La Réunion, J.O.R.F. 3 août 1984 p. 2559, rectificatifau J.O.R.F. du 4 août 1984 p. 2575.

4-3) Saint-Pierre-et-Miquelon :

- Loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, J.O.R.F. du 14 juin 1985, p. 6551, rectificatif au J.O.R.F. du 13 novembre1985, p. 13111.

- Décret n° 86-955 du 6 août 1986 pris pour l’application de l’article 24 de la loi n°85-595 du 11 juin 1985 et relatif à la consultation du conseil général de Saint-Pierre-

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Bibliographie

Courtier Cyril - 2007 97

et-Miquelon sur les avant-projets de loi et les projets de décret portant dispositionsspéciales pour l’archipel, J.O.R.F. du 13 août 1986, p. 13935.

- Décret n° 86-1358 du 24 décembre 1986 relatif aux dispositions de natureréglementaire applicables dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, J.O.R.F du 31décembre 1986, p.16013.

4-4) Mayotte :

- Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, J.O.R.F. du 13 juillet 2001,p. 11199.

4-5) La Nouvelle-Calédonie :

- Accord du 5 mai 1998 sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998,J.O.R.F. du 27 mai 1998, p. 8039.

- Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, J.O.R.F.du 21 mars 1999, p. 4197, rectificatif au J.O.R.F. du 16 avril 1999, p. 5610.

- Loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, J.O.R.F. du 21 mars1999,p. 4226.

4-6) Polynésie française :

- Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de laPolynésie française, J.O.R.F. du 2 mars 2004, p. 4183.

- Loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésiefrançaise, J.O.R.F. du 2 mars 2004, p. 4213.

- Décret n° 2005-1611 du 20 décembre 2005 pris pour l’application du statutd’autonomie de la Polynésie française, J.O.R.F. du 22 décembre 2005, p. 19758.

4-7) Wallis-et-Futuna :

- Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut deterritoire d’outre-mer, J.O.R.F. du 30 juillet 1961, p. 7019.

4-8) Terres australes et antarctiques françaises :

- Loi n° 55-1052 du 6 août 1955 conférant l’autonomie administrative et financièreaux Terres australes et antarctiques françaises, J.O.R.F. du 9 août 1955, p. 7979,rectificatif au J.O.R.F. du 8 octobre 1955, p. 9899

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

98 Courtier Cyril - 2007

- Décret n° 56-935 du 18 septembre 1956 portant organisation administrative desTerres australes et antarctiques françaises, J.O.R.F. du 20 septembre 1956, p.8901.

- Décret n° 2004-438 du 21 mai 2004 modifiant le décret n° 56-935 du 18 septembre1956 portant organisation administrative des Terres australes et antarctiquesfrançaises, J.O.R.F. du 25 mai 2004, p. 9210.

4-9) Clipperton et Iles éparses :

- Décret du 12 juin 1936 portant rattachement de l’île de Clipperton au gouvernementdes établissements français de l’Océanie, J.O.R.F. du 16 juin 1936, p. 6338.

- Décret n° 60-555 du 1er avril 1960 relatif à la situation administrative de certaines îlesrelevant de la souveraineté de la France, J.O.R.F. du 14 juin 1960, p. 5343.

5) Les autres documents cités :

BOUVIER, Stéphanie. La reconduite à la frontière. Mémoire : I.E.P. de Lyon, 2007

CORNU, Gérard. L’art du droit en quête de sagesse. Paris : P.U.F., 1998. 426 p.(collection Doctrine juridique)

CORNU Gérard. Vocabulaire juridique. Paris : P.U.F., 2000. 970 p. (collectionQuadrige) DISLÈRE, Paul. Traité de Législation coloniale. Paris : Paul Dupontéditeur, 1886-1901, 4 vol., 830, 921, 160 et 316 pp.

GONIDEC Pierre-François. Droit de l’outre-mer. Paris : Montchrestien, 1959. 493 p.

LUCHAIRE François. Droit de l’outre-mer et de la coopération. Paris : P.U.F., 2ème

édition refondue, 1966. 628 p. (collection Themis)

GOHIN, Olivier. Institutions administratives. Paris : L.G.D.J. 758 p.

Filali OSMAN, Vers un code européen de la consommation ?, Actes et débats ducolloque organisé par le Groupe de recherches en droit des affaires et de la propriétéà Lyon les 12 et 13 décembre 1997. Paris : Bruylant, 1998. 422 p.

PIMONT, Yves. Les territoires d’outre-mer. Paris : PUF, 1994, 127 p. / ROLLAND, Louiset LAMPUE, Pierre. Précis de législation coloniale. Paris : Dalloz, 1940. 623 p.

ARDANT, Gabriel. « La Codification permanente des lois, règlements et circulaires ».Revue du droit public et de la science politique, 1952, p. 35-70.

AGO, Roberto. « Nouvelles réflexions sur la codification du droit international ».R.G.D.I.P., 1988/3, p. 548- 576.

BONAN, Sylvie. « Les lois dites de “souveraineté” outre-mer ». R.F.D.A., n° 12,novembre-décembre 1996, p. 1232-1238.

CHAUCHAT, Mathias. « L’accord de Nouméa condamné par le droit international? ».Recueil Dalloz 1998, chron. p. 419.

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Bibliographie

Courtier Cyril - 2007 99

DAUDET, Yves. « La codification du droit international ». R.F.A.P., n° 82, avril-juin1997, p. 197-208.

FAGES, Bertrand. « De certaines formes de ventes et des clauses d’exclusivité ». Droitet patrimoine, n° 95, juillet-août 2001, p. 70-72

FOYER Jean. « Rapport de synthèse ». Le nouveau code de procédure civile : vingtans après, La Documentation française, 1998, 331 p.

FRAISSE, Régis. « La hiérarchie des normes applicables en Nouvelle-Calédonie ».R.F.D.A., 2000, p. 77-82.

GARDE, François. « Sur l’article 75 : les autochtones et la République ». R.F.D.A., n° 1,janvier-février 1999, p. 1-13.

ORAISON, André. « Justifications et enjeux de la codification du droit internationalpublic ». Revue juridique de l’Océan Indien, n° 4, 2003-2004, p. 25-43.

LECUYER, Hervé. « La codification du droit international privé ». Revue Juridique del’Océan Indien, n° 4, 2003-2004, p. 63-75.

MAGNIN, Sandra. « La codification du droit communautaire ». AJDA, 1997, p. 678- 683.MAUGÜE, Christine. « Le cas des territoires d’outre-mer ». R.F.D.A., janvier-février2002, p. 73-76

MICHALON, Thierry. « La République française une fédération qui s’ignore ? ». Revuede droit public, 1982, p. 623-688.

PERES, Jean. « Application des lois et règlements en Polynésie française ». RevueJuridique Polynésienne, n° 8, 2002, p. 181-208.

SIMON, Denis. « Justifications et enjeux de la codification du droit communautaire ».Revue Juridique de l’Océan Indien, n° 4, 2003-2004, p. 45-61.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

100 Courtier Cyril - 2007

Annexes

Toutes les références à des sites Internet sont à jour au 25 avril 2007.

Annexe n° 1

Titre : Planisphère mondial.Source : La Documentation française, Dossier Outre-mer, disponible

sur : < http:// www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/outre-mer/carte-collectivites-territoriales.shtml >.

Annexe n° 2Titre : Rapport n° 1917, de Monsieur ALAIN VIDALIES, sur le projet de loi, adopté par leSénat, portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption dela partie législative de certains codes (Extraits des pages 13 et 14).

« 2. Le cas spécifique de l’outre-merLa codification revêt une importance particulière outre-mer : la complexité qui résulte

du statut de territoire d’outre-mer, et du principe de spécialité législative qui lui est attaché,fait qu’il est parfois très difficile de savoir quel est le droit applicable dans ces territoires.

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Annexes

Courtier Cyril - 2007 101

Les territoires d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayottesont, en vertu notamment de l’article 74 de la Constitution, régis par le principe de spécialitélégislative : les lois et règlements ne s’y appliquent que sur mention expresse.

Le principe serait simple s’il ne souffrait d’exceptions aux contours mal définis : les loisdites de souveraineté, c’est-à-dire destinées, en raison de leur objet, à régir l’ensemble duterritoire de la République, s’appliquent de plein droit ; sont ainsi, sans aucun doute, des loisde souveraineté, les lois constitutionnelles, les lois organiques ou bien les textes régissantles grandes juridictions nationales ; la circulaire du 21 avril 1988, relative à l’applicabilitédes textes législatifs et réglementaires outre-mer, ajoute à cette liste les lois autorisantla ratification de traités, conventions ou accords internationaux, les textes constituant unstatut des personnes pouvant résider soit en métropole, soit outre-mer, les lois relatives àl’état des personnes, les textes régissant le cumul des mandats électoraux et, de manièreplus générale, l’application, par des textes, des principes généraux du droit. Cette longueénumération ne doit pas cacher la fragilité de cette définition des lois de souveraineté. Lacirculaire du 21 avril 1988, même si elle s’appuie sur la jurisprudence du Conseil d’Etatou des tribunaux judiciaires, n’a qu’un caractère interprétatif et non normatif. Elle ne peutà aucun titre prétendre à la pérennité ou l’exhaustivité et ses termes ont d’ailleurs étécontestés par certains territoires.

Une autre difficulté quant à l’applicabilité de la loi outre-mer concerne les lois modifiantdes lois déjà applicables dans les TOM. Jusqu’en 1990, les lois modificatives étaientconsidérées comme applicables, même en étant exemptes de mention d’applicabilité.Le Conseil d’Etat est revenu sur ce principe par une décision du 9 février 1990 (CEélections municipales de Lifou) ; désormais, des dispositions modifiant des lois applicablesdans un TOM ne sont applicables dans ce territoire que sur mention expresse. Sicette jurisprudence contribue sans aucun doute à redonner plus de rigueur au principeconstitutionnel de spécialité législative, il faut bien convenir qu’elle rend plus complexeencore la compréhension du droit outre-mer : des dispositions abrogées pour la métropolese trouvent ainsi encore en vigueur dans les TOM faute de mention expresse dans la loid’abrogation. La codification constitue dès lors un travail indispensable permettant de faire lepoint sur les textes en vigueur et de réfléchir à leur éventuelle modernisation par l’extension,sous réserve d’une consultation des assemblées territoriales concernées, des dispositionsintervenues depuis lors.

La Commission supérieure de codification est particulièrement sensible à cettespécificité du droit outre-mer : si la Commission de l’outre-mer adjointe à la Commissionsupérieure de codification a été supprimée en 1997, c’est pour confier l’ensemble de sesattributions à la Commission supérieure de codification ; la dimension ultra-marine estdésormais intégrée dans le travail de codification, grâce notamment au concours de troisrapporteurs spécifiquement chargés de l’outre-mer. »

Source : Site de l’Assemblée Nationale, disponible sur : < http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r1917.asp >.

Annexe n° 3Titre : Décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnementde la Commission supérieure de codification (version consolidée).

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

102 Courtier Cyril - 2007

Article 1 :Il est institué une Commission supérieure de codification chargée d’œuvrer à la

simplification et à la clarification du droit qui prend la suite de la Commission supérieurechargée d’étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementairescréée par le décret n° 48-800 du 10 mai 1948. Elle a pour mission de :

Procéder à la programmation des travaux de codification ;Fixer la méthodologie d’élaboration des codes en émettant des directives générales ;Susciter, animer et coordonner les groupes de travail chargés d’élaborer les projets de

codes et fournir une aide à ces groupes en désignant un rapporteur particulier et le caséchéant des personnalités qualifiées ;

Recenser les textes législatifs et réglementaires applicables dans les territoires d’outre-mer, vérifier le champ d’application des textes à codifier en ce qui concerne ces mêmesterritoires et signaler au Premier ministre les domaines pour lesquels il semble souhaitabled’étendre à ces territoires les textes applicables en métropole ;

Adopter et transmettre au Gouvernement les projets de codes élaborés dans lesconditions définies par l’article 3 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droitsdes citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Elle peut également être consultée sur les projets de textes modifiant des codesexistants.

Enfin, la commission est saisie par la Direction des Journaux officiels des difficultés quesoulève la mise à jour des textes mentionnés au 1° de l’article 1er du décret n° 2002-1064du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l’internet ainsi que detoute question liée à cette activité. Elle formule toute proposition utile dans ce domaine.

Article 2 :La Commission supérieure de codification comprend sous la présidence du Premier

ministre :Un vice-président, président de section ou président de section honoraire au Conseil

d’Etat ;Des membres permanents :- un représentant du Conseil d’Etat ;- un représentant de la Cour de cassation ;- un représentant de la Cour des comptes ;- un membre de la commission des lois de l’Assemblée nationale ;- un membre de la commission des lois du Sénat ;- le directeur des affaires civiles et du sceau ;- le directeur des affaires criminelles et des grâces ;- le directeur général de l’administration et de la fonction publique ;- le directeur au secrétariat général du Gouvernement ;- le directeur des Journaux officiels ;- le directeur des affaires politiques, administratives et financières au ministère des

départements et territoires d’outre-mer ;

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Annexes

Courtier Cyril - 2007 103

Des membres siégeant en fonction de l’objet du code examiné :- un membre de la ou des sections compétentes du Conseil d’Etat ;- un membre de la ou des commissions compétentes de l’Assemblée nationale ;- un membre de la ou des commissions compétentes du Sénat ;- le ou les directeurs d’administration centrale concernés par le code examiné ;Un rapporteur général.Deux rapporteurs généraux adjoints.Pour l’exercice de la mission définie au dernier alinéa de l’article 1er du présent décret,

la commission s’appuie sur les travaux d’un groupe d’experts constitué auprès d’elle, dontla composition est fixée par arrêté du Premier ministre.

Article 3 :Le vice-président de la Commission supérieure de codification est nommé pour quatre

ans par arrêté du Premier ministre.Les membres du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes

sont désignés par arrêté du Premier ministre pour une durée de quatre ans, sur propositiondes institutions qu’ils représentent.

En vue de la désignation et de la présence des membres non permanents, le vice-président sollicite les institutions ou les ministères concernés par le code examiné.

Le rapporteur général et les rapporteurs généraux adjoints sont désignés par arrêté duPremier ministre sur proposition du vice-président.

Article 4 :Les membres de la Commission supérieure de codification peuvent être suppléés par

des membres désignés dans les mêmes conditions. Les directeurs d’administration centralepeuvent être suppléés par un haut fonctionnaire ou magistrat placé sous leur autorité etdésigné par le ministre.

Article 5 :La commission peut entendre toute personnalité qualifiée par ses travaux antérieurs.Article 6 :Des rapporteurs particuliers et des personnalités qualifiées pour l’élaboration des codes

peuvent être désignés par le vice-président pour participer aux groupes de travail chargésde la codification.

Trois au moins des rapporteurs particuliers mentionnés ci-dessus sont chargésspécialement de la codification des textes applicables dans les territoires d’outre-mer.

Article 7 :Le secrétariat de la Commission supérieure de codification est assuré par le secrétariat

général du Gouvernement.Article 8 :Dans la limite des crédits ouverts au budget des services du Premier ministre au titre

de la Commission supérieure de codification, des indemnités peuvent être allouées dansles conditions fixées aux articles ci-après :

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

104 Courtier Cyril - 2007

- au vice-président ;- au rapporteur général et aux rapporteurs généraux adjoints ;- aux rapporteurs particuliers ainsi qu’aux personnalités qualifiées.Article 9 :Les indemnités allouées au vice-président, au rapporteur général et aux rapporteurs

généraux adjoints ont un caractère forfaitaire et mensuel. Leur montant est fixé par un arrêtéconjoint du Premier ministre, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargédu budget.

Article 10 :Les indemnités allouées aux rapporteurs particuliers ont un caractère forfaitaire et

mensuel. Leur montant est fixé par le Premier ministre sur proposition du vice-présidentdans la limite d’un plafond fixé par arrêté conjoint du Premier ministre, du ministre chargéde la fonction publique et des réformes administratives et du ministre chargé du budget.

Article 11 :Le montant des indemnités allouées aux personnalités qualifiées a un caractère

forfaitaire. Il est fixé par le vice-président dans la limite d’un plafond établi par arrêtéconjoint du Premier ministre, du ministre chargé de la fonction publique et des réformesadministratives et du ministre chargé du budget. Cette indemnité est payée en deuxversements.

Article 12 :Les décrets n° 48-800 du 10 mai 1948 instituant une commission supérieure chargée

d’étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires, n° 61-652du 20 juin 1961 relatif à la composition de la Commission supérieure chargée d’étudier lacodification et la simplification des textes législatifs et réglementaires et n° 73-246 du 7mai 1973 relatif à l’attribution d’indemnités à certains personnels apportant leur concoursà la Commission supérieure chargée d’étudier la codification et la simplification des texteslégislatifs et réglementaires sont abrogés.

Article 13 :Le ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, le ministre d’Etat,

ministre de la fonction publique et des réformes administratives, le garde des sceaux,ministre de la justice, et le ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de l’économie,des finances et du budget, chargé du budget, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, del’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Publication : J.O.R.F. du 13 septembre 1989, p. 11560.Source : Site Légifrance, disponible sur : <http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Aj

our?nor=PRMZ8905084D&num=89-647&ind=1&laPage=1&demande=ajour >.

Annexe n° 4Titre : Décret n° 89-704 du 28 septembre 1989 portant création d’une commission adjointeà la Commission supérieure de codification.

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Annexes

Courtier Cyril - 2007 105

Publication : J.O.R.F. du 29 septembre 1989, p. 12 239.Le Premier ministre,Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre des

départements et territoires d’outre-mer, porte-parole du Gouvernement,Vu le décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au

fonctionnement de la Commission supérieure de codification,Article 1 :Il est provisoirement adjoint à la Commission supérieure de codification créée par le

décret du 12 septembre 1989 susvisé une commission chargée de recenser pour chacundes territoires d’outre-mer l’ensemble des textes législatifs et réglementaires applicables etde signaler au Premier ministre les domaines dans lesquels il n’existe aucun texte.

Cette commission est assistée dans chaque territoire d’outre-mer par une commissionlocale.

Article 2 :La commission est composée , sous la présidence d’un conseiller d’Etat désigné par

arrêté du Premier ministre, d’un représentant du garde des sceaux, ministre de la justice,d’un représentant du ministre chargé des territoires d’outre-mer et d’un représentant dusecrétaire général du Gouvernement.

La commission dispose de rapporteurs désignés par son président.Elle est habilitée à solliciter l’aide des ministères concernés par sa mission. Tous

renseignements utiles pour l’inventaire des textes doivent lui être fournis.Article 3 :Dans chaque territoire, la commission locale est composée sous la présidence du

secrétaire général du territoire d’un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premierprésident de la cour d’appel et d’un magistrat de l’ordre administratif désigné par le présidentdu tribunal administratif ainsi que, le cas échéant, de personnalités qualifiées désignées parle secrétaire général du territoire.

Le secrétariat de la commission locale est assuré par les services du représentant del’Etat dans le territoire.

Le président de la commission adjointe détermine les travaux des commissions locales.Article 4 :[…]Article 5 :Le ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, le garde des

sceaux, ministre de la justice, le ministre des départements et territoires d’outre-mer, porte-parole du Gouvernement, et le ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre del’économie, des finances et du budget, chargé du budget, sont chargés, chacun en cequi le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de laRépublique française.

Source : Site Légifrance, disponible sur : < http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Ajour?nor=PRMX8910262D&num=89-704&ind=1&laPage=1&demande=ajour >.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

106 Courtier Cyril - 2007

Remarque : Ce décret a été abrogé, par le décret n° 97-894 du 2 octobre 1997(J.O.R.F. du 4 octobre 1997, p. 14403).

Annexe n° 5Titre : Circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs etréglementaires (Extraits).

Publication : J.O.R.F. du 5 juin 1996, p. 8263.« 1.1.5. Travaux préliminairesLe groupe de travail entame, sans délai, les travaux préliminaires de recensement

des textes législatifs et réglementaires intéressant la matière et s’attache à proposer unedétermination fine du périmètre du code.

L’exploitation des banques de données juridiques peut se révéler utile à cet effet. Iladresse au vice-président de la Commission supérieure de codification, dans les deux moissuivant sa mise en place, un calendrier prévisionnel détaillé permettant la réalisation ducode dans les délais prescrits par la réunion interministérielle de lancement.

Il élabore un projet de plan détaillé.Dès ce premier stade, il consulte en tant que de besoin les organismes adéquats

du ministère (conseils supérieurs, hauts conseils...) et les autorités administrativesindépendantes concernées. Il procède également à la consultation de toute personne utile,notamment des représentants des usagers, des praticiens et des professeurs de droit. Ilpourra procéder, s’il l’estime opportun, à la consultation des organismes représentatifs dupersonnel.

Ces consultations précoces sont de nature à éviter d’éventuels malentendus aumoment des procédures d’adoption du code.

Il doit également se mettre en rapport avec les autorités qui auront à participer àl’élaboration du code pour certaines de ses dispositions, notamment les autorités pénales,pour les sanctions pénales, le ministère de l’outre-mer, pour les départements et lesterritoires d’outre-mer, et, le cas échéant, l’institut du droit local d’Alsace-Moselle.

Le projet retenu est soumis, pour approbation, à la Commission supérieure decodification. »

[…]2.1.1. Codification à droit constant« Enfin, le principe de codification à droit constant souffre des exceptions s’agissant

des territoires d’outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte. En effet, dès lors queles matières codifiées relèvent de la compétence de l’Etat et que l’extension des textesconcernés vise à combler un vide juridique sans nécessité d’adaptation, il peut être dérogéà la codification à droit constant. »

[…]3. Questions juridiques particulières« 3.3. Outre-mer

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Annexes

Courtier Cyril - 2007 107

3.3.1. Départements d’outre-merLes dispositions législatives et réglementaires nationales sont applicables de plein

droit, sous réserve de mesures d’adaptation qui devront être recensées et codifiées lors del’élaboration du code.

3.3.2. Saint-Pierre-et-MiquelonLes dispositions législatives et réglementaires nationales lui sont applicables de plein

droit, sauf lorsqu’elles concernent des matières relevant de la compétence du conseilgénéral, sous réserve de mesures d’adaptation qui doivent être recensées et codifiées lorsde l’élaboration du code.

3.3.3. MayotteLes dispositions législatives et réglementaires nationales n’y sont applicables que si le

texte le mentionne expressément. Cette exigence s’impose, même dans le cas où un textemodifie ou complète des dispositions qui ont précédemment été rendues applicables danscette collectivité. Les dispositions spécifiques à la collectivité territoriale de Mayotte devrontêtre recensées et codifiées lors de l’élaboration du code.

3.3.4. Territoires d’outre-merLes dispositions législatives et réglementaires nationales n’y sont applicables que si

le texte le mentionne expressément. Cette exigence s’impose, même dans le cas où untexte modifie ou complète des dispositions qui ont précédemment été rendues applicablesdans ces territoires. Les dispositions spécifiques aux territoires d’outre-mer devront êtrerecensées et codifiées lors de l’élaboration du code par le ministère pilote, en liaison avecle ministère chargé de l’outre-mer.

L’élaboration de chaque code posera la question de l’extension du droit applicable enmétropole aux territoires d’outre-mer. La dérogation admise pour ces territoires au principede la codification à droit constant peut être l’occasion d’y étendre le droit métropolitain envue de combler des vides juridiques.

Dès lors que la codification ne sera pas faite à droit constant, les assembléesterritoriales d’outre-mer devront être consultées conformément à l’article 74 de laConstitution. Dans la mesure du possible, ces consultations devront être faites avant latransmission du projet de code au Conseil d’Etat.

Lorsque les matières codifiées relèvent de la loi organique en vertu de l’article 74,alinéa 2, de la Constitution (compétences des institutions propres, règles essentielles defonctionnement y compris les conditions dans lesquelles s’exerce le contrôle de l’Etat), lacodification devra être portée par une loi organique, mais les articles de loi organique issusde cette loi s’inscriront dans le plan du code à leur place naturelle.

3.3.5. Sur tous ces points, la commission adjointe à la Commission supérieure decodification offre aux ministères, en liaison étroite avec le ministère de l’outre-mer, sacapacité à recenser les textes susceptibles d’extension aux territoires par une codificationqui soit adaptée le mieux possible à ces territoires. Il faut en tout cas éviter la coexistence dedeux ordres juridiques, l’un codifié pour la métropole, et l’autre non codifié pour l’outre-mer. »

Source : Site Légifrance, disponible sur : < http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=502333&indice=1&table=JORF&ligneDeb=1 >.

Remarque : Certaines parties de cette circulaire sont aujourd’hui obsolètes, du fait dela révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

108 Courtier Cyril - 2007

Annexe n° 6Titre : Fiche « Codification » du guide de légistique du site Légifrance.

Fiche « Codification » du guide de légistique du site Légifrance« Essentiellement fondée sur une consolidation et une meilleure organisation des

normes existantes, la codification tend à faciliter la connaissance et la communication desrègles de droit. Le Conseil constitutionnel a rappelé en 1999 que la codification du droitrépondait à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

La codification permet de:- créer un document unique dans une matière du droit, le code, composé d’une partie

législative et d’une ou plusieurs parties réglementaires ;- rassembler des normes dispersées, législatives ou réglementaires, qu’elle coordonne

pour les rendre cohérentes et accessibles à travers un plan logique ;- clarifier le droit et l’actualiser en abrogeant les textes obsolètes, incompatibles ou

contraires à la Constitution, aux engagements communautaires ou internationaux ;- mettre en évidence les lacunes du système juridique et préparer les réformes

nécessaires.En principe, un code organise et présente les textes dans leur rédaction en vigueur au

moment où il intervient. Ce principe de codification à droit constant connaît toutefois desexceptions.

Jusqu’en 1993, le Parlement est intervenu pour donner force de loi à des codesétablis par voie réglementaire puis pour adopter la partie législative de certains codes.Afin d’accélérer le processus de codification, il est désormais recouru aux ordonnancesde l’article 38 de la Constitution. La loi habilitant le Gouvernement à codifier par voied’ordonnances fixe le délai dans lequel le Gouvernement devra publier la partie législativedu code.

I. Organisation de la codificationA. Commission supérieure de codificationLe décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement

de la commission supérieure de codification a fixé les objectifs, la composition et lesrègles de fonctionnement de la commission supérieure de codification. Ultérieurement, lacirculaire du Premier ministre du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifset réglementaires a précisé les modalités et les méthodes de rédaction et de préparationdes codes.

La Commission supérieure de codification est placée sous la présidence du Premierministre ; le vice-président a la responsabilité de la bonne exécution du programmeet en assure la gestion. Il est assisté d’un rapporteur général et de deux rapporteursgénéraux adjoints. Ces derniers représentent la commission aux réunions interministériellesd’arbitrage ; ils suivent plus particulièrement les travaux des rapporteurs particuliers. Lesecrétaire général est chargé de l’administration de la commission et des relations avec lesecrétariat général du Gouvernement.

Les rapporteurs particuliers auprès de la commission sont affectés à un ou plusieurscodes et suivent leur élaboration depuis la décision de lancement du code jusqu’à sapublication au Journal officiel.

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Annexes

Courtier Cyril - 2007 109

La commission se réunit en séance plénière pour examiner et adopter les projetsprésentés par les services de l’Etat au cours de leur élaboration à chaque étape décisive(projet de plan, réalisation d’une partie etc.). Les administrations doivent y être représentéespar le directeur d’administration centrale compétent ou par toute personne qualifiée pourengager son administration. Ces réunions ont aussi pour effet d’harmoniser les méthodeset les règles de codification d’un code à l’autre.

La programmation générale des travaux de codification est assurée par la Commissionsupérieure de codification à partir des propositions faites par les ministères.

B. ProcédureAprès une réunion interministérielle de lancement, qui a pour objet de fixer de manière

aussi précise que possible les principes généraux d’organisation et le périmètre du futurcode, met en place une mission de codification par le ministère chargé de la réalisation ducode, dont les moyens humains et matériels doivent être proportionnés à l’ampleur, auxdifficultés et au calendrier prévisibles du projet. Un plan détaillé est soumis à la commissionsupérieure de codification lors d’une réunion plénière avant que le code lui-même ne soitélaboré, puis examiné par la commission supérieure.

Le classement des textes législatifs et réglementaires dans un plan unique estl’occasion de vérifier la qualité et la nature de ces dispositions et d’opérer les reclassementsnécessaires. Jusqu’en 1989, la codification par voie réglementaire imposait de procéderau déclassement par le biais du second alinéa de l’article 37 de la Constitution qui exigeune décision du Conseil constitutionnel pour les textes postérieurs à la Constitution de1958. Depuis que les parties législatives des codes sont adoptées soit par loi, soit parordonnance, il est possible de confier aux lois ou aux ordonnances le soin d’abroger elles-mêmes les textes à déclasser avec effet à la publication réglementaire du code, ce quipermet de les reprendre directement dans celle-ci. Il est donc particulièrement utile que lesparties législative et réglementaire soient élaborées en même temps ou à échéance trèsrapprochée.

Les opérations procédurales de codification et de mise à jour des codes bénéficientdésormais de l’aide de l’informatique qui a permis d’en normaliser les méthodes. Un grandnombre de codes réalisés ces dernières années (code de justice administrative, code dela santé publique, code de l’action sociale et des familles, etc…) ont pu utiliser le logicielMagicode, initialement mis au point par la direction générale des collectivités locales duministère de l’intérieur, et enrichi par d’autres services.

II. Méthodes de codification- La sélection et l’organisation des dispositions regroupées dans un code doivent

reposer sur des choix cohérents et aboutir à un instrument à la fois utile et maniable. Sontdonc à éviter les codes rassemblant des dispositions qui n’ont pas véritablement de liensentre elles, ceux dont l’intitulé serait trompeur au regard de leur contenu, ainsi que ceux dontle volume serait excessif ou au contraire trop limité. Une fois le code réalisé, le périmètreet l’économie générale qui ont été initialement retenus doivent être respectés dans l’intérêtmême des praticiens et pour ne pas encourir des reproches justifiés, la codification nedoit pas conduire à un bouleversement permanent de la classification du droit et donc descodes. Aussi est-il nécessaire de ne procéder qu’avec circonspection à la modification despérimètres respectifs de codes existants, sauf lorsque les déplacements envisagés aurontété antérieurement prévus. De même, il est déconseillé de renuméroter des articles pouren insérer d’autres.

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La Codification du Droit de l’Outre-Mer

110 Courtier Cyril - 2007

- Le plan du code traduit une organisation du droit adaptée au projet et à l’usager,mettant en valeur les lignes de force de la matière en cause. Sont généralement regroupéesen début de code les grands principes généraux qui inspirent la législation en cause,les règles relatives à l’organisation et aux institutions. En pratique, on s’efforcera d’allerdu général au particulier pour faciliter ultérieurement la gestion des exceptions et desdispositions particulières.

- La division habituelle est en livres, titres et chapitres, au maximum neuf en raisonde la numérotation décimale. Cette organisation commande la numérotation des articles :un article figurant dans le chapitre III du titre II du livre Ier est nécessairement un articlecommençant par L.123 (ou R. ou D.), suivi d’un tiret et d’une numérotation séquentielle.

La division en parties peut être utile car elle offre ultérieurement une plus grandesouplesse de structure et facilite la maintenance du code ; de surcroît, elle permet derépondre aux développements parfois plus volumineux de la partie réglementaire. Certainscodes, comme le code de l’éducation, ont utilisé la division en parties sans que celle-ci ait un impact sur la numérotation. Elle présente toutefois l’inconvénient de conduire àdes numérotations difficilement mémorisables. Les subdivisions, tels les sections, sous-sections et paragraphes suivent les règles habituelles de l’écriture des textes législatifs. Cessubdivisions n’ont pas d’impact sur la numérotation des articles mais facilitent la consultationet l’intelligibilité du texte.

Les intitulés des parties, livres ou chapitres n’ont pas de portée juridique, mais ilspeuvent être utilisés pour interpréter une disposition selon sa place dans un code. Aussi laformulation des intitulés est-elle importante pour que le contenu d’une division correspondeà son intitulé ou qu’à l’inverse l’inclusion d’une disposition étrangère n’en modifie pas laportée.

- Le parallélisme entre les parties législative et réglementaire(s) est la règle et le plan,dans toutes ses divisions et subdivisions, doit se construire en partant des dispositionslégislatives de manière à ce qu’une numérotation homogène entre les parties législative etréglementaire soit conservée. Néanmoins l’homothétie peut ne pas être parfaite ; aussi enl’absence de dispositions législatives, la partie réglementaire correspondante indiquera « leprésent chapitre ne comprend pas de dispositions législatives » (et vice versa).

- La désignation des articles permet de déterminer le niveau du texte dont ils sont issus.Pour la partie législative, les codes distinguent les articles de lois ordinaires (L.)par

opposition aux articles de lois organiques (LO.). Le cas échéant, les articles de lois definances ou de financement de la sécurité sociale sont codifiés en « L ». Mais pour lesdispositions relevant du domaine exclusif de ces lois […], il est préférable de retenir latechnique du code suiveur.

Pour la partie réglementaire, la codification distingue les décrets simples, les décretsen Conseil d’État et les décrets en conseil des ministres :

- décret en Conseil d’État : R, et R* s’il est pris en conseil des ministres.- décret simple : D, ou D* s’il est pris en conseil des ministres ;Dans la présentation du code, les articles « LO. » et « L » pour la partie législative, et

les articles « R* », « R », « D* » et « D » peuvent ne pas être regroupés mais suivre unenumérotation continue (voir par exemple le code de la santé publique).

Il doit être signalé que certains codes réalisés avant la mise en place de la commissionsupérieure de codification retiennent des règles différentes, par exemple une mention R**

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Annexes

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pour les décrets en Conseil d’Etat délibérés en conseil des ministres. En cas de modificationde ces codes, on respectera ces règles.

- Ne sont codifiés ni les textes constitutionnels, ni les textes internationaux etcommunautaires (qui font parfois l’objet d’une codification au niveau communautaire).

Il peut s’avérer nécessaire dans le souci d’une bonne information de l’usager deprocéder à la codification des arrêtés ministériels ou interministériels, identifiées sous desarticles « A ».

Cette partie peut alors être jointe au code selon la matière. Le projet n’est passoumis à la commission supérieure de codification La codification des arrêtés relève de lacompétence du ministre et s’opère par arrêté ministériel ou interministériel.

- Le codificateur est souvent conduit à procéder à des renvois soit au sein d’unmême code, soit entre des codes différents, soit à des lois non codifiées soit à des textesinternationaux, traités ou conventions.

Une autre technique dite du code pilote et du code suiveur a été préconisée lorsqu’ilapparaît nécessaire de reproduire le même texte dans deux codes. Le code suiveurreproduit la disposition du code pilote en la faisant précéder d’une mention ainsi rédigée :« Les règles relatives à…sont fixées par les articles L… du code …ci après reproduits ».Suit le texte du code pilote en caractères italiques. La même méthode peut être utiliséelorsque l’on souhaite reproduire des dispositions de lois non codifiées, notamment des loisde finances ou de financement de la sécurité sociale. La modification de l’article « suiveur »n’est pas nécessaire en cas de modification de l’article « pilote », dès lors que le texte decodification d’origine a prévu cet ajustement automatique. Il n’est pas d’usage de reproduirele texte d’un article du code général des impôts et du code civil, auxquels renvoie un autrecode. Dans la pratique, il s’est avéré que l’utilisation de ce dispositif était lourde, difficile àmaîtriser et à tenir à jour et donc source d’erreurs. Aussi est-il souhaitable de le limiter austrict nécessaire et de l’éviter par une juste répartition des textes entre codes. […]

- Les départements et collectivités d’outre-mer connaissent des régimes législatifsparticuliers qui ont des effets sur le contenu, les méthodes et le calendrier de la codification.La commission adjointe à la commission supérieure de codification ayant été supprimée en1997, ses attributions sont désormais exercées par la commission supérieure de codificationqui peut nommer, outre le rapporteur principal du projet de code, un rapporteur pour la partieoutre-mer. Ce dernier coordonne les travaux du ministère en charge du code et ceux duministère chargé de l’outre-mer. Il doit donc être associé aux travaux de codification dès lelancement du projet.

Source : Site Légifrance, disponible sur : < http://www.legifrance.gouv.fr/html/Guide_legistique/guide_leg.htm#142 >.