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LA BMVR DE TROYES

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Université Paris I Panthéon Sorbonne

Master 2 Pro en histoire de l’architecture. UFR histoire de l’art et archéologie

TOME I : LA BMVR DE TROYES

Mémoire de DEA : La BMVR de Troyes Discipline : Histoire de l’architecture

Année universitaire : 2005-2006 Directeur de mémoire : Monsieur Massu

Présenté et soutenu par Cindy Auvray

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REMERCIEMENTS .

Je remercie vivement Monsieur Massu, mon directeur de maîtrise, pour ses encouragements, ses conseils éclairés, sa disponibilité et son écoute attentive. Ce mémoire n’aurait pas pu aboutir sans les précieux entretiens et les visites fréquentes pour consulter les archives aux Archives municipales. Ma gratitude est grande en vers ces personnes qui m’ont accordé un peu de leur temps et ne serait se réduire à une simple énonciation de leur nom. Je tiens à remercier Monsieur Louis Burles qui m’a permis de le rencontrer lors d’un entretien que nous avons eu et Monsieur Olivier Cayer.

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Avant Propos.

A la suite de mon mémoire de maîtrise dont le thème portait sur « la Bibliothèque

Municipale à Vocation Régionale (BMVR) de Montpellier » réalisé par l’architecte Paul

Chemetov. Les recherches que j’ai effectuées l’année précédente m’ont permis d’avoir

une vision globale de ce bâtiment. On compte en France douze BMVR. Il m’a donc

semblé un peu restrictif de me baser sur un seul cas d’étude. C’est pour cela que j’ai

souhaité, pour mon mémoire de Master 2 Pro, poursuivre sur le sujet. Je me suis

intéressée à la médiathèque de Troyes afin d’élargir mon thèmes à d’autres questions

qui complèteraient mon travail de l’année passée. J’ai choisi Troyes qui était elle aussi

rattachée au projet de la loi des BMVR. Tout d’abord parce qu’elle était située dans une

petite ville dont la situation économique, géographique et politique est aux antipodes de

Montpellier. Cela m’a permis de voir si la conception de celle-ci était basée sur les

mêmes critères, en dégager les contrastes, les différences et les similitudes.

D’autre part, le sujet me semblait d’autant plus intéressant, en ce qui relève de la

bibliothèque de Troyes, qu’il concerne des objectifs pour le moins différents que celle de

Montpellier. Ils sont aussi inédits. L’histoire de la ville liée aux livres permet de montrer

que la modernité s’enracine dans l’histoire. La richesse de la collection patrimoniale a

abouti à concrétiser un programme muséographique pour valoriser le livre. C’est un

sujet qu’il me semblait intéressant d’approfondir. Enfin un bâtiment qui a été

récompensé pour son architecture en recevant l’Equerre d’Argent m’a incité à découvrir

cette architecture à qui les professionnels ont décerné un prix.

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Table des matières

TOME I : LA BMVR DE TROYES Introduction : ............................................................................................ 7 1- LA MUTATION DES BIBLIOTHEQUES. ............................................ 14

1.1- Les pratiques culturelles en profonde mutation. ............................................. 14

1.1.1- La loi de décentralisation et ses paradoxes, conséquence d’un système culturel complexe15 1.1.2- La lecture : l’une des pratiques culturelles les plus légitimes. .............................................. 25 1.1.3-La diversification des supports dans les médiathèques. ....................................................... 28

1.2- Une prise de conscience politique qui a engendré une évolution de ces bâtiments et leur mise en valeur. .................................................................................. 30

2.1.1- Le rôle joué par les municipalités dans la création des bibliothèques. ................................. 31 2.1.2- La place des municipalités dans la démocratisation de la culture. ....................................... 31 2.1.3- La valorisation des villes par l’architecture. .......................................................................... 36

1.3- Bibliothèques et médiathèques. ............................................................................ 36

1.3.1- Les différences entre bibliothèques et médiathèques. ......................................................... 37 1.3.2- La représentation d’une médiathèque. ................................................................................. 38 1.3.3- L’architecture des médiathèques. ......................................................................................... 39

2-LA PROGRAMMATION. ...................................................................... 41

2.1- Le programme ses exigences et ses contraintes. ............................................ 41

2.1.1- La situation économique et sociale de la ville de Troyes. .................................................... 42 2.1.2- Les causes de la vétusté de l’ancienne bibliothèque. .......................................................... 43 2.1.3- L’insertion de la bibliothèque dans son contexte urbain. ...................................................... 47

2.2- L’étude de programmation. .................................................................................... 52

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2.2.1- Les ambitions de la future médiathèque. .............................................................................. 52 2.2.2- Le lancement du concours. .................................................................................................. 54 2.2.3- Les intentions architecturales. .............................................................................................. 58

2.3- Le parti définitif. ......................................................................................................... 62

2.3.1- Une façade sur la ville. ......................................................................................................... 62 2.3.2- Une architecture sans compromis. ....................................................................................... 64 2.3.3. La réception du bâtiment d’un point de vue architecturale. .................................................. 68

3-MODERNITE ET HISTOIRE. ................................................................ 72

3.1-Architecture de supermarché ? .............................................................................. 72

3.1.1- Bibliothèque supermarché ou non ? ..................................................................................... 73 3.1.2- Le 1% artistique. ................................................................................................................... 80 3.1.3- Bibliothèque et société en France : les bibliothèques face aux mutations sociales. ............ 82

3.2- L’instrumentalisation de la culture. ...................................................................... 87

3.2.1- Développement culturel en région. ....................................................................................... 88 3.2.2- Une politique culturel qui s’enracine dans l’histoire. ............................................................. 91 3.2.3- Démocratisation de la culture. .............................................................................................. 95

3.3- Entre patrimoine et modernité. ............................................................................ 100

3.3.1- Le tourisme pour relancer l’économie. ............................................................................... 100 3.3.2- Principes muséographiques. .............................................................................................. 103 3.3.3- Le public visé pour cette exposition. ................................................................................... 106

CONCLUSION : ..................................................................................... 109

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Introduction :

L’évolution des bibliothèques a été longue. Elle s’amorce à la Révolution

Française et s’est amplifiée avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Les BMVR vont

apporter un soin particulier dans l’architecture ce qui est une première dans l’histoire

des bibliothèques françaises. Certes, certains exemples se trouvent avant cette date

mais ils sont ponctuels comme on peut le voir à la fin du XVIII e siècle avec Etienne

Louis Boullée qui propose pour la première fois dans son projet de la bibliothèque royale

une vision rationaliste de ce type de programme. Il fait figure d’exception. Jusqu’à la

création de la BNF. Les architectes continuent à concevoir les bibliothèques sur un

schéma classique « comme un exercice d’école » et ne s’interrogent guère sur leur

fonctionnement. Tout au long du XIX e siècle l’organisation reste sensiblement la même.

L’architecture des bibliothèques est soumise à une idée prédominante que l’ensemble

des acteurs (architectes, bibliothécaires, municipalités) partagent. Ils cherchent à faire

un temple de la culture où les façades doivent présenter un travail de sculpture à la

manière « beaux arts » de l’époque. Ils veulent que la façade traduise la richesse

intellectuelle de la ville, cela s’exprime par une surcharge ornementale. A partir du XXe

siècle ce modèle devient vétuste car il limite le développement de la lecture publique et

va provoquer des critiques. Parmi eux Eugène Morel, est le premier importateur du

modèle anglo-saxon. Il est l’auteur de deux livres montrant les insuffisances des

bibliothèques françaises. (Bibliothèques 1908 et La librairie publique 1910). Lors de ses

voyages en Angleterre et aux Etats Unis, il découvre les vertus des bibliothèques

modernes qui sont tournées vers les besoins du public, plutôt que vers le travail des

savants et des érudits. Dans ses deux livres, il va donc montrer les priorités nouvelles

comme la documentation des adultes avec la présence de la presse, l’accueil des

enfants, l’accès direct aux rayons et la qualification du personnel. Mais cela est un début

de prise de conscience, car il est trop isolé pour convaincre la majorité. D’ailleurs ses

arguments seront repris et appliqués plus efficacement après la guerre.

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Le mouvement de modernisation des bibliothèques s’est réellement amorcé pour

les bibliothèques municipales dans les années 1970. Les choses sont lentes à se mettre

en place. Les années 1970 montrent encore une bibliothèque, comme équipement de

base destiné à tous. L’architecture de ces bâtiments a été banalisée pour s’intégrer

dans leur environnement, cités HLM, centres commerciaux ou autres. Dans ces années

la bibliothèque ne se distingue pas de son environnement et en est ainsi le

prolongement normal.

L’année 1988, fait date, car c’est à ce moment que la France prend conscience

de son retard en matière de bibliothèques par rapport à ses voisins européens. Les

choses vont se délier et grâce à la réélection de François Mitterrand à la présidence de

la République puis à la nomination de Jacques Lang au poste de ministre de la culture

et de la communication, désormais la lecture publique va être au centre des

préoccupations. La date référence est le 14 juillet 1988 lorsque François Mitterrand

annonce la construction de la très grande BNF. Un projet tout à fait audacieux par sa

modernité voit le jour avec des supports permettant un élargissement mondial et avec

un public élargi allant de l’amateur éclairé au chercheur professionnel spécialisé.

Mais la vraie révolution : c’est le bâtiment. Dès lors, l’architecture des

bibliothèques va être un facteur majeur, on laisse la rationalité prendre le pas sur le

modèle type Beaux Arts du XIXe siècle. A partir de ces années les BM ont cessé d’être

des établissements voués à la monoculture du livre pour un public lettré mais peu

nombreux. Elles sont devenues de véritables centres culturels proposant des services

diversifiés à des publics hétérogènes tant au niveau de leur âge, de leur formation, de

leurs besoins, que de leur pratique et de leur classe sociale.

Il est aujourd’hui un fait acquis en France que l’on construit moins de musées que

de bibliothèques. Les bibliothèques sont désormais des institutions à part entière et leur

avènement est tout aussi important qu’une école ou qu’un complexe sportif. Elles sont

les nouvelles cathédrales de la culture et s’imposent autant comme des repères urbains

que comme des lieux d’introspection, et sont les nouveaux espaces du savoir. Finie,

désormais la bibliothèque honteuse des années 1970. Par leur architecture les BMVR

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montrent que les municipalités se soucient de l’urbanisme pour l’intégration de ces

bâtiments et les fonds monumentaux. La BMVR de Troyes est construite pour

redynamiser une ville économiquement marquée par la chute du textile. Aujourd’hui les

motifs de construction d’une médiathèque ou BMVR sont multiples. Beaucoup de villes

se dotent de ce type de bâtiments publics, mais cet engouement est relativement récent

et issu d’un long processus.

Les éléments constitutifs sur lesquels nous nous sommes appuyés pour répondre

à l’ensemble des questions que pose l’architecture de la BMVR de Troyes se trouvent

dans les archives municipales de la ville. Monsieur CAYEZ Olivier s’est mis à mon

entière disposition afin de me fournir certains documents précieux pour pouvoir

poursuivre mes recherches. Dans les archives de la ville, on trouve d’une part le dossier

du concours, l’étude de programmation faite par l’agence Café et d’autre part le permis

de construire ainsi que de nombreux plans du bâtiment. Ces dossiers ont été

fondamentaux pour l’analyse architecturale. Ses Sources de première main étaient

d’autant plus importante car aucune étude n’a été faite sur ce sujet. Le sujet de la BMVR

de Troyes n’a pas été traité, hormis quelques articles qui ont été écrits dans les revues

spécialisées. (Bulletin des bibliothèques de France, Techniques nouvelles, Archimag).

Ce point n’ayant pas été abordé nous essaierons de fournir une discussion complète de

la programmation et de l’analyse architecturale. En outre certains thèmes ne seront pas

abordés et d’autres seulement survolés pour des questions de temps ou même

d’impossibilité d’obtenir certains documents. Nous nous somme également appuyés sur

de nombreux articles parus dans les revues spécialisées en architecture comme

Techniques et Architecture, Archimag, Le moniteur, Techniques nouvelles, sur la presse

locale comme, sur les bulletins des bibliothèques de France et certains ouvrages qui

montrent le fonctionnement d’une bibliothèque au niveau de la présentation des

services. Des ouvrages écrits par les architectes nous ont permis de voir en filagramme

leur conception de l’architecture et le traitement d’autres bibliothèques construites avant

et après celle de Troyes. L’exploitation des archives et des sources imprimées a pu être

complétée à une l’entretiens avec Louis Burles, j’ai pu établir un lien entre l’architecture

et la lecture publique.

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Les bibliothèques sont liées à l’histoire de l’écriture, des livres et des supports,

que ce soit depuis la naissance de l’imprimerie jusqu’aux mémorisations des textes ou

au catalogue en lignes. La BMVR de Troyes qui est notre cas d’étude semblait être un

exemple parfait pour montrer l’évolution de celle-ci du livre, de la lecture et l’impact de

celle-ci sur l’architecture de ces établissements. La société dans laquelle nous vivons

aujourd’hui à évoluer et par la même le livre a dû s’adapter à ces mutations. A la suite

de quoi, il m’a semblé intéressant d’aborder des thèmes liés d’une part à cette évolution.

D’autre part, ils ont eu un impact sur la fonction et l’esthétique de ces établissement du

savoir. Nous nous intéresserons à la culture qui résulte dans la pratique aux

changements sociaux. La culture, fait de société, qui évolue avec elle se situe comme

un investigateur dans une politique culturelle fortement marquée. Cela nous a amené à

nous demander quelles ont été les choses qui ont fait naître ce regain d’intérêt pour la

lecture publique. Nous parlerons des supports pour étayer ou contrebalancer cet

argument.

« Accumuler les livres, les classer, y ajouter les supports numériques, constitue un projet exaltant

qui revient à rêver d’embrasser l’entièreté du monde et la totalité des temps »

Les changements et les socles nouveaux ont favorisé l’évolution des pratiques

culturelles. Celles-ci ont subi de grands changements dont le point dominant a été la loi

des trente cinq heures. Le temps libre qui était imparti aux citoyens s’est vu augmenter.

Ce qui en découle, c’est le temps consacré aux loisirs dont les activités culturelles fond

partie. Les mouvements politiques ont favorisé la fréquentation des lieux destinés à ces

activités, par les décisions qu’ils ont pu prendre pour que la lecture soit plus attractive et

accessible.*

L’Architecture des BMVR est-elles le reflet des mutations sociales, politique,

économique, culturelles ? Voici la question à laquelle nous tenterons de répondre au

travers de l’architecture de la BMVR de Troyes.

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Mon premier objectif est de montrer la mutation des bibliothèques au travers des

pratiques culturelles en abordant des thèmes qui s’y rattachent. Paris est resté

longtemps le pôle culturel français. Nos dirigeants ont mis un point d’honneur à lever les

barrières sur les pratiques culturelles. La capitale exerçait une suprématie centralisatrice

dont les villes de province ont souffert. Nous montrerons les moyens que l’Etat a mis en

place pour y remédier. Nous évoquerons la loi de décentralisation et ses paradoxes qui

sont les conséquences d’un système culturel complexe. Au regard de cette loi nous

tenterons de définir le modèle sur lequel est fondé notre système culturel français

comme la loi de décentralisation et ses paradoxes. On tentera de donner des réponses

de ce système qui gardent des stigmates de nos pères, qu’ils soient aussi bien de la

monarchie que de la république.

Les municipalités ont le pouvoir de créer, d’aménager, de construire de nouveaux

équipements et de définir l’investissement financier qu’elles souhaitent leur consacrer,

car les bibliothèques sont sous leur responsabilité. Elles veulent créer dans leur ville un

lieu qui renfermerait le savoir universel pour donner la possibilité

« D’assurer pour tous le plein et l’égal accès à l’éducation, la libre poursuite de la vérité objective

et le libre échange des idées et des connaissances » UNESCO.

La création des BMVR est issue de l’initiative de J. Sueur maire d’Orléans, qui a

pris la décision de proposer un programme qui permettant une aide financière de l’état

plus conséquente pour ce type d’édifice amènera à la 3e part du concours particulier

pour lequel Troyes était éligible. Enfin, nous essayerons de déterminer la différence qu’il

y a entre les bibliothèques et les médiathèques au travers de leur fonctionnement et de

leur représentation architecturale.

Le deuxième objectif est de montrer que la ville a donné le projet à une équipe de

programmation pour réaliser un programme précis qui permettrait aux concurrents de

voir les attentes du maître d’œuvre. Puis un concours a été lancé pour sélectionner le

maître d’ouvrage. Nous montrerons que le but de ces démarches est mis en place afin

de combler toutes les attentes des usagers. Au travers de cela nous ferons ressortir La

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situation économique et sociale de la ville de Troyes qui nous permettra de mieux

comprendre son retard en matière de bibliothèque ainsi que les causes de la vétusté de

l’ancien Bâtiment et l’insertion du nouveau dans le contexte urbain. Nous analyserons

l’architecture de ce bâtiment en essayant de faire ressortir les particularités de celui-ci.

Précédemment leur architecture représentait un objet anodin dans le paysage

architectural. Au début des années 80, elle devient monumentale et s’érige en signal

dans le tissu urbain. Nous montrerons comment ce bâtiment a été perçu lors de sa

réception et vers quoi cela tend C’est désormais un point de repère dans la ville. Cette

volonté des élus locaux à construire toujours plus grand et plus beau est tout de même

une des choses essentielles qui ont fait apparaître cette architecture des bibliothèques.

Cela se renforce par le choix des architectes souvent de renommée nationale voire

internationale.

Le projet de la BMVR de Troyes s’inscrit dans une triple démarche : de recherche

d’image pour la ville et ses équipements culturels.

L’analyse de la BMVR de Troyes sous entend donc de prendre en compte les

principaux acteurs qui ont joué un rôle dans la création de ce bâtiment c'est-à-dire :

1 la municipalité qui a fait les démarches pour être éligible à la 3e part du

concours particulier dont bénéficie cette construction.

2 l’Etat qui a joué un rôle dans le financement de ce projet.

3 L’office du tourisme, qui tente de redynamiser la ville au travers du

tourisme culturel.

Nous prendrons aussi en compte la perception historique, économique, idéologique,

constructive, esthétique et fonctionnelle qui nous permet de mieux comprendre les

questions que peuvent soulever un tel programme.

Nous ferons un bref récapitulatif de l’historique des bibliothèques des soixante dernières

années pendant lesquelles ont lieu de grandes transformations au point de vue social,

politique, institutionnel et technologique. Cependant, nous ne nous attarderons pas sur

cette question qui a été étudiée par Hélène Caroux.

Dans les années 1980, une réflexion s’ouvre sur la qualité architecturale des

bibliothèques, vues comme un lieu collectif, elle doit exprimer les valeurs de son temps.

L’image actuelle de la bibliothèque est plus politique et culturelle qu’architecturale.

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L’architecture doit exprimer une pluralité de messages suggestifs en cohésion avec son

temps, montrant les différences locales, et s’adapter à des attentes sociales variées.

Chaque projet doit posséder une qualité d’extension urbaine dans un contexte déjà

établi. Nous aborderons effectivement l’architecture du bâtiment proprement dit, comme

l’organisation des espaces, les aspects formels et constructifs ainsi que le rôle joué par

les différents acteurs dans la conception et la réalisation de ce bâtiment. Enfin, nous

aborderons la question de la réception qui est surtout le fait d’articles et de revues de

presse. En outre, cette étude sera assez succincte car le bâtiment date de 2004, nous

n’avons pas encore assez de recul pour traiter avec précision certaines questions.

Le troisième objectif est évoquer les nombreux symboles qu’exprime

l’architecture. Elle emprunte des éléments qui servent à la grande distribution nous

montrerons lesquels et pourquoi. Aujourd’hui la bibliothèque de Troyes est comparable

à un supermarché où les livres sont en vitrine. Nous nous poserons la question de

savoir si ce bâtiment n’est pas l’expression d’une démocratisation de la culture

accessible à tous En outre, nous nous attacherons à montrer la portée symbolique de ce

bâtiment de façon à mettre en avant la démocratisation de la culture au travers de celui-

ci dont le socle se fait en étroite relation avec l’histoire se qui permet d’enraciner le

Bâtiment pour mieux montrer ses ambitions future. Enfin, nous feront un parallèle entre

le patrimoine et la modernité au travers duquel nous parlerons de l’aspect touristique,

muséologique autour de la salle du patrimoine qui est a prendre en considération car

c’est une spécificité de la BMVR de Troyes que l’on retrouves nulle part ailleurs sous

cette forme.

1- La mutation des bibliothèques.

En France et plus généralement dans l’ensemble des sociétés occidentales, les

dépenses et la consommation des biens et des services culturels se sont accrues

depuis le début des années 1960. A cette date la France se trouvait au septième rang

de la nomenclature des dépenses des ménages pour la culture, alors qu’en 2000, elle

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occupe le quatrième rang. L’évolution et l’intérêt portés à la culture sont indéniables.

Celle-ci se consomme aujourd’hui comme tout autre produit et devient une véritable

économie. Le constat est indiscutable puisqu’elle se place devant les dépenses de

l’habillement et de l’ameublement. Les villes et leurs dirigeants en ont pris conscience,

ce qui explique le soin apporté aux aménagements et à la l’architecture des

bibliothèques, sujet de notre d’étude. On a vu apparaître l’émergence de nouveaux

besoins et parallèlement les dépenses culturelles ont augmenté, plus particulièrement

entre 1980 et 1990. Le gouvernement de l’époque a mis en place une véritable politique

dans ce domaine et apporté une augmentation du budget. Cet intérêt pour la culture est-

il la résultante de changements sociaux ? L’état n’est-il pas l’un des instigateurs de ce

regain d’intérêt par l’intermédiaire d’une politique culturelle fortement marquée ?

On peut définir les pratiques de la totalité des aspects artistiques comme étant un

ensemble d’activités de consommation ou de participation liées à la vie intellectuelle et

artistique : lecture, fréquentation des équipements culturels. Nous nous intéresserons

plus particulièrement au regain d’intérêt pour la lecture publique, à l’évolution des

supports, et donc aux changements des pratiques socioculturelles qui en résultent : la

modernisation des centres culturels que sont les BMVR.

1.1- Les pratiques culturelles en profonde mutation. Les révolutions se font progressivement par des changements mineurs successifs

non perceptibles pour chacun d’entre eux. Les expériences accumulées successivement

créent les évolutions qui font apparaître des adaptations amenant des ruptures avec le

passé souvent mises en évidence. Ce qui peut, par la suite, susciter une prise de

conscience. La transformation des bibliothèques a suivi ce schéma. Les mentalités ont

vu les choses sous un autre angle avec le projet de la BNF. Les évolutions engendrent

des changements de perspective tout comme le rapport au pouvoir, les conditions de

financement et les références.

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1.1.1- La loi de décentralisation et ses paradoxes, conséquence d’un système culturel

complexe.

La décentralisation a tout d’abord été financière. Auparavant, l’état accordait les

subventions, puis elles ont été remplacées par un concours particulier au sein de la

dotation générale de décentralisation. A partir de 1986, ce processus permet aux

collectivités d’organiser leurs bibliothèques avec une totale liberté, d’autant qu’aucun

texte ne définit les grandes missions de celles-ci. Lorsque la décentralisation a été mise

en place en 1982, l’organisation territoriale des bibliothèques était relativement simple.

On trouvait d’un côté les BM de l’autre les BCP. La décentralisation est devenue

effective pour les bibliothèques en janvier 1986. Les BCP sont transférées aux

départements et deviennent des BDP. C’est ainsi, que les crédits d’équipements sont

transformés en dotation générale de décentralisation sous forme de concours

particuliers réservés au BDP. Ils financent, de façon intéressante les investissements

réalisés par les départements pour leurs BDP. Globalement, on peut affirmer que la

décentralisation a accompagné le développement des BDP. Cela n’a rien modifié car

pour les BM, la loi du 22 juillet 1983 article 61 stipule :

« Les bibliothèques municipales sont organisées et financées par les communes. Leur activité est

soumise au contrôle technique de l’Etat ».

Ainsi, aucune loi ne régit les BM ni n’en exige la création. Cependant leur histoire est

intimement liée à l’Etat. Il instaure alors un contrôle technique sur toutes les

bibliothèques publiques depuis le 9 novembre 1988 et il intervient auprès des BM par

l’intermédiaire des DRAC. Le rôle de celles-ci est d’inciter à la création où à

l’aménagement de bibliothèques. Cette démarche a permis l’évolution d’un certain

nombre de points sur le plan culturel. La décentralisation n’a pas été poussée à son

terme. L’évolution se fait en douceur, mais une crise va accélérer le processus selon

François de Mazières qui en fait mention dans son ouvrage. Le 2 juin 1996, un malaise

s’amorce mais il précise que « c’est une alerte parmi d’autres ». Six cents artistes se

sont réunis en catastrophe au théâtre des Bouffes Parisiennes. L’élément déclencheur

de cette crise en est la diminution de la moitié des subventions par la commune de

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Corbeil, sans préavis, au centre dramatique national dirigé par Jean Claude Penchenat

pour l’année 1997. Le désengagement brutal de la commune a été l’une des causes de

vives réactions et pour la première fois aussi un sursaut public et médiatique sur une

question de financement, un véritable bras de fer avec le ministère de la culture. Et pour

cause, la décision de la commune de Corbeil avait été prise contre l’avis même de l’Etat.

Le ton entre les deux parties est monté a un niveau rarement atteint puisque Philippe

Douste-Blazy accusa publiquement le maire

« D’être coupable d’une dénonciation unilatérale d’un programme dont l’Etat est co-financeur, et

menaça la municipalité d’engager une action judiciaire. De son côté le maire ne fit aucun cas des

demandes du ministre. Très vite ce dernier, face a l’obstination de la municipalité et sentant le danger de

propagation de mauvaise humeur de la profession, annonça qu’il confiait au metteur en scène Jean

Claude Penchenat « une mission de préfiguration d’un centre dramatique d’intervention en banlieue ». La

promptitude de cette réaction put en quelques jours, désamorcer la crise. » .

Cet événement est resté sans suite. Mais selon François de Mazières,

« Il a marqué la fin de la tradition hégémonique de l’Etat sur la culture en France ».

Parler de « fin de la tradition hégémonique de l’Etat sur la culture en France » est peut-être

un peu prématuré. On peu envisager que cet évènement n’a pas été sans conséquence

et qu’il a permis aux municipalités de s’affirmer. A partir de ce moment les municipalités

ont été reconnues pour leur intervention dans le domaine culturel et quelques jours plus

tard, une enquête sur le financement public a corroboré le fait que les collectivités

locales étaient devenues les premiers commanditaires de la culture. Une étape a certes

été franchie et la crise a au moins permis que leur pouvoir soit officiellement reconnu.

Quinze ans à peine séparent cette enquête de la loi de décentralisation, une

période durant laquelle on assiste à de profonds changements, où le pouvoir des

collectivités, dans le domaine culturel, notamment celui des communes, s’est affirmé

grâce aux efforts financiers de plus en plus importants. La crise de Corbeil est peut-être

l’une des clefs de compréhension de notre nouveau système d’accès au savoir. Cette

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réalité nouvelle a été peut-être un élément de réponse aux tensions actuelles en matière

de financement culturel. Pour confirmer cela la question mériterait un

approfondissement afin d’apporter une confirmation plus précise et recevable.

Malheureusement, par manque de temps, nous ne pouvons aller dans ce sens.

La loi de décentralisation s’est mise en place petit à petit. Les communes ont pris

de plus en plus d’importance et se sont affirmées en tant que premières gestionnaires

de la culture. De plus le public des bibliothèques dépasse largement la limite

communale, ce qui s’explique en grande partie par la construction des médiathèques

véritables vitrines communales du développement culturel. Elles sont, pour les élus, un

outil majeur permettant d’attirer de nouveaux publics. Ces équipements récents vont

donc bénéficier d’une fréquentation plus forte, ne se limitant pas aux frontières

communales. Ainsi l’intercommunalité est entrée progressivement dans les esprits,

apparaissant comme une solution pour répondre au mieux à la mission du service

public. Cela étant, cette loi est loin d’être poussée à son paroxysme et porte en elle

quelques contradictions. Les deux principaux éléments qui y font entorse sont tout

d’abord les crédits accordés par l’Etat car ils font l’objet «d’un concours particulier» et,

d’autre part, les projets d’équipements car les effectifs sont gérés également par l’Etat.

Par conséquent, les collectivités restent tributaires de l’Etat. La décentralisation n’est

donc pas à l’heure actuelle totalement aboutie (même si les communes prennent de

plus en plus d’indépendance par rapport au gouvernement) dans la mesure où elles

sont toujours liées à celui-ci. Pour les points cités précédemment, l’ambiguïté de la

décentralisation est aussi en grande partie due à l’absence de loi sur les bibliothèques

et la lecture publique. De ce fait, le ministère de la culture reste garant d’une politique

nationale par l’intermédiaire de ses vingt neuf Directions Régionales des Affaires

Culturelles (DRAC). On pourrait voir les BMVR comme un concept permettant une

décentralisation de la lecture publique mais ce n’est pas aussi simple. En réalité, elles

sont plus orientées vers un rééquilibrage de la lecture publique sur le territoire par

rapport aux grandes bibliothèques parisiennes. Elles ont été conçues pour permettre

une politique de décentralisation, mais les moyens financiers des communes ne suivent

pas et elles sont toujours liées à l’Etat.

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On ne peut pas considérer les BMVR comme un moyen de décentralisation

puisque le rééquilibrage des bibliothèques sur le territoire dépend de la volonté de

chacune des collectivités. L’appel à projet de l’état qui offrait des crédits à hauteur de

40% n’obligeait aucune commune à y participer mais permettait seulement à chacune

d’elle de se saisir de l’opportunité en déposant leur dossier à une date déterminée. Le

rééquilibrage est lui aussi discutable par le fait que la région Champagne Ardenne s’était

vu attribuer des crédits pour la construction de trois BMVR. Cela est bien dû à un

véritable retard en matière de bibliothèque et de lecture publique dans cette région,

mais aussi à la volonté de ces collectivités de rattraper leur retard dans ce domaine.

La ville de Troyes n’était pas la capitale régionale et ne comptait pas 100 000

habitants, or, ces deux critères devaient êtres croisés afin que la ville obtienne une aide

de l’état. Pour ce faire, Troyes désireuse d’avoir une grande bibliothèque a fait partir le

projet de la Communauté d’Agglomération Troyenne (CAT), regroupement possible

depuis la loi Chevènement de 1995. Par cet exemple, on constate que ce qui devait être

une politique de décentralisation s’est en fait vu être une meilleur répartition des

bibliothèques sur le territoire français, en restant tout de même relative puisque cela

était possible en fonction du bon vouloir de chaque municipalité et leur détermination à y

participer.

A la suite de quoi on pourrait se poser la question suivante : Sur quel modèle est fondé

notre système culturel ?

Les paradoxes de cette loi de décentralisation remontent aux origines car notre

système culturel s’est construit dans la durée, sur des références historiques. Notre

politique a été dominée, ces dernières années, par deux modèles très différents dans

leurs ambitions respectives, mais toujours dans une tradition centralisatrice.

Le premier modèle s’apparente à la tradition royaliste, où il s’agit pour le pouvoir,

présidentiel, régional ou communal en place de célébrer à travers ses arts sa propre

gloire. Cette tradition remonte à Louis XIV qui a instauré un pouvoir centralisateur

exemplaire avec Versailles. Il en est de même sous une forme assez différente avec le

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pouvoir présidentiel. Les présidents de la Ve République ont tenté de laisser leurs

empreintes dans l’histoire avec la construction de monuments emblématiques. Georges

Pompidou a créé le Centre Georges Pompidou dont l’architecture moderne de Renzo

Piano est devenue une référence. François Mitterrand a lancé le projet de la BNF réalisé

par Dominique Perrault. Et récemment le phénomène s’est réitéré avec l’ouverture du

musée du quai Branly. Ce sont les bâtiments parisiens les plus marquants de ces

dernières années. De cette tradition royaliste, il en reste aujourd’hui une référence

institutionnelle, « toutes les recettes » de la mainmise de l’Etat sur la culture, via le

pouvoir financier, y sont instituées. Les réflexes monarchiques ont été d’autant plus

visibles dans les années Jack Lang, une période où le gouvernement entendait

imprimer une marque personnelle sur « la culturelle au profit de la gloire du prince ».

Désormais, cette démarche ne concerne plus simplement les chefs d’Etat mais aussi les

municipalités dont le cas le plus significatif est celui de Montpellier où Georges Frêche,

longtemps maire de la ville et maintenant président de région, a réussi à se donner

l’image d’un maître bâtisseur à travers ses projets d’envergure, réalisés par les plus

grands noms de l’architecture. Il a fait appel pour le quartier d’Antigone crée au le

célèbre architecte catalan Ricardo Bofill pour le Corum à Claude Vasconi pour la

bibliothèque municipale à vocation régionale à Paul Chemetov. Des réalisations qui

valorisent son image.

Le second modèle d’inspiration démocratique découle de la philosophie des

pères de la République dont l’essence est de permettre à tous les Français d’accéder au

même enseignement. André Malraux a permis l’épanouissement de la politique

culturelle avec la création d’un ministère des affaires culturelles. C’est le début de la

démocratisation des arts qui est l’aboutissement d’une lente maturation vers une culture

d’Etat à finalité démocratique.

Au cours de l’histoire les gouvernements ont oscillé entre ces deux traditions. La

situation actuelle est plus complexe puisqu’elle ne s’apparente pas à un critère ou à un

autre mais s’inspire des deux. Aujourd’hui nos politiques culturelles au niveau national,

régional ou communal ont toutes une vocation démocratique basée sur la tradition

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royale. La loi sur les BMVR porte en elle la tradition démocratique. Elle résulte de la

volonté d’une meilleure répartition de la lecture publique sur le territoire Français. Les

BMVR sont aussi une vitrine pour la ville avec une architecture qui valorise tout comme

Versailles qui était connu de toute En cela elle s’inspire de la tradition royaliste.

L’Etat ne contraint pas les communes à construire des bibliothèques ou des

médiathèques comme il contraint à produire des actes civils ou à se responsabiliser

pour l’éclairage public. Tout au plus peut-il inciter à le faire. Dans ce cas, il met en place

une politique incitative avec des subventions conséquentes de façon à ce que les élus y

voient un intérêt pour leur commune et leur propre image. La loi à l’instar des BMVR va

dans le sens d’une politique incitative. Bien avant la création de cette loi certaines

choses ont été faites notamment entre 1968 et 1975 dans un mouvement de

modernisation qui a appâté les municipalités pour faire de la bibliothèque un véritable

objet d’investissement.

Le programme des BMVR est né de la volonté de renforcer le réseau des grands

équipements de lecture publique. Il a bénéficié de la conjonction d’un besoin, celui de

financer la construction de grandes bibliothèques municipales, et d’un concours de

circonstances, l’achèvement du programme de construction des bibliothèques

départementales de prêt (BDP). Cette réunion de conditions rendait disponible la part du

concours particulier de la DGD qui lui était affecté. Le concept de bibliothèque

municipale à vocation régionale (BMVR) a vu le jour avec la loi n° 92-651 du 13 juillet

1992. Elle a institué un dispositif spécifique au sein de la dotation générale de

décentralisation (troisième part du concours particulier) pour favoriser la construction

des grands projets de bibliothèques en région. En vertu de la loi n° 92-651 13 juillet

1992, l’Etat s’est engagé à apporter une aide financière significative à hauteur de 40%

du coût de la construction aux projets d’envergure des collectivités territoriales, sans

entraver la réalisation de projets plus modestes, qui bénéficiaient des crédits de la

seconde part du concours particulier. Au total, ce sont 85,6 millions d’Euros qui ont été

mobilisés en vu de la construction de douze BMVR. Un programme limité dans le temps

car pour bénéficier de cette aide financière, les dossiers devaient être déposés avant le

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31 décembre 1997. La liste des douze projets validés a été publiée en 1998 Orléans,

Poitiers, La Rochelle, Limoges, Montpellier, Châlons-en-Champagne, Rennes, Troyes,

Toulouse, Reims, Nice et Marseille. Ni Caen, ni Cherbourg n’avaient répondu à cette

première invitation. Afin que les villes puissent bénéficier de cette aide, certains critères

devaient être respectés et formulés dans l’article L. 1422-5 du Code Général des

Collectivités Territoriales (CGCT) :

« Une BMVR est un établissement situé sur le territoire d’une commune d’au moins 100 000

habitants ou du chef-lieu d’une région. Il répond notamment à des conditions de surfaces (programme de

réalisation, construction ou extension des locaux d’au moins 10 000 m²), d’importance des fonds (fonds

de livres imprimés de plus de 250 000 volumes) et de diversités de supports documentaires (documents

multi supports et utilisation de nouveaux moyens de communication). Il répond aussi à l’aptitude de la

mise en réseau (qui implique la participation à l’élaboration d’un projet de coopération régionale) et à

l’utilisation de moyens modernes de communications fixés par décret par le Conseil d’Etat ».

Aujourd’hui les BMVR sont des établissements qui drainent un large public, tout

d’abord grâce à leur implantation géographique. Ensuite, elles attirent par l’importance

de leurs collections. Leur rayonnement dépasse le cadre communal et elles sont

amenées à jouer un rôle important dans la structuration du réseau des bibliothèques

françaises, à l’échelon régional d’une part, vis-à-vis des établissements documentaires

plus modestes, particulièrement en matière d’expertise, et en tant que lieu de

ressources dans le domaine du prêt entre bibliothèques, ainsi qu’en tant qu’animateurs

et partenaires privilégiés d’actions de coopération. A l’échelon national d’autre part, elles

jouent également le rôle de relais de la BNF. On note cependant que le sigle BMVR

reste flou, puisqu’il est défini dans les textes par une phrase assez générale et

imprécise :

« Le projet de construction ou d’extension doit s’accompagner d’un projet de travail en réseau, qui

doit comporter notamment un réseau informatique d’information bibliographique et d’accès aux

catalogues ; il doit participer à la circulation régionale des documents et intégrer des actions communes

en matière d’acquisition, de conservation, d’animation ou de formation. »

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Cette imprécision du texte de loi et la grande diversité des propositions faites

librement par chaque collectivité ont alimenté les débats sur la vocation régionale de ces

bibliothèques. Nous ne pouvons pas développer d’avantage cette question dans ce

mémoire cependant Bénédicte GORNOUVE traite la question de manière précise dans

son mémoire d’étude pour l’obtention du Diplôme de conservateur de bibliothèque

rédigé à l’issue d’un stage à la BMVR de Rennes.

C’est avant toute chose un programme de construction et de financement où

l’aide de l’Etat à hauteur de 40% est plus que significative. Cette aide vise à encourager

les collectivités territoriales dans l’élaboration d’un projet d’envergure pour la lecture

publique mais aussi une marche à suivre pour remettre à niveau les bibliothèques

françaises. Ces établissements en régions vont être l’un des moyens de rééquilibrer les

sources documentaires entre Paris et la province. Dans cette optique, il a été nécessaire

de créer de grands équipements. La notion de « vocation régionale » signifie que ces

établissements s’inscrivent dans un réseau de coopération par l’intermédiaire de

partenariats régionaux (base bibliothèque régionale, politique de conservation

partagée…) et à échelon national au travers du dépôt légal ou du réseau des pôles

associés de la Bibliothèque Nationale de France (BNF). Certes, l’Etat a toujours

participé au financement des bibliothèques mais cette aide ne permettait pas de

soutenir des projets d’une telle envergure. La réalisation d’un tel projet aurait provoqué

un déséquilibre budgétaire de la collectivité ayant la maîtrise d’ouvrage. D’autre part, si

l’Etat avait amputé sur la part des subventions accordées en général aux BM, en ce qui

concerne la première et la seconde part du concours particulier, cela aurait pénalisé les

projets plus modestes des petites communes. Pour cela l’Etat a crée à cet effet un

dispositif de financement spécifique que l’on nomme 3e part du concours particulier.

Douze villes ont vu naître dans leur agglomération une bibliothéque-

médiathéque. Les caractéristiques communes de ces dernières sont, tout d’abord

qu’elles sont toutes associées à un grand nom de l’architecture et en cela font référence

à la tradition royaliste. L’histoire nous l’a toujours prouvé, l’architecture a marqué toutes

les époques et a toujours été l’un des moyens pour les mécènes de laisser leurs noms,

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et d’influencer les mentalités. Les politiques l’ont tous compris, l’architecture associée à

un nom est un marqueur intemporel sur les mentalités même à titre posthume. Une

sorte de valorisation, de reconnaissance, pour ceux qui lancent de tels projets. Parfois,

cela mène à une certaine rivalité entre les villes : faire toujours plus beau, plus grand

que son voisin. Ce n’est pas nouveau, puisque déjà au « quattrocento » ont avait des

rivalités de famille : les Médicis à Florence, les Este à Ferrare, les Visconti à Milan. Les

pays d’Outre Atlantique tels que les Etats-Unis ont fait de même avec leurs immeubles

de verre. On pourrait citer parmi d’autres réalisations le Rockefeller Center. Avec la

création des BMVR, on rentre dans un schéma similaire, où chaque ville rivalise pour

avoir la BMVR, la plus grande au niveau de la superficie, toujours associée à des

grands noms de l’architecture, qui poussent toujours plus loin la technicité, la modernité,

une architecture au service des villes. Elle renvoie une image importante et valorisante

de la ville, un véritable investissement qui participe à la promotion de la commune. C’est

un moyen de faire parler d’elle d’attirer la population à s’y rendre, attirée par la

promotion d’une construction spectaculaire. L’architecture est ici un instrument de

valorisation politique qui est sans équivoque, un reste de la tradition royaliste. Par son

côté visible elle est toujours signifiante du pouvoir. On ne peut pas considérer que ce

détournement d’image à des fins de valorisation politique soit une spécificité de notre

pays, mais la nécessité pour le pouvoir d’utiliser les artistes ou architectes au profit

d’une célébration politique, est particulière à la France.

1.1.2- La lecture : l’une des pratiques culturelles les plus légitimes.

La lecture apparaît comme l’une des pratiques culturelles les plus légitimes,

qu’elle touche le domaine scolaire où professionnel, qu’elle soit un loisir, où une

distraction. Elle semble aujourd’hui parée de vertus que nul excès ne semble assombrir.

Elle symbolisait, il y a moins d’un siècle l’univers des pratiques savantes. Aujourd’hui,

elle est l’un des vecteurs de transmission de la culture de masse, à travers la diffusion

des illustrés, de la presse, des feuilletons ou des romans sentimentaux. L’arrivée de

nouvelles lectures va de pair avec les changements architecturaux et l’organisation de

l’espace intérieur des bibliothèques que l’on définit aujourd’hui comme des

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médiathèques puisqu’elles incluent dans leurs locaux les nouveaux médias. Durant tout

le XIXe siècle jusqu’à l’apparition des médias audiovisuels qui ont supplanté les

« mauvaises lectures » dans l’argumentaire des contempteurs, la lecture de masse a

souvent été perçue au sein des classes supérieures comme une passion dangereuse

pour l’ordre social (romans sentimentaux). La légitimité de la lecture s’est sans doute

construite par opposition à l’émergence de l’industrie du divertissement audio visuel,

mais elle s’enracine aussi dans les propriétés de la lecture elle-même. C’est une activité

essentiellement solitaire, silencieuse, intériorisée, matrice de tous les apprentissages

intellectuels et instrument principal de la circulation des informations et des idées.

L’enjeu social de la lecture consiste en l’acquisition des aptitudes, celles qui

conditionnent pour la plupart les inégalités culturelles. Elles étaient pratiquées

essentiellement par les érudits ou les classes supérieures. L’évolution de la société et

des mentalités ont modifié l’architecture des bibliothèques. Aujourd’hui elle met en

vitrine leur aspect ludique et multiple afin de permettre aux utilisateurs potentiels de

toutes classes d’avoir envie d’y pénétrer sans crainte. L’architecture joue un rôle

essentiel. Les bibliothèques des siècles passés étaient de véritables temples de la

culture dont la typologie architecturale était celle d’un temple rendant réfractaires à s’y

rendre les classes sociales peu cultivées. Les bâtiments récemment construits comme

les BMVR revêtent une architecture attrayante pour toutes les classes sociales par leur

modernité qui exprime les multiples services qu’elles renferment grâce à leur

transparence.

Aujourd’hui, lorsque l’on lance un programme pour une médiathèque un point

d’honneur est mis sur la qualité architecturale du bâtiment car l’architecture répond à

une aspiration sociale de rassemblement et de rencontre. Cette évolution déjà en œuvre

dans de nombreuses bibliothèques et plus particulièrement dans toutes les BMVR. Elle

fait penser à une mise en abîme de deux routes qu’emprunteront demain toutes les

bibliothèques à la fois sources d’information et banques de données mais aussi lieu de

convivialité.

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Le profil des usagers inscrits dans les bibliothèques municipales a évolué depuis

la fin des années 1970. On a une sorte de banalisation des publics par le fait que les

catégories qui étaient surreprésentées à cette époque (les femmes et les jeunes âgés

de 15-24 ans) le sont beaucoup moins aujourd’hui. Les clients des bibliothèques ont des

pratiques de lecture beaucoup plus importantes que la moyenne de la population. La

plupart des usagers s’y rendent pour emprunter, consulter des livres ou travailler. Le

profil type de client inscrit correspond à celui d’une femme diplômée, plutôt jeune,

habitant une agglomération relativement importante et appartenant à une catégorie

socioprofessionnelle moyenne. En revanche, de nombreuses raisons peuvent expliquer

que certains lecteurs ne fréquentent pas la bibliothèque. Parfois, les non-usagers

préfèrent acheter et lire les livres qui leur appartiennent ; d’autres estiment qu’ils lisent

trop peu pour que cela en vaille la peine et certains considèrent qu’il faut rapporter les

livres trop tôt. Parmi six questions posées aux Français, signalons notamment celle qui

se pose sur les «Équipements culturels prioritaires», car la bibliothèque-médiathèque y

est désignée le plus souvent (59 %), suivie par la salle polyvalente (49 %) et le cinéma

(43 %). La commune apparaît en outre comme l’institution la mieux placée en matière

de politique culturelle : c’est à ce niveau que l’indice de satisfaction est le plus fort (69

%) et c’est la collectivité qui est citée la plus souvent comme actrice prioritaire en

matière de culture (59 %). C’est aussi l’institution jugée la plus efficace (48 %). Outre la

modernisation des lieux, la redéfinition des missions de la lecture publique a apporté

l’introduction de nouveaux supports. Ceux-ci ont contribué largement à étendre le public

des bibliothèques et d’une manière certaine à éviter à cette institution de ce scléroser.

Ainsi, de tous les services publics municipaux, la bibliothèque est sans conteste celui

qui touche le plus grand nombre.

Les bibliothèques ont pour vocation de rassembler les usagers, dans leur

diversité, ce qui en fait un véritable enjeu pour les collectivités. Les services publics

fréquentés par la population, souvent, ne s’adressent pas à toutes les classes d’âge et

catégories socioprofessionnelles. Les bibliothèques en sont l’un des rares exemples.

Elles ont également la capacité de proposer une diversité de supports culturels, de

l’imprimerie à Internet en passant par la vidéo, répondant ainsi à une marge éventail de

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pratiques individuelles et collectives. L’évolution rapide des technologies de

l’information, entraîne une transformation des fonctions de la bibliothèque, son rôle dans

l’appropriation des nouvelles technologies devient primordial.

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1.1.3- La diversification des supports dans les médiathèques.

La bibliothèque ne cesse d’évoluer depuis ces dernières années, elle s’est dotée

d’une nouvelle image, de nouveaux enjeux et de nouveaux publics. Les mutations sont

accompagnées de l’évolution technologique. L’espace du livre s’est enrichi de nouveaux

supports documentaires plus performants, et il multiplie ces supports en s’affranchissant

progressivement des formes traditionnelles de l’écriture. Le livre devient un produit

culturel ou d’information parmi d’autres. Cependant, il lui est tout de même assuré une

place privilégiée dans les bibliothèques pour ses qualités ergonomiques, mais aussi

pour sa sacralisation. Cela est lié à sa place dans notre histoire et dans la formation de

la pensée occidentale. Les archives audiovisuelles font désormais partie du patrimoine

documentaire. La place croissante du son et de l’image dans les bibliothèques qu’il

convient d’ailleurs de nommer médiathèques nous le confirme. On voit apparaître par

l’intermédiaire de ces nouveaux supports une production croissante d’une mémoire en

temps réel avec les banques d’images et de données et la gestion informatique des

catalogues. Ce qui permet une consultation aisée des fonds anciens grâce à leur saisie

sur ordinateur. La médiathèque de Troyes est le reflet de ces modifications d’information

d’éducation et de loisir. Elle utilise tous les médias sans discrimination. Elle est un lieu

d’études bénéficiant d’outils sophistiqués, ce qui la place au rang d’un grand centre

d’information et de loisir.

Les multiplications des supports consultés impliquent des équipements

également diversifiés et motivent des mouvements de personnes. Les visiteurs en

déambulant dans une bibliothèque se retrouvent dans le domaine des connaissances.

La recherche consiste à suivre un itinéraire qui est propre à chacun. Dans une

médiathèque informatisée la démarche est différente, contrairement à la démarche de

l’exploration qui est plus statique. En effet, la gestion informatique supprime une partie

des investigations dans les rayons. Le parcours acquiert une dimension imaginaire.

L’informatique permet un gain de temps, mais aussi de pallier aux problèmes

d’encombrement des documents et à la disponibilité des dispositifs de consultation.

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Cette médiathèque n’a pas pour objectif d’envisager la mort prochaine de la

bibliothèque, au profit de la consultation à domicile de l’ensemble des banques de

données de la planète. Au contraire, la médiathèque doit s’imposer en tant que lieu, par

opposition à l’éclatement qui résultera du développement des réseaux.

Dans les médiathèques les supports sont de plus en plus diversifiés pour accéder

à la culture. On y trouve des CD, des DVD qui attirent et augmentent manifestement la

fréquentation de ces lieux attrayants par leur modernité et la variété des supports

qu’elles proposent. En France, on constate que dans la majorité des cas les non

lecteurs sont bien souvent les gros consommateurs de TV mais cela est à nuancer

puisqu’une complémentarité peut s’opérer entre la lecture et la télévision. Le choix des

programmes de TV dirigé vers la connaissance, permet une complémentarité, plus

particulièrement chez les personnes dont le niveau d’études est élevé. Tous les

supports présents dans les BMVR (Internet, TV…) sont complémentaires s’ils sont

utilisés à bon escient, ils se complètent et permettent une recherche plus rapide de ce

que l’on veux apprendre.

La période qui s’étend de 1960 à 2000 a été fortement marquée par une forte

augmentation du niveau d’études de la population. Pour faire face à cette massification

scolaire et plus particulièrement universitaire, il était nécessaire de créer de nouveaux

établissements dont la capacité d’accueil serait supérieure. Le premier grand chantier

ouvert pour pallier à ce manque de place a été la programmation de la BNF. Puis un

constat a été observé sur le fait que Paris était un centre de lecture mais que les

universités de province, ayant subi la même augmentation, il était préférable de répartir

les pôles de lecture sur le territoire français. A la suite de quoi la solution adoptée a été

la création d’une loi permettant aux villes de province avec une aide significative de

l’état de construire de nouvelles bibliothèques pour que les centres de lecture soient

mieux répartis sur le territoire français. Ces nouveaux établissements crées en vue

d’une augmentation de lecture en France ne sont pas représentatifs des pourcentages.

Elle aurait pu être plus forte La progression relève pour l’essentiel du nombre croissant

des diplômés de l’enseignement supérieur. Les lectures sont plus centrées sur le travail

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universitaire que dans le cadre d’une détente ou d’un loisir. Cependant, les tendances

de pratiques culturelles ne sont pas majoritairement insufflées par l’école mais par

l’environnement social et familial des individus. Le rendement scolaire des lecteurs non

obligatoires est réel, mais il est relativement faible et cette faiblesse s’accentue avec

l’avancée en âge ainsi que dans le cycle des études. Elle est ainsi plus prononcée chez

les collégiens que chez les lycéens. On relève que les lycéens lisent moins et que la

fréquentation des centres documentaires et d’information des bibliothèques diminue

pour cette catégorie. La numérisation des textes transforme en profondeur les pratiques

de la lecture en diversifiant les lieux et les modalités de l’application.

Le constat d’une forte progression des dépenses et des pratiques culturelles,

coïncide sans conteste, avec la massification de l’enseignement secondaire et avec la

priorité constamment accordée par les politiques culturelles à l’objectif de

démocratisation. L’emprise de l’industrie de la culture de masse s’est sensiblement

accrue y compris dans les classes supérieures, du fait notamment de la progression des

loisirs audiovisuels et d’autre part de l’égalité d’accès à la culture. La culture savante fait

l’objet d’une certaine désaffection au sein des classes supérieures. Les transformations

constatées ces dernières décennies tiennent notamment à la population scolaire. A

travers les mutations de la morphologie sociale du public de l’école, elles rompent la

relation implicite qui dans les lycées des « héritiers » liait la culture familiale et amicale

des adolescents à la culture savante. Par ailleurs, le monde des arts et de la culture

semble soumis à un processus de désinstitutionalisation, qui se traduit dans de

nombreux domaines, par un certain décloisonnement, entre l’univers culturel savant et

celui de la culture populaire. Ces évolutions signifient moins une atténuation qu’une

recomposition des lois.

1.2- Une prise de conscience politique qui a engendré une évolution de ces bâtiments et leur mise en valeur.

Dès lors ou les municipalités ont réalisé l’impact que pourrait avoir la construction

d’une médiathèque dans leur ville, les prises de conscience ont permis une évolution

des choses. L’investissement des métropoles dans ces projets est sans équivoque.

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Dans sa thèse Hélène Caroux a montré l’affirmation du pouvoir municipal dans la

conception architecturale. Les bibliothèques deviennent de véritables enjeux pour les

municipalités. Afin d’approfondir cette notion nous allons tenter de montrer, pourquoi et

dans quels buts les municipalités vont s’intéresser à la construction des bibliothèques

après les années 1980. Il s’agit d’une réelle prise de conscience de la valorisation de

l’image de la ville dans une but purement politique et calculé.

2.1.1- Le rôle joué par les municipalités dans la création des bibliothèques.

Depuis la révolution et encore à la libération les municipalités n’ont guère changé

d’état d’esprit envers les bibliothèques municipales. Elles ignorent leurs missions et les

services qu’elles pourraient offrir à la population. Elles continuent à leur associer l’image

poussiéreuse du musée du livre et ne les perçoivent que comme des bâtiments coûteux,

dont la majorité de la population se désintéresse. Ceux qui les fréquentent sont

essentiellement des érudits. De plus les aides de l’état sont absentes ce qui les

encourage d’autant moins. Ces positions font qu’elles dissuadent les municipalités à

moderniser leur image et à investir d’importantes sommes d’argent dans ce genre de

projet. A l’époque de la reconstruction l’état tente d’apporter des solutions dans

l’implantation des services culturels sur le territoire français. Les nouveaux édifices qui

vont apparaître dans la décennie de 1972 à 1982 tiennent compte de nouvelles

problématiques. On voit se manifester une autre interprétation de l’architecture des

bibliothèques publiques mais elles ne sont pas encore un enjeu architectural pour les

élus locaux. Avant les années 1980, les municipalités ne se préoccupent pas des

bibliothèques. Tout d’abord, elles n’en voient pas l’utilité et d’autre part ne cherchent pas

à les développer ou à les améliorer en apportant d’autres services. Le sort de ces

édifices va donc être ignoré jusqu’au début des années 80. Un processus long, plus de

trente ans, sera nécessaire pour que peu à peu les missions des bibliothèques soient

clairement définies, que leur utilité soit reconnue et qu’une place officielle leur soit faite.

2.1.2- La place des municipalités dans la démocratisation de la culture.

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La démocratisation de la culture et de la lecture publique s’est amorcée avec la

révolution. A cette époque, on voit une véritable volonté de permettre l’accès au savoir à

tous les citoyens. Une logique de devoir qui découle directement des droits de l’homme.

La philosophie de l’époque est basée sur la notion de liberté dont l’obtention est

possible uniquement si l’homme émerge de l’ignorance. Ce qui implique que le citoyen

doit être en priorité formé. Il faut donc faire naître de nouveaux hommes grâce à

l’instruction publique. André Malraux a été le premier à être l’instigateur et le garant

d’une culture démocratique durable. De Gaulle le nomme en 1958 en charge d’un

ministère des affaires culturelles où presque tout est à construire. Il a pour but

« De rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre

possible de Français et favoriser la création d’œuvres d’art et de l’esprit ».

La volonté de démocratiser la culture ne date donc pas d’hier mais les solutions

adoptées aujourd’hui pour cette démocratisation sont diverses. Elles passent pour la

majorité des politiques, par la création de bâtiments emblématiques. Les BMVR dans

leur conception et leur architecture portent en elles cette volonté d’une démocratisation

de la culture au sens large du terme en ouvrant des possibilités d’une vision plus

globale avec une ouverture sur le monde.

Les politiques culturelles s’emploient à mettre en valeur l’évolution du savoir par

des bâtiments qui visuellement marquent les esprits. Les chantiers sont le domaine le

plus visible de l’objectif des deux septennats de François Mitterrand avec la réalisation

de grands projets comme la BNF. De fait, les communes se sont penchées sur

l’architecture de leurs Bibliothèques ce qui auparavant n’était pas l’une de leurs priorités

mais le deviendra. Certes les grands travaux ne commencent pas avec François

Mitterrand. La construction de monuments emblématiques par le pouvoir en place, est

une véritable tradition française. Mitterrand va inciter les communes à faire de même. A

partir de là, le mouvement va s’élargir aux agglomérations importantes. Elles vont

prendre l’initiative de grands chantiers pour divers monuments culturels et notamment

les BMVR. Les contre pouvoirs dans ce domaine sont nés avec la décentralisation, car

avec les monuments, les institutions, les grandes bibliothèques étaient principalement

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concentrés sur Paris. Cette démarche visait à mieux répartir les centres culturels sur le

territoire français, mais aussi, à propager la lecture publique afin de démocratiser l’accès

au savoir pour tous les citoyens français. A partir des démarches prises par les

communes la vie culturelle s’est considérablement intensifiée dans les grandes capitales

régionales. Ceci a constitué un changement profond et a permis de rompre avec la

fascination qu’exerçait la capitale sur le plan culturel. Les BMVR ont aidé à cette

démocratisation, désormais chaque localité met en valeur son patrimoine. A Troyes la

construction d’une salle du patrimoine valorise les richesses des manuscrits anciens qui

datent pour certains du moyen âge. Elle continue encore aujourd’hui à enrichir ses fonds

en faisant chaque année des acquisitions dans ce domaine. Il reste cependant

beaucoup de choses à faire pour avoir une véritable démocratisation de la culture en

France. On est encore bien loin du système Allemand où aucune des grandes villes,

même Berlin ne peut prétendre exercer le « LEADERSHIP » de la culture nationale. On

voit avec les BMVR, notamment en ce qui concerne la lecture publique, une véritable

volonté de tendre vers un équilibre dans la répartition de la vie culturelle entre Paris et la

province. Le centralisme didactique s’amenuise petit à petit sans pour autant être

totalement effectif. Ce changement est étroitement lié au fait que les collectivités locales

investissent de plus en plus d’argent dans le domaine culturel et la construction de

bâtiments. Mais, elles restent toujours liées à l’Etat financièrement, notamment pour les

BMVR. Il les a financées à hauteur de 40%. Sans cela aucune commune n’aurait pu

assurer de tels investissements. Pour ce projet les collectivités locales l’ont

subventionné en majorité. De plus l’Etat n’a pas de droit de regard et laisse à la ville une

totale liberté sur les décisions à prendre. Il met juste à disposition un architecte conseil,

pour leur permettre de prendre les meilleures orientations si toutefois elles souhaitent le

consulter. Cette loi est purement financière. À partir de là, la décentralisation se met en

place progressivement et l’élément le plus fort du centralisme culturel que sont les

crédits accordés par l’état, tend à s’amoindrir et peut être dans un avenir proche sera

amené à disparaître. Il est évident qu’il est difficile de se détacher d’un mode de

fonctionnement qui a perduré pendant des décennies car les Français ont longtemps

considéré que leur culture faisait partie du domaine réservé au chef de l’état et de son

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représentant. Notre démocratie dans ce domaine garde les stigmates de la monarchie

sans nul doute.

La démocratisation de la culture sur le territoire français passe donc par la

décentralisation culturelle. Mais dans ce domaine, pour rompre avec le centralisme de

l’Etat, la décentralisation n’a pas pu se faire « par en haut » mais à l’initiative des

collectivités locales, s’affirmant aujourd’hui comme les premières à financer la culture.

On voit qu’un réel effort a été fait à partir de 1993 par les communes. Et pour cause, les

régions ont pris conscience que la culture pouvait leur apporter une fierté collective, un

facteur de développement économique et local, et enfin des créations d’emplois non

négligeables, plus où moins importantes selon les structures concernées.

L’état tente de faire comprendre aux municipalités, l’impact que pourrait avoir la

construction de nouvelles bibliothèques sur l’ensemble du territoire dans l’intérêt de la

population. La création de la BNF a permis une prise de conscience des municipalités et

va être le point d’amorce pour qu’elles s’investissent dans la construction des BMVR. Au

cours de ces dernières années, le projet qui a marqué les esprits est celui de Tolbiac.

Une époque où l’on voit se dessiner en parallèle avec l’émergence de ces constructions

un regain d’intérêt du public pour le patrimoine culturel sous toutes ses formes. Les élus

constatent l’impact de l’architecture de la BNF sur l’attrait du public. A partir de ce

constat des changements vont s’opérer dans la conception des bibliothèques à venir,

tant au niveau de l’organisation interne qu’externe. De plus, à ce constat s’ajoutent les

nombreux débats suscités par le projet de la BNF qui vont marquer les esprits. Pierre

NORA dira à ce sujet que :

« L’entrée du problème des bibliothèques dans la conscience publique s’est faite par les débats

tenus autour du projet de la BNF ».

Ces débats ont été constructifs pour les projets en devenir puisqu’ils ont permis

de pas réitérer les mêmes erreurs et de se pencher plus sérieusement sur le fond du

problème. L’année 1991 marque un tournant décisif dans la concrétisation du projet de

la BNF. L’inauguration du bâtiment a été faite le 30 mars 1995 par le président lui-

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même. Elle a ouvert ses portes, le 20 décembre 1996. Depuis le lancement du projet,

l’effervescence médiatique est indéniable. Le nombre d’articles publiés dans la presse

montre l’intérêt porté au programme. Les municipalités ont bien compris qu’il en serait

de même, si elles lançaient un projet de BMVR dans leur ville. Quelles sont les raisons

d’une telle prise de conscience par les élus ? Quels sont les intérêts que les

municipalités voient dans l’édification de ce type d’établissement ? Pourquoi le pouvoir

des élus est-il aussi présent dans la construction des BMVR ?

Il est incontestable que le nombre de constructions des bibliothèques explose

entre 1980-1990. Cela est dû à une prise de conscience des élus locaux Hélène Caroux

l’aborde parfaitement dans sa thèse La multiplication des bibliothèques s’est amorcée

avec la loi de décentralisation au milieu des années 1980. Les bibliothèques sont sous

la responsabilité des villes. La capacité de créer ainsi que la définition des

investissements reviennent à la volonté des élus locaux. Leur pouvoir est fortement

présent dans la construction des BMVR tout d’abord, car le projet de loi est insufflé par

un des leurs.

« Parmi ceux qui s’en préoccupent, Jean-Pierre Sueur élu depuis 1989 à la tête

d’Orléans, vient de mettre un terme au projet pourtant bien avancé d’une extension de la bibliothèque,

décidée par la précédente municipalité pour en imposer un autre. Il souhaite en effet la construction d’une

bibliothèque sur les mails qui ceinturent la ville, et qui « ne pourra souffrir la médiocrité, étant donné les

perspectives qui s’offrent de tous côtés, étant donné la façade Orléanaise qu’il offrira à toute la circulation

qui vient de Paris et de la Province ». Les élus municipaux de la majorité souhaitent donc construire une

grande bibliothèque, en guise de vitrine pour la ville et leur maire a conscience des moyens limités de la

seconde part du concours particulier. Ce dernier va donc entreprendre des démarches afin

d’institutionnaliser un nouveau mode de financement qui donnera naissance à un autre type de

bibliothèque : la Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale (BMVR). »

Cette démarche de Jean Pierre Sueur va aboutir à la création d’une loi qui

consiste à obtenir des subventions de l’état à hauteur de 40% pour la construction de

ces futurs établissements. La loi de juillet 1992, confirme le déterminisme des villes à

édifier de nouvelles bibliothèques puisque qu’elle est présentée en conseil des ministres

par un élu local « le maire d’Orléans ». Cela montre bien que les pouvoirs locaux

veulent créer des centres de la culture dans leur ville.

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Les communes n’ont certes pas attendu les lois de décentralisation. La première

partie nous a permis de déterminer les grands points de cette loi qui a permis une

évolution et une démocratisation culturelle. Elle a juste incité les villes à un plus grand

regain d’intérêt à porter à leurs bibliothèques. Ce n’est pas le point de départ d’un

investissement culturel pour les communes mais en a peut être fait augmenter les

attraits par les subventions pour le moins incitatives. Les élus ont mis prétexté de faire

de leur ville une vitrine culturelle prestigieuse au travers de ces établissements.

2.1.3- La valorisation des villes par l’architecture.

Les dépenses se sont accrues ces dernières années et un soin important à été

apporté à, l’architecture des centres culturels, notamment des bibliothèques. Les BMVR

à l’architecture particulièrement soignée ont un but attractif au sein de la ville. Celle-ci

est ainsi mise en valeur par l’intermédiaire d’une bibliothèque avec un aspect esthétique

qui attire les publics. La majorité des BMVR a été construite par des architectes de

renommée nationale voire internationale. Cela a pour effet une médiatisation de ces

bâtiments dans les journaux spécialisés, ce qui, par là même, permet de faire connaître

l’agglomération et d’assurer sa promotion culturelle. Il peut en découler un afflux

touristique non négligeable pour les municipalités puisque cela implique bien

évidemment de favoriser l’économie de la ville. Le pouvoir politique utilise les artistes au

profit d’une célébration politique, une particularité spécifiquement Française.

L’affirmation d’une culture est ainsi indissolublement liée à la construction et à

l’affirmation de l’Etat Français. L’implication des maires dans la construction des BMVR

est un moyen de laisser une marque de leur mandat sur la ville et même de voir à

jamais leur nom associé dans l’histoire à la magnificence de ces constructions. La ville

de Troyes a parfaitement pris conscience de l’impact que pouvait avoir ce bâtiment.

D’ailleurs, cette idée est renforcée dans le sens où la ville de Troyes prévoit un parcours

touristique, de la salle du patrimoine, organisé hors des horaires d’ouverture. Elle

envisage une sorte de musée du livre, une mise en vitrine du patrimoine culturel troyen,

Les livres sont présentés comme des œuvres d’art.

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1.3- Bibliothèques et médiathèques. La médiathèque est un modèle modernisé des bibliothèques. Elle est la résultante

de l’évolution de celle-ci et de notre société. La société du XXe siècle a vu arriver de

nombreuses technologies, comme l’informatique, Internet (…), des supports aujourd’hui

indispensables, qui ont pris une place importante et ont intégré nos bibliothèques. Elles

ont longtemps été des bâtiments ayant pour seule fonction la conservation des livres.

Aujourd’hui la médiathèque est pluridisciplinaire puisqu’elle offre des services variés.

Elle renferme un ensemble d’informations comprenant la lecture, l’audiovisuel, les arts

plastiques, la musique. Lieu en perpétuel mouvement, qui se doit d’interagir avec la

société et d’intégrer ses changements pour servir au mieux le public qui la fréquente.

Elle a deux missions essentielles puisqu’elle est à la fois un lieu de rencontre, de

sociabilité mais aussi un lieu d’étude.

1.3.1- Les différences entre bibliothèques et médiathèques.

Les bibliothèques étaient traditionnellement consacrées à l’étude, la

concentration, le silence. La médiathèque a su rendre cet équipement culturel moins

solennel en y incluant des notions de convivialité, d’ouverture, de rencontre, et en

développant des animations, telles la communication, la qualité et pluralité des

collections. Elle a su faire passer le savoir pas le biais de l’image, en présentant des

informations sur la vie locale, associative, culturel, touristique et sportive. Les

bibliothèques étaient entièrement axées sur la conservation d’ouvrages. La

médiathèque est un lieu qui tente de mettre en avant la valorisation et la diffusion du

savoir, par un apprentissage de celui-ci vu sous un angle différent, plus démocratique et

moins austère. Autrefois, la bibliothèque était repliée sur elle même et n’était accessible

qu’à un petit nombre. La médiathèque a voulu inverser cette tendance en s’ouvrant

d’avantage sur la ville et le monde contemporain. Elle y parvient, car sa priorité est de

sauvegarder et préserver un patrimoine plus vaste, aussi bien écrit, qu’audiovisuel. Elle

développe aussi des liens vers d’autres secteurs artistiques et culturels. En outre,

comme le dit très bien Hélène Caroux pour l’exemple de Metz et de Cambrai qui ne sont

pas des références en matière architecturale. Cepandant, elles ont marqué l’histoire en

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se dotant d’un nouveau nom celui de Médiathèque comme nous le stipule Hélène

Caroux dans sa thèse.

« On ne choisit pas de signifier ces transformations et l’intégration de nouveaux supports à travers

l’architecture, mais en optant pour la désignation de « médiathèque » plutôt que par celle de bibliothèque.

Cette notion de médiathèque tend à se développer notamment grâce à l’initiative du conservateur de la

bibliothèque de Cambrai, Michel Bouvy, qui avec Albert Ronsin, décide en 1977 de transformer le nom de

leur association pour les bibliothèques publiques, créée en 1971 en association pour la médiathèque

publique. De même, leur revue lecture et bibliothèques devient médiathèques publiques ».

Au fil des années et des expériences accumulées ce type de développement

s’est avéré pertinent. Le dernier exemple en date qui confirme le bon fonctionnement de

ce modèle est la construction des BMVR. Le nouveau système de fonctionnement qui a

été mis en place depuis ces 20 dernières années a aussi provoqué chez les publics de

nouveaux désirs. La médiathèque devient plus qu’un équipement culturel, sa définition

ne se borne plus à « une grande bibliothèque incorporant des médias ». Elle est

amenée à être plus qu’un emblème. Elle s’identifie comme un point de repère dans la

ville par son architecture souvent spectaculaire et devient un véritable enjeu politique

pour les municipalités. A la fois vu comme un défi architectural par les architectes qui

concourent pour les édifier et comme un lieu de diffusion de produits culturels divers et

variés dont l’usage ne se veut plus complexe. Désormais, on ne parle plus de

bibliothèques érudites ou de temples de la culture mais de bibliothèques pour tous et

c’est dans cette optique que le terme médiathèque remplace peu à peu celui de

bibliothèque.

1.3.2- La représentation d’une médiathèque.

Il est facile pour nos esprits de s’imaginer une bibliothèque mais il est difficile de

se représenter clairement une médiathèque. Ce qualificatif est encore récent, pour cette

nouveauté, il est difficile de voir ce qu’il désigne et par conséquent difficile à cerner. Le

terme comporte le mot média, on pourrait croire que le livre, et notamment les fonds

patrimoniaux, n’ont plus leur place. Il n’en est rien ! Nombreuses sont celles qui

conservent encore de riches héritages. La BMVR de Troyes en est un exemple type. De

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plus la loi sur les BMVR stipule que pour pouvoir obtenir une subvention de l’Etat dans

le cadre de ce programme. Il est obligatoire d’avoir un fonds patrimonial minimum, ceci

est une des clauses à respecter. Les médiathèques assurent véritablement une mission

de lecture publique et de recherche pour les savants, les étudiants (…). Elle s’adresse à

un public très diversifié « enfants, adolescents, adultes » dont les attentes peuvent nous

apparaître comme floues car elles sont très diverses. Les médiathèques dans leur rôle

démocratique tentent de satisfaire les multiples appétits de ces publics, mais au-delà,

elle les stimulent et les aiguisent. Les salles de savoir portent en elles une curiosité du

monde, ce qui n’a pas été le cas des anciennes bibliothèques qui sont restées pendant

longtemps statiques. Les architectes doivent gérer au travers de leurs constructions les

paradoxes que portent en elles les médiathèques. Elles renferment des émanations de

l’esprit dans un endroit qui n’a plus de hiérarchie. Le travail des architectes est d’autant

plus complexe que la médiathèque ne possède aucun modèle, aucun type de plan. Elle

est l’invention d’un bâtisseur pour chaque projet lancé. L’aspect visuel de chaque

médiathèque est différent car elles proposent toutes un projet culturel distinct et

l’architecture doit en être le reflet afin d’attirer les publics et de « nous renseigner sur

nos raisons d’être ici et maintenant ».

1.3.3- L’architecture des médiathèques.

Il est important de mettre l’accent sur l’architecture de ces bâtiments car elle est

en partie un des points fondamentaux lui permettant une grande capacité d’adaptation.

Dès la conception de ces ouvrages, les architectes ont pensé à sa fonctionnalité

plurielle. Ils ont inclus dans leur architecture, les notions d’accueil, de confort, de

spatialité (vastes espaces), d’ouverture. Ces notions ont permis de transformer un

espace autrefois austère et peu attrayant en un véritable centre culturel pluridisciplinaire

d’un nouveau type. Les médiathèques marquent donc une nouvelle génération de

bibliothèques avec de nombreux efforts faits sur le développement du libre accès,

l’intégration de nouveaux supports et évitent tout effet de gigantisme.

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Les BMVR sont des médiathèques, des établissements d’un style original et des

centres spécialisés d’un champ culturel. Elles jouent surtout un rôle politique, d’autant

plus que l’implantation des bâtiments est généralement monumentale, à l’échelle

urbaine. Chacune de ces réalisations apporte des réponses différentes et singulières en

fonction du contexte dans lequel elle s’implante, de l’organisation des espaces qui l’a

constituent et des collections qu’elle possède. Dans la singularité de chacune, on arrive

à dégager certaines tendances. Il s’agit pour ainsi dire presque toujours de grands

établissements culturels, ou, au moins d’une bibliothèque centrale importante. Les

espaces sont organisés de façon identique en privilégiant les thèmes de flexibilité, de

compacité, de fluidité et leur caractère évolutif. Elles choisissent dans la majorité des

cas la départementalisation thématique et intègrent tous les multimédia et misent sur le

libre accès des documents. Enfin les BMVR sont considérées comme des équipements

culturels au sens large. Pour la plus part, elles possèdent ou posséderont des salles

d’expositions, d’auditorium et salles de conférences. Les thèmes qu’elles ont en

commun sont ceux là.

Aujourd’hui, le concept de médiathèque est en cours de définition. Il s’affirme ou

se contredit à chaque nouvelle réalisation. C’est un concept à la fois très ancien car une

médiathèque est avant tout une bibliothèque très moderne et c’est aussi un équipement

intégrant les progrès les plus récents. Dans ce contexte, il est fondamental

d’entreprendre une étude de programmation afin de définir au mieux le projet que l’on

souhaite réaliser. Dans une perspective évolutive, il faut éviter dans la conception de

ces établissements publics tout repli sur des valeurs sûres, de même que tout suivi de

mode sans avenir. Il faut au contraire, affirmer les choix qui donneront la cohérence et

l’identité de la future médiathèque. Il est aussi indispensable de fonder un projet sur une

réalité locale, celle de l’agglomération troyenne, un projet qui valorise l’extraordinaire

richesse du lieu en matière de patrimoine écrit et parallèlement, un programme qui soit

en adéquation avec les pratiques de la population concernant le livre, la lecture et

l’accès aux autres médias.

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2 La programmation.

La programmation s’est faite avec l’agence CAFÉ. Le programme de la bibliothèque

remonte assez loin (1995-1996) tout du moins pour les premières idées. Thierry

Delcourt et le directeur de la bibliothèque ainsi que le directeur des affaires culturel se

sont occupés de la programmation. Les deux éléments principaux mis en lumière

pendant cette étape et qui ont constitué le cœur du projet, sont la transparence et le

patrimoine. La phase de programmation est une période assez floue où il faut comme le

dit Dominique Lyon :

« Pallier à l’étroitesse de nos vies et pour se prémunir contre la fuite des choses, on doit se

convaincre de la plausibilité de ce projet. Une fois mis en œuvre, il constitue un milieu idéal qui permet de

se repérer dans la confusion du monde. ».

Une étape est à franchir, indispensable pour mettre en place les principes du futur

bâtiment qui assureront par la suite son bon fonctionnement, sa cohérence, son

esthétique, sa rationalité, et sa bonne insertion dans le tissu urbain et social. Pour mieux

appréhender les besoins et les satisfaire pleinement. Les responsables reçoivent une

étude de programmation et un cahier des charges afin de mieux percevoir les exigences

du maître d’œuvre.

2.1- Le programme ses exigences et ses contraintes.

La bibliothèque de Troyes a une histoire riche et marquée de traditions ancestrales

dans le domaine du livre, avec la présence de papeteries dès le début du XIVème siècle

et des imprimeurs au XVème siècle. C’est une ville qui s’est dotée d’une des premières

bibliothèques publiques en France dès le XVIIème siècle. L’histoire l’a gratifiée d’une

collection patrimoniale française en Région, importante tant d’un point de vue quantité

que qualité. Pour la qualité et la richesse de ses collections la médiathèque rentre dans

un programme de conversion informatique du catalogue collectif national pris en charge

part l’Etat. Elle fait également partie des vingt bibliothèques françaises intégrées dans le

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réseau international via la BNF. L’ancienne bibliothèque avait pu s’agrandir depuis 200

ans par adjonctions successives sur le même site.

2.1.1- La situation économique et sociale de la ville de Troyes.

L’Agglomération troyenne est située au cœur du bassin textile. Elle est

représentative d’une population ouvrière en voie de marginalisation due à la chutes des

emplois textiles, l’un des principaux moteurs économiques de la ville. De ce fait les

terrains et les bâtiments sont laissés vacants. La ville devait donc envisager une

reconversion pour relancer sa situation économique. Les ouvriers de l’industrie

représentaient 25.8% des actifs en Champagne Ardenne pour une moyenne nationale

de 18.7% environ. Les ouvriers non qualifiés représentent l’une des moyennes les plus

faibles de France avec une moyenne d’ouvriers qualifié de 54.4% contre une moyenne

nationale de 58.3%. A cela s’ajoute un déficit des cadres intellectuels et des professions

intermédiaires. Il se crée ainsi une situation économique et sociale où l’implication

culturelle n’est pas une priorité. D’où la présence d’une bibliothèque vétuste et non

informatisée. Pour pouvoir intéresser les citoyens à la culture, il a fallu que la ville

prenne en compte ces données de façon à adapter le développement culturel en

fonction de la population et de ses attentes. Une diversification large dans ce domaine

était donc de mise. On a vu entre temps la situation sociale s’améliorer avec une

augmentation de +22.9% des cadres supérieurs et une seconde de +3.1% des

professions intermédiaires soit un taux global de +8,6%. Cet accroissement s’est

effectué au détriment de la catégorie d’actifs ouvriers qui a reculé de 6.6%. La situation

n’est toujours pas au beau fixe avec une marginalisation des chômeurs, avec près de

20% des allocataires du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) et une part élevée des

emplois précaires (intérim, Contrat à Durée Déterminée (CDD) …) qui concerne pour la

ville de Troyes 6.7% des actifs. Une situation difficile qui a entraîné une augmentation

significative du taux de chômage de l’agglomération passé de 12.49% en 1989 à

14.33% en 1993, et un déclin de la population depuis 1975. Troyes est la ville centre qui

a le plus souffert avec une diminution de 20% de ses habitants entre 1968 et 1990.

L’agglomération connaît également une diminution de 1% de sa population entre 1982

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et 1990 car la dégradation des logements sociaux entraîne leur vacuité. Cependant

d’importants programmes de rénovation ont été mis en place depuis 1990 en

accompagnement au développement social des quartiers. Pour ces raisons, la

Communauté d’Agglomération Troyenne (CAT) s’est penchée sur le développement

économique comme compétence obligatoire et a misé sur le développement culturel et

touristique intercommunal afin de relancer l’économie. Pour faciliter son développement

la ville a axé ses priorités sur sa diversification économique en développant le tourisme

commercial et culturel, l’emballage conditionnement, l’agro industrie, la logistique, les

services non marchands (administration publique et enseignement). Les programmes de

construction et de développement culturel sont mis en place pour attirer les

investisseurs et les cadres dirigeants, afin d’améliorer la situation de la cité. Les prises

de position de la ville visent à améliorer son image autrefois monolithique basée

essentiellement sur son industrie, à une image plus diversifiée actuelle. Cela passe

principalement sur la mise en valeur de ses richesses patrimoniales et culturelles ainsi

que sur le développement touristique. Elle permet une augmentation des flux de

population vers la ville, a pour effet d’influer sur sa notoriété et de valoriser son image

afin de la réactualiser. Ces orientations sont faites pour développer le loisir et la culture

et pour lui permettre de s’adapter pour accueillir au mieux une population d’avantage

composée de cadres, professions intermédiaires et employés.

2.1.2- Les causes de la vétusté de l’ancienne bibliothèque.

L’ancienne bibliothèque était sous dimensionnée pour une agglomération de

120 000 habitants. Elle ne pouvait pas rayonner sur son bassin de vie. Un manque de

place et d’accueil paraissait évident avec une surface de 3000 m² dont 700 m²

seulement réservés au public. Seuls 25% de l’espace total étaient réservés aux lecteurs,

ce qui créait un déséquilibre qui impliquait un taux de fréquentation faible d’à peine 11%

de la population. Le constat d’un manque de surface était évident et a été confirmé lors

des visites des bibliothèques de Grenoble, Mulhouse et Chambéry récemment

construites et dont les surfaces sont largement supérieures au normes de 1984

concernant la direction du livre et de la lecture. Depuis la publication de cette norme, la

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politique d’essor de la lecture publique a favorisé l’augmentation des surfaces des

bibliothèques françaises. La surface idéale en fonction des statistiques serait pour la

ville de Troyes comprise entre 3600 m² et 4200 m² bien loin des 2190 m² préconisés par

les normes de 1984. L’ancienne bibliothèque de Troyes avait vu sa surface s’étendre à

partir du XXe siècle avec des étapes successives de construction et de réhabilitation

pour permettre d’accroître et d’améliorer sa capacité d’accueil. Mais aucune perspective

de développement ne s’est dessinée. Ces ajouts successifs s’ancraient plutôt dans un

contexte de rattrapage que de développement. Ils ont fini par ne plus être en adéquation

avec les attentes du public. Cette évolution sans souci de modernisation était sans

doute l’une des causes de la vétusté de cette bibliothèque. Elle ne répondait plus aux

aspirations des interessés et encore moins à l’évolution des médias ni même aux

techniques de communication. Pour ces raisons la construction d’une nouvelle

bibliothèque pour la ville de Troyes semblait, pour les élus comme pour les chargés de

la culture ou de la lecture publique, nécessaire et incontestable.

François Baroin répond à la question : Qu’est ce qui a justifié le transfert de la

bibliothèque de la communauté de l’agglomération troyenne ?

« La médiathèque est un exemple significatif du type d’équipements dont la vocation et l’attrait

dépassent largement le cadre strictement communal et qui sont appelés à être du ressort de la

communauté d’agglomération. Ce transfert permet de mobiliser des moyens financiers plus importants sur

un outil qui servira à l’ensemble des habitants de l’agglomération. A moyens supplémentaires, services

développés. L’outil qui s’ouvre aujourd’hui au public présente une offre d’une richesse et d’une variété

incomparables avec ce qu’une commune seule est en mesure d’offrir à sa population. D’autre part cette

dimension intercommunale nous a également permis d’inscrire ce projet dans un programme national de

construction de médiathèques de cette ampleur dans plusieurs agglomérations françaises »

L’accroissement des surfaces pour accueillir le public et l’équipement de

nouveaux supports ainsi que de nouvelles technologies permet d’élargir les actions de

la bibliothèque ainsi que les collections et les modes d’expressions. En vue de tous les

facteurs de vétusté une reconstruction du site principal avec des locaux fonctionnels

était de mise. Avant même d’entreprendre d’autres actions, en direction des milieux

spécifiques, ou de mettre en place des réseaux d’annexes de quartiers. Bien entendu, la

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construction d’un nouvel établissement n’était pas la seule condition pour permettre un

développement de la lecture publique et de la culture. Le projet de construction a donc

été articulé autour d’une ambition double, d’une part celle de l’ouverture aux enjeux

contemporains et d’autre part celle d’un souci de conservation et de transmission plus

démocratique d’un patrimoine exceptionnel.

Une étude très succincte de l’ancienne bibliothèque (mais ce n’est pas notre

propos), permettra dans les grandes lignes de mettre en lumière quelques uns des

défauts dont souffrent, aux yeux des modernes, les locaux des siècles passés. Ces

carences concernent l’étagement des services, l’étroitesse des communications, la

poussière, le manque de luminosité et des surfaces insuffisantes. D’un point de vue

fonctionnel, un bâtiment vétuste est en contradiction avec l’air du temps : manque de

place pour les collections, ignorance d’un espace jeunesse pour les enfants, absence

d’accès pour les handicapés et adaptation très faible des locaux à de nouveaux

supports et usages tels internet. Autant de publics laissés pour compte et qui ont autant

de droits que les autres, de fréquenter cet établissement. Aujourd’hui ce public fait

l’objet d’une attention particulière avec l’idée de privilégier la démocratisation de la

lecture publique. Il sous entend par assimilation celle de la culture. Le diagnostic de

l’ancien établissement confirme et met l’accent sur la nécessité de vouloir en construire

un nouveau qui permettra la prise en compte de ces problèmes et par là, même, d’y

remédier. La réelle prise de conscience s’est faite au cours des années 1970-1980 au

moment où les attentes du public de l’ancienne bibliothèque étaient en profonde

mutation. La bibliothèque s’est retrouvée à l’étroit dans ces locaux vétustes, exigus et

inadaptés. L’aspect majeur du projet était qu’il réunissait trois équipements culturels sur

le même site construit au cœur de la ville. Les anciens bâtiments se trouvant déjà sur

ces lieux étaient des friches administratives qui allaient subir une reconversion en

accueillant dans ces locaux le conservatoire de musique et l’espace Argence Palais des

Congrès. Quand à la bibliothèque, un projet de construction était en vue, qui viendrait

s’adosser à l’architecture déjà existante. La prévision d’une fréquentation élevée de ces

établissements permettait d’entrevoir une revitalisation du centre ville de Troyes, ce qui

devenait une priorité. On est face à une requalification urbaine et un dessein unique

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dans sa programmation. Dès le lancement du projet de la BMVR un des objectifs clef du

programme a été la mise en valeur de l’héritage patrimonial dans ces nouveaux locaux

pour la future bibliothèque. Cette mise en exergue d’une architecture valorisant le

patrimoine a été l’une des clefs de la construction du futur bâtiment. Cette prise de

position avait pour objectif de drainer une population extérieure à la ville mais aussi de

répondre à une demande d’incitation touristique. La bibliothèque veut remplir une

mission de développement social en se plaçant à la tête de réseaux de sites

décentralisés dans les quartiers particulièrement dépendants du contrat de ville. Ce

développement ne pouvant être rempli dans l’ancienne bibliothèque en raison de

l’exiguïté des locaux a amené à la construction d’un nouvel établissement.

Ce complexe culturel ambitieux ne pouvait pas être financé totalement pas la ville

car trop coûteux. L’espace Argence a donc bénéficié de subventions qui ont donné lieu

à une première instruction en 1995 au terme de laquelle une aide de 13 640 555 francs

lui a été allouée. Une deuxième instruction a été menée en 1996, et a conduit à l’octroi

d’une subvention de 2 676 600 francs. La troisième part de ce dossier qui attribue une

subvention de 966 600 francs correspond à la réalisation de l’Espace de Consultation

en d’autres termes à la future Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale. C’est

pourquoi au début des années 1990, la ville de Troyes s’est engagée dans une réflexion

sur le développement de la lecture publique qui a abouti en 1996 à la décision de

construire une nouvelle bibliothèque qui bénéficierait du statut de Bibliothèque

Municipale à vocation régionale (B.M.V.R). Afin d’obtenir une subvention de l’Etat.

« L’équipe de la bibliothèque va travailler dans le détail avec les architectes pour peaufiner le

projet, qui devra être présenté au Ministère de la Culture à l’automne. La bibliothèque pourra alors

recevoir officiellement le statut de BMVR »

Le programme permet une réflexion de fond avec les tenants et les aboutissants,

basée sur une réflexion personnelle, pour les lecteurs. Les visites d’autres

établissements fondamentaux au préalable ont permis d’optimiser au maximum le bon

fonctionnement de l’équipement futur. Au delà, cela doit permettre un dialogue entre

maître d’œuvre et maître d’ouvrage de façon à confronter les différents points de vue, et

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à pouvoir amorcer la mise en projet de ce bâtiment imagé en réalité constructible.

L’essence de la construction tient dans l’idée que ce sont les nouvelles technologies qui

offrent aujourd’hui des voies (…). Il faut tenter d’élaborer un bâtiment adapté à une

nouvelle société, une structure sociale en harmonie avec une nouvelle réalité dans

laquelle le citoyen pourrait trouver des possibilités d’expression et d’écoute. L’intéressé

réclame ces éventualités et envisage une évolution future en fonction des besoins qu’il

pourrait avoir dans un avenir proche pour lui-même et les utilisateurs des générations à

venir. C’est dans cet optique que le projet d’une nouvelle bibliothèque a été lancé, dont

le rôle s’élargirait à celui d’une médiathèque, et dont l’ambition serait de s’ouvrir aux

contemporains. Ce qui correspondrait aux attentes réelles des Troyens.

2.1.3- L’insertion de la bibliothèque dans son contexte urbain.

Les constructions de bibliothèques font partie d’un aménagement du territoire.

Elles doivent apporter leur contribution à une meilleure occupation de l’espace afin

d’avoir une meilleure répartition de la lecture publique, au bénéfice de l’ensemble des

citoyens. Elles doivent se donner les moyens de progresser avec le développement de

la société et des récentes technologies, mais aussi être à l’écoute des nouvelles

demandes des usagers. La bibliothèque peut être vue comme un acte de

développement économique du territoire comme c’est le cas pour les BMVR qui prêtent

une attention particulière à leur insertion dans un paysage urbain déjà établi. De plus les

réflexions collectives sur ces missions donnent toute l’ampleur de la chose. Le manque

de vitalisation de l’espace rural, l’explosion des banlieues et du « périurbain », la

marginalisation de territoires étendus sont des préoccupations nationales auxquelles

cette nouvelle génération de bibliothèques ne peut demeurer indifférente. Il ne peut

donc y avoir de bibliothèques municipales réussies que seulement si l’Etat assume ses

responsabilités en matière d’incitation à la construction et de contrôle technique. Il est le

garant de l’homogénéité des équipements culturels sur le territoire. Une amélioration

doit se faire avec la création de la 3e part au concours particulier. Elle est une incitation

à la construction de BMVR puisque l’Etat donne une subvention aux municipalités à

hauteur de 40%. Il faut souligner que certains critères doivent être respectés pour

pouvoir bénéficier de cette loi, par exemple, seules les villes de plus de 100000

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habitants y ont droit, ce qui permet de nouvelles constructions. Mais des progrès sont

encore à faire pour obtenir une véritable homogénéisation de la répartition des

bibliothèques sur le territoire français.

La médiathèque de Troyes doit s’établir dans le contexte urbain du site Argence.

Ce Pôle situé au cœur du centre ville présente un intérêt auquel s’ajoutera le projet de la

BMVR. L’ensemble du site Argence se développe sur une surface d’environ trois

hectares autour d’un élément architectural « l’Embarcadère », ancré dans l’histoire

Troyenne. Cette gare devient très vite vétuste puisque sa situation, en cul de sac, ne

permettait aucune extension de la ligne vers l’Est. Elle sera déplacée vers son site

actuel, dès lors « L’Embarcadère » change de vocation. La ville acquiert en 1858 des

terrains auprès de la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est pour y construire le Lycée

Pithou autrefois installé sur la place du marché couvert. De septembre 1939 à juin 1940,

le site a servi d’hôpital militaire et reprend ensuite sa fonction de lycée jusqu’en 1979. À

cette date le site devient l’Espace Argence. Au début des années 1990 ce site, composé

de bâtiments de caractère, situé au cœur de la ville est parfaitement desservi. Il semble

parfait pour accueillir un centre de congrès et de manifestations d’envergure faisait

défaut à cette ville jusqu’alors. Les locaux de cet ancien lycée sont devenus un lieu de

rencontres et de manifestations culturelles qui abritent « L’espace Argence » et le

conservatoire National Marcel Landowski. C’est dans ce contexte que la BMVR de

Troyes doit s’insérer afin d’achever ce complexe culturel ambitieux. François Baroin

répond à la question Comment la médiathèque va-t-elle s’intégrer dans l’ensemble

constitué par l’Espace Argence et le conservatoire de musique ?

« L’imbrication de ces trois éléments (médiathèque, Espace Argence, Conservatoire) est

essentielle. Il s’agit en effet d’un projet global qui aboutit à la constitution d’un pôle culturel de toute

première qualité. Ces trois outils sont neufs, parfaitement adaptés à leur vocation respective, et leur

voisinage sur le même lieu en fait un pôle d’attraction et d’animation majeur pour l’agglomération. Certes,

vous le soulignez par ailleurs dans ce dossier, les abords de ce « site Argence » doivent faire l’objet de

travaux d’aménagements complémentaires. Ceux-ci contribueront, avec entre autre le réaménagement du

carrefour et de la fontaine Argence, à améliorer et à renforcer le lien avec le site de loisirs situé à l’autre

bout de l’axe République. Poincaré, constitué du multiplexe, des restaurants et des futurs aménagements

dans ce secteur »

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Le choix du site repose sur deux éléments fondamentaux avec tout d’abord la

disponibilité de terrains constructibles (« on fait avec ce que l’on a »).mais aussi la

position centrale dans la ville et sa proximité avec l’Espace Argence. Ces deux raisons

montrent bien qu’il y a une volonté de regroupement culturel, vu par la municipalité

comme une aubaine pour en faire un site culturel riche et hétéroclite. Le terrain

présentait un enclavement et se trouvait en retrait par rapport au boulevard de grande

circulation. Cet environnement urbain n’offrait pas de point de référence architecturale

ce qui permettait aux architectes d’avoir une plus grande liberté d’action et aucune

contrainte esthétique d’harmonisation avec les bâtiments environnants. Le site est

composé d’un côté de bâtiments du XIXe siècle, pour le moins austères et de l’autre

d’une frange faubourienne sans grâce, avec des façades disparates et des dos de

garages individuels à demi enterrés. Pour ces raisons rien ne justifiait, ni n’incitait le

futur bâtiment à dialoguer avec son contexte urbain immédiat.

« Dans ce contexte, les architectes ont pris le parti d’une architecture sans composition de façade

qui aurait renvoyé à l’environnement bâti. Ils ont juxtaposé de très grands éléments disposés en bandes

filantes » a indiqué Jacques Guy.

A ce titre aucun style n’a été imposé aux architectes mais il semblait tout de

même important d’harmoniser l’ensemble. Cet espace indécis autorisait une grande

liberté de conception et d’écriture pour les architectes en charge du projet. Si le contexte

urbain proche n’était pas un obstacle, certaines contraintes étaient à prendre en compte.

Le futur équipement devait venir s’adosser au collège du XIXe siècle dont l’architecte

des bâtiments de France exigerait la conservation de la façade sur cour. Cela

nécessitait une opération de démolition / reconstruction. Un Bâtiment se trouvait à

l’emplacement où devaient se situer la bibliothèque. Les monuments historiques ont

autorisé sa démolition mais ont imposé de conserver une façade puisqu’elle était

classée. Lors de la démolition celle-ci a été démontée et remontée pour que la cour

Argence garde son Harmonie d’ensemble, c’est pourquoi la bibliothèque vient s’adosser

à celle-ci. Louis Burles donne l’explication suivante :

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« Il y a un mur qui a été abattu. On a conservé la façade afin que la cour Argence puisse

conserver son intégrité. C’est pour cela que vous avez une façade en briques avec un mûr de béton

derrière pour la solidifier. Les niveaux de fenêtres de la cour Argence et ceux de cette façade sont

divergents. »

La BMVR de Troyes doit s’implanter à l’Est du centre culturel Argence en

conservant la façade sur la cour afin de préserver l’unité d’ensemble de ce dernier. Les

architectes ont pris en compte le bâtiment ancien qui jouxte le leur et ont réglé le gabarit

de leur construction sur la façade qui a été conservée. Son intégration passe par le

respect et l’alignement de la hauteur des bâtiments environnants. Son plan octogonal

est conçu de la même façon avec les bâtiments préexistants qui bordent la cour du

collège afin de mieux faire corps, avec l’ensemble des constructions. La médiathèque

vient à la place de l’aile Est de la cour dont elle ne garde que la façade. La dénivellation

du terrain a nécessité quelques rattrapages. Il y avait une différence d’altitude entre le

parvis d’entrée côté boulevard Gambetta et la rue des Filles de Dieu. On a remédié à

cet inconvénient par deux niveaux d’administration. Ainsi l’entrée du personnel se fait de

plein pied sur la rue des Filles de Dieu Des plantations ont été faites, à l’Est du bâtiment.

Le terrain descend en pente douce depuis le parvis jusqu’à la rue des Filles de Dieu. À

cet endroit ont été plantés 45 pommiers alignés parallèlement au bâtiment entre la voie

des pompiers et la voie publique de circulation automobile, liant les deux cotés du site et

desservant 120 places de parkings aériens. La construction s’implante dans un site à la

morphologie très marquée et s’appuie sur le bâtiment préexistant, comme le collège sur

lequel elle vient s’adosser. Elle s’ancre dans le passé pour mieux faire comprendre ses

ambitions futures.

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2.2- L’étude de programmation.

2.2.1- Les ambitions de la future médiathèque.

La construction de la médiathèque a pour optique de participer à son terme au

développement d’un mode de communication urbaine qui permettra de rééquilibrer le

cœur de l’agglomération. Elle aura une fonction au centre du complexe culturel dans

lequel elle va s’insérer pour permettre une cohésion et une interaction culturelle.

L’espace de consultation qu’elle représentera sera une possibilité pour le grand public

d’accéder à l’informatique, au livre, au regroupement artistique littéraire ou auditif et de

s’initier à la pratique documentaire. Le regroupement de ces bâtiments ayant chacun

une spécificité permettra aux services qu’ils proposent de se répondre entre eux et

autorisera l’accès collectif à l’information culturelle, au sens large, sensibilisera au mieux

le public dans ce domaine. Le regroupement de ces trois pôles permettra une mutation

culturelle et engendrera par là même, une diversification économique basée sur la

culture. Pour assurer le bon fonctionnement de cet espace culturel, il s’orchestrera à

partir d’un outil spécifique de qualité, ouvert et performant en terme d’image tant interne

qu’externe. Il travaillera avec les réseaux associatifs de terrain dans le prolongement

d’une politique d’animation éducative, volontariste, définie par la programmation de la

bibliothèque et en phase avec les deux autres équipements de cet ensemble. Voila, les

ambitions de la future bibliothèque souhaitait accomplir dès sa conception. D’après le

rapport Latarjet

« Non seulement la haute qualité artistique est source de fierté et d’identification pour une

population, mais elle est aussi le facteur d’entraînement et de dynamisme pour des activités de base »

L’autre ambition de Troyes qui ne semblait pas être une priorité pour les autres

BMVR, ou si elle l’était, cela était moindre et se trouvait moins important par rapport au

projet de la médiathèque de Troyes, c’est la vocation touristique que la ville lui confère

dès sa programmation. Cette démarche, vue comme une initiation, est fondée sur la

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valorisation d’un fonds ancien de premier ordre et une dimension de bibliothèque de

loisirs et d’études.

François Baroin répond à la question : En plus de sa vocation culturelle, la MAT est-t-

elle aussi appelée à jouer un rôle touristique ?

« La vocation culturelle de la médiathèque est indéniablement renforcée : tournée vers tous les

publics, elle offre une variété nettement accrue de biens culturels, un espace dédié et adapté aux enfants

et aux jeunes d’une ampleur incomparable à ce qui existait auparavant, des outils multimédias ouverts à

tous, un espace d’exposition permanente…La médiathèque travaille en outre en étroite collaboration avec

les médiathèques de quartiers réparties à Troyes et dans l’agglomération. Ouverture, proximité, diversité,

sont donc des principes renforcés avec l’inauguration de cette nouvelle structure. Mais la médiathèque,

outre ce rôle quotidien auprès de tous les habitants, est bien entendu appelé à exercer une attraction

touristique accrue. Ce rayonnement se fera d’une part par la richesse et à la qualité du lieu et de

l’ensemble culturel que j’évoquais précédemment, mais également par la mise en valeur du patrimoine

réalisée au sein de la médiathèque : Rendre visible du grand public le fonds ancien de la bibliothèque de

Troyes, c’est mettre en valeur l’une des composantes majeures de notre patrimoine historique. Je ne

doute pas que les touristes sauront apprécier ce trésor à sa juste valeur. »

Dès sa programmation le maître d’œuvre avait insisté sur la salle du patrimoine

qui devait être en quelque sorte une mise en vitrine de cette médiathèque pour la

valoriser au maximum. C’est pour cela, qu’il avait demandé qu’on lui accorde un soin

particulier. Lors de la première réunion des personnes à concourir. Les architectes ont

été regroupés dans l’ancienne salle ce qui n’était pas anodin mais tout à fait volontaire.

Cette réunion de pré-programmation était faite :

« Pour dire : Et bien ! Voilà vous avez un espace prestigieux, à vous d’intégrer cela de la manière

la plus judicieuse possible dans le futur bâtiment. La grande salle que l’on voit aujourd’hui est une

réinterprétation de l’ancienne salle patrimoniale qui était un lieu prestigieux. Cela n’a jamais été, dit mais

cette réunion était là pour montrer la grande salle afin que les architectes s’en inspirent. Mais bien sûr,

sans tenir compte de ceux qui avaient bien compris ce message subliminal. Ceux qui l’ont compris ont

réinterprété cette grande salle.»

Un clin d’œil implicite pour les architectes de façon à ce qu’ils voient les

fondements de la bibliothèque. L’essence du futur bâtiment reposait sur l’idée selon

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laquelle, il fallait ancrer le nouvel établissement à l’aide de son histoire pour que celui-ci

serve au mieux ses ambitions futures.

2.2.2- Le lancement du concours.

La SEDA a été mandatée pour assurer la programmation et la mise en place du

concours d’architecture en vue de la réalisation de l’ouvrage. La programmation a été

confiée à l’agence CAFÉ qui a travaillé en collaboration avec Monsieur Delcourt. Afin de

gagner du temps, un appel à candidature a été lancé en décembre 1996 dans la presse

spécialisée. A la suite de cette démarche 80 projets ont été reçus. La CAT devait donner

son approbation pour le programme et la réglementation du concours qui devait être

constitué de 15 membres. Le président de la CAT Allain Caillot a été désigné comme

président du jury. Le concours d’architecture a été organisé pour une BMVR d’une

surface hors œuvre de 9600 m² pour un coût de 62 000 000 francs hors taxe, auxquels

ont été ajoutés les aménagements extérieurs (parking, espace libre) pour 6 000 000

francs hors taxe. Le jury du concours d’architecture pour la BMVR a été composé le 20

mars 1997. Après avoir pris connaissance de tous les dossiers, le jury s’est basé sur

certains critères afin de faire un choix. Les quatre premiers critères retenus

demandaient aux candidats d’avoir déjà réalisé un équipement supérieur à 2500 m²,

d’avoir au moins deux architectes dans leur équipe, d’avoir déjà réalisé une

bibliothèque, d’avoir fourni des diapositives ou des transparents de leurs anciennes

prestations. Après la prise en compte de ces critères, il restait 25 candidats en

compétition. Le jury s’est donc réuni et a voté pour désigner les quatre candidats

(Patrick Rubin, Colomes-Giacomazzi, Pierre Du Besset et Dominique Lyon, pour finir le

cabinet Riboulet) admis à concourir. Les candidats devaient remettre leur projet au jury

le 13 juin 1997 à 17 heures. Une réunion s’est tenue avec les représentants des quatre

cabinets d’architecture le 28 avril 1997 pour répondre à leurs questions. Elle a été

organisée dans la salle de lecture, un clin d’œil implicite pour montrer l’importance que

devait avoir le fonds patrimonial dans la future bibliothèque. Une fois les projets de

chaque cabinet rendus, la commission technique retenue par la CAT s’est réunie les

16 ; 17, 18 juin 1997 afin d’analyser de façon rationnelle et objective les projets et leur

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conformité avec la réglementation du concours et du programme. Cette première

analyse ne devait en aucun cas anticiper sur le jugement du jury mais simplement

rendre compte à ses membres de leur adéquation avec le programme. Le rôle de la

commission technique n’a été que de procéder à une analyse détaillée et objective du

projet de chaque candidat pour aider les membres du jury à faire leur choix.

Le premier critère retenu pour analyser les quatre projets, porte, d’une part sur la

qualité du parti architectural ainsi que sur la conception générale du projet et d’autre part

sur le respect des principaux objectifs explicités dans le programme.

Dans la conception globale l’équipe de Christian Colomes et Sylvain Giacomazzi

envisagent un projet qui respecte rigoureusement chaque point du programme. Cette

rigueur aurait pu satisfaire les membres de la commission mais le parti architectural

semble en pâtir avec un manque d’originalité. Les divisions consacrées à la lecture,

l’étude et la visite semblaient être harmonieuses et équilibrées tout en étant relativement

isolées les unes des autres. L’intégration urbaine n’était pas totalement satisfaisante

puisque la lourdeur de la façade du bâtiment semblait faire contrepoids à l’espace

Argence. A cela s’ajoutait une confusion entre l’ancien et le nouveau bâtiment. Cette

confusion provenait d’une mauvaise perception entre les séparations physiques des

deux bâtiments dues à une connexion de tous les niveaux. Enfin, les liaisons

fonctionnelles entre les deux bâtiments semblaient inutiles car l’évidement du rez-de-

chaussée de l’ancien bâtiment était sans affectation réelle. Le projet rentrait dans

l’enveloppe budgétaire avec une marge assez large, mais l’architecture était assez

modeste. Cela explique que cette candidature n’a pas été retenue, Même si

l’architecture de type traditionnel qu’il proposait, n’aurait pas entraîné de dépenses

particulières. Les circulations et la configuration complexe des espaces auraient

engendré un surcoût lié au personnel de surveillance.

L’équipe de Pierre Riboulet proposait à contrario un parti architecturale original

d’ordre symbolique traduisant la valeur du patrimoine écrit. Elle réglait parfaitement bien

les questions d’ordre fonctionnel liées aux activités dont l’établissement serait pourvut.

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Une harmonisation des usages que sont la lecture, l’étude et la visite, était créée. En

privilégiant la visite, par sa facilité d’accès et par sa position centrale. Elle l’aurait rendue

toujours présente. Dans l’intégration urbaine ce qui était reproché à ce projet était sa

grande emprise au sol, qui laissait peu d’espace de dégagement aux abords du

bâtiment produisant la confusion entre les circulations piétonnes et automobiles malgré

une hauteur modérée. Le traitement pour accoler le bâtiment à l’aile du carré Argence

était quant à lui très précis. Le budget de ce projet qui comprenait la création d’un

parking souterrain pouvait rentrer dans l’enveloppe prévue.

L’équipe de Patrick Rubin s’est démarquée par la qualité architecturale de son

projet qui s’insérait parfaitement dans le contexte urbain mais cela se faisait au

détriment d’une organisation interne qui nécessiterait d’importantes modifications pour

répondre au programme demandé, même si on y trouve une bonne harmonie des

principaux usages. Ce groupe a apporté un souci extrême dans l’intégration urbaine si

bien qu’il est parvenu à résoudre l’ensemble des difficultés du site. La perception du

bâtiment depuis l’avenue Gambetta a été magistralement renforcée par la figure

géométrique du fonds scénographique sur la façade principale. La façade arrière dont la

parcelle est en pente douce le long du mûr d’enceinte a été traitée à l’aide d’une

passerelle qui reliait l’avenue Gambetta à la rue des Filles de Dieu. La façade donnant

sur l’espace Argence peut permettre une relation un discours entre les deux bâtiments

qui se répondent physiquement de part et d’autre d’une rue intérieure, tout en

développant un lien fonctionnel entre la cour de l’ancien bâtiment et le hall d’entrée du

nouveau. Un des points forts du projet est que la cohésion et l’harmonie d’ensemble,

sont sans équivoque. Le problème est que cette esquisse était fortement susceptible de

dépasser l’enveloppe budgétaire. De plus les matériaux utilisés engendraient un coût

supplémentaire ; La toiture à la jonction de la partie émergente du tronc de cône inversé

impliquait un nettoyage onéreux et un entretien particulier. La façade vitrée pouvait

engendrer des surcoûts en dépenses énergétiques. L’enveloppe élevée de base, plus

les surcoûts d’entretien exigeaient trop de contrainte budgétaire pour le maître d’œuvre

afin qu’il soit possible de sélectionner ce projet pourtant tout à fait adapté au programme

et dont l’originalité était séduisante.

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Enfin l’équipe de Pierre du Besset et de Dominique Lyon proposait un projet dont

la qualité architecturale générait des espaces lisibles, équilibrés, qui répondaient de

manière évidente au programme. On y trouve une Harmonie parfaite entre les trois

usages que sont la lecture, l’étude et la visite, même si l’espace scénique semble un

peu isolé des autres activités de l’équipement. Une insertion urbaine, simple mais

efficace est envisagée. Le bâtiment était accolé à l’espace Argence dont il intègre même

l’aile sur cour. Ainsi le nouveau bâtiment se compare à l’ancien qui le jouxte par sa

volumétrie monolithique et s’y oppose par sa matière transparente. Cette société a su

dégager un maximum d’espaces libres en avant de la façade principale pour lui donner

une plus grande emprise sur le site. Le budget était respecté et n’engendrait pas de

surcoût de personnel. Un projet a été proposé respectait en majorité le programme avec

une certaine originalité, un bon fonctionnement et pas de surcoût direct ou indirect. C’est

pourquoi le jury l’a sélectionné pour réaliser la construction de cette future médiathèque.

Le plan proposé par les Du Besset et Lyon rompt avec les conceptions habituelles en

matière de bibliothèques publiques. Un point déterminant qui leur a permis de remporter

le concours. L’idée globale de leur projet tient dans la formule « Ni super institution, ni

supermarché ».

Le modèle des grandes bibliothèques du XIXe siècle sacralisant le livre était inadapté.

Les architectes n’ont pas ressenti le besoin d’exprimer par un travail de composition et

plus particulièrement sur la volumétrie et les façades, le caractère d’édifice public. Une

telle mise en scène risquait d’intimider une partie des utilisateurs potentiels. Les

candidats qui n’ont pas été retenus, ont été indemnisés d’un montant de 262 000 francs

pour avoir remis des prestations intéressantes.

Le projet de la BMVR de Troyes n’est pas une commande publique mais est

issue d’une municipalité qui se trouve être le maître d’ouvrage. La qualité architecturale

est au rendez vous pour les douze BMVR. De ce fait nous ne sommes plus face à

quelque chose d’aléatoire mais en présence d’un véritable phénomène. Troyes a reçu

l’équerre d’argent. Ce prix décerné par des professionnels corrobore cette idée d’une

architecture satisfaisante et enthousiaste. Ce constat montre bien que la commande

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publique d’architecture a été soigneusement préparée. Concrètement, cela signifie que

dans l’élaboration du programme et du concours, passé à cet effet, les collectivités ont

certes répondu aux obligations réglementaires mais ont surtout poursuivi une ambition

qualitative. Cette démarche montre encore une fois l’implication des collectivités locales

à mettre un point d’honneur au fonctionnement, mais surtout à l’esthétique architecturale

dans le contexte urbain. Désormais les bâtiments ne sont plus pensés pour y insérer

seulement des services publics. D’autres dimensions plus larges sont prises en compte

comme le domaine culturel, mais aussi le domaine urbain. Les villes pensent désormais

à la construction de leur bâtiment dans une globalité, un ensemble qui est leur ville, de

façon à créer une harmonie totale. Une image de la ville passe par sa cohérence et son

esthétique architecturale.

2.2.3- Les intentions architecturales.

« Une médiathèque est un lieu ouvert. Elle doit communiquer le sentiment qu’elle appartient à une

communauté qui l’a construite et qui l’utilisera »

Par ces mots, les architectes Dominique Lyon et Pierre Du Besset définissent les

grandes lignes qui ont accompagné le projet de la médiathèque de l’agglomération

troyenne.

La bibliothèque est constituée d’espaces de lecture dont le thème est différent

ainsi que les ouvrages mis à disposition des publics, aussi divers qu’ils soient. Ils

peuvent trouver ce qu’ils recherchent allant de l’enfant au chercheur spécialisé. On y

trouve une salle pour enfants une autre pour les adultes et un kiosque ou de

nombreuses revues et journaux sont mis à disposition et en libre accès. Ces espaces

sont organisés en plusieurs parties séparées par des cloisons de verre qui permettent

de remédier aux nuisances sonores et de laisser l’esprit voyager dans les différentes

zones. Une embrasure visuelle favorise l’ouverture d’esprit pour découvrir d’autres

horizons que l’on n’aurait pas cherché à déceler. Cette conception vise à favoriser la

déambulation et la découverte dans une perspective d’autonomie des lecteurs. Les

espaces publics comme le forum permettent d’organiser des expositions et des

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rencontres avec les auteurs. Des ateliers accordent la possibilité de dialoguer et

permettent une certaine sociabilité. L’espace culture multimédia comporte une ouverture

sur le monde. La salle du conte permet aux enfants de s’initier à la lecture d’une

manière ludique. La conception laisse entrevoir que tout a été pensé pour que la culture

n’ait aucune limite mais une ouverture totale et une diversité absolue. Les espaces

internes privés que sont les magasins de conservation ou les bureaux administratifs ont

été conçus dans la perspective d’une protection optimale des documents mais aussi

pour que les employés aient tout le confort pour favoriser leur condition de travail. La

répartition des espaces se fait autour d’un axe central qui est le hall d’accueil et sa

structure est visible de l’extérieur, à travers la façade vitrée. Ainsi l’objectif de la

transparence totale est atteint, permettant au bâtiment de révéler à l’extérieur ce qui

l’habite, un univers de culture intarissable, du passé comme du présent, composé du

fonds ancien, pour la satisfaction des visiteurs et des lecteurs qui le peuplent. La lisibilité

du bâtiment est rendue claire par cette transparence. Tout est mis à disposition du

regard et renforcé par une signalétique forte.

La médiathèque est invitée à se confronter avec les bâtiments proches de son

environnement extérieur qui rendent compte d’une harmonisation d’ensemble. Elle

reflète son ouverture sur le monde au travers de son architecture, qui se traduit par la

fluidité des espaces et une transparence totale.

Elle est constituée de plusieurs ensembles repartis sur deux niveaux dont la conception

est basée sur le même souci architectural, la fluidité. La séparation entre les différents

ensembles se fait par des paravents transparents qui permettent une plus grande

fluidité. Cette conception interne basée sur la transparence avec une utilisation du verre

à profusion est faite pour encourager la mixité sociale, des âges et des centres d’intérêt.

Ce parti pris architectural a pour objectif d’avoir une répercussion sociale, en

décloisonnant les genres et les pratiques, les classes sociales se mélangent et

s’enrichissent mutuellement. THIERRY DELCOURT le confirme en soulignant :

« On doit en effet pouvoir y mélanger le plaisir social, et la rencontre, et l’échange, et le bonheur

individuel de la curiosité et de l’enrichissement personnel »

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Une tendance que l’on retrouve aussi dans le classement des documents qui

sans distinction de support, cohabitent ensemble qu’ils soient livres, périodiques,

cédéroms ou cassettes audio, en fonction de leur thématique. Cette fluidité est

perceptible pour le visiteur dès son entrée dans le hall d’accueil central autour duquel

tout est articulé. D’un seul coup d’œil les espaces qui si rattachent, deviennent

compréhensibles. Cette configuration incite à la déambulation dans des champs

lumineux. Les espaces fluides tirent leur particularité de la perception constante de la

ville qu’ont les usagers par des vues rarement directes (à l’exception des baies de

l’entrée) mais légèrement masquées soit par le panneau bleu, soit pas la résille de tubes

orange de la façade arrière. La lumière qui pénètre dans la bibliothèque est très douce,

filtrée avant de pénétrer par de multiples écrans. La salle distribue écrans chromatiques

et nappes de lumière, qui rendent l’intérieur et l’extérieur perméables, presque

réversibles. Elle se présente comme un bâtiment ouvert aux échanges, soumis aux

inflexions optiques d’une couverture fluide, champ de polarisation et de diffraction de la

lumière. L’intérieur qui est baigné par la luminosité accentue la fluidité des espaces, les

rendant ainsi plus vivants, mouvants et sereins grâce au traitement acoustique qui

permet de faire abstraction du monde extérieur et de rentrer dans sa bulle personnelle.

La médiathèque est un établissement public. Elle doit transmettre le sentiment

d’appartenir à la communauté qui l’a constituée et l’utilisera. L’architecture a pour but de

permettre aux Troyens de s’approprier le bâtiment. Les effets architecturaux sont

explicites et non abstraits. Ils sont compréhensibles, ne s’enferment pas dans une

culture architecturale trop exclusive. La simplicité permet une meilleure compréhension

et une transparence totale. De l’extérieur, les spectateurs perçoivent sans aucune

barrière ce que renferme ce bâtiment. Il présente une transparence totale qui permet à

la médiathèque de s’imposer et de convaincre ses publics de vouloir découvrir de plus

près ce qu’elle renferme. Par cette transparence, elle révèle ce qui l’habite : fond

scénographique, foule, accumulation de documents, de textes, d’images de sculptures.

Elle s’anime par la vie qu’elle renferme et qu’elle affiche, par l’intermédiaire de cette

transparence au public extérieur permettant ainsi d’assurer ses rôles culturels et

urbains.

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2.3- Le parti définitif.

2.3.1- Une façade sur la ville.

La médiathèque est située un peu en retrait par rapport au boulevard Gambetta,

axe principal d’où l’on aperçoit la façade en second plan. Pour un établissement culturel

la perception visuelle est importante, elle influe en partie sur les fréquentations. Les

éléments que les constructeurs ont utilisés pour que ce bâtiment passe au premier plan

sont tout d’abord les ruptures d’échelles dans l’expression de la façade principale

(appuyer) de la toiture et de l’auvent. Les architectes se devaient de proposer un projet

où l’architecture de la médiathèque se démarque de l’ensemble du complexe Argence

dans lequel elle s’insère. Ils ont utilisé le site de manière à le réorienter au profit de la

médiathèque pour qu’elle soit le point central de ce site. Ainsi, le bâtiment, par son recul

sur la perspective, dégage une place qu’il subordonne. Il est accolé à l’Espace Argence,

entièrement vitré sur trois faces, d’un volume de 11 000 m² entièrement ouvert sur la

ville. Cette transparence est une mise en vitrine du patrimoine et des nouvelles

technologies qu’elle renferme. De l’intérieur, c’est une large vue sur Troyes qui s’offre à

notre regard. L’ouverture sur l’extérieur affirme une dimension démocratique de la

lecture publique, symbolisant une large ouverture pour tous. La transparence et

l’utilisation de la façade vitrée sont des constantes pour les médiathèques et plus

particulièrement pour les BMVR. Troyes se démarque par son entière transparence sur

trois faces ou le recours au vitrage est particulièrement sensible. Une clarté exacerbée

que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Monsieur Du Besset et Lyon ont favorisé la

lumière grâce à l’ouverture du bâtiment sur l’extérieur offrant une optique remarquable :

(fonds scénographique, grand escalier, ainsi que salle de lecture à l’étage). Les résultats

sont d’autant plus importants qu’ils sont perceptibles par les passants, au débouché de

la rue de la République, de sorte qu’ils provoquent une force attractive pour les

promeneurs.

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L’architecte a accolé une immense halle de 95 mètres de long, 45 mètres de

large et 13 mètres de haut à l’ancien collège sans adopter une solution de continuité,

alternative qui apparaît pour le moins brutale. Cette solution abrupte et sans alternative

est palliée car elle est transfigurée par un ensemble habile de dispositifs tant

architecturaux que plastiques. Les architectes ont opté pour une construction élégante

et rudimentaire. Le squelette est ce qu’il y a de plus simple, mais l’enveloppe fait toute la

richesse de cette architecture, avec des façades de verre qui viennent s’accrocher à

l’ossature et dont la géométrie, les angles et parfois même la teinte varient, masquant

ainsi la simplicité du plan octogonal. Une dalle sur pieuxa été bâtie pour le rez-de-

chaussée. On n’a pratiquement pas de sous sol mais de courts niveaux, dont un sert de

bureau. Une astuce qui permet de rattraper la dénivellation du terrain. Le premier étage

est composé d’une dalle d’une hauteur de 7,50 m portée par de minces poteaux en

béton, dégageant ainsi un espace totalement décloisonné et fluide pour optimiser la

volumétrie du champ

Face à ce bâtiment le spectateur semble être confronté à une absence de

façade. La transparence des grandes parois de verre, donne une impression

d’immatérialité qui se traduit par une difficulté à percevoir les limites du bâtiment. Une

fusion se fait entre l’intérieur et l’extérieur. Ainsi lorsque l’on se trouve en dehors du

bâtiment on peut facilement s’y projeter sans y être physiquement et inversement,

quand on se trouve à l’intérieur, il est facile de s’y projeter vers l’extérieur. En ce sens, le

bâtiment symbolise une ouverture sur le monde ou les frontières et les limites n’existent

pas. L’esprit peut donc voyager en toute liberté dans le monde qu’il souhaite explorer.

Les effets des façades présentent le bâtiment comme incertain et fuyant, provoquant

une ambiguïté et une difficulté à en définir les limites dans l’espace urbain auquel il

appartient mais avec qui il ne dialogue pas. La Bibliothèque est dotée d'une architecture

moderne et transparente. Celle-ci favorise le lien entre l'intérieur et l'extérieur et gomme

les effets de barrière symbolique qui pourraient freiner la fréquentation des institutions

culturelles.

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La toiture est une charpente métallique tout à fait banale, à pentes aplaties, qui

se prolonge sur l’avant, contribuant à la création d’une volumétrie ambiguë mais riche.

Le dispositif qui fait la richesse et la particularité de ce bâtiment est le long écran bleu

qui double la façade latérale tout à fait spectaculaire. Il est suspendu à quelque distance

de la paroi transparente qui assure la clôture du bâtiment. Le pan de verre est irrégulier

dans sa forme et sa teinte, coupé en son milieu par une fente horizontale ondulant très

légèrement. Le Rôle thermique ainsi que celui de protecteur solaire, est limité puisque

cette façade est orientée Nord Est, ainsi les effets pervers du soleil sont contrés. Elle

sert aussi d’artifice à une façade banale qui grâce à son aide apparaît perpétuellement

changeante.

2.3.2- Une architecture sans compromis.

Une médiathèque est un lieu qui n’impose pas d’étudier un domaine particulier,

elle n’impose rien. Le public est libre d’acquérir par lui même les connaissances qu’il

souhaite. De ce fait, l’architecture ne tente pas de diriger les lecteurs vers tel ou tel

domaine mais plutôt de stimuler la curiosité intellectuelle de chaque utilisateur. Les

anciennes bibliothèques imposaient le principe du parcours intellectuel. Dans le cas

présent celui-ci se substitue à l’idée de la découverte architecturale. La médiathèque a

certaines missions à accomplir comme la conservation, la communication. Elle permet

aussi de faire découvrir les fonds anciens qu’elle possède. Ils sont spectaculaires et sa

mise en scène l’est tout autant avec un caractère immédiat. Elle permet de mettre en

avant l’accumulation de livres mis en perspective par les rayonnages. Une hiérarchie

pourrait être établie en fonction de la préciosité des ouvrages, par exemple entre le

fonds ancien et le fonds moderne, mais les architectes précisent qu’ils :

« Ne souhaitent pas établir de hiérarchie »

Cela est relatif et discutable. On peut tout de même voir transparaître une forme

de hiérarchie dans le traitement des salles et la présentation des ouvrages. La salle des

fonds anciens est un écrin, une vitrine de ce trésor à l’inverse de la salle des fonds

modernes qui est traitée de façon banale même si le plafond a un caractère

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spectaculaire. On peut voir au niveau du traitement intérieur une hiérarchie qui semble

évidente. Mais si on conçoit que chaque pièce représente l’époque des livres qu’elle

contient cela s’amenuise, au point d’amener à des interprétations diverses. Dans la

conception globale de la médiathèque de Troyes, on peut voir l’absence de hiérarchie à

travers deux composantes qui se définissent à partir de deux principes communs. Le

premier est celui du parcours, du cheminement qui est en quelque sorte la métaphore

d’un paysage à découvrir, où d’un univers à appréhender. Le second fait qu’on entrevoit

une certaine profondeur comme métaphore de la richesse « (richesse au sens

d’accumulation comme par exemple celle des ouvrages patrimoniaux) » et de la

mémoire. La médiathèque est organisée de façon rationnelle suivant des lignes filantes

selon les principes de la profondeur et du parcours. Pour accentuer les effets de

profondeurs les architectes utilisent les mêmes principes que ceux de la perspective

dans le dessin.

1 Au rez-de-chaussée, sur le long de la cloison filante est inscrit un texte « dans

le cœur des objets » œuvre de Lawrence Weiner et des images (renvoi au 1%

artistique).

2 L’escalier monumental développe aussi la profondeur par son emplacement et

Incite les lecteurs à monter jusqu’aux salles de lecture à l’étage.

3 La toiture filante marque l’espace exceptionnel des salles de lecture et

accentue la profondeur de celui-ci espace par son débordement se

prolongeant à l’extérieur.

Ces principes permettent d’augmenter la profondeur du bâtiment ainsi

l’architecture ne fixe aucune limite entre dedans et dehors. Le tout fusionne, créant ainsi

l’immatérialité du bâtiment. Tout comme dans le dessin de perspective les lignes

fuyantes ont un point de convergence, le hall est celui-ci où convergent les fonctions. Le

hall d’accueil est le point central, il sert de repère pour se diriger. Dès l’entrée, le

bâtiment déploie son organisation permettant une plus grande lisibilité pour ceux qui le

fréquentent. Les architectes ont opté pour des grands plateaux, afin de permettre

d’installer avec clarté et générosité les éléments du programme tout en optimisant les

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circulations et permettant une plus grande communication entre les espaces. Ainsi, dès

l’entrée, le lecteur peut discerner immédiatement l’organisation globale de la

bibliothèque. Les bureaux administratifs réservés au personnel sont répartis sur deux

niveaux dont l’accès se fait par une entrée de service située depuis la rue des Filles de

Dieu. Les locaux sont donc accessibles lorsque la médiathèque est fermée. Le premier

étage de cette partie, quant à lui, comprend les coordinations générales, des fonds

modernes, patrimoniaux et la conservation du fonds moderne en magasin. Ces deux

entités distinctes communiquent entre elles par l’intermédiaire d’escaliers et

d’ascenseurs. Les utilisateurs ont accès au rez-de-chaussée du bâtiment public depuis

l’esplanade dont le sol se prolonge à l’intérieur du hall, par une porte tambour. Une

fusion s’opère entre intérieur et extérieur au travers de cette continuité, traduisant

symboliquement l’immatérialité du bâtiment, rendant floues ses limites. L’extérieur forme

avec l’intérieur un hall d’entrée qui crée une transition absolue entre ces deux éléments.

Cette partie est entièrement vitrée et la transparence accentue encore l’immatérialité

ainsi que l’absence de limites entre l’extérieur et l’intérieur. Ce hall se compose de la

banque d’accueil, de la billetterie, et donne aussi accès à la cafétéria. Ensuite, le lecteur

franchit les barrières de contrôle, emprunte le hall qui donne accès aux expositions

temporaires et au circuit de visite du fonds scénographie. Les circulations sont faites de

manière à pouvoir accéder à ce fonds en dehors des heures d’ouverture de la

médiathèque. Cela est rendu possible par l’intermédiaire d’une barrière coulissante

rangée le long de la banque de prêt. L’accès à cette banque des prêts et des retours est

donc accessible ainsi que la salle des enfants située sur la mezzanine baptisée le

paquebot. Cette dernière est protégée par une longue paroi transparente jaune-acidulé

sur laquelle l’artiste Lawrence Weiner a mis sa touche personnelle en imprimant une

intervention poétique hors d’échelle. L’artiste nous donne à voir un espace textualisé par

les mots qui modulent les circulations. Un escalier rose lui fait face attirant les usagers

vers l’étage où sont situées les salles de lecture. L’escalier répond selon l’interprétation

du coloriste Gary Glaser au plafond de métal doré (dont les reflets donnent des nuances

à l’infini) du premier étage qui représente symboliquement « une vague » et l’escalier

« une cascade ». Une interprétation qui introduit la notion de mouvement où la

sinusoïde et la ligne droite se rencontrent. Il a su choisir les couleurs afin que

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l’atmosphère y soit plus agréable en utilisant une gamme de tons extrêmes, passant de

l’acidité d’un jaune citron à la délicatesse quasi imperceptible d’un gris, une véritable

harmonie d’ensemble. Même si le mobilier a échappé aux architectes cela vient à peine

perturber l’harmonie d ‘ensemble. La sobriété du mobilier est enrichie par un jeu de

superpositions et de réflexions, dispensé abondamment par les cloisons vitrées. Les

multiples décalages viennent enrichir les perceptions qui donnent une impression

d’espaces variés. Un soin particulier a été apporté à l’univers des enfants, reparti sur

deux niveaux qui bénéficient de traitements et d’aménagements intérieurs particuliers

(travail sur les couleurs, taille et matériaux spécifiques du mobilier) répondant ainsi à

tous les désirs des plus jeunes, dans un univers où tout est à leur dimension.

Le fonds patrimonial est situé au rez-de-chaussée sur trois niveaux visibles

depuis le hall. Enfin, sous la partie haute de la rampe de visite du fonds scénographié,

se trouve la conservation de biens rares et précieux en réserve. Cette partie renferme

aussi des circulations verticales de façon à ce que le personnel puisse se déplacer dans

les différents endroits. Elle permet des circulations communes comme l’escalier

monumental, où les ascenseurs et quatre escaliers en cloisonné repartis dans cette

section sont destinés aux secours. A cela, s’ajoutent des monte-charges réservés au

personnel permettant de relier pour quelques uns d’entre eux la banque du hall et celle

du premier étage afin de faciliter le retour des prêts dans les rayonnages. Celui au fond

du bâtiment dessert tous les niveaux, publics et privés, ainsi que les trois niveaux, du

fonds patrimonial en magasin.

Lorsque l’on entreprend la montée vers le premier étage le visiteur emprunte le

grand escalier. Si l’on poursuit l’ascension on arrive au palier du premier étage qui

donne accès à un plateau de 4 000 m² et à l’ensemble des salles de lecture et d’études

adultes. Ces salles communiquent entre elles. Le calme est assuré par les rayonnages

qui s’interposent entre chaque thématique. Le traitement acoustique est tel que l’on a

une impression de sérénité qui, même en cas de forte affluence, permet de s’isoler dans

sa bulle. Dans chacune des salles tous les médias sont réunis par fonction thématique

(vidéo, livres…) chacun de ces espaces est contrôlé par l’intermédiaire des banques

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d’accueil qui sont placées à la jonction de chaque thématique. La lisibilité est rendue

perceptible au travers du parcours lorsque l’on emprunte l’escalier monumental. Celui ci

débouche sur un hall allongé distribuant les différentes sections des salles d’études et

de lecture du premier niveau. Pour une meilleure orientation des publics la signalétique

est placée sur les parties supérieures des cloisons vitrées séparant les sections et les

fichiers de références qui sont disposés à la périphérie du hall. On se repère

immédiatement car l’on aperçoit l’accumulation des fonctions et des livres sous la toiture

monumentale. Les rayonnages sont placés suivant des lignes fuyantes brisées, afin de

ménager des espaces individuels. Les places de lecture sont en périphérie des plateaux

le long des façades.

Ces espaces reçoivent un éclairage indirect par les façades de la verrière

zénithale. Il est contrôlé par des brise-soleil et tamisé par un faux plafond général qui

recouvre la totalité du premier étage et déborde sur l’extérieur, créant ainsi un ciel

artificiel. Le plafond est ce qui étonne le plus, une immense vague de résille métallique

dorée qui couvre l’ensemble de la superficie. Sa géométrie incertaine nous apparaît

comme l’image d’une toile suspendue de façon lache au dessus de nos têtes. Les

architectes ont réussi une prouesse architecturale avec la mise en suspension du

plafond et du première étage, ce qui implique que le nombre de piliers porteurs est

réduit au minimum permettant une plus grande facilité d’aménagement et un espace

totalement fluide. Le plafond est un véritable morceau de bravoure composé de 33000

petites lames d’aluminium anodisé captant et dispersant le moindre rayon de soleil

venant des lanterneaux ménagés dans la toiture. Le dispositif est spectaculaire mais

peut procurer une certaine angoisse avec l’impression d’un mouvement incessant qui va

et qui vient, et peut à la longue devenir obsédant.

2.3.3. La réception du bâtiment d’un point de vue architectural.

Elle s’implante au sein de l’Espace Argence qui regroupe également le

conservatoire, une salle de concert et un espace de diffusion et de congrès, ce qui en

fait un centre culturel complet. La popularité et son architecture spectaculaire font d’elle

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une étape majeure du circuit touristique de la ville de Troyes, au même titre que les

musées et les églises. On voit alors l’impact qu’elle peut avoir en terme de réception. La

BMVR de Troyes est une prouesse architecturale, ses concepteurs ont réussi avec des

principes simples à allier esthétique et fonctionnalité avec un prix de revient peu élevé.

C’est une architecture reconnue par la profession avec l’attribution aux architectes Du

Besset et Lyon et à la Communauté d’Agglomération de Troyes, de la prestigieuse

Equerre d’argent décernée par le groupe Le Moniteur en raison de la qualité

architecturale de cette réalisation. Un bâtiment parfait mais une intégration au contexte

urbain peu satisfaisant. Comment en est-on arrivé là, alors que quelques années plus

tôt tous les éléments semblaient être réunis pour que la venue de cet important

équipement serve de catalyseur à un vrai projet urbain ?

Rarement autant d’éléments favorables sont réunis. Ils comprennent un

ensemble d’équipements à dominance culturelle (bibliothèque, conservatoire de

musique, palais des congrès), se trouvant proche du centre historique, parfaitement

desservi puisqu’il est situé en bordure d’un boulevard urbain. Ce qui rend l’accès facile

aux habitants de l’agglomération. Le complexe est entouré d’un bâti sans qualité

particulière qui, à priori, ne rend pas techniquement ou financièrement impossible un

projet d’aménagement d’une quelconque ampleur. Le terrain à peine choisi et le

concours allant être lancé, la ville cède à MC Donald le petit bâtiment situé sur le

boulevard. Une décision désastreuse puisqu’il enclave le site. D’autres ont suivi, qui

n’allaient pas améliorer la situation. On peut y voir un manque de discernement de la

municipalité ou un désintérêt total pour créer un espace urbain autour de ce centre

culturel. En réalité cela est plus complexe, cette décision est purement économique.

Comme nous l’avons expliqué dans « le contexte économique » la ville souffre du

chômage. La création du MC Donald permettait la création d’emplois, ce qui n’était pas

négligeable. Elle était un moyen de redynamiser le taux d’activité, voilà pourquoi le

terrain lui a été attribué. Cette hypothèse est confirmée par Louis Burles :

« Un maire à des préoccupations culturelles certes, mais les préoccupations économiques

passent toujours au premier plan. Il agit pour le mieux et pour le bien de ses concitoyens donc, s’il l’on

veut les considérations éthiques sur l’emplacement ou bien même la « mal bouffe » ne sont pas

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examinés. Et s’il il s’agit de donner du travail aux gens on fait le nécessaire pour le leur donner. Sa peut

paraître caricatural mais c’est tout simple. »

Une autre erreur de la part de la municipalité a été commise en refusant de suivre

les architectes dans leur idée de créer un parking sous terrains au moment de la

construction. La proposition était peu coûteuse puisque le bâtiment allait être construit

sur pieux pour cause de remblais. La mairie a choisi comme alternative une solution peu

convaincante qui montre ses limites, car le parking est situé sur le boulevard Est. Il est

aujourd’hui saturé. Cet édifice, à l’origine, aurait pu être une réussite totale, mais le

choix de personnes peu compétentes ou peu soucieuses du futur, ont fait de ce

bâtiment une belle sculpture dont on voit seulement au bout de trois ans les limites. A

cela s’ajoute, la prescription des bâtiments de France de vouloir conserver en l’état le

mur de l’ancien collège interdisant toute perméabilité entre les deux équipements. Les

architectes ont fait tant bien que mal pour pallier à ces dissonances, mais les décideurs

ont toujours le dernier mot et les architectes ont dû s’en accommoder.

Cette étude portait en elle toutes les conditions favorables pour en faire une

véritable prouesse mais le manque d’ambition de réaliser un projet urbain isole ce

bâtiment de la ville. Les architectes ont fait de leur mieux pour établir une

communication entre celui-ci et la ville mais celle-ci n’a pas souhaité poursuivre dans

cette voie. Le reproche que l’on peut faire, est que la municipalité par imprévision ou

manque d’ambition, n’a pas su faire de cet équipement le moteur d’un ambitieux projet

urbain. La réponse réside peut être dans le fait qu’au même moment, plusieurs projets

étaient associés à celle de la BMVR et notamment la création d’un conservatoire de

musique et d’un centre des congrès dans un ancien collège. L’envergure de ces trois

ambitions a peut être été l’une des causes d’un non programme urbain autour de la

BMVR, sans doute pour des raisons de budget.

La municipalité consciente de ses erreurs lance actuellement un projet urbain

autour de cette médiathèque. Récemment, on a vu se profiler un concept

d’aménagement autour du site Argence, peut être une prise de conscience de la

municipalité, afin d’obtenir une cohésion totale entre ces bâtiments. Il concerne un

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aménagement de 15 300 m² d’espaces publics du pôle Argence. Le coût de l’opération

est estimé à 3 952 020 euros hors taxe soit 4 726 616 euros TTC. Elle est co-financée

par l’Union européenne à hauteur de 717 110 euros qui font parti du fonds européen et

du développement en région. Les autres participants attendus pour le financement sont

FEDER avec 717 110 euros HT, le conseil général de Champagne Ardenne avec

571 393 euros HT, le conseil général de l’Aube avec 702 308 euros HT, la CAT avec

640 621 euros et enfin la ville de Troyes avec 1 230 588 euros.

Le site Argence attribué par la ville semblait parfaitement adapté à recevoir la

BMVR de Troyes. Il en serait le pôle stratégique du développement culturel pour servir

au mieux les ambitions d’une politique culturelle active et diversifiée. L’espace Argence,

par son adaptabilité et la qualité de ses équipements est un point stratégique pour

Troyes en matière de développement économique et touristique et permet à la ville de

se positionner comme pôle d’accueil d’événements culturels. La nouvelle bibliothèque

répond désormais aux attentes des utilisateurs. Les usagers ont changé et les

bibliothèques se sont transformées en médiathèques pour satisfaire au mieux le public

et évoluer avec les nouvelles technologies. Elles sont maintenant des structures

pluridisciplinaires.

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3 Architecture de supermarché.

Les modes employées pour la construction des nouvelles bibliothèques et plus

particulièrement les BMVR, sont empruntées au monde industriel et commercial tant au

niveau des matériaux que pour l’aménagement intérieur (entrée, sortie, rayonnage,

têtes de gondole…). Dans la majorité des cas le bâtiment se présente de plein pied à la

rue, comme le pas de porte d’un magasin. Et pour moderniser son image, elle va

jusqu'à modifier son nom de « bibliothèque » en « médiathèque » afin de rajeunir son

reflet et de casser l’image du « temple de la culture » qui était autrefois le maître mot.

Les temps changent entraînant ainsi un renouveau architectural et fonctionnel, en

appliquant une politique qui s’inspire de la grande distribution. Les lecteurs sont

considérés comme des « consommateurs potentiels » et les livres comme « des

produits consommables », une fois étudiés, jetables, puisqu’on ne les entasse pas chez

soi. Louis Burles le confirme :

«En effet dans une bibliothèque les usagers peuvent être considérés comme des clients au grand

regret des bibliothécaires. Alors dans cette perspective allons jusqu’au bout avec les livres les plus

empruntés. Ils sont finalement ceux que l’on retrouve dans le commerce. Par exemple le Da Vinci code. Il

est évident que ce n’est pas Balzac qui arrive en tête de liste. Même si on a des collections de références

ce sont pas les plus lus ou demandés. On peut même dire que les usagers sont en décalage avec les

collections de références. En même temps on doit assumer ce décalage en tenant compte de l’évolution

des usagers. »

3.1-

La médiathèque est aujourd’hui un espace décloisonné où tous les usages de

l’information doivent être possibles sur un nombre de supports très diversifiés, les livres

mais aussi Internet, l’écoute de disques, la projection de vidéos, la flânerie comme la

concentration. Elle doit jongler avec plusieurs paradoxes, une réelle complexité pour les

architectes. Il faut qu’ils arrivent à concilier l’ouverture des espaces avec le silence, ainsi

que la diversité du public avec le respect des lieux et une fréquentation intensive. Ils

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doivent envisager des matériaux de qualité, penser au libre accès, mais garantir aussi le

respect des livres, inviter à la déambulation sans inciter à la course à pied. Ils se doivent

également de rationaliser le circuit du livre, croiser les différents médias sans se

contenter de les juxtaposer. Voici les vrais enjeux de ces nouveaux bâtiments

« supermarché du livre ».

3.1.1- Bibliothèque supermarché ou non ?

Ces établissements portent en eux quelques paradoxes. Les architectes se

défendent en disant :

« Il n’est pas question sous couvert de vocation populaire, de banaliser le lieu en traitant le livre

comme une marchandise et le lecteur comme un banal consommateur ».

On voit que les avis sont partagés certains aspects de cette nouvelle génération

de bibliothèques peut prêter à confusion et être considéré comme un supermarché car

les architectes adoptent sans réticences quelques unes des solutions architecturales sur

lesquelles « la grande distribution » fonde son efficacité. L’architecture choisie peut

laisser transparaître un langage commercial réinterprété de manière plus raffinée et

universelle. Ils utilisent pour cela le Hangar dans lequel ils incorporent une structure

composée de grands plateaux d’un seul tenant et une absence de hiérarchisation pour

l’organisation et l’aménagement. Les solutions adoptées sont donc proches voir

similaires de celles prises par la grande distribution, même si les architectes s’en

défendent. Il est difficile de ne pas en faire l’amalgame. Il faut tout de même préciser

que l’assimilation étroite que l’on peut faire entre l’architecture d’une bibliothèque et

celle d’une grande surface n’est pas négative. Au delà de ça, les concepteurs ont su

mettre en valeur le hangar qui aurait pu passer pour trivial ou répulsif en le rehaussant

par des manipulations architecturales et plastiques donnant ainsi une autre dimension

au bâtiment. A contrario, ils déploient une franche modernité pour en faire un lieu

attractif et accueillant, un espace généreux, lumineux, à la fois stimulant et serein alors

que l’architecture des supermarchés nous apparaît souvent austère, banale et

esthétiquement peu pertinente. La conception architecturale du hangar est pour le

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moins une solution judicieuse au niveau du prix puisqu’elle permet de le minimiser.

Effectivement, le coût de revient de cette bibliothèque est de 7000 Francs au m² ce qui

est pour le moins dérisoire. Une solution plutôt convaincante en matière de réduction

des coûts sans pour autant avoir des effets néfastes sur l’esthétique du bâtiment.

Au niveau de la fonctionnalité, l’emploi de plateau libre et l’absence de

hiérarchisation sont comparables à l’organisation de nos grandes surfaces. Les

rayonnages de livres peuvent être associés à ceux de nos supermarchés, le livre à celui

d’un « objet consommable et jetable », une fois l’utilisé il est rendu. On voit là une

conception architecturale qui est le reflet de notre société de consommation. On pourrait

aujourd’hui assimiler cette bibliothèque à un « grand supermarché » où le livre est mis

en vitrine par cette transparence accrue de murs rideaux. Les lecteurs de l’extérieur

voient ce qui ce passe à l’intérieur, une façon rassurante de savoir à quoi s’attendre et

de refréner, l’inquiétude de ce que l’on peut trouver à l’intérieur. Cette transparence

incite le lecteur à pénétrer dans ce lieu sans aucune crainte comme on pouvait l’avoir

dans les cathédrales où temples de la culture. Seuls les érudits fréquentaient ces lieux

sombres, austères et fermés sur le monde. L’ouverture de la société et la

démocratisation de cette institution passent par la transparence architecturale.

La bibliothèque semble aujourd’hui être clairement identifiée par les usagers. Ils

savent très bien ce qu’ils peuvent trouver sur les rayonnages, tout comme ils savent ce

qu’ils peuvent trouver sur les étals de leurs supermarchés les plus proches. La

bibliothèque se doit d’être ouverte au public et représenter trois caractéristiques : la

lisibilité (signalétique et espaces), la compacité (pour les circulations), la flexibilité (la

charge au sol). La bibliothèque contemporaine n’est plus seulement destinée à un public

d’initiés. Elle est un équipement public de proximité destiné au plus grand nombre. Pour

remplir cette mission, elle se doit d’être attractive, accueillante, ouverte et accessible à

tous. La lisibilité doit se traduire pour un passant par une image accueillante de

l’institution. On désacralise volontairement l’image de la bibliothèque en « supermarché

du livre » aussi bien depuis l’extérieur que de l’intérieur pour mettre en avant sa

démocratisation. Le but est de conditionner les lecteurs à emprunter le chemin de la

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bibliothèque quotidiennement comme nous le faisons pour aller au supermarché. Ce qui

a été dit précédemment peut-être plausible mais si l’on approfondit certains points, on

ne peut pas se permettre de signifier une bibliothèque en supermarché. Restons, tous

de même, prudents sur le sujet, il serait un peu exagéré de dire qu’une bibliothèque est

« un supermarché du livre ». Il ne faut pas associer ces une médiathèque à « un temple

de consommation culturelle » comme peuvent l’être les magasins comme Virgin ou la

Fnac. Tout d’abord, parce qu’il me semble que le but d’une médiathèque n’est pas par

définition de faire consommer de la culture. Cela exigerait des techniques commerciales

d’incitations comme la publicité ce qui n’est pas le cas. De plus, le personnel en

bibliothèque n’a pas pour but de faire consommer de la culture. Le Rapport qu’il a avec

le public ne concerne que l’aide et le conseil…dans le cas ou il est sollicité. De même,

qu’il est difficile d’assimiler le livre à un produit de « consommation périssable », le

personnel n’est absolument pas formé dans ce sens pour qui le respect du livre et ce qui

compte le plus, pour faire lire le public. Il faut d’abord conserver le livre et assurer sa

communication par des outils adaptés (fichiers, auteurs, titres, matières…). De même, je

ne pense pas que le point de vue des lecteurs assimile le fait d’emprunter comme un

geste consumériste du jetable. Le discours d’une bibliothécaire confirme cet argument

en disant :

« Là encore pas expérience personnelle, je peux affirmer que le lecteur manifeste dans sa très

grande majorité un profond respect pour le livre ; très peu sont rendus en mauvaise état ;…et s’ils ne sont

pas rendus (ça arrive !) Ce n’est pas par preuve de consumériste mais le contraire ! De ce fait on ne peut

pas parler de « politique commerciale » pour les médiathèques. Il y a bien une politique d’achats liés à la

fois au livre, à la demande des lecteurs (comme le Da Vinci code évidemment !) Et à la sélection opérée

par les bibliothécaires, non commerciale, ni pour le lecteur (on ne lui vend rien) ni pour les éditeurs (les

choix sont ceux des bibliothécaires, et ils équilibrent les demandes et la gestion du fonds) ».

D’un point de vue architectural, on utilise une stratégie similaire à celle de la

grande distribution. Cela est vrai, notamment dans le traitement de la façade, dont la

paroi vitrée est une constante. A Troyes, la façade principale où se situe l’entrée est

entièrement vitrée devenant ainsi une mise en exposition de la bibliothèque et de ses

lecteurs. Elle rappelle ainsi, une conception depuis toujours employée dans le domaine

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de la grande distribution. Dans une bibliothèque le problème thermique se pose lorsque

l’on est confronté à une façade vitrine. A Troyes, il est pallié par un auvent pour se

protéger du soleil. Dans les grandes surfaces l’auvent est aussi présent mais n’a pas la

même finalité. Il est une mise en scène des fonctions d’accueil, utile pour repérer plus

facilement l’accès. Cet auvent permet donc aussi aux visiteurs de situer l’entrée d’un

seul coup d’œil. La lisibilité n’est pas le seul élément de mise en scène puisque la

composition architecturale d’un établissement est complexe. Les principaux termes

utilisés par la grande distribution sont repris dans le domaine de la lisibilité d’une part

car ils sont clairs et efficaces, d’autre part, ils sont intégrés et complètement

réinterprétés dans cet ensemble culturel pour parvenir à des fins similaires, celui de

l’attraction du public. Si la lisibilité est un point essentiel, pour que le public se dirige vers

ce qu’il recherche la compacité l’est tout autant. L’organisation en section thématique

permet de faciliter l’orientation des usagers et leur donner un choix vaste de divers livres

sur le thème recherché. Cela est étroitement lié à l’organisation de nos hypermarchés

où les produits sont classés dans un ordre précis, où la cohérence et la lisibilité sont de

mise s’ils veulent optimiser les ventes. A la bibliothèque, on retrouve ce concept pour

que le lecteur s’y retrouve plus facilement et non dans un but de consumérisme. Notre

système économique conditionne les êtres à devenir victimes de la consommation dans

n’importe quel domaine, mais pour optimiser celle-ci il faut aider le consommateur à s’y

retrouver sinon il se décourage vite et s’en désintéresse. Pour ces raisons les

médiathèques mettent tout en œuvre pour attirer le lecteur potentiel et surtout le

fidéliser.

La société de consommation dans laquelle nous vivons peut-être aussi associée

à la lecture publique. On peut la voir s’engager dans l’acquisition de certains ouvrages

par les bibliothèques pour une politique commerciale. Prenons comme exemple le Da

Vinci code qui a Connu un grand engouement auprès des lecteurs.

« Alors dans cette perspective allons jusqu’au bout avec les livres les plus empruntés. Ils sont

finalement ceux que l’on retrouve dans le commerce. Par exemple le Da Vinci code. Il est évident que ce

n’est pas Balzac qui arrive en tête de liste. Même si on a des collections de références ce sont pas les

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plus lus ou demandés. On peut même dire que les usagers sont en décalage avec les collections de

références. En même temps on doit assumer cet écart en tenant compte de l’évolution des usagers. »

Cette hypothèse est valable pour les romans. Si aujourd’hu,i ce livre n’est pas un

chef d’œuvre de la littérature ou tout du moins considéré comme tel, il faut tout de

même rester prudent quant à l’avenir de certains ouvrages. Nul ne peut dire quel livre

restera dans l’histoire et quels sont ceux qui disparaîtront un exemple celui de Lewis

Caroll Alice au pays des merveilles.

La bibliothèque médiathèque évolue également dans la littérature qu’elle propose

aux lecteurs. Cette évolution est aussi liée à la demande du consommateur qu’est le

lecteur. Ce développement des collections se répercute par l’image architecturale que

donne la bibliothèque. Marianne Pernoo affirme cela en disant que la bibliothèque serait

une

« Mise en architecture de l’acte même de lecture, un lieu de lecture navigante ».

Cela est sans nul doute lié aux changements des pratiques de lecture et aux

comportements envers celle-ci. Se pose alors, la question de l’usage où il faut tenir

compte des nouvelles habitudes des utilisateurs. Cela modifie la présentation des

ouvrages et l’organisation interne des bibliothèques de manière à obtenir une cohérence

dans la présentation et la diffusion des collections.

Dans une société en perpétuelle évolution, l’architecture de nos bâtiments publics

doit être flexible pour évoluer avec elle. Ils doivent pouvoir intégrer l’évolution de la

nouvelle demande des lecteurs, satisfaire les nouveaux besoins, pouvoir faire face à la

modification de l’offre documentaire et à l’évolution des modes de consultation sur des

supports divers en fonction des nouvelles technologiques. Dans cette perspective

évolutive les architectes de la bibliothèque de Troyes ont conçu de vastes plateaux pour

les espaces publics avec un nombre de cloisons limitées, aux rayonnages se profilant à

l’horizon, comme ceux de nos grandes surfaces. Dans cette approche qu’elle soit

culturelle ou alimentaire les aménagements intérieurs sont définis par le mobilier qui

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constitue les espaces. Pour l’un, ce sont les rayons de produits d’usage courant, et pour

l’autre des produits concernant le développement culturel. Cette conception empruntée

a aussi un inconvénient celui de la banalisation des espaces, qui deviennent

homogènes et anonymes.

« Alors, c’est de plus en plus rependue par exemple dans la BMVR de Marseille, on montre les

éléments techniques. Nous, nous avons des grilles pour cacher un peu tout en voulant montrer. Ce n’est

pas une volonté essentiellement propre à Troyes. Je crois que c’est un comportement qui se répand. Je

ne pense pas que l’on puisse considérer cela comme des supermarchés, mais simplement les architectes

ont la volonté de montrer ce qui est complexe alors qu’à première vue ça n’en a pas l’air. C’est une façon

de montrer que l’architecture est quelque chose de vivant. Les tuyaux, les gaines d’aération permettent de

rafraîchir ou de chauffer l’atmosphère. Il y a beaucoup de circulation de fluides mais ça n’est pas

nécessairement remarqué. Je ne pense pas que se soit mal perçu parce que l’on ne s’en rend même pas

compte. On peut nommer la bibliothèque de Troyes comme « une architecture de supermarché » dans la

conception mais au quotidien son fonctionnement est quand même bien différent »

La bibliothèque de Troyes a su pallier à cet inconvénient auquel doivent faire face

les grands magasins, trouvant un compromis sous cet angle, cette médiathèque donne

des illustrations intéressantes. La conception qui domine, dans ses espaces intérieurs

destinés au public, est celle de plateaux libres de tout mur à l’exception de quelques

espaces spécifiques (heure du conte, salle de travail, salle de patrimoine...), des

circulations verticales, des gaines techniques, et bien sûr, des façades. Les plateaux

sont séparés par le mobilier qui est intégré totalement à l’espace. Ces dispositifs

permettent de qualifier les espaces, et d’éviter ainsi une complète banalisation. Pour

assurer la flexibilité du réseau dans les lieux publics trois solutions ont été retenues : le

plancher technique, le plafond et les caniveaux techniques. Aussi cette solution consiste

en « un maillage » des espaces publics, constitué de décaissés dans le sol. Ces creux,

sont bien sûr couverts de trappes démontables où tous les réseaux informatiques et

électriques circulent. Ce procédé offre de nombreux avantages : d’une part d’être moins

onéreux que les planchers techniques et d’autre part plus esthétique, et plus sûr, il offre

une plus grande souplesse

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L’espace des bibliothèques s’apparente à un espace commercial en ce qui

concerne les notions architecturales comme la flexibilité, la banalisation des plateaux, le

mobilier, l’adaptation de l’offre et de la demande. Toutes ces notions peuvent

s’apparenter aux moyens utilisés par la grande distribution que ce soit en terme

d’architecture ou de stratégie économique. Pour éviter la stigmatisation avec un

environnement commercial, tels que le sont les supermarchés un soin particulier est

apporté à l’éclairage naturel. Les espaces publics qui constituent une bibliothèque

doivent s’animer en fonction de la lumière du jour pour lui donner un caractère

chaleureux et studieux. Bien entendu, il ne s’agit pas de traiter l’éclairage d’une

bibliothèque comme celle d’un musée qui a des exigences pour la conservation des

œuvres d’art, mais de traiter la lumière de façon à signifier clairement que l’on se trouve

dans un espace de lecture et non dans un espace commercial. On aurait pu croire,

compte tenu de l’échelle importante de ces constructions, au besoin de compacité, de

flexibilité, on aurait pu avoir simplement des plateaux larges et obscurs au centre, mais il

n’en est rien puisque dans la conception des BMVR, l’éclairage naturel a été une

donnée intégrée dès la conception du projet pour modérer ce genre de difficultés. A

Troyes, le problème aurait été mineur vu la petite taille du bâtiment et aux parois de

verre. Si la lumière naturelle ne faisait pas défaut, il fallait tout de même la filtrer pour

qu’elle ne soit pas violente et ne provoque pas des problèmes d’éblouissements. D’une

manière générale, l’éclairage naturel a été privilégié par l’utilisation de murs de verre qui

permettent de laisser entrer aisément la lumière. Cependant il a fallu équilibrer celle-ci

pour limiter les apports calorifiques et lumineux du soleil et pour cela les architectes se

sont penchés sur le problème. Afin que les rayons du soleil ne rentrent pas directement,

ils ont mis une double peau sur la paroi latérale un film plastique de couleur bleue qui

minimise les effets néfastes d’une lumière directe. Il permet à la lumière de pénétrer et

de donner un effet bleuté, ce qui confère à l’espace une impression de sérénité.

« En fait le seconde peau permet d’introduire des couleurs particulières surtout en été lorsque l’on

a une lumière directe, parce que le filtre bleu retranscrit la lumière naturelle de façon différente. Lorsque

celle-ci pénètre à l’intérieur elle est bleutée. On a une impression un peu irréelle de flottement parce que

ce n’est plus une lumière totalement naturelle. Elle est un peu corrigée. Cela peut être un peu

désagréable, moi, je l’apprécie mais simplement je ne sais pas si pour le lecteur lambda c’est le cas. On

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se sent un peu flotter dans cet univers, surtout lorsqu’il fait très chaud. C’est assez bizarre, au moment de

la canicule c’était très étonnant.»

Les architectes sont parvenus à un éclairage équilibré et propice au travail en

bibliothèque avec autant de précaution que d’intensité en alliant éclairage direct et

indirect dans le respect des différents espaces et de leurs différentes fonctions. Entre

autre, ils ont envisagé l’éclairage des zones de rayonnages pour éviter les zones

d’ombre. Un éclairage traité de telle façon qu’il confère aux espaces leur caractère

particulier et évite une banalisation de ces derniers en leur attribuant, à chacun, un

caractère spécifique. De sorte que la confusion avec un espace commercial pour le livre

est impossible.

3.1.2- Le 1% artistique.

Pour Donner une notion artistique à la construction bâtiment, il faut la différencier

de nos bâtiments commerciaux en donnant la notion de sensibilité et de découverte

artistique pour le développement de l’esprit ; ce qui n’est nullement dans une optique

commerciale, mais plutôt une ouverture sur le développement intellectuel avec cette

œuvre conceptuelle. On n’a ici aucune rentabilité économique mais une mise en abîme

de la richesse, du cheminement intellectuel. Au titre de la loi sur le 1% artistique Troyes

a décidé de faire appel à l’artiste Lawrence Weiner dont le nom a été suggéré par les

architectes. L’œuvre se développe le long d’un parcours situé au rez-de-chaussée,

évoquant une série de mots qui semblent dialoguer avec les effets architecturaux. Les

lettres qui composent la phrase « ÉCRIRE DANS LE CŒUR DES OBJETS » sont

monumentales ce qui renvoie à l’architecture qui est hors d’échelle. Les lettres s’étirent

et créent une phrase filante offrant à l’œuvre un espace temps et suggérant une lecture

énigmatique qui va dans le sens du rêve. L’architecture est fuyante, donnant une

impression similaire. Ecrire des phrases directement sur le mur est une présentation

courante de ses œuvres. Lawrence Weiner se considère comme un sculpteur car ce qui

l’intéresse avant tout c’est de trouver le matériau et de le dynamiser ensuite dans une

traduction qui passe par le langage. Il s’explique sur le fait qu’il considère ses œuvres

comme des sculptures en disant :

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« Tout travail d’un artiste à un titre. Le titre pour moi est mon travail et l’énoncé, par sa dimension

matérielle, évoque effectivement des questions de matières, de couleur, de position, de tension,

d’occupation de l’espace, de mouvement ou de durée, toutes préoccupations appartenant au domaine de

la sculpture. ».

Si l’on considère que l’œuvre est une sculpture et que le bâtiment peut être perçu

comme une architecture sculpturale, ces deux œuvres fusionnent entre elles pour

donner une cohérence et une harmonie parfaite à l’ensemble. On a une sculpture

imbriquée dans une autre sculpture. L’œuvre de Lawrence Weiner par ses énoncés

textuels a souvent été associée à l’art conceptuel.

« Cette œuvre est une énonciation, le fait d’y penser ou de l’énoncer est déjà une œuvre d’art, il

n’est pas nécessaire de l’écrire dans le marbre. C’est de l’art conceptuel, à partir du moment où on

énonce la phrase on fait acte de création, donc l’énonciation est œuvre d’art ».

La phrase inscrite sur le mur de la médiathèque de Troyes a son histoire. Elle

renvoie au psychologue épistémologue Jean Piaget qui demandait un jour à des enfants

« Pourquoi une pomme s’appelle-t-elle une pomme ? L’un deux, après réflexion, rétorqua : « c’est

très simple car le mot pomme est écrit dans le cœur de la pomme. ». La réponse de l’enfant inspira

Lawrence Weiner. Il transposa cette réflexion à la lecture, en ces mots « ÉCRIRE DANS LE CŒUR D’UN

OBJET »

L’artiste donne à voir

« Une œuvre avec des mots, cela comprend des associations propres à la langue, des doubles

sens, et l’indication des matériaux auxquels il fait référence.»

Le spectateur lisant, peut mettre son imagination en éveil et interpréter cela

comme bon lui semble. Une œuvre qui amène à une réflexion ludique, porte en elle la

véritable nature de celle-ci. La composition est faite de mots détachés appartenant au

registre narratif ainsi, la langue, substance de cette œuvre, est utilisée par l’artiste en

tant que matériau. Une œuvre qui fusionne avec l’architecture puisque qu’en tant que

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matériau, elle participe de manière abstraite à sa construction. Le langage est considéré

ici comme un matériau qui contrairement au bois, à la pierre ou même à la toile de

l’artiste peintre offre une liberté totale à l’interprétation. Il permet une indépendance

totale à l’œuvre, par sa capacité à produire une multitude de significations, mais

paradoxalement dépose un voile flou qui permet difficilement de la cerner et donc d’en

donner une interprétation plausible. L’œuvre ici n’interpelle pas le spectateur par sa

matérialité mais par son essence et sa suggestivité. L’artiste tente

« D’Analyser les mécanismes de la visualisation mais aussi de réveiller en nous certains désirs

inconscients auxquels nos codes liés à la communication nous imposent de renoncer ».

Cette œuvre offre un jeu que l’on doit décoder nous mêmes en fonction de notre

ressenti, nos sensations, nos sentiments et du rapport que chacun entretient avec la

lecture. Le spectateur s’adonne à un décryptage subtil et exhaustif puisque

l’interprétation que l’on fait de cette citation à un moment, peut changer en fonction de

notre état d’esprit, mais aussi de la culture que l’on acquiert avec le temps et

l’expérience. Une œuvre d’art dont l’interprétation qu’on en fait est propre à chaque

personne et en perpétuelle mutation. L’œuvre d’art évolue avec nous. Weiner considère

que ce qui fait une œuvre d’art est plus important que la manière dont elle est faite.

Cette réalisation corrobore ce qu’affirmait McLuhan

« Une œuvre d’art n’a pas d’existence ou de fonction en dehors de ses effets sur les hommes qui

l’observent.».

Par résonance « ÉCRIRE DANS LE CŒUR DES OBJETS » a des effets et des

interprétations aussi multiples que le nombre de spectateurs qui l’observent et essayent

de la décrypter et mettre en pratique une réflexion philosophique qu’incite cette œuvre.

3.1.3- Bibliothèque et société en France : les bibliothèques face aux mutations

sociales.

L’évolution des bibliothèques n’est elle pas la résultante de la mutation sociale ?

C’est la question à laquelle nous tenterons de répondre. Nous ciblerons certains axes,

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mais le sujet pourrait être étaye d’avantage. Le manque de temps nous impose de

sélectionner nos axes de réflexion, cependant ce thème pourrait être approfondi dans

une étude postérieure.

L’exclusion sociale recoupe le plus souvent la sous qualification professionnelle,

la décalcification sociale, la pauvreté culturelle et les éloignements des échanges

démocratiques. Faciliter à tous, l’accès au savoir, est un enjeu pour la commune et c’est

l’une des missions que la BMVR de Troyes veut remplir. La culture et les échanges sont

le ciment de la cohésion sociale et de la responsabilité des citoyens. L’évolution sociale

n’est pas la seule cause de ces changements, un autre vecteur important est à prendre

en compte c’est l’apparition des nouveaux appuis comme l’image, les supports audio et

numérique ou les supports dits « en ligne » apportant une dématérialisation de la

médiathèque.

En Champagne-Ardenne, l’Etat ainsi que les collectivités locales souhaitent

développer l’éducation artistique et culturelle qui est un des fondements de la politique

de développement et d’aménagement culturels équilibrés du territoire. Elle répond aussi

à la volonté de réduire les inégalités d’accès aux pratiques culturelles. A travers la

médiathèque la ville mène une politique de développement didactique afin de favoriser

la création artistique, le droit à l’expérimentation et à la rencontre des civilisations.

Depuis 1997, la médiathèque a mis en place un projet d’action de développement qui

consiste à faire évoluer ses missions dans le cadre de la politique culturelle de la ville de

Troyes. La lecture est un atout majeur de l’essor éducatif car elle contribue à la

construction. La maîtrise est donc nécessaire à l’autonomie, et à la socialisation des

personnes. Elle est aussi un conditionnement indispensable au monde du travail.

Le projet d’action culturelle de 2004 mis en place sous l’impulsion de Patricia

Rémy, avait pour objectif de permettre à chacun de bénéficier dans ce domaine d’une

offre de qualité. Il permet de valoriser le patrimoine, d’encourager les pratiques

didactiques des populations en difficultés dans une perspective d’intégration. Pour

remplir cette mission on a vu se mettre en place un dispositif d’ateliers, un listing

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d’expositions, de lectures et de rencontre avec les auteurs. Les expositions sont

conçues comme un moment fédérateur qui permet des échanges et une meilleure

cohésion sociale. La variété est un point essentiel pour la programmation de ces

expositions, afin de toucher un public aussi divers que varié. Durant l’année 2004, les

accents ont été mis sur la date d’un cycle d’expositions d’illustrateurs pour la jeunesse

dans le prolongement de la résidence initiée par le centre régional du livre et le centre

culturel de Troyes, autour du salon du livre pour la jeunesse, et sur « l’exposition

bestiaire du moyen âge ». Au travers du développement de l’action culturelle de la

médiathèque de Troyes l’objectif visé est de créer un réseau pour tisser des liens,

favoriser des échanges, créer un espace d’expression, de responsabilité et de travail

pour permettre à chacun d’y trouver son compte. Une légitimité, un rôle et une place

spécifique dans le projet collectif doivent s’établir. L’année 2004, a favorisé ces objectifs

en organisant des rencontres mensuelles entre les bibliothécaires de l’agglomération, au

cours desquelles s’est progressivement établi un projet d’action autour des objectifs à

atteindre. (P34 rapport d’activité.) Un travail a été réalisé dans le cadre de la charte

documentaire, qui vise à déterminer une couleur spécifique à chaque établissement. Ce

qui contribue à la dynamique du réseau et favorise l’orientation en fonction de la

recherche de chaque individu. Il en a été de même pour l’informatique des bibliothèques

de l’agglomération qui rejoignent progressivement le réseau documentaire.

Aujourd’hui les bibliothèques se transforment en médiathèques. Ce changement

de terme est caractéristique d’une profonde évolution sur les missions et les fonctions

d’une bibliothèque, dû à la prise en compte du changement social. Pendant longtemps

cette institution s’est définie plutôt par ses fonds documentaires et on a occulté la

société et ses évolutions. Désormais, cette notion fait partie intégrante de la réflexion

sur un projet dont on lance la construction, pour optimiser au maximum les besoins des

intéressés, afin que ces lieux accueillent un public plus diversifié. Les changements

sociaux sont l’une des causes du renouveau des bibliothèques. Ils leur ont donné un

nouveau visage. Ces établissements récents s’adressent à une population qui a

changé, notamment depuis les cinquante dernières années, ce qui implique que le

fonctionnement de ces derniers à dû évoluer et se modifier pour satisfaire les publics et

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combler leurs attentes. Notre société se compose d’êtres singuliers, dotés de leur

propre identité, construite par notre statut social, notre sexe, notre lieu de résidence

(…). Notre pensée se construit en fonction du cheminement que l’on parcourt dans la

société. Les richesses de notre milieu sont produites par les connaissances accumulées

par les individus et se transmettent de génération en génération, avec pour chacun, une

appropriation individuelle. Ce qui rend possible une indépendance des jeunes

générations par rapport aux précédentes. Dans la formation des jeunes esprits,

l’institution scolaire occupe une place prépondérante puisque de plus en plus la

destinée sociale des individus dépend de leur parcours scolaire. L’individu se construit

par rapport à deux grands principes celui de son identité sociale et celui de sa

personnalité.

La personnalité de l’individu joue un rôle concernant nos relations amicales, nos

manières d’habiter ou de se mouvoir. Les bibliothèques n’échappent pas à ce processus

et accueillent des individus qui cherchent à se construire en tant que tels.

La culture diffusée par les bibliothèques renvoie à deux dimensions. D’une part, elles

permettent l’accès aux informations consultées par des groupes sociaux différents car le

public le plus important qui fréquente ces lieux sont les élèves, les étudiants et les

adultes en formations. Le public le plus représentatif compte les étudiants de classes

moyennes et supérieures. D’autre part, la recherche d’informations ou de livres

contribue à former et remodeler l’identité de chaque individu. Les emprunts, les

pratiques de lecture sur place, permettent d’observer le rôle que la bibliothèque peut

jouer dans la formation des enfants comme des adultes.

La bibliothèque est un équipement public. Dès lors la question que nous pouvons

nous poser est de savoir si elle doit desservir des individus ou favoriser leur intégration.

La bibliothèque est-elle en France un lieu de communauté comme l’affirment les anglo-

saxons ?

En France on a du mal à adopter cette notion de bibliothèque en tant que lieu de

communauté. Dans la pratique elles proposent des animations, expositions, rencontres

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avec les auteurs (…). Cette conception transparaît depuis une dizaine d’années dans

les grands projets de développement de la lecture publique en France, comme c’est le

cas pour les BMVR qui sont des bâtiments centraux de grande taille ayant un

rayonnement régional. Le rééquilibrage qui s’est amorcé entre Paris et la province,

pendant longtemps délaissée, prend son sens dans un contexte dans lequel une

inquiétude se développe sur l’affaiblissement des liens sociaux. Certains élus portent

une attention toute particulière à la construction de ces bibliothèques d’une nouvelle

génération car c’est un moyen pour eux de tisser des attaches entre les citoyens de leur

communauté.

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3.2- L’instrumentalisation de la culture. De grandes différences existent entre l’école et les bibliothèques. Tout d’abord,

l’école est une institution où l’on nous apprend à lire, mais nos lectures sont orientées.

Elle donne une dimension contrainte et éducative à la lecture, alors que la bibliothèque

nous offre le choix du livre et de la culture aux quels nous voulons avoir accès. Nous

pratiquons dans ce lieu une lecture libre. Mais les pratiques de lecture, notamment dans

les écoles, subissent depuis quelque temps une évolution où l’on intègre la notion de

plaisir. On a vu avec la sortie de Harry Potter que ce livre était étudié en classe. On

constate que le rapport à la lecture se sécularise. Les prix littéraires se traduisent par

des succès commerciaux. La bibliothèque est un lieu public, les best seller longtemps

mis à l’écart ont aujourd’hui intégré les rayonnages de nos salles de lecture. Elles

peuvent jouer un rôle de cadre. Cette mission sociale ne peut être remplie sans remettre

en cause la mission « culturelle ». Il faut pouvoir offrir à chacun des raisons de fouler le

sol de la bibliothèque et pour cela les œuvres conçues comme universelles ne suffisent

pas à intéresser tout le monde. Si les bibliothèques sont prises dans une histoire qui les

dépasse. Elles gardent tout de même une certaine marge de manœuvre face à leur

destin selon la manière dont elles prennent en compte cette évolution.

La mission des bibliothèques s’est profondément modifiée. La massification

scolaire s’est accompagnée d’un élargissement des formations. Désormais, les

compétences scientifiques sont plus valorisées que les « belles lettres ». L’arrivée des

livres de science fiction a favorisé un élargissement de la lecture qui permet de la rendre

accessible à toutes les catégories socio professionnelles. Le livre n’est plus réservé aux

élites. Elle a un autre but que celui de diffuser un message universel mais simplement

une culture parmi d’autres. Le relativisme culturel n’est plus un effet d’imposition de

théories ou de sciences sociales mais le résultat de la perte de suprématie de la culture

humaniste, du fait de l’évolution du mode de formation des élites.

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La bibliothèque a vu entrer dans ses locaux le loisir et l’information numérique. La

culture humaniste est fortement attachée au livre et de manière générale au support

papier. Les cinquante dernières années ont été marquées par la diffusion de la

connaissance au travers d’autres supports comme l’informatique, la radio, la télévision,

Internet. Aujourd’hui, les BMVR sont les projets les plus aboutis en France en matière

de bibliothèques. L’arrivée de ces nouveaux supports n’est pas sans conséquences.

Dans un premier temps l’écriture n’est plus le seul moyen de s’informer ou de s’évader,

la radio et la télévision occupent désormais une place importante. Si les bibliothèques

offrent des services à distances, elles n’en restent pas moins le lieu où tous ceux qui le

désirent peuvent venir y acquérir une richesse de l’esprit. En vue de l’évolution

fulgurante des bibliothèques depuis quelques décennies, il me semble intéressant de ce

pencher sur les missions quelles ont aujourd’hui et si elles sont liées à l’évolution

sociale.

La construction de bâtiments visuellement perceptibles dans la ville et dont la

construction se distingue par leur originalité et leur fonctionnalité est-elle un moyen

d’instrumentalisation de la culture ? Le public est il sensible à cette architecture et

amène t il certains à s’y rendre par la simple vision architecturale ?

3.2.1- Développement culturel en région.

La région Champagne a une dominance rurale. Elle est marquée par une densité

de population deux fois inférieure à la moyenne nationale avec une faible urbanisation,

et une répartition inégale de la population. Cela explique un retard dans le domaine

culturel et de la lecture publique. Ces phénomènes liés au contexte socio-économique

ou géographique se répercutent sur le plan culturel. On note un déséquilibre marqué

entre le centre et la périphérie en matière de répartition des équipements culturels. Ce

retard est dû à une densité de facteurs culturels, insuffisante et vieillissante et à une

attractivité largement contrebalancée par la proximité de Paris. La vie culturelle se

structure autour de quelques spécificités : l’existence de deux écoles nationales

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supérieures de formation aux arts vivants, la présence de fonds écrits anciens très

riches mais mal connus, un patrimoine très important (notamment religieux) dans un état

sanitaire préoccupant, avec quelques spécificités bien identifiées (vitrail, architecture

militaire, architecture du 20e siècle avec la reconstruction).

A partir de ce constat des mesures ont été prises pour développer le secteur de

la lecture publique. L’une des priorités était de moderniser le réseau de bibliothèque.

Sur les douze projets de BMVR acceptés un quart provenait de collectivités de

Champagne-Ardenne. La région s’est donc trouvée dans la situation paradoxale de se

préparer à accueillir trois Bibliothèques à Vocation Régionale, alors même que de

nombreuses autres régions françaises n’en auront aucune sur leur territoire. Cette

situation a été possible car les conditions d’éligibilité du projet de loi sur les BMVR ne

mentionnent aucune restriction de nombre sur une zone géographique. Les critères,

pour être éligible, mentionnent uniquement que tout projet de BMVR remplissant les

Conditions prévues et ayant fait l’objet d’un dépôt dans les délais est éligible de plein

droit à la troisième part du concours. Ce qui signifie donc que les dossiers complets ont

été acceptés sans aucun tri, sans qu’aucun critère qualitatif ne soit retenu, sans

qu’aucun quota géographique ne soit appliqué. Les principales villes de Champagne-

Ardenne étaient en retard en matière d’équipement en médiathèque. C’est ainsi,

qu’elles se sont toutes retrouvées à présenter un dossier au titre du programme BMVR,

qui leur offrait l’opportunité de financer des projets qu’elles avaient en préparation à un

taux avantageux. La direction régionale des affaires culturelles de Champagne-Ardenne

a, bien entendu, fortement incité les collectivités concernées à déposer un dossier. On

peut même penser que si Charleville-Mézières, la seconde commune de la région par

sa population, avait été éligible, elle aurait également fait acte de candidature, car elle

se trouvait dans la même situation que Châlons-en-Champagne, Reims et Troyes. Avec

l’implication du dépôt de ces dossiers, on voit la dynamique de la ville et la volonté de

développer la lecture publique pour une meilleure démocratisation. Louis Burles précise

à ce sujet.

« Ces trois BMVR, ont une particularité par rapport aux autres BMVR situées sur le territoire

français, deux d’entre elles sont implantées dans les deux communes les plus petites sur les douze

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retenues pour les BMVR. Châlons-en-Champagne avec à peine plus de 50 000 habitants, n’a été éligible

qu’au titre de chef-lieu de région, tandis que le projet de Troyes, ville de 60 000 habitants n’a pu voir le

jour que parce qu’il a été porté par l’agglomération, qui compte elle plus de 100 000 habitants ».

Lorsqu’une ville veut développer une politique culturelle cela implique l’ensemble

des éléments structurels et intellectuels du milieu de façon à définir de manière

cohérente l’originalité culturelle d’une collectivité. L’organisation de la structure

municipale se crée lors des élections du conseil municipal. Le Maire de Troyes, François

Baroin a délégué une partie de ses pouvoirs aux maires adjoints selon le principe de la

spécialité. Chaque adjoint en a une dans laquelle il représente le Maire. Dans cette

perspective, M. Marc SEBEYRAN occupe la place de maire adjoint, délégué aux affaires

culturelles. Il préside une commission de travail composée de conseillers municipaux.

Cette commission définit la politique culturelle ce qui implique la parution concernant

son fonctionnement et son investissement. Après quoi, il présente les propositions au

président de la commission et au maire. Ensuite la commission des finances décide en

fonction des recettes, si elle peut accepter ou non les propositions budgétaires.

L’objectif de la politique culturelle a été rappelé par M. Sebeyran « initiation, formation,

création » pour faire de Troyes une ville où l’initiation des arts se développe en

s’appuyant sur les points forts de la ville que sont « le patrimoine, le livre, la musique,

les arts plastiques ». L’objectif de base corrobore bien la création du centre Argence qui

permet de mettre en valeur et de développer ces quatre points essentiels sur lesquels

se base la politique culturelle de la ville. Le regroupement de ses objectifs, dans un

même ensemble, favorise leurs interconnections. Un autre axe repose sur la mise en

valeur du patrimoine local et particulièrement de la bonneterie. M. Sebeyran a donc

proposé à ce sujet de constituer une unité de recherche sur le projet d’un musée de la

bonneterie, car il considère que les membres de la commission du service culturel

doivent créer l’impulsion. Ce projet suit la perspective de développer le secteur intéressé

pour proposer aux touristes des centres culturels à visiter. Le programme, comme celui

de la médiathèque, a pour fil conducteur le patrimoine pour l’un, basé sur l’industrie, et

l’autre sur le livre, car les institutions résultent d’un passé. Elles se rattachent à une

perspective historico culturelle pour s’engager dans l’avenir. Les établissements

culturels de Troyes se fondent sur le passé pour mieux aborder l’avenir, et par là même,

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entretiennent solidement les racines locales. Ces projets déterminent les grandes

tendances et les axes forts de la politique dans ce domaine et plus particulièrement les

arts plastiques et le livre. Le patrimoine de Troyes en matière d’ouvrages et de

manuscrits anciens est exceptionnel et a des racines profondes sur lesquelles ils s’est

basé pour la construction. La médiathèque et la grande salle où sont conservés ces

ouvrages, ainsi que leur mise en valeur par la muséologie en est le reflet. La référence

spirituelle au livre se rattache à trois personnages clefs du 11e et 12e siècle qui sont

Rachi, Bernard de Clairvaux et Chrétien de Troyes.

3.2.2- Une politique culturelle qui s’enracine dans l’histoire.

La politique de lecture publique engagée est en train de se développer. Elle

s’inspire de l’histoire puisque qu’au Moyen Age Troyes est la ville du papier, par

assimilation la base de l’écrit et du livre. Troyes était dotée de moulins qui fabriquaient la

pâte à papier et faisaient les reliures, une vraie industrie du livre. Au 15e siècle, la ville

évolue avec son temps, puisque son statut de ville d’impression se diversifie en

devenant le centre de diffusion livresque populaire. Tous ces ouvrages sont conservés

dans la BMVR de Troyes. Aujourd’hui la tradition perdure car bon nombre d’imprimeurs

locaux sont présents dans la ville et deux quotidiens sont publiés alors que l’Aube est un

petit département. L’histoire a marqué de son empreinte cette ville où l’écrit est

omniprésent, tant dans les ouvrages qu’elle possède et conserve, que dans la tradition

d’imprimerie qui perdure. Cela est corroboré par la présence de la première entreprise

européenne de reliure : CIRC, qui se trouve à Marigny le Châtel à 30 km de Troyes.

La réalité Troyenne est basée sur l’axe livre, par son histoire qui est riche et par

la politique de lecture publique menée par la ville. Elle se fonde sur l’histoire pour la

développer au mieux afin de faire connaître ses racines et sa correspondance avec le

livre à ses concitoyens. Pour poursuivre dans cette optique en 1992, s’est dessiné le

Salon du Livre pour la jeunesse et le rattachement de Fonds ancien de la bibliothèque

de Troyes à la bibliothèque de France. Ce qui montre bien l’importance et la richesse de

son patrimoine.

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La stratégie de la politique culturelle de la ville de Troyes révèle une nécessité

sans doute sociale, confirmée par le budget qui lui est imparti. Il représente plus d’un

dixième du budget de la ville. Après analyse du tableau nous remarquons que le quota

destiné à la culture par rapport au budget global municipal reste stable. Si celui de la

culture venait à baisser ou ne plus évoluer, cela remettrait en cause les bases de la

politique dans ce domaine. La culture est un point fort de la ville de Troyes et son

développement est incontestable puisque nous notons une augmentation de la part de

fonctionnement qui lui a été accordée. La politique de celle-ci s’ancre dans deux

directions. Tout d’abord, on peut envisager les établissements culturels avec la

construction ou la réhabilitation de bâtiments pour en faire des pôles comme c’est le cas

pour l’Espace Argence. D’autre part, il faut aussi prendre en considération l’animation

qui est associée à ces centres culturels. Citons quelques exemples comme le Centre

Culturel Municipal (la maison Boulanger) qui est un support d’exécution,. le Festival de

Troyes « Nuit de Champagne » : Celui-ci est un apport culturel extérieur en association

depuis 1993 avec la semaine chantante. Et enfin le Théâtre récemment géré en

association depuis la loi de 1901.

L’histoire de la ville de Troyes, fortement liée au patrimoine, a sûrement favorisé

l’ambivalence de ces institutions avec la création d’animations qui se sont définies

récemment. Nous pouvons émettre l’hypothèse qui consisterait donc à présenter les

équipements de lecture publique, et dans notre cas plus particulièrement, les BMVR qui

sont des médiathèques, comme nouveaux socles du développement culturel. Ce qui

nous permettrait de donner une première explication à la construction de ces

équipements en nombre croissant depuis 20 ans.

Les médiathèques sont la résultante d’une évolution de notre monde, aujourd’hui elles

assument pleinement leur rôle de carrefour culturel, social et éducatif. Elles jouent un

véritable rôle sur le territoire français.

Il va de soi que le choix effectué en matière de regroupements culturels ne

dépend pas seulement d’une certaine conception de la culture et de la politique dans ce

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domaine. Elle dépend aussi de certaines opportunités, comme la disponibilité d’un

terrain vierge, de façon à pourvoir accueillir un ensemble destiné à cet usage,Troyes

avait cette chance. Dans la majorité des villes ce type de rapprochement est difficile par

manque de place. Pour ces raisons que de tels rapprochements constituent un angle

d’approche peu utilisé et pourtant fécond, des conceptions, des politiques culturelles

mises en place dans les villes. D’une manière générale, l’objectif de ce regroupement de

centre culturel est politique. Son but est d’accroître la visibilité de la conception

municipale dans ce domaine mais aussi de démultiplier l’efficacité de chaque

équipement et service en se plaçant dans une situation qui tient à la fois de la

concurrence et de la complémentarité. On est face à une économie d’échelle qui est

constituée autour de la communauté d’agglomération troyenne, ce qui permet à celle-ci

de rayonner et d’attirer au-delà de ses frontières. Le regroupement des services

culturels a été porté par la vague du développement des politiques concernées et par la

course à laquelle se sont livrées les villes pour satisfaire au mieux la demande.. Entre

en jeu, une compétition d’attractivité et d’images entre les villes. Cette dernière

perspective est un moyen de comprendre pourquoi l’architecture de ces centres

culturels devient un véritable enjeu puisqu’elle reflète l’image de la ville et de ses

ambitions, mais cela ne suffit pas à justifier ce regroupement. Pour expliquer ce

phénomène, on doit se pencher sur la conception de la culture qui s’est peu à peu

imposée. Elle est vue comme un univers particulier susceptible de faire l’objet d’un

traitement séparé. C’est un univers polyvalent où l’on trouve tous les modes

d’expressions.

Par leur taille et leur localisation, et dans le cadre d’un aménagement du territoire

équilibré, Reims et Troyes ont pour vocation de faire office de métropoles culturelles

régionales. Le développement de ces deux pôles a permis à la contrée d’avoir un

rayonnement régional, national et/ou international. Le rayonnement que pouvait avoir la

ville de Troyes au niveau national voire international s’est décuplé avec la construction

de la BMVR. La médiathèque est un équipement phare de la culture dans

l’agglomération troyenne. De nombreuses actions ont permis à cette médiathèque

d’avoir un rayonnement plus large comme la médiatisation de son ouverture, la visite du

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Président de la République et enfin un impact qui n’est pas des moindres la remise de

l’Equerre D’Argent. Ces événements ont permis d’une part de mieux faire connaître le

bâtiment mais aussi de promouvoir d’une certaine manière la ville de Troyes, ainsi que

la riche collection du fonds patrimonial. Ils mettent en valeur la politique de diffusion de

la lecture menée pas la communauté de l’Agglomération Troyenne. Ces événements

ont été couverts par la presse locale et nationale ce qui a permis de mieux faire

connaître la ville et sa politique au travers de l’architecture de cet établissement tant

auprès du grand public que des élus et des professionnels. Le rayonnement de la

médiathèque s’amplifie grâce à la relation qu’elle entretient avec la profession du livre.

De nombreuses manifestations sont organisées ce qui a permis une importante

médiatisation de l’Etablissement auprès des professionnels du livre. Enfin, la

participation du directeur de la médiathèque, grâce à plusieurs journées d’études

professionnelles, permet d’échanger de nombreux avis, de façon, à optimiser l’offre

proposée par cet établissement et de les confronter afin d’augmenter l’efficacité de la

médiathèque.

3.2.3- Démocratisation de la culture.

On parle de plus en plus de « démocratisation de la lecture publique » car les

écarts entre catégories socioprofessionnelles, notamment entre cadres supérieurs et

employés, se sont considérablement réduits. La politique de la lecture publique,

demeure au coeur des enjeux de démocratisation culturelle, tant par les institutions

qu’elle soutient que par les actions qu’elle développe. J-M. GEVEAUX, le souligne en

disant :

«L’accès au livre et à la lecture est la première des portes vers l’indépendance culturelle, parce

que le maillage du territoire par les bibliothèques est le meilleur vecteur pour faire reculer les déserts

culturels, que les bibliothèques sont des outils particulièrement adaptés pour lutter contre la « fracture

numérique », que les grands établissements nationaux sont à la pointe de l’innovation et participent au

rayonnement culturel de notre pays »,

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L’objectif de démocratisation n’en reste pas moins inachevé car la règle selon

laquelle la répartition du public dans les institutions ou services culturels est socialement

inégalitaire. Cela continue à se vérifier ici comme ailleurs : la catégorie sociale, le niveau

d’étude, l’âge, la situation familiale ne sont pas sans influer sur la propension à

fréquenter ou non les établissements de lecture publique. Toutefois, si ces variations

sont importantes, les données locales sont aussi à prendre en compte, car le public

dépend très largement de l’offre-bibliothèque existante sur le territoire concerné. Mais

comme le dit Louis Burles cela n’explique pas tout,

« Mais simplement pour être tout à fait honnête la démocratisation des lieux culturels se fait, et

plus particulièrement pour les bibliothèques, mais la démocratisation de la lecture publique je n’y crois

pas. Ça veux tout simplement dire que l’on peut influencer à entrer dans un lieu, à venir le découvrir, à

essayer d’attirer l’attention des citoyens par des moyens divers pour les inciter a y entrer. La

démocratisation se fait dans la fréquentation du lieu mais pas dans les usages et les comportements ».

Les pratiques sont dues à la fois la politique locale, à la volonté des élus, au

dynamisme des bibliothèques, mais aussi à la situation économique locale et à la

concurrence éventuelle. D’autres pratiques, expliquent à des degrés divers la bonne

santé ou non des établissements de lecture publique.

Les bibliothèques ont commencé à se démocratiser à partir du moment où la

culture s’est popularisée. De plus, la prise en compte des véritables besoins des

usagers et l’intégration de la diversité des publics nous mène à la conception des

médiathèques, où la diversité des supports permet la diversité des publics. Les BMVR

en sont l’exemple le plus abouti à l’heure actuelle. Les bibliothèques se sont

démocratisées et sont enfin devenues des lieux proches de la population,

d’apprentissage et de divertissement et dont on ne redoute plus de franchir le seuil.

La médiathèque de Troyes se distingue dans son environnement urbain par son

architecture ouverte sur l’extérieur. Elle rompt avec l’image austère et élitiste « des

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bibliothèques temple de la culture », afin de démocratiser la lecture publique et répondre

aux attentes des publics plus diversifiés. L’héritage troyen est mis en valeur par une

scénographie faite autour de la salle du patrimoine permettant de mesurer la richesse

du patrimoines de cette ville. La démocratisation s’opère en conférant à ce lieu et donne

une vocation touristique. La médiathèque remplit une mission culturelle

multidisciplinaire, avec de nombreux services mis à disposition du public, comme des

médias diversifiés, la mise en place d’une politique d’animation et des ateliers ouverts,

permettant la généralisation du libre accès, qui devient un lieu de vie, de flânerie de

découverte de curiosité.

La transparence est le maître mot et aide à abolir les frontières entre intérieur et

extérieur dans un souci de démocratisation de la lecture publique, en mettant à

disposition tous types de supports et de documents confondus. Il s’agit d’une

démocratisation qui va dans le sens de l’accueil. La Médiathèque n’est pas seulement

destinée à un public d’initiés mais se doit d’être un équipement de proximité, attractif,

accueillant ouvert sur tout. Par l’architecture ces critères sont mis en valeur et favorisent

cette démocratisation. Elle doit renvoyer l’image d’un lieu de vie culturelle qui est à

l’écoute des nouvelles technologies, et qui prend en compte les nouveaux adeptes et la

multiplicité des profils.

La différenciation sociale des pratiques culturelles n’est pas seulement un

indicateur de la stratification des sociétés contemporaines. Elle est aussi, au cœur de la

définition des objectifs et des modalités des politiques concernées. La philosophie de la

démocratisation de la culture est centrale dans le modèle français de politique mis en

place sous le règne d’André Malraux au ministère des affaires culturelles dans les

années 1960. Cette conception de son pouvoir peut se définir en référence au terme du

décret du 24 juillet 1954. Elle attribue cette mission au ministère nouvellement crée par

l’ambition de

« Rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand

nombre possible de français »

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Fondée sur une conception universaliste de la hiérarchie des valeurs culturelles

et des œuvres d’art, elle est fondamentalement légitimiste.

En créant la loi des BMVR cela a donné la possibilité aux municipalités de mettre

le patrimoine régional en valeur et à la portée de tous les citoyens. Troyes en est un

parfait exemple, avec la mise en vitrine de son fonds patrimonial inestimable dont

l’accès pour tous montre cette volonté de démocratiser la culture.

Les classes se distinguent les unes des autres par leurs pratiques culturelles.

Ces pratiques participent à l’édification de frontières symboliques entre les groupes

sociaux et contribuent à renforcer leur cohésion interne. La reproduction des classes est

assurée en grande partie par la transmission du capital culturel. Depuis quelques

années le public qui fréquente les bibliothèques s’est considérablement élargi. On parle

désormais de démocratisation de la lecture publique et des pratiques culturelles dans le

sens où les écarts entre catégories socio-professionnelles, notamment entre cadres

supérieurs et employés, se sont considérablement réduits.

(A VOIR SI PAS A METTRE EN CONCLUSION°)Les publics qui fréquentent les

bibliothèques ont des goûts et des habitudes culturels qui sont à la fois socialement

différenciés et hiérarchisés en fonction des enjeux de pouvoir. L’espace social des goûts

et des pratiques intellectuelles s’organise par ailleurs en fonction du volume et de la

nature des capitaux que détiennent les individus (capital économique mesuré par le

revenu et le patrimoine et capital culturel, principalement indexé sur les niveaux des

diplômes) Toutes ces données sont à prendre en compte pour mieux connaître les

lecteurs fréquentant les bibliothèques, de façon à satisfaire au mieux leurs attentes.

Mais aujourd’hui il, est difficile de cibler les espérances du public en fonction du

déterminisme social puisque le modèle de l’habitus de Pierre Bourdieu est remis en

cause par l’idée que la pluralité des espaces de socialisation de l’individu rompt la

cohérence de la distinction attribuée aux habitudes culturelles, qui sont en réalité

plurielles et éclatées. La contestation la plus radicale du modèle théorique de Pierre

Bourdieu, est venue depuis les années 1980 des tenants des thèses de la « post-

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modernité » qui envisagent les styles de vie comme des réalités « sui genis », élément

d’un processus continu d’auto-definition de soi. Elle est le reflet de la diversité des

messages culturels disponibles qui acquièrent par eux même un pouvoir d’identification

des individus, indépendamment des critères de classes sociales, de richesses, ou de

capital culturel.

La loi des BMVR a été créée de façon à réduire les écarts sociaux d’accès à la

culture, plus particulièrement à la lecture, et pour Troyes au manuscrit. Cette loi a

permis de réduire les écarts géographiques donnant des chances d’accès à une

ouverture plus importante dans les villes de province. La capitale a été pendant

longtemps le centre de la lecture. La construction de la BNF a été un élément

déclencheur dans la création d’une loi, de façon à ce que les régions se munissent d’un

centre de lecture à la capacité d’accueil et au contenu important. Une manière de mieux

répartir les possibilités d’accès à la lecture sur le territoire français, même si Paris reste

le centre le plus important en France notamment avec la BNF. En allant dans ce sens

on pense à une culture universelle pratiquée par les responsables de la politique de

démocratisation (comme peut l’être le maire d’Orléans, l’un des initiateurs de la loi sur

les BMVR). L’idée de l’égalité culturelle qui s’est développée en France dans le milieu

de l’art et de la lecture publique, dans le sillage de mai 1968 correspond à cette

conception et fonde une stratégie politique alternative très présente dans le monde

anglo-saxon. Il serait intéressant de faire une comparaison de la politiques culturelle

mise en pratique par voisins européens et celle de notre pays. Mais le manque de

temps ne nous le permettant pas il serait intéressant de développer ce sujet dans une

études postérieurs afin de constater les différences et les similitudes qui sont

étroitement liée à l’histoire, l’économie, et la conception de nos voisins dans ces

domaines(…)

Dans les années 1980 on a une véritable politique suivie dans ce sens ce qui

incite le public à s’intéresser à la culture. Les aides du gouvernement et les subventions

favorisent le développement culturel. La loi sur les BMVR est l’une des causes de celui-

ci. La tâche prioritaire d’une politique culturelle est de réduire les inégalités d’accès à la

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« haute culture » à la culture savante longtemps réservée aux érudits et aux sphères

sociales les plus hautes. D’inspiration très jacobine, cette conception se donne pour

objet de lever les obstacles à la fréquentation des œuvres du patrimoine et de la

création contemporaine, notamment à travers la mise en œuvre d’un programme de la

culture ainsi que de la politique de décentralisation, demeurant en France un symbole.

Il est permis de dire que l’hétérogénéité des lieux et des offres répond à

l’hétérogénéité du public, et des aptitudes, face au livre et à la lecture. Les étudiants

sont des personnes exigeantes, ils contraignent les instituions à évoluer, innover, et à

multiplier les services. Pour s’assurer du bon fonctionnement d’une bibliothèque il ne

faut pas perdre de vue deux principes fondamentaux. Tout d’abord, les missions : ce

que les conservateurs veulent faire dans leur établissement et d’autre part les fonctions,

c’est à dire ce que font les clients des équipements qui leur sont proposés. La prise en

compte de ces deux points permet de faire évoluer la bibliothèque en fonction des

besoins et des usagers en perpétuelle évolution.

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3.3- Entre patrimoine et modernité.

3.3.1- Le tourisme pour relancer l’économie.

La médiathèque de Troyes est à la fois lieu de mémoire au travers de

conservation des ouvrages et de modernité par son but de transmettre le savoir aux

générations futures. Elle est aussi un lieu de vie, un point de rencontre, entre des

personnes ayant des préoccupations et des besoins divers. Elle est vouée à la

recherche universitaire par son fonds patrimonial considérable et son ouverture aux

étudiants, aux lycéens, aux écoliers qui viennent y rechercher des informations utiles à

leurs études. Elle accueille aussi des érudits curieux

La politique culturelle devient une véritable organisation. Elle se développe dans

un but de stratégie économique, un fait de société où la consommation est

omniprésente même dans le domaine culturel. La construction de bibliothèques

emblématiques dotées d’une architecture originale et associées à un grand nom, est un

investissement profitable pour la ville puisqu’elles peuvent en attendre un retour direct

sous forme d’une augmentation des dépenses de consommation et de l’essor du

tourisme. A Troyes, la médiathèque est mise en avant avec sa salle du patrimoine qui

est une richesse locale importante et à travers laquelle la ville a développé une stratégie

économique et touristique de façon à attirer les touristes. La médiathèque devient donc

plus qu’un édifice culturel, car il remplit d’autres fonctions pour rendre la ville encore

plus attractive.

A ces initiatives de doter cette région de nouveaux établissements pour la lecture

publique, il était prévu un programme de restauration actif, croisé avec les projets

d’aménagement ou de développement touristique. Ces mesures devaient permettre de

dégager les enjeux patrimoniaux susceptibles d’atteindre une envergure nationale ou

internationale (la Cathédrale de Reims par exemple, l’abbaye de Clairvaux, le vitrail de

l’Aube, ou la collections de livres anciens). La création des BMVR a permis de structurer

l’offre culturelle autour des spécificités régionales, d’en organiser et rééquilibrer le

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maillage culturel de la région, d’en développer le vivier et la mobilité des acteurs, de

favoriser l’égalité d’accès à la culture.

Depuis 1993, la ville de Troyes a lancé une vaste opération en centre ville qui

implique l’Espace Argence. Il s’agit d’une zone de 3 hectares caractérisée par une

architecture du XIXe siècle. On lance sur ce site un programme qui comprend un

espace musical, dont l’école nationale de musique, une médiathèque et une salle de

diffusion des équipements, éléments moteurs de la vie de la cité et de son

développement, notamment sous l’angle du tourisme d’affaire. L’investissement global

de ce programme est de 185 751 062 francs repartis pour l’école nationale de musique,

la salle de diffusion de 70 559 359 francs en 1994 /1996 et 105 991 703 francs attribués

de 1997/1999 au titre de la médiathèque. La ville de Troyes a opté pour le tourisme qu’il

soit culturel ou d’affaires comme l’un des axes importants de leur reconversion

économique. L’aménagement du site Argence en espace culturel participe largement à

cet objectif. La démarche commerciale correspondante s’articule en deux temps. Elle se

concentre tout d’abord sur le marché local et régional, en apportant une offre

professionnelle et de qualité à la demande spontanée. A terme, elle envisage une

extension sur le marché national par la mise en place d’un équipement commercial

offensif. Sur une période de cinq ans l’objectif est donc de roder la double vocation

culturelle et touristique du site, de mobiliser les partenaires locaux, d’articuler l’espace

Argence avec les autres structures existantes ou en construction comme, le théâtre de

Troyes de développer de nouveaux « produit de création sur le modèle de Pack

innove ». La ville envisage de bâtir l’image de Troyes auprès des professionnels du

tourisme d’affaires avant d’engager une action commerciale de grande envergure.

La médiathèque de Troyes répond à la diversification des usages et des attentes.

Elle possède un « forum » qui a pour vocation d’accueillir des expositions, C’est un

moyen de toucher un public qui ne fréquente pas nécessairement les espaces

classiques des bibliothèques. Avec ce forum, Troyes va au-delà de la seule fonction

documentaire qui constitue l’essence d’un tel édifice. Elle propose des expositions, mais

aussi des conférences, des rencontres d’écrivains, des concerts, des lectures, des

ateliers d’écriture et d’enluminure, des ateliers d’initiations aux nouvelles technologies,

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club de lecture et rendez vous du patrimoine. Cette politique d’animation rayonne sur

l’agglomération tout entière. La médiathèque se défini comme

« Un service structuré et identifié en tant que tel et dont l’objectif est de toucher un maximum de

monde (maisons de retraite, prisons…) par le biais d’ateliers de lecture ou d’écriture, d’animations

diverses de dépôt de livres »

L’aspect le plus original de la médiathèque de Troyes est sans aucun doute la

valorisation des fonds patrimoniaux, mis en scène dans un espace où se mêlent la

richesse du savoir, ainsi que le lien au temps et à l’histoire. Cet espace a été pensé

avec soin comme un écrin qui renferme un trésor inestimable. Derrière le « kiosque » se

révèle la Grande Salle avec ses hautes échelles, ses rayonnages d’origine et ses

45 000 volumes anciens. Un espace moderne qui se conjugue au passé avec

l’intégration du patrimoine qui selon Thierry Delcourt :

« Est un outil majeur de lecture publique »

Une mise en scène alliant modernité et mémoire, s’organise autour de cette salle

que les architectes ont réinterprétée et intégrée dans leur bâtiment. Cette salle aux

allures de « cabinet » de la Renaissance Italienne où courent le long des murs les

rayonnages provenant de Clairvaux est entourée par une pente douce (comme si on

allait aux sources). Autour de cette pièce les vues sont ménagées à travers les parois, à

la fois vers la grande salle et les magasins de conservation, lui donnant la dimension

d’un musée. La scénographie, renvoie à l’image d’un parcours archéologique à travers

les couches constitutives de l’histoire des collections. Cette passerelle en pente douce

est une invitation aux visiteurs de remonter le temps jusqu’aux moments fondateurs de

la bibliothèque qui est l’abbatiale de saint Bernard à Clairvaux sous le règne du comte

Henri 1er le libéral. En sus de la contemplation esthétique et de la consultation, cette

mise en scène vise à faire connaître au plus grand nombre la richesse exceptionnelle du

patrimoine écrit de la ville de Troyes. Une volonté qui s’inscrit dans la devise de la

médiathèque « le soleil luit pour tous ». La démarche est similaire en ce qui concerne

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les réserves vitrées qui dominent sur trois niveaux la banque de prêt. L’objectif de cet

effet,

« Nous voulions restituer le patrimoine à tous en l’installant physiquement au cœur de la

médiathèque, en la rendant visible et en la mettant en scène » commente Thierry Delcourt.

Cette mise en scène est animée par la présentation de documents originaux de

l’époque d’antan qui marque l’ancrage dans l’histoire, l’importance des livres et des

bibliothèques en relatant l’histoire des collections de la médiathèque. On admire une

exposition qui remonte le temps en partant d’Internet et des nouvelles technologies pour

retrouver les origines du savoir actuel à travers les grandes étapes qui ont permis la

constitution du fonds ancien. Au terme de cette évolution on a la médiathèque de

Troyes qui est le fruit de celle-ci.

« Il s’agit de montrer qu’Internet n’existe aujourd’hui que parce que, avant nous, se sont succédés

les moines copistes de Clairvaux, les humanistes des générations savantes et de bibliophiles »

Cet outil est bien plus qu’un outil de vulgarisation, ce parcours permet de mieux

comprendre le monde du livre dans lequel nous évoluons aujourd’hui, cette exposition

traduit aussi la vocation touristique de l’ établissement ce qui était l’un des principaux

objectifs. Pour mettre en avant le livre et ce que cette bibliothèque renferme, de

nombreux supports sont utilisés allant de la présentation de documents originaux aux

reconstitutions virtuelles retraçant par là même l’évolution du livre.

3.3.2- Principes muséographiques.

Cette conception muséographique est un outil de vulgarisation qui s’appuie sur

l’existence de véritables travaux scientifiques en permettant à tous de mieux

comprendre la constitution de l’établissement par cette démarche ludique. Cette

exposition est découpée en neuf séquences qui retracent l’histoire de périodes

déterminantes pour la constitution du fonds que nous connaissons aujourd’hui. Chaque

période reprend trois thématiques :

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3 « La bibliothèque : un lieu physique dans le contexte historique et urbain »

Matérialisé par des maquettes et des explications liées au contexte,

4 « la bibliothèque un rassemblement d’objets qui ont une histoire »

Matérialisée par divers supports tels que des catalogues en lien avec le contexte

historique, et enfin

5 « la bibliothèque : les gens qui l’ont servie »

Concrétisée par des portraits ouvrant sur des thèmes variés liés aux personnages.

Le parcours de la visite est visible et en liaison directe avec l’accueil du public, ce

qui rend l’exposition accessible de plein pied depuis le hall. Les visiteurs entrent à

accueil de l’exposition par un grand dégagement derrière la paroi vitrée de la banque de

prêt. Ils poursuivent leur cheminement et entrent dans l’exposition dont l’accès se fait

par une rampe s’élargissant de 3 m à 4 m, dont la hauteur sous plafond est de 6.10m en

bas et de la rampe à 3.50 m en haut. Au terme de cette rampe se trouve une salle en

palier horizontal d’une hauteur sous plafond constante de 3.50 m qui constitue une

respiration dans le parcours. La seconde rampe descend de l’autre coté de la grande

salle parallèlement à la première se rétrécissant de 4 m en haut à 3 m en bas,

ménageant une hauteur de plafond de 3 m en haut et de 6.10 m en bas. Le visiteur

rejoint de nouveau le dégagement qui a la fonction d’accueil de l’exposition. Il donne à

voir, à travers une paroi vitrée, la salle de l’abbaye de Clairvaux reconstituée. Cette

ouverture oriente l’attention vers cette dernière, inaccessible, mais faisant partie

intégrante de l’exposition. Les parois verticales l’enserrent comme un écrin, autour

duquel le visiteur tourne sans pouvoir s’y mouvoir. On pense à un trésor que l’on scrute,

que l’on admire, qui nous révèle ses secrets au travers de l’exposition, mais auquel on

ne peut avoir accès. Le mouvement circulaire et la montée imposée par le parcours

impliquent l’élévation du spectateur. De là, il atteint un point de vue dominant sur la salle

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de lecture lorsqu’il arrive sur le palier. Puis il redescend, s’enfonçant pour se retrouver

en relation directe avec la salle de lecture.

Le parti pris scénographique de cette exposition plonge les visiteurs dans des

ambiances spatiales qui sont en correspondance avec le parcours architectural,

s’inspirant des expressions métaphoriques où, géographiques de la conception du

savoir a différentes périodes. L’image que l’on a voulu donner à cette exposition tient

son essence de la citation de R CHARTIER

« Au fil du temps, deux (figures métaphoriques) furent privilégiées : celle, généalogique qui

présente les différents objets du savoir comme autant de branches nées d’un unique tronc ; celle,

géographique, qui conçoit les domaines de la connaissance comme les espaces marins d’un océan à

explorer »

Cette citation comprend de nombreuses métaphores, la forêt au XXI, XX et XIX

est la représentation de l’espace terrestre accessible à tous, constitué d’éléments

identifiables présentant diverses ramifications. Elle est évoquée dans le parcours par le

palier qui se trouve en haut de la rampe d’accès. Au XVIII, les îles sont des espaces

terrestres isolés, « autarciques » accessibles à qui dispose des clefs, le temps du

classement de l’appropriation de la raison. Ces îles sont symbolisées par les petits

cabanons présentant les manuscrits installés sur le palier. Ces espaces constituent des

moments de pause incitant le visiteur à découvrir différents univers juxtaposés et

dissociés. Ils leur permettent de pouvoir prendre un point de vue dominant sur le fonds

accumulé, répertorié, classé à cette époque. Au XVI, Moyen age, Renaissance : l’océan

accessible dans un contexte d’exploration est un espace maritime symbolisant le

lointain et une grande part d’inconnu. La rampe descendante matérialise vers l’océan et

donne l’impression que l’on s’enfonce dans la profondeur reculée de savoirs médiévaux.

Cette symbolique est reprise dans la muséographie. La lisibilité du parti architectural est

renforcée par les séquences qui s’appuient sur des supports ainsi que sur des artifices

qui mettent en valeur la pièce la plus importante de l’exposition qui est la salle de lecture

de Clairvaux.

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L’espace à parcourir est porté par un symbolisme métaphorique. Il permet aussi

une orientation du visiteur à l’aide des installations qui guident ce parcours. La

valorisation du patrimoine passe par la mise en vitrine des ouvrages dans leur écrin. La

grande salle est ponctuée d’ouvertures pour permettre au visiteur d’admirer ce qu’elle

renferme. Plus qu’une simple présentation de l’histoire de la bibliothèque, le visiteur est

confronté à une véritable muséographie du livre et de l’écriture. Le parcours est

organisé de façon linéaire. La problématique de l’exposition pourrait être formulée ainsi :

« Comment et pourquoi cette bibliothèque est-elle l’héritière d’une histoire séculaire ? »

Elle sert de socle a ce nouveau bâtiment. Le fil conducteur de cette exposition est de

montrer les évolutions jusqu'à Internet qui n’existeraient pas aujourd’hui s’il n’y avait pas

eu de copies dans les abbayes médiévales .La continuité et la linéarité du parcours sont

assurées par l’espace de circulation périphérique autour de la grande salle, ménageant

des vues sur celle-ci. Le visiteur prend pour objet la connaissance (telle qu’elle est

symbolisée, à l’extérieur du bâtiment par la présence de pommiers) et s’attache à

suivre, à travers les siècles la double stratégie d’accumulation et de diffusion qui

caractérise les bibliothèques du moyen âge.

3.3.3- Le public visé pour cette exposition.

Dans la continuité de la démarche économique de la ville cette exposition vise les

troyens mais aussi les touristes. Une attention particulière est destinée à la

scénographie, pour que l’exposition soit la plus attrayante possible et pour valoriser au

mieux les richesses que renferme cette BMVR. Elle se révèle être représentative des

collections qui se sont constituées au fil des siècles mais en aucun cas exhaustive. Le

but premier est de montrer l’évolution globale en s’appuyant sur quelques moments

clefs de son histoire et celle de l’institution du livre.

Une exposition sur le livre source du savoir, s’insère dans un lieu de

connaissance ce qui révèle la pertinence et la complémentarité de la bibliothèque et de

l’exposition. L’une et l’autre se complètent pour une meilleure compréhension à la fois

du fonds ancien troyen mais aussi de l’architecture qui est ancrée dans le passé pour

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avoir un socle plus solide. L’exposition est pédagogique et explicative d’une part, avec

un cheminement chronologique, et d’autre part en replaçant les œuvres dans leur

contexte. Les explications racontent l’histoire de la ville dont la bibliothèque de Troyes

est le témoignage parlant. Et non une contemplation des manuscrits qui se suffirait à

eux même.

Dans sa présentation, elle juxtapose des documents originaux, des bornes

interactives, des panneaux illustrés, mais aussi des objets en rapport avec des thèmes

traités comme la pierre tombale de Jacques Hennequin, l’une des figures importantes

dans l’histoire de la bibliothèque de Troyes. La clarté de cette exposition passe par des

textes, des panneaux, des cartels à la fois clairs, courts et explicites. L’histoire qui nous

est racontée explique, comment s’est constitué le patrimoine troyen, élargissements qui

sont nécessaires pour une meilleure compréhension de l’exposition. Lorsque que le

premier parchemin est présenté, on rappelle au visiteur comment est fabriqué celui-ci ;

d’où l’importance du mouton dans la société médiévale. En évoquant la création de la

bibliothèque de Troyes en 1651 par Jacques Hennequin un parallèle est fait avec

l’Europe à l’aide d’un tableau chronologique des fondations des bibliothèques publiques

en Europe. Les explications sont traduites en Anglais pour toucher un monde plus large

et accessible aux autres langues telles que le japonais. Des dépliants sont fournis pour

une meilleure compréhension de l’exposition par les étrangers. Ceci montre bien que

tout est mis en œuvre pour favoriser l’afflux touristique.

Cette exposition a bien entendu ses limites notamment pour le public Troyen car

au bout de quelques visites tout a été vu et découvert. Pour remédier à cela on a bien

sur l’espace d’exposition temporaire, mais cela ne suffit pas. Afin de, renouveler l’intérêt,

les documents présentés devraient être changés mensuellement pour séduire de

nouveau la population locale. De multiples raisons, font qu’il n’est pas possible de

modifier à un tel rythme le programme de l’exposition. De plus cette démarche de

renouvellement mensuel serait en totale contradiction avec la vocation touristique du

site Argence. C’est pour ces raisons que la muséologie a été établie pour installer ce

parcours dans la durée.

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Cette démarche est intéressante puisqu’elle permet de livrer à la population

troyenne une partie de son histoire, ainsi que de valoriser le patrimoine local. D’autant

plus que Troyes est un exemple type d’une histoire que l’on retrouve peu dans les

grandes bibliothèques françaises. La ville de Troyes possède une des plus importantes

collections patrimoniales française en région, tant pour sa richesse que pour le nombre

d’ouvrages qui la constituent. L’attention portée sur ce point tant au niveau architectural,

scénographique et muséologique a été mise en place pour assurer une transmission

aux générations futures. Le parti pris muséographique met en valeur les fonds, en

s’aidant d’un support qui est le livre permettant l’évocation de ces derniers.

L’enjeu mis en perspective dans l’exposition permanente des fonds patrimoniaux

de la BMVR est de constituer un parcours linéaire qui retrace l’histoire de la constitution

de ces richesses. L’idée est saisissante et attrayante, il me semble cependant que la

réalité le soit beaucoup moins. Certes, il est difficile de constater en une semaine de

présence sur les lieux si cette exposition a une force d’attraction. Certainement pour les

touristes mais je suis peu convaincue que ce soit le cas pour la population locale. La

population est majoritairement rurale, on peu en trouver ici une des causes. Lors de ma

présence le lieu était « désert », Quelle signification pouvons nous en tirer.Je ne

voudrais pas m’avancer et tirer de conclusion hative sur un terrain où je n’ai pas tous les

éléments pour pouvoir répondre partialement. Il serait intéressant d’approfondir cette

question mais malheureusement par manque de temps, il ne nous a pas été possible

d’approfondir le sujet.

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Conclusion :

Les communes ont compris qu’elles pouvaient utiliser la culture au profit d’une

logique économique en tirant des bénéfices. Un pôle dynamique attire irrémédiablement

les entreprises à s’y installer. La ville a très tôt compris qu’il fallait pour avoir des

chances de convaincre un état major d’entreprises de venir s’installer sur son territoire

et commencer par séduire les cadres appartenant à une couche sociale supérieure. Une

logique de raison, la culture attire les cadres supérieurs et à l’inverse les cadres

supérieurs sont attirés par les pôles dynamiques. Cette utilisation de la culture au profit

d’une logique économique va dans le même sens qu’une économie de marché.

L’impulsion d’une energie culturelle n’est pas seulement le fruit des communes

prospères mais aussi de celles en difficulté. Elles ressentent tout autant, qu’elles doivent

maintenir un standing culturel minimum. Dans la plus part des cas les villes

économiquement sinistrées prennent garde à maintenir une activité culturelle soutenue

pour ne pas accréditer d’avantage le sentiment de marasme. Cette justification de la

dépense culturelle au nom de la compétitivité économique a été abordée par Bernard

Latarjet lors d’une enquête. Il en a conclu que la culture venait au deuxième rang pour

l’attraction d’une ville auprès des industriels. On comprend mieux ainsi pourquoi les

villes s’impliquent autant dans le domaine culturel. Les répercussions économiques qui

en découlent peuvent être importantes dans tous les secteurs d’activités. Avec la loi des

35 heures ce phénomène s’est accentué. Nos concitoyens ont de plus en plus de temps

libre et s’adonnent donc à d’autres activités plus diverses, dont le domaine culturel fait

partie. Le Pôle Agence qui intègre la BMVR de Troyes a dont été crée en vue de cette

stratégie économique et attractive des cadres supérieurs. Mais la donnée originale qui

est poussée le plus loin dans le cadre des BMVR est l’attrait touristique, en créant un

parcours muséal. Troyes s’est appuyé sur la richesse patrimoniale que lui a légué

l’histoire pour développer une stratégie économique basée sur le tourisme La

bibliothèque tient sa particularité du fait qu’elle est l’une des plus anciennes

bibliothèques publiques. Cette caractéristique peut être exploitée dans le cadre du

développement du centre culturel Argence. La ville a donc décidé, pour relancer son

économie, de s’en servir comme un lieu de visite pouvant ainsi offrir à voir ce fonds

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patrimonial. Les responsables sont partis du principe de sténographie de la bibliothèque

pour en faire un lieu de présentation du patrimoine et non pas un espace muséal

autonome. Au cours de mes recherches, je n’ai pas trouvé, à ma connaissance de

vocation sans égale, ce qui en fait son originalité et son caractère unique. La BMVR

permet par ce biais de faire apprécier aux visiteurs une présence visible de cet

apanage. Cette histoire retracée intègre les nouvelles technologies et notamment les

supports audiovisuels pour une meilleure compréhension et une diffusion plus large,

sans porter atteinte à l’intégrité des documents. Une cause culturelle qui sert une cause

économique, on pourrait se demander si cela est un bon compromis ? Le manque de

temps ne nous a pas permis de répondre à toutes les questions mais nous pouvons les

poser ici car elle peuvent nous faire réfléchir et aiguiser notre esprit critique. Dans une

région où la population est majoritairement ouvrière et où la culture n’est pas une priorité

est ce une bonne solution de dépenser autant ? Ces dépenses ont-t-elles suscité chez

certains un intérêt pour le livre ? Si oui, pourquoi cette exposition pourtant si riche et

didactique est elle deserte ? Des questions qui restent en suspend mais qui serait

intéressant d’approfondir.

L’effort des collectivités locales dans ce domaine a donc été le résultat de la

conjugaison d’une stratégie d’images et d’une analyse objective de leurs intérêts

économiques et sociaux. Il s’inscrit par ailleurs dans une évolution plus générale qui est

le passage d’une logique de l’offre à celle de la demande. On peut en déduire que les

pratiques culturelles sont des marqueurs symboliques d’identité sociale.

Les recettes de la culture proviennent en grande partie de subventions. Depuis

une quinzaine d’années, on voit une évolution due à trois facteurs essentiels,

l’affirmation d’une demande précise définissant elle-même ses propriétés, la fragilisation

de l’offre culturelle du fait de la multiplication des intervenants, l’obligation politique enfin

pour les collectivités de prendre en compte la demande.

Les bibliothèques n’échappent pas à certaines données sociales que ce soit d’un point

de vue architectural ou la politique d’une ville envers la lecture publique. La

consommation des biens matériels comme « un livre » et les pratiques culturelles

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Cindy Auvray Université Paris I - Panthéon Sorbonne d’étude.

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comme la fréquentation d’une bibliothèque participent dans nôtre société aux rituels

d’identification de la vie sociale. L’évolution des pratiques de ces lieux pourrait nommé

l’essence de cette structure, participe aux changements architecturaux de ces édifices

et au regroupement des aménagements en pôle culturel. La demande se modifie, se

spécialise et devient en partie une des causes de ses mutations, de ses évolutions sur

l’architecture.

Mais l’évolution sociale n’est pas la seule cause de la modernisation des centres

culturels et des changements architecturaux. Le pouvoir en place a su valoriser la

culture afin que les individus constituant notre société s’y intéressent. La médiatisation

et les dépenses conséquentes accordées à celle-ci en font désormais une vraie

économie.

Ainsi aujourd’hui la culture se met à la portée de tous par l’intermédiaire de

différents supports comme internet. On fait sa commande ou réservation de livres par

l’intermédiaire du net, tout comme on peut suivre nos cours. On peut y voir une

banalisation de la culture comme peut l’être tout bien consommable, mais aussi une

vulgarisation de celle-ci. Une démocratisation de la culture qui permet à tous d’y

accéder. Cela étant, les évolutions de ce schéma en marche sont indécelables. L’avenir

de nos futures bibliothèques est difficilement prévisible dans le sens où les technologies

évoluent tellement vite et d’une façon imprévisible que l’on ne sait pas ce

qu’accueilleront demain ces structures malléables dont l’architecture s’adaptent aux

évolutions de notre société. De nombreuses questions pourraient être posées à ce sujet.

La bibliothèque de demain pourrait-elle être entièrement virtuelle ? Difficile à dire (…).

Pourraient-elles fonctionner par le seul biais d’Internet ? Cela serait-t-il vraiment

démocratique, car tous les citoyens ne sont pas dotés chez eux de cette technologie. Si

le virtuel venait à remplacer la réalité, par association, la matérialité du support que

seraient les livres mais aussi la structure qui signifie le bâtiment ? Alors on pourrait se le

demander dans cette optique, pour pousser le raisonnement jusqu'à l’extrême. Les

architectes seraient remplacés par les infographistes et l’immatériel mènerait à quelque

chose de difficilement palpable. Un virtuel irréel cela est-il possible ? Cela est

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Cindy Auvray Université Paris I - Panthéon Sorbonne d’étude.

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difficilement envisageable car les autres fonctions que les bibliothèques remplissent ne

seraient alors plus possibles notamment comme lieu de sociabilité ? Quoique les

bibliophiles pourraient communiquer « en chat »? Bien loin de notre réalité ces

questions sont du domaine de l’impensable de l’utopie. Cela montre bien que l’on peut

émettre de nombreuses hypothèses mais que nous ne pouvons pas prévoir l’avenir.