l e s n o u v e l l e s AV R d A r c h i m è d e MAI · Sylvie MAGNIN assistante à la...

44
Rendez-vous d’ Archimède : Cycle le cerveau _ Parution : «la ville en débat» dans la collection les Rendez-Vous d’Archimède _ Dossier : Globalisation et violences _ éâtre _ Pratiques Artistiques : éâtre, Danse contemporaine, Chant choral, Jazz «On devrait pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir, et cependant être décidé à les changer.» F. Scott Fitzgerald, La Fêlure , Gallimard, 1981 l e s n o u v e l l e s d le journal culturel de l’Université des Sciences & Technologies de Lille Archimède AVR MAI JUIN # 33 2003

Transcript of l e s n o u v e l l e s AV R d A r c h i m è d e MAI · Sylvie MAGNIN assistante à la...

Rendez-vous d’Archimède : Cycle le cerveau _ Parution : «la ville en débat» dans la collection les Rendez-Vous d’Archimède _ Dossier : Globalisation et violences _ éâtre _ Pratiques Artistiques : éâtre, Danse contemporaine, Chant choral, Jazz

«On devrait pouvoir comprendre que les choses sont sans espoir, et cependant être décidé à les changer.» F. Scott Fitzgerald, La Fêlure, Gallimard, 1981

l e s n o u v e l l e s

dle journal culturel de l’Université des Sciences & Technologies de Lille

’ A r c h i m è d eA V R

M A I

JUIN

# 3 3

2003

LNA#33/ Édito

Page 2 Page 3

Sommaire /LNA#33

Nabil El-HAGGAR vice-président de l’USTL, chargé de la CultureChristiane FORTASSIN directrice USTL CultureDelphine POIRETTE chargée de communicationEdith DELBARGE chargée des éditions et communicationJulien LAPASSET concepteur graphique et multimédiaCorinne JOUANNIC responsable administrative et comptableMourad SEBBATchargé des relations jeunesse/étudiantsJohanne WAQUETsecrétaire de directionMichèle DUTHILLIEUXrelations logistique/organisationStéphane LHERMITTENadia RAMDANEcafé culturelRaphaële GIOVANELLIassistante aux éditionsMaryse LOOFassistante administrativeMonique LAGODAsecrétariat-accueilSylvie MAGNIN assistante à la programmation et à la communication

LL‘é iqq iqqu ppe

« Être responsable, c’est répondre de quelque chose et admettre qu’un lien me rattache à telle situation de fait, qui s’origine dans ma volonté. « Responsable » ou « respondere », c’est la même chose. Nous avons tendance depuis quelques siècles seulement à penser que l’animal n’est pas responsable ; il est, comme le dit Hegel, dans un passage controversé de Leçons sur la religion,

en-deçà du bien et du mal » 1. L’homme, lui, est responsable.

Il est très probable qu’au moment de la sortie de ce numéro la guerre aura eu lieu. L’Etat du monde sera encore plus triste.

Selon les maîtres du monde, la globalisation doit être opérée tant par l’idéologie, la domination économique que par la puissance militaire.

La fi gure idéologique et économique était déjà conceptualisée dans le « consensus de Washington » 2.La domination économique organisée selon ce même consensus est en place depuis quelques décennies, à travers les fl ux fi nanciers, la Banque Mondiale, les bourses des grandes capitales, le Fonds Monétaire International… En ce qui concerne la domination militaire, un fait ma-jeur vient de se produire, qui remet en cause le droit international et le nouvel ordre mondial.

Le 1er juin 2002, devant l’Académie militaire de West Point, le président américain George W. Bush présentait, au nom de Dieu et en communion avec la Providence, la doc-

trine stratégique de son administration. Cette doctrine instaure le concept de la guerre préven-tive. Dans le Washington Post du 17 juin 2002, le Secrétaire d’État Colin Powell souligne : «

pour être pleinement adaptée à son objet, l’action préventive doit être décisive ».Plus grave encore, cette conception a des conséquences sur la doctrine d’emploi des forces - en

particulier nucléaires - comme l’a révélé la Nuclear Posture Review (NPR), publiée en janvier 2002, et comme l’a confi rmé l’OTAN lors du sommet de novembre 2002, en décidant

une réorientation de sa stratégie contre « le terrorisme international et les armes de destruction massive » 3.

La planète entière est suspendue à l’arbitraire de la première puissance mondiale militaire, économique et technologique.

En se donnant le droit à l’action militaire préventive, les États-Unis bouleversent les règles du droit international - ou ce qu’il en reste - et fragilisent l’équilibre, qui existe tant bien que mal,

entre les peuples.À la question, qui pourrait alors être concerné par les actions préventives annoncées ?,

l’Amérique avait déjà répondu : les pays de l’axe du mal !

Comme l’écrit Stephen Walt, de l’université Harvard, « lorsqu’un président américain cherche une occasion pour faire la guerre, il la trouve presque toujours » 4. Aussi, la machine américaine se met en marche pour convaincre et justifi er sa guerre annoncée. Elle ma-

traque, exerce des pressions et manipule l’opinion.Donald Rumsfeld, Secrétaire d’Etat américain à la défense, a qualifi é le 22 février

2003 la présence symbolique des pacifi stes internationaux à Bagdad « d’atteinte au droit à la guerre et de crime contre l’humanité ».

Voilà la terre entière prévenue : respectez le droit de l’Amérique à la guerre ou vous commettez un crime contre l’humanité !

Des millions de personnes sont descendues dans les rues aux quatre coins de la pla-nète pour faire face à la violence et à la dérision brutale, pour dire non à la guerre.

Cette mobilisation n’aura pas suffi à arrêter la machine de guerre américaine et, s’il nous est diffi cile de croire que le bonheur planétaire est pour demain, elle permet

de garder espoir en l’humanité.

1 Alexis Philonenko, guerre et responsabilité, dans politique et

responsabilité, enjeux partagés, ouvrage collectif, direction : Nabil

El-Haggar et Jean François Rey, l’Harmattan, février 2003

2 Jean Ziegler, Les nouveaux maîtres du monde, p. 63, Fayard,

20023 Paul-Marie de la Gorce, Un

dangereux concept, la guerre préventive, Manière de voir,

janvier-février 20034 Stephen Walt, e Wall Street

Journal, 20 septembre 2002, cité par Philip S. Golub, Manière de

voir, janvier-février 2003

Lire aussi notre dossier « Globalisation et violences » en écho à ces événements.

EDITO

Nabil El-HaggarVice-Président de l’USTL, chargé de la Culture

Comment va le monde ?

LNA#33/ Édito

Page 2 Page 3

SommaireSommaire /LNA#33

4 Regards sur mes patients toxicomanes par Bertrand Riff 5 Cerveau et douleur par Serge Blond

6 Collection Les Rendez-vous d’Archimède : Présentation de l’ouvrage «la ville en débat»

7 Humeurs par Jean-François Rey8 - 9 Paradoxes par Jean-Paul Delahaye

10 - 11 Mémoires de science par Bernard Vitrac12 - 13 Jeu littéraire par Robert Rapilly14 - 15 L’art et la manière par Isabelle Kustosz

16 A lire par Christian Ruby

17 - 28 Globalisation et violences

29 - 30 Propagande spiritualiste à l’USTL par Alain Blieck et Francis Meilliez31 - 32 Des pages de l’histoire de Lille exhumées en centre ville

par Katarzyna Woznica

33 Réfl exion-Débat : Rendez-vous d’Archimède, cycle «Le Cerveau» et conférences hors-cycles34 Dialogue : Diff érence des sexes et inégalités par Françoise Héritier35 éâtre : les Oranges36 éâtre : Il y a quelque chose qui m’échappe37 éâtre : La cage de verre38 Exposition photo : Itinéraires Kurdes d’un monde à l’autre39 Projection : Vol au-dessus d’un nid de Vautours40 - 41 Ateliers : Soirées des Ateliers de pratiques artistiques42 éâtre : Eva, Gloria et Léa et Attends-moi !43 Annonces : Mix’cité, Fête de la musique et UEE

Illustration de couverture : Lachute.prod

R bRRu ibr q eqqqu s

SOM

MA

IRE

mSO

MM

AIR

E

mSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SSOM

MA

IRE

SSOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

aSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

mSO

MM

AIR

E

mSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SSOM

MA

IRE

SSOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

oSOM

MA

IREe

SOM

MA

IREe

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

mSO

MM

AIR

E

mSO

MM

AIR

E

mSO

MM

AIR

E

mSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

aSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

mSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

aSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

iSO

MM

AIR

Ei

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

iSO

MM

AIR

E

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IREe

SOM

MA

IREe

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

iSO

MM

AIR

Ei

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IRE

SOM

MA

IREr

L bLi Pebr s rrrooopooos

A rAAu rrP oo rog a eemmmm

Ont collaboré à ce numéroPierre BEHAGUE

Rudolph BKOUCHEJean-Marie BREUVART

Alain CAMBIERJean-Paul DELAHAYE

Catherine LEFRANÇOISBernard MAITTE

Michel PARREAURobert RAPILLY

Jean-François REY

Directeur de la publication : Hervé BAUSSARTDirecteur de la rédaction : Nabil El-HAGGARRédaction - Réalisation : Christiane FORTASSIN Delphine POIRETTE Edith DELBARGE

Julien LAPASSETImpression : Dumoulin imprimeur

ISSN : 1254 - 9185

LES NOUVELLES D’ARCHIMÈDE

O‘’ uRRRRRSSRSRRSR

rD sDo is re

C ecCy eel cl re rre avv avve u

E eev een nmm nmme nt

© la

chut

e.pro

d

LNA#33/ Cycle le Cerveau

Page 4 Page 5

Cycle le Cerveau /LNA#33

Regards sur mes patients toxicomanes

Par Bertrand RIFF Docteur en médecine, Médecin généraliste, Consultant en maladie infectieuse et en addictologie, CHU de LilleEn conférence le mardi 20 mai à l’Espace Culture

De 1992 à 2003 : cinq regards venant s’enrichir et se compléter.

1992 : Regard n°1Le toxicomane est un adolescent qui, pour des raisons personnelles, familiales ou sociales, ne peut ou ne veut intégrer le monde des adultes, devenir adulte.Pour l’aider à grandir, il nous fallait être adulte dans notre vie, et encore plus dans notre profession.Mais c’est quoi être adulte ? Un médecin généraliste adulte, c’est comment ?- C’est celui qui sait dire non ! Voilà quelle fut notre première hypothèse de travail. Non aux de-mandes de chimie (tranxene, rohypnol, palfi um, temgesic).- C’est celui qui est libre.Alors nous avons dit non à toutes les dépendances, médicalement assistées ou non. Vie libre : sans alcool, sans opiacé, sans excès, tout doit être calculé.

Lors d’une formation, un médecin généraliste nous expliqua que c’était entre 35 et 40 ans quelle s’était sentie adulte. Globalement, le constat fut plutôt identique pour l’ensemble des participants, il fallut donc enrichir notre regard pour en arriver à ces deux défi nitions.Ce serait également celui qui a apaisé son regard sur ses parents et sur lui-même. Celui qui accepte la rencontre avec la diff érence, avec l’étranger.

1994 : Regard n°2La toxicomanie procède d’une tentative désespérée de s’inscrire dans la société. Elle est une métaphore de la société. Le toxicomane est le consommateur le plus fou. Le dealer, le fabricant de profi t le plus extraordinaire. Ils sont une critique terrible de notre société poussée à son extrême.Comment aider un jeune à s’inscrire dans une société dont il fait une telle caricature : je consomme donc j’existe. Comment passer du monde du besoin au monde du désir ?Nous ne sommes que des passeurs qui ne savons jamais ou nous allons arriver.

1996 : Regard n°3Le toxicomane est un autophytothérapeute. Il souff re et a recours à la pharmacopée traditionnelle pour se soigner : l’opium, la cocaïne, le hachisch. C’est un ami de la terre. Mais, sa chimie naturelle pré-sente bien des eff ets secondaires dont les plus dangereux sont certai-nement le retrait progressif du monde des vivants et la dépendance. Pourtant, cette chimie qu’il prend le soigne. Le hachisch est un puissant apaisant, un antidépresseur, un orexigene, un hypnotique.

Si l’on supprime cette chimie pour quelque raison que ce soit sans que le patient ait pu construire d’autres types de réponses à ses souf-frances, que lui reste-t-il ?

1998 : Regard n°4Le toxicomane eff ectue une plongée directe dans la logique totalitaire. J’ai des problèmes complexes, il existe une solution simple : la chi-mie. Au fur et à mesure du temps, je m’entoure d’identiques : des dépendants à la chimie, pas d’étrangers ! Si je dois utiliser la violence pour arriver à mes fi ns, pas de problème. Un jour, il touche le fond et il aperçoit la mort qui est là, inhérente à tous les totalitarismes.Le toxicomane que l’on rencontre tente désespérément de sortir de cette impasse. Quelle compétence j’ai, moi médecin, en accompagnement de sor-tie de régime totalitaire ?

2000 : Regard n°5Le toxicomane est comme un retraité qui a tout le temps pensé que, quand il s’arrêterait de travailler, la vie serait magnifi que. Pour tout ce qu’il n’a jamais fait, c’est évident, il aura tout le temps devant lui. La retraite arrive… Avec elle : le grand vide. Ce qui est terrible, ce n’est pas le vide, c’est la fi n d’une illusion. Ce qui est encore pire que le vide. De même pour un dépendant de produit psycho-actif : s’il ne s’y est pas préparé avant ou si, durant sa vie active de dépendant, il n’y avait pas grand-chose, alors la retraite sera terrible car déce-vante.Il nous faudra certainement admettre, lui et moi, que l’on peut vivre avec ce presque rien. Cela vaut peut-être mieux que de penser que ce presque rien serait habitable par de grandes choses.

2003 : Regard n°6Après avoir évoqué mes regards sur le toxicomane, il ne faudra pas oublier de parler. Parler du paléocortex et du circuit de récompense, parler du système opoide, parler des médecins et de leurs patients qui manipulent les mêmes molécules, les uns les appelant « des produits », les autres « des médicaments » ; parler de la chimie et des plantes qui « parlent » aux hommes comme disait un vieil indien, parler de l’oubli que procure la chimie ; ne plus penser, ne plus res-sentir, ne plus sentir.Mais aussi parler du dopage et des toxicomanies sans chimie, parler des diffi cultés que les médecins ont à penser que le cerveau, lieu de la pensée, fait partie du corps et que ce corps fait partie de l’humanité.

Conférence « Cerveau et toxicomanie » : mardi 20 mai 2003

LNA#33/ Cycle le Cerveau

Page 4 Page 5

Cycle le Cerveau /LNA#33

erveau et douleur

Par le Professeur Serge BLONDCentre d’Évaluation et de Traitement de la DouleurClinique de Neurochirurgie, Hôpital Roger Salengro – CHRU de LilleEn conférence le mardi 29 avril à l’Espace Culture

Toute tentative de compréhension du phénomène douloureux ne peut se concevoir sans une approche globale du fonctionnement du système nerveux et notamment du cerveau. Cette remarque est directement liée à la défi nition même de la douleur, «expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion potentielle ou réelle ou décrite en terme d’une telle lésion». Ainsi voit-on rapi-dement apparaître la complexité de ce processus supposant un en-chaînement d’événements allant de la perception jusqu’à la réaction fortement infl uencée par de multiples facteurs cognitifs.

Quelle évolution depuis le modèle de Descartes décrivant une rela-tion directe entre la sensation et la douleur en utilisant un raccourci un peu saisissant entre une cloche (la douleur) activée par une corde (le système nociceptif) ! Au fur et à mesure de l’évolution de nos connaissances s’est développé un modèle multidimensionnel de la douleur identifi ant deux cordes et deux cloches, celle de la sensation et celle des aff ects. La synthèse de ces données ne peut se concevoir qu’au sein du cerveau, un tout indivisible, organe de la pensée en sachant que ces deux cordes opèrent séparément et leur produit mesuré indépendamment par des échelles auto-administrées, les unes évaluant la sensation, les autres appréciant l’aspect émotionnel, véritable sommation des informations nociceptives et contextuelles à l’origine de la perception.

En pratique clinique, l’évaluation correcte d’une douleur, notam-ment persistante, ne peut se concevoir sans une approche multi-dimensionnelle constamment renouvelée, permettant ainsi la dé-fi nition d’une stratégie thérapeutique adaptée et personnalisée. Les caractéristiques sensorielles et aff ectives de la douleur sont encodées dans le système nerveux central de manière associative, non cons-ciente et indélébile. La douleur ne peut se concevoir que comme un percept global et unifi é, produit fi nal d’un processus de traitement de l’information complexe, non accessible à la conscience et in-fl uencé par de nombreuses variables psychologiques.

Même si, à l’origine, la douleur est liée à une lésion périphérique, elle devient rapidement un phénomène central, essentiellement subjectif, modulé par l’histoire du patient. Le signal électrique, induit par la libération locale de substances algogènes, va être transmis au cerveau après avoir été soumis à plusieurs fi ltrages, notamment au niveau de la corne dorsale de la moelle, du tronc cérébral, du thalamus et du cortex cérébral lui-même. Limiter la douleur à la conception d’un système neuronal pré-cablé serait réducteur et signifi erait un lien direct entre stimulus nociceptif et perception. En fait, la stimulation des récepteurs périphériques induit des signaux neuronaux intégrant le système nerveux actif qui est lui-même déjà le substrat d’expériences passées, culturelles et émotionnelles. Toute information nociceptive est plus ou moins traitée au sein du système limbique en fonction de nos appren-tissages antérieurs, de notre degré d’attention et/ou de distraction et

de nos capacités d ’ant icipat ion modulant ainsi la signifi cation ac-cordée à un mes-sage nociceptif. Ainsi, au terme de ce traitement multifactoriel, peut-on souligner la complexité d’une douleur, notamment chronique, modulée par le contexte émotionnel et motivationnel, par les phénomènes attention-nels, par les pensées et attentes de l’homme souff rant, par les expérien-ces passées personnelles ou environnementales.

En outre, toute douleur induit, peu ou prou, non seulement des réactions motrices simples ou élaborées, des réponses végétatives mais également des émotions habituellement désagréables, consé-quences d’une tendance impérative à fuir un stimulus nociceptif. Les conséquences émotionnelles sont liées à la chronobiologie de la douleur, depuis la peur jusqu’à l’anxiété et la dépression, l’ensemble étant susceptible de réduire le seuil de la nociception. A contrario, le système de la peur peut également être défensif, susceptible d’in-duire de manière automatique des réponses maximalisant la pro-babilité de survie de l’individu (immobilisation instantanée, fuite, attaque défensive…). Il s’agit de tout un processus directement issu du cortex limbique et plus particulièrement du noyau central de l’amygdale infl uençant les impacts nociceptifs par l’intermédiaire de projections descendantes en direction des neurones de la corne dorsale de la moelle, mais aussi ascendantes contrôlant l’activité du cortex sensori-moteur.

Le bon sens du clinicien lui permet de comprendre aisément l’im-possibilité de maintenir dans l’approche de la douleur une dichoto-mie classique «organique psychiatrique». Chaque expérience dou-loureuse doit être replacée dans la maladie et l’histoire du patient infl uencée par une série de processus psychologiques. Nociception, douleur et souff rance sont intimement liées et leur approche ne peut se concevoir que sous un mode bio-psycho-social, préalable indis-pensable à une prise en charge thérapeutique adaptée. L’expression douloureuse est la conséquence d’un ensemble complexe, à chaque fois réinventé, qu’il convient de décrypter selon une approche mixte neurophysiologique et neuropsychologique. Cet eff ort d’analyse conditionne les choix thérapeutiques en soulignant que, malheu-reusement pour les neurochirurgiens, il n’y a pas au sein du cerveau de «centre de la douleur» mais en fait, comme pour toute autre fonc-tion, un réseau neuronal complexe associant les données sensori-discriminatives, émotionnelles, individuelles et comportementales.

© la

chut

e.pro

d

LNA#33/ Collection_Les Rendez-vous d’Archimède

Page 6 Page 7

Humeurs /LNA#33�������������������������������������������������������������������

�����������������������

résentation de louvragela ville en débat13e titre de la collection Les Rendez-vous d’Archimède aux éditions L’Harmattan

Mardi 27 mai 2003 à 17h00Au forum du Furet de Lille (accès par le niveau 5)entrée libre

En présence de :Hervé Baussart, président de l’USTLNabil El-Haggar, vice-président de l’USTL, chargé de la CultureDes directeurs de l’ouvrage et des auteurs.

Sous la direction de :Nabil El-HaggarDidier Paris, professeur d’aménagement et d’urbanisme à l’USTL Isam Shahrour, professeur de génie civil à l’USTL

La collection d’ouvrages collectifs Les Rendez-vous d’Archimède prolonge les rencontres-débats thématiques organisées par l’Espace Culture.

En ce début de siècle, un habitant de la planète sur deux est un citadin. L’étude du fait urbain s’impose comme une entrée majeure pour la compréhension de l’évolution de nos sociétés contemporaines. Asie, Afrique, Amériques, tous les con-tinents sont concernés. En Europe, l’urbanisation contemporaine fait exploser la ville moderne hors de ses murs, mais réintègre aussi l’existant en lui donnant une dimension patrimoniale : depuis un quart de siècle est aussi venu le temps de la régénération urbaine. Les questions qui touchent à la ville constituent la pierre angulaire de nombreuses analyses qui visent à comprendre le monde et la société d’aujourd’hui. Ainsi la problématique de la globalisation interpelle la ville à travers la question des métropoles. L’évolution de nos modes de vie, l’accroissement de notre mobilité s’inscrivent dans notre rapport au territoire urbain. La question de la solidarité et la lutte contre l’exclusion s’inscrivent désormais dans une dimension urbaine confi rmée en France par le cadre des politiques développées dans ce do-maine depuis les années 80 derrière l’appellation de «politique de la ville».

Antoine Bailly, professeur à l’université de Genève, président de la section des Sciences SocialesAlain Bauer, criminologue et consultantAlain Cambier, docteur en philosophie, professeur de chaire supérieure en Première supérieure au Lycée Châtelet de DouaiNabil ElHaggar, vice-président de l’USTLLucien Kroll, architecte Jean-Pierre Le Goff , professeur de mathématiques, d’histoire des sciences et d’histoire de l’art à l’IUFM et à l’IREM de Basse-Normandie, Université de CaenPhilippe Louguet, enseignant à l’Ecole d’architecture de Lille et responsable d’une équipe de recherche Ville et HistoirePierre Mariétan, compositeur, fondateur du laboratoire Acoustique et Musique Urbaine et du Collectif Environne-ment Sonore ierry Paquot, philosophe, professeur des universités (Insti-tut d’Urbanisme de Paris et Paris XII-Val-de-Marne), éditeur de la revue UrbanismeDidier Paris, professeur d’aménagement et urbanisme à l’USTL et anime l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de Lille, un département de l’UFR de Géographie et Aména-gement Catherine Pouzoulet, professeur de civilisation américaine à l’Université de Lille III - Charles de GaulleFrançois-Xavier Roussel, géographe, consultant à la SCET, Politique et Projets : ville, habitat, renouvellement urbain Isam Shahrour, professeur de génie civil à l’USTLJean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret. Il a été député de 1981 à 1991, secrétaire d’Etat de 1991 à 1993 et maire d’Orléans de 1989 à 2001

À paraître à l’hiver 2003 :- Quelques réfl exions autour des sciences du vivant- Voyage au pays des mathématiques

Dans la même collection :- Les dons de l’image, 2003. 25 Euros- Politique et responsabilité, enjeux partagés, 2003. 34 Euros- L’infi ni dans les sciences, l’art et la philosophie, 2003. 17 Euros- Le temps et ses représentations, 2001. 22,87 Euros- L’école entre utopie et réalité, 2000. 13,72 Euros- Emploi et travail, 2000. 19,82 Euros- Spiritualités du temps présent, 1999. 12,96 Euros- Altérités, 1998. 16,77 Euros- La méditerranée des femmes, 1998. 16,77 Euros- Environnement, 1998. 19,82 Euros- Le géographe et les frontières, 1997. 22,87 Euros- Questions de développement, 1996. 18,29 Euros

Ces ouvrages sont en vente à l’Espace Culture, à la FNAC, au Furet et en librairie.

LNA#33/ Collection_Les Rendez-vous d’Archimède

Page 6 Page 7

Humeurs /LNA#33

À peine entrevue, une photo volée, d’un homme grand,

élégant, assez vieux. C’était à la télévision, sur une chaîne publique. Le présentateur lâche le nom et la nouvelle : Maurice Blanchot est mort, il a été enterré, c’était un grand écrivain français. Le lendemain, un créateur de cuisine aimé du public se suicide. Il fait la une. Aurions-nous sou-haité que Maurice Blanchot fît la une ? Lui, Maurice Blanchot, était un homme du retrait, de la clandestinité. Le plus exigeant de tous, peut-être, cultivant l’amitié comme une conspiration.

De lui, lu à certaines périodes, ignoré à d’autres, je retiens un essaim de mots que je lui asso-cie : écriture, parole, étranger, silence, folie, désastre, neutre. De lui, inconnu, non accessi-ble, des écrits injurieux, violents d’une extrême droite agressive et fasciste. Il cesse, dit-on, en 1938. Au-dessus de cela, l’amitié jamais démentie d’Emmanuel Lévinas, depuis les années uni-versitaires à Strasbourg et dont il cacha la femme et la fi lle chez lui pendant la guerre. Guerre pen-dant laquelle il connut sa mort («l’instant de ma mort») par un simulacre d’exécution. Puis il y eut le Manifeste des 121 contre la Guerre d’Algérie, écrit dont il fut le scribe. Écrivain engagé des comités d’action de 1968, Blanchot n’en fi nit pas d’expier les phrases criminelles. Rien, pour autant, d’un repentir de la belle saison. C’était, avant tout, un témoin obstiné.Maintenant ce sont des phrases

de lui qui montent d’un récit, comme celle-ci : «fais en sorte que je puisse te parler.» (L’attente, l’oubli). À l’époque où je l’ai lue, j’y voyais l’inscription charnelle de l’impératif catégorique, le nouage d’un Dire et d’un Faire, une adresse inaugurale à entendre. Comment mieux dire la «communication» ? Mais c’est aux livres de critique littéraire (expression maladroite) que j’eus d’abord accès : sur Kafka, Sade, Lautréamont. Lectures qui, alors, n’avaient rien à voir avec l’université et me semblaient être la liberté elle-même, qui se jouaient des disciplines : philosophie littéraire, philosophie politique par aphorismes, littérature dont les écrivains sont les personnages mêmes. Les grands livres ont suivi : L’entretien infi ni, l’écriture du dé-sastre, l’amitié où la proximité de notre «compagne clandestine», la philosophie, nous faisait nouveaux lecteurs de Lévinas, de Bataille, mais aussi de Hegel, de Heidegger ou de Marx. Blanchot n’en fi nissait pas de «surveiller la nuit».

Des pages entières me viennent maintenant en mémoire, que je sais où trouver (La commu-nauté inavouable, p. 52 à 56) où il est question de Mai 68 («L’événement ? Est-ce que cela avait eu lieu ?») et de la manifestation populaire pour enterrer les morts de Charonne. «Il ne faut pas durer, il ne faut pas avoir part à quelque durée que ce soit. Cela fut entendu en ce jour exceptionnel : personne n’eut à donner un ordre de dispersion. On se sépara par la même nécessité qui avait rassemblé l’innombrable.»Ce sont là les mots les plus justes que l’on puisse trouver pour évoquer cette réalité insaisissa-ble : le peuple, hors politique, hors sociologie, hors histoire. «Il est là, il n’est plus là : il ignore les structures qui pourraient le stabiliser».

En contrepoint, qu’on regarde les passages du fi lm (le Joli Mai) que Chris Marker consacra au même événement : au-dessus du silence de la foule immense, un merle siffl e au milieu de l’hiver. Blanchot n’aimait pas les images. Son écriture est tout sauf iconographique. Elle ne donne rien à voir, elle rend sensible.

Désormais il faut retourner à Blanchot pour mieux entendre Kafka, Mallarmé ou Paul Célan :

Niemandzeugt für den

Zeugen

Personnene témoigne pour le

témoin

Paul CELAN

RENVERSE DU SOUFFLE

Traduction de Jean-Pierre Lefevre(seuil, Janvier 2003)

Par Jean-François REYProfesseur agrégé de philosophie à l’IUFM de Lille

ersonne ne témoigne pour le témoin

Les paradoxes stimulent l’esprit et sont à l’origine

de nombreux progrès mathé-matiques. Le but de cette ru-brique est de vous provoquer et de vous faire réfl échir. Si vous pensez avoir une explica-tion des paradoxes proposés, envoyez-la moi (faire parvenir le courrier au service culture de l’USTL ou à l’adresse élec-tronique delahaye@lifl .fr).

Rappel du problème précédent

La fonction x -> x3 est défi nie pour tout nombre réel, elle est continue et dérivable pour tout nombre réel. On cal-cule sa dérivée par la formule habituelle (xn)’ = nxn-1. Pour tout nombre réel x, on a donc(x3)’ = 3x2.On calcule la dérivée par un autre raisonnement : pour tout entier x ≥ 2, on écrit : x3 = x2 +

x2 + ... + x2. La somme à droite de l’égalité comporte x fois le terme x2. On dérive de chaque côté de l’égalité en utilisant que la dérivée d’une somme est la somme des dérivées : (x3)’ = (x2)’ + (x2)’ +... + (x2)’ . On applique la formule (xn)’ =

nxn-1 rappelée plus haut (qui

donne (x2)’ = 2x) et l’on obtient (x3)’ = 2x + 2x + ... + 2x = 2x2 (car le terme 2x apparaît x fois). Pour tout entier x ≥ 2, nous avons donc : (x3)’ = 3x2 = 2x2. En simplifi ant par x2, qui n’est pas nul, cela donne 2 = 3. Où est l’erreur ?

Solution. Le second calcul suppose que x est un entier (sinon on ne pourrait pas écrire x3 = x2 + x2 + ... + x2). Appelons n l’entier fi xé auquel on s’intéresse. Les fonctions x -> x3 et x -> x2 + x2 + x2 +... + x2 (n fois le terme x2) ont eff ectivement la même valeur au point x = n et cette valeur est n3. Ces deux fonctions sont dérivables pour tout nombre réel x. Cependant autour de la valeur n, ces deux fonctions n’ont pas les mêmes valeurs car : (n+y)3 ≠ (n+y)2 + (n+y)2 + ... + (n+y)2 = n(n+y)2. Puisque les deux fonctions sont diff érentes, il n’y a aucune surprise au fait que leurs dérivées soient diff érentes.Le point précis où se produit l’erreur est lorsqu’on écrit « on dérive de chaque côté », car l’égalité x3 = x2 + x2 + ... + x2 désigne une égalité valable entre deux fonctions diff érentes en un point précis et non pas une égalité entre deux fonctions sur tout leur ensemble de défi nition. L’erreur est en fait la même que celle que l’on commettrait en disant : x = x2

pour x = 0, donc x’ = (x2)’ en x = 0, donc 1 = 2x en x = 0, donc 1 = 0.

Par Jean-Paul DELAHAYEProfesseur à l’Université des Sciences et Technologies de Lille *

paradoxes

PPPeeeeeetttiiittteee rrrruuubbbrrriiiqqquuuquqquqquq eee dddeee dddiiivvviviiviivi eeevevvevvev rrrtttiiisssssseeemmmeeennntttsss mmmaaatttataataata hhhééémmmaaatttataataata iiiqqquuuquqquqquq eeesss ppppoooooouuurrr ccceeeuuuxxx qqquuuquqquqquq iii aaaiiimmmeeennnttt ssseee

*Laboratoire d’Informatique Fondamentale de Lille,****LLLLaaaabababbboooorrrrararaaatatatttototoooiiiirrrrerereee dddd’’’’IIIInnnnffffofofooofofofoffffoffffofffofofofffof rrrrmrmrmmmaaaatatatttiiiiqiqiqqquququuueueueee FFFFoooonnnndndndddaaaamamammmememeeenenennntntntttaaaalalallleleleee ddddededeee LLLLiLiLiiilllllllleleleee,,,,qqqqqqqqqqqqqqq

LNA#33/ Paradoxes

Page 8 Page 9

Paradoxes /LNA#33

ppprrreeennndddddrrreee lllllaaa ttt

UPRES A. CNRS 8022, Bât M3UUUUPPPPRRRREREREEESSSS AAAA.... CCCCNNNNRRRRSRSRSSS 8888000022222222,,,, BBBBââââtâtâttt MMMM3333, 3,,,, 3333

Les deux enveloppes

Amandine me montre deux enveloppes fermées identiques A et B. Elle me dit que l’une contient une certaine somme en euros et que l’autre contient le double de cette

somme. Elle ne me dit pas quelle est celle des deux enveloppes qui contient le plus. Comme c’est mon anniversaire, elle m’off re de choisir une des enveloppes et me dit que son contenu sera pour moi.N’ayant pas de raison particulière de préférer l’une à l’autre, je choisis d’abord l’enve-loppe A. Cependant, au moment de l’ouvrir, je raisonne ainsi.- L’ enveloppe A contient une certaine somme, disons Y euros (j’ignore bien sûr quelle est cette somme). - Il y a une chance sur deux pour que B contienne 2Y euros, et une chance sur deux pour que B contienne Y/2 euros, car ayant choisi A au hasard, il y a autant de chances que A contienne la plus petite somme (dans ce cas B contient 2Y euros), ou que A contienne la plus grande somme (dans ce cas B contient Y/2 euros).- L’ espérance de contenu de l’enveloppe B est donc :2Yx1/2 + Y/2x1/2 = 1,25 Y euros

Rappelons que l’espérance est la moyenne pondérée par les probabilités de ce que je peux gagner selon les diverses éventualités ; ici c’est ce qu’on trouverait en moyenne dans B, si on recommençait l’expérience un très grand nombre de fois. L’espérance de contenu de B étant 1,25 Y euros, et celle de A étant bien sûr de Y euros, mon intérêt est de changer mon premier choix et de prendre B à la place de A. En moyenne, cela me rapportera 25% de plus. Est-ce bien certain ?Non. Il y a quelque chose de ridicule dans cette histoire car, si au départ j’avais choisi B, le même raisonnement me conduirait maintenant à reporter mon choix sur A. Le raisonnement est donc faux. Mais en quoi précisément est-il faux ?

la tttttêêêêêêtttttteeeeee

nouveau paradoxenouveau paradoxenouveau paradoxenouveau paradoxe

LNA#33/ Paradoxes

Page 8 Page 9

Paradoxes /LNA#33

La mécanique entre art et science : l’exemple de Héron d’Alexandrie

Par Bernard VITRAC Directeur de recherche au CNRS(Centre Gernet-Paris, UMR 8567)

Comme pour la très grande majorité des mathéma-

ticiens grecs anciens, nous ne savons rien de la vie de Héron. Il vécut entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère, sans doute à Alexandrie. Un important corpus de textes nous a été transmis sous son nom, corpus qui, du moins aux yeux des his-toriens des sciences modernes, se divise aisément en deux ca-tégories assez distinctes : d’une part des ouvrages de mathéma-tiques, d’autre part des traités qu’on peut, faute de mieux, qualifi er de «techniques». Tant que l’on a connu Héron pour l’essentiel par ses Pneu-matiques, son traité sur les machines de guerre (Belopoiica), sa Dioptre, et les manuels mathématiques élémentaires du corpus (désormais consi-dérés comme inauthentiques), l’opinion qu’on s’est faite de lui n’était guère fl atteuse : au mieux un technicien et un ar-penteur, au pire un artisan dé-pourvu de toute connaissance scientifi que. C’était le point de vue dominant avant qu’on ne prenne connaissance, dans la dernière décennie du XIXe siècle, de ses Mécaniques et de ses Métriques. La dimension savante et livresque de l’auteur ne pouvait alors plus faire de doute et l’on n’a pas manqué de souligner le caractère ency-clopédique de sa production.

Les ouvrages grecs de mécanique

Les plus célèbres sont indiscutablement les Problèmes mécaniques rattachés au corpus d’Aristote et les deux monographies de statique (Equilibres-plans, Corps fl ottants) rédigées par Archimède. Il y eut aussi des Mémoires composés par des ingénieurs dont le nom restait attaché à certaines réalisations exceptionnelles. Mais ce qui caractérise le mieux l’époque hellénistique, ce sont les tentatives de synthèse que l’on retrouve aussi dans l’en-cyclopédie mathématique d’Euclide (IIIe s. avant notre ère) et, plus tard, dans les grandes compositions ptoléméennes.En mécanique, Philon de Byzance composa vers 220 avant notre ère une Syntaxe (Mêchanikê Syntaxis), véritable bilan des productions antérieures en matière de techni-que, et composée d’une série de monographies consacrées aux parties principales de la mécanique : Introduction ; Traité des leviers ; Construction des ports ; Machines de guerres ; Pneumatiques ; Automates ; Construction des forteresses ; Siège et défense des villes ; Messages secrets. La disparition de plusieurs de ces Livres, en particulier les traités sans doute assez théoriques de l’Introduction et des Leviers, rend diffi cile toute comparaison avec Héron. Mais il y a tout lieu de croire que plusieurs des écrits héroniens sont des sortes de mises à jour, ou de rééditions, de certaines portions de la Syntaxe, en particulier dans les spécialités pour lesquelles des progrès sensibles avaient été enregistrés (Pneumatiques, Automates).Reste la tradition des Éléments de mécanique ou des introductions mécaniques, représen-tée par le Livre I des Mécaniques de Héron et l’Introduction mécanique de Pappus (qui deviendra le Livre VIII de la Collection mathématique). De par leur nature, ces ouvrages supposent un long travail préalable de «réduction» des problèmes, d’analyse des dispositifs et des solutions, la mise en évidence d’«éléments» communs à plusieurs situations. Cette démarche, on le sait, se retrouve dans l’ensemble des sciences et même plus généralement dans toutes les disciplines intellectuelles en Grèce ancienne. Ces «réductions» peuvent rester mécaniques dans leur formulation. Par exemple, de même qu’il y a cinq éléments dans la physique aristotélicienne, cinq polyèdres réguliers en mathématiques, il existe cinq machines simples, et cinq seulement (le treuil, le levier, la poulie, le coin et la vis sans fi n). De surcroît, on explique leur effi cacité (la possibilité de mouvoir un grand poids avec une faible force) en les ramenant à l’une d’entre elles, le levier. L’infl uence des sciences - en particulier des mathématiques - se retrouve donc au niveau de la forme littéraire d’expo-sition et du modèle intellectuel que celle-ci présuppose, même si ceci n’est pas propre à la mécanique. Mais le recours à la géométrie constitue indiscutablement une forme de rationalisation, que l’on trouve aussi bien au niveau de l’explication causale que dans celui des constructions. Ainsi, par l’analyse des machines simples, les mathématiques permettent de faire un pas de plus dans l’abstraction : le paradoxe apparent qu’est la puissance du levier est rapporté aux caractéristiques exceptionnelles de la fi gure géométrique par excellence qu’est le cercle. Mais d’autres fi gures géométriques interviennent aussi comme le triangle rectangle : il permet la construction de la vis ; il montre comment celle-ci s’assimile à un coin enroulé ; combiné avec la théorie des proportions, il permet même de montrer que c’est fondamen-

LNA#33/ Mémoires de science : rubrique dirigée par Ahmed Djebbar

Page 10 Page 11

Mémoires de science /LNA#33

talement pour la même raison qu’un coin plus aiguisé pénètre un corps plus aisément et qu’il est plus facile d’utiliser une vis dont le pas est court plutôt que long.

Héron, mécanicien et lettre d’Alexandrie

Au début de notre ère, Héron se situe à la confl uence de plu-sieurs traditions. En mécanique, il tente de faire la synthèse entre les explications causales à la manière d’Aristote, le traite-ment fortement mathématisé prôné par Archimède, et l’ency-clopédisme de Philon. Il connaît très bien la grande tradition géométrique grecque : il est le plus ancien commentateur des Éléments d’Euclide connu de nous. Il s’inscrit également dans la grande tradition d’érudition alexandrine.Ainsi tous les traités conservés de Héron et considérés comme authentiques sont précédés d’une lettre-préface ou d’un préam-bule, à l’exception des Mécaniques dont le début est mutilé ! L’ouverture de son traité des Métriques lui fournit l’occasion de faire une très succincte histoire de la géométrie, entendue comme science des mesures, dans la lignée « de l’ancien récit », autrement dit celui des Histoires d’Hérodote. Ce qui lui per-met de rendre hommage à la sagacité de deux de ses illustres prédécesseurs : Eudoxe et Archimède. Qu’Héron se pique d’«histoire», c’est ce que l’on voit aussi dans la Dioptre, où il choi-sit précisément comme aff abulation de deux de ses exercices d’application :- La restitution des limites d’un terrain à partir des deux ou trois bornes restantes et d’un plan (opération qui est à l’origine de la géométrie selon le récit traditionnel).- Le creusement d’un canal muni de bouches d’aération à tra-vers une montagne pour relier deux villes, réalisation qu’on ne peut pas ne pas rapprocher du creusement, dans l’île de Samos et vers 530 avant notre ère, d’un tunnel par l’architecte Eupa-linos - l’une des très belles réalisations techniques de l’époque archaïque, comme le signale là encore Hérodote. C’est même la résolution de ce problème qui commande l’architecture d’une bonne partie du traité de Héron.Mais s’il est un savant lettré, Héron reste un mécanicien. Ses préfaces lui off rent donc à plusieurs reprises l’occasion de souligner l’utilité des techniques et des mathématiques appliquées. Même si ce n’est pas explicite, il y a de bonnes raisons de penser que ce trait vise ceux qui, dans la lignée de Platon, se replient sur un idéal étri-qué de sciences désintéressées. Qu’il y ait eu polémique, c’est ce que montrent la préface des Machines de guerre et celles, anonymes, qui ouvrent le Codex Constantinopolitus. La première, parfaitement dans l’esprit de Héron, souligne la valeur instrumentale de la géo-métrie, considérée comme l’«œil de l’astronomie». Une telle abomination ne pouvait rester sans réponse : une seconde préface rappelle que les principes de la géométrie procèdent de la philosophie et non de l’utilitarisme. Elle invoque l’autorité du divin Platon. On ne peut pas être certain que le premier texte provienne de Héron ou de son école et que l’utilité - au sens large - était sa seule motivation pour étudier Euclide et Archimède mais, apparem-ment, à Alexandrie au début de notre ère, des hommes, dont Héron, ont pensé que l’on pouvait être industrieux et cultivé.

Traduction arabe des Mécaniques de Héron (Qusta ibn luqa ?) Livre III (pressoir).

LNA#33/ Mémoires de science : rubrique dirigée par Ahmed Djebbar

Page 10

Mémoires de science /LNA#33

Page Page 1111

La

ques

tion

arch

imèd

oulip

ienn

e pa

r Rob

ert R

apill

y de

l’At

elier

de p

édag

ogie

per

sonn

alisé

e

Des livres qui n’existent pas encore

hommelette lacane

Lisant la notice du livre “ 789 NEOLOGISMES DE JACQUES LACAN ”, on tombe sur le mot

HOMMELETTE, daté de 1960 par les auteurs M. Bénabou, L. Cornaz, D. de Liège et Y. Pélissier. Confirmation : cette année-là, je me suis fait traiter d’ hommelette pour la première fois. J’avais 7 ans, j’étais en classe de 10e et ça s’est passé à la récré. Or, selon votre âge, pareille mésaventure vous est peut-être arrivée en 1930, ou en 1910. Ou encore on vous l’aura rapportée d’un aïeul des siècles précédents… Un trait du génie de Lacan, c’est que son style n’a pas dénigré la verve aiguë des gamins en cours prépara-toire. Nous disions hommelette, lui l’a écrit.Observons cet(te) hommelette de près : on reconnaît, imbriqués, homme et omelette. Voici un MOT-VA-LISE parfait.Nos lecteurs connaissent . Il évoque ici un livre de mots-valises qui n’existe pas. Ou plutôt qui n’existe pas encore, parce qu’il faut espérer qu’un jour, un éditeur…

le pornithorynque est un salopared’Alain Créhange

Saviez-vous que la tramouette se déplace sur des rails placés sous la surface de la mer, alors que le goéland-rover est adapté à tous les ter-rains ?

Reconnaissez-vous à coup sûr l’aloumette, oiseau de feu commun dans nos régions, de son cousin tropical le colibriquet ?

Non ? Alors il est ur-gent que vous lisiez le pornithorynque est un salopare.

Depuis dix ans, ALAIN CRÉHANGE ne se déplace pas sans un débloc-note et un sacrayon avec les-quels il remplit des va-lises entières de mots du même métal. De cette quête inlassable est né un savoureux diction-naire dans lequel il lâche l’hybride à son humour décoiffan-tastique. Depuis le choix des entrées jusqu’aux salades qui les accompagnent en les éclairant d’un jour souvent inat-

tendu, c’est un vrai festintamarre de calemburgers. Une malle de mots qui, faute d’avoir à ce jour trouvé un éditeur (avis aux amateurs !), s’expose sur le Web pour le plus grand bonheur des héri-tiers de Lewis Carroll.

Ce diconoclaste absurdoué ne se canton-ne pas à la zozologie (étude des drôles d’oiseaux tels que le colibrius). Il ba-laye aussi bien la philosophie (sachez distinguer le passifisme du sulfatalisme) que le sport (le mathlète est un cham-pion de calcul mental mais le musculman est fort comme un Turc), la musique (le paganinisme s’oppose à la musique reli-gieuse) que la cuisine (l’oraclette lit l’avenir dans le fromage fondu).

Il puise abondamment dans le linguis-tock (ensemble des mots qui, faute d’usage, ont été mis en réserve) qu’il illustre d’innombrables citations tirées de la littératerre (oeuvres écrites sans génie) tout en évitant les pioncifs (for-mules si banales qu’elles provo-quent l’assou-pissement).

A sa suite vous chevaucherez en compagnie des talkyries-walkyries (qui informent Wotan du nombre de héros morts grâce à de petits émet-

teurs-récepteurs), ferez une pause près du pergaudlateur (machine à café sur laquelle il n’y a guère de boutons), plongerez parfois dans le délyre (élucubrations poéti-ques) sans toutefois devenir paranneau (un cercle qui ne tourne pas rond).

Mais gardez toujours un œil sur le tupperware-pépère qui attend les jeunes loli-tartes à la sortie de l’école pour leur vendre des boîtes en plastiche !

Les mots-valises d’Alain Créhange :http://perso.wanadoo.fr/a l a i n . c r e h a n g e /frmotsval.htmlVersion sans «frames» :http://perso.wanadoo.fr/

alain.crehange/motsval_noframe.html

-- Nicolages Granéruditsalias Nicolas Graner

Jerome «Jéranium» Jeanmart, l’inventeur des clûtes, au festival de Mhère dans le Morvan en août 2002Photo Jean-Pierre Liégeois (Var)

LNA#33/ Jeu littéraire

Page 12 Page 13

Jeu littéraire /LNA#33

Des livres qui n’existent pas encore

J «J» J a inventé les CLUTES (mot-valise composé de et de ) : ces petites boîtes à musique existent en vrai : un archet frotte des clous longs (graves) ou courts (aigus) en produisant un son de fl ûte. Jérôme est également l’un des artisans du manège LEON NAPAKAT-BRA (http://www.h-a-u-t.com), prodigieux automate musical forain :

TERTIA-PERSONA-NON-GRATA

Pas de question archimèdoulipienne dans notre précéden-te rubrique : juste une injonction d’Yvan Maurage, notre correspondant intermittent dans le Hainaut belge. Sur les traces de l’OuGraPo (voir sur internet : fatrazie.com), nous devions réviser la grammaire française. Et c’est le nom de qui a été inscrit au tableau d’honneur du trimestre. Plasticien aussi prolifi que que discret (j’ai eu la chance rare de découvrir ses fresques, collages, pliages, installations…), Claude n’est pas seulement peintre, mais encore poète, fabuliste1 et désormais grammairien poten-tiel.

On connaissait le (de : j’enlève ; et : la lettre), qui consiste à écrire un texte en se passant d’une lettre. Privée de la voyelle E, “ La Dispa-rition ” de donne l’exemple du plus fameux lipo-gramme connu, contrainte qui présida alors à l’invention de tout un monde romanesque.

a émis une idée grammaticale comparable au lipogramme : la TERTIA-PERSONA-NON-GRATA. Quelque chose qui a des implications insoupçonnées : il suppose une langue et un monde sans 3e personne. Nous n’aurions ni , ni , ni , ni , ni , ni même ou … là-bas n’existeraient que , , et . On entrevoit une civilisation aux conjugaisons certes simplifi ées - je chante, tu chantes, nous chantons, vous chantez -, mais où tout le reste se

complique. Ainsi, ainsi adam ne peut pas dire “ je mange la pomme ”, ce qui sous-entendrait “ la pomme est man-gée par moi ”. Il devra en pareil cas déclamer “ ô pomme ! je te mange ”. Les répercussions sociales, économiques, morales, intellectuelles, culturelles et même religieuses

(lire ci-après) d’une telle grammaire sont considérables.

Ambitionne-t-il de réécrire tous les livres depuis le commencement ? Claude en tout cas nous a souffl é le texte suivant :

J’ai commencé. Je t’ai créé, ciel. Et je t’ai créée, terre. Terre ! tu étais déserte et vide. Ténèbres, vous êtes deve-nues surface et abîme. Souffl e et eau, je vous fi s vous frôler. Et je dis “lumière, sois !” et, lumière, tu fus. Tu étais bonne, bonne je te vis. Puis, lumière et ténèbres, je vous séparai. Lumière, je t’appelai “jour” ; ténèbres, je vous appelai “nuit” (...)

A suivre… Nous attendons dans notre prochain numéro toutes sortes d’autres réécritures, pourvu qu’on n’y trouve ni IL, ni ELLE, ni LUI, ni ON, ni ÇA, ni CECI, ni CELA… Si vous n’avez rien de précis en tête, pourquoi pas EL DESCICHADO de Gérard de Nerval ? Voilà un beau poème auquel il aurait été dommage de ne pas penser.

Robert RAPILLY

1 Claude Chautard peint et écrit depuis quelques mois une série de toiles-récits qu’il organise en jeu des 7 familles. C’est une sorte d’autobiographie en creux, où chacune des 42 “cartes” relate la vie – imaginaire et vraie – d’amis et proches. S’il se trouve, une fois encore, un éditeur bien inspiré…

Phot

o de

Jean

-Pier

re D

uplan

Des

sin d

e Delp

hine

Sek

ulak

LNA#33/ Jeu littéraire

Page 12 Page 13

Jeu littéraire /LNA#33

La guerre a toujours généré une imagerie féconde, et aujourd’hui, l’accélération incessante du fl ux d’images médiatiques nous la fait voir presque en temps réel partout dans le monde. Et pourtant, paradoxale-ment, cet accès à l’image ne contribue pas nécessairement à une lecture juste des événements. Ce sont parfois d’autres images, d’un autre genre, tenues en dehors du cadre strict de l’information, qui nous permettent de saisir le vrai visage de la guerre.

A l’heure où la menace d’une nouvelle guerre dans le Golfe gronde, nous revient en mémoire la façon dont fut traitée l’information au

début de l’année 1991 lors du premier confl it, tant au niveau du discours que du choix des images diff usées. L’utilisation de l’image fut, dans la forme, pour le moins nouvelle mais sur le fond tout autant contestable. Les bombardements sur Bagdad ressemblaient fort à d’inoff ensifs feux d’artifi ce, sur nos écrans de télévision défi lait une image de la guerre inhabituelle dotée des attraits d’une technologie de pointe donnant à la triste réalité l’apparence irréelle d’un jeu vidéo. Les images des victimes (à plus forte raison des civils) restaient étonnamment absentes : pudeur ? Il nous est malheureusement permis d’en douter (les images existaient bel et bien et commencent à être montrées plus de dix ans après) ; censure plutôt ou, pour être plus précis, adhésion naïve des média au discours en

faveur de l’intervention qui, pour se légitimer, inventa un nouveau vocable évoquant « une guerre propre » et « des frappes chirurgicales ». De l’horreur de la guerre, il ne fut pas question. A l’heure où ces lignes sont écrites, on peut se demander si une nouvelle guerre se confi rmait, ce que l’on inventera cette fois-ci pour occulter les atrocités qui sont nécessairement le pendant des interventions militaires de ce type. Les prétendues preuves fl agrantes, fournies par Colin Powell le 5 février 2003 devant les Nations Unies, essentiellement basées sur l’interprétation d’images satellites, laissent augurer qu’une fois de plus, nous entrerons dans une guerre des images où le packaging l’emportera sur la réalité.

C’est dans cet esprit que l’on peut redécouvrir la cinquantaine d’eaux-fortes que réa-lisa l’artiste allemand Otto Dix1 en réaction à la première guerre mondiale en 19242. Le bouleversement culturel que fut la première guerre mondiale incita les artistes du mouvement appelé La nouvelle objectivité (Die neue Sachlichkeit), dont Otto Dix se réclamait, à montrer la guerre d’une façon radicalement nouvelle3. L’histoire de l’art était jusqu’alors traversée de représentations de batailles mythiques ou réelles où les uni-formes rutilants et les postures chevaleresques contribuaient à exalter un sentiment de fi erté nationale. Goya, un siècle avant Dix, s’employa à changer la donne dans sa série de gravures « Les désastres de la guerre » : avec la nouvelle objectivité, Dix va plus loin encore sur le chemin du vérisme et nous donne à voir l’horreur de la guerre sans pitié, sans détour, la vérité crue telle que vécue par les combattants. « Parce que je sais que ça

Brèves réfl exions sur les images de guerreou ce qu’une gravure des années 20 peut nous dire de la guerre d’aujourd’hui

Par Isabelle KUSTOSZUSTL

1 Peintre allemand de la nouvelle objectivité 1891-1969, contemporain de Georg Grosz et de Max Beckmann. Soldat pendant la première guerre mondiale, il se livre à son retour à une œuvre engagée et pessimiste. Pendant le troisième Reich, ses œuvres sont interdites d’exposition en Allemagne au motif qu’elles seraient « un attentat à la pudeur du peuple allemand ». Le centre Pompidou consacre justement au premier trimestre 2003 une exposition rétrospective sur les dessins de guerre d’Otto Dix.

Blessé en fuite (Combat de la Somme 1916), 1924, eau-forte. Historial de la Grande Guerre, Péronne (80).

DAG

P

Page 14

LNALNA#33/#33/ L’art et la manièreL’art et la manière

Page 15

L’art et la manière /LNA#33

s’est passé comme ça »4 disait Dix. Ici des corps déchiquetés, là un cadavre grouillant de vers, encore des yeux hagards et des bouches tordues par la douleur, là-bas une femme devenue folle montrant le corps de son enfant mort5. Il y a sans aucun doute plus de vé-rité sur la nature de la guerre (et de toutes les guerres) dans cette série, pourtant vieille de 80 ans, intitulée simplement der Krieg que dans la pléthore d’images High Tech dont on nous a abreuvé en 1991. Avec des moyens ancestraux hérités de ses maîtres Dürer et Altdorfer, Dix a mis son imaginaire au service du réel et parvient à nous donner une image universelle de la guerre alors que lors de la première guerre du golfe les nouvelles technologies de l’image se mettaient au service d’une édulcoration de l’événement visant à nous faire croire qu’il pouvait y avoir des guerres sans victime.

Cette mise en perspective d’images de guerre que 70 ans séparent nous amènent à for-muler quelques réfl exions :- La qualité d’une image ne se mesure pas aux prouesses technologiques qu’elle mo-bilise mais à ce qu’elle signifi e et à la façon dont elle se livre à l’interprétation. En ce sens, l’image télévisuelle n’est pas supé-rieure à la photographie, qui elle-même ne serait pas supérieure à la gravure ou au dessin. Il n’y a pas de progrès en image, même si les techniques progressent.- Paradoxalement, une image artistique peut être d’autant plus authentique et ins-tructive qu’elle est éloignée dans le temps comme dans l’espace de l’objet qu’elle représente. L’illusion du direct auquel nous sommes de plus en plus soumis n’est parfois qu’un leurre et n’est en aucun cas une garantie de fi abilité. En revanche, l’éloignement dans le temps par rapport à l’événement montré présente des qualités que le direct n’a pas : le recul et l’analyse critique.- Une œuvre d’art peut apporter autant à la connaissance d’un événement qu’un document historique, même si l’art se pla-ce délibérément dans l’intersubjectivité. C’est justement cette intersubjectivité qui donne la possibilité d’une lecture de l’image.- On critique souvent la diff usion d’images violentes. La violence ne doit pas être occul-tée car le monde est violent. Elle peut cependant être sublimée. C’est cette sublimation induite par l’art qui nous permet de la supporter (et d’échapper au voyeurisme) tout en en prenant pourtant la mesure véritable.- Ultime remarque à tous ceux qui se demandent encore à quoi servent les artistes, nous leur disons « Ouvrez vos livres d’art et vos catalogues d’exposition, ils vous diront peut-être plus que le fl ot d’informations ambiant qui vous accapare ». Et peut-être une ques-tion aux artistes d’aujourd’hui : La notion d’engagement (être témoin rétrospectif et prospectif, mettre son œuvre en gage) ne serait-elle donc pas complètement désuète ?

2 L’Historial de la Grande Guerre de Péronne (Somme)

présente, depuis son ouver-ture, cette bouleversante série

d’Otto Dix en exposition permanente.

3 Le terme d’Objectivité n’est pas nécessairement à attendre

ici comme le contraire de subjectivité. Il évoque une at-

titude critique sans concession de la part de l’artiste. « L’ob-

jectivité semblait par principe doter d’un caractère objectif l’expérience toujours subjec-

tive que l’on fait de la réalité » commente Eva Karcher dans l’ouvrage consacré à Dix aux

éditions Taschen en 1989.

4 Otto Dix, dans un enregis-trement sur disque de 1963, cité dans la préface du cata-logue Musée-Galerie de la

Seita, 1993. On peut émettre l’hypothèse que Dix est da-

vantage motivé par la recher-che du réalisme le plus aigu que par des préoccupations

pacifi stes.

5 Cette série fut longtemps tenue loin des musées. La

question principale pour Otto Dix est de rendre compte le plus fi dèlement des choses telles qu’elles sont ou telles

qu’elles se sont passées. Il se défi nit lui-même comme

témoin, parle de son travail en tant que reportage.

La Folle de Ste. Marie-à-Py, 1924, eau-forte. Historial de la Grande Guerre, Péronne (80).

DAG

P

www.historial.org

LNA#33/ L’art et la manière

Page 14

L’art et la manière /LNA#33

Page Page 1515

De Christian RUBYDocteur en philosophie et chargé de cours à Paris X, Nanterre

Les résistances à l’art contemporain

Les polémiques autour de l’art contemporain sont nombreu-ses mais souvent peu fécondes. Beaucoup se contentent

d’affi rmer que l’art contemporain est en crise, nous propose « n’importe quoi ». Ils en profi tent pour prôner le retour à des valeurs artistiques passées, non sans suggérer que, derrière cette querelle, d’autres raisons se cachent. Ces polémiques ne sont pas vraiment à la hauteur de notre époque. Néanmoins, cet ouvrage tente de les rendre fécondes, de les retourner en exercices propres à faciliter une approche de l’art contemporain sans réticences ni résistances. Il renverse le point de vue, en montrant que ce n’est pas tant l’art contemporain qui est en crise que le spectateur, dans ses habitudes et ses attentes. C’est lui qui résiste à des propositions qui lui sont faites. Dès lors, loin pourtant de l’obliger à apprécier les œuvres en question, loin de chercher à aplanir la dimension certainement vive voire

virulente de certaines œuvres contemporaines, ce livre s’inquiète surtout des obstacles qui empêchent les spectateurs de les aborder. Après tout, c’est peut-être là la « méthode » de l’auteur, une manière de se conduire devant les œuvres humaines, en acceptant de s’ouvrir à elles, plutôt que de se bloquer d’abord et de refuser de se mettre à l’épreuve des œuvres. S’il y a quelque chose d’effi cace dans cette « méthode », alors, laissons-nous conduire par elle. Elle propose d’abord de suspendre l’évidence se-lon laquelle l’art aurait pour fonction de produire du consensus et de la « communication ». Est-ce si certain, et cela n’interdit-il pas fi nalement la possibilité même de voir naître des œuvres « nouvelles » ? Puis, cette méthode nous guide au long de trois processus au cœur desquels, sou-vent, se constituent les résistances à l’art contemporain. Le processus de mise en œuvre du corps, celui de la mise en question du rapport social sur lequel repose notre style de vie, et celui de la prise de conscience de l’histoire au long de laquelle le spectateur s’est formé. D’une façon ou d’une autre, ces processus contribuent à la construction de nos attitu-des face aux œuvres. Mais, dès lors qu’on les met au jour et qu’on s’y aff ronte, on peut aussi exercer en eux et grâce à eux nos compétences de spectateur. De la « méthode » utilisée par l’auteur découle donc une série de pro-positions ou d’exercices destinés à tendre notre regard, à lui donner de l’acuité, à off rir à notre corps les moyens d’une approche sensible des œuvres et à dégager quelques concepts dont peut dépendre une bien-veillance à l’égard d’œuvres qu’il n’est pourtant pas nécessaire d’approu-ver à corps et à cri.

David Desbons, Journaliste

Chacun a pu constater avoir des diffi cultés à approcher l’art contemporain, d’autant que la rumeur ne cesse de nous dissuader de regarder les œuvres.Beaucoup ont par avance adopté le parti pris d’af-fi rmer « c’est n’importe quoi ! », parfois même sans avoir approché le travail des artistes.Pourtant, la raison ne nous pousse-t-elle pas à tenter au moins l’expérience d’une confrontation ? L’ouvrage de Chris-tian Ruby expose une telle option, en procédant à l’examen des diffi cultés que nous éprouvons face aux arts contemporains. Il raisonne en termes d’obstacles. Autrement dit, il s’inquiè-te moins des œuvres et de leur teneur que de notre relation aux œuvres et de ce que les œuvres mettent en question, en nous, qui remplissons la fonction de spectateur. Or, des obstacles, il en est de nombreux : obstacles corporels, obstacles sociaux, obstacles résultant de l’éducation, etc.

Les Résistances à l’art contemporain, Bruxelles, Editions Labor, 2002, 94 pages, 9 euros. ISBN : 2-8040-1701-X

Page 16

LNALNA#33/#33/ A lireA lire

Page 17

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

ossier Globalisation et violences

> Le nouvel ordre planétaire : l’empire postmoderne par Alain Cambier> La violence internationalepar Jean-Marie Breuvart> Compte-rendu de livre : Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain de Emmanuel Toddpar Jean-Paul Delahaye> De l’anti-américanisme par Rudolf Bkouche> Les nouveaux maîtres du monde de Jean ZieglerExtraits sélectionnés par Nabil El-Haggar

LE NOUVEL ORDRE PLANETAIRE :L’EMPIRE POSTMODERNE

Il est toujours diffi cile de lire dans le présent l’avenir qui se dessine. Car les hommes sont la plupart du temps plongés dans l’histoire sans savoir ce qu’ils font. La solution de facilité pour se repérer consiste à

aller chercher des paradigmes du passé pour s’en servir comme grille de lecture des événements qui nous arrivent : on se condamne alors au psittacisme intellectuel. Pour sortir de cette impasse, nous disposons pourtant d’un précieux outil : il s’agit de l’ouvrage intitulé Empire1, écrit par Antonio Negri et Michael Hardt, publié en 2000. Ces derniers s’emploient à penser le processus de constitution du nouvel ordre politique planétaire, en concomitance avec la mondialisation du capitalisme. La réalisation du marché mondial et la péréquation générale des taux de profi t à l’échelle de la planète ne sauraient être le simple résultat de facteurs économiques, fi nanciers ou monétaires : elles supposent une transformation des rela-tions politiques, sociales et culturelles. Antonio Negri et Michael Hardt décèlent, dans cette exigence, le passage de l’Etat moderne à l’Empire postmoderne. Or, cet Empire n’a plus rien à voir avec l’impéria-lisme, ni avec le colonialisme : ceux-ci relèvent d’une époque révolue, liée au développement du capita-lisme dans le cadre des Etats-nations. Nous passerions tendanciellement à la souveraineté impériale d’un ordre politico-économique radicalement nouveau, où l’on ne peut plus distinguer de puissance isolée, ni un seul chef d’orchestre dirigeant d’en haut les forces mondiales : « Au contraire de l’impérialisme, l’Empire n’établit pas de centre territorial du pouvoir et ne s’appuie pas sur des frontières ou des barrières fi xées. C’est un appareil décentralisé et déterritorialisé de gouvernement, qui intègre progressivement l’espace du monde entier à l’intérieur de ses frontières ouvertes et en perpétuelle expansion »2. Cet or-donnancement impérial s’impose de manière rhizomatique plutôt que verticalement : aussi apparaît-il étrangement souple, modulable, métastable, à la fois multipolaire et réticulaire. Essayons-nous à suivre au plus près les analyses décapantes de nos deux auteurs.

La souveraineté moderne a passé fl eur

L’empire est dit « postmoderne », parce que les formes politiques de la modernité, c’est-à-dire celles qui ont émergé à partir du XVIIe siècle, s’avèrent aujourd’hui inadéquates et obsolètes. À cette épo-que, l’Etat a été institué en réponse à une formidable révolution : en Europe, entre le XIIe siècle et la Renaissance, les hommes se sont enfi n proclamés maîtres d’eux-mêmes, en édifi ant des villes fi ères de

1 Antonio Negri, Mi-chael Hardt, Empire, éd. Harvard University Press, 2000, traduction française par Denis-Ar-mand Canal, éd. Exils, 2000.

2 Antonio Negri, Mi-chael Hardt, Empire, éd. Exils, p. 17.

Par Alain CAMBIER,Professeur de Philosophie en Khâgne (Douai)

LNA#33/ A lire

Page 16 Page 17

Dossier Globalisation et violences /LNA#33 ©

lach

ute.p

rod

leur liberté et en devenant les auteurs de leur histoire. Contre toute autorité divine et transcendante, ils avaient conquis l’autonomie de la sphère terrestre et prétendu diriger de leur propre chef les aff aires profanes. L’humanité se réappropriait ainsi sa propre puissance de créativité, en célébrant l’individu et la diff érence. Mais cette révolution se heurta aux forces conservatrices. Ainsi, comme le relève Negri et Hardt : « Le second mode de la modernité oppose un pouvoir transcendant constitué à un pouvoir im-manent constituant : c’est l’ordre contre le désir ». La contre-révolution s’eff orça de rétablir les idéologies de commandement et déploya un nouveau pouvoir transcendant, en jouant sur la crainte des masses : elle accoucha ainsi de l’absolutisme monarchique. Il s’agissait d’éliminer la forme religieuse de l’autorité, tout en maintenant les eff ets de la domination exercée par un pouvoir transcendant, pour les adapter aux nouveaux modes de production de l’humanité. La théorie de la souveraineté élaborée par Hobbes en constitue le modèle. L’Etat est apparu comme cette puissance capable d’établir l’ordre social sans l’aide de la religion, mais en imposant lui-même aux sujets sa propre transcendance sécularisée. Negri et Hardt démontrent qu’il fallut alors trouver une légitimité à ce pouvoir souverain : celle-ci s’accomplit avec le mythe de la nation. L’Etat-nation est ainsi devenu la forme politique la plus adéquate pour assurer le développement du capitalisme. L’impérialisme lui-même ne fi t encore que témoigner de la suprématie de certains Etats-nations qui allongeaient leurs tentacules au risque de s’entre-déchirer. Mais cette forme politique de l’Etat-nation qui a si bien servi l’essor du capitalisme est eff ectivement devenue un carcan dangereux qui ne pouvait résister à son expansion. Avec la chute de l’URSS, la mondialisation de l’éco-nomie pouvait s’accomplir, mais il lui restait à trouver de nouvelles formes politiques adéquates.

Un nouvel ordre supranational

La caractéristique fondamentale du nouvel ordre mondial tient dans l’essor des sociétés transnationa-les au-dessus et au-delà de l’autorité constitutionnelle des Etats-nations qui a conduit à la recherche d’une confi guration supranationale du pouvoir politique. Car le développement du capitalisme ne supportant pas de frontières, il a fallu trouver des formes d’autorité transversales. Le capital opère sur le plan de l’immanence, par l’intermédiaire de relais et de réseaux de rapports de domination, sans référence à un centre transcendant de pouvoir. Le nouvel ordre mondial se caractérise donc surtout par une déterritorialisation massive, afi n de libérer les fl ux et de favoriser leurs conjonctions. Ainsi, aucun pays ne peut plus prétendre jouer sa carte personnelle, en raison des interdépendances créées. Certes, les Etats-Unis constituent l’élément le plus saillant, en tant que superpuissance qui n’a plus de concurrence directe, mais leur action a tout à gagner à se présenter comme défendant la civilisation mondiale et en s’inscrivant dans le cadre d’une globalisation des décisions, au sein du conseil de sé-curité de l’ONU ou d’organismes collectifs comme le G7, ou les « clubs » de Davos, de Londres, etc. L’enjeu est de réguler les échanges internationaux, de favoriser les réseaux que les sociétés capitalistes transnationales ont étendu à travers le marché mondial : réseaux de fl ux fi nanciers, technologiques, démographiques. Les Etats-nations, ayant perdu leur raison d’être initiale en ayant perdu leur sou-veraineté, ne sont plus que les fi ltres de la circulation mondiale et les régulateurs des décisions prises par les autorités supranationales. Enfi n les peuples seraient présents par représentation à l’assemblée générale des Nations Unies, pour entériner la plupart des décisions prises, et leur voix s’exprimerait à travers les médias. Ceux-ci jouent le rôle ambigu de conscience populaire, puisqu’ils prétendent se faire l’écho des mécontentements et des frustrations, mais en même temps ils se prêtent volontiers à la théâtralisation des initiatives du pouvoir de l’Empire. Ils constituent une instance de vérifi cation pour les actions entreprises par les pouvoirs politiques et économiques. Ainsi, à tous les niveaux, l’Empire s’installe sur un monde lissé, où s’eff acent les striures fi xes laissées par les frontières d’Etats ana-chroniques.

L’ère de la gouvernance biopolitique

Dans ce vaste aménagement planétaire, les transformations du capitalisme ne sont pas seulement quantitatives, mais aussi qualitatives : elles entraînent, par exemple, l’informatisation de l’économie et plus globalement des conditions de l’existence de chacun. Ainsi, il s’agit d’adapter les ressources humaines aux nouveaux défi s. C’est pourquoi, il ne suffi t pas de produire des marchandises, mais aussi des subjectivités à la hauteur de cette société civile mondiale. Negri et Hardt reprennent de Michel Foucault le concept de biopolitique pour penser cette gouvernementalité éthico-politique

Page 18

LNA#33/ Globalisation et violencesDossier

Page 19

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

qui se donne pour objectif de gérer non seulement les biens, mais aussi les populations. Alors que la finalité de la souveraineté se trouvait en elle-même, le but de la gouvernementalité se trouve dans les choses et les êtres sur lesquels elle s’applique. La biopolitique consiste à normaliser la puissance vitale des individus pour en faire une force docile et capable, à réaliser ainsi une véritable orthopédie sociale. Il ne s’agit plus alors de frapper d’interdit les forces sauvages de l’homme, mais plutôt de les discipliner, de les organiser, de les contrôler, pour les rendre rentables. Le travail de la biopolitique tel qu’il est ef-fectué par le FMI, la Banque mondiale ou l’OMC vise à la fois les corps individuels et les populations. Il mobilise la statistique, l’hygiène publique, la pédagogie, la démographie, la culture pour suivre au plus près l’évolution des énergies ainsi mises en relation. Car, l’enjeu consiste effectivement à canaliser le cosmopolitisme induit par la mondialisation, à contrôler les flux migratoires sans pour autant les juguler, à policer le peuple mondial qui, peu à peu, prend conscience de lui-même. Il s’agit de réguler non seulement les interactions humaines, mais la nature humaine elle-même. La mondialisation entraîne une hybridation nécessaire des populations qu’il s’agit à la fois d’accepter, mais aussi de sur-veiller. Ainsi, tandis que le capital global mine les pouvoirs de l’Etat-nation par en haut, les ONG fonctionnent, pour Negri et Hardt, comme une stratégie parallèle d’en bas qui participe à la diffusion d’une conception néo-libérale de la société. Entre deux, les Etats-nations eux-mêmes sont cantonnés à gérer la redistribution des revenus en fonction des besoins de la population, réduits à un rôle sub-sidiaire à l’intérieur de leurs anciennes frontières. Le succès des organisations des droits de l’homme comme Amnesty International ou des groupes écologistes comme Greenpeace ou encore des organi-sations pacifistes, des associations caritatives et médicales témoignent que la cible biopolitique est bien celle de la force vitale qui sous-tend le peuple mondial et dont il faut prendre soin.

La police du monde

Pour l’Empire, il ne peut plus y avoir de guerre, au sens classique du terme, c’est-à-dire comme l’avait analysée Von Clausewitz3. L’Etat-nation portait en lui la guerre « comme la nuée porte l’orage » : il ne pouvait, en effet, s’affirmer qu’en s’opposant. S’il s’efforçait de pacifier l’espace compris entre ses frontières, il reposait sur une logique exclusive vis-à-vis des autres Etats-nations. L’ennemi le limitait, mais en même temps le fondait. Mais les clivages binaires qui définissaient les conflits modernes se sont estompés. L’ Autre qui avait pu délimiter et mobiliser un Etat souverain moderne s’est fragmenté dans l’indistinction et il n’y a plus d’extérieur qui puisse justifier le lieu de la souveraineté. Bien sûr, l’Empire se heurte à des forces réfractaires ; mais, comme le montrent Negri et Hardt, l’Empire ne veut pas y voir des ennemis au sens traditionnel du terme. Nous sommes rentrés dans l’ère des conflits secondaires. Car lorsque le pouvoir prétend englober le monde, il ne peut plus y avoir de guerre véri-table. Dès le moment où nous vivons tous sous la même autorité mondiale, toute guerre impériale ne peut apparaître que comme une guerre civile. Dès lors, les guerres menées par l’Empire sont présentées sans vergogne comme des opérations de police internes. Même si les Etats-Unis détiennent l’hégémonie sur l’utilisation mondiale de la force, cette superpuissance recherche la collaboration des autres, si possible sous l’égide des Nations Unies ou d’un prétendu axe du Bien. Car les Etats-Unis prétendent cristalliser la puissance labile de l’Empire et y jouer le rôle, en quelque sorte, de son minis-tère de l’intérieur. La guerre du Golfe a constitué la première opération de police de l’Empire. Ainsi, l’archaïque notion de « guerre juste » liée à des considérations religieuses à l’époque médiévale a été réactivée pour être utilisée aujourd’hui sans scrupule ; car elle fournit une légitimation éthique aux interventions militaires. Dès le moment où l’intervention militaire obtient l’aval d’une organisation internationale - comme le conseil de sécurité de l’ONU ou l’OTAN - ou un accord tacite internatio-nal, elle donne l’apparence d’être ainsi justifiée. Bien plus, le droit d’ingérence dans un pays quelcon-que est revendiqué, au nom également du maintien de l’ordre. Nous sommes rentrés dans une sorte d’état d’exception permanent, mais qui est légitimé par l’appel aux valeurs universelles de la justice, comme les droits de l’homme, par exemple. Au moment où une conception pseudo-éthique de la guerre prétend remplacer son essence politique, la figure de l’ennemi est brouillée : il ne peut plus y avoir, pour l’Empire, que des ennemis secondaires qui ne sont même plus reconnus comme tels, mais qui sont considérés comme les représentants de la figure du Mal absolu et sur lesquels l’étiquette de « terroristes » permet d’opérer un amalgame facile. Ainsi, il est tentant pour l’Empire de se présenter hors de l’histoire ou de faire croire présomptueusement à la fin de celle-ci.

3 Carl Von Clausewitz, De la guerre, éd. de

Minuit.

Page 18

LNA#33/ Dossier Globalisation et violences

Page 19

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

La libération du mouvement créatif de la multitude

Cependant, pour Negri et Hardt, il serait vain de rejouer une partition ancienne pour espérer remettre en selle l’histoire. Rien ne serait plus dommageable, selon eux, que de prétendre lutter contre l’Empire en s’arc-boutant sur des positions locales ou nationalistes. La localisation des luttes ne peut être qu’une voie sans issue. Comme le clament nos auteurs, « Si l’Etat-nation moderne qui servait de condition obligatoire pour la domination impérialiste et les guerres innombrables est en voie de disparition de la scène du mon-de, alors bon débarras ! Nous devons nous défaire de toute nostalgie mal placée envers la « belle époque » de cette modernité »4. De même, comme l’avait déjà souligné Rosa Luxembourg, il serait vain de procéder à des replis identitaires archaïques, tant à partir de la notion de race que de celle de peuple-nation. Nous sommes désormais en présence d’une multitude d’êtres humains hybrides. Ainsi, le tiers-monde est dans le premier, confi né dans des ghettos, au cœur même des villes, et réciproquement le capitalisme est présent dans les pays les plus reculés. De même, les identités sont devenues fl oues : le salarié est hors de l’entreprise, l’étudiant hors de l’université, le prisonnier hors de la prison… Mais en même temps, ce vaste brassage apparaît comme une chance, pour Negri et Hardt. Au-delà des notions sclérosantes et mystifi antes de nations, voire de peuples, l’Empire est bon en soi dans la mesure où il permet à une vaste multitude d’hommes de prendre conscience d’eux-mêmes en tant que force indispensable au développement du capital : « La multitude est la force productive réelle de notre monde social, alors que l’Empire est un sim-ple appareil d’emprisonnement qui ne vit que de la vitalité de la multitude – c’est-à-dire, en paraphrasant Marx, un régime vampire de travail mort accumulé qui ne survit qu’en suçant le sang du vivant » 5. En s’établissant, l’Empire opère, sans l’avoir sciemment recherché, un décloisonnement salutaire de la multi-tude, vis-à-vis de toute considération de race ou de nation, qui maintenait celle-ci dans des divisions arbi-traires. Tournant le dos à toute transcendance du pouvoir traditionnel, la biopolitique impériale présente le caractère original de s’exercer au plus près des individus singuliers, sur le plan de l’immanence, et de poin-ter leurs forces vitales et leurs désirs ; mais ceux-ci peuvent alors plus facilement prendre conscience de leur puissance. Car, le pouvoir impérial n’est qu’une machine vide, une machine qui ne fonctionne que sur le mode du spectacle, c’est-à-dire qu’il s’organise pour faire croire que les médias, l’armée, le gouvernement, les sociétés transnationales, les institutions fi nancières mondiales sont tous consciemment et explicitement dirigés par une puissance unique, alors qu’en réalité, ils sont obnubilés par les méandres des besoins et des désirs de la multitude, pour les décoder afi n d’optimiser leur effi cacité économique et politique. La multi-tude des subjectivités singulières et hybrides constitue la seule réalité ontologique, par opposition au vide qui habite nécessairement le cœur de l’Empire. Ainsi, dans son autonomie déterritorialisée, l’existence biopolitique de la multitude possède la puissance de se transformer en une masse intelligente capable de rappeler à l’Empire que sans elle, il n’est rien, rien qu’un non-lieu, un système vacant. Il suffi t de rappeler, par exemple, comment le système Internet a pu être détourné de ses fonctions militaires initiales pour devenir un puissant moyen de communication qui permet de mobiliser les énergies. En ayant misé sur la gestion de la vie, l’Empire sera débordé par elle et la plasticité de ses manifestations.

De l’Empire à la démocratie absolue

La multitude plurielle des subjectivités émancipées est seule capable de former des constellations suscep-tibles de produire l’événement, à l’intérieur de l’Empire et contre l’Empire. Celui-ci est à la merci de l’im-prévisibilité de suites d’événements qui viennent enrayer sa machine. Loin d’être à la fi n de l’histoire, l’Empire est soumis aux accélérations soudaines, souvent cumulatives, des luttes. C’est pourquoi, il y a de nouveau du sens, pour Negri et Hardt, à réactiver l’Internationale et de l’urgence à trouver un langage commun pour favoriser l’émancipation de la multitude. Celle-ci se présente comme un nouveau pouvoir constituant : la réelle solution de remplacement à l’unifi cation abstraite et vide des pouvoirs constitués de l’Empire. Car les subjectivités constitutives de la multitude ne sont pas monadiques, mais sont au contraire en mesure de se réapproprier leur substance commune. Soumis à cette exigence d’un nouveau bien commun qui émerge, l’Empire ne peut être voué qu’à la crise et au déclin pour faire place à ce que Negri et Hardt appellent la « démocratie absolue ». Il faut peut-être regretter que Negri et Hardt aient ignoré, dans leurs analyses, le poids de l’Europe qui hésite sur son destin : soit d’être un simple relais éco-nomique de l’Empire, soit de se constituer comme une puissance politique nouvelle qui pourrait mettre en contradiction l’Empire avec lui-même et s’imposer comme l’une des fi gures de la continuation de l’Histoire qui persiste à creuser ses galeries vers la démocratie absolue.

4 Antonio Negri et Mi-chael Hardt, Empire, éd. Exils, 2000, p. 76.

5 Antonio Negri et Mi-chael Hardt, Empire, éd. Exils, 2000, p. 94.

Page 20

LNA#33/ Globalisation et violencesDossier

Page 21

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

LA VIOLENCE INTERNATIONALE

Par Jean-Marie BREUVART, Philosophe

Depuis les temps anciens où l’on défi nissait la philosophie comme l’amour de la sagesse, il ne se passe guère de jours où c’est au contraire la folie qui semble être le plat le plus relevé, à consommer,

comme il se doit, sans modération. Encore pourrait-on se consoler en disant qu’après tout c’est un jeu gratuit, montant en spectacle les côtés les plus irrationnels, les plus dionysiaques aurait dit Nietzsche, de notre chère humanité.Mais lorsqu’une telle folie cesse justement d’être une plaisanterie, parce qu’elle aboutit à des charniers, des attentats meurtriers, des famines et tout ce que l’enfer peut receler de plus raffi né dans le genre, on est en droit de s’interroger sur le sens d’une telle violence. Rappelons-nous : c’était il y a plus de deux siècles, en pleine Révolution française, qui fut pourtant pendant la terreur, assez experte en violences, un certain Emmanuel Kant écrivait un Traité de Paix Perpétuelle, en lequel on pouvait lire :

Pour les hommes, l’état de nature n’est pas un état de paix, mais de guerre, sinon ouverte, au moins toujours prête à s’allumer. II faut donc que l’état de paix soit établi ; car, pour être à l’abri de tout acte d’hostilité, il ne suffi t pas qu’il ne s’en commette point ; il faut qu’un voisin garantisse à l’autre sa sûreté personnelle ; ce qui ne saurait avoir lieu que dans un état de législation.

Or, cet idéal, au vu du monde en lequel nous tentons de trouver sens, apparaît bien insipide : ne fait-il pas du philosophe cette fameuse «belle âme» dont parle Hegel dans la Phénoménologie de l’Esprit ? La question est d’autant plus brûlante aujourd’hui qu’il y a eu, comme on dit toujours depuis, un «avant» et un «après» 11 septembre (en oubliant peut-être que quelques décades auparavant, il y avait aussi eu un «avant» et un «après» Auschwitz, un «avant» et un «après» Hiroshima). En sommes-nous réduits au rôle de simples spectateurs d’une saga humaine dont nous n’aurions plus les clés ? En fait, toutes les violences évoquées ne font jamais que nous rappeler ce que d’aucuns appellent la vio-lence fondamentale, celle dont chacun de nous est issu, enfouie sous des siècles d’habitudes civilisées. La question n’est donc pas celle des diverses barbaries dont nous sommes les témoins, mais elle serait plutôt de savoir si nous avons encore la possibilité de nous y opposer eff ectivement à la seule échelle qui semble compter aujourd’hui : l’échelle internationale. On connaît l’article de Levinas sur Heidegger, Gagarine et nous, article dans lequel sont opposées deux approches : une approche volontairement locale, insistant surtout sur la petite terre de notre naissance (puisque chacun est par défi nition, pour reprendre la belle expression de Brassens, un imbécile heureux qui est né quelque part), et l’autre qui insiste sur la dimension «terrestre» de l’humanité globale. C’est à cette échelle qu’à la fois la violence apparaît dans toute sa nudité et que l’on pourrait prétendre la dépas-ser. En avons-nous pourtant les moyens politiques ?

Page 20

LNA#33/ Dossier Globalisation et violences

Page 21

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

© la

chut

e.pro

d

Peut-être n’y a-t-il précisément rien d’autre à «faire» que de se retrouver devant soi, et de se remettre en présence de cette vérité si souvent dite par Levinas : rentrer en soi-même jusqu’à y retrouver l’autre, celui qui a d’emblée un «diff érend» avec nous parce qu’il est «diff érent» ? Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de retrouver l’autre seulement en pensée, ni de s’isoler dans un monastère, pour y retrouver une paix divine, à l’abri des violences du monde, mais de participer à la vie sociale, par-delà même les frontières. C’est là que s’éprouve le désir de vie ou de mort, c’est là qu’apparaissent les vraies diff érences, et donc les vrais confl its. La belle aff aire, dira-t-on : les réconciliations et les embrassades qui se déroulent ici n’empêchent pas des crimes et des agressions de se produire là. Il ne suffi t même pas de se situer d’emblée à cette dimension de la Terre pour en devenir plus effi cace : ainsi, l’attention portée aux violations des droits de l’homme peut-elle encore être elle-même contaminée par la violence, et s’instrumentaliser en outil de domination d’un peuple sur un autre.Que faire, alors ? Il me semble que, comme toujours, il faut tenir tout ensemble. On ne saurait, au nom des droits de l’homme, adhérer immédiatement à une vision globale qui serait d’emblée applicable à toute l’humanité. Mais nous ne pouvons en même temps trouver de paix défi nitive dans la simple vie locale du «vivons heureux, vivons cachés». Avoir la vision universaliste, non pas comme une ultime dé-robade, mais avec la volonté de la mettre en œuvre dans l’ici-maintenant, avec tous les risques que cette mise en œuvre entraînera quasi nécessairement.Un tel travail est tout simplement celui de la pensée elle-même, telle que la saisissait par exemple Hannah Arendt. Voici par exemple ce qu’écrit Geneviève Even-Gramboulan à son sujet :

Penser ne signifi e pas posséder le vrai. L’une des caractéristiques de l’époque moderne est l’absence de croyance à la possibilité d’atteindre la vérité. L’homme est obligé de penser hors de toutes barrières sans référence à un absolu qui pourrait le guider ; cette constatation n’est pas le résultat d’une nostalgie, car la fi n des absolus est aussi le signe d’une plus grande liberté et d’une nouvelle chance qui s’ouvre à l’action 1.

Ainsi nous est restituée la vérité dernière de la violence : celle du pouvoir de la penser, c’est-à-dire de penser le pouvoir et ses eff ets pervers. Un tel thème rejoint sans aucun doute celui de la non-violence. Simplement, rappelons que la non-violence dont il s’agit n’est pas pure faiblesse. Ce serait naturellement une erreur de voir en Gandhi un faible. Simplement, il avait ce pouvoir de penser la force à partir d’une faiblesse acceptée et de faire ainsi bouger l’empire le plus puissant de l’époque. Il n’y a donc plus aujourd’hui d’opposition entre ce qui serait de l’ordre mondial-institutionnel et la dynamique personnelle de la pensée. Par défi nition, pour ainsi dire, c’est la seconde qui est à même de tarauder peu à peu le premier pour lui faire une violence fi nalement salutaire à l’ensemble : encore faut-il alors garder mémoire de ce qui fait la force de chaque être : la vie qui bat en lui, et qui se bat originel-lement contre l’autre. Car, selon l’expression même d’Éric Weil dans sa Logique de la Philosophie, on ne peut accéder à une vue des choses qui soit salvatrice que si l’on accepte d’abord la vie sur laquelle repose une telle vue. Une civilisation qui oublierait cette vérité élémentaire de la vie serait assez vite guettée par une barbarie dont nous sommes les témoins tous les jours.

1 G. Even-Grambou-lan : Une femme de pensée, Hannah Arendt, Anthropos, 1990, p. 286.

Page 22

LNA#33/ Globalisation et violencesDossier

Page 23

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

APRÈS L’EMPIREEssai sur la décomposition du système américain

On peut être la première puissance du monde, occuper le devant de la scène internationale et mal-gré tout être sur une mauvaise pente. C’est ce que tente d’établir ce livre étonnant qui traite des

rapports entre les États-Unis et le reste du monde.La démonstration d’Emmanuel Todd se base sur une série de données dont certaines sont rarement men-tionnées dans les débats de géopolitique. Loin du pessimisme que l’actualité au jour le jour ne manque pas de susciter, Todd, qui est historien et démographe, analyse des chiff res qui montrent que les choses à la surface de la terre changent rapidement et plutôt en bien. La fécondité diminue dans pratiquement tous les pays du monde. En 1981, l’indice mondial de fécondité était de 3,7 enfants par femme, en 2001, il est tombé à 2,8. Quand on sait que le développement est directement lié au contrôle des naissances, voilà de quoi rassurer : d’une part, nous n’allons pas vers une catastrophe générale due à la surpopulation et d’autre part, des entraves au développement sont en train de disparaître. Un autre indice important devrait nous réjouir, le taux d’alphabétisation des individus de 15 ans et plus, c’est-à-dire la proportion des adultes qui savent lire et écrire, augmente pratiquement partout, même là où on s’y attend le moins. Au Rwanda entre 1980 et 2000, il est passé de 33 % à 64 %, en Algérie de 77 à 85 %, en Afghanistan de 18 % à 47 %, en Chine de 66 % à 85 %, etc. Pour Todd, cette évolution en entraîne petit à petit d’autres et en particulier dans le domaine économique et politique. « Ensemble, écrit-il, ces paramètres révèlent une humanité en train de s’arracher au sous-développement. Si nous les avions mieux en tête nous serions en train de célébrer l’accession de l’homme à un stade décisif de son développement ».Ces progrès en profondeur entraînent une redistribution des forces à la surface de la terre : de nombreuses zones économiques nouvelles apparaissent. Du coup, l’Amérique du Nord perd en importance relative. Sa puissance et son infl uence par l’économie décroissent inéluctablement. Certains indices montrent clairement que quelque chose ne fonctionne plus dans le rapport des États-Unis avec le reste du monde : le défi cit commercial des États-Unis a atteint en 2001 le chiff re colossal de 400 milliards de dollars, soit plus d’un milliard chaque jour. Non seulement les produits américains n’envahissent plus le monde (Airbus a dépassé Boeing en 2002), mais ce sont les Américains qui importent à tour de bras les produits fabriqués dans les nouvelles zones économiques. Le niveau de vie des Américains n’est pas aujourd’hui le résultat de la force de leur système de production, mais en partie - et cette partie augmente chaque année - de ce qu’ils soutirent au reste du monde, d’où ce défi cit commercial énorme des États-Unis qui ne pourra pas toujours durer.L’ Amérique, qui ne contrôle plus vraiment les acteurs économiques majeurs que sont le Japon, la Chine mais aussi l’Europe et la Russie, est contrainte de « jouer les gros bras » et, plutôt que d’aff ronter ses vrais problèmes, elle s’engage sur des terrains militaires faciles : l’Afghanistan n’était pas un ennemi puissant, c’est le moins qu’on puisse dire, et l’Irak après dix années d’embargo ne l’est pas non plus. Emmanuel Todd appelle cela de « l’activisme militaire de théâtre » et il ne peut se substituer à une authentique effi ca-cité économique que les États-Unis sont en train de perdre, chose que leur domination dans le domaine culturel masque pour l’essentiel aujourd’hui. La fameuse globalisation existe bien, mais elle fonctionne à deux niveaux. L’un est général : ce qui se passe en un point du globe concerne le monde dans son ensem-ble ; l’autre, au moins aussi important, est régional. La globalisation à l’échelle des grandes régions géo-graphiques est inévitable car, d’une part, le transport des marchandises ne se fait pas et ne se fera jamais à coût nul et, d’autre part, la culture et la religion ne sont pas et ne seront jamais totalement unifi ées. Il résulte de tout cela que le centre de gravité du monde se déplace vers l’Eurasie, ce qui a pour eff et second d’isoler l’Amérique qui l’est déjà géographiquement de l’Europe. Isolée, elle se retrouve plus faible.Emmanuel Todd propose une série d’arguments qui montrent que, dans une transition éducative et démographique chaque jour plus évidente, la planète tend fondamentalement vers la stabilité. De ce fait,

De Emmanuel TODD, Gallimard, 2002Compte-rendu par Jean-Paul DELAHAYEProfesseur à l’Université des Sciences et Technologies de Lillee-mail : delahaye@lifl .frLaboratoire d’Informatique Fondamentale de Lille, UPRES A. CNRS 8022, Bât M3

Page 22

LNA#33/ Dossier Globalisation et violences

Page 23

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

aucune menace véritable ne requiert plus une Amérique protectrice et armée comme ce fut le cas dans la première moitié du XXe siècle et jusqu’à la chute de l’empire soviétique. Donc, non seulement l’Amé-rique a perdu son importance économique, mais elle est devenue inutile - ou en tout cas moins utile - politiquement et militairement. C’est là une réalité, résultat d’une évolution profonde et massive sur le long terme, et aucune stratégie aussi agressive ou adroite qu’elle soit ne pourra transformer sa situation aff aiblie en situation impériale acceptée par le reste du monde. L’impression de la montée en puissance de l’empire américain créée par la chute récente de l’URSS ne doit pas tromper : l’économie réelle se défi nit par la production, domaine dans lequel l’Amérique recule, et non pas dans la consommation où elle excelle, personne n’en doute (la taille moyenne et donc la dépense énergétique des véhicules américains surprend toujours les Européens en visite aux USA). Ne pouvant contrôler les véritables puissances de son temps, l’Amérique s’invente un axe du mal et, plutôt qu’accepter la vérité de sa position actuelle, bombarde des puissances de seconde importance en jouant une guerre de jeu vidéo dont les victimes sont principalement les civils des pays pauvres. Rappelons qu’on évalue à 500 000 le nombre des enfants morts en Irak à la suite de la guerre de 1991. Les États-Unis ob-tiennent des victoires indignes et faciles dans des guerres où le reste du monde est de plus en plus réticent à les suivre malgré la violence des pressions exercées.L’intérêt de l’analyse de Todd est sa cohérence ainsi que le nombre et la précision de ses arguments : sa culture historique, économique et politique donne à ses thèses, aussi originales qu’elles soient, un carac-tère de vraisemblance tel qu’on s’étonne de ne pas les avoir entendu exposées ailleurs. Ni de droite, ni de gauche, préoccupé de culture, de démographie et d’anthropologie familiale (il mène depuis des années des recherches sur les rapports entre les structures familiales et les choix politiques), Emmanuel Todd, dans cet ouvrage vif, construit une vision puissante dont la nouveauté des conclusions ne nous semble étrange que parce que notre presse, notre télévision et notre monde politique se font l’écho de la vision d’une Amérique qui, depuis la fi n de la seconde guerre mondiale, domine idéologiquement l’Europe. L’histoire qui est en train de se faire (l’euro, les nouvelles guerres quasi-coloniales américaines, l’émer-gence de zones économiques relativement autonomes) marque une rupture profonde dont il est temps que chacun prenne conscience. Citons quelques lignes de la conclusion :« Aucun pays au XXe siècle n’a réussi à accroître sa puissance par la guerre, ou même par la seule aug-mentation de ses forces armées. La France, l’Allemagne, le Japon ont immensément perdu à ce jeu. Les États-Unis sont sortis vainqueurs du XXe siècle parce qu’ils avaient su, sur une très longue période, refuser de s’impliquer dans les confl its militaires de l’Ancien monde. Suivons l’exemple de cette première Amérique. Osons devenir fort en refusant le militarisme et en acceptant de nous concentrer sur les pro-blèmes économiques et sociaux internes de nos sociétés ».

Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain, Emmanuel Todd, éditions Gallimard, 2002. Prix : 18,5 euros.

Page 24

LNA#33/ Globalisation et violencesDossier

Page 25

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

DE L’ANTI-AMÉRICANISME

Depuis le 11 septembre refl eurissent les discours dénonçant l’anti-américanisme, c’est-à-dire que revient la traditionnelle et volontaire confusion entre la critique de la politique des Etats-Unis et

une américanophobie englobant tout ce qui vient de cet Etat. Toute critique de la politique américaine est considérée comme de l’anti-américanisme, comme toute critique de la politique israélienne est consi-dérée comme de l’antisémitisme, puisqu’il est bien connu qu’Israël est l’Etat des Juifs (de tous les Juifs !), comme à l’époque toute condamnation de la politique française en Algérie participait de l’ antifrance. Il est vrai que, dans la même veine, on explique, et parfois on excuse, certaines prises de positions pro-nazies comme une marque de germanophilie.

Sans parler de ceux qui déclarent que les Européens doivent soutenir la politique américaine parce que les Américains ont participé à la lutte contre le nazisme, comme s’il fallait soutenir toute politique française à cause de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, toute politique anglaise à cause de l’Habeas Corpus, ou toute politique allemande à cause de Kant et de Beethoven, oubliant que la politique d’un Etat peut aller à l’encontre des principes affi rmés par certains de ses citoyens. En quoi la politique colo-niale de la France participait-elle des Droits de l’Homme, en quoi le nazisme participait-il des Lumières, en quoi la politique américaine participe-t-elle aujourd’hui des idéaux démocratiques ? Si ces questions ne sont pas posées, on ne peut que prendre des positions rigides participant du «tout ou rien» c’est-à-dire de la peur de penser.

Il suffi t pourtant de lire certains auteurs américains pour comprendre que les critiques de la politique américaine ne sont pas seulement celles de la vieille Europe, comme le déclarait il y a peu un politicien pressé, mais viennent de l’intérieur des Etats-Unis, comme viennent d’Israël certaines des critiques les plus fortes contre la politique israélienne 1, comme étaient françaises les condamnations de la politique française en Algérie dans les années cinquante du siècle denier, comme étaient allemands les engage-ments antinazis de ceux qui ne supportaient pas de voir leur pays sombrer dans le nazisme.

On pourrait alors citer, parmi la littérature critique américaine, les ouvrages de Chomsky, lequel pas-serait en France pour un chantre de l’anti-américanisme, mais aussi d’autres textes dont quelques-uns sont réunis dans une anthologie récemment publiée 2. Parmi ces textes, je citerai la «Lettre de citoyens américains à leurs amis d’Europe» 3 qui rappelle que «la célébration du pouvoir est peut-être le plus vieux métier du monde parmi certains écrivains et poètes». Faut-il alors rappeler à ceux des intellectuels européens qui croient devoir défendre la politique américaine, que leur position, loin de participer à la reconnais-sance de ce que les Etats-Unis ont apporté à la civilisation, est essentiellement allégeance à une politique. D’autant que, comme le rappellent les auteurs du texte cité, la politique américaine se défi nit aujourd’hui comme le droit du plus fort à régenter le monde.

Il est vrai que nombre d’Etats ont su tenir un double langage qui, s’appuyant sur les valeurs démocrati-ques, avait pour premier objectif de faire accepter des politiques de domination ou d’oppression 4. Mêlant à la fois idéaux démocratiques et valeurs religieuses 5, les responsables politiques américains peuvent alors dénoncer l’ Axe du Mal et se présenter comme les premiers représentants de l’ Axe du Bien ; leur discours est d’autant plus pernicieux qu’il s’appuie sur les politiques d’oppression des Etats qu’ils prennent pour cible pour mieux faire accepter une politique qu’ils présentent comme une défense des idéaux démo-cratiques, ce que s’empressent de reprendre à leur compte les thuriféraires de la politique américaine. Comme si le fait de s’opposer à la politique américaine signifi ait le soutien aux politiques des pays-cibles. Ici encore, la peur de penser conduit à un manichéisme facile : «pour Bush ou pour Saddam Hussein». Comme si le monde se divisait en deux, d’un côté la démocratie soutenue par le monde occidental et plus particulièrement par les Etas-Unis, de l’autre les dictatures et l’oppression, comme si une victoire américaine assurait la démocratisation du pays vaincu.

1 Michel Warchawski, Michelle Sibony, À

contre chœur (les voix dissidentes d’Israël),

« la discorde », textuel, Paris 2003

2 L’autre Amérique (les Américains contre

l’état de guerre), « la discorde », textuel ,

Paris 2002

3 ibid. p. 113-118

4 Il faut noter que ces discours ne sont pas

sans effi cacité ; il suffi t de rappeler comment

un gouvernement socialiste, en 1956, sut

retourner l’opinion française pour faire

accepter la guerre d’Al-gérie. Il y eut heureu-sement une minorité,

l’antifrance d’alors, pour dénoncer une telle

politique.

5 Ce qui pose la question de l’harmonie entre valeurs religieuses et

idéaux démocratiques.

Par Rudolf BKOUCHE,Professeur honoraire de Mathématiques

Page 24

LNA#33/ Dossier Globalisation et violences

Page 25

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

Il faut rappeler ici un principe politique implicite dont les gouvernements des Etats-Unis, et plus généra-lement les gouvernements occidentaux, ont su se servir à souhait ; je veux parler de la distinction entre les bons opprimés et les mauvais opprimés. Les bons opprimés sont ceux qui subissent l’oppression des ennemis de l’Occident et qui méritent que l’on vienne à leur secours, les mauvais opprimés sont ceux dont les op-presseurs sont du côté de l’Occident, voire sont une part de cet Occident, alors ces opprimés n’ont droit à aucun secours, si ce n’est parfois quelque compassion humanitaire, mais sans plus. Il est bon que ces mauvais opprimés acceptent leur situation d’opprimés et l’on peut demander à ceux qui les oppriment de savoir ne pas dépasser les normes de la bienséance.

Il faut noter aussi que le fait d’être un bon opprimé ou un mauvais opprimé peut changer en fonction de la conjoncture. Les violations des droits de l’homme commises par Saddam Hussein et l’oppression des Kurdes ne comptaient pas lorsque l’Irak était l’allié de l’Occident et faisait une guerre meurtrière contre l’Iran. À cette époque, les Kurdes n’étaient que des mauvais opprimés et l’on vantait l’Irak, bastion de la laïcité et de la modernité au Moyen-Orient. Aujourd’hui, les temps ont changé et l’allié d’hier est devenu, depuis qu’il a cru que l’Occident lui permettrait d’envahir le Koweït, un ennemi irréductible, un «Etat-voyou» pour employer le langage du maître américain, et mérite d’être combattu. Les Irakiens sont ainsi promus au rang de bons opprimés et méritent d’être libérés de l’oppression quitte à ce que certains d’entre eux soient les victimes de cette guerre qui prétend les libérer. Mais il arrive aussi que la conjoncture transforme certains bons opprimés en mauvais opprimés comme le montre l’exemple des Tchétchènes depuis que la Russie est devenue un allié de l’Occident. Parmi ces mauvais opprimés qui n’ont pas droit au soutien occidental, il faut citer les Palestiniens. Ceux-ci ont le malheur de subir l’occupation, non d’un simple allié de l’Occident, mais d’une part de cet Oc-cident. Alors tout au plus a-t-on quelque compassion pour eux et leur demande-t-on de faire les eff orts nécessaires pour amener leurs oppresseurs israéliens à de meilleures intentions à leur égard. Que l’Etat d’Israël soit l’Etat le plus armé de la région ne pose pas de problème puisque, appartenant à l’Occident, il fait partie des Etats démocratiques, ce qu’il est en eff et, si l’on sait que la démocratie sait être sélective ; en ce sens, la démocratie ne s’oppose pas à l’Apartheid du moment qu’une partie de la population bénéfi cie de la démocratie, les autres ne la méritent sûrement pas. Et l’on sait que le développement de la démo-cratie française s’accommodait de l’oppression coloniale, y compris de l’Apartheid légal dans ses colonies de peuplement. Notons que cette distinction entre bons et mauvais opprimés n’est pas une exclusivité de l’Occident et que d’autres Empires ont su l’utiliser, ainsi l’Union soviétique qui défendait les peuples opprimés dans les colonies européennes en même temps qu’elle savait opprimer tant sur son propre territoire que dans les Etats soumis à son joug.

On voit alors que le soutien envers les peuples opprimés relève moins de la solidarité que de la géopoliti-que, ce que l’on peut résumer de la façon suivante : ceux qui sont opprimés par mes ennemis sont mes amis, ceux qui sont opprimés par mes amis, tant pis pour eux.Le XXIe siècle sera-t-il aussi barbare que le siècle qui l’a précédé ?

BIBLIOGRAPHIE

Noam ChomskyResponsabilité des intellectuels (1996), préface de Michael Al-bert, traduit de l’américain par Frédéric Cotton, «Contre-feux», Commeau & Nadeau-Agone, Montréal-Marseille, 199811/9, Autopsie des terrorismes, entretiens traduits de l’anglais par Hélène Morita et Isabelle Genet, Le Serpent à Plumes, Paris 2001Deux heures de lucidité, entretiens avec Denis Robert et Wero-nika Zara-chowicz, les arènes, Paris 2001De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis, traduit de l’anglais par Frédéric Cotton, préface de Jean Bricmont, «Contre-feux», Commeau & Nadeau-Agone, Montréal-Mar-seille, 2001Le Bouclier américain (la déclaration des droits de l’homme face

aux contradictions de la politique américaine), traduit de l’anglais par Guy Ducornet, Le Serpent à Plumes, Paris 2002De la propagande (entretien avec David Barsamian), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Guillaume Villeneuve, Fayard, Paris 2002

Noam Chomsky, Ramsey Clark, Edward W. SaidLa loi du plus fort (mise au pas des Etats voyous) (1999), traduit de l’anglais par Guy Decornet, Le Serpent à Plumes, Paris 2002

Edward W. SaidDes intellectuels et du Pouvoir, Editions du Seuil, Paris 1996

Michel Warschawski, Michèle SibonyÀ contre chœur (les voix dissidentes d’Israël), «la discorde», tex-tuel, Paris 2003

Page 26

LNA#33/ Globalisation et violencesDossier

Page 27

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

LES NOUVEAUX MAÎTRES DU MONDE

Extraits des pages : 63-64, 66-67 et 69-70

[…] Guy Debord écrit : « Pour la première fois les mêmes sont les maîtres de tout ce que l’on fait et de tout ce que l’on en dit1. » Les maîtres règnent sur l’univers autant par leurs énoncés idéologiques que par la contrainte économi-que ou la domination militaire qu’ils exercent. La fi gure idéologique qui guide leur pratique porte un nom anodin : «Consensus de Washington.» Il s’agit d’un ensemble d’accords informels, de gentleman agreements, conclus tout au long des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix entre les principales sociétés

De Jean ZIEGLERFayard, 2002Extraits sélectionnés par Nabil EL-HAGGAR,Vice-Président de l’USTL, chargé de la Culture

© la

chut

e.pro

d

Page 26

LNA#33/ Dossier Globalisation et violences

Page 27

Dossier Globalisation et violences /LNA#33

transcontinentales, banques de Wall Street, Federal Reserve Bank amércaine et organismes fi nanciers internationaux (Banque mondiale, Fonds monétaire international, etc.).En 1989, John Williamson, économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale, formalisa le «consensus». Ses principes fondateurs sont applicables à n’importe quelle période de l’histoire, à n’im-porte quelle économie, sur n’importe quel continent. Ils visent à obtenir, le plus rapidement possible, la liquidation de toute instance régulatrice, étatique ou non, la libéralisation la plus totale et la plus rapide possible de tous les marchés (des biens, des capitaux, des services, des brevets, etc.) et l’instauration à terme d’une stateless global governance, d’un marché mondial unifi é et totalement autorégulé2.Le Consensus de Washington vise à la privatisation du monde3. […]

1 Guy Debord, Panégyrique, Paris, éditions Gérard Lebovici, 1989.2 Le concept de stateless global governance a été conçu par les théoriciens de la société de l’information, tels Alvin Toffl er et Nicholas Negroponte. (Voir en particulier leurs ouvrages respectifs, Les Nouveaux Pouvoirs, Fayard, 1991, et L’Homme numérique, Laff ont, 1995.) Il a ensuite été repris par les auteurs de l’école monétariste de Chicago.3 Sur la genèse du Consensus de Washington, cf. Michel Beaud, Mondialisation, les mots et les choses, Paris éditions Karthala, 1999 ; Robert Reich, L’Économie mondialisée, Paris, Dunod, 1993 (traduit de l’américain).

[…] Dans l’histoire des idées, cette idéologie des maîtres constitue une formidable régression. La vie, décidément, relèverait de la fatalité ? Le mensonge est gros, mais utile : il permet aux nouveaux maîtres du monde de masquer leurs responsabilités dans ce qu’il advient aux peuples qu’ils oppriment.Bourdieu précise : «Tout ce que l’on décrit sous le nom à la fois descriptif et normatif de «mondialisation» est l’eff et non d’une fatalité économique, mais d’une politique consciente et délibérée, celle qui a conduit les gouvernements libéraux ou même sociau-démocrates d’un ensemble de pays économiquement avan-cés à se déposséder du pouvoir de contrôler les forces économiques […]1.»L’idéologie des maîtres est d’autant plus dangereuse qu’elle se réclame d’un rationalisme rigoureux. Elle procède d’un tour de passe-passe visant à faire croire à une équivalence entre rigueur scientifi que et rigueur des «lois du marché». «L’obscurantisme est de retour. Mais cette fois-ci nous avons aff aire à des gens qui se recommandent de la raison», constate Bourdieu2.À cette pseudo-rationalité s’ajoute un autre danger : en se réfugiant derrière des «lois du marché» aveu-gles et anonymes, la dictature du capital impose la vision d’un monde clos et désormais immuable. Elle récuse toute initiative humaine, toute action historique, issues de la tradition subversive du non encore existant, de l’inachevé, en bref : de l’utopie. Elle exclut l’avenir. […]

1 Pierre Bourdieu, Contre-feux, vol.2, Paris, éditions Raisons d’agir, 2001.2 Entretien avec Isabelle Rueff , Radio Suisse Romande, 31 janvier 1999.

[…] Le cumul des appartenances culturelles singulières dans une société, de même que les appartenan-ces multiples de chacun en son sein, constitue la grande richesse des sociétés démocratiques : la terreur mono-identitaire détruit cette richesse et ces sociétés 1. Or, soumis à l’implacable enseigne de la mondia-lisation, l’homme qui refuse d’être assimilé à une simple information sur un circuit quelconque se cabre, se dresse, se révolte. Avec les débris de ce qui lui reste d’histoire, de croyances anciennes, de mémoire, de désirs présents, il se bricole une identité où s’abriter, se protéger de la destruction totale. Une identité communautaire groupusculaire, d’origine parfois ethnique, parfois religieuse, mais presque toujours productrice de racisme. Ce bricolage, fruit du désarroi, donne prise aux manipulations politiques. Sous prétexte d’autodéfense, il légitime la violence. La mono-identité est l’exact contraire d’une nation, d’une société démocratique, d’un être social vivant, né de la capitalisation des appartenances et des héritages culturels divers, librement assumés. Sous l’eff et de la privatisation du monde et de l’idéologie néolibérale qui la fonde, la société meurt peu à peu. Alain Touraine recourt à cette image saisissante : «Entre le mar-ché planétaire et globalisé et les myriades de mouvements identitaires naissant sur ses marges, il existe un grand trou noir. Dans ce trou risquent de tomber la volonté générale, la nation, l’État, les valeurs, la morale publique, les relations intersubjectives, en bref : la société 2.Toute idéologie assume une double fonction : elle doit signifi er le monde et permettre à chacun de dire sa place dans le monde. Elle est donc à la fois explication totalisante de la réalité et structure motivationnelle des acteurs singuliers. […]

1 Voir à ce sujet Amin Maalouf, les Identités meurtrières, Paris, Grasset, 1998.2 Conversation avec Alain Touraine.

Page 28

LNA#33/ Globalisation et violencesDossier Libres Propos : les lecteurs s’expriment /LNA#33

Page 28

LNA#33/ Dossier Globalisation et violences

Page 29

Libres Propos : les lecteurs s’expriment /LNA#33

Le campus de l’USTL est-il devenu un lieu d’action de membres d’un ou plusieurs groupuscules dont l’une des

occupations consiste à affi cher leurs opinions religieuses et à tenter d’attirer étudiants et enseignants à des réunions d’en-doctrinement ?

Préambule

La science et la spiritualité sont deux champs indépen-dants. Les concepts de l’une ne sont pas nécessairement

appropriés à l’autre. La première est a priori dominée par une approche objective, la seconde est a priori subjective et son raisonnement relève essentiellement de la morale et/ou de l’esthétique. L’homme a beaucoup de diffi cultés à se re-connaître comme l’un de ses objets d’étude : il est une des manifestations de la vie. Quelle que soit notre approche disciplinaire, l’homme est un élément du monde vivant. Ce-pendant, étant conscient de sa pensée, il se considère parfois (souvent ?) comme l’élément ultime et suprême (cf. Bric-mont, 2001). Comme tout être vivant, il est le résultat d’une sélection naturelle et de l’adaptation au milieu (pour une mise au point accessible sur les versions darwinienne, néodarwinienne et ultradarwinienne de cette assertion, voir Blanc, 1990 et Barrette, 2000). Ceci rend caduc tout raison-nement scientifi que à prétention déterministe. Admettre ou postuler que l’homme est le résultat abouti d’une pensée pla-nifi catrice ne relève pas de la science mais de la croyance. Ces deux domaines de pensée sont irréductibles même lorsqu’ils cohabitent chez un même individu.

Faits, interventions et réactions

21-23 mai 2001 – Tracts pour une conférence «Fusion» sur «Ce que les scientifi ques peuvent apprendre des poètes» à l’Es-pace Culture, conférence annoncée dans «L’Intermède» de mai 2001, mais «par l’Institut Schiller». Nous prévenons le président de l’USTL que «Fusion» est le «Magazine de la Fondation pour l’Energie de Fusion», groupe créationniste fondamenta-liste chrétien diff usant des thèses anti-évolutionnistes (Garcia, 2001). Le président Jacques Duveau, sur intervention de son service des aff aires juridiques, fait interdire la conférence sur la base de ce changement de personne morale, «l’Institut Schiller»

ayant servi de façade pour obtenir une salle (arrêté n° 2001-12).27 juin 2001 - Analyse courte de l’épisode du 23 mai dans Charlie Hebdo sous le titre «Contre l’infi ltration des fausses sciences …» par Guillaume Lecointre, maître de conférences au Muséum National d’Histoire Naturelle (Paris) et membre de la Commission Science de la Fédération Nationale de la Libre Pensée.29 juin 2001 – Conférence de Cyrille Barrette, professeur de biologie à l’Université Laval de Québec, intitulée «Réfl exions d’un biologiste darwinien sur la vie extra-terrestre – Réponse aux créationnistes» à l’Espace Culture (cf. Barrette, 2000).18 avril 2002 – Distribution, à la station de métro Cité Scienti-fi que, d’un petit livre bleu de «Nouveau Testament – Psaumes» de «l’Association Internationale des Gédéons» de Cappelle-la-Grande par un groupe d’individus dont plusieurs à fort accent américain. Message au nouveau président de l’USTL.26 avril 2002 - Conférence de G. Lecointre, au CERLA, sur «Les impostures intellectuelles en sciences» pour l’Ecole Doc-torale «Sciences de la Matière, du Rayonnement et de l’Envi-ronnement» (cf. Lecointre, 2001).D’octobre 2002 à février 2003 – Affi chage dans des bâti-ments universitaires de textes tels que «Pense à ton âme, elle est éternelle», «Quelle est ton ambition : la vie ou la mort ?», «Lis la Bible, ton avenir en dépend», «Le péché, c’est la désobéis-sance à Dieu. C’est très sérieux», «Pour toi la Bible c’est quoi ?», «Métro, boulot, dodo … Et Dieu dans tout ça ?». Les deux derniers indiquaient «Association jeunes et chrétiens – AEU». Nouveau courrier au président Hervé Baussart, où l’un de nous exprime son «ras-le-bol» et pose la question suivante : «Est-ce à l’école laïque de valoriser «le religieux» ?» (cf. Mély, 2002). La réponse de M. Baussart, s’appuyant sur son service des aff aires juridiques, rappelle les termes des articles L.141-6 et L.952-2 du Code de l’Éducation, fi xant les conditions d’exercice de l’enseignement et de la recherche dans le service public d’ensei-gnement supérieur (laïcité, indépendance, liberté d’expression, tolérance, objectivité). M. Baussart veillera «à ce que l’Univer-sité ne devienne pas un lieu de prosélytisme religieux».

Environnement (morceaux choisis)

Courant 2002 – Interventions répétées d’un étudiant musul-man, auprès de deux collègues maîtres de conférences, à la fi n de cours et séances de TP de paléontologie, avec mise en cause systématique de la théorie et des preuves de l’évolution.16 août 2002 - Article dans La Voix du Nord sur «La vie n’est pas un fruit du hasard», à l’intention très clairement exprimée : le darwinisme n’est qu’un canular et la résurrection est la dé-monstration de «l’énergie créatrice».

ropagande spiritualiste à l

Par Alain BLIECK , Directeur de recherche CNRS, UMR 8014

et Francis MEILLIEZ, Professeur USTL, UMR 8110

Ces pages sont les vôtres. Vous souhaitez publier un article sur un sujet qui vous pré-occupe, vous exprimer sur une question d’ac-tualité ou tout simplement un sujet qui vous interpelle, réagir aux textes déjà publiés dans les Nouvelles d’Archimède : contactez nous.Espace Culture – Service Communication :03 20 43 69 09 [email protected]

LNA#33/ Libres Propos : les lecteurs s’expriment

Page 30 ces pages sont les vôtres

Libres Propos : les lecteurs s’expriment /LNA#33

Fin 2002 – Dans l’un des magasins Relay du centre commer-cial V2 existe un présentoir bien fourni de revues de vulgarisa-tion scientifi que, où fi gure néanmoins la revue Fusion juste à côté de La Recherche et Pour la Science !

Questions

Qui se cache derrière «l’Institut Schiller», «l’Association Internationale des Gédéons» et «l’Association jeunes et chré-tiens – AEU» ? Les deux premiers semblent n’être que des prête-noms. L’AEU est l’Association d’Entraide Universitaire, équivalent du CROUS pour la Fédération Universitaire et Po-lytechnique de Lille (FUPL = «la Catho»).

Commentaires

Si le problème des relations entre sciences expérimentales (chimie, physique, astronomie) et religions peut paraître résolu (encore que ce ne soit pas vrai pour tous les domaines de ces sciences), en sciences de l’évolution en revanche (biologie, pa-léontologie, géologie), ce problème est réel et non résolu [Voir à ce sujet l’ouvrage collectif de Dubessy & Lecointre (2001) sur les intrusions et impostures en sciences de la terre, biologie évolutive, mécanique quantique et astrophysique ; matérialis-me scientifi que ; stratégies de l’intrusion spiritualiste ; versions forte (créationnisme) et douce (Université Interdisciplinaire de Paris ou UIP) de l’intrusion].Sachant quelle fut la stratégie utilisée par les créationnistes à l’Université de Melbourne (Plimer, 2001), on ne peut que se demander si, derrière les appellations «Institut Schiller», «As-sociation des Gédéons» et «Association jeunes et chrétiens», ne se cache pas quelque secte fondamentaliste chrétienne d’outre-Atlantique. Les sectes US sont nombreuses, puissantes fi nancièrement et très actives. Elles ont actuellement «le vent en poupe» sous le gouvernement de G.W. Bush, issu de la “ Bible Belt ” du sud des Etats-Unis et supporteur des thèses anti-évolutionnistes comme l’avait été R. Reagan (Gastaldo & Tanner, 1984 ; Lecourt, 1991 ; interview de Régis Debray sur France Inter le 17 février dernier).Y aurait-il une stratégie de noyautage de certaines universités dans le but de déstabiliser l’enseignement des sciences à un moment de chute inquiétante des eff ectifs étudiants (Léna, 2002) ? À moins que la campagne d’affi chage en cours ne constitue qu’une réaction aux conférences programmées à l’USTL en 2001 et 2002.Bien entendu, il va sans dire, mais il est bon de signifi er que notre but est conforme au souci du président de l’USTL de «veiller à ce que l’Université ne devienne pas un lieu de pro-sélytisme religieux». S’il y a une campagne programmée d’en-trisme spiritualiste à l’USTL, celui-ci ressort de l’une des pires facettes du fondamentalisme chrétien. C’est à cette facette que nombre de chrétiens eux-mêmes s’opposent par l’intermé-diaire, entre autres, de leurs revues Golias et Esprit. Notre but immédiat est d’attirer l’attention des scientifi ques lillois, voire de provoquer leurs réactions. Nous suggérons qu’une forme

d’enseignement soit prévue sur ce thème au sein des futurs modules du LMD.Dans le contexte international actuel d’hystérie collective «Bien-Mal» ou «Chrétien-Musulman», il serait bon de faire le ménage devant sa porte avant d’aller voir chez les autres. Ceci, bien entendu, ne nous exempte pas de nous méfi er tout autant des fondamentalistes d’autres bords. «Le spiritualisme, a dit Valéry, est la «doctrine» qui permet le plus petit et le plus pauvre eff ort de l’esprit» (in Bouveresse, 2001).

BibliographieC. Barrette, 2000, Le miroir du monde. Évolution par sélection naturelle et mystère de la nature humaine, Éditions MultiMondes, Sainte-Foy (Québec), 337 p.M. Blanc, 1990, Les héritiers de Darwin - l’évolution en mutation, Seuil édit., Paris, collection Science ouverte, 272 p.J. Bouveresse, 2001, Préface. In : J. Dubessy et G. Lecointre (dir.), op. cit., p. 5-15.J. Bricmont, 2001, Science et religion : l’ irréductible antagonisme, In : J. Dubessy et G. Lecointre (dir.), op. cit., p. 121-138.J. Dubessy et G. Lecointre (dir.), 2001, Intrusions spiritualistes et impostures intellec-tuelles en sciences, (Coll. Libre Pensée, 29 sept. 2000, Paris). Éditions Syllepse, Paris, Collection “ Matériologiques ”, 399 p.J.P. Garcia, 2001, Tentatives d’intrusions créationnistes en sciences de la Terre, In : J. Dubessy et G. Lecointre (dir.), op. cit., p. 241-247.R.A. Gastaldo et W.F. Tanner, (conven.), 1984, e Evolution-Creation Contro-versy : Perspectives on Religion, Philosophy, Science and Education. A Handbook (Proc. Symp., SE Section. Meet. Geol. Soc. Amer., 17 March 1983). e Paleontological Society, Spec. Publ. N°1 : 155 p. ; Univ. Tennessee.G. Lecointre, 2001, Anatomie d’un titre, In : Dubessy, J. & Lecointre, G. (dir.), op. cit., p. 23-67.D. Lecourt, 1991, Le “créationnisme américain” face au darwinisme, Le Monde, mercredi 6 mars 1991.P. Léna, 2002, Les études scientifi ques sont-elles en crise ?, In : Encyclopaedia Univer-salis, La Science au Présent 2002, p. 14-30.B. Mély, 2002, Est-ce à l’école laïque de valoriser le “ religieux ” ? Observations critiques sur le rapport Debray. À Contre Courant syndical et politique, n° 139 (oct.-nov. 2002), p. 3-5.I. Plimer, 2001. Science contre créationnisme en Australie, In : J. Dubessy et G. Lecointre, (dir.), op. cit., p. 271-278.

Sites Webhttp://www.bio.ulaval.ca/contenu-fra/professeurs/prof-c-barrette.html(Page de C. Barrette, avec résumé de sa conférence du 29 juin 2001 ; auteur d’un li-vre de vulgarisation sur la théorie néodarwinienne de l’évolution ; organise la riposte à l’entrisme des créationnistes dans le système éducatif québécois).http://www.ncseweb.org(Page du National Centre for Science Education, USA, dédié à la lutte contre le développement du créationnisme).http://www.senat.fr/seances/s199912/s19991216/sc19991216008.html(Dispositif pénal à l’encontre des sectes).http://www-org.premier-ministre.gouv.fr/ressources/fi chiers/mils2002.pdf(Mission interministérielle de lutte contre les sectes).

es pages de lhistoire de ille exhumées en centre ville

Avant l’agrandissement de la galerie des tanneurs, les archéologues de l’INRAP (Institut National de Recherches Ar-chéologiques Préventives) ont entrepris une campagne de fouilles préventives qui permet de mettre au jour nombre d’éléments resurgissant de l’Histoire de la ville de Lille.

Depuis fi n Mai 2002, et pendant neuf mois, une petite équipe de

huit archéologues a travaillé sous la direction de Christine Cercy, archéo-logue de l’INRAP. Ils ont fouillé sur une surface d’environ 1500-2000 m2 et une stratigraphie d’en moyenne deux mètres, atteignant jusqu’à qua-

tre mètres à certains endroits. Le chantier se trouvait caché entre la rue de Paris et la rue des Tanneurs non loin de

l’église Saint Maurice (ces chantiers sont strictement interdits au public). Ces fouilles, s’eff ec-tuant avant l’agrandissement de la galerie des tanneurs actuelle, ont révélé une em-preinte de l’histoire de Lille de la période médiévale au 18e siècle. Sur cette réserve archéologique, trois ensembles ont pu être distingués.

Dans la partie sud-ouest de la parcelle, située au bord de la rue des tanneurs, les archéologues ont exhumé les vestiges d’un atelier de tannage (d’où l’origine du nom de la

rue) qu’ils datent de la fi n du 17e siè-cle. En général, les tanneries étaient situées plutôt en périphérie des cités afi n d’éviter les odeurs désagréables et d’éloigner les déchets abondants. Ces

ateliers étaient placés à proximité de boucheries pour faciliter la récupé-ration des peaux qui étaient ensuite débarrassées des os. Eff ectivement, des fosses dépotoirs ont été découver-

tes, riches en os et en fragments de crânes. Les peaux étaient en-suite lavées, d’où l’installation des ateliers au bord d’un canal, ici le Becquerel, qui prend sa source à Fives. On procédait ensuite à des bains de chaux, en concentration progressive, ce qui permettait de débarrasser les peaux des impure-tés et de les faire gonfl er dans des cuves. Sur le chantier, neuf cuves de tannage ont été dénombrées à l’intérieur desquelles des cercles en bois font supposer leur empla-cement.Cette découverte est particuliè-rement intéressante, étant donné que c’est la première fois qu’à Lille l’intégralité d’une chaîne de tan-nage a été retrouvée.

Derrière la façade de la rue de Paris

La ruelle des Pauvres Claires

Par Katarzyna WOZNICA,Étudiante en Licence de Chimie à l’USTL

LNA#33/ Libres Propos : les lecteurs s’expriment

Page 30 ces pages sont les vôtres Page Page 3131

Libres Propos : les lecteurs s’expriment /LNA#33Ph

oto

INR

APPh

oto

INR

AP

Sur l’autre partie du site, ont été découvertes les traces d’une église et d’un couvent. D’après les archives municipales, ces vestiges correspondraient au couvent des Clarisses, appelées aussi les Pauvres Claires. Cet ensemble a été construit à partir de 1453, date de l’acquisition du terrain, et fut dé-truit en 1792 pendant la Révolution Française (Le terrain sera ensuite vendu au titre des biens nationaux en 1796). L’extension du site fut possible lorsque le Magistrat de Lille (la commune) acheta les terrains des alentours. Malheu-reusement, il est diffi cile de déterminer avec précision les limites au sol du couvent. Eff ectivement, comme dans tout autre fouille archéologique urbaine, de nombreuses destruc-tions postérieures à la construction du bâtiment ont provoqué des perturba-tions qui rendent la lecture du terrain assez diffi cile. Il y a tout de même des limites sûres, telles qu’une partie des fondations de l’église ainsi que le ca-nal du Becquerel. Il faut savoir que des fouilles de sau-vetage ont déjà été menées en 1984 sous l’actuelle galerie des tanneurs. Un atelier de sculpture y avait été mis au jour avec une quantité importante de statuettes. Cette production a été expliquée par l’ampleur que l’ordre franciscain avait pris au 17e siècle en France, ainsi que par une dévotion suscitée par l’attestation d’un miracle.

Le site, qui aurait été occupé dès le 13e-14e siècle, a révélé diff érents bâtiments d’artisans sous le couvent, un four et peut être la présence d’un atelier de tisserand (identifi able par un atelier en cave pour garder un certain taux d’humidité nécessaire à la conservation de la laine).Au 15e siècle, les bâtiments étaient essentiellement construits en pans de bois (bois, torchis, clayonnage), ce qui favorisait les risques d’incendie. On a observé d’ailleurs sur le chantier des traces de combustion imputables à un incendie.À partir du 18e siècle, ce genre de construction commence à disparaître pour laisser place aux constructions en calcaire et en briques. À côté de ces bâtiments, on a retrouvé l’em-

placement de jardins à l’intérieur desquels dix latrines ont été découvertes ; certaines datent de la fi n du Moyen Age, tandis que d’autres sont de l’époque moderne. Dans certaines latrines appartenant aux Clarisses, on a identifi é une quantité importan-te d’arêtes de poisson, due sans doute au régime non carnassier des Pauvres Claires.

Le matériel archéologique le plus impressionnant est un ensemble de 150 sépultures complètes retrouvées princi-palement à côté et dans l’église. Le chœur de l’église ayant été partiellement détruit par la construction d’une cave, de nombreuses sépultures ont été perdues. Les squelettes retrouvés ne sont pas exclusivement ceux des sœurs, des squelettes d’hommes sont aussi présents, on peut suppo-ser qu’il s’agit des donateurs, des confesseurs ou bien des Récollets (franciscains réformés) qui étaient voisins et qui désservaient le couvent des Pauvres Claires.Le reste du matériel est constitué principalement de frag-

ments de céramique et d’os. Beaucoup de cuir (des semelles de chaussures) a été aussi retrouvé, il faut remarquer à ce titre que la rue de Paris était appe-lée auparavant, sur une partie, rue de la Cordonnerie. Les archéologues ont aussi retrouvé des petits objets parti-culiers, tels que des perles de chape-lets, une petite statuette représentant la Vierge Marie, une matrice de sceau, un couteau du 18e siècle. Malheureu-sement beaucoup de matériel a été perdu lors de la construction d’une rangée de caves derrière la façade que l’on peut observer de la rue de Paris. Cette façade, datant du 17e siècle, est classée à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques et sera conservée.

Au vu de l’intérêt d’un tel chantier pour l’enrichissement de la connais-sance du patrimoine archéologique,

on ne peut que déplorer la menace de précarité de l’INRAP ; notre mémoire collective est en péril !

Un diaporama des diff érents chantiers archéologiques de la ville de Lille «Sous les pavés, l’histoire» vous sera proposé par Katarzyna Woznica mercredi 21 mai 2003 à 18h30 à l’Espace Culture de l’USTL.

Aperçu des fondations de l’église

Photo INRAP

LNA#33/ Libres Propos : les lecteurs s’expriment

Page 32 ces pages sont les vôtres

Réfl exion - Débatau café culturel de l’Espace Culture. Entrée libre.

RENDEZ-VOUS D’ARCHIMÈDE Cycle LE CERVEAU

Cerveau et douleurMardi 29 avril à 18h30Professeur Serge BLOND, Service de Neuro-chirurgie, Hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille. Conférence animée par Christine DEMAIRE, UFR de Biologie, USTL.

Les modalités d’intégration et de contrôle de la douleur par le cerveau. De la neurophysiologie à la clinique. Les conséquences thérapeutiques.

Cerveau et toxicomanieMardi 20 mai à 18h30Professeur Michel LE MOAL, Membre de l’Institut Universitaire de France, professeur à l’Université de Bordeaux II et Directeur unité INSERM et Docteur Bertrand RIFF, docteur en médecine, médecin généraliste, consultant en maladie infectieuse et en addictologie, CHU de Lille. Conférence animée par Stefania MACCARI, Laboratoire de neurosciences du comportement, UFR de Biologie, USTL.

Du point de vue de la médecine, qu’est-ce que la toxicomanie ? Comment le couple soignant-soigné parle-t-il du cerveau et des eff ets des substances psycho-actives sur celui-ci ?

CONFÉRENCES hors-cycle :

Géométrie et cadrans solairesJeudi 3 avril à 18h30

Dans le cadre des journées académiques organisées par l’IREM de Lille (Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) sur le thème

« Penser l’espace » les 3 et 4 avril

Bernard ROUXEL , Maître de conférences hono-raire en mathématiques, USTL.

QUESTION DE SENS : Violence, Non-Violence

Pour une culture de non-violence, comment agir ?Mardi 8 avril à 18h30

Lydie PELINSKI, de la coordination régionale pour la décennie de la paix et de la non-violence.

Remerciements à Bernard PINCHEMEL et Jean-Pierre MACREZ.

© la

chut

e.pro

dLNA#33/ Libres Propos : les lecteurs s’expriment

Page 32 ces pages sont les vôtres Page 33

Au programme /LNA#33

Par Françoise HÉRITIER ,Anthropologue,

Professeur honoraire au Collège de France

La dissolution de la hiérarchie est-elle possible ?Mardi 13 mai à 18h30

Espace Culture, Entrée libre

La hiérarchie inscrite au cœur du rapport masculin-féminin, et qu’il conviendrait de dissoudre, est un modèle dominant que l’on retrouve dans toutes les sociétés du monde, bien que s’observent des variantes faibles et fortes. Il continue donc de fonctionner dans la société occi-dentale, dans les mentalités et les comportements. Mais c’est un modèle archaïque qui a été mis en place dès l’aube de l’humanité pour donner sens et cohérence à des observations étonnantes, dont celles qui concer-nent directement les assises de ce modèle archaïque sont la diff érence sexuée, le fait que les femmes produisent du diff érent et pas seulement de l’identique, et le fait que les hommes doivent passer par le corps des fem-mes pour se reproduire à l’identique. Ressources nécessaires, les femmes sont devenues objets d’échange matrimonial entre hommes, ce qui est le fondement du social, aff ectées exclusivement aux tâches reproductives, et exclues du savoir et du pouvoir. Et des systèmes de représentation vivaces ont placé dans le sperme l’origine des enfants.

À partir de cette analyse anthropologique, il apparaît qu’avec la décou-verte des gamètes et du rôle des deux sexes dans la procréation, le regard peut changer sur les constituants de ce modèle. Avec la contraception entendue comme droit reconnu aux femmes, les femmes sont libérées au lieu même où se situait leur mise en dépendance : leur fécondité.C’est à partir de ce droit fondamental de disposer de soi-même en tant que personne que peuvent se propager tous les autres acquis nécessaires à l’égalité, à condition de saper le modèle archaïque dominant par des mesures éducatives appropriées et à condition de faire se rapprocher le masculin et le féminin par des mesures légales (le congé de paternité en est un timide mais explicite début).Il va de soi, devant la diffi culté qu’il y a à ébranler ce modèle archaïque, qu’il serait vain d’attendre une révolution immédiate et qu’on ne pourra parler de dissolution intégrale de la hiérarchie que lorsqu’elle sera univer-sellement atteinte.

ialogueiff érence des sexes et inégalités

LNA#33/ Au programme

Page 34

CITE DE LA REUSSITE

Le forum des débats culturels, économiques, scientifi ques et politiques

Sur le thème nouveaux mondes

À Lille les Samedi 5 et Dimanche 6 avril 2003100 personnalités ont accepté de participer à 30 débats. Artistes, chefs d’entreprise, écri-vains, historiens, philosophes, responsables

politiques et scientifi ques, seront présents pour répondre à vos questions.

À la Chambre de Commerce et d’Industrie,Au éâtre du Nord,Au Nouveau Siècle

Pour connaître le programme et vous inscrirehttp://www.citedelareussite.com

Pour toute information : 0825 825 601

Les Oranges, Pourquoi les Oranges ?

Parce que l’orange, en ce jour de juillet 1830, est la dernière de la famille à expirer, après avoir confi é sa mission au personnage-narra-teur du récit.

« À partir d’aujourd’hui, tu es désigné par le Royaume des Oranges pour établir la légende de ta race. Pour cela, tu dois faire le serment, répète après moi : je jure d’enterrer à jamais cette balle le jour où les gens de cette terre d’Algérie s’aimeront comme s’aiment les oran-ges »… Le personnage se trouve donc chargé d’une mission bien délicate : devenir une sorte d’enregistreur de la mémoire d’un peuple et de son lent parcours vers la liberté.

On voit donc que coexistent, dans le projet même, la cocasserie et l’humour, la gravité et la mémoire. C’est une fi ction, branchée sur l’histoire, mais qu’on peut confondre avec elle. Mémoire en pointillés, mémoire pleine de bruit et de fureur, de trous et de trop-pleins, le style d’Aziz Chouaki, par l’attention qu’il re-quiert, oblige à constater que rien n’est simple au pays « où l’indépendance est arrivée ».

Aziz Chouaki est sûrement l’un des rares écri-vains actuels à tenter - et à réussir souvent - à traduire en littérature le langage algérois fait de poésie et d’insultes, d’approximations franco-

arabes et d’envolées lyriques sur la beauté des fi lles ! … Se surajoutent toutes les références à des fonds culturels qu’on veut toujours pré-senter comme antinomiques.

Tour à tour fable, sketch désopilant, scène stéréotypée de la vie « orientale », croquis de la vie du petit peuple algérois, tableaux tragi-ques de violences et de répressions, le récit est scandé par un certain nombre de leitmotiv particulièrement frappants et assurant un rythme insolite et tendre.

Extrait de la post-face de Christiane Achour et Benjamin Stora

Au-delà des thèmes abordés par Les Oranges, la force de ce texte provient de son humour, de sa vitalité et de la générosité qui s’en dégage. Car Aziz Chouaki nous dépeint aussi une Algérie qui fait rêver et où il fait bon vivre. Le comédien est accompagné d’un percus-sionniste, créateur d’ambiances mélodiques et rythmiques.La scénographie, volontairement dépouillée, est essentiellement constituée d’accessoires dont le comédien se sert pour faire exister des personnages ou des objets, et ainsi créer des situations.

Philippe Boyau et Henri omas, metteurs en scène.

Avec les Oranges, Aziz Chouaki nous parle de son pays, l’Algérie : la coloni-sation, l’Indépendance, le FLN, le chaos et la mort.Dans un pays où le sang a une fâcheuse tendance à remplacer le verbe, où sourire devient un acte de courage ; la parole d’Aziz Chouaki, avec son hu-mour, sa vitalité et une grande générosité, restitue la mémoire d’un peuple, ses errements, ses espoirs et ses peines.

de Aziz Chouaki par La Compagnie du Jour

Mercredi 9 avril, Espace Culture

Soirée organisée par l’association Pan-kultura en partenariat avec l’USTL Culture, à l’initiative de Maqâm.

Entrée libre sur retrait préalable des places à l’Espace Culture

18h30 : rencontre débat autour de la mémoire en Algérie avec Aziz Chouaki

20h00 : théâtre « Les Oranges »Mise en scène : Philippe Boyau et Henri omasComédien : Henri omasPercussionniste : Alain Lafuente

21h00 : échanges avec le public

Dégustation gratuite de thé et vente de pâtisseries arabes pendant la soirée.

photos : DR

LNA#33/ Au programme

Page 34 Page 35

Théâtre_les oranges /Au programme /LNA#33

Jeudi 10 avril à 19h00 à l’Espace CultureEntrée libre sur retrait préalable des places à l’Espace Culture

Par le théâtre de l’Embellie

Spectacle pour un comédien et un musicienD’après l’œuvre de Georges Hyvernaud

Mise en scène : Stéphane BoucherieAvec Jules Jorda (comédien) et Christian Vasseur (musicien)

« Sûrement il y a quelque chose qui m’échappe, quelque chose de très important »

La peau et les os

Il y a quelque chose qui m’échappe est construit comme un monologue, servi par un comédien et un musicien. Le mo-nologue d’un homme qui, après cinq années de captivité, retrouve sa vie. Elle n’est ni plus ni moins belle qu’avant, mais elle a, plus que jamais, le goût de l’ab-surde. Le repas de famille, où l’on fête le retour du prisonnier (sic), et les conversations qui s’y tiennent constituent la trame d’un spectacle qui navigue entre les souvenirs te-naces, pervers de la vie humiliante des camps, les aff res d’un impos-sible retour au quotidien et à ses mesquineries, la dénonciation d’une société du spectacle, règne de la sottise, de la suffi sance et de l’hypocrisie.

Si La Peau et les os constitue le socle de Il y quelque chose qui m’échappe, le texte élaboré tient pourtant compte de l’en-semble de l’œuvre. Non par souci d’exhaustivité mais pour témoigner du cheminement d’une pensée. La captivité n’a certes pas créé le sceptique lucide qu’est Hyvernaud mais l’a indéniablement conforté dans sa conception du monde. L’auteur narrateur est d’autant plus à même de décrypter les bassesses des hommes et du monde qu’ils construisent qu’il a vu le fond des choses, des êtres, sans mensonge. Ni martyr, ni héros, Hyvernaud questionne le genre humain, questionne les évidences. Derrière toute une façade, il y a le vrai. Et le vrai est laid. Il y a quelque chose qui m’échappe ne propose pas de reconstruire une histoire ni même une trame narrative mais de reconstituer une pensée en train

de s’élaborer, un regard sur soi et les autres en train de se forger ce qui implique f la shs -back, ruptures et bégaiements.

Avec une langue simple, directe, non dénuée d’humour, d’humour d’anthracite certes… Hyvernaud interroge toutes les guerres, toutes les humiliations, toutes les mutilations. Celles d’hier, celles d’aujourd’hui, les plus insidieuses peut-être. Les diktats familiaux, sociaux nous parasitent et nous gangrènent, sans même nous en avertir. Moins immédiats qu’une balle perdue, moins bruyants qu’un boulet de canon, ils n’en sont pas moins habiles pour

nous priver d’une part de nous-mê-mes, pour nous bourrer enfi n de « ces certitudes qui ne sont pas les nôtres ».

Stéphane Boucherie

Extraits

« Tout le monde ne peut pas se payer une existence originale. La vie est chère, comme nous nous le

répétons les uns aux autres. Hors de prix. C’en est venu au point que bien des gens y renoncent parce qu’ils n’en ont pas pour leur argent, ou parce que la vie constitue une dépense au-dessus de leurs moyens.

[…]

J’ai compris. L’optimisme est de rigueur. Le rose est de rigueur ? Eh bien, j’ai horreur du rose, voilà tout. Le rose, cette couleur niaise – ce rouge qui est venu avant terme. […] J’aime le vin rouge quand il est rouge. Sans eau bien sûr. Et la peau des fi lles quand elle est brûlée de soleil et de sel. […] Ça ne chante jamais, le rose. Ça ne gueule jamais. Ça minaude. »

Il y a quelque chose qui m’échappe

LNA#33/ Au programme/ Théâtre_il y a quelque chose qui m’échappe

Page 36

Entrée libre sur retrait préa-lable des places à l’Espace Culture

Par La Compagnie Mentir VraiD’après les contes, récits et poèmes de Abdellatif Lâabi, Saïda Menebhi et Nadia Ghalem.

L’ enfermement comme source de libertéLe spectacle commence par le conte de l’écrivain Abdellatif Lâabi, dramaturge, poète et romancier marocain : « La petite fi lle et le voleur de soleil » et est construit à par-tir des témoignages, lettres, poèmes de Saïda Mennebhi et de Nadia Ghalem : deux femmes qui ont subi, cha-cune à leur manière, l’enfer-mement.

Saïda Mennebhi, militante marocaine, fut torturée, in-carcérée à la prison civile de Casablanca où elle décède en 1977. Ses poèmes, lettres, écrits de prison constituent le triple témoignage d’une femme dans sa sensibilité de sœur, de fi lle, d’amie, dans sa conscience de femme à travers la réalité et celle des détenues qu’elle a côtoyées à la prison et dans son engage-ment politique. Le conte «La petite fi lle et le voleur de soleil» lui est dédié. Nadia Ghalem, originaire

d’Algérie, établie au Québec, a publié plusieurs écrits, dont une autobiographie masquée en 1981 : les Jardins de Cristal. Dans une longue lettre à sa mère, elle raconte sa descente dans la folie et la remontée dans la « normalité ». Souvenir de la guerre, de l’enfantement, enfance eff acée par des respon-sabilités trop précoces…

Quête de soi… Entre les lieux réels de l’enfance et les

lieux de l’exil se construit un paysage intérieur : « la Cage de Verre ».

« Le spectacle établit le lien entre le conte (mémoire pro-fonde et héri-tage populaire) et l’histoire vé-cue de ces deux femmes, bien réelles, qui ont mené un com-bat par l’acte et la parole, l’une dans la réclu-sion pour la li-

berté, l’autre contre sa propre folie enfantée par la guerre d’Algérie ».

« Il était une fois, dans un pays n’ayant que le soleil comme richesse, deux pe-tites fi lles qu’on appelait Saïda et Shafi a… »

Une femme de ménage refait deux lits laissés libres par la disparition de deux personnages dans lesquels elle se glisse successivement : Saïda, prisonnière politique au Maroc dans les années 70 et Shafi a, prisonnière de sa propre folie causée par la guerre d’Algérie.Pilier de la mémoire, cette femme de ménage sera la première à se souvenir de Saïda. Elle ouvre les portes du souvenir, appelle les fem-mes à témoigner, elle guide, impulse et off re son espace à qui le veut. C’est en quelque sorte un passeur de mots. Elle introduit l’histoire de Saïda par le conte et permet la transition avec l’histoire de Shafi a en le terminant.Deux portraits de femmes qui aff rontent la vie… leurs vérités, c’est leur parole et leur corps. Deux femmes qui combattent l’enferme-ment et le désordre en elles, qui parlent comme pour conjurer leur désespoir mais où la tendresse dépasse la violence.

La cage de verre

Mercredi 14 mai à 19hEspace Culture

LNA#33/ Au programme/ Théâtre_il y a quelque chose qui m’échappe

Page 36 Page 37

Théâtre_cage de verre /Au programme /LNA#33

ITINÉRAIRES KURDES d’un MONDE à l ’AUTRE

Ce projet photographique traite du thème de la

migration des kurdes vers l’Europe. Au travers de por-traits carrés, posés, je tente de montrer la transformation de l’image projetée par ces hommes vers ceux qui les voient « passer ». Ils sont issus du même pays, qui offi cielle-ment n’existe pas. Ils sont tous motivés pour atteindre ce but non clairement défi ni, l’Eu-rope, remède de leurs maux, solution à leurs problèmes. En route, cette illusion semble se dissiper, balayée par les réali-tés terribles de ce chemin de croix, mafi as, polices. Mais ils n’ont pas le droit à l’échec, portant sur leurs épaules les espérances de ceux qui sont restés ou qui les ont élus. Leur venue est autant une quête qu’une fuite. Ils sont

désignés volontaires.Une perte d’identité tem-poraire, une violence faite à l’individu pour se formater à nos critères, la volonté de s’in-tégrer, au risque de sa vie. Les « Clandestins » sont comme des hommes traqués, trop souvent criminalisés par no-tre société. Les passeurs sont condamnables, les passants le sont-ils ?Ce projet a pour but d’éviter de tomber dans les clichés manichéens qui font des mi-grants de « pauvres réfugiés fuyant guerre et famine » que l’on doit couvrir de couvertu-res et alimenter d’un bol de soupe, ou bien des délinquants arrivant pour des mauvaises raisons économiques et qu’il faut refouler. Acceptons de les voir tels qu’ils sont vraiment. Diff érents, comme nous.

Olivier TouronPhoto Journaliste

Une exposition de photogra-phies d’Olivier Touron en collaboration avec La pluie d’oiseaux sur la migration des kurdes vers l’Europe et la vie quotidienne au kurdistan d’Irak.

Jusqu’au 30 avril, Espace Culture, entrée libre

En tournée dès septembre 2003Contact : Johanne Waquet (USTL Culture 03 20 43 69 09) si vous souhaitez accueillir cette exposition

LNA#33/ Expo photo

Page 38

Au programme /LNA#33

Ce fi lm de 52’’ sur le vol des oiseaux est réalisé par Gilles Santantonio, l’un des réa-

lisateurs habituels d’«Ushuaïa». J’en ai imaginé le scénario en collaboration avec lui, et j’en ai rédigé le commentaire.

Le but du fi lm était de faire un documentaire grand public sur le vol à voile des grands oiseaux planeurs, en évitant d’ennuyer le spectateur : je crois en eff et qu’il ne sert pas à grand chose de faire un fi lm animalier très «pointu» qui n’est regardé que par des naturalistes déjà convain-cus au départ. Il fallait donc essayer de retenir le spectateur, quel qu’il soit, pour qu’il n’ait pas envie de zapper dès les premières minutes. La démarche qui a abouti à ce fi lm est la même que celle qui me conduit, depuis quelque temps, à faire de la «vulgarisation» - articles dans des revues de vol ou naturalistes grand public, conférences, roman «Du vent dans les plumes»,

participation au tour-nage d’émissions de télévision : «Ushuaïa», «La Nature des cham-pions» etc. - même si ce type d’action n’est pas forcément ap-précié dans le milieu scientifi que français.

Le fi lm se présente comme la démarche sur le terrain d’un scientifi que qui étudie le vol de l’oiseau, et qui se fait aider par une équipe de pilotes de vol libre. Cette équipe était constituée

en majorité de champion(ne)s du monde dans leur catégorie : participaient au tournage les pi-lotes Sandie Cochepain (française, championne du monde de parapente), Françoise Dieuzeide (française, championne du monde en aile delta),

Raoul et Félix Rodriguez (deux frères espa-gnols champions du monde d’acrobatie en parapente), Guy-Bertrand Jacquier (suisse, pilote d’essais de prototypes révo-lutionnaires), ainsi que quelques autres... La compétence de ces pilotes de très haut niveau, ainsi que l’intérêt qu’ils portaient au thème du fi lm, m’ont d’ailleurs ap-porté beaucoup d’enseignements et de données nouvelles sur la technique de vol

des vautours – mon sujet de recherche à l’U.S.T.L. - même si ces « retombées » n’ont pu être toutes abordées dans un fi lm qui ne pouvait se permettre d’être trop technique.

Les situations, les questions abordées, les explications relatives aux

oiseaux, les moyens techniques d’étude, les per-sonnages et les sites présentés ont été diversifi és en permanence tout au long du fi lm de façon à maintenir l’intérêt des spectateurs. Le tournage s’est déroulé du 10 au 30 juin, dans les provinces de Navarre et d’Aragon (Nord de l’Espagne), une durée relativement courte puisqu’on estime qu’il faut habituellement une semaine de tournage pour 10 minutes de fi lm. D’autant que la météo n’y a vraiment pas mis du sien !J’ai personnellement eff ectué plusieurs vols en parapente biplace au milieu des oiseaux, mais c’est évidemment le décollage le plus… laborieux qui a été retenu par le réalisateur.Ensuite, ça a été la course contre la montre tout l’été pour terminer le fi lm à temps – montage, ré-daction et enregistrement du commentaire, de la musique - pour qu’il puisse être projeté mi-sep-tembre au festival du fi lm de St Hilaire, consacré aux sports aériens, au vol des oiseaux et au vent. Je n’ai d’ailleurs découvert la version défi nitive du fi lm qu’au cours de la projection lors du festival : elle avait été achevée… l’avant-veille. Plus de 40 fi lms étaient inscrits, 22 sélectionnés, et notre fi lm «Vol au-dessus d’un nid de vautours» a reçu le «Grand Prix du Festival».

Bref, une expérience extrêmement intéressante tant du point de vue scientifi que, par les résultats obtenus, que par les exercices, nouveaux pour moi, qui y étaient associés (rédaction du scéna-rio, des commentaires, tournage etc.).

Ce fi lm a été produit par la société Univerne pour la série « Explore » de France 3. Il a été dif-fusé le 10 novembre dernier et, le lendemain, 14 télévisions étrangères l’achetaient…

Michel MOUZE, Biologiste à l’USTL

Présentation du fi lm « Vol au-dessus d’un nid de vautours »

Légendes

1. Sous la direction de Michel Mouze, les deux frères Rodriguez se placent sous leurs parapentes en position de tandem pour imiter les vautours 2. Préparation au décollage en parapente biplace avec Sandie Cochepain 3. Vautours survolant les Mallos de Riglos 4. (Image de fond) Michel Mouze au sommet des Mallos de Riglos.

Images © Sandie Cochepain.

1.

2.

3.

4. Page 39

Au programme /LNA#33

Lundi 12 mai à 16h30 : projection

réservée aux personnels de l’USTLà 18h30 : projection

ouverte à tousEntrée libre

THÉÂTRE

lundi 5 mai à 20h30

Atelier encadré par Sylviane Sokolowski« 11 septembre 2001 » « 11 September 2001 »

Ce texte écrit par Michel VINAVER dans les semaines qui ont suivi la destruction des deux tours, directement en américain et ensuite seulement adapté en français, sera un os dans notre travail.Car entre ce mardi 25 février 2003 et le lundi 5 mai au soir, date de la représentation,juste une guerre, suspendue.

Et tonnes d’images.Et tonnes de mots.Et des causeurs.Mais, au bout du compte, qui parle ?

«(…) Qui parle ?Le nom des personnages doit être entendu ou vu au même titre que les paroles prononcées.» Michel Vinaver, note liminaire.

DANSE ET CHANT CHORAL

Lundi 19 mai à 19h

Atelier Danse Contemporaine encadré par Virginie Daniau« Tracés des corps »

« …Une ligne d’horizon, un trait léger, une courbe sans li-

mite, une trace indélébile, une frontière… un espace libre, une perspective fugitive… Les corps se dessinent, s’eff acent et laissent des traces ».Cette représentation chorégraphique est l’aboutissement d’un travail d’exploration, de mémorisation, d’échanges entre l’artiste et les étudiants, à partir de la lecture de pein-tures et de photos abstraites.

Atelier Choral encadré par Pascale Diéval«Chansons au travers des âges»

-DOEBARieks Veenker -LASCIA CH’IO PIANGAGeorg Friedrich Händel-DREAM A LITTLE DREAMKahn-Schwandt-André-MORGEN HAS BROKENEléonor Frajeon/Martina Freytag-L’AMANT DE St JEANEmile Carrara-CECILE, MA FILLEClaude Nougaro - Pierre-Gérard Verny-ARMSTRONGClaude Nougaro - Pierre-Gérard Verny

JAZZ

Jeudi 22 mai à 19h

Petite formation, USTL Workshop, encadrée par Olivier Benoit

« Fatal Error »

Cette année, le groupe travaille principalement sur une longue suite écrite par Olivier Benoit, qui mêle jazz, rock et free, parties écrites et improvisations, avec un glissement fréquent entre ces parties. En ce qui concerne l’improvi-sation, nous nous sommes penchés sur les possibilités de jouer de manière atonale ou au contraire très tonale, et

avons également abordé le travail de la polyrythmie.

Grande formation encadrée par Christophe Hache«Be bop»

Pour ce concert de présentation, l’atelier jazz grande for-mation, composé d’une quinzaine de musiciens, présentera un répertoire axé sur la musique be bop, avec en particulier

des compositions de Charlie Parker et Dizzie Gillespie.

LNA#33/ Au programme/ Ateliers de pratiques artistiques

Page 40

Soirées des Ateliers de pratiques artistiquesmai 2003entrée libre

Pratiques artistiques,Des ateliers encadrés par des artistes professionnels,Des séances de répétition d’octobre à mai, Des prestations sur scène,Un week end de stages intensifs et d’échanges : Croisée des arts.

À suivre,Jazz : le workshop au Festival Circum en juin,Photographie : exposition à l’Espace Culture, éâtre : la Cie des Heures Propices(issue des ateliers théâtre 2001/2002) en tournée…

Ateliers 2003/2004,Renseignements et inscriptions dès octobre 2003

LNA#33/ Au programme/ Ateliers de pratiques artistiques

Page 40 Page 41

Ateliers de pratiques artistiques /Au programmeAteliers de pratiques artistiques /Au programme /LNA#33

D’après « Sept lettres contre la mort » d’Yves Prigent.

Crachez, vociférez ce « Non », ce « Non » que depuis si long-temps vous n’avez pas su dire à cette société violente, sournoise, aphasique, incapable de proférer et d’entendre autre chose que les onomatopées extraites d’une langue déchue ou d’une parole humiliée…

par la Compagnie AcetylcholineEntrée libre

Conception – Réalisation et In-terprétation : Marie Groslière et Nicolas Madrecki Oeuvres plastiques :Bram van Waardenberg

Deux viesDeux chemins se croisent Deux personnagesUn homme, une femmeUn seul enjeu :Vivre

Bram van Waardenberg est diplômé en astronomie à l’Uni-versité de Leiden et en peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Rotterdam. Il a organisé des projets et des conférences sur le rapport entre l’art et la science aux Pays-Bas, en Angleterre et en France. Il a présenté des ex-positions à Lille, Dunkerque, Saint-Pétersbourg, Brème, Rotterdam, La Haye… Il a fait des vidéos, des logiciels multi-médias, des installations, des CD-Rom, des publications.

ttendsmoi Jeudi 5 juin à 19h

De Jean-Marie PiemmePar La Compagnie

« éâtre des Heures Propices »Entrée libre

Mise en scène : Paul Laurent, Sylviane Sokolowski

Avec Mehdy Boughriet, Chris-telle Delvoye, Sophie Domon, Charlotte Guilbert, Marie-Hé-lène Jounwaz, Juile Lecouff e, Frédéric Loquet, Marie Moeys, Läetitia Piette, Cyrille Renard, Matthieu Rude et Cécile Van-develle.

« Le Théâtre des Heures Propices »Jeune compagnie lilloise qui réunit des comédiens pratiquant le théâtre en amateur depuis plusieurs années. Chacun d’en-tre eux a participé à des séances d’ateliers encadrés par Paul Laurent : une rencontre qui a donné naissance à une compa-gnie ambitieuse qui nous propose aujourd’hui un spectacle à la fois grave et léger, drôle, émouvant et percutant.

« Eva, Gloria, Léa »Trois femmes, trois imaginai-res, une réalité : LA RÉVOLTE

Un tryptique comprenant « Les Na-geurs », « La serveuse n’a pas froid » et « Le tueur souriant ». Chacun de ces textes, solidement ancré dans la réalité quotidienne, suscite une réfl exion sur les formes de la violence sociale et urbaine.

Sur un plateau presque nu, les acteurs laissent éclater les impulsions des per-sonnages écorchés. À travers l’écriture acérée de J.M. Piemme, qui réalise une autopsie de notre société, sont ainsi revisités par de jeunes comédiens engagés, les thèmes du racisme, de l’exclusion et des inégalités sociales.

Eva travaille dans un magasin de chaussures et n’en a rien à cirer. Elle nous raconte une nuit de virée dans les rues de Liège avec ses deux lou-lous : « Grand Braquet » et « Buisson Ardent », loubards de rencontre.

Gloria est serveuse dans un bar. Situation précaire mais riche en relations humaines. Le problème, c’est le patron : il est odieux et va nous montrer ce que l’on fait aux dingues.

Léa participe à la reconstitution d’un braquage de banque. Elle a tout vu et nous dit tout, même les pensées des personnes assassinées par ce tueur souriant qui a tué quatre fois, sans raison, comme ça…

Lundi 26 mai à 20h

va loria éa

LNA#33/ Au programme/ Théâtre_Eva, Gloria et Léa_Attends-moi !

Page 42

ainsi revisités par de jeunes comédiens engagés, les thèmes du racisme, de

Eva travaille dans un magasin de chaussures et n’en a rien à cirer. Elle nous raconte une nuit de virée dans les rues de Liège avec ses deux lou-lous : « Grand Braquet » et « Buisson Ardent », loubards de rencontre.

Page 43

Au programme /LNA#33

FESTIVAL «Mix’cité»

Vendredi 16, samedi 17 et dimanche 18 mai

Ce festival, organisé par le service Vie Sociale de l’USTL, est imaginé pour off rir aux étudiants un week-end de fête, trois journées dans un campus complètement diff érent… festif.Le but est aussi d’ouvrir les portes de l’université à l’extérieur : habitants de Villeneuve d’Ascq et de la métropole lilloise, éco-

les, collèges, lycées, autres universités…

Au programme tout au long du

Le cirque et la cité, les hauts perchés, salon du Fantastique, salon handisport, lan party, concours de création numé-rique, spectacles de rues, musique aux 4

du campus, expériences de sciences

Horaires : vendredi 16 mai de 12h à minuit ; samedi 17 mai de 10h à 4 heures du matin ; dimanche 18 mai matin

A l’Espace CultureVendredi 16 et samedi 17 mai

Université CosmopoliteEntrée libre

La 2° édition de l’Université Cosmopolite s’inscrit cette an-née dans le cadre du Festival «Mix’cité». Au programme à l’Espace Culture : - une scène ouverte aux petites formes artistiques, lectures, concerts, danse, projections…- un «vidéomaton université cosmopolite» pour recueillir les impressions, expériences et réfl exions des étudiants, person-nels et associations sur la place de l’étudiant étranger dans l’université française.

Renseignements et pré-inscriptions : Mourad SebbatTél : [email protected]

FETE DE LA MUSIQUE

Vendredi 20 juinEspace CultureDe 12h à 15hEntrée libre

Quelques soient vos horizons musicaux, si vous souhaitez participer à cet événement, n’hésitez pas à contacter Mourad Sebbat.

UNIVERSITÉ EUROPÉENNE D’ÉTÉ«La place de l’Université dans la Cité»

Du 24 au 26 septembre 2003Villeneuve d’Ascq / Bruxelles

Co-organisée par l’Espace Culture de l’USTL et l’Université Libre de Bruxelles

L’ université publique, dite «de masse», est dans une phase de transformation importante sous la pression d’exigences diver-ses. Elle s’interroge sur sa raison d’être et son développement futur et réévalue ses missions vis-à-vis de nouveaux défi s que la société actuelle engendre, tant au niveau local que global. Ce lieu, où les diverses approches de la connaissance et les diff érentes cultures, devraient pouvoir se confronter librement en dehors de toute logique de rentabilité, est aussi chargé de transmettre une culture fondatrice de la démocratie et du bien commun ; une culture de l’échange capable d’accompagner et d’anticiper les formes les plus adéquates d’adaptation et de désadaptation futures.

Renseignements : USTL Culture (03.20.43.69.09)[email protected]

Le but est aussi d’ouvrir les portes de l’université à l’extérieur : habitants de Villeneuve d’Ascq et de la métropole lilloise, éco-

les, collèges, lycées, autres universités…

Au programme tout au long du week-end :

Le cirque et la cité, les hauts perchés, salon du Fantastique, salon handisport, lan party, concours de création numé-rique, spectacles de rues, musique aux 4

coins du campus, expériences de sciences amusantes…

Horaires : vendredi 16 mai de 12h à minuit ; samedi 17 mai

Jusqu’au 15 avril Exposition d’art contemporain «Figures de l’errance»

Jusqu’au 30 avril Exposition «Itinéraires Kurdes d’un monde à l’autre» Par La Pluie d’Oiseaux

Jeudi 3 avril 18h30 Conférence « Géométrie et cadrans solaires » avec Bernard Rouxel

Sam. 5 et Dim. 6 avril Cité de la Réussite à Lille

Mardi 8 avril 18h30 Question de sens Violence/Non-violence « Pour une culture de non-violence, comment agir ? » Avec Lydie Pelinski

Mercredi 9 avril 18h30 Rencontre-débat autour de la mémoire en Algérie Avec Aziz Chouaki 20h00 éâtre « Les Oranges »* De Aziz Chouaki par La compagnie du Jour

Jeudi 10 avril 19h00 éâtre « Il y a quelque chose qui m’échappe »* Par le théâtre de l’Embellie

Mardi 29 avril 18h30 Rendez-vous d’Archimède « Cerveau et douleur » Avec Serge Blond

Lundi 5 mai 20h30 Soirée des ateliers éâtre « 11 septembre 2001 » « 11 september 2001 »

Lundi 12 mai 16h30 et 18h30 Projection « Vol au-dessus d’un nid de vautours » Proposée par Michel Mouze

Mardi 13 mai 18h30 Dialogue « Diff érences des sexes et inégalités » Avec Françoise Héritier

Mercredi 14 mai 19h00 éâtre « La cage de verre »* Par la Compagnie Mentir Vrai

16, 17 et 18 mai Festival Mix’Cité et Université Cosmopolite

Lundi 19 mai 19h00 Soirée des ateliers Danse Contemporaine « Tracés des corps » et Chant Choral « Chansons au travers des âges »

Mardi 20 mai 18h30 Rendez-vous d’Archimède « Cerveau et toxicomanie » Avec Michel Le Moal et Bertrand Riff

Mercredi 21 mai 18h30 Projection « Sous les pavés, l’histoire »

Jeudi 22 mai 19h00 Soirée des ateliers Jazz Petite Formation « Fatal error » et Jazz Grande Formation « Be bop »

Lundi 26 mai 20h00 éâtre « Eva, Gloria, Léa » Par le théâtre des Heures Propices

Mardi 27 mai 17h00 Présentation de l’ouvrage «la ville en débat» Forum au Furet de Lille

Jeudi 5 juin 19h00 éâtre « Attends-moi » Par la Compagnie Acetylcholine

Vendredi 20 juin 12h-15h Fête de la musique*Pou

r ce

s sp

ecta

cles

, le

nom

bre

de p

lace

s ét

ant

limité

, il e

st né

cess

aire

de

retir

er p

réal

able

men

t vo

s en

trées

libr

es à

l’Es

pace

Cul

ture

(di

spon

ible

s un

moi

s av

ant

les

man

ifesta

tions

).g e n d aA Retrouvez le détail des manifestations dans le mensuel «l’Intermède», édité par l’USTL Culture

L’ ensemble des manifestations se déroulera au café culturel de l’Espace Culture.

avri

l mai

juin

03

Espace Culture - Cité Scientifi que 59655 Villeneuve d’AscqOuverture des bureaux : du lundi au jeudi de 9h à 19h et le vendredi de 9h à 12h30 sans interruptionCafé et salle d’exposition : du lundi au jeudi de 12h à 19h

et le vendredi de 10h à 14h Tél : 03 20 43 69 09 - Fax : 03 20 43 69 59 www.univ-lille1.fr/culture Mail : [email protected]