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KRISHNAMURTIou

l’insoumission de l’esprit

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Zéno Bianu

KRISHNAMURTIou

l’insoumission de l’esprit

Éditions du Seuil

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COLLECTION DIRIGÉE PARVINCENT BARDET ET JEAN-LOUIS SCHLEGEL

ISBN 978-2-02-128941-1

© ÉDITIONS DU SEUIL, OCTOBRE 1996

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédéque ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contre-façon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Préambule

Rares sont les voix qui ne cherchent pas à endormirl’inquiétude, qui affrontent au plus près l’inconfortd’exister. Qui nous parlent de nous, tels que noussommes – sans jamais voiler notre énigme. Krishna-murti, c’est avant tout la force d’une parole juste,vivante. Qui s’adresse à chacun dans sa part essentielle,banale et inouïe, maudite autant que sublime – dési-gnant ce qu’il y a de plus vif en nous, derrière tous lesécrans mortifères. Parole à la fois transformante et iconoclaste, qui

invite à un bouleversement total du mode d’être. Ce quiest formulé ici ne peut que se découvrir en et par soi-même, au-delà de tout conformisme, au-delà de toutecontrainte imitative. Dans cette perspective radicale, ledésir de vérité l’emporte toujours sur le désir d’autorité.Et pareille vérité ne saurait s’acquérir par l’intermé-diaire d’autrui. Loin de nous jeter aux pieds d’un gou-rou – « il vous faut être votre propre maître et votrepropre disciple1 » –, Krishnamurti nous dépose sim -plement au pied de nous-mêmes, ne confondant jamais

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ceux qui explorent leur vie et ceux qui la décorent.On ne trouvera ici nulle promesse d’extase, nul

au-delà consolateur, nulle chimère pour tromper l’en-nui. Avec Krishnamurti, oserait-on dire, si l’on se réin-carne, c’est de son vivant. Ni oracle de Delphes niparole d’évangile. Pas le moindre dogme, pas le moindreornement, pas le moindre exotisme (« au diable le pitto-resque de la magie2 », disait justement Daumal), maisun enseignement direct, immédiat qui part du seul etunique substrat : notre réalité d’être humain. Non pastels que nous devrions être, mais, une fois encore, telsque nous sommes. Le fait, pas la croyance. Le réel, pasl’idéal. L’attention la plus vive portée sans relâche ànotre présent vivant, à notre – risquons cette coïnci-dence des opposés – émerveillante banalité, afin d’habi-ter pleinement notre vertige. De cette parole splendidement insoumise, qui marque

les limites du savoir et déborde le langage de tout côté,ce livre tente de se faire l’écho. Écho d’une parole, échod’un être – puisque l’être de Krishnamurti, à son plushaut point, n’est autre que son enseignement. En effet,celui qui affirma un jour : « Il n’y a pas de Krishna-murti3 » ne parle jamais de lui, mais de nous – de notreexacte et profonde intimité. Au vrai, il ne s’agit pas tantde comprendre Krishnamurti que de se comprendre soi-même.Sagesse de l’instant, silence, amour, attention, beauté,

souffrance, éducation, justesse, spontanéité, non-savoir,compassion, « mort dans la vie » – les thèmes appro-

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chés ici, sur le mode amoureux de la variation, sontcomme les facettes changeantes d’un même fond sou-verain et inconditionné. Les noms changent, la sourcedemeure. Si ces quelques jalons invitaient le lecteur àmener le seul examen qui vaille : le nécessaire et infinitravail sur soi-même, ce livre n’aurait pas démérité.

PRÉAMBULE

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I. DÉSAPPRENDRE

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L’homme sans croyances

« La méditation est le déploiement du neuf. »

K.

« – Par conséquent, lui dis-je un peu son-geur, nous devrions manger une fois encoredu fruit de l’Arbre de la Connaissance, pourretomber dans l’état d’innocence ?– Sans aucun doute, me répondit-il, c’est le dernier chapitre de l’histoire du monde. »

Heinrich von Kleist.

Assoiffés d’une plénitude autre que le manque quinous fonde, nous cherchons toujours quelque chose queles contingences ne sauraient altérer, « quelque choseau-delà de toute cette souffrance, au-delà de tout cechaos, au-delà des guerres1 » – Dieu, l’absolu, le réel,la « vraie vie », quel que soit le nom donné à « cet innommable aux mille noms2 ». Quelque chose d’oùpuisse sourdre véritablement une « coulée continue deliberté réelle3 ».Méditer, selon Krishnamurti – soit pratiquer le

« connais-toi toi-même » d’instant en instant –, c’estdécouvrir ce quelque chose. Sans le moindre intermé-diaire. Perception directe d’une vérité au-delà desconcepts, des théories et des descriptions. Les plaisirs

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frileux de la spéculation pure s’effacent ici devant larecherche – à la fois pratique et incandescente – d’unevoie de salut. Peu importe au fond la genèse ontolo-gique de notre « captivité », l’essentiel est de s’enaffranchir dans l’instant.A considérer le parcours de Krishnamurti, le premier

mot qui vient à l’esprit est en effet « affranchisse-ment ». Affranchissement de tout ancrage, de toutebéquille, de toute certitude. L’homme pourrait être définicomme un « débusqueur d’illusions », celui qui lèvetous les leurres – sans exception, et jusqu’à celui de sapropre autorité, de sa propre « maîtrise » :« La jarre contient l’eau ; vous buvez cette eau mais

vous ne rendez pas un culte à la jarre. L’humanitévénère la jarre, mais oublie l’eau4. »Quel est donc ce maître qui ne se réclame d’aucun

pouvoir, d’aucune croyance, d’aucune appartenance ?Quel est donc ce maître qui parle – littéralement – aunom de rien ? Qui ne s’appuie sur aucune filiation, fût-elle millénaire ? Qui n’a besoin de nulle tribu pour régner ? Dont la parole de haute déso béissance se déploie sans relâche, secouant la sempiternelleléthargie qui nous soumet à des dogmes et à des « sau-veurs » ? « Ô ami, aimerais-tu la multitude des reflets si tu pou-

vais voir la réalité ? Jette tes cloches, ton encens, tespeurs, tes dieux ; mets de côté tes religions, tes philo -sophies ; rejette tout cela5. » Peur de n’être rien, peur de ne pas durer, peur de

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l’impermanence – peur de la vie, peur de la mort quifondent toutes deux la constante assertion d’unecroyance.Loin d’imposer un évangile, ou quelque catalogue de

modèles respectables qui nous tiendraient toujours pluscaptifs, Krishnamurti ouvre la voie à une approche dela vie libérée de tout conditionnement. A Carlo Suarès,qui l’interroge un jour sur son objectif, il répond :« Déconditionner la totalité de la conscience6. »Singulier gourou qui ne dicte rien, n’apporte ni récon-

fort ni délectation. A l’emprise de la croyance, réalitéde seconde main promise par autrui, il oppose le travailde la vigilance, découverte et mise en question perma-nentes. Il n’offre ni église ni liturgie, rejette toute formed’ascèse ou de prière. « La vérité n’a pas de sentier, etc’est cela sa beauté : elle est vivante. Une chose mortepeut avoir un sentier menant à elle, car elle est sta-tique7. » Maître inclassable, qui fut lui-même sonpropre champ d’expérience, n’invoquant aucun textesacré, aucune autorité, opposant sans cesse la connais-sance intime de soi aux croyances aveugles du moi. Oui, quel est-il ce maître, reconnu dès son plus jeune

âge comme un messie, promis au statut d’« instructeurdu monde », offert, sous la houlette des théosophes, àl’adoration des foules, qui refuse d’être un dieu vivantet rompt, un jour d’août 1929 – jour de refus, jour d’éveil – toute attache avec ses adeptes, affirmant :« Dès que vous suivez quelqu’un, vous cessez de suivrela vérité8 » ?

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Derrière les clichés décrivant une sorte de bon apôtreoccupé à soliloquer sur la fin chaotique d’un millénaire,il importe de retourner au tranchant du message : unerévolution totale et immédiate de la conscience. Pas de nouveau refuge, pas d’élixir de bonheur, pas d’assu-rance-éternité, mais une spontanéité transcendantedégagée des filets de la mémoire, un état absolumentneuf d’instant en instant. Sortir de l’hypnose de lapensée, déloger les certitudes, accéder à une prise deconscience impartiale et incessante – autrement dit, « selibérer du connu ». L’être ne se saisit qu’au soleil deson dépouillement, quand fond la neige du savoir. Laclarté de l’esprit n’est pas un objet d’échange. Celui quivoit n’est pas celui qui croit, lequel n’explore que le ter-ritoire de sa servitude. Celui qui voit ne prend plus sesbéquilles pour une planche de salut, ne comble plus les casiers de la machine à survivre, ne suit plus lescroque-mort du paraître.Dépossession lucide, conscience libre de tout point

d’appui, éclat sans fin de la pure présence. La saisieamoureuse du monde se substitue à l’affirmation péremp-toire du ciel. Voix profonde et fraîche qui vibre juste,parole proprement fécondante qui n’emprisonne dansaucune méthode – « peux-tu enfermer l’eau dans uneétoffe ou retenir le vent dans tes mains9 ? ». Plutôtqu’un sauveur, Krishnamurti est un révélateur, œuvranttoujours dans l’espace même de l’humain. Révélation / révolution, l’une n’allant pas sans l’autre

dans l’optique d’une lucidité brûlante – « l’idée même

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de diriger quelqu’un est antisociale et antispirituelle10 ».Spiritualité et révolte, transparence et sédition, sont icijumelles en abyme. Et qui croit comprendre l’une enrejetant l’autre échoue à saisir la pleine rumeur duvivant.Ce dont témoigne, dans sa flamboyance iconoclaste,

le quinzième Chant de la vie (1930) : « Je n’ai pas de nom, je suis comme la fraîche brise

des montagnes. Je n’ai pas d’abri, je suis comme leseaux errantes. Je n’ai pas comme les sombres dieux desanctuaires ; je ne suis pas dans les ombres profondesdes temples. Je n’ai pas de livres sacrés, je ne suis pasétabli dans la tradition.Je ne suis pas dans l’encens qui s’élève des autels, ni

dans les pompes des liturgies. […] Je ne suis pas encer-clé par des théories ni corrompu par des croyances. Jene suis pas tenu dans les chaînes des religions ni dans lapieuse agonie de leurs prêtres. […]Je ne suis ni en haut ni en bas, je suis l’adorateur et

l’objet de son culte. Je suis libre. Mon chant est le chantdu fleuve vagabond qui appelle les océans ouverts. Jesuis la Vie11. »Nul dogme à réciter, nulle leçon à apprendre. Mais

quête, interrogation, percée. Mais promesse de feu dansune écoute de chaque seconde. Conversion du regard,qui se joue entre le très proche et l’infini. « Voir de trèsprès, c’est l’éternité », note à maintes reprises Krishna-murti. Appel à une transparence incendiaire, où l’on seperçoit au fond du plus profond – « l’esprit ne peut être

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souple que lorsqu’il n’est pas enchaîné à une forme par-ticulière de croyance12 ».Voir de très près, c’est aussi ne plus jouer double jeu.

C’est savoir reconnaître – et, par là, transmuter – sonpropre désordre. C’est mettre en question, et de façonpermanente, la vision d’un monde gouverné par unesprit de distance vis-à-vis du réel :« Vous devez découvrir ce que signifie être en commu -

nion avec vous-même, pas avec le moi supérieur, l’Atman, Dieu et tout le reste, mais être vraiment encontact avec vous-même, votre avidité, votre envie,votre ambition, votre brutalité, vos illusions et avancer àpartir de là. Vous découvrirez alors vous-même – vousdécouvrirez, personne ne vous le dira, ça n’aurait pasde sens – qu’il n’y a une action globale que lorsquel’esprit est dans le silence le plus absolu13. »Trop religieux pour être croyant, Krishnamurti s’op-

pose à ceux qui refusent de mourir à leurs limitations –ceux qui se sont emparés de la révélation, quelle qu’ellesoit, pour la transformer en objet de culte. Il y a là unscepticisme résolu à l’égard de toute espèce de formula-tion théorique qui se voudrait définitive, exclusive. Unscepticisme à l’endroit de tout ce qui arrête, interrompt,fige, pétrifie. S’il est une présence toujours présente,elle agit hors de toutes cloisons étanches. On ne coulejamais assez dans le réel. A pic, et en toute rigueur– «[…] vous ne sauriez apprendre si vous vous conten-tez de suivre l’autorité du connu14 ». Ici, la parole n’est jamais refermée ; elle ne table pas

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sur le seul savoir, mouvement du passé qui occulte sanscesse le présent, traduisant mécaniquement le fait enidée, laquelle détourne aussitôt du fait. Selon un telpoint de vue, voir la vérité, c’est voir qu’aucun système,aucune méthode, aucune pratique ne mène jamais à lavérité. De ce « pays sans chemins », nulle organisation,nulle foi, nul dogme n’offre les clés. Au sens le plus fort, « ce que l’on répète n’est pas la

vérité ; c’est un mensonge, car la vérité ne peut êtrerépétée15 ». La répétition ne transmet rien d’autrequ’elle-même. Il ne s’agit plus alors de traduire enmots, mais d’observer au plus près le vif du monde,sans s’attacher à une conclusion, sans se cramponner àune expérience. « Ne le répétez pas » – ainsi Krishna-murti ponctue-t-il nombre de ses paradoxes, qu’il s’at-tache à laisser éclore. Répéter, en effet, c’est faire de soiun être de seconde main, accepter le tracé d’autrui,rechercher la perpétuation du même – bref, mener unevie d’emprunt, où le moi n’est plus que le mot mort desautres. Nous vivons de mots consolateurs. « Il faut cre-ver les mots16 » pour trouver sa propre réponse. En écho à l’injonction de la Katha Upanishad – « Levez-

vous, éveillez-vous ! » –, Krishnamurti veut un hommedebout, et non un esprit larvaire, pétrifié dans le marbreréconfortant du dogme. Non qu’il nie la foudroyanteclarté d’un Christ ou d’un Bouddha, mais il nous engage à devenir notre propre lumière, hors de toutemythologie apaisante. Pour qui a traversé le miroir desêtres et des choses, l’ébranlement ne se paie jamais de

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mots vides. Ce « maître de la réalité », selon Henry Mil-ler, « a renoncé à plus de choses qu’aucun autre homme,à part le Christ »17.Par le refus de tout faux-semblant, de tout faux-

fuyant, Krishnamurti ferre le cœur, inimitablement.D’un tel enseignement, on peut dire qu’il ne pose quedes questions, mais les seules qui comptent. Qu’il passeà la question l’ensemble de la vie. Qu’il ne laisse jamais l’énergie engendrée par la question s’égarer dans les réponses toutes faites de la mémoire. Qu’ildemeure dans l’aurore de la question, dans son infinitremblement – «[…] il n’y a de sécurité que si l’onadmet que la vie n’en offre aucune, mais qu’elle est enperpétuel mouvement18 ».Le questionnement se révèle plus décisif que la

réponse ; l’apprendre plus déterminant que ce qui estappris. Lorsque fleurit le dialogue, à l’antipode du ser-mon, celui qui interroge et celui qui écoute perdent leuridentité – « la question subsiste, mais les questionneursdisparaissent19 ».Miroir vide, Krishnamurti renvoie à chacun « ce qui

est » – « mes mots ne sont qu’un miroir qui vous per-met de vous observer vous-mêmes20 ». Il rejette laparole comme pouvoir pour retrouver le pouvoir d’uneparole se découvrant en train de naître, forçant lapensée dans ses extrêmes limites jusqu’à ce qu’elle netrouve plus d’issue – jusqu’à ce que les mots soientécoutés, perçus sans réaction verbale.Pour ce non-maître, qui jamais ne permit qu’on s’in-

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Suite pour Albert AylerLes Faunes, 2002

Les Poètes du « Grand Jeu »

(édition)Gallimard, 2003

Michel Mousseau, le temps de lumière

J.-M. Place, 2003

La Troisième RiveFata Morgana, 2004

Je viens du plus profond

(avec Nicolas Rozier)Virgile, 2005

Pour Elvin Jones(avec Mard Feld)Pleine Page, 2007

adaptations

Le Chevalier d’Olmedode Lope de Vega

Cour d’honneur du palais des Papes, AvignonOdéon-Théâtre de l’Europe, Actes Sud-Papiers, 1992

Le Livre de Spencer

d’après Marlowe et BrechtOdéon-Théâtre de l’Europe, 1994

L’Idiot, dernière nuitde Fedor Dostoïevski

Odéon-Théâtre de l’Europe, Actes Sud-Papiers, 1999

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Un magicienActes Sud-Papiers, 1999

traductions

Ultimes parolesde Krishnamurti

Albin Michel, 1992

Folle Sagessede Chögyam Trungpa

Seuil, 1993

L’Abeille turquoiseChants d’amour du VIe dalaï-lama

Seuil, 1996

Yi KingSeuil, « Points Sagesses » n° 167, 2001