Kit révolutions arabes

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1 Vers un Printemps Arabe RÉVOLUTIONS mjsparis.com PARIS

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Pour comprendre les enjeux des révolutions dans les pays arabes - par les jeunes socialistes de Paris

Transcript of Kit révolutions arabes

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Vers unPrintemps Arabe

RÉVOLUTIONS

mjsparis.comPARIS

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Vers un renouveau méditerranéen

Depuis le mois de décembre 2010, des peuples de plusieurs pays se sont mis en mouvement, réclamant plus de liber té et de démocratie. Ces revendications, qui se basent sur une aspiration à davantage de justice sociale, trouvent échos dans de nombreux pays, et la révolution tunisienne donne aujourd’hui des idées aux pays voisins.

Cependant, ce contexte international nous montre l’échec cuisant de la politique étrangère de la France et de l’Union Pour la Méditerranée, qui était le premier symbole for t du mandat de Nicolas Sarkozy. La France a trop longtemps préféré appuyer ces régimes autoritaires au nom de la stabilité et de la lutte contre l’extrémisme islamiste, oubliant la légitimité du choix des peuples.

Les Jeunes Socialistes saluent le courage de tous ces peuples à braver les menaces de ces régimes, et ne peuvent qu’encourager tous les peuples à faire tomber ces régimes. Une aspiration commune guide aujourd’hui les jeunesses de ces pays trop longtemps sacrifiées.

Dans ce contexte international, la France doit jouer un rôle impor tant et aider ces peuples à accéder à la démocratie. Elle doit également être moteur dans le développement de cette Union Pour la Méditerranée en créant une zone d’échanges et de coopérations privilégiés. Mais il est nécessaire de se détacher rapidement de la vision Sarkozyste, qui n’aborde la question que sous l’angle de l’immigration et de la sécurité intérieure.

Ce kit permet de comprendre les enjeux et le contexte de ces révolutions dans chacun des pays concernés, qui, finalement, sont tous dif férents. Il permettra de donner aux Jeunes Socialistes de Paris une grille d’analyse de la situation, en vue de la prochaine assemblée générale qui abordera le sujet.

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Le bouleversement auquel nous assistons

aujourd’hui dans le monde arabe n’est pas

sans nous rappeler la chute de l’URSS il y

a 20 ans. Dès le mois de décembre 2010,

c’est la jeunesse tunisienne qui s’est mise

en marche, réclamant la démission de Ben

Ali et de l’ensemble de son gouvernement.

Un mois plus tard, la chute du régime tuni-

sien trouve échos en Egypte, dont le peuple

se soulève et fera de la place Tahrir le sym-

bole de cette révolution.

Dès février, l’ensemble des pays de la région

connaissent des manifestations de plus ou

moins grande ampleur, comme en Algérie ou

au Royaume de Bahreïn, avec, à chaque fois,

les mêmes aspirations. Aujourd’hui c’est le

peuple Libyen qui se lance dans la conquête

de la liber té, af frontant une for te résistance

de Kadhafi, qui n’hésite pas à utiliser des

forces militaires d’ampleur pour réprimer les

manifestations.

En tant que Jeunes Socialistes, nous nous

devons de nous interroger et d’analyser ce

bouleversement, et penser à de nouveaux

moyens de coopération avec ces Etats,

tout en les accompagnant dans une tran-

sition démocratique à laquelle aspirent ces

peuples. Si la France a des relations par ti-

culières avec plusieurs d’entre eux, du fait

d’une histoire commune, elle doit aujourd’hui

por ter un débouché politique à ces révolu-

tions, qui pourrait passer par l’Union Pour la

Méditerranée.

Comment ces mouvements révolutionnaires

sont-ils nés ? Comment doit-on analyser la

force des réseaux sociaux ? Après la Tunisie

et l’Egypte, comment l’ensemble de la région

peut-elle sor tir plus for te de ce bouleverse-

ment du XIXe siècle ? Ces aspirations et

ces exemples peuvent-ils trouver échos en

France et en Europe ?

Un bouleversement régional

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Un contexte de crise sociale

La Tunisie est un pays de 10,5 millions d’ha-

bitants, dont l’âge médian est de 29,7 ans,

symbole d’une population jeune. C’est en

1956 que la Tunisie devient indépendante,

après avoir été sous protectorat français

pendant 75 ans. Avec une croissance de

3,1% en 2009, et un chômage qui dépasse

les 14% on comprend facilement les tensions

sociales qui se sont cristallisées en 2010

dans le pays.

Le 17 décembre dernier, Mohammed Boua-

zizi, un jeune marchand de 27 ans s’est

immolé suite à un contrôle de police, durant

lequel il s’est fait confisquer son matériel de

travail, insulter et violenter par l’une des poli-

cières.

Dans les jours qui ont suivis, des centaines

de personnes se rassemblent, notamment à

Sidi Bouzid, pour protester contre la politique

du pouvoir Ben Ali, en place depuis 23 ans.

Le 27 décembre se sont 1 000 personnes

qui manifestent à Tunis, principalement des

étudiants et des jeunes diplômés, qui re-

vendiquent une meilleure répar tition des

richesses, une politique d’emploi et de créa-

tion de logements.

En quelques jours, ces revendications s’élar-

gissent. Les manifestants réclament davan-

tage de liber té et de démocratie, faisant

vaciller le pouvoir en place, qui ne trouve

d’autre solution que d’envoyer la police tirer

à balles réelles sur la foule.

Le 3 janvier, le collectif de hackers Anony-

mous pirate les sites web de plusieurs minis-

tères pour dénoncer « le niveau de censure

outrageant » de Ben Ali, faisant référence

au blocage des accès à Facebook (réseau

social qui compte pas moins de 2 millions de

Tunisiens inscrits) ou encore à Dailymotion et

Youtube pour éviter que des vidéos ne soient

publiées par les manifestants.

Les manifestations s’intensifient très rapide-

ment. Le 13 janvier, la FIDH (Fédération Inter-

nationale des Droits de l’Homme) recense

166 mor ts. Ce soir-là, Ben Ali intervient en

direct à la télévision d’Etat, ce qui se révè-

lera être son dernier discours. Déjà les 28

Tunisie : le nouveau mur de Berlin

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décembre et 10 janvier, il avait tenu des pro-

messes, tentant de rassurer les Tunisiens et

d’enrayer les manifestations. Il promettait

alors la création de 300 000 emplois. Mais

le peuple n’y croyait déjà plus et demandait

son dépar t immédiat. Le 13 janvier, alors qu’il

promet de ne pas se représenter aux pro-

chaines élections présidentielles, et donne

des signes de changement en limogeant

cer tains de ses conseillers et ministres, son

heure semble venue.

Le lendemain, alors que la Tunisie connaît les

plus grandes mobilisations de son histoire,

Ben Ali s’enfuit pour l’Arabie Saoudite.

Une transition démocratique

difficile

La transition démocratique est dif ficile

et n’est toujours pas acquise aujourd’hui.

En ef fet, après le dépar t de Ben Ali, c’est

Mohamed Ghannouchi qui prend la tête

de l’Etat comme le prévoit la Constitution.

Dès le 16 janvier il annonce la création d’un

gouvernement de transition, excluant les

personnalités impor tantes du régime Ben

Ali. Mais il n’aura pas fallut attendre le len-

demain pour que de nouvelles manifesta-

tions éclatent dans les principales villes du

pays. Ce gouvernement ne convainc pas. Il

reste encore trop marqué par Ben Ali.

Rapidement, les prisonniers politiques vont

être amnistiés, et les avoirs de la famille

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de Ben Ali gelés. Le 27 janvier, Ghannouchi

présente un nouveau gouvernement.

Aujourd’hui, la Tunisie connaît toujours de

for tes mobilisations et grèves. La transi-

tion sera longue, et de nouvelles élections

doivent être organisées.

Une figure de l’opposition émerge

C’est la figure de Ben Jaafar qui s’impose

aujourd’hui dans l’opposition au camp Ben

Ali. Président du Forum Démocratique pour

le Travail et les Liber tés (FDTL), il avait essayé

de se présenter à l’élection présidentielle

d’octobre 2009, mais le Conseil Constitu-

tionnel avait alors invalidé sa candidature,

signe du musellement de l’opposition par le

pouvoir en place. Il déclarait alors dans Le

Monde « ne pas par ticiper à ce scrutin, ce

serait déser ter » (Le Monde 25 sept 2009).

Le 17 janvier dernier, il est nommé ministre

de la Santé publique dans le gouvernement

d’union nationale, ce qui lui donne un nouvel

espace de parole. Il continue de por ter un

autre projet pour la Tunisie.

En 2010, il avait été reçu par le Par ti Socialiste

aux Universités d’été de La Rochelle, mon-

trant ainsi le soutient des socialistes français

à l’opposition tunisienne, bien que le par ti

de Ben Ali soit membre de l’Internationale

Socialiste.

France - Tunisie, des relations privilégiées mais entachées

L’histoire de la France et de la Tunisie est très

liée, et aujourd’hui de for tes relations per-

sistent entre ces deux pays, souvent dirigées

par des intérêts économiques.

Jusqu’en 2002, la Tunisie était la première

source d’impor tation de textiles en France,

avant d’être dépassé par la Chine. C’est

aujourd’hui le pays d’Afrique qui expor te le

plus, devant l’Afrique du Sud. Le textile repré-

sente 50% de la production manufacturière

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du pays. Le second secteur économique

reste le tourisme. Le déser t et les côtes en-

soleillées attirent nombre de touristes, sur-

tout des Français.

Cependant, dans la crise politique que

connaît actuellement la Tunisie, on a pu voir

que le gouvernement Français ne prenait

pas la mesure de l’aspiration du peuple,

préférant favoriser la stabilité du pouvoir.

Michèle Alliot-Marie, alors ministre des Af-

faires Etrangères, avait alors proposé d’en-

voyer l’aide des forces de l’ordre françaises

pour assister la police tunisienne. Un avion

chargé de dizaines de tonnes de matériel

était d’ailleurs af frété et devait se rendre en

Tunisie le jour où Ben Ali a quitté le pouvoir.

On a appris depuis, que la même ministre

s’était rendu en vacances dans le pays du-

rant l’hivers, déclarant ne pas avoir connais-

sance des événements qui avaient pour tant

fait la une de l’actualité, même en France.

Et c’est sans compter la polémique du nou-

vel ambassadeur français qui a méprisé les

journalistes tunisiens lors d’une interview,

obligé de s’excuser en direct sur la télévision

tunisienne.

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L’Egypte aura pris le pas de la révolution

dès la chute du régime Ben Ali en Tunisie. Là

encore, c’est une aspiration à davantage de

justice sociale qui est la source de la contes-

tation contre Moubarak, au pouvoir depuis

29 ans.

Deux poids deux mesures

L’Egypte est le pays le plus peuplé d’Afrique

avec 84,5 millions d’habitants, principale-

ment regroupés au Caire ou le long du Nil,

vrai poumon économique du pays depuis

des millénaires. Avec une croissance du PIB

de 6% en 2010, et un taux de chômage su-

périeur à 10%, le pays ne pouvait échapper

à une crise sociale d’ampleur.

De plus, l’économie repose sur le pétrole, et

le tourisme, deux secteurs qui ne connaissent

pas de crise. Le canal de Suez est égale-

ment l’une des sources de revenus les plus

impor tante du pays. Pour tant, il semble que

l’ensemble de la population ne puisse pas

bénéficier des richesses produites dans le

pays. Dans le 2ème pays d’Afrique, l’inspi-

ration Tunisienne a fait mouche.

Depuis 2008, la tension sociale était for te.

En ef fet, depuis avril 2008 une grande par tie

de la population a faim, et ses revenus ne

suivent pas la flambée des prix des den-

rées alimentaires, victimes de la spéculation

mondiale. En Avril 2008 déjà, l’Egypte avait

connu de grande mobilisation, dont 25% des

mobilisés travaillaient dans le secteur privé.

Finalement, le gouvernement de Moubarak

avait tenu, mais ce mouvement avait popu-

larisé une culture de la mobilisation.

La flamme de la révolte

Le scénario tunisien se reproduit alors en

Egypte. Plusieurs personnes s’immolent, dont

Abou Abdel Monem, dont la mor t suscitera

une grande émotion dans le pays, ce qui

permettra de cristalliser les revendications.

Les premières mobilisations scandaient alors

des « Ben Ali, dis à Moubarak qu’un avion

l’attend lui aussi ».

Mona Eltahawy, une journaliste égyptienne,

Egypte : vers un Printemps Arabe

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explique alors sur son blog comment la Tuni-

sie peut devenir un exemple : « Si tous les di-

rigeants arabes ont suivi les événements tu-

nisiens avec peur, chaque citoyen arabe les

a suivis avec espoir parce que les manifes-

tants ne sont pas islamistes – une menace

utilisée depuis longtemps par nos dirigeants

pour ef frayer et se maintenir au pouvoir. Ce

ne sont pas non plus des troupes étrangères

qui ont renversé le dictateur : ce sont des

gens ordinaires. »

Dès le 25 janvier, la place Tahrir devient le

symbole de la contestation « contre la tor-

ture, la pauvreté, la corruption et le chômage

» rassemblant 15 000 personnes.

Les 18 jours d’une révolution.

Facebook est une nouvelle fois l’informateur

privilégié, et permet à 15 000 personnes

de se rassembler le 25 janvier. Mais Mou-

barak se pense plus intelligent que Ben Ali

et envoie l’armée pour mater la révolte. Plu-

sieurs manifestants sont alors tués. Dès le

lendemain des combats ont lieu devant les

ministères entre les forces de l’ordre et les

manifestants.

Il faudra 3 jours pour que toute l’Egypte

s’embrasse, du Caire à Suez en passant par

Alexandrie.

Comme Ben Ali, Moubarak tente de limiter

la révolte en promettant, par des allocutions

télévisées de nouvelles réformes. Mais le

peuple égyptien, comme le peuple tunisien

quelques jours plus tôt n’y croit déjà plus.

Le 1er février sera un tournant dans la révolu-

tion. Pour la première fois, des pro-Moubarak

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entrent dans une dynamique d’af frontement,

face aux manifestants. Ils se retrouvent alors

aux abords de la place Tahrir pour tenter de la

reprendre. Mais l’armée, va, jour après jour,

s’interposer et protéger les manifestants. Très

rapidement ce sont plus d’un million d’Egyp-

tiens qui manifestent tous les jours.

Le 11 février, au lendemain d’une intervention

télévisée, dans laquelle Moubarak précise ne

pas se représenter et engager des réformes

en profondeur, les manifestants appellent à

un « Vendredi du dépar t ». Moubarak quitte

alors le pouvoir mais pas le pays.

Une révolution au delà des frontière

L’Egypte est un pays clé dans sa région. Pas-

sage entre la Méditerranée et la Mer Rouge,

il est également, avec la France co-président

de l’Union Pour la Méditerranée. Mais c’est

également le pays qui maintient un semblant

de pays dans le Proche Orient, permettant

des discussions entre Israël et la Palestine.

L’idée de voir le pays dans une telle instabi-

lité à fait trembler le monde, jusqu’au Etats-

Unis qui ont cherché par tous les moyens à

prendre le contrôle sur le dépar t de Mouba-

rak pour empêcher les islamistes extrémistes

de profiter de cette vacance pour lancer une

guerre contre Israël.

Finalement, les Frères Musulmans n’auront

pas rencontré la ferveur populaire, et la révo-

lution religieuse n’aura pas eu lieu en Egypte.

Mais la peur reste là. Il faudra attendre les

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prochaines élections pour voir si leur mes-

sage trouve échos dans la société.

El Baradei, le retour de l’opposition

Moubarak avait lui aussi muselé l’opposi-

tion, et imposé un contrôle for t des médias.

Dès le début des mobilisations, il avait fait

couper toutes les connexions à Facebook et

Twitter, ainsi que les réseaux de téléphonie

mobile pour éviter la propagation des reven-

dications et pour censurer les images de la

répression armée.

Pour tant, dès le 28 janvier, El Baradei, op-

posant historique à Moubarak revenait en

Egypte pour s’imposer comme figure de l’op-

position. Ce prix Nobel de la Paix (2005) a

longtemps travaillé pour l’ONU, et a depuis

la révolution annoncé sa candidature aux

prochaines élections présidentielles. Depuis

le 24 février, il rencontre de nombreuses

personnalités politiques d’opposition et des

intellectuels. A la suite d’un congrès excep-

tionnel, il crée avec eux un nouveau mou-

vement politique : l’Association Nationale

du Changement. Reste désormais à savoir

si il pourra trouver un débouché politique à

cette révolution et por ter des propositions de

changement qui feront échos dans la socié-

té egyptienne.

Une dictature militaire

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Libye : vers une guerre civile

Le contexte libyen est dif férent de ses pays

voisins, tant politiquement qu’économique-

ment. En ef fet, il s’agit d’une dictature mili-

taire, mise en place par le Colonel Kadhafi.

C’est en septembre 1969 que Kadhafi prend

le pouvoir par un coup d’Etat et s’impose

comme « guide de la révolution ». Il sou-

haite alors mettre en place un «socialisme

arabe», mais impose une dictature autori-

taire pendant plus de 40 ans. Il instaure ainsi

un nouveau drapeau entièrement ver t. Il

devient aujourd’hui l’un des symboles de la

révoltes: les manifestants brandissent ainsi

le drapeau tricolore rouge ver t noir, qui était

l’ancien drapeau libyen.

Ce pays de 6,2 millions d’habitants, indé-

pendant depuis 1951, a une économie princi-

palement basée sur l’agriculture (70% de la

population active) et le pétrole (30%). À son

arrivée au pouvoir en 1969, Kadhafi nationa-

lise toutes les entreprises pétrolières.

Le contexte social n’est, en Libye, pas le

même qu’en Egypte ou en Tunisie. Ce sont

profondément des aspirations à la liber té et

la démocratie qui animent aujourd’hui les

manifestants à vouloir déloger le Colonel de

la tête de l’Etat.

Rejeté par une majorité de la population

libyenne, Kadhafi envoie son fils dans les

médias pour tenter de redorer son image,

mais il semble de plus en plus isolé, lâché

par des ministres et des responsables mili-

taires, ainsi que par de nombreux soutiens

internationaux.

Une révolution dans le sang

L’aspiration à la démocratie qui a gagné

l’ensemble du monde arabe n’a pas échap-

pé à la Libye. Opprimé par une dictature

for te, le peuple sent que l’heure est venue

de se révolter contre le pouvoir en place,

pour installer une nouvelle démocratie.

Après la victoire des peuples tunisien et

égyptien, les Libyens se sont lancés dans

la bataille. Mais l’armée a aussitôt répliqué

et répondu à la demande de démocratie et

de liber té par le bruit des armes, faisant en

quelques jours des centaines voire des mil-

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liers de mor ts et de blessés.

Kadhafi n’hésite pas à utiliser tous ses

moyens militaires pour enrayer la contagion

révolutionnaire. En ef fet, il fait régulièrement

usage de l’aviation pour bombarder les ma-

nifestants. Si cer taines villes de l’est libyen

tombent aux mains des manifestants deve-

nus des rebelles face au pouvoir, l’armée a

lancé au début du mois de mars une contre

of fensive for te.

Cer tains militaires, n’assumant pas les actes

atroces qui se passent dans le pays ont dé-

cidé de déser ter pour envoyer un signe for t.

Aujourd’hui, le sor t du peuple libyen n’en

est pas jeté. La situation reste tendue, et on

semble rentrer dans une réelle guerre civile.

Pression contre répression

La communauté internationale tente, depuis

plusieurs semaines, de faire pression sur

Kadhafi afin de limiter les massacres de la

population. Mais cette pression semble avoir

pris une autre tournure ces derniers jours

avec une position commune de l’Union Euro-

péenne. L’UE souhaite ainsi mettre en place

d’une zone d’exclusion aérienne pour limiter

les bombardements de l’aviation.

Cependant une nouvelle fois, Nicolas Sarkozy

va trop loin en proposant de faire des frappes

ciblées sur des dépôts d’armes libyens aux

mains du pouvoir. Cette volonté d’ingérence

militaire est, par ailleurs, condamnée par de

nombreux pays, comme l’Italie.

Cette semaine, la France a été le premier

pays à reconnaître of ficiellement le CNT

(Conseil National de Transition) comme

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unique interlocuteur en Libye, et travaille à

ce que les pays du G8 et du G20 le recon-

naissent également.

Le Conseil des ministres des Af faires Etran-

gères européen qui doit se réunir ces lundi

14 et mardi 15 mars doit adopter une position

commune sur la réponse de l’Europe face à

la situation dangereuse en Libye.

La France doit redorer son image

Si la France joue un rôle impor tant au-

jourd’hui sur la scène internationale, c’est

parce qu’elle n’a pas toujours été neutre

face au pouvoir de Kadhafi. En ef fet, si on se

souvient de l’accueil du Colonel à Paris en

2007 pour le lancement de l’Union Pour la

Méditerranée, on a appris ces derniers jours

que des contrats de ventes d’armes avaient

été signés depuis 2007. C’est donc avec des

armes Françaises que l’armée de Kadhafi

massacre aujourd’hui son peuple.

Kadhafi a d’ailleurs annoncé qu’une par tie

des contrats signés avant 2007 avait permis

de financer la campagne de Nicolas Sarkozy.

Si cela est avéré, on comprend aisément

son empressement à voir le Colonel quitter

le pouvoir libyen.

De plus, aux regards des polémiques qui ont

entachées la diplomatie française, la France

se doit de jouer un rôle de premier plan dans

l’aide au peuple libyen pour une transition

démocratique.

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Jordanie : le roi joue la montre

Depuis le mois de janvier, des manifes-

tations se succédent à Amman. Les mani-

festants et les Frères musulmans réclament

des réformes démocratiques urgentes. Le roi

Abdallah II a tenté à la mi-février de calmer

le mouvement en limogeant son gouverne-

ment et en nommant Maarouf Bakhit comme

nouveau Premier ministre. Le nouveau gou-

vernement promet alors une nouvelle loi

électorale, un meilleur accès à l’information

et même une révision de la constitution.

Mais depuis un mois, il ne cesse d’annoncer

de plus en plus de délai, jusqu’à un an pour

voter et mettre en place ces réformes. Le

comité d’union nationale mis en place pour

permettre un dialogue entre la royauté et

les forces d’opposition ne s’est toujours pas

réuni. Les manifestants ont imposé un ulti-

matum au gouvernement lui laissant deux

mois pour mettre en marche la transforma-

tion de l’Etat.

Les premières violences à l’encontre des

manifestants font craindre une détérioration

rapide de la situation. D’autant que les tribus

bédouines, soutien indéfectible du régime

depuis sa création, ont promis de réagir à

toute remise en cause de la royauté. Une

manifestation de soutien au roi a d’ailleurs

rassemblé plusieurs milliers de personnes ce

samedi. Des violences sont à craindre dans

les prochains jours.

Liban : la jeunesse contre les quotas religieux

Le pays, bloqué dans une crise politique de-

puis plus de 20 ans a vu la situation empirer

depuis la guerre contre Israël en 2006 et la

montée en puissance politique du Hezbol-

lah à Beyrouth. Depuis, ce n’est que crise

gouvernementale et violence entre groupes

politiques et confessionnels.

Dernièrement encore, le rappor t de la com-

mission d’enquête sur l’assassinat de l’an-

cien premier ministre Rafic Hariri a provoqué

le dépar t du Hezbollah et de ses alliés, mon-

trés du doigt et soupçonnés d’être les com-

manditaires de l’attentat.

Des révolutions qui font des émules

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Dans cette Etat ou chaque communauté reli-

gieuse possède ses propres droits et institu-

tions, un mouvement de jeunesse se déve-

loppe. Il réclame depuis plusieurs semaines

des changements dans l’Etat libanais, la fin

des cadres religieux, et une plus grande sta-

bilité politique.

Bahreïn : la révolution qui fait vaciller tout le Golf

La situation est très tendue dans ce petit

royaume voisin de l’Arabie Saoudite. En ef fet,

plusieurs grandes manifestations ont eu lieu.

Elles trouvent avant tout leur origine dans un

conflit religieux puisque le gouvernement du

royaume est Sunnite, et que la population est

à 70% Shiite. Le peuple demande aujourd’hui

que le gouvernement quitte le pouvoir.

Bahreïn est aujourd’hui un poids dans la ba-

lance entre les pays de la région. Il accueil

en ef fet une par tie de la flotte militaire amé-

ricaine, ce qui n’est pas du goût de l’Iran.

Iran qui pourrait être à l’origine d’incitations

à la révolution au Bahreïn.

Arabie Saoudite : la jeunesse dans la rue

Bien que le roi Abdallah d’Arabie Saoudite

ait annoncé un programme d’aides sociales

de près de 30 milliards d’euros, la colère

monte d’un cran dans le pays. Dans ce pays

où les moins de 24 ans représentent 70%

de la population, les aspirations à l’égalité,

la justice sociale et la liber té sont extrême-

ment for tes. Ils demandent aujourd’hui une

réelle transition démocratique. Les jeunes

saoudiens expriment également leur révolte

contre la corruption et la monopolisation des

richesses colossales du pays par la ou les

familles régnantes.

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Les tensions religieuses ne semblent pas

avoir d’influence dans ces grandes manifes-

tations, mais l’instabilité de l’ensemble de la

région, peut permettre une coalition shiite

for tement anti-américaine.

Yemen : ca sera long

Depuis fin janvier, les par tis de l’opposition

et les étudiants défilent par milliers à Sanaa,

capitale du pays. Ce sont le par ti socialiste

yéménite et le par ti islamo-tribal al-Islah qui

en sont à l’origine, mais les étudiants ont

aujourd’hui dépassé les appels politiques et

descendent spontanément dans la rue. Les

revendications, quant à elles, ne sont pas

structurées et le gouvernement est loin de

céder, même si le Président a déclaré ne

pas se représenter en 2013. Le pouvoir doit

faire face à ces manifestations sur fond de

revendications sécessionnistes qui animent

le sud du pays.

Maroc : le roi cède

Après plusieurs grandes manifestations de-

puis le début de l’année au Maroc, le roi Mo-

hammed VI vient de céder en annonçant des

réformes constitutionnelles. Si les manifesta-

tions n’ont pas connu l’ampleur de celles de

Tunisie ou d’Egypte, elles ont suf fit à aler ter

le roi, qui préfère répondre rapidement plutôt

que de laisser la situation s’envenimer.

Le peuple marocain a ainsi obtenu une tran-

sition démocratique vers une monarchie

constituante sur le modèle anglais. Le roi,

dans un discours la semaine dernière a pro-

mis un référendum pour voter cette nouvelle

constitution. De plus, le roi promet « l’élargis-

sement du champ des liber tés individuelles

et collectives et la garantie de leur exercice,

ainsi que le renforcement du système des

droits de l’homme dans toutes leurs dimen-

sions, politique, économique, sociale, cultu-

relle, environnementale et de développe-

ment. »

Algérie : pas de structuration, pas de révolution

Depuis le mois de décembre 2010, plusieurs

manifestations ponctuelles ont éclaté en Al-

gérie, avec des revendications de meilleure

répar tition des richesses. C’est le Rassem-

blement pour la culture et la démocratie

(RCD – qui n’a rien à voir avec le RCD de Ben

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Ali) qui est à l’origine de ces manifestations.

Pour tant chacun de ces rassemblements a

été interdit par le pouvoir de Bouteflika qui

réprime violemment les tentatives de révo-

lutions.

Pour tant Le FFS, le Front des forces socialistes,

par ti d’opposition à Bouteflika ne s’implique

pas dans les manifestations. Selon Karim

Tabbou, son premier secrétaire, « les Algé-

riens veulent que ça bouge mais ils ne font

plus confiance à grand monde. Pas même

au FFS. La société civile est atomisée, les

syndicats aussi. Les conditions ne sont pas

réunies pour que l’impulsion vienne de là » Il

semble donc dif ficile de voir un soulèvement

global s’organiser dans le pays.

Palestine : l’union contre l’ennemi

En Palestine, la journée du 8 mars aura été

le premier pas vers une série de manifesta-

tions. La prochaine, programmée le 15 mars,

a pour mot d’ordre l’union nationale entre

Gaza et la Cisjordanie. Cependant, la com-

munauté internationale regarde de très près

ces événements dont cer tains slogans sont

ostensiblement anti Israël.

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On le constate dans de nombreux pays ac-

tuellement sous tension, les femmes jouent

un rôle très impor tant. En ef fet, au Bahreïn

ce sont elles qui ont lancé la contestation, en

Arabie Saoudite également, elles sont des-

cendues dans la rue le 8 mars, au nom de

la journée mondiale des droits des femmes.

Mais c’est en Libye qu’elles semblent avoir

un rôle décisif. Alors que 67% des femmes

libyennes travaillent, elles ont, depuis la mi-

février, gagné le droit de manifester dans

des cor tèges délimités. Ce fût également le

cas au Royaume de Bahreïn.

Il semblerait également qu’une femme fasse

par tie du Conseil national de transition li-

byen, mais son identité est tenue secrète

pour des raisons de sécurité. Cer taines

femmes, notamment à l’est du pays ont

bénéficié d’une éducation en Egypte ou en

Turquie, et sont aujourd’hui dans les dyna-

miques revendicatrices.

En Egypte et en Tunisie, le rôle des femmes

a été salué par l’Union Européenne. Viviane

Reding déclarait alors le 8 mars dernier : «

Les femmes ont joué un rôle crucial dans le

déclenchement des mutations en cours en

Afrique du Nord. Dans un climat de violence,

elles se sont engagées dans la lutte pour le

changement ».

Cer tains blogueuses se sont également illus-

trées, comme Lina Ben Mhenni. Agée de 27

ans, elle est devenue une icône sous le nom

de Tunisian Girl. « Je ne suis pas journaliste.

C’est juste que je ne pouvais pas rester sans

rien faire » déclare-t-elle.

Le rôle des femmes

Page 20: Kit révolutions arabes

20

Révolutions : génération changement

Dans plusieurs des manifestations on a pu

entendre la revendication de créer des Etats

laïques. La question d’une compatibilité entre

l’islam et la laïcité se pose en ef fet pour tous

les pays touchés par ces révolutions. La

Turquie est en ce sens souvent montré en

exemple. L’AKP (Par ti de la justice et du dé-

veloppement) arrivé au pouvoir en 2003 est

le symbole d’une union entre islam politique

et démocratie.

C’est en tout cas une aspiration qui se dé-

gage de plusieurs pays. En ef fet, le Tesey

(fondation turque d’études économiques et

sociales) a publié un sondage montrant que

66% des habitants de ces pays aspirent à

une démocratie laïque. «C’est l’absence de

revendication religieuse qui a permis à l’AKP

d’arriver au pouvoir » précise Alican Tayla,

chercheur à l’institut de relations internatio-

nales et stratégiques (Iris).

Le modèle turc s’oppose donc au modèle

iranien, et c’est l’un des enjeux de la tran-

sition démocratique qui se met en place en

Tunisie ou en Egypte.

Jeunes Socialistes, nous por tons des va-

leurs de démocratie, et notre internationa-

lisme nous fait por ter un message d’espoir

et d’encouragement vers les jeunes de tous

ces pays.

Cette génération qui aspire au change-

ment dans de nombreux pays du monde

n’est pas sans nous rappeler les manifes-

tations étudiantes en Irlande, en Grèce ou

au Royaume-Uni. En France aussi, les jeunes

veulent changer la société, en profondeur,

et nous devons nous inspirer du courage de

tous ces jeunes qui ont repris leur destin en

main.

Ils ont contribué à ce kit :

Hugo Baillet - Hadrien Chneiweiss - Marc Antonio Pirreda - Clément Tavenard - Erol Yolal