Kanji

6
Là il va falloir attacher sa ceinture, car nous allons aborder l’un des thèmes les plus compliqués mais à la fois inévitables de la langue japonaise : bien sûr, on parle des kanji ou idéogrammes. Un peu d’histoire Il y a environ 5000 ans, en Chine, fut inventé un type d’écriture basé sur des dessins représentant différents concepts matériels ou abstraits. Ce n’est pas rare dans l’histoire humaine, il n’y a qu’à voir les hiéroglyphes égyptiens pour comprendre que le cas chi- nois n’est pas isolé. La particularité de ce cas chinois est que l’écriture ne s’est pas sim- plifiée progressivement pour finir par former un alphabet représentant juste les sons, comme ce fut le cas pour notre écriture romaine, originaire du phénicien et passée par le tamis du grec. À la différence de l’écriture occidentale qui exprime simplement les sons, la double fonction des idéogrammes chinois est d’exprimer à la fois le son et la significa- tion. Bien évidemment ces caractères n’ont pas la même forme actuellement que lorsqu’ils ont été conçus. Ils ont commencé en tant que dessins plus ou moins réalistes des choses, et avec l’usage ils se sont stylisés et simplifiés jusqu’à leur forme actuelle, comme nous pou- vons le voir dans le tableau ci-joint. Relation avec le japonais Les Japonais ignorèrent l’existence de l’écriture jusqu’au IV ème siècle de notre ère : c’est par la suite que l’écriture chinoise fut introduite au Japon. Au départ seulement quelques lettrés savaient lire le chinois : ils l’avaient appris presque exclusivement par la lecture de traités de bouddhisme et de philosophie. Cependant, petit à petit les idéogrammes chinois commencèrent à être utilisés aussi pour écrire le japonais. Néanmoins c’est là que surgit un problème : il y avait déjà une langue japonaise aupara- 34 3 Leçon 3 Leçon 3: Kanji 3 3 Forme originale arbre bois forêt soleil, jour lune, mois brillant montagne oiseau île Origine de quelques caractères Signification Caractère moderne

Transcript of Kanji

Page 1: Kanji

Là il va falloir attacher sa ceinture, car nous allons aborder l’un des thèmesles plus compliqués mais à la fois inévitables de la langue japonaise : biensûr, on parle des kanji ou idéogrammes.

Un peu d’histoireIl y a environ 5000 ans, en Chine, fut inventé un type d’écriture basé sur des dessins

représentant différents concepts matériels ou abstraits. Ce n’est pas rare dans l’histoire

humaine, il n’y a qu’à voir les hiéroglyphes égyptiens pour comprendre que le cas chi-

nois n’est pas isolé. La particularité de ce cas chinois est que l’écriture ne s’est pas sim-

plifiée progressivement pour finir par former un alphabet représentant juste les sons,

comme ce fut le cas pour notre écriture

romaine, originaire du phénicien et passée par

le tamis du grec. À la différence de l’écriture

occidentale qui exprime simplement les sons,

la double fonction des idéogrammes chinois

est d’exprimer à la fois le son et la significa-

tion.

Bien évidemment ces caractères n’ont pas la

même forme actuellement que lorsqu’ils ont

été conçus. Ils ont commencé en tant que

dessins plus ou moins réalistes des choses, et

avec l’usage ils se sont stylisés et simplifiés

jusqu’à leur forme actuelle, comme nous pou-

vons le voir dans le tableau ci-joint.

Relation avec le japonaisLes Japonais ignorèrent l’existence de l’écriture jusqu’au IVème siècle de notre ère : c’est

par la suite que l’écriture chinoise fut introduite au Japon. Au départ seulement

quelques lettrés savaient lire le chinois : ils l’avaient appris presque exclusivement par

la lecture de traités de bouddhisme et de philosophie. Cependant, petit à petit les

idéogrammes chinois commencèrent à être utilisés aussi pour écrire le japonais.

Néanmoins c’est là que surgit un problème : il y avait déjà une langue japonaise aupara-

va

ti

ai

la

ce

tr

O

tu

pe

ou

po

m

ac

no

de

Ex

ti

ro

di

es

ph

qu

ka

qu

“r

fo

34 3 Leçon 3

Leçon 3: Kanji

33

Forme originale

arbre

bois

forêt

soleil, jour

lune, mois

brillant

montagne

oiseau

île

Origine de quelques caractères

SignificationCaractèremoderne

Page 2: Kanji

esn

ns

re

i-

m-

s,

re

ar

re

s,

is

a-

la

nt

ue

et

és

u-

st

nt

ar

es

a-

vant (juste dépourvue d’écriture), et les caractères chinois étant importés leur prononcia-

tion le fut également (avec changements substantiels dûs à la phonétique japonaise). C’est

ainsi que de nos jours, un même caractère peut se lire de deux ou plus manières distinctes.

Par exemple, le caractère , qui représente l’idée de montagne, peut se prononcer “à

la japonaise”, c’est-à-dire yama, ou “à la manière chinoise”, san. Ici nous rencontrons

ce qui est sûrement l’erreur de traduction la plus typique du japonais, car ce mot

, signifiant “mont Fuji”, se prononce Fuji-san et non Fuji-yama, comme c’est

trop souvent le cas!

On’yomi et kun’yomiCes différentes manières de prononcer une même caractère s’appellent on’yomi (lec-

ture dérivée du chinois) et kun’yomi (lecture japonaise originale). Mais alors, comment

peut-on savoir que le mot se prononce Fuji-san et non, par exemple, Fuji-yama

ou Tomishi-san ou Fðshi-yama ou encore une des autres combinaisons parfaitement

possibles de ces trois kanji?

La réponse est : on ne peut pas le savoir. Il y a cependant quelques indices: normale-

ment, si un caractère est seul dans une phrase il devrait se lire en kun’yomi; et s’il est

accompagné d’autres kanji il est de coutume de le lire en on’yomi. Pour leur part, les

noms propres (de personnes ou de lieux) devraient se lire toujours en kun’yomi. Ce sont

des normes qui marchent peut-être dans 90% des cas (mais attention aux 10% restants!).

Exemple: le caractère (nouveau)Observons bien l’exemple suivant, car il sera des plus utiles pour comprendre le fonc-

tionnement des kanji et leurs lectures on’yomi et kun’yomi:

Sono atarashii shinbun wa omoshiroi desu.

Ce nouveau journal est intéressant.

Sono=“ce” | atarashii=“nouveau” | shinbun=“journal” | wa=particule sujet | omoshi-

roi=“intéressant” | desu=verbe “être”.

On voit que le même caractère, , apparaît deux fois dans la phrase mais se prononce

différemment à chaque fois. La première fois il se prononce atara(shii): le mot atarashii

est un adjectif signifiant “nouveau”. On observe que ce caractère est “seul” dans la

phrase, c’est pourquoi il se prononce avec sa kun’yomi, en parfait accord avec les indices

que nous venons de présenter.

La seconde fois il se lit shin, c’est-à-dire avec sa on’yomi, et est accompagné d’un autre

kanji qui signifie “entendre” ( ). shin (“nouveau”) et bun (“entendre”) forment

quand ils sont combinés le mot shinbun (“journal”), qui est quelque chose qui

“rapporte des faits (des choses qui ont été entendues) nouveaux”. Ici, deux caractères unis

forment un mot. C’est pour cela que l’on se sert de leur on’yomi pour les prononcer.

Kanji 35

3

Page 3: Kanji

Japonais et nihongoAnalysons le mot nihongo, qui est la dénomination de la langue japonaise. En kanji le

mot en question s’écrit . Le premier kanji, ni, signifie “soleil, jour”. Le second

caractère, hon, signifie “origine, source” et le troisième, go, “langue”. En japonais

le Japon se dit Nihon – bien que le mot puisse également se lire Nippon – et s’écrit .

Et qu’ont à voir soleil et origine avec le Japon? L’expression “pays du Soleil Levant”

n’est-elle pas familière? Maintenant on voit d’où elle vient... Ainsi, nihongo signifie “la

langue du pays du Soleil Levant”, c’est-à-dire, japonais. Impossible de faire plus clair!

Les kanji sont complexesEffectivement, maîtriser l’écriture et la lecture des kanji demande un travail impor-

tant, car de nombreux kanji sont similaires et de plus il faut aussi prendre en compte

les lectures on’yomi et kun’yomi. Il y a des kanji vraiment simples comme celui de per-

sonne (hito, nin ou jin, 2 traits) mais également des kanji compliqués comme celui

de machine (ki, 16 traits). Dans l’appendice II à la fin de cet ouvrage se trouve un

petit répertoire des 160 kanji les plus basiques avec leur ordre de traits, on’yomi et

kun’yomi, ainsi que plusieurs exemples de mots composés.

Combien y a-t-il de kanji?Techniquement il existe plus de 45.000 ou 50.000 kanji, mais il ne faut pas s’en faire car

“seulement” 3000 s’utilisent couramment. Il existe une liste de 1945 kanji appelés Jõyõ

kanji ou “kanji d’usage commun” qui sont ceux qui peuvent être utilisés dans la presse.

Si par hasard il est besoin d’un quelconque kanji ne figurant pas dans cette liste, il est

d’usage de donner sa lecture en petit caractères hiragana au-dessus de lui (ces aides à la

lecture en forme de hiragana situés au-dessus d’un kanji se nomment furigana).

36 3 Leçon 3

3

Quelques kanji aisés: chiffres et mots utiles

ichi 1ni 2san 3

/ yon/shi 4go 5roku 6

/ nana/shichi 7hachi 8

/ kyð/ku 9jð 10hyaku 100sen 1.000man 10.000

hito personneotoko hommeonna femmetsuki lunehi feumizu eauki arbrekane argent, ortsuchi terrehi jour, soleilyama montagnekawa rivièreta champ

Vlereq

D

lie

en

vo

N

hi

M

en

Page 4: Kanji

le

nd

is

.

t”

la

!

r-

te

r-

ui

un

et

ar

e.

st

la

Voyons maintenant quelques exemples de l’usage des kanji : concrètementles deux premiers illustrent les difficultés les plus communes que l’on varencontrer lors de leur étude. Faisons la connaissance du roi Slime, pourqui lire et écrire les kanji est source de bien des problèmes...

Kanji 37

De quoi se moque Shigeo dans cet exemple? Il rit à cause d’une erreur de Slime, qui au

lieu d’écrire le kanji de roi, , a écrit le kanji de boule, . On voit que la différence

entre “roi” et “boule” est un unique trait qui passe presque inaperçu. Ce que Slime

voulait signer sur l’autographe était “Slime Le Grand, roi de l’univers”. Le kanji de “roi”

se lit õ, alors que le kanji de “boule” se lit tama.

Note : le hiragana ku (dessin 1) est écrit à l’envers. L’écriture correcte est . De plus, le

hiragana e, qui signifie “pour” (l.16) devrait être et non .

Morale de l’histoire : attention au nombre de traits, il ne faut pas en ajouter ni en

enlever, ou l’on court le même risque que Slime!

a) Erreur d’écriture: un trait de trop

Manga-exemples

1 2

Shigeo:minna minna! kono hito “uchð no tamaja» da tte! “suraimu ootama» da tte!¡tous, tous! ¡cette personne “espace pp boule personne” être dire ¡“Slime grosse boule»!Venez tous! Ce type est une “boule de l’espace”! “Slime la Grosse Boule»!

Gui

llerm

o M

arch

Gui

llerm

o M

arch

1

2

Autographe:Shigeo-kun e uchð no tamaja suraimu ootamaShigeo (suf.) pour espace pp boule personne Slime grosse boulePour Shigeo, Slime-la-Grosse-Boule, boule de l’espace.

Page 5: Kanji

38 3 Leçon 3

b) Erreur de lecture des kanji: on’yomi et kun’yomi

Quelle est l’erreur de Slime cette fois? Il a mal lu les kanji écrits sur la planète. Au lieu

d’utiliser la lecture on’yomi, ce qui serait le plus logique, il a utilisé la lecture kun’yomi.

Il faut se rappeler de l’indice donné : si un kanji est seul il se lit en kun’yomi, s’il est com-

biné il se lit en on’yomi. Son valet s’est immédiatement rendu compte de l’erreur et la

corrige. “Feu” ( ) se lit hi s’il est seul (kun’yomi) et ka s’il est en combinaison avec

d’autres kanji (on’yomi). “Étoile” ( ) se lit hoshi en kun’yomi et sei en on’yomi. Ainsi,

le nom japonais de la planète Mars, kasei, signifie littéralement “étoile de feu”.

Dans cet exemple, les lectures (hiboshi) et (kasei) s’écrivent en katakana pour

être mises en évidence : ici le katakana s’utilise de manière semblable à nos guillemets.

Morale de l’histoire : attention aux lectures kun’yomi et on’yomi des kanji. Il est impor-

tant de savoir bien les lire!

3

Gui

llerm

o M

arch

Slime: Valet:ano hiboshi o yoku mite yo! kasei to yomu no desu daiõ-samacette “hiboshi» pc bien regarde pe! “kasei” se lire grand roi (suf.)Regarde bien cette “Hiboshi»! Ça se lit “Kasei», Majesté...

Kumiko:nani?Quoi?

Planète:kaseiMarts

c) Kanji dans les manga

Ici on peut voir deux kanji

simples : celui de “père”,

, et celui de “mourir”, .

De plus, leur lecture nous

est donnée par le furigana,

chose fréquente dans les

manga shõnen et shõjo (pour public enfantin ou adolescent, respectivement masculin et

féminin), un public qui n’a pas encore maîtrisé la lecture des kanji plus difficiles. Lire

donc des manga shõjo ou shõnen est un bon exercice pour apprendre des lectures de kanji.

Rinrin:otõsan! otõsan! shinja iyaa!Papa! Papa! Ne meurs pas!

J.M. Ken Niimura

Page 6: Kanji

Kanji 39

eu

mi.

m-

la

ec

si,

ur

r-

Que sont les kanji et quelle est leur ori-gine?

Écrivez les kanji correspondant aux mots“arbre”, “rivière”, “argent” et “femme”.

Que signifient les kanji suivants et quelleest leur lecture : , , et ?

Que sont la on’yomi et la kun’yomi?

Quand un kanji est en combinaisonavec un autre, le lit-on en général avec saon’yomi ou sa kun’yomi?

Quand un caractère est seul dans laphrase, quelle est normalement la lectureutilisée?

“Fuji-yama” : est-ce un mot propre-ment japonais?

Combien y a-t-il de kanji en fait, et com-bien s’utilisent dans la vie quotidienne?

Quelle est la différence entre les kanji de“boule” et de “roi”?

Qu’est-ce que le furigana et à quoi sert-il? (voir l.1 pour plus d’indices).

ExercicesExercices

44

55

33

11

22

66

77

88

99

1010

nji

”,

.

us

a,

es

et

re

ji.