Kaktum #5_Juin 2015

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KAKTÜM LA CULTURE DES POTES #5 JUIN 2015

description

Juin 2015

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KAKTÜM LA CULTURE DES POTES #5

JUIN 2015

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AU MENU

ART

À SAVOIR OU NON

LUDIQUE

L’art contemporain

est-iL corrompu ?

Les fruits frais

têteketa !

retrouve La bd !18

4

PARTICIPATION : OU

La ièvre de l’écriture vous prend soudaine-ment ? La page blanche ne vous efraie plus du tout ? Un projet personnel vous tient à coeur ? Eh bien vous êtes des petits veinards car nous invitons quiconque le veut à parti-ciper à Kaktüm. Pour cela une seule adresse :

[email protected]

REMERCIEMENTS :

KOPECK

24

ENTRETIEN10

11 DIVAGATIONS

À La rencontre de La grenouiLLe

J’Y ÉTAIS PASLe carnavaL de rio

2

SURVIE URBAINEmot du quotidien

astuce de grand’ma

peu chère

8

CINÉMAcLichés & cinéma

20CURIOSITÉSde La pure à La pute

devoir de mémoire

22

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LES POTES

Récemment à Kaktüm, on s’est questionné. L’aventure

ayant commencé comme une futilité, nous fûmes

surpris qu’elle perdure jusqu’à maintenant. Un

an d’existence, 4 numéros, une belle évolution, et

beaucoup de promesses. Il était alors grand temps de

se demander qu’est-ce qui était réellement ofert dans

ce magazine. Dans notre éditorial fondateur nous

clamions trois choses : la coniance dans le papier,

un éclairage sur des sujets nous tenant à cœur, le tout

avec un ton décalé. Laissez nous reformuler cela de

manière plus explicite aujourd’hui.

Kaktüm s’intéresse à la culture. Mais la culture peut

être bien des choses diférentes. Tellement diférentes

qu’on ne peut que très diicilement la déinir.

Heureusement, sa déinition n’est pas notre priorité.

Son utilité l’est. À quoi sert la culture aujourd’hui ?

Nous croyons qu’elle doit être un décrypteur. Dans

un monde surchargé de toutes parts, on a vite fait de

se noyer dans le lot d’informations superfétatoires.

Et sans les références appropriées, tout devient

rapidement illisible. C’est précisément à ce moment

là que la culture intervient. Qu’elle soit générale,

dominante, de masse ; qu’importe son nom, elle doit

permettre d’y voir plus clair. Nous ne prétendons pas

à l’exhaustivité, mais espérons apporter notre maigre

contribution à l’édiice. Aussi bordélique qu’un

capharnaüm, mais piquant comme un cactus, Kaktüm

se fera un plaisir d’attiser votre curiosité.

Bonne lecture.

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J’Y ÉTAIS PAS

Selon nos envoyés

spéciaux chez nos

amis brésiliens, le car-

naval de Rio de Janeiro,

eh ben j’y étais pas et j’ai

raté quelque chose ! J’imagine, les déguise-

ments légers et colorés, agités au rythme d’une

batacuda endiablée, donnant corps et âme

à une foule en liesse, emprise d’une générale

ivresse. Peu de monde semble résister au son

exaltant des caixa, tamborin ou cuica. Je ne

vois que ce grand type, posé au sommet d’une de

ces drôles de collines, les bras ouverts. En deux

temps, trois mouvements l’interview était ixée !

Kaktüm : Pour commencer, jamais froid aux

aisselles ?

Christ : Ahah (rires), on ne me l’avait jamais

faite celle-là !

K : La célébrité, chance ou fardeau ?

C : Chandeau. En réalité, la célébrité je la par-

tage : les gens viennent aussi pour le patron

d’en haut, il parait que je ressemble à son ils,

et la vue d’en bas, qui est plutôt magniique.

K : Plutôt touristes ou religieux ?

C : Les touristes, c’est photo photo et après

ciao ! Ils ne prennent pas le temps, enin,

J’Y ÉTAIS PAS MAIS...

ÇA S’EST SÛREMENT PASSÉ COMME ÇA !

LE CARNAVAL DE RIO

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J’Y ÉTAIS PAS

REM’S

vous savez comment ils sont ! Les religieux,

ils m’adorent, baisent mes pieds, prient sous

ma toge, ça latte mon ego, mais c’est parfois

trop ! Le meilleur proil pour moi ? Le touriste

lâneur, croyant modéré. Il prend du recul,

mais pas trop, pour ne pas que je l’empêche

de proiter de la vue ! Se positionner

comme moi, légèrement en retrait de

ce monde,

depuis ma

colline, essayer de le comprendre, ou

bien juste rêver.

K : Et le carnaval, vous le vivez com-

ment ?

C : Intensément ! Je le vis presque de

l’intérieur, même perché sur ma butte.

Pour le carnaval, je ne suis pas très tradi’,

mon masque, je l’enlève. À la base fête sacrée,

je préfère me laisser envoûter par la samba,

ses danseuses et les vapeurs de caïpirinha

qui les accompagnent. Je me sens revivre

(sic) ! Un seul petit bémol, les jours fériés du

carnaval. Ils le sont pour tous les brésiliens,

mais pas pour moi, faut bien qu’il y en ait qui

bossent pour occuper les autres ! Vos trente

cinq heures françaises je les fais en un jour,

minimum ! J’ai besoin de quelques semaines

pour m’en remettre après, c’est que je ne suis

plus tout jeune..

K : Quel âge ça vous fait déjà ?

C : 84 ans mais je ne les fais pas non ? De

toute façon, d’ici quelques années j’aurais

droit à un peu de chirurgie esthétique, ravale-

ment de façade, et hop une nouvelle jeunesse

commencera pour moi !

K : Le carnaval a fêté son 450ème anniver-

saire. Quelle impression ça fait de fêter

l’anniversaire d’une fête ?

C : C’est fou comme il perdure… Et ça fait

plaisir ! J’ai ressenti cette année une atmos-

phère encore plus intense que d’habitude.

Jamais la ville n’a semblé endormie, elle

dégageait une véritable envie de faire la fête.

Simple besoin contemporain, rattrapage

d’un mondial bien loin du 7e ciel (re-sic) ou

célébration des 450 bougies, aucune idée !

En tout cas, cette année, j’ai eu droit à une

banda sur ma colline. Mais c’est avant tout

un moment social extrêmement intense.

K : C’est beau ce que vous dites Christ ! Votre

futur, ici ou ailleurs ?

C : Disons que j’ai pas trop à me plaindre ici,

j’ai une sacré vue depuis Curcovelo : Copa-

cabana à mes pieds, des touristes aux tenues

légères, des.. oh pardon je m’égare ! Paris me

tente bien aussi. Hubert Bonisseur de la Bat,

qui est venu m’épauler ici il y a quelques

années, m’a bien vendu sa chère France.

René Cotti est toujours en vie ? La France

c’est aussi une terre qui m’est familière, c’est

celle de mon père, Paul Landowski. Sinon

Cologne, son carnaval est assez fou aussi

paraît-il. Je suis dans un groupe de parole

UNESCO avec la Cath’ (La Cathédrale de

Cologne) et apparemment, il se passe de ces

trucs là-bas !

K : Vous avez de bons gôuts ! Merci M. Re-

demptor, restez comme vous êtes.

C : Merci à vous ! Ne vous inquiétez pas, je

ne suis pas prêt de bouger ! J’aimerais au pas-

sage faire passer le message : je trouve ma po-

sition un peu démodée, si vous pouviez vous

renseigner pour une un peu plus moderne,

du style main dans les poches ou en place

posé dans un bon gros fauteuil en cuir, que

j’en impose quoi !

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À SAVOIR

OU NON

Cette question métaphysique vous

a forcément traversé l’esprit par une

enchanteresse journée estivale. Non ? Elle

a du moins traversé le nôtre. Là où les

Monty Python ne considéraient qu’une

utilisation active du fruit, nous envisageons

sa pernicieuse passivité. Qui n’a jamais eu

peur de se retrouver les quatre fers en l’air

après avoir glissé sur une peau de banane

subrepticement disposée sur le pas de sa

porte ? Qui, se relaxant dans un hamac sur

une plage paradisiaque, n’a jamais considéré

la rencontre fortuite – mais douloureuse –

entre sa tête et une noix de coco ? Ce n’est pas

Isaac Newton qui vous arguera le contraire. Ou

bien, qui, lors d’une champêtre promenade

n’a jamais éprouvé l’ardent désir de croquer

dans cette vermeille et appétissante baie, qui,

en seule guise de remerciement lui laissera

le mauvais souvenir d’une nuit passée sur

le trône. Oui, les fruits au quotidien peuvent

être bien plus dangereux par leur seule

Comment se défendre f

existence que par leur utilisation en tant

qu’objets contondants. Mais alors comment

faire ? Ėtudions les diférentes solutions par

rapport aux principaux risques existants :

glissade, gravité, gastronomie.

Premièrement, la glissade. Là rien de plus

simple. Avant toute incursion dans le monde

extérieur, faites vous précéder d’un méchant.

N’importe lequel fera l’afaire. Car, depuis

que Tintin est allé en Amérique, nous savons

que tous les méchants tombent à chaque

fois dans les pièges les plus enfantins, qui

plus est lorsqu’ils sont placés par le meilleur

ami de l’homme. Vous n’avez pas de vilains

à votre disposition ? Alors bon courage dans

le chaos inextricable qu’est devenu le monde

quotidien.

Deuxièmement, la gravité. Encore ici, très

simple. Si vous avez la chance de faire bronzer

votre agréable fessier sous les cocotiers, cela

« La vieillesse est un état indécent que l'on devrait s'interdire à temps. » Gabriel Garcia Marquez

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À SAVOIR

OU NON

se défendre face aux fruits frais ?

signiie vraisemblablement que la crise est

une notion bien étrangère pour vous, donc

on vous conseillera d’aller voir là bas si

on y est. Si vous devez vous contenter, à la

manière d’Isaac, d’une tristounette sieste

sous un pommier, renoncez tout simplement

à ce maigre plaisir qui vous reste ; la gravité

ayant déjà été découverte il y a près de 400

ans, faudrait se réveiller mon vieux.

Dernièrement, la menace gastronomique, la

plus vile et dangereuse. Vous n’avez pas la

patience d’apprendre à dissocier quels fruits

sont bons pour votre organisme et lesquels

ne le sont pas. Pas de soucis, suivez nos

conseils si vous désirez survivre dans cette

environnement de tous les dangers. Prévoyez

déjà une bonne heure avant de pouvoir

seulement penser à vous délecter de ces

magniiques baies sur lesquelles vous venez

de tomber. Quatre étapes d’immunité vous

attendent. Commencez par ouvrir le fruit

et frottez-le sur votre peau. Si dans le quart

d’heure vous ne vous retrouvez pas avec des

pustules vous promettant à une mort douce

et atroce, dites bonjour à la deuxième étape.

Prenez votre courage à deux mains, et passez

le fruit sur vos lèvres, pendant trois minutes.

Là encore, priez Dieu pour ne pas succomber

à votre ininie bêtise. Toujours sain et sauf ?

Alors passez à la mise en bouche. Gardez

le pendant un quart d’heure. Priez encore

une fois, ça peut toujours servir. Mâchez-le

maintenant quinze minutes. Le fruit ne vous

a rien fait, et l’attente, d’un mortel ennui ne

vous a pas achevé ? Alors félicitations vous

venez de trouver une source de nourriture.

En cas d’intoxication, vous trouverez dans

notre prochaine parution un guide pratique

richement illustré pour se faire vomir le

plus rapidement possible, testé et approuvé

par nos soins. D’ici là, nous vous souhaitons

bonne chance pour votre survie dans ce

monde devenu plus qu’impitoyable.

HOOD

« Il n’y a plus de beauté que dans la lutte. » Filippo Tommaso Marinetti

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SURVIE URBAINE

Mot du Quotidien

Ho

y

Ho

je

To

day

au

jo

ur

d’h

ui

Og

gi

Heu

te

POURQUOI UNE TELLE DIFFÉRENCE ?

LV2 tu peux pas test

Ma que cosi !

Ich bin ein Berliner

Vous pouvez répéter

la question ?

AUJOURD’HUI

AU JOUR DE HUI

HUI

HODIE

10

Lettres4

Syllabes3

Consonnes successives

1

Apostrophe

A l’origine il y avait, le latin :

Désignant le jour où l’on est, qui a muté en :

Le sens était le même en vieux fran-çais. Mais pour renforcer le sens on

rajouta :

Soit une redondance, qu’on contracte dans la forme que l’on connaît !

ANATOMIE

« Si l'on veut être capable de briser les règles avec élégance, encore faut-il les connaître. » Jan Tschichold

PAR

HOOD

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7

SURVIE URBAINE

T’en as marre de te lever avec

un nouveau bouton tous les

matins et des cernes plus

profondes que le Paciique ?

Trop de fête, trop de café,

trop de cigarettes ? Évidem-

ment on ne va pas te donner

le miracle qui te rendra sain

et musclé en 3 secondes,

mais une petite astuce rapide

et pas chère : l'eau chaude

citronnée. Grâce à ses

propriétés détoxiiantes et

diurétiques, le citron permet

de garder une peau saine et

lumineuse. En efet, sa nature

alcaline détruit quelques-

Si tu n’as plus de place

dans ta penderie arrête

de jeter tes capsules de

canette ! Optimise l’es-

pace en accrochant tes

cintres deux par deux

à l’aide d’une capsule

de canette. Normale-

ment tous les cintres

sont au même niveau, il

prennent donc plus de

place. Il suit de créer

un deuxième niveau

pour économiser de l’es-

pace dans le dressing.

Astuce de Grand’ma

unes des bactéries qui sont à

l’origine de l’acné et d’autres

problèmes de peaux. La

vitamine C et autres antioxy-

dants que contient le citron

contribuent également à

combattre le vieillissement

de la peau. Consommé à

jeun, le citron nettoie le foie

et permet une meilleure

digestion grâce à son PH

alcalin, il permet au PH de

ton corps de s’équilibrer à

tous les niveaux.. Prends toi

un petit verre d'eau chaude

citronnée de temps en temps

et ton corps te dira merci !!

« Prenant sans cesse conseil de tout le monde, il n'avait le courage de suivre aucun avis jusqu'au bout. » Stendhal

1

2

3

PAR MO

Chère

PeuPAR MO

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8

à la rencontre de la grenouille

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ENTRETIEN

Pour ce numéro, une fois n’est pas

coutume, c’est un retour aux sources,

c’est une investigation dans l’une des

choses qui nous habitent inlassablement

depuis cinq ans. Juste avant notre découverte

ébahie de l’architecte voleur de poules et

maestro de la provocation, nous avions tout

juste trouvé notre bande-son de charrettes,

Radio Grenouille. C’était confus, dense,

plusieurs bruits faisaient échos : radio

tenue par des étudiants, éclectique au

possible, située à la Friche. Il était diicile

de s’y retrouver dans ce gloubi-boulga, les

années nous y ont aidé depuis. Mais quoi

de mieux qu’un petit entretien avec ceux

qui la font pour comprendre la démarche de

cet « opérateur culturel » majeur de la scène

marseillaise. Bien évidemment, la question

que tout le monde se pose est le pourquoi

du comment de ce nom

aux accents dadaïstes.

Mais pourquoi donc

la Grenouille ? Nous

avions pensé que

cette question serait

optimale pour engager

la conversation.

Malheureusement, nous aurons la brillante

idée d’y trouver la réponse la veille de la

rencontre. Il aura fallu attendre le dimanche

soir – l’entretien ayant lieu le lendemain

après-midi – pour enin daigner écouter une

interview de son fondateur, Richard Martin,

racontant à merveille la genèse de ce projet,

et l’origine du nom. Pour faire court, la radio

émerge lors de la libération des ondes, en

1981, elle émet depuis le théâtre Toursky,

près du métro National. Elle est plus au

moins la radio du héâtre, sa fenêtre ; elle

est dans l’esprit de l’époque – l’arrivée au

pouvoir de Mitterand – porteuse de grandes

perspectives de changement. Elle veut

donner la parole à tous, au peuple, avec des

émissions tel que Radio-Trottoir, ou bien

Radio Taulard. Les débuts sont laborieux,

plein d’espoirs, le rayon de difusion ne porte

que pas plus loin que 500 mètres. Qu’importe,

c’est l’énergie qui compte, elle soule un vent

libertaire, insolent, tout comme son géniteur,

grand ami de Léo Ferré, qui viendra d’ailleurs

faire un petit concert en direct.

Et la Grenouille dans tout ça ? L’anecdote

est délicieuse. Avant la Révolution, les

grenouilles ouvraient leurs gueules la nuit,

ce qui ne manquait pas d’emmerder les

seigneurs, qui en retour, ne se privaient

pas de faire battre les douves par leurs

domestiques. Après la Révolution, les

grenouilles pouvaient gueuler en pleine

liberté, elles pouvaient enin emmerder les

seigneurs. Voila la métaphore qui permet

de saisir dans quelle ambiance baignait la

radio. Dix ans après

elle déménage à la

Friche, pour devenir

progressivement la

radio qui trône en

bonne place dans

la présélection de

votre autoradio. Tout

cela a donc amené notre chère baleine

à rencontrer un de ses compagnons

aquatique, en ce mois de janvier. On nous

fait attendre dans le salon, qui tient plus

du lieu de passage obligé, une sorte de

couloir élargi, coincé entre les studios et les

bureaux, juste après la porte d’entrée. Cette

position fut rétrospectivement bénéique,

permettant d’interpeller sans vergogne, la

personne concernée passant par là, pour

un éclaircissement sur le sujet en question.

Nos principaux interlocuteurs furent Pauline

et Julien, respectivement responsable de

communication et journaliste. Nous la jouons

honnête, nous n’avons plus d’introduction,

puisque l’origine du nom de la radio n’a plus

de secret pour nous. Nous avons merdé,

Après la Révolution, les

grenouilles pouvaient gueuler

en pleine liberté

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ENTRETIEN

nous n’avons plus de question d’ouverture,

de mise en bouche, d’échaufement idéal

pour enchaîner sur la suite. Ce n’est pas

bien grave, Pauline n’en tiendra pas rigueur,

en proitera même pour rebondir, et nous

demander si nous connaissons l’historique

de la radio. Elle le (re)dresse brièvement en

deux minutes, conirmant la petite anecdote

révolutionnaire de Richard Martin, ajoutant

qu’elle n’est pas connue par tous à la radio.

La voila notre mise en bouche. Vient alors

la première question sur les diférentes

initiatives que mène la radio, histoire de

rafraîchir un peu nos mémoires, et mesurer

l’ampleur de leurs actions. La volonté

clairement énoncée est de proposer quelque

chose de plus que la simple difusion

radiophonique, de ne pas se contenter de

faire de la couverture médiatique, mais être

le déclencheur d’évènements. Les projets

sont multiples : les promenades sonores, les

radios de quartiers, la production artistique

à travers son atelier Euphonia accueillant des

artistes en résidence, la programmation des

mixs sur le Toit-Terrasse pendant l’été. Une

pluralité de propositions alléchantes, qui

force le respect, tout comme leurs rélexions

sur les éventualités de développement.

Des projets tels que la Radio Numérique

Terrestre – vous vous souvenez, il y a une

dizaine d’années quand on vous promettait

l’apparition d’une douzaine de nouvelles

chaînes grâce à la fameuse TNT, plus proche

de la léthargisation des consciences que

de l’efet dynamitant de son dangereux

homonyme, – et bien la RNT c’est le

même principe, avec pour but d’ouvrir les

ondes puisque la bande FM est saturée

aujourd’hui. Cela permettrait entre autres

à la radio d’avoir un rayonnement plus

large. Mais dans un monde où Internet peut

potentiellement se retrouver demain dans

votre voiture, la question de l’investissement

dans un équipement onéreux et à

l’obsolescence presque programmée en

laisse dubitatif plus d’un. Surtout depuis

que Grenouille tend à explorer plus

profondément les liens entre la radio et les

autres médias émergents, principalement

la vidéo et Internet. Mais, devant ces tâches

herculéennes, on se demande combien de

personnes sont nécessaires pour les mener

à bien. La radio compte une douzaine de

salariés, puis une armée fourmillante d’une

quatre-vingt-dizaine de bénévoles. Devant

nos yeux ébahis, une notice explicative

était nécessaire. On se doute bien que, au vu

de l’éphémère vision des locaux que nous

avons pu avoir, un tel régiment ne rentrerait

pas là-dedans, quoique. Ce chifre, il faut le

prendre au sens large, c’est à dire que tous les

bénévoles ne travaillent pas tous en même

temps, ni le même jour, ni la même semaine.

Pour démêler cette afaire, il faut comprendre

premièrement comment fonctionne la

programmation de la radio.

Grenouille n’a déinitivement pas les

moyens d’aligner une grille des programmes

homogène toute la semaine, avec des

quotidiennes à une heure bien déinie de la

journée du lundi au vendredi. Oui ne faites

pas cette tête d’innocent, là vous savez bien

de quoi l’on parle. Nous aussi nous avons eu

nos heures de déperdition adolescente, où

l’on était réveillé par le 6/9 de NRJ, bercé par

les sons de Skyrock et où le son Danceloor

de Fun Radio nous était bien indispensable.

Le premier contact avec la radio n’était pas

forcément le plus épanouissant, mais il est un

âge où le recul fait cruellement défaut dans

l’établissement des goûts et des jugements de

valeur. Mais oublions notre triste mélancolie

de ces temps pré-pubères lointains, revenons

au sujet. Pour être explicite au possible,

une radio fonctionne globalement de la

sorte, avec des émissions quotidiennes les

« Les hommes, dit Hemingway, deviennent des intellectuels pour échapper au désespoir. » Charles Bukowski

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ENTRETIEN

jours ouvrés, et des émissions diférentes

le samedi et le dimanche. Tout cela est

bien beau, mais une radio associative telle

que Grenouille ne possède pas la force

ouvrière suisante pour mener à bien cette

gargantuesque organisation. Heureusement,

elle dispose de plusieurs tours dans son sac.

Sa programmation est bihebdomadaire, voire

mensuelle. L’exemple parfait est l’émission

de rencontre littéraire mensuelle, Le Livre

de Frog, animée par deux thésardes qui ne

peuvent malheureusement pas honorer la

radio de leur présence quotidienne.

De cette organisation bricolée en résulte

une grille des programmes totalement

farfelue et illisible pour le profane. Et elle a

de quoi frustrer, si l’on oublie son émission

préférée dont on ne sait plus si elle passait en

semaine A ou B, vu que le collège demeure

un souvenir ingrat dont on préférerait qu’il

reste bien tranquillement niché au in fond

d’une cavité cérébrale au nom obscur. Mais

rassurez vous chers lecteurs, la Grenouille

n’est point cruelle. Elle aura même l’honnête

bonté de remettre au goût du jour une

pratique que l’on croyait disparue depuis

l’avènement du 2.0 : la redifusion. Ce qui

en plus de donner une seconde chance

aux auditeurs distraits, permet de toucher

probablement d’autres personnes. Le tout

agrémenté par de délicieuses playlists, gérés

par un logiciel salvateur. Il permet en efet de

pré-programmer ce qui va passer à l’antenne,

faisant fonctionner la radio quand l’équipe

est en congés. Les problèmes arrivent ;

malgré l’existence d’une playlist de secours,

il est déjà arrivé que la radio difuse du blanc

pendant un week-end ; c’est encore le cas au

moment même où nous rédigeons cet article.

Efectivement, la radio n’a pas la force de

frappe des radios publiques et commerciales.

Son inancement demeure précaire, voire

périlleux, le bilan de in d’année n’est pas

encore une sinécure. C’est du cinquante-

cinquante. Une partie publique, avec le

ministère de la Culture et son Fond de soutien

à l’expression radiophonique (FSER), puis la

Région et le Conseil Général. L’autre partie,

c’est Grenouille qui va la chercher par des

réponses à appels à projet, des coproductions,

des partenariats. Les promenades sonores

furent entièrement inancées par MP2013

pour la petite histoire. Chaque année c’est

un déi pour Grenouille que de chercher

d’autres sources d’apports inanciers. Et

l’on comprend pourquoi. Combien de

médias indépendants ont vu leur avenir

remis en question après un bilan inancier

plutôt terne. Et c’est bien souvent ceux-

là qui développent une qualité éditoriale

inédite,originale, riche, stimulante : Le Tigre,

Feuilleton, AAARG! , pour ne citer que ceux

qui trônent inlassablement sur nos tables de

chevet.

En parlant de ligne éditoriale, il est grand

temps de percer à jour celle de notre

amphibien préféré. Lorsque la question

fut mise sur le tapis, elle ne manquât pas

d’en désarçonner plus d’un, puisque nous

l’évoquions sous le terme « d’éclectisme

de la programmation ». Le hasard it bien

les choses, car c’est à ce moment précis

que le responsable de la programmation,

Stéphane, décida d’emprunter le couloir

pour aller enregistrer son émission. Coupé

dans son élan, il hésita brièvement, ébaucha

un début de réponse complété par nos deux

interlocuteurs. Ce long et épineux processus

sera résumé par une métaphore opportune

: le chercheur d’or. Dans la rivière, avec

ses tamis successifs, du plus gros au plus

précis, il ne garde que le meilleur, le plus

pur. Certes quelquefois il passe à côté de

certaines choses, d’autres fois il en garde

qui ne valent pas forcément la peine, mais

que voulez vous c’est la vie. Vous pouvez

« Un cimetière de poètes c'est toujours vivant. » Richard Martin

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16

ENTRETIEN

l’excuser, car écumer la rivière représente

un travail pantagruélique, vu la multiplicité

des aluents : entre 2 et 5 CDs reçus par

jour, des mails, des coups de téléphones, des

suggestions par les partenaires privilégiés

(maisons de disques, artistes, collaborateurs),

sans même évoquer l’océan insondable

qu’est devenu le monde connecté.

Dans l’élaboration de cette précieuse

réponse collective, une expression retiendra

notre attention : « On n’y arrive pas tout

seul, on est un collectif. » Voila, le mot est

dit : collectif. Car, si nous ne devions garder

qu’une seule impression de cette rencontre,

ça serait celle-ci, celle de la grande famille

ouverte, où la parole, la participation de

chacun compte. Ce n’est qu’en sortant de

l’entretien et en le réécoutant soigneusement

que cette impression

viendra nous frapper ;

en prêtant attention

aux ins de phrases

en suspens que l’autre viendra compléter,

aux petites interrogations implicites, à la

confrontation d’opinions, au ton qui avance

une hypothèse en attente de conirmation

plutôt qu’une martiale et déinitive

airmation. Ce sont ces minuscules attitudes

passant inaperçues à première vue, la parole

maltraitant la syntaxe au bénéice de

l’immédiateté, toutes ces choses ininiment

complexes à retranscrire à l’écrit, qui révèlent

l’esprit de la radio, sa philosophie.

Dans cette perspective là, les allées et

venues des uns et des autres, prennent

un sens diférent. Ces interruptions dont

fut victime l’entretien ne sont plus des

imprévus de l’instant, mais la preuve par

neuf, que tout le monde a voix au chapitre

chez Grenouille. Ces coupures, considérées

parasitaires dans le feu de l’action, furent

multiples, vite oubliées et pardonnées, car

elles nous permettent aujourd’hui d’avoir

cette heureuse impression. Pour bien faire

saisir cette sensation, rien de mieux que de

partager une petite anecdote révélatrice. Cela

faisait quelque temps qu’un « zinzin » du

quartier avait pris pour habitude de passer

fréquemment saluer l’équipe dans ses locaux

et d’en proiter pour s’intéresser, questionner

la tâche de chacun. Coutume mignonne, s’il

en est, mais à certains moments pesante, si

bien qu’on doit lui dire de réduire un peu sa

fréquentation quotidienne, interférant avec

le travail de l’équipe. Le hasard voudra que

quelques instants après nous l’avoir raconté,

ce même « zinzin » se pointe tout sourire à la

porte pour souhaiter la bonne année à tous. Il

poussera même le vice d’enrichir la réponse

à la question sur l’origine des si joliment

nommées « virgules », soit les transitions

parlées entre les

morceaux. L’une d’elle

reviendra à l’esprit de

nos hôtes, incarnant à

merveille la splendeur de Marseille, à travers

la parole poétique d’un de ses pêcheurs : « Il

faut que ça pite, si ça pite pas, on attend. »

Voila, l’entretien se termine paisiblement

sur ces oniriques virgules, tirées de ilms,

d’émissions, de sons naturalistes ; mais la

discussion continue. Juste avant de couper le

micro, c’est Pauline qui prépare la transition

en saisissant Kaktüm et en déclarant : « Bon

maintenant tu peux couper, et on va parler un

peu de ça. » Ce qui n’a pas manqué d’attiser

notre curiosité et notre ierté, de nous voir

proposer une éventuelle participation à

l’activité de Grenouille. Notre envie est

immense, l’opportunité de rejoindre et de

participer aussi à la vie de cette grande

famille est plus que charmeuse. Il se pourrait

bien que le futur de la Baleine ne s’écrive

plus qu’entre ces colonnes mais trouve une

place dans la grille de la Grenouille.

HOOD

« Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. » Léo Ferré

« on est un collectif. »

Page 19: Kaktum #5_Juin 2015
Page 20: Kaktum #5_Juin 2015

18

ART

En 2013, le Balloon Dog de Jef Koons a été

vendu à 58,4 millions de dollars, c’est à ce

jour le montant le plus onéreux de l’Histoire

pour l’achat aux enchères d’une oeuvre d’un

artiste vivant. Ça fait cher le toutou non ? La

marchande d’art Elisabeth Royer-Grimblat

explique : « Avoir un Jefs Koons chez soi

dispense de justiier ses goûts tout en

envoyant un message clair : "Je suis riche." »

Il est vrai que Jef Koons – l’ancien

trader qui a su faire monter sa côte – est

aujourd’hui un des artistes les plus en

vue de la planète, mais il n’est pas le

seul à faire l’objet de telles dépenses.

Quel est l’intérêt, pour un non-collectionneur,

d’investir une telle somme dans une oeuvre

d’art ? C’est un bon placement. Beaucoup

de débats sur le sens de l’art contemporain,

L’ART CONTEMPORAIN

EST-IL CORROMPU?

et sur les spéculations inancières dans le

marché de l’art existent aujourd’hui et, grands

passionnés d’art que nous sommes, nous

avons voulu comprendre. À quel moment l’art

est-il devenu un moyen de placer son argent ?

Depuis 1982, la loi de inances créée par

Laurent Fabius – pensionnaire du ministère

pas encore situé à Bercy, dans le Vaisseau

Amiral dessiné par Paul Chemetov – stipule

que : « Les objets d’antiquité, d’art ou de

collection ne sont pas compris dans les

bases d’imposition » de l’ISF (Impôt Sur la

Fortune). Traduction : toutes les oeuvres d’art

(peinture, sculpture, lithographie, gravure…),

quel que soit leur âge, à condition qu’elles

aient été réalisées par la main de l’artiste, ou

sous son contrôle, sont exonérées d’impôts.

Bonne nouvelle pour les grosses fortunes,

l’achat d’une quelconque croûte laisse

tranquillement dormir votre argent, et le fait

même fructiier puisqu’une oeuvre prend

de la valeur avec l’âge, contrairement à une

villa taxée au minimum à 50% de la valeur

locative cadastrale. Les bourses s’afolent,

elles ont renilé le ilon.

Cette loi a souvent été remise en cause depuis

sa promulgation, notamment en 2014 par un

amendement de l’UDI , mais a toujours été

maintenue par l’Assemblée. Pourquoi résiste-

t-elle si bien ? Qu’est-ce qui vaut à la sphère

artistique un tel traitement de faveur ? Nous

n’avons certes pas la réponse, mais on se

doute bien que ceux qui la défendent ne

Page 21: Kaktum #5_Juin 2015

19

OCHEUNE

ART

pointent pas à Pôle Emploi…

Pour l’ancienne ministre de

la Culture, Aurélie Filippetti,

cette mesure entraînerait

« l’efondrement du marché

de l’art en France ». Eh

oui, moins d’avantages, moins d’acheteurs.

Les français sont frileux, et vivent une

crise économique. S’en suit une nouvelle

question : cette loi ne porte-t-elle pas atteinte

à la légitimation de l’art ?

Farideh Cadot, galeriste et commissaire

d’expositions depuis quarante ans écrira

sur liberation.fr : « Posséder de l’art

contemporain étant devenu un signe

extérieur d’appartenance à la classe des

grands de ce monde, tous les nouveaux

riches en veulent. {…} Le plus grave, c’est

que ce sont ces nouveaux collectionneurs,

ces hommes qui ne prennent le temps ni

de regarder ni de réléchir, qui font le goût

d’aujourd’hui. » Ce dont il parle ici, c’est

qu’avec ce fonctionnement, les investisseurs

achètent de l’art, pour faire un placement,

sans se soucier de la démarche de l’artiste.

De fait, certains de ces derniers deviennent

de vrais stars du showbiz, augmentant peu à

peu leur côte sur le marché de l’art.

Cette mode crée un classement des artistes,

des tendances stylistiques, qui ne sont

plus dues à une rélexion artistique, mais

bien à une spéculation inancière. Si cette

nouvelle pratique est apparemment plutôt

bénéique pour l’état des

inances de notre pays,

elle est donc inacceptable

pour la création artistique.

D’un autre côté, cette

publicité des artistes

contemporains n’a-t-elle

pas un bon côté ? Celui

d’ouvrir le monde de l’art au

grand jour, et ainsi, le promouvoir auprès du

public ?

Un record d’aluence à été enregistré pour la

seule journée du samedi 29 novembre 2014

durant l’exposition Jef Koons au Centre

Pompidou avec 9143 visiteurs. Ce chifre

est bien représentatif de l’augmentation de

la fréquentation des musées ces dernières

années, et ça, c’est bon pour les inances, mais

surtout pour le niveau culturel des français.

Bien sûr, la spéculation inancière n’est

pas l’unique raison de cette augmentation,

car la forme d’exposition des oeuvres s’est

beaucoup améliorée (arrivée du numérique

dans les musées, formats plus ludiques

d’exposition, etc.), mais elle participe sans

aucun doute à la difusion de l’art.

Alors même si on attend plus longtemps

pour acheter son ticket d’entrée au Palais de

Tokyo, on pourra peut être parler art avec

son voisin de palier !! Et puis, rassurez-vous,

le site jaimeattendre.com indique que « les

pires {iles d’attentes} ne dépassent pas les

quatre heures ». Ouf !!

Page 22: Kaktum #5_Juin 2015

20

REGARD

SUR

En avril 2014 sortait Qu’est ce qu’on a fait

au bon dieu ? ilm ouvertement raciste,

grotesque et hautement stéréotypé

qui m’a valu la première fois où je sortais du

cinéma à la moitié du ilm, horriiée. Car, oui

dans une France où le parti d’extrême droite

séduit de plus en plus , on choisit de prendre

tous les clichés racistes et d’en faire en ilm.

Au second degré tu comprends ? Comme

ça, cela plaira aux racistes ET aux français à

l’humour discutable (Bienvenu chez les ch’tis

plus gros succès du cinéma Français, oh oui

ils sont nombreux) . Récidive en janvier 2015

avec Toute première fois.

Un an après le déferle-

ment de haine provo-

qué par le mariage pour

tous (Frigide Bargot, les crimes homophobes

et autre ignominies), sort un ilm qui dépeint

une France où l’hétérosexualité doit être

assumée face à une famille désapprobatrice.

En voyant la bande annonce, le scénario peut

faire penser à White Man (1995), un ilm dans

lequel la réalité est totalement inversée : les

personnes blanches sont pour la plupart au

bas de l’échelle sociale tandis que les afro-

américains ont le pouvoir et l’argent. Mais

loin d’être une parabole, qui imaginerait

un monde alternatif pour sensibiliser la

majorité aux discriminations subies par les

minorités, Toute première fois présente cette

vision fallacieuse comme une réalité contem-

poraine, attisant la théorie réactionnaire qui

fait des hétérosexuels les nouveaux oppri-

més, soumis aux quatre volontés du tout-

puissant lobby LGBT. Ce qui explique que

notre sympathique héros se prononce contre

la Gay Pride, sur le principe que « on est au

XXIe siècle, les hétéros ne déilent pas avec

des slips en cuir ! » Parce qu’évidemment au

XXIe siècle l’égalité est en place et la discrimi-

nation un mauvais souvenir, alors pourquoi

la maintenir, cette marche ridicule ? Ma scène

préférée reste quand même le « coming-in »,

où un ils précédemment gay init par avouer

à ses parents qu’il est tombé amoureux

d’une femme, et s’entend dire par son père

: « T’as changé d’orientation, tu change de

père ! », par sa mère : «

Tu pouvais pas t’empê-

cher de rentrer dans le

rang comme un con de

bourgeois ! » et par sa sœur : « À cause de ta

diférence, on m’a toujours traitée comme

une paria dans cette famille ! »

Parce que BIEN ENTENDU, en 2015 ça se

passe comme ça, les licornes existent et elles

vomissent des arcs-en-ciel. Car oui, dans ce

conte de fée réac’, les homosexuels sont juste

des hétéros qui couchent (à peine) avec des

hommes. Les scénaristes ont pris bien soin

de leur imaginer des métiers « non-conno-

tés » (chirurgien ou directeur d’institut de

sondage) et précisent dès que possible qu’ils

ne ratent jamais un match de foot. Et quand

ces gays-là font un strip-tease pour leur mec,

ce n’est pas à cheval sur un fauteuil au son

de Partition de Beyoncé, mais en gesticulant

pataudement sur du Screamin’ Jay Hawkins.

C’est tout juste si on n’entend pas les réalisa-

clichés &

« Ce n'est donc pas la faute du public s'il demande des sottises, mais de ceux qui ne savent pas leur offrir autre chose. » Cervantes

PLUS VIRIL ! SURTOUT PAS PÉDÉ !

Page 23: Kaktum #5_Juin 2015

REGARD

SUR

teurs hurler à leurs acteurs : « PLUS VIRIL !

SURTOUT PAS PÉDÉ ! » Cela me rappelle

l’évolution des personnages noirs dans le

cinéma Américain. On constate qu’au début

de leur apparition dans le 7e art, les noirs

étaient représentés exclusivement comme

des esclaves ou des domestiques (Autant en

emporte le vent, ça te dit quelque chose ?). La

première phase étant alors celle du stéréo-

type le plus extrême. Pour les gays il s’agira

de « plus folle, tu meurs », façon Zaza Napoli

ou l’impérissable Gérard des Filles d’à côté.

Ensuite, in passage au politiquement cor-

rect avec la phase « Sidney Poitier ». Cette

phase vise alors à prendre ses distances avec

le stéréotype, au point de gommer soigneuse-

ment tout ce qui fait sa spéciicité, ain que

le public consente à tolérer l’existence de la

minorité représentée.

Sidney Poitier donc, premier homme noir

à avoir remporté l’Oscar du meilleur acteur

pour le ilm Le Lys des champs en 1964,

emblème de l’Amérique progressiste des

60’s, condamné à ne jouer que des héros

irréprochables, policiers ou médecins ultra-

successfuls, qui parlent et s’habillent comme

des bourgeois blancs, dénués de la moindre

trace trop visible de culture afro-américaine.

Ce qui est bien gentil, mais participait à nier

la réalité de l’expérience de 99% des noirs

de son époque. C’est exactement ce que fait

Toute première fois pour les homosexuels,

sans même avoir l’excuse d’être un ilm

plein de bonnes intentions destiné à faire

passer lourdement un message maladroit

sur l’acceptation. Comme on pouvait s’y

attendre, les personnages féminins se

révèlent aussi lamentablement conçus

que les personnages gays : une suédoise

complètement décérébrée – mais si bonasse

– et une harpie aigrie qui devient enin

aimable après s’être fait dérouiller par le

beauf de service. Misogynie quand tu nous

tiens ! Disons le clairement, le premier

ilm français abordant un thème LGBT

depuis l’adoption de la loi sur le mariage

pour tous nous raconte la jolie histoire d’un

homosexuel qui choisit au inal de rentrer

dans le droit chemin de l’hétérosexualité.

Problématique, dites-vous ? Pas de souci,

rajoutons une demi-douzaine de plans du

cul de Pio Marmaï, et les gays n’y verront que

du feu ! Et hop, la couverture de Têtu, parce

que l’approbation des hautes instances de la

communauté gay, c’est comme tout le reste,

ça se négocie.

J’entends déjà les fondamentalistes du LOL,

pourfendeurs des méchantes cyniques

que je suis: « Mais c’est pour riiiiire ! » À

ceux-là je n’ai qu’une chose à répondre :

notre vision du monde est façonnée par des

représentations – littéraires, cinématograp

hiques,télévisuelles, iconographiques – et

la comédie ne fait nullement exception à

la règle. Alors plutôt que de balayer d’un

revers de la main toute tentative d’analyse

déterminée à aller plus loin que « mdr/<3/

lol#gayfriendly », il serait peut-être temps

de s’interroger sur ce que véhiculent, plus

ou moins consciemment, nos œuvres *pour

rire*.

KIRKOU

CINÉMA

« La vie moderne autorise les voyages, mais ne procure pas d'aventure. » Jean Mermorz

21

Page 24: Kaktum #5_Juin 2015

CHUB

CURIOSITÉS

« Oh franchement, vous êtes magniique

avec cette petite jupe… » suivi brutalement

d’un « dis pas merci sale pute ! » Pardonnez-

moi, mais je me sens tout à coup un peu

perplexe… En l’espace de quinze secondes,

vous me considérez comme une pure beauté

avant de brutalement retourner votre veste.

De pure à pute, il n’y a qu’une lettre qui

change, me direz-vous. Mais quand même,

un changement d’avis aussi prompt ! Je sais

bien que la rapidité du monde contemporain

n’est plus à déinir mais quand même. Peut-

être, mon cher ami, êtes-vous schizophrène ?

Cela expliquerait bien

des choses… Mais il ne

me semble que vous

ne soufriez d’aucun

symptôme, si ce n’est, celui de la bêtise. Un

symptôme si dur à combattre ! « C’est terrible

la bêtise » comme dirait l’autre. Comment

vous expliquer ? Comment trouver les

mots ain de vous faire comprendre une

fois pour toutes, que, non, nous ne sommes

pas obligé(e)s de vous remercier pour un

compliment que l’on n’a pas demandé. Tu

sais – je me permets de te tutoyer, vu que

tu te permets de m’insulter – si le matin je

décide de porter cette jolie jupe que je me

suis achetée la veille, ce n’est pas pour te faire

plaisir, ce n’est pas pour te perturber, ce n’est

pas pour t’encourager… En fait, si tu veux

tout savoir, tu n’as aucun poids dans le choix

de ma tenue. Aucun. Et tu sais pourquoi ?

Parce que je m’habille comme il me plaît.

Mon avis est l’unique chose qui compte dans

un choix aussi léger que celui d’une tenue.

Si je porte une jupe, c’est parce qu’elle me

plaît, parce que je me sens bien avec. Cette

simple jupe exprime ce que je veux véhiculer

aux autres de ma personne. Aujourd’hui,

c’est cet objet qui relète mon état d’esprit ;

demain, je ressortirai peut-être mon legging

tout délavé et troué que j’ai depuis le collège.

Mais, dans tous les cas, tu n’auras aucune

inluence sur ces choix-là. Tu ne me forceras

pas à m’habiller comme tes chers petits

yeux faiblards daigneraient le supporter. Et

ne me dis pas que je t’impose cette vision,

que tu te sens agressé. Mon pote, on vit sur

un même territoire, dans la même ville, on

est contraint de vivre ensemble. Et de toute

façon, tu ne pourras

pas contrôler l’aspect

de chaque personne

qui croisera ta route.

Si ce n’est pas moi, ça en sera une autre. Est-

ce que je te dis, moi, que je trouve que ton

allure manque d’élégance, que le combo

jogging-chaussettes ne te met pas tellement

en valeur, que ta gueule d’abruti m’agace ?

Non, parce que, malgré tout, je te respecte. Je

respecte ce que tu es, ce que tu nous montres

de toi, parce que, derrière tout ça, il y a une

histoire. Ton histoire. Et je vois pas pourquoi

elle ne devrait pas être respectée, au même

titre que toutes celles des personnes qui nous

entourent. Alors arrête de jouer au con. Et

puis d’abord, ça a déjà marché sérieusement ?

Si on essayait plutôt de se parler avant de

s’insulter ? Je t’expliquerai pourquoi je mets

des jupes et tu m’expliqueras pourquoi tu

remontes systématiquement ton pantalon

mi-mollet. Imagine déjà la scène ; toi, moi,

tes chaussettes, dansant dans un tourbillon

efréné… On tient le scénar’ du prochain

Disney, bordel !

De la pure à la pute

« Les crocodiles ne suivent pas les enterrements, ne sachant pas pleurer. » Francis Picabia

22

dis pas merci sale pute !

Page 25: Kaktum #5_Juin 2015

23

CURIOSITÉS

« UNE CHOSE N'EST PAS NÉCESSAIREMENT VRAIE PARCE

QU'UN HOMME MEURT POUR ELLE. »

devoir de mémoire

« Les poètes ne tuent point. » Vladimir Nabokov

Oscar Wilde

Page 26: Kaktum #5_Juin 2015

24

LUDIQUE

TÊTEKETA !PAR MONA

RETROUVE LA BD !PAR KIRIKOU & OCHEUNE

MACHOIRE

ANGULEUSE :

WOEMMEO : SOURIRE

DOUTEUX :

MOUSTACHE

HACHÉE :

Rose depuis les

racines. Les pistils

printaniers

s’excitent et les

pétales se draguent.

Malheureusement

la faune présente

n’est guère

alléchante.

Votre ridicule

altesse restera

couchée

pour cause de

froideur pluviale.

Prévoyez une petite

laine et des

navets bien salés.

Bon repos!

Vilain sentimental,

il ne suisait pas

de s’y jeter mais

plutôt de prévoir

comment s’en

détacher.

L’arme l’oeil, je

vous sais en

mélodie latine.

Votre volume

capillaire s’accroît.

À croire que

l’harmonie s’établit

en perçant votre

aquilin si joli qui

vous permet de

sentir.

1

2

3

4A

B

A

C

D

A: 4 ; B : 6 ; C : 3 ; D : 2 ; E : 5 ; F : 1

Les Cités Obscures

AdèleBlanc-sec

rahan

Asterios Polyp

5 Greenlantern

6 titeuf

E F

Page 27: Kaktum #5_Juin 2015

ILLUSTRATEURS : MONA & ARK

Page 28: Kaktum #5_Juin 2015