Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 004

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COMITE DE REDACTION : ivan verheyden, rédacteur en chef jean claude berck, robert dehon, jacques dieu, guy druart, patrick ferryn, jacques gossart, jacques victoor AVEC LA COLLABORATION DE : willi brou, paul de saint-hilaire, professeur marcel homet, pierre méraux-tanguy, albert van hoorebeeck, alfred weysen MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

Au sommaire — le ballet des géants, Guy Druart . . . . . . . . . . . . . . . — une entreprise de mille années ?, Patrick Ferryn . . . . . . . . . . — l’affaire stonehenge ou la bataille des étoiles, suivi de au rendez-vous

de pythagore, Pierre Méreaux-Tanguy . . . . . . . . . . . . . — beaker people, affirment les archéologues, Jacques Gossart . . . . . . — l’abominable homme des chantiers, Jacques Victoor . . . . . . . . . — il n’y a pas que stonehenge, Ivan Verheyden . . . . . . . . . . . — il faut (provisoirement) conclure . . . . . . . . . . . . . . . itinéraire et carte, 6 — bibliographie, 33.

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A la recherche

De kadath

La Terre est un cimetière de civilisations. D’immenses mystères nous défient, des rives du Nil jusqu’à une île dans le Pacifique, du Golfe du Morbihan à la Cordillère des Andes. L’une des plus grandes énigmes de notre planète se dresse au sein de la Plaine de Salisbury. Stonehenge, c’est le point d’in-terrogation à l’état brut. A chaque pas, c’est le début et la fin d’un monde. Ici, la seule échelle possible est celle de la légende, celle de Merlin l’Enchanteur Mais nous sommes aussi devant un admirable poème dédié à Apollon, dieu du Soleil, et composé par des philosophes-mathématiciens-astronomes. Chaque mot de ce poème est roc, chaque rime est axe, chaque strophe est cercle. Notre civilisation vient de le redécouvrir, mais il lui a fallu pour cela l’aide d’un ordinateur, avec les renseignements que lui fournit Gerald S. Hawkins. Plus près de nous — et c’est une exclusivité que nous vous présentons — Pierre Méreaux Tanguy a pu démontrer que, non contents de suivre les directives d’un Copernic, les constructeurs y ont, en outre, intégré les notions pythagoriciennes les plus pures. Tous ceux qui vous parlent dans ce numéro sont allés à Stonehenge. Nous n’avons confié à personne le soin de relater les choses, sans avoir goûté la magie des lieux. II faut voir Stonehenge, seul, lors-que le dernier touriste s’est éloigné. Pénétrez sous la voûte, dans cette enceinte à échelle non humaine. Asseyez-vous sur une pierre effondrée. Regardez la voûte des cieux, écoutez la musique des sphères. Et songez qu’ici aussi, quarante siècles vous contemplent. Alors, le fantastique jaillira. Le vrai, celui qui naît de la réalité.

KADATH.

D’où te vient ceci, âme de l’Homme, d’où te vient ceci ?...

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Entre les lignes

Stonehenge est unique. Le site est à ce point paisible, qu’il fit dire à Henry James : « Stonehenge est aussi esseulé dans l’Histoire qu’il l’est dans la grande plaine ». Immense et tranquille, il semble au-delà des hommes et de la mort. Les millénaires ont passé et sa véritable histoire s’est perdue. Pourtant, les littératures grecque et romaine mentionnent déjà Stonehen-ge. Lorsque les envahisseurs romains arrivèrent en Angleterre, ils n’y prêtèrent qu’une attention toute relative : après tout, Rome possédait ses temples, l’Egypte ses pyramides, et cela repré-sentait sûrement plus à leurs yeux que ce groupe de pierres. Un homme pourtant en avait remarqué l’impor-tance : Diodore de Sicile qui, au siècle d’Auguste, rédigea sa précieuse « Bibliothèque Historique ». Dans la seconde partie de son œuvre, chapitre 47, voici ce qu’il nous dit : « Hécatée et quelques auteurs racontent qu’en face du pays des Celtes, à peu de distance vers le nord, existe une île aussi grande que la Sicile. Ses habitants s’appel-lent les Hyperboréens, parce qu’ils échappent aux atteintes du vent du nord. Le sol de cette île est excellent et si remarquable par sa fertilité qu’il produit deux récoltes par an. C’est là le lieu de naissance de Latone, ce qui explique pourquoi les insulaires vénèrent particulièrement Apollon. Ils sont tous, pour ainsi dire, les prêtres de ce dieu : chaque jour, ils chantent des hymnes en son honneur (...) On voit aussi dans cette île un bois sacré de toute beauté consacré à Apollon, ainsi qu’un temple magnifique de forme ronde et orné de nombreuses offrandes ; la ville de ces insulaires est également dédiée à Apollon, ses habitants sont pour la plupart des joueurs de cithare qui célèbrent sans cesse, dans le temple, les louanges du dieu en accompagnant le chant des hymnes avec leurs instruments. Le gouver-nement de cette ville et la garde du temple sont

confiés à des rois appelés Boréades, les descen-dants et les successeurs de Borée. Tous les dix-neuf ans, quand le soleil et la lune retrouvent leur position l’un par rapport à l’autre, Apollon fait son entrée dans l’île... jouant lui-même de la cithare pendant la nuit, en conduisant des chœurs sans interruption depuis l’équinoxe de printemps jus-qu’au lever des Pléiades ». Depuis les temps les plus reculés, Stonehenge excita l’imagination des hommes. Cet endroit étrange donna naissance à de nombreuses légendes. Le premier qui tenta de reconstituer l’histoire de cette construction semble avoir été un certain Gildas dont l’existence demeure dou-teuse. Un autre, Aneurin, grand barde gallois, chantait « le Travail des Géants ». Mais ce ne sera qu’au XIIe siècle, siècle de légendes, que l’on va entrevoir l’étymologie du mot « Stonehenge ». Un Anglo-Normand, nommé Wase, affirme que l’on appelait ce lieu de la mê-me manière en anglais qu’en français : « Stanhengue en anglois et Pierres Pendues en françois ». Henri de Hemtington approuve cette appellation et l’explique par le fait que ces pierres paraissent suspendues dans les airs. D’autres, au contraire, pensaient que cet épithète ne se rapportait pas aux monolithes, mais bien aux criminels qui étaient censés s’y balancer ! L’Histoire va se charger d’en faire « Stan-Hengist », du nom d’un héros saxon fameux. Gilraldus Cambrensis, ami de Richard Cœur-de-Lion et de John I, cite le cromlech parmi les mer-veilles du pays, et c’est Geoffroy de Monmouth qui tentera d’en expliquer les origines à travers les légendes du XIIe siècle. Geoffroy, un moine d’origine probablement galloise, rédigea sa célè-bre « Histoire des Rois de Bretagne » (1), épo-pée plus proche de Virgile que de Tacite, et qui contient tous les éléments d’où dériveront les romans du Roi Arthur et de la Table Ronde.

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LE BALLET DES GEANTS « Dans ces pierres, il y a un mystère. »

Merlin L’Enchanteur.

(1) Par là, il faut entendre la Grande-Bretagne, « Britain » en anglais ; notre Bretagne se dit? chez eux, « Brittany ».

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Si nous suivons les explications légendaires de Geoffroy, histoire de Stonehenge débuta au VIe siècle, avec un certain Vortigern, comte de Gewissi et usurpateur de la couronne. Une gran-de hostilité régnait alors entre Saxons et Bretons. Les côtes du Kent furent envahies par les guer-riers saxons menés par Hengist. Après avoir tenu un conseil de guerre, les Saxons décidèrent de porter chacun un couteau dans la semelle de leur botte. Hengist feignit de rassembler les deux peuples au cours d’une réunion près de Salisbu-ry. Mais l’heure venue, les Saxons égorgèrent près de 460 princes bretons. On sait qu’une ba-taille eut lieu au mont Badon (Bath ? Badbury ?). C’est alors qu’apparaît le nom du Roi Arthur. Nennius le considère comme le grand comman-deur des Bretons et ce durant plusieurs décades. Par la suite, il deviendra un demi-dieu mythique. Selon certaines légendes, il eut pour père Uther Pendragon, dont le frère, Ambrosius Aurelius, souverain d’ascendance romaine, était l’héritier légitime du trône breton. Aurelius régna avec l’aide de Merlin l’Enchanteur, et son nom serait à l’origine de la ville d’Amesbury. Geoffroy continue : « Un jour, le roi Aurélius re-vient à Salisbury où les princes avaient été mas-sacrés. Pris de pitié, il décida de leur ériger un mémorial grandiose. II y méditait lorsque Merlin lui dit : « Si vous désirez obtenir le pardon de ces actes, envoyez chercher dans une montagne d’Irlande appelée Killaraus, au lieu-dit « Le Ballet des Géants », des pierres qui seront à même par leur grandeur et leurs propriétés mystiques de blanchir vos âmes de ces meurtres. Lorsque vous les posséderez, disposez-les en cercles autour de ce cimetière. » Le roi rit et répliqua : « Comment faire ? Ces pierres sont si grosses et proviennent d’une région si éloignée que mon peuple tout entier ne suffirait pas pour mener cette tâche à bien ». Merlin rétorqua : « Ne riez pas ! Dans ces pierres, il y a un mystère et elles contiennent une vertu capable de parer à ces difficultés. Anciennement, des géants les appor-tèrent du fin fond de l’Afrique. » Le roi, convain-cu, envoya 15.000 Bretons conduits par Uther Pendragon, son frère. La flotte prit la mer. Les Irlandais eurent vent de ce projet et le roi Gillo-man rassembla son armée afin d’empêcher les Bretons d’emporter la moindre pierre. Les enva-hisseurs forcèrent le barrage et se dirigèrent vers le mont Killaraus. Alors seulement, le problème du transport des pierres apparut pleinement. Merlin, obligé de venir à leur secours, mit en jeu toute son ingéniosité (« engine » = machinerie). Et les pierres furent chargées avec une telle faci-lité que personne ne put y croire. Heureux d’avoir accompli leur mission, ils reprirent le chemin du retour. Toujours aidés par Merlin, ils disposèrent les pierres en cercles comme convenu. Selon Geoffroy, Pendragon y fut inhumé. La plupart des histoires de Geoffroy de Mon-

mouth sont divertissantes, mais certains passa-ges méritent cependant d’être pris en considéra-tion. En voici quelques exemples : — il est exact que le cromlech de Stonehenge est bâti au milieu d’un ensemble de tumuli funé-raires ; tout comme il faut reconnaître qu’à cette époque, le peuple entier d’Aurelius n’aurait pas suffi à la tâche ; — en ce qui concerne la personnalité de Merlin, certains mythographes pensent que son nom est la déformation d’un ancien terme celtique « Myddin » (dieu du ciel) qu’on adorait en des monuments de pierres identiques. Et la tradition galloise veut que l’Angleterre s’appelait avant l’arrivée des hommes : « Merlin’s enclosu-re » (territoire de Merlin) ; — enfin, il faut noter que selon le texte de Geof-froy — et contrairement à ce qu’affirment de nombreuses versions modernes — ce n’est pas à l’aide d’une formule magique (comme dans beau-coup d’autres mythes), que Merlin fit se déplacer les pierres, mais bien grâce à une « machinerie » de son cru. En 1886, John Rhys concluait que nous pouvons déduire des légendes de Geoffroy que Stonehen-ge appartient au culte celtique. Cependant, dès les XVe et XVIe siècles, certains auteurs anony-mes de la « Chronicle of England », et le

Le plus ancien dessin représentant Stonehenge, dans un manuscrit du XIVe siècle. On y lit : « Stonehenge, situé à côté d’Amesbury, en An-gleterre. En cette année (483), le Ballet des Géants fut amené d’Irlande à Stonehenge, non par la force mais par l’Art de Merlin ».

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Gallois Polydore Vergil mettaient en doute l’idée de construction de Stonehenge par Merlin. William Camden de l’ « Elisabethan historian-antiquary », ne compte pas Stonehenge parmi les merveilles légendaires. « Stonehenge représente pour ma part, dit-il, tout au plus une construction dont les bâtisseurs ont été oubliés. Cependant, certaines personnes pensent que les pierres utilisées ne sont pas naturelles mais constituées d’un mélange de sable et de matières liantes ». De même, Pliny explique que le sable (ou la poussière de Puteoli) arrosé souvent d’eau, devient de la pierre. Au XVIe siècle, la science prend le pas sur la lé-gende. De nombreuses personnes visitèrent ce lieu étrange, beaucoup plus encore écrivirent à son sujet. C’est ainsi que durant son règne, Jac-ques Ier visita Stonehenge et chargea l’architecte Inigo Jones d’en dresser les plans et d’en trouver la configuration initiale. Ceci fut publié en 1655 : « II est à remarquer, dit Jones, que lors de sa construction, les druides, pas plus que les pre-miers habitants de la contrée, n’étaient capables d’ériger un tel édifice ; que la construction soit romaine, cela me parait plus vraisemblable, car en effet, la structure générale me fait penser à un temple dédié au dieu céleste Coelus ». Mais la théorie de Jones fut très controversée. En 1663, le docteur Walter Charleton prétendit que ce temple avait été construit par les Danois lorsqu’ils envahi-rent l’Angleterre. II aurait servi à l’intronisation de leur roi. Mais les investigations se firent plus sérieuses. En effet, John Aubrey (1626-1697), archéologue ama-teur, très connu pour sa collection de biographies appelée « Brief Lives », était le premier proto-archéologue anglais à fouiller et à mesurer systé-matiquement le site. II était né dans un hameau appelé Easten Pierse à une cinquantaine de kilo-mètres au nord du monument qu’il découvrit dès l’âge de huit ans. II se consacra d’abord aux po-tins concernant les écrivains de l’époque des Stuart, en particulier Shakespeare, II entreprit beaucoup de grandes choses au point de vue archéologique, mais sans jamais en terminer au-cune. Pourtant, ses opinions n’étaient guère sans influence, car il avait sa propre théorie sur les ori-gines de Stonehenge. En 1663, il composa à l’in-tention de Charles II une brochure à ce sujet. On y trouve une esquisse assez précise par les détails de construction et les caractéristiques des pierres, ainsi que le relevé des trous qui, plus tard, seront associés à son nom. Ses conclusions sont les suivantes : « II y eut plu-sieurs livres écrits par des savants au sujet de Stonehenge, tous émettent des opinions et hypo-thèses différentes. De tout cela, je déduis que ce monument serait un temple païen consacré aux druides. C’était un haut-lieu de prières ; à mon sens, je dévoile une partie du mystère qui entoure

ce cromlech ». Aubrey a raison de reconnaître que la construction est antérieure à l’invasion romaine, et cela n’exclut pas que le cercle de pierres ait pu servir aussi de temple druidique. Les druides, hommes de science, enseignants, médecins, ju-ges au temps des Celtes, étaient la classe domi-nante ; ce sont eux qui transmettaient les rites sacrés. Le reste de la population vivait pratique-ment en esclavage. Mais ces mœurs ne furent transmises de la Gaule en Angleterre que vers 500 avant J.-C., soit plus d’un millénaire au moins après la construction du monument. Cependant, le prestige d’Aubrey avait suffi pour relancer cette image d’Epinal dans l’esprit populai-re. Image que, cent ans après, William Stukeley allait encore amplifier, au point de lui valoir le titre d’Archi-Druide. Pourtant, dans la confusion et la superstition qui régnaient alors, il apporta un compte rendu mêlant l’objectif au subjectif. Aidé par la Société des Archéologues, il publia en 1740 : « Stonehenge, a temple restored to the British Druids ». Les revoilà ! Selon Stukeley, ils adoraient à cet endroit le serpent. D’ailleurs, tous les cercles similaires de pierres n’étaient-ils pas des temples du serpent ou « dracontia » ? Notre brave homme avait même découvert que les cons-tructeurs avaient utilisé le compas magnétique : en comparant l’aimantation générale de Stonehen-ge avec la vitesse de variation magnétique (sic), il déduisit que la construction datait de 460 avant J.-C. Et pourtant... Stukeley avait fait une découverte importante. Partant du nord-est du monument, il décrivit une « avenue », bordée d’un talus et d’un fossé, et qui se perdait dans la vallée. « L’axe principal de tout le monument, dit-il, pointe vers le nord-est, là où se lève approximativement le soleil lorsque le jour est le plus long. » Les idées druidiques de Stukeley avaient fait ger-mer un groupe appelé « The Most Ancient Order of Druids ». En 1781, il prospérait à Londres. Ses adeptes voyaient leurs prêtres plus mystiquement que religieusement, en fait les détenteurs des « sages secrets atlantes ». Ces « druides » mo-dernes ont à ce point imposé leur rapport avec Stonehenge, qu’ils se sont alloué le droit de prati-quer chaque année leurs cérémonies dans l’en-ceinte de « leur » temple, le jour du solstice d’été, comme s’il s’agissait réellement de rétablir les rites traditionnels. En fait, ce groupe n’a plus aucu-ne connaissance réelle de ce que pensaient et exécutaient les druides anciens. A partir d’eux, la fiction passe franchement à côté de la réalité...

GUY DRUART

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6 STONEHENGE, comté du Wiltshire, dans le sud de

l’Angleterre, entre Cornouailles et Pays de Galles. Par avion: Londres ou Southampton. Par hovercraft (Ramsgate) ou car-ferry (Douvres) :

passer par Londres ou longer la côte (environ 300 km).

DEPUIS LONDRES : autoroute M3 jusque Basing-stoke, puis route A30 jusque Salisbury (± 160 km).

PAR LA COTE : routes A259 puis A27 par Brigh-ton, Portsmouth et Southampton, puis A36 jusque Salisbury.

SALISBURY : A345 vers le nord, parallèle à l’Avon. Après 13 km : Amesbury. Stonehenge est à 3 km

vers la gauche, sur la route de Devizes. Encore 19 km : Marlborough. Avebury est à 10 km

sur la gauche, également en direction de Devizes. On passe successivement par le Sanctuaire, West Kennet Long Barrow et Silbury Hill. Les Downs sont au nord, un plateau réservé aux promenades pédestres.

OUVERTURE à 9 h 30 ; jusque 16 h de novembre à février, 17 h 30 en octobre, mars et avril, 19 h de mai à septembre. Le lever du solstice d’été a lieu vers 4 h. Pour pénétrer en dehors des heu-res, s’adresser au conservateur, Mr. Woodhouse (Amesbury 3108) ou au gardien-chef, Mr. Lynch. La caution est de 5 livres.

MUSEES. Salisbury (St. Ann street) pour les fouil-les de Stonehenge ; Avebury (Churchyard) pour Windmill et Silbury Hill, Avebury et la Kennet Avenue ; Devizes (Long street) pour Woodhenge, le Cursus, le Sanctuaire et West Kennet Long Barrow.

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Archeologie parallele

Dans quelques instants, vous allez pénétrer dans le tunnel qui vous mènera, de l’autre côté de la route, au chemin d’accès du site de Stonehenge. Pour répondre à toutes les questions qui se bous-culaient déjà dans votre esprit, vous avez acheté à l’entrée une brochure éditée par les Grands Archi-tectes du Néolithique, et vous voilà prêt à décou-vrir, pierre par pierre, l’histoire de cette grandiose entreprise... Hélas, ceci n’est qu’un rêve et bien entendu semblable brochure n’existe pas ! Nulle trace de l’histoire de la construction de Stonehen-ge ne subsiste, et aucun chroniqueur n’était là pour nous la relater. II nous faut donc interroger les pierres. Après les digressions druidiques de John Aubrey, et égyptiennes de William Stukeley, vinrent au début de ce siècle, les premières fouilles sérieu-ses. En 1901, le professeur Gowland creuse sous les vestiges laissés par les Romains et exhume 80 haches et marteaux de pierre. Nous voici enfin renvoyés dans le Néolithique. En 1920, le colonel William Lawley, commandité par la Société des Antiquaires, découvre avec Newhall les trous Y et Z. Puis arrivèrent en 1954 R.J.C. Atkinson, Stuart Piggott et J.F.S. Stone qui, consciencieusement, fouillèrent une moitié de terrain et datèrent au car-bone 14 les os calcinés trouvés dans les Trous d’Aubrey. Leurs travaux, et particulièrement ceux d’Atkinson, les conduisirent à élaborer une recons-titution par étapes pour la construction du cromlech. Rome n’a pas été faite en un jour. Stonehenge non plus. D’après ces éminents archéologues, il n’y a pas eu qu’un seul Stonehenge, mais trois, édifiés l’un après l’autre sur le même emplace-ment, le dernier ayant lui-même été construit en trois étapes. Afin de bien distinguer ces diverses périodes, et dans un but pratique, nous repren-drons ici les appellations officielles de Stonehenge

I, II, III A, B et C. Cette reconstitution officielle s’appuie, bien entendu, sur des données archéolo-giques, auxquelles s’ajoutent des études stratigra-phiques, anthropologiques et autres, mais elle présente, selon nous, d’importantes faiblesses que nous soulignerons au passage. L’irritant pro-blème de la datation, nous l’aborderons en conclu-sion à cet article. Stonehenge I Le complexe ainsi dénommé aurait débuté par une ébauche du site. Plus tard, un peuple de l’âge de la pierre, probablement issu de chasseurs et de cultivateurs venus du continent, creusa un large fossé circulaire, entassant la terre enlevée en rem-blais de part et d’autre. Le talus extérieur a pres-que disparu, celui situé en dedans étant, par contre, très important : Stonehenge est d’ailleurs le seul cromlech qui ait son talus à l’intérieur du fossé. Le cercle ainsi formé, d’un diamètre de prés de 108 mètres, comportait une ouverture au nord-est, dans le but de figurer une entrée à l’enclos. A cet endroit se trouvent quatre trous, plus ou moins alignés, qui ont peut-être contenu des poteaux de bois pour la visée. Plus à l’intérieur du cercle, mais à proximité de cette ouverture, il y a deux trous plus importants, qui ont vraisemblablement sup-porté des pierres verticales. Une troisième pierre fut érigée à une trentaine de mètres du cercle, la Pierre Talon ou Heelstone, longue d’environ 6 m, large de 2,40 m et épaisse de 2,10 m. Elle est enfouie de 1,20 m dans le sol et son poids est de 35 tonnes. C’est une sorte de pierre de sable na-turelle, appelée sarsen (de saracen - sarrazin - qui signifie étranger), en vertu d’une croyance ancien-ne qui voyait en Stonehenge le produit d’une terre lointaine. En fait, l’on trouve les sarsens à Marlbo-rough Downs, à 32 km au nord du site. La Pierre Talon fut vraisemblablement érigée verticale-ment à l’origine, mais penche actuellement de 30° vers le centre du cercle. Plus tard, elle fut entourée d’un étroit fossé, peut-être pour souli-gner le caractère sacré du monolithe. A l’en-contre des autres sarsens, elle ne porte aucune trace de taille.

UNE ENTREPRISE DE MILLE ANNEES ?

«Quand les documents manquent, les pierres parlent ».

Jacques Boucher de Perthes.

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On suppose que son nom lui fut donné par John Aubrey, qui rapporte qu’une certaine pierre accu-sait une large dépression ayant la forme du talon d’un moine... Selon Atkinson, cette marque se trouverait plutôt sur une autre pierre («... elle res-semble un peu à un pied droit, considérablement plus grand que le mien... »). Une légende s’y ratta-che d’ailleurs : il était une fois un moine qui, pour l’une ou l’autre raison, rencontra le Diable ; celui-ci prit la pierre, la jeta vers le moine et le frappa... au talon ! Certains se sont même demandé si le mot anglais « heel » n’avait rien à voir avec le grec « helios » (le soleil), d’où la dénomination « Pierre de Hele » que l’on retrouve parfois. II n’est pas impossible que la consonance « heel » soit d’origi-ne celtique et qu’Aubrey et les autres aient essayé de lui trouver une quelconque justification.

Stonehenge I : Fossé et talus, Cercle des 56 Trous d’Aubrey et la Pierre Talon ou Heelslone. On suppose qu’ensuite furent creusés les 56 Trous d’Aubrey, disposés avec une étonnante régularité en un cercle de 86,70 m de diamètre. Leur largeur varie de 75 à 180 cm, et les parois, raides, aboutissent à un fond plat, qui peut se si-tuer jusqu’à 1,20 m de profondeur. Immédiatement après avoir été creusés, ces trous auraient été rebouchés avec de la craie pilée. Plus tard, ils devaient être réouverts et ensuite à nouveau rem-plis de craie, à laquelle furent mêlés des osse-ments humains calcinés. L’opération se répéta ainsi plusieurs fois. En 1964, 34 trous furent fouil-lés et parmi ceux-ci ; 25 contenaient des créma-tions humaines. En outre, comme il était de prati-que courante à l’Age de la Pierre de joindre des objets utilitaires aux cendres, on trouva de lon-

gues aiguilles d’os ainsi que des clous taillés dans le silex. Un nombre indéterminé de crémations — peut-être trente — ont été trouvées en d’autres endroits, principalement dans le fossé et dans le remblai intérieur. Cette découverte fut faite par William Hawley vers 1920, mais il ne consigna hélas pas ses trouvailles. Stonehenge II La seconde période de l’édification du site est attribuée à une peuplade différente : le Peuple des Gobelets ou Beaker People, qui est censé avoir amené les premiers assemblages de mégalithes. A cette fin, ils allèrent chercher au Pays de Galles, à Prescelly Mountains (213 km à vol d’oiseau !), 82 pierres bleues pesant jusqu’à cinq tonnes. On estime, d’après les traces que constituent les trous Q et R, qu’elles furent disposées en deux cercles concentriques à environ 9,50 m du centre de l’en-clos, chaque pierre étant distante de sa voisine de 1,80 m. Ce double cercle avait une entrée orientée vers le lever de soleil du solstice d’été et est resté inachevé du côté nord. De cette période daterait également l’ « Avenue » de Stonehenge. Large de 12 m, bordée d’un talus, cette allée, perpendiculaire au fossé du cromlech, quittait celui-ci près de son entrée, s’en allait vers le nord-est, descendait dans la vallée, tournait vers la droite et rencontrait probablement la rivière Avon en amont d’Amesbury. Longue de près de 3 km, elle servait, nous dit-on, à transporter les pier-res bleues depuis les radeaux jusqu’à l’endroit où elles devaient être dressées En réalité, les fouilles ultérieures ont révélé que l’entrée de l’ « Avenue » ne se trouvait pas du côté d’Amesbury. C’est de Stonehenge qu’elle partait pour se perdre dans la vallée ; le reste du trajet la reliant à l’Avon n’étant que de facture très tardive. Elle avait quasi com-plètement disparu, lorsque Stukeley la redécouvrit en 1723. Parfaitement mise en évidence par pho-tographie aérienne en 1923. l’ « Avenue » est uni-que et propre à Stonehenge. La seule formation analogue, Kennet Avenue à Avebury, était bordée de menhirs. C’est ici qu’il faut situer l’ « incident » des Pierres d’Orientation (1). Elles devaient être au nombre de quatre, disposées sur le cercle des Trous d’Au-brey, où elles déterminaient un rectangle perpen-diculaire à la ligne du solstice d’été. II n’en reste que deux (91 et 93) ; des autres, on ne retrouve plus que les monticules sur lesquels elles étaient disposées (tumulus nord et sud, 94 et 92), dont l’un recouvre partiellement un Trou d’Aubrey. At-kinson les situe au début de Stonehenge III, tout

(1) Telle est la traduction correcte de « station Stone », et non « pierre de station », qui nous parait un peu facile. Stonehenge n’est ni un calvaire ni une gare ! (Voir plan page 16.)

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en reconnaissant qu’il tend plutôt à les attribuer à la période II. En effet, leur facture brute, à peine dégrossie, les apparente à la Heelstone, avec laquelle elles forment d’ailleurs les éléments-clés pour l’orientation par rapport au solstice. D’autres archéologues, émettant les mêmes réserves, ten-tent de résoudre la question en situant la Heelsto-ne dans Stonehenge II. Bref, ces sarsens voya-gent d’une extrémité à l’autre dans la belle chrono-logie de Mr. Atkinson, et c’est pourquoi nous avons parlé d’ « incident ». Car nous nous som-mes demandé pourquoi il fallait absolument subdi-viser cet ensemble en deux phases de construc-tion.

Stonehenge II: Cercle inachevé de 82 pierres bleues, l’Avenue et probablement aussi les quatre Pierres d’Orientation.

* * *

Pour répondre à cette question, voyons quels ar-guments utilise Atkinson pour situer les diverses pièces du puzzle l’une par rapport à l’autre dans le temps A cette fin, il a recours à deux types de preuves : 1) la stratigraphie ou étude des couches successives de terre, de chaux, de débris que le temps et les conditions météorologiques ont en-tassées, et 2) une géométrie idéale basée sur des alignements, des axes et des symétries. Utilisant ces deux méthodes, il arrive à des conclusions du type : « Si ce n’est pas avant, c’est après ». Les arguments stratigraphiques sont convaincants. Ainsi, par exemple, on trouve des traces de pier-res bleues dans des couches comblant le fossé; donc, elles ont été amenées après son creuse-ment. Ou encore, le fossé entourant la Heelstone a été comblé avec un morceau de pierre bleue, donc il ne peut lui être antérieur. Par contre, la seconde méthode nous parait spécieuse et ne peut, en aucun cas, servir de preuve. Parce que l’ « Avenue » se trouve dans l’axe du double cer-cle de pierres bleues, elle devrait être postérieure ; ou encore, parce que la Heelstone n’est pas dans l’axe de l’ « Avenue », elle ne pourrait que lui être antérieure. Nous émettons des réserves quant à ce genre d’argumentation.

Passée ainsi au crible, que reste-t-il de cette fa-meuse subdivision en Stonehenge I et II ? Pas beaucoup, selon nous, et voici ce que nous propo-sons. D’accord pour dire qu’on a avant tout creusé les Trous d’Aubrey, la stratigraphie le démontre D’accord également que l’ « Avenue » clôture cet-te période, car elle recouvre partiellement le fossé de la Heelstone. Mais entre les deux, aucune preuve archéologique ne peut être donnée pour séparer l’érection de la Pierre Talon avec ses Pier-res d’Orientation, de celle du double cercle de pierres bleues — alors que l’astronomie démontre que tout est déjà rigoureusement orienté selon le solstice d’été, sur le même axe que celui des fu-turs sarsens. Si Atkinson subdivise cela en deux phases, c’est parce qu’il a ses raisons, d’ordre chronologique et historique, que nous examine-rons à l’issue de la période III.

* * *

Stonehenge III Phase A Faut-il croire que, après avoir fait disposer 82 pier-res bleues, l’ « entrepreneur » se soit rendu comp-te qu’une malheureuse erreur s’était glissée dans ses plans ? Toujours est-il que le premier souci des bâtisseurs de cette troisième période fut de démanteler le double cercle de pierres bleues ! Une fois l’enclos débarrassé de ses pierres, ils amenèrent plus de 80 sarsens provenant de Marl-borough Downs, d’où les premiers constructeurs avaient extrait la Pierre Talon. Tout d’abord, ils érigèrent cinq énormes trilithes (deux montants verticaux surmontés d’une table horizontale, le linteau) disposés en un fer à cheval s’ouvrant vers le nord-est. Ensuite, ils entourèrent cet ensemble d’un cercle de 30 montants reliés deux à deux en leur sommet par des linteaux. Les trilithes sont de tailles différentes : 6 m, 6,30 m, 7.20 m, et sont disposés en ordre croissant depuis les extrémités des branches du fer à cheval, jusqu’au centre. Le trilithe central devait constituer la plus importante structure de Stonehenge son montant est mesu-rait, avant qu’il ne tombe et ne se brise, 7,50 m (dont 1.20 m dans le sol), tandis que le montant ouest faisait 8,95 m (dont 2,40 m sous terre). Ce-lui-ci pèse environ 50 tonnes et est probablement la plus grosse pierre taillée de Grande-Bretagne. Les linteaux de un mètre, qui coiffent les mon-tants, sont maintenus à ceux-ci par un système de tenons et de mortaises : au sommet de chaque menhir se trouve une proéminence, ou tenon, des-tiné à recevoir une cavité creusée sur la face infé-rieure du linteau, la mortaise. Par mesure de sécu-rité supplémentaire, les surfaces en contact du montant et du linteau sont concaves et convexes, pour éviter tout glissement. Le cercle des 30 sarsens est fait de montants plus petits : ils mesurent environ 5,50 m sur 2,10 m de large et une épaisseur de 1 m. D’un poids de quel-

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que 25 tonnes, ils sont enfoncés de 1,20 m dans le sol. Leurs linteaux pèsent environ 7 tonnes... Comme chaque montant sert d’assise à deux lin-teaux voisins, il est muni de deux tenons destinés à s’imbriquer dans les mortaises de chaque lin-teau. De plus, ceux-ci s’emboîtent également en-tre eux, grâce à un ingénieux système consistant en une rainure d’un côté et une saillie de l’autre, chacune correspondant à la rainure du linteau voisin. L’ensemble montants-linteaux acquiert ainsi une solidité extraordinaire, que les éléments ont à peine réussi à altérer. Et ce n’est pas tout : afin de corriger l’illusion d’optique et pour les voir verticaux, les montants furent légèrement effilés, tandis que les linteaux étaient façonnés de maniè-re à présenter une courbure légèrement convexe à l’extérieur du cercle et concave à l’intérieur. Ce respectable cercle de monolithes a un diamètre de 31 m. Au nord-est, une entrée est discrètement figurée par deux montants plus espacés que les autres. Là encore, en ce qui concerne la disposi-tion des pierres, la régularité est surprenante : à peine une marge d’erreur de 10 cm au plus… Le monolithe appelé Pierre du Sacrifice fut peut-être placé à proximité du trou E par ces mêmes constructeurs. Elle mesure près de 6,30 m mais est à présent si profondément enfoncée dans le sol que seule sa face supérieure est visible. Fut-elle dès le début enterrée, ou peut-être était-elle encore debout lorsqu’au XVIIIe siècle Inigo Jones et John Aubrey la dessinèrent ? On l’ignore. Ces archéologues, qui n’en étaient pas, ont peut-être représenté Stonehenge sur leurs estampes tel qu’ils s’imaginaient qu’il devait être à l’origine. Certains supposent que cette pierre fut couchée simplement parce qu’elle se trouvait — par erreur ? — dans l’axe de la Pierre Talon et gênait

la vue... Quoi qu’il en soit, sa dénomination est complètement erronée, et lui fut sans doute don-née par certains romantiques, qui voulaient à tout prix voir une destination sombre et grave au mo-nument. Bien au contraire, cette pierre se révéla plutôt être de bon augure ; en effet, si elle ne reçut jamais l’offrande sanguinaire des druides, un liqui-de tout aussi précieux et également rougeâtre, du porto, s’écoula sous elle d’une vieille bouteille que dégagea William Hawley ! Elle avait été placée là en 1801 par William Cunnington dans le but pro-bable de récompenser un futur visiteur ! Toujours est-il que la vénérable bouteille est encore au-jourd’hui exposée au musée de Salisbury...

Phase B A cette époque, une vingtaine au plus des pierres bleues remisées, furent à nouveau dressées, cette fois en un ovale à l’intérieur du fer à cheval de trilithes. Cet ovale — si c’en était un — est particu-lièrement difficile à déterminer car les traces sont très faibles ; il fut démoli très rapidement, peut-être même avant d’être achevé (Un autre projet avorté, tel que le double cercle des pierres bleues de Stonehenge I ?). Les archéologues placent aussi durant cette épo-que l’apparition de la Pierre d’Autel, aussi impro-prement baptisée par Inigo Jones que la Pierre Talon ou la Pierre du Sacrifice. Elle se trouve ac-tuellement enterrée à 4,50 m du grand trilithe cen-tral, mais dans une position qui n’est ni parallèle, ni perpendiculaire à l’axe principal de Stonehenge. Partant de ce verrou de — 1600, remontons aux

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Le système pour maintenir les linteaux: le tenon du montant s’emboîte dans la mortaise, tandis que la saillie d’un linteau s’encastre dans la rai-nure du voisin. Sur la photo de gauche, le mon-tant ouest du trilithe central (le tenon est nette-ment visible) ; le montant gît par terre, brisé, à côté du linteau (dont on remarque les mortaises). Le tout s’est effondré sur la Pierre d’Autel (une partie est visible à l’avant-plan). Entre le montant et le linteau, une pierre bleue.

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On peut donc supposer que ce n’était pas là sa position initiale. Mais le trou qui devait la contenir est introuvable... à moins qu’il ne soit sous elle ? En 1801, Cunnington rapporte qu’il découvrit, alors qu’il creusait tout près de cette pierre — sans doute pour cacher une seconde bouteille de porto ! — une longue cavité d’environ 1,80 m. Mais ce fait n’a jamais pu être confirmé. Cette pierre est la plus grande de celles qui ne sont pas faites de sarsen : elle mesure 4,80 m sur 1 m. Son unique particularité réside dans sa constitution, unique à Stonehenge : c’est une pierre de sable, finement graineux, vert pâle, mais qui contient énormément de mica. Elle semble avoir été ame-née de Cosheston Beds à Miltord Heaven, à quelque 48 km au sud-ouest des carrières de Prescelly. Les 30 trous Y et les 29 trous Z en dedans, date-raient également de cette période. Sous prétexte qu’ils forment un cercle irrégulier, Atkinson postule que les sarsens encombraient déjà le centre du terrain et gênaient les mesures. Profonds d’envi-ron un mètre, les trous forment des cercles de 39 et 53 m de diamètre Aucune matrice de pression ne fut jamais relevée sur leurs bords, si bien que l’on peut conclure qu’ils n’ont pas servi d’assises à des pierres. Comme les Trous d’Aubrey, ils furent rebouchés, cette fois avec de la boue et des silex, puis un fragment de pierre bleue dans de la craie. On ignore si elles devaient effectivement contenir un monolithe de pierre bleue ou pas.

Phase C Durant cette ultime étape des travaux — on com-mence à s’y faire — les bâtisseurs utilisèrent à nouveau les fameuses pierres bleues ! Ils en dis-posèrent 19 en fer à cheval à l’intérieur des trili-thes, et une soixantaine en rond entre le cercle des sarsens et le fer à cheval des trilithes. Cette dernière touche devait achever la construction du cromlech, qui avait pris un ou peut-être deux siè-cles, selon Atkinson. En vertu d’un « verrou » pla-cé par ce dernier, nous devrions nous situer en l’an 1400 avant J.-C. Nous allons voir maintenant pourquoi cela est faux…

* * *

Si Atkinson a subdivisé Stonehenge III en trois phases, c’est pour des raisons de facilité, sans plus. II postule que tel cercle est postérieur à tel autre parce que, dans le cas contraire, son en-combrement aurait gêné les constructeurs dans leur travail. Et chaque déplacement des pierres bleues répondant, selon lui, aux mêmes impéra-tifs, il situera donc ce déplacement en fonction du bon sens. Ce même bon sens lui fait dire que les sarsens ne peuvent dater de Stonehenge I, car leur centre géométrique ne correspond pas à celui des Trous d’Aubrey : il aurait donc été impossible

de dessiner un cercle aussi parfait alors que des blocs gênaient les mesures. C’est défendable, mais méfions-nous du bon sens quand même !

Stonehenge III. Phase A : un fer à cheval de 5 trilithes, et un cercle de 30 sarsens. Phase B : les Trous Y et Z. Phase C : disposition définitive des pierres bleues, 19 en fer à cheval et 58 ou 59 en cercle. (Maquette de Pierre Méreaux). Ce qui est grave par contre, c’est sa datation de Stonehenge III, car d’elle découle un « blocage » archéologique vis-à-vis des périodes précédentes. Atkinson est diffusionniste, c’est-à-dire que, com-me la plupart de ses collègues, il considère que l’Europe n’a pu démarrer par ses propres moyens et que le coup de pouce est venu de la Méditerra-née. Stonehenge rappelle la Porte des Lions à Mycènes, c’est incontestable. II fallait donc que son architecte fût familier avec ce genre de monu-ments, datés de 1600 avant J.-C. Mais la preuve faisait défaut. Jusqu’en 1953, où on releva sur certains trilithes, un total de plus de trente gravu-res représentant des têtes de haches en bronze. L’une d’elles en particulier, dessine une dague caractéristique, similaire de par sa poignée, à ce qui était en usage à Mycènes. Atkinson jubilait : « These connections (ses déductions) were dramatically confirmed ». Restait à trouver des pièces tangibles. La seule peuplade que les archéologues estimaient capable, à cette époque, d’organiser la construction d’un tel ouvra-ge, était une branche du Beaker People, appelée « Wessex Culture » , C’étaient d’excellents navi-gateurs, préférant le négoce à la guerre et il est officiellement établi qu’ils eurent de fréquents contacts avec les civilisations méditerranéennes. Ils possédaient des outils très perfectionnés, des bijoux et des armes en or et en bronze. Pour le démontrer, il suffisait d’aller fouiller les tumuli ronds qui leur sont attribués… Et voilà comment on fausse l’Histoire ! Car c’est bien d’un flagrant délit d’interprétation à rebours qu’il s’agit. Sur deux milles autour de Stonehenge, il y a 483 tombeaux, appartenant à toutes les cultures possibles du Néolithique. Pourquoi attribuer aux derniers en date la construction en pierre du cromlech ? Parce qu’ils y ont gravé une hache…

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étapes antérieures. La datation de Stonehenge II est basée sur les débris comblant les trous et le fossé. II s’agit là des traces laissées par le Beaker People, qui débarqua en Angleterre vers — 2000. Afin de raccrocher cette phase aux deux autres, Atkinson la situe vers 1600 environ, un siècle avant la dernière. Enfin, en ce qui concerne Sto-nehenge I, nous disposons de trois éléments d’ap-préciation, de valeur très inégale. En 1901, un astronome de l’Observatoire de Ken-sington, Norman Lockyer, remarqua judicieuse-ment que le soleil du solstice d’été se lève un peu moins d’un degré d’angle à gauche de la Heelslo-ne. II calcula qu’il devait se lever exactement au-dessus d’elle aux alentours de 1850 avant J.-C. En fait, Lockyer s’était trompé dans ses calculs ... mais à deux reprises, de sorte que le résultat final demeurait valable ! On les reprit par la suite, te-nant compte en outre de l’,« obliquité de l’éclipti-que », c’est-à-dire d’une période cyclique de 40.000 ans, au cours de laquelle le solstice d’été se déplace lentement vers l’est. Ce qui donna comme résultat 1840 ± 200 ans. Ceci n’est qu’une indication, car l’axe du cromlech ne peut être esti-mé qu’à quelques secondes près et, de plus, rien ne prouve que le soleil se levait exactement au-dessus de la Heelstone lorsqu’elle fut dressée. La seconde estimation est d’ordre culturel : on situe les poteries trouvées dans le fond du fossé, à une époque allant de 1900 à 1700. Ceci appelle aussi des réserves : combien de temps après le creuse-ment du fossé, les gens se mirent-ils à y laisser traîner leur vaisselle ? Enfin, troisième larron, le carbone 14. Appliqué aux crémations exhumées des Trous d’Aubrey, il donne grosso modo entre 2100 et 1600 (1848 ± 275 ans). Se basant sur l’ensemble de ces indications, Atkinson situait, v o i c i q u i n z e a n s , l e d é b u t d e

Stonehenge I à — 1800, pour en arriver actuelle-ment à — 2200. Un autre archéologue, James Dyer, plaçant Stonehenge dans l’ensemble du Néolithique anglais, avance franchement la date de — 2600. Et il semble bien que ce soit ce der-nier qui aura finalement raison. Car de nouvelles découvertes sur les irrégularités du carbone 14 (sur lesquelles nous ne pouvons nous étendre ici, mais que nous développerons dans le prochain numéro de KADATH), prouvent que, du moins pour l’Europe du Nord et à partir de — 1500, tou-tes les datations doivent être reculées de près de 500 ans, ce qui bat en brèche la théorie diffusion-niste et nous rapproche des chiffres de James Dyer. De sorte que, si les premières estimations d’Atkinson accordaient à l ’Entreprise « Stonehenge » une durée raisonnable d’environ quatre siècles, c’est maintenant à un millénaire qu’on aboutit ! Valeur complètement aberrante ! Dès lors, si les méthodes archéologiques moder-nes ne font que reporter Stonehenge I dans la nuit des temps, c’est le verrou de Stonehenge III qu’il faudra tôt ou tard faire sauter, en abandonnant les gravures mycéniennes, afin de ramener les dates à de plus justes proportions. Aussi notre option est-elle prise : selon nous, ce gigantesque cro-mlech remonte, dans son ensemble, à 4000 ans d’ici au moins, loin du Beaker People et de la Wessex Culture.

PATRICK FERRYN (en collaboration avec I. Verheyden)

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R.J.C. ATKINSON J. DYER CARBONE 14

(1956) (1971) (1971) (1950) (1973)

I 1800 2200 2600 2120- 1570

2475-1925

Stonehenge II

1600 1650 2000

Les dates indi-quées sont les chiffres extrê-

mes entre lesquels il faut signaler la

date exacte.

III 1550 à 1400

1550 à 1300 1800

Woodhenge Sanctuaire I 2400 – 2000 2000 -

1600

Avebury I et II

Sanctuaire II 2000 – 1600 2400 -

2000

Silbury Hill 2400 – 2000 2700- 2500

2250 – 2050 Gravures mycéniennes sur un mon-tant, à environ 1,20 m du sol.

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De l age d or

A l ere du verseau

Si Hawkins a raison — et la plupart des experts admettent actuellement que c’est bien le cas — alors Stonehenge est la Huitième Merveille du Monde Ancien.

Daily Express. Durant de longues années, la raison d’être de l’ensemble mégalithique de Stonehenge est res-tée une énigme irritante pour les archéologues. Nombreux sont les auteurs, plus ou moins spé-cialisés, qui ont émis à ce sujet des hypothèses parfois péremptoires qui font sourire ou bondir. Certains y ont vu un sanctuaire druidique (John Aubrey, 1665), une nécropole, un monument funéraire (Camden, 1575), un lieu dédié aux an-cêtres ou un endroit consacré au culte des morts (Schuchhardt). Geoffroy de Monmouth, au XIIe siècle, affirme qu’il s’agit d’un monument élevé par Aurelius Ambrosius, à la mémoire des chefs bretons traîtreusement massacrés par le roi saxon Hengist. Inigo Jones, en 1620, prétend que Stonehenge était un temple construit par les Romains. Par contre, pour James Fergusson, en 1878, il n’est pas douteux que ce temple fut élevé après le départ des dits Romains. D’autres enco-re y voient une construction égyptienne ou atlan-te (Stukeley, 1724). Dans un ouvrage paru ré-

cemment en langue flamande, sans nom d’au-teur, on nous affirme qu’il est beaucoup plus pro-bable que l’enceinte circulaire de Stonehenge ait servi uniquement comme piste pour courses de chars. Un Francorchamps néolithique, en som-me ! Ceci avait d’ailleurs été soutenu également par le préhistorien Schurchhardt. Enfin, citons aussi Roger Delorme (Historama, 1968) : « Peut-être tout ceci (les traces d’os calcinés) nous révè-le-t-il que les hommes de Stonehenge avaient, à l’échelle de leur époque, atteint un degré de civili-sation aussi élevé que celui que les fosses de Katyn et les fours crématoires d’Auschwitz ont révélé avoir été atteint par nos grandes civilisa-tions contemporaines » ! La signification astronomique de Stonehenge a fait l’objet de nombreux débats et spéculations depuis le jour où, en 1724, Stukeley fut le pre-mier à observer que le soleil du solstice d’été se levait approximativement dans l’axe de l’avenue d’accès. En 1901, Sir Norman Lockyer, éditeur de la revue anglaise « Nature », vérifia cette constatation et releva un certain écart entre l’axe du monument et la direction réelle du lever solaire solsticial.

L’AFFAIRE STONEHENGE ou LA BATAILLE DES ETOILES Pierre Méreaux-Tanguy

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Des traditions orales faisant état d’un Age d’Or, aux calendriers aboutissant à une Ere du Verseau, l’ar-chéologie parallèle baigne dans un ensemble de connaissances astronomiques perdues ou retrouvées. Pierre Méreaux-Tanguy est spécialiste dans le domaine des mégalithes, particulièrement ceux de Breta-gne. Leurs concordances astronomiques, géographiques et architecturales avec le reste de l’ancien mon-de celtique, l’ont amené à étudier de plus près le cas de Stonehenge. II a bien voulu dresser pour nous un bilan de la controverse entre archéologues et astronomes. Pendant qu’il préparait ce travail, la question s’est posée de savoir s’il n’y avait pas un autre rapport, d’ordre purement architectural cette fois, entre les divers cercles du cromlech. Et, inexorablement amenée par les lois rigides de la géométrie, une conclu-sion pythagoricienne s’est imposée. Découverte extraordinaire et exclusive, que nous vous présentons en complément à cet article. On croyait qu’un Copernic avait été le maître d’œuvre de Stonehenge. On dé-couvre aujourd’hui qu’il se doublait d’un Pythagore. Nous espérons que d’autres chercheurs vérifieront ce nouvel aspect d’un monument qui fera, certes, encore couler beaucoup d’encre.

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Se basant sur les lois astronomiques, il parvint à déterminer que le soleil de solstice devait se le-ver exactement dans l’axe de Stonehenge en l’an 1850 avant notre ère. II en conclut que cette date était celle de la construction de l’ensemble et que Stonehenge était un observatoire préhistorique. Mais Spengler écrivit, en 1937, « qu’aucun être raisonnable ne saurait parler d’observatoire à propos de Stonehenge ». Et le professeur R.J.C. Atkinson, archéologue attitré du site, convient honnêtement de son impuissance en écrivant, en 1956 : « We do not know and we shall probably never know — Nous ne savons pas et nous ne saurons probablement jamais ». Soudain, en octobre 1963, éclata la bombe qui secoua le monde archéologique et fut le prélude à une controverse aigre-douce entre astronomes et archéologues. En 1961, l’astronome américain Gerald S. Hawkins, professeur à l’Université de Boston, vint accomplir un rappel sous les dra-peaux à la base de Larkhill, située à courte dis-tance de Stonehenge et s’intéressa prodigieuse-ment à ce gigantesque cromlech, qu’il examina avec des yeux neufs. II eut peut-être l’intuition des intentions complexes des constructeurs et se demanda à quoi pouvaient servir toutes ces pier-res, ces cercles, ces trilithes, ce rectangle, ce fossé et ces innombrables trous. Tout cela pour vérifier le lever du soleil au solstice d’été ? II reprit les travaux et les plans de Lockyer et releva patiemment tous les alignements possi-bles il y en avait plus de deux cents. II calcula ensuite tous les azimuts des levers, couchers et déclinaisons du soleil, de la lune, des planètes et des principales étoiles et prit comme base de

référence la période de 1.000 à 2.000 ans avant notre ère. Le tout fut soigneusement programmé et donné à digérer à Oscar, nom affectueux d’un computer I.B.M. 7094 appartenant à l’Observatoi-re Harvard-Smithson de Cambridge au Massa-chusetts. Ce brave Oscar travailla exactement 40 secondes et rendit son verdict : Stonehenge ne concernait ni les étoiles, ni les planètes, mais était, par contre, un remarquable instrument de calcul pour tous les événements astronomiques intéressant la Lune et le Soleil et ce, avec une stupéfiante précision. Hawkins publia les résul-tats de son étude dans la revue « Nature » en octobre 1963 et juin 1964, ainsi que dans son livre « Stonehenge decoded » , écrit en collabo-ration avec J.B. White, et qui parut l’année d’après. Que nous apprend Hawkins ? Je vous fais grâce de tous les tableaux de corré-lation, des calculs de probabilité, des comparai-sons réelles et théoriques et des supputations astronomiques établis par l’astronome américain pour démontrer la réalité de sa découverte. Limi-tons-nous aux applications pratiques. Stonehen-ge est un ordinateur néolithique qui permet de prévoir les éclipses de lune et de soleil, sans aucun calcul, par une méthode simple et préci-se : la position de repères déplacés tous les ans dans les trous d’Aubrey, par rapport à un repère fixe, la pierre appelée Heelstone. C’est, en 1850 avant notre ère, une application du cycle décou-vert beaucoup plus tard par Méton en l’an 452 avant J.-C. Méton, astronome athénien, détermina que tous les 19 ans, les positions réciproques de la Lune et du Soleil se retrouvent, dans le ciel, au même endroit, le même jour. En d’autres termes, une éclipse ayant lieu à une certaine date de calen-drier ne se reproduira à cette même date que 19 ans plus tard. En fait, il s’agit exactement de 18,61 années, en temps astronomique. Par conséquent, pour ne pas devoir tenir compte de décimales, on pourrait, par exemple, se baser sur trois cycles consécutifs de 19, 18 et 19 années, afin de réduire l’écart au maximum. En effet, 3 cycles de 18,61 années = 55,83 années et 19 + 18 + 19 = 56 années, soit une erreur minime de 0,2 %. Or, 56 est précisément le nombre des Trous d’Aubrey. Un deuxième cycle, dit « Saros », d’une durée de 18 ans et 11 jours, fixe également le retour des éclipses. Dans cette pé-riode, déjà connue des Chaldéens, il y a en moyenne 43 éclipses de soleil et 28 de lune. Ce cycle serait également incorporé dans les aligne-ments de Stonehenge, mais Hawkins n’est pas très explicite à ce sujet. Les 56 Trous d’Aubrey servent donc à compter les années écoulées et les repères dont il est fait mention plus haut sont utilisés de la manière

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suivante (voir schéma ci-contre) : plaçons trois pierres blanches a, b et c dans les trous 56, 38 et 19, ainsi que trois pierres noires x, y et z dans les trous 47, 28 et 10. Ces pierres-repères se suivent donc tous les 9, 9, 10, 9, 9, 10, ... trous. En 18,61 ans, le lever de lune passe de D à la Heelstone, puis à F et retour. Tous les ans, au solstice d’été, lorsque le soleil se lève sur la Heelstone, toutes les pierres sont déplacées d’un trou. Et cela indi-que, entre autres exemples : — quand une pierre blanche se trouve dans le

trou 51, la pleine lune d’hiver se lèvera au-dessus de la pierre F et sera à sa déclinaison minimum ; elle se couchera dans la direction 91-93 (voir le plan schématique de la page précédente). La pleine lune d’été se lèvera dans la direction 93-91. Une éclipse de lune aura lieu au moment de l’équinoxe.

— quand n’importe quelle pierre se trouve dans le trou 56, la pleine lune se lèvera sur la Heelstone au moment du solstice d’hiver. Une éclipse de lune ou de soleil se produira en-déans les quinze jours après le solstice d’hi-ver.

— quand une pierre blanche se trouve dans le trou 5, la pleine lune d’hiver se lèvera au des-sus de la pierre D et se couchera dans la direction 94-91. Une éclipse se produira au moment de l’équinoxe.

— quand n’importe quelle pierre se trouve dans un des trous 3 ou 4, une éclipse surviendra entre le solstice et l’équinoxe.

Etc., etc., etc. Remarquons toutefois que seule-ment la moitié des éclipses prévues étaient réel-lement visibles à Stonehenge. A l’intérieur du grand cercle, on voit également deux circonférences de trous, nommés Y et Z. L’une en comprend 30 et l’autre 29. Or, le mois lunaire synodique est le temps qui s’écoule entre deux pleines lunes et a une durée de 29,5 jours. Deux mois lunaires comportent donc 59 jours, nombre total des trous Y et Z, qui permettaient ainsi de compter les jours écoules entre deux lunaisons. En résumé, Stonehenge est donc réellement un observatoire et un calculateur astronomique, reflétant une science avancée et rendant possi-ble la prévision exacte des éclipses de lune et de soleil ainsi que tous les levers et couchers de ces deux astres, au maximum et au minimum de leur déclinaison, en été ou en hiver. De plus, le site lui-même offre une particularité curieuse : il est placé exactement à l’endroit de l’hémisphère nord où les azimuths du soleil et de la lune, à leur déclinaison maximum forment un angle de 90°. Serait-ce un hasard ? Personne, à ce jour, n’a encore émis d’hypothèse à ce sujet. (1) Hawkins a également déterminé que la précision de ce computer de pierre restait constante pen-dant trois siècles environ et qu’ensuite les pha-

ses de la lune se produisaient un an plus tôt. Pour compenser cette différence, il suffisait d’a-vancer les six pierres-repères d’un trou, durant l’année où le décalage était observé. Tout cela reste encore valable de nos jours. Supposons, par exemple, que la pierre « a » se trouve dans le trou 56 en 1964. La pleine lune s’est levée le 19 décembre au-dessus de la Heelstone et une éclipse s’est produite le lende-main à 2 h 35 du matin. La lune s’est couchée dans la direction des repères fixes 94 et G. Neuf années plus tard, en 1973, la pierre « x » se trou-ve à son tour dans le trou 56 et une éclipse de lune a lieu le 10 décembre. La précision restera inchangée jusqu’en I’an 2100, date à laquelle il faudra avancer tout le système d’un trou. Comme nous l’avons dit, la communication de Hawkins en 1963 fit l’effet d’une bombe, et les réactions ne se firent point attendre. La première

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(1) Rappelons que l’azimuth du lever et du cou-cher d’un astre est donné par une formule trigonométrique faisant intervenir la déclinai-son et la latitude. Pour la latitude de Stone-henge (51°4/10), on obtient : azimuth-soleil = 50°5/10 et azimuth-lune = 39°9/10. Total : 90°4/10. Le soleil peut être observé de n’im-porte où, mais les bâtisseurs avaient choisi la plaine de Salisbury, parce qu’elle jouissait d’un privilège. S’agissait-il de celui-là? (D’après Pierre Minvielle : « Sur les chemins de la préhistoire » , Denoël, 1972.)

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fut celle du Professeur Fred Hoyle, astronome anglais réputé (2). II examina soigneusement l’étude de son collègue et conclut également que les nombreuses directions astronomiques de Stonehenge étaient voulues : « la probabilité pour que de tels alignements soient dus au ha-sard, dit-il, est celle que l’on aurait si, à pile ou face, on obtenait 19 « face » sur 23 coups ». Mais il ne se montra pas du tout d’accord avec Hawkins au sujet de la méthode utilisée pour prévoir les éclipses. II objecta notamment que : 1) II n’est absolument pas indispensable de for-

mer un cercle parfait d’un si grand rayon à l’aide de 56 trous régulièrement espacés, à seule fin de les utiliser pour compter un cycle de 56 années.

2) II est difficile d’imaginer comment les cons-tructeurs de Stonehenge ont pu étalonner le système, le mettre « à l’heure » en quelque sorte, sans disposer de tables d’éclipses pré-calculées analogues à celles dont s’est servi Hawkins pour déterminer le fonctionnement après coup.

3) Le calculateur n’indique qu’une partie des éclipses et on ne voit pas la nécessité de pouvoir prédire aujourd’hui une éclipse qui n’aura lieu que dans neuf ou dix ans.

Voilà qui posait déjà un premier problème. Mais Fred Hoyle va beaucoup plus loin et affirme que le cercle des Trous d’Aubrey représente en réalité l’écliptique, une sorte de rapporteur géant permettant de calculer les éclipses à l’aide de quatre rayons fictifs tournant deux par deux, en sens inverse. Le premier indique la position du soleil, le second la projection de la lune sur l’é-cliptique et les deux autres, les intersections du plan de l’orbite lunaire avec le plan de l’écliptique (ces points tournent en sens rétrograde, avec une période de 18,6 années), ceci pour un obser-vateur placé au milieu du monument. II est évi-demment très ardu d’expliquer cela de façon simple, car le langage astronomique n’est pas toujours à la portée des profanes comme vous et moi. Compte tenu de « certains écarts de 10 et 15° dans la position de l’un des deux astres par rapport au rayon fictif représentant l’au-tre » (ouf !), ce système permettrait de prédire toutes les éclipses avec une précision absolue. La mise à jour se fait de la façon suivante :

— tous les 13 jours, le repère matérialisant le soleil est déplacé de deux trous, en sens in-verse des aiguilles d’une montre ;

— tous les jours, le repère-lune est avancé de deux trous, dans le même sens que le précé-dent ;

— les deux autres repères sont déplacés de trois trous par an, mais cette fois dans le sens normal des aiguilles d’une montre.

Tout cela n’est pas simple du tout. De plus, Hoyle postule que les constructeurs de Stonehenge connaissaient le nombre des jours d’une année, ainsi que la durée du mois et le temps de la période de 18,6 ans de la régression nodale. Ensuite, pour compenser la différence entre le mois lunaire de 27,5 jours et celui de 28 jours marqué par le calculateur, il suffit d’un sim-ple réajustement tous les deux mois, dit Hoyle, en alignant le repère solaire exactement à l’oppo-sé du repère lunaire au moment de la pleine lune et en faisant coïncider ces deux mêmes repères lors de la nouvelle lune. Disons-le, cela devient de plus en plus compli-qué. J’ajouterai que Hoyle étalonne l’ensemble en se servant de quatre trous « A » creusés dans l’allée d’accès du monument, à l’ouest de la Heelstone, trous qui n’avaient attiré l’attention de personne jusque-là. En astronome expérimenté, Fred Hoyle se joue littéralement de toutes les objections possibles et démontre avec une in-comparable maestria que son hypothèse est la seule valable. II envisage même plusieurs métho-des différentes permettant d’étalonner le système lors de la première « mise en service ».

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(2) Professeur d’astronomie à Cambridge (Massachusetts) et d’astrophysique au Califor-nian Institute of Technology, auteur d’une théorie fameuse sur l’origine de l’univers par création continue... et de romans de science-fiction.

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C.A. Newham critique lui aussi les théories d’Hawkins et prétend que Stonehenge ne consti-tuait pas un computer, sans nier toutefois les relations astronomiques démontrées par certains alignements Tout en regrettant de ne pas pouvoir effectuer lui-même les calculs nécessaires à la vérification de son hypothèse, il affirme que la clé de Stonehenge se trouve dans la quarantaine de trous creusés dans l’allée d’accès, entre les pier-res C et D. Cette série de six rangées de trous aurait permis aux bâtisseurs de déterminer les phases de la lune, en s’en servant comme d’un vernier. Après cette controverse courtoise entre astrono-mes, venons-en maintenant aux archéologues. Et ici, le ton change. Le Professeur Richard J.C. Atkinson est un hon-nête et savant archéologue de I’University Colle-ge à Cardiff, et auteur d’un livre que l’ai déjà cité plus haut. Mais il n’aime pas Hawkins. Après la parution du livre de celui-ci, il publie un article de critique dans la revue « Antiquity » et montre les dents, dès le préambule : « Ces théories (celles de Hawkins) furent l’objet d’une très large publicité, tant en Grande-Bretagne qu’aux Etats-Unis, par le canal d’un programme de télévision C.B.S., « Les Mystères de Stonehenge », qui fut bien le plus superbe exemple partial et tendancieux dans la présenta-tion d’une controverse académique ». II reproche à Hawkins son manque de modestie, tout en reconnaissant que les arguments de ce-lui-ci sont logiques et mathématiquement fondés. II remarque aussi qu’un lecteur moyen acceptera d’autant mieux les conclusions de l’astronome, non seulement à cause du prestige de celui-ci, mais surtout grâce à l’utilisation d’un computer I.B.M., « lequel, de nos jours, est considéré com-me l’équivalent séculaire de la révélation divi-

ne » ! Atkinson croise ensuite le fer avec John B. White, à qui sont dus les cinq premiers chapitres, consacrés aux légendes et aux constructeurs de Stonehenge : « Tout a été compilé, sans esprit critique et souvent sans aucun soin, en puisant dans des travaux déjà publiés, sans citer les sources ». II les accuse d’ailleurs tous deux d’a-voir pillé des textes dans ses propres œuvres. Après, suivent une série de critiques purement archéologiques, qui semblent d’ailleurs parfaite-ment justifiées, car il est hors de doute que Haw-kins, profane en archéologie, a négligé la plupart des relations de fouilles concernant Stonehenge, et Atkinson ne se gène pas pour lui envoyer, à ce propos, une belle volée de bois vert. Ensuite, les reproches visent les plans « inadéquats » utilisés par l’Américain, dont l’un prélevé dans le livre d’Atkinson et l’autre fourni par le Ministère des Travaux, « plans imprimés sur un papier se dé-formant facilement en présence d’humidité et dont les indications devaient donc fatalement manquer de précision » ! Et cela continue ainsi tout au long de quatre grandes pages. (3) Citons encore : « L’estimation de probabilité est fausse... » « La méthode de vérification de l’hypothèse est erronée. » « La restriction... est totalement inadmissible. » « C’est de l’imagination pure. » « Cet exemple trivial de raisonnement invali-de... » Mais il ajoute aussi : « ... en toute justice, il est évident que ce livre contient certaines sug-gestions de valeur positive. » Et Atkinson est également forcé de reconnaître que la latitude de Stonehenge a été délibérément choisie, en fonc-tion de l’angle droit formé par les levers et cou-chers du soleil et de la lune, au solstice, à leur maximum de déclinaison. Voulant absolument

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(3) II prétend, par exemple, que de nombreux repères ne peuvent plus être situés correcte-ment, les pierres étant tombées ou enlevées. Or, lui-même, dans ses fouilles de 1958 et ses travaux de restauration de 1964, affirme que « les traces de la base des pierres et des moulages précis qu’elles avaient laissés dans la craie molle, rendent impossible toute erreur de positionnement ». L’autre reproche concer-ne le fait que Hawkins se soit basé sur des plans où les diverses phases de construction sont mélangées. Nous répondons à cela que la séquence exacte est loin d’être aussi sûre qu’on veut bien le croire, comme on a pu le constater dans l’article précédent. En outre, tout démontre que dès le début, les construc-teurs savaient où ils allaient, et que les cercles successifs ne faisaient que développer et per-fectionner un plan initial. D’ailleurs, le cro-mlech est encore, dans son entiéreté, utilisa-ble aujourd’hui !

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prouver l’erreur d’un concurrent, Atkinson se contredit plusieurs fois dans son texte et le résul-tat n’est convaincant. Deux chercheurs australiens de l’Université de Melbourne, R. Colton et R.L. Martin, se sont éga-lement attaqués aux conclusions de Hawkins. Ils prétendent qu’il n’existe aucune relation entre les éclipses de lune et le cycle de Méton, sauf cir-constances accidentelles, et que la théorie de Hawkins au sujet des 56 Trous d’Aubrey est dès lors fausse. Utilisant les « Almanachs Nauti-ques », ils ont vérifié les dates d’éclipses de 1855 à 1958 et auraient constaté que les éclipses ne se produisaient à la même date de calendrier que tous les 65 ans, en périodes de 19, 19 et 27 an-nées, et non tous les 56 ans (19, 19 et 18 ans) comme l’affirment Hawkins et Méton. Ceci serait causé par des irrégularités astronomiques impré-visibles et qui tiennent les calculs en échec. (4) Nos deux Australiens contrôlent aussi la théorie de Hoyle et constatent, à juste titre d’ailleurs, que celle-ci n’est pas limitée à un cercle de 56 trous, que ce nombre de trous pourrait être différent et que, de toute façon, cette méthode devient assez imprécise à la longue. Colton et Martin proposent ensuite une méthode bien plus simple pour déterminer les éclipses. Une éclipse de lune ne se produit que lorsque le soleil et la pleine lune sont diamétralement oppo-sés dans le ciel. Si, en plus, la lune n’apparaît que 15 à 30 minutes au-dessus de l’horizon avant le coucher du soleil, il y aura une éclipse de lune visible au cours de la nuit. Si l’intervalle de temps est plus long, l’éclipse sera invisible. Si la pleine lune se lève après le coucher du soleil, l’éclipse aura déjà eu lieu. Le cercle des 56 Trous d’Aubrey aurait donc été utilisé comme rappor-teur d’angle, par l’observateur placé au milieu, afin de déterminer exactement l’opposition dia-métrale du soleil couchant et de la pleine lune à son lever. Si cette méthode de prévision a vraiment été employée, elle fournirait la raison de l’existence, en Grande-Bretagne, des innombrables cercles de pierre qu’on y rencontre et pour lesquels, se-lon l’avis de nos deux auteurs, on n’a pas encore trouvé d’explication valable. Cette méthode n’exi-ge pas nécessairement un cercle de 56 trous, l’essentiel est qu’il y en ait un nombre élevé, afin d’augmenter la précision d’observation

Corton et Martin croient que les Trous d’Aubrey sont au nombre de 56 pour des raisons tout à fait différentes et se proposent d’en discuter lors d’u-ne prochaine communication. C’était en 1967... Depuis, on n’a plus entendu parler d’eux. En octobre 1972, dans la revue « Nature », a paru un article signé par deux Américains, New-ton et Jenkins et qui suggère d’autres explica-tions possibles pour le cercle d’Aubrey : — ce serait un calendrier lunaire mensuel ; — chaque trou symboliserait une famille ou

un clan ayant participé à la construction, avec le droit de s’y faire éventuellement incinérer ;

— le nombre 56 équivaudrait tout simplement à 7 X 8, chiffres fréquemment utilisés en numérolo-gie ; — il y aurait de nombreuses autres raisons non astronomiques mais plausibles pour expliquer la présence des Trous d’Aubrey. Les auteurs ne semblent accorder aucune espè-ce d’importance à une quelconque signification astronomique. Les travaux (?) nécessaires en vue de la rédaction de cet article de 132 lignes ont été financés par la Marine américaine ! Alexander Thom, ancien professeur à Oxford, maintenant retiré dans sa propriété d’Ayrshire, est probablement le meilleur spécialiste euro-péen, sinon mondial, dans l’étude des orienta-tions mégalithiques. Son opinion est assez réser-vée quant aux théories des Hawkins et autres. II estime que les informations réunies actuellement sont encore trop peu nombreuses et trop diver-gentes pour pouvoir en tirer des conclusions défi-nitives. Thom a étudié plus de 600 cercles et alignements mégalithiques, dans le Royaume-Uni, et a constaté dans de nombreux cas que des repères naturels, tels que collines et autres accidents de terrain, intervenaient également dans la détermination des orientations astronomi-ques. Chaque ensemble mégalithique devrait donc être jugé dans son contexte géographique local. L’ancien professeur croit que cette éven-tualité ne doit pas être rejetée a priori et il souhai-te que d’autres chercheurs se consacrent à l’étu-de de Stonehenge, en établissant de nouveaux plans très précis et soigneusement orientés. II est inutile, conclut-il, de porter un jugement hâtif, basé sur des études incomplètes, quand on a affaire à un peuple de bâtisseurs dont la « métrologie linéaire » avait atteint un niveau aussi élevé. Pour qui connaît Thom, cette conclusion n’est pas étonnante. Dans ses livres (il en a écrit une bonne demi-douzaine ainsi que d’Innombrables articles), il démontre à suffisance que les cercles, les ellipses et les ovales matérialisés par des pierres dressées, aux temps néolithiques, étaient

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(4) Ces irrégularités, Hawkins les connaissait. Sur la période de mille ans qu’il a envisagée (de 1000 à 2000 avant J.-C.), des intervalles au-tres que de 19 ans se produisent dans un tiers des cas environ. Le cycle de Melon constitue donc la période principale, et l’accumulation des irrégularités pouvait être corrigée tous les 56 ans, par exemple en déplaçant une pierre.

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orientés astronomiquement avec une très grande précision, mais ne concernaient pas toujours la lune ou le soleil. Si on examine une liste de 257 monuments pu-bliés par Thom en 1967, on constate que :

D’autre part, les orientations précises de 53 en-sembles permettent de déterminer qu’ils furent construits entre 2000 et 1600 avant notre ère, c’est-à-dire à la même époque, semble-t-il, que Stonehenge. De plus, il ressort des travaux de Thom, confir-més par ceux de Broadbent, que les peuples néolithiques de Grande-Bretagne employaient une unité de mesure de 83 cm, unité que Thom a appelée « megalithic yard » ou MY. Cette unité a sensiblement la même dimension que l’ancienne

« vara » espagnole dont la longueur variait de 83 à 85 cm suivant les régions et qui est peut-être elle-même la survivance moderne d’une base de mesure utilisée en des temps très reculés. Ce qui frappe aussi l’observateur, c’est l’utilisa-tion fréquente du triangle de Pythagore dans le tracé des monuments mégalithiques du Royau-me-Uni. Nous le développons à la suite de cet article, car Stonehenge en est un exemple carac-téristique. Quelle conclusion tirer de tout cela ? Un coin du voile commence à se lever et il de-vient incontestable que nos ancêtres néolithiques détenaient une science mathématique et astrono-mique dont certains éléments partiels nous par-viennent peu à peu. Et c’est une terrible leçon d’humilité pour nous, prétendus scientifiques du XXe siècle, d’avoir dû faire appel à un ordinateur pour en découvrir la clé… II est évident aussi que cette science était certai-nement liée aux prérogatives d’une élite sociale et postulait une organisation collective fort éloi-gnée de l’état de sauvagerie. On rejoint d’ailleurs là les problèmes sociologiques posés par l’érec-tion des mégalithes eux-mêmes. II est donc grand temps de détruire définitivement la légende niaise des petits hommes à faciès de singe, sales et puants, vêtus de peaux de bêtes, traînant leurs femelles par les cheveux et pourchassant gaillar-dement le féroce aurochs dans les sombres fo-rêts de la Préhistoire ! Et pour terminer, je me bornerai à citer le mot de Rose Bertin, modiste de Marie-Antoinette, qui disait, en parlant des cha-peaux de la Reine : « II n’y a de neuf que ce qui a été oublié ».

19 34

117 42 16

9

8

6

4

4

4

d’entre eux n’ont aucune orientation spéci-fique sont orientés sur le Soleil sont orientés sur la Lune sont orientés sur Capella, étoile alpha du Cocher sont orientés sur Deneb, étoile alpha du Cygne sont orientés sur Arcturus, étoile alpha du Bouvier sont orientés sur Castor, étoile alpha des Gémeaux sont orientés sur Spica, étoile alpha de la Vierge sont orientés sur Antares, étoile alpha du Scorpion sont orientés sur Altair, étoile alpha de l’Aigle, etc

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Les relations entre les Druides et les Pythagoriciens sont bien connues de tous ceux qui ont approché les philosophies anciennes, car la sagesse druidique faisait jadis école, même jusque chez les Grecs. Pythagore vivait — s’il est vrai qu’il ait vraiment existé —, au VIe siècle avant notre ère. II aurait séjourné au moins deux fois en Gaule, à en croire Polyhistor. Pline et d’autres, et y suivit l’enseignement des Druides, eux-mêmes héritiers d’un savoir traditionnel issu de sources plus lointaines. L’école pythagoricienne a emprunté de nombreux symboles à cet enseignement et j’aurai l’occasion d’y revenir en détail dans un pro-chain exposé sur les mégalithes bretons. Le fameux triangle dit « de Pythagore », par exemple, dans lequel le carré élevé sur l’hypoténuse est égal à la somme des carrés élevés sur les deux autres côtés, se retrouve dans de nombreux monuments mégalithi-ques. Les Pythagoriciens faisaient prévaloir une théorie mystique des nombres, basée principalement sur le « Nombre d’Or », et celui-ci s’est d’ailleurs transmis à travers le Moyen-Age jusqu’aux temps modernes, par les corporations d’architectes, de tailleurs de pierre et de charpentiers. Ce nombre a pour valeur 1,618... et peut s’exprimer sous la forme : ou encore par la fraction continue Ses propriétés mathématiques sont très curieuses :

o u ou

Dans la doctrine de Pythagore, ce nombre était celui de la divine proportion, par son équilibre et son har-monie. Si nous construisons un triangle rectangle de côtés 0.5 et 1, l’hypoténuse aura 1,118 et le périmètre sera de 0,5 + 1 + 1,118 = 2,618 ou 1 + 1,618. D’autre part, dans le pentagone, signe de reconnais-sance des initiés pythagoriciens, la droite joignant les sommets deux à deux et le côté dudit pentagone sont dans un rapport de 1,618. Le triangle de Pythagore se retrouve aisément dans le tracé de Stonehenge. C’est la moitié du rectangle 91-92-93-94 (voir dessin), dont les côtés mesurent sur le terrain 79 et 34 mètres. Elevons au carré, et nous

avons 6241 et 1156 m2, au total 7397 m2. L’hypoténu-se de ce triangle (qui est constituée par la diagonale du rectangle) mesure 86 mètres, soit au carré 7396 m2. II s’agit donc bien d’un triangle de Pythagore, la marge d’erreur étant négligeable. Si nous joignons la Heelstone aux angles 92 et 93 de notre rectangle, nous obtenons un triangle isocèle dont l’angle ou sommet mesure exactement 45°, c’est-à-dire la moitié d’un angle droit. Les deux grands côtés de ce triangle isocèle font également un angle droit avec les diagonales du rectangle. Le triangle formé par la Heelstone, le point A (ou B) et le repère 92 (ou 93) est un demi-carré parfait. II devient déjà manifeste qu’il ne s’agit plus ici de coïncidences et que tout cela a été voulu par les constructeurs. Rap-pelons que l’emplacement de Stonehenge est situé précisément à l’endroit où le soleil et la lune font un angle droit à leur déclinaison maximale. En regardant les cercles concentriques matérialisés par le monument, je me suis demandé s’il n’existait pas un certain rapport proportionnel entre eux et j’ai établi le petit tableau suivant : cercle des trous d’Aubrey diam. réel 86,7m cercle des trous Y diam. réel 53,4m cercle des trous Z diam. réel 39,0m cercle des portiques sarsen diam. réel 30,7m cercle des pierres bleues diam. réel 25,2m demi-cercle des trilithes diam. réel 14,6m

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Au Rendez-vous de Pythagore

618,12

51=

+

...111

11

++

+

618,11618,2618,0618,1

+==

618,11618,2618,1618,1 +==×

618,0618,11

= 618,1618,01

=

1618,0618,1 =×

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J’ai divisé ensuite le diamètre du cercle d’Aubrey par le diamètre de chacun des autres cercles et j’ai obte-nu :

86,7: 53,4 = 1,623 86,7: 39,0 = 2,223 86,7: 30,7 = 2,824 86,7: 25,2 = 3,440 86,7: 14,6 = 5,938

Les coefficients de la dernière colonne semblant pré-senter un certain caractère de progression, je les ai traduits graphiquement avec, comme résultat, la cour-be ci-jointe. L’allure de celle-ci montre immédiatement un rapport entre les diamètres des différents cercles de Stonehenge.

Mais quel était ce rapport ? Un simple calcul montre qu’il ne s’agit pas d’une pro-gression arithmétique, géométrique, logarithmique ou autre connue. Après maintes vérifications, j’ai pensé enfin au « Nombre d’Or » mais, tel qu’il est, il n’appor-tait pas de solution. Mais à force de le triturer sauva-gement, le pauvre, le hasard m a servi et je suis arrivé aux facteurs suivants :

(1 x 1,618) — 0 = 1,618 (a) (2 X 1,618) — 1 = 2,236 (b) (3 x 1,618) — 2 = 2,854 (c) (4 X 1,618) — 3 = 3,472 (d) (5 X 1,618) — 4 = 4,090 (e) (6 X 1,618) — 5 = 4,708 (f) (7 X 1,618) — 6 = 5,326 (g) (8 X 1,618) — 7 = 5,944 (h)

Et je fus le premier stupéfait en considérant le résul-tat : lorsqu’on divise le diamètre du cercle d’Aubrey (86,7 m) par chacun des indices ci-dessus, basés sur le « Nombre d’Or », on obtient :

Les indices (e), (f) et (g) ne correspondent à aucun cercle connu. On voit que la différence entre les dia-mètres théoriques et réels est minime, tout au plus 30 cm. Même sur un plan à grande échelle, il est parfois difficile de relever exactement des dimensions préci-ses. De plus, selon que l’on prenne comme base de repère le bord extérieur des trous ou des pierres, leur bord intérieur ou leur centre, les résultats peuvent être différents. Et ils le sont, en effet, mais la proportion reste sensiblement la même et, dans le plus mauvais des cas, la différence maximum n’atteint pas 60 cm. Chacun peut le vérifier aisément. II serait difficile, à mon avis, d’expliquer cela par le hasard, et force m’est d’admettre qu’il y a là une intention voulue par les constructeurs. Reste le fossé extérieur, dont le diamètre (108 mè-tres) ne s’intègre pas dans la progression ci-dessus. Dans le plan de Stonehenge, nous avons retrouvé le triangle rectangle et le « Nombre d’Or ». Si Pythagore il y a, il manque donc le pentagone. Ce pentagone existe et on peut le tracer exactement entre le fossé extérieur et le cercle des Trous d’Au-brey, c’est-à-dire qu’il est inscrit à l’un et exinscrit à l’autre. II s’agit en réalité d un pentagone de construc-tion. Après avoir jalonné le fossé extérieur, on y inscrit le pentagone dont un angle est orienté dans la direc-tion astronomique voulue. La droite réunissant les deux autres angles adjacents détermine le côté supé-rieur du rectangle 94-91-92-93. On construit ensuite le cercle d’Aubrey, qui est intérieurement tangent aux côtés et on obtient, en même temps, l’emplacement des repères 91 et 94. Une dernière constatation : le côté du pentagone est égal à la distance qui sépare la droite 94-91 de la Heelstone et a donc permis de situer l’emplacement de celle-ci. En cherchant plus loin, il est fort possible que l’on trouve encore d’autres relations géométri-ques, ce qui ne m’étonnerait pas. Et, pour en revenir au cycle lunaire de Melon, qu’on retrouve à Stonehenge, signalons que le rang d’une année quelconque dans cette période de 19 ans était appelé par les anciens Grecs le « Nombre d’Or » de cette année ! Décidément, notre Stonehenge astrono-mique et géométrique en fiche un sacré coup au fa-meux « miracle grec ».

PIERRE MEREAUX-TANGUY

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cercle d’Aubrey 86,7 m = base de référence

Diamètre réel sur le terrain

cercle Y 86,7 : 1,618 (a) = 53,6 m

53, 4 m

cercle Z 86,7 : 2,236 (b) = 38,8 m

39, 0 m

portiques Sarsen 86,7 : 2,854 (c) = 30,4 m

30, 7 m

pierres bleues 86,7: 3,472 (d) = 25,0 m

25, 2 m

trilithes 86,7 : 5,944 (h) = 14,6 m

14, 6 m

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Lorsque John Aubrey découvrit, en 1666, les trous qui devaient porter son nom, il mit à jour des poteries d’une forme toute particulière, qui n’était pas sans rappeler la silhouette d’une clo-che. En fait, ces débris avaient été entassés là par une peuplade du Néolithique, le peuple aux vases caliciformes ou Beaker People, à qui on s’empressa d’attribuer la construction de Stone-henge. L’arrivée du Beaker People en Grande-Bretagne ne représentait en fait qu’une étape du vaste mouvement migratoire qui, depuis l’aube du Néolithique, animait l’Europe. Dès le troisième millénaire avant notre ère, plusieurs des peuples néolithiques les plus évolués du bassin oriental de la Méditerranée avaient construit des navires capables de tenir la mer. En 2500 avant J.-C., ils s’étaient déjà implantés en Sardaigne et aux Baléares. A quelle époque les premiers colons, venus du nord de la France sans doute, débarquèrent-ils en Angleterre méridionale ? A vrai dire, le débat reste ouvert : l’éternel problème des datations se pose ici encore avec acuité. Et les dates extrê-mes avancées jusqu’à présent vont de 3400 à 2700 avant J.-C. Quoi qu’il en soit, le problème est secondaire : l’important est de savoir que cette civilisation s’apparente au Néolithique an-cien. Elle se reconnaît essentiellement à une suite de villes fortifiées, dont le plus bel exemple est le site fameux de Windmill Hill, dans le Wilt-shire (à 2 km d’Avebury). Les niveaux les plus anciens de Windmill Hill sont caractérisés par un certain type de Néolithique britannique appelé Néolithique A, par opposition au Néolithique B de la région de Peterborough. Ce site de Windmill Hill n’est rien d’autre qu’un camp, délimité par trois fossés concentriques entourant une surface totale de neuf hectares et demi. Les fossés sont interrompus par des chaussées surélevées, per-mettant le passage des troupeaux venus se réfu-gier dans le camp. La terre de déblaiement est entassée sur le bord intérieur du fossé, le talus ainsi formé étant surmonté d’une palissade. Le mode de vie des habitants du Windmill Hill était, nous l’avons dit, de type nettement néolithi-que : ils pratiquaient l’élevage des bovidés et des moutons, avaient domestiqué le chien et faisaient pousser l’orge et le blé dans des champs semi-permanents. Cependant, et ceci est caractéristi-que de la civilisation du Néolithique A, ce peuple était resté étrangement traditionaliste dans le

domaine de l’outillage : outillage mésolithique caractérisé par le microlithe ou silex-pygmée, dont on trouve de très beaux exemples au Mas d’Azil (Ariège). Ces minuscules silex ne pou-vaient certes pas être d’un emploi direct, mais étaient destinés à être placés dans des fentes ou des encoches de bois pour former des barbelu-res, des pointes ou des lames de canif. La tech-nique de la poterie qui est, avec l’agriculture et l’élevage, une des grandes innovations de l’ère néolithique, était connue des habitants du Wind-mill Hill. Les vases étaient cependant de facture assez grossière : ils étaient peu ornés, l’ouvertu-re des récipients était simplement évasée, le fond arrondi. La technique s’améliora cependant peu à peu, pour aboutir à une plus grande recherche artistique : formes plus compliquées, profils angu-leux et, surtout, motifs linéaires incisés ou impri-més au peigne. Mais les traces les plus visibles — et les plus imposantes — de cette civilisation sont sans dou-te les grands tertres sous lesquels les morts étaient inhumés. Réservé aux gens plus ou moins fortunés, le tumulus allongé ou Long Bar-row recouvrait une tombe collective pouvant contenir jusqu’à vingt ou trente dépouilles. Un des Long Barrows les plus fameux est certes le West Kennet Long Barrow, situé à environ 25 km au nord de Stonehenge. Construit vers l’an 2700 avant J.-C., ce tumulus de craie, remarquable par ses dimensions, est long de 330 pieds (± 100 m) et haut de 8 pieds (± 2,4 m). La tombe elle-même est constituée d’un long couloir central donnant accès à deux paires de chambres funéraires transversales et à une chambre terminale de 12 m de long. Enfin, l’entrée du monument est fermée par une véritable barrière de pierres dres-sées, dont les plus grosses pèsent jusqu’à vingt tonnes. II est intéressant de constater que les squelettes exhumés à West Kennet — une tren-taine environ — ne se rattachent pas tous à la même époque : les mesures faites au carbone 14 laissent présumer que ce tumulus fut utilisé du-rant un bon millier d’années, chaque envahisseur repoussant les squelettes présents pour y instal-ler ses propres morts. Ne quittons pas les Long Barrows sans parler de l’impressionnant Cursus, dont il ne reste malheureusement presque plus rien. Construit à huit cents mètres au nord de Stonehenge, ce tumulus est long de 2,8 km, lar-ge de 90 m, et est entouré d’un tossé et d’un talus. Enfin, chose encore plus remarquable, ce

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Beaker People, affirment les archéologues...

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gigantesque rectangle s’aligne sur un Long Bar-row qui le flanque à son extrémité est. Notons que le Cursus n’est pas le seul de son espèce : il existe une douzaine de formations analogues en Grande-Bretagne, la plus gigantesque s’étirant sur... 10 km.

West Kennet Long Barrow. Trois ou quatre cents ans après les premiers représentants de la Windmill Hill Culture, débar-quèrent en Irlande et dans le sud de l’Angleterre des groupes de nouveaux immigrants issus des monts de la Loire et du sud-est de la Bretagne. Nous ne connaissons que fort peu de choses de ces gens. Etaient-ils, ainsi que l’affirme le profes-seur Gordon Childe, des missionnaires apportant de nouvelles idées religieuses ? Peut-être. Tou-jours est-il qu’ils furent de grands bâtisseurs de tombes, connues de nos jours sous le nom de Passage Graves ou allées couvertes. Les Passa-ge Graves sont des monticules de terre ou de pierre abritant une chambre funéraire ronde ou rectangulaire, à laquelle on accède par une gale-rie longue et étroite. Ces monticules se trouvent habituellement sur des hauteurs et sont souvent groupés en cimetières. A titre exemplatif, signa-lons que le plus connu de ces Passage Graves, le Bryn Celli Ddu, à Anglesey, a la forme d’un tertre de 27 m de diamètre, et haut de 3,6 m. Un petit passage donne accès à une chambre poly-gonale contenant des squelettes et des os inciné-rés. Nous n’avons, dans ce qui précède, mentionné nulle part l’emploi d’un quelconque métal. Et pourtant, lors des fouilles des tumuli érigés tant par les habitants du Windmill Hill que par les bâ-tisseurs des Passage Graves, on a trouvé nom-bre de petits objets de cuivre ; haches, bibelots et autres bijoux. On s’est longtemps demandé quel fut l’agent transporteur de la technique de travail du cuivre — le premier métal utilisé par l’homme. II semble aujourd’hui que le problème soit résolu, bien que les théories qui vont être développées

ici soient, à l’heure actuelle, battues en brèche par certains archéologues dans le vent. Mais, jusqu’à preuve du contraire, cette thèse reste la plus raisonnable, et le lecteur voudra bien lire ce qui suit avec l’esprit objectif et critique qui est la règle première de notre revue. L’introduction de la fonte et du travail des métaux dans le nord de l’Europe est généralement attri-buée à un groupe de marchands appelés le peu-ple aux gobelets caliciformes, ou gens aux va-ses-cloches ou Beaker People. (Ce terme « caliciformes » fut créé par Déchelette, et ac-tuellement on tend à le remplacer par « campaniformes »). C’est que la caractéristique de ce peuple était la forme toute spéciale qu’af-fectaient ses poteries. Ce type de culture n’a, à vrai dire, aucune origine certaine. Toutefois, des similitudes évidentes ont amené les spécialistes à penser que son éclosion s’était faite dans les grottes des peuples du Néolithique capsien (type particulier de Néolithique), dans la péninsule ibé-rique. Les poteries fabriquées par ces peuplades se présentaient en effet sous la forme de réci-pients à l’ouverture évasée et au fond pointu. Au fil des années, cette forme se modifia légèrement et évolua vers le gobelet-cloche typique, orné généralement d’une bande horizontale d’incisions en zigzags et de motifs en pointillés. Les peuples des gobelets se mirent, pour une raison obscure, à progresser vers le nord, aux environs de 2200 avant J.-C. Ignorants des choses de la mer, leur avance se fit essentiellement par voie terrestre. Ces chemins de pénétration au cœur de l’Europe sont certes facilement reconnaissables, car jalon-nés de tombes garnies des fameuses poteries.

Les vases-calices ainsi transportés étaient proba-blement destinés à la dégustation de quelque breuvage fermenté (sans doute de la bière). Et, comme dans bon nombre de tribus primitives actuelles, l’action de consommer une boisson fermentée constituait alors un acte religieux. L’accueil plus ou moins chaleureux réservé à ces prêtres-nomades par toutes les tribus ren-contrées s’expliquerait alors parfaitement. Outre leur bar ambulant, les marchands aux vases-calices apportaient de petites quantités de cuivre, sous forme d’objets divers. Soulignons en effet

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que la fonte du cuivre était connue depuis un certain temps déjà à El Garcel, dans la province espagnole d’Alméria. Dès lors, la présence d’ins-truments métalliques dans les bagages des no-mades aux gobelets n’avait rien que de très nor-mal. II est en outre fort probable qu’ils furent les initiateurs des Européens d’alors au travail du métal, tout au moins dans les régions où exis-taient des gisements. II est d’ailleurs intéressant de constater que certains peuples nordiques, dépourvus de matière première, copièrent tout simplement en silex l’outillage de cuivre de leurs voisins plus fortunés. S’avançant toujours plus vers le nord, les enva-hisseurs aux gobelets débarquèrent en Grande-Bretagne dès le début du second millénaire avant J.-C. En vérité, cette invasion se fit en deux pha-ses bien distinctes : la première, l’invasion B, fut celle des peuples venus de Bretagne et de Hol-lande. Ils débarquèrent près de l’embouchure du Stour et de l’Avon, et parcoururent le sud-ouest de l’Angleterre, s’imposant aux populations indi-gènes comme seigneurs. Ainsi, très rapidement, les gens du Windmill Hill disparurent en tant que culture. Une seconde Invasion, dite de type A, aborda plus au nord vers — 1800, et ne nous intéresse donc pas directement. Revenons donc aux envahisseurs B. Très vite, nous l’avons dit, ils s’imposèrent aux autochtones, qui furent for-cés d’adopter le mode de vie, fort différent, de leurs seigneurs. Ce changement se remarque spécialement dans la façon d’inhumer les morts. On sait que les peuples du Windmill Hill affection-naient la tombe collective abritée sous un tumu-lus allongé. Or, la tombe typique de la culture des vases-calices est toute différente : protégée par un tumulus rond, elle contient un seul squelette, placé en position contractée. Le crâne est court et rond (brachycéphale), la silhouette trapue. Cette tombe contient bien sûr des vases calicifor-mes, décorés de traits incisés ou imprimés en bandes horizontales à l’aide d’un peigne ou d’une molette. Parfois, les creux des incisions sont remplis de peinture blanche. Outre les poteries typiques, on plaçait, à côté du mort, un paquet de têtes de flèche en silex à pédoncule et barbelu-res, un brassard de pierre destiné à protéger l’avant-bras de l’archer au moment où claquait la corde, un poignard plat en cuivre à la soie droite, et d’autres objets de moindre importance. No-tons, pour la petite histoire, qu’on a décelé, sur plusieurs crânes, des traces très nettes de trépa-nations multiples : les peuples aux vases-calices étaient donc déjà versés dans l’art difficile de la chirurgie. II est remarquable de constater que les monuments funéraires sont, sauf quelques rares habitations sur le continent, les seules traces laissées par les gens aux vases caliciformes, mais on les retrouve invariablement partout en

Europe. Cette particularité s’explique lorsque l’on sait que c’étaient des nomades dont les seules ressources étaient l’élevage du bétail, du porc et du mouton. Ils connaissaient pourtant le froment et l’orge, mais pratiquaient peu l’agriculture. Il est temps, je crois, de résumer tout ce qui a été dit jusqu’à présent, et d’en tirer les conclusions. Vers 2200 avant J.-C., un peuple aux origines incertaines commence, pour une raison inexpli-quée, une extraordinaire randonnée à travers l’Europe. Leur seule bagage semble être le vase-calice, élément typique de leur culture. Nulle part, ils ne s’arrêtent : poussant toujours plus vers le nord, ils ne laissent comme seule trace de leur passage que les tombes où sont ensevelis leurs morts : une fosse abritant un seul corps, recou-verte d’un tumulus rond. Point d’habitations, nulle trace de vie sédentaire. On peut penser que le Beaker People va adopter certaines coutumes des peuples rencontrés ! Nenni ! Ils restent su-perbement étrangers à toute influence : leur pote-rie est toujours aussi particulière, les sépultures de Hollande sont identiques à celles du Midi de la France. Lorsque le Beaker People arrive en Bre-tagne, la religion mégalithique est solidement établie en Europe, les dolmens et autres pierres dressées sont sorties du sol comme par enchan-tement, toute l’Europe vit à l’heure du mégalithe. Mais les nomades aux vases caliciformes n’en ont cure et, délaissant la Bretagne où ils n’ont pas dressé un seul menhir, lis débarquent en Angleterre. Alors, subitement, ils vont s’enthou-siasmer pour le culte mégalithique. Et, eux qui n’ont jamais eu le désir de se construire une ha-bitation, ils vont ériger le colossal Stonehenge. Voila qui est surprenant ! Et plus surprenant en-core : ce peuple s’est construit un temple magni-fique à la gloire de la religion mégalithique, mais il a continué à enterrer ses morts dans les mê-mes tombes à tumulus qui, elles, ne sont pas mégalithiques. Ce qui revient à dire que, chez les peuples aux vases caliciformes de Grande-Bretagne, il y avait une religion pour les vivants et une religion pour les morts ! Si l’on admet cela, on doit trouver logique de voir un moine de l’or-dre des Franciscains se faire enterrer à La Mec-que. En conclusion, je dirai que, même si l’on ne tient pas compte de tous les problèmes techniques que Stonehenge a dû poser à un peuple somme toute fort dépourvu de moyens, il apparaît que le Beaker People n’a pas pu construire Stonehen-ge, ainsi que l’affirme l’archéologie officielle, par-ce que son mode de vie, sa mentalité, sa religion étaient en opposition complète avec l’idée d’une telle réalisation.

JACQUES GOSSART

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Le passe present

— Méfiez-vous de ces gens, Monsieur, ils ne s’intéressent qu’à ce qui est surprenant. — D’où vient, je vous prie, qu’il faut de préféren-ce s’intéresser à ce qui ne l’est pas ? Devant un prodige naturel, l’homme s’émerveille et s’interroge : quels soubresauts de la croûte terrestre ont produit les Chutes du Niagara ou le Grand Canyon ? A Stonehenge, nous nous som-mes demandés par quel miracle technique un peuple dit sauvage et primitif a pu ériger le Ballet des Géants. Ce faisant, nous figurions apparem-ment parmi les rares excentriques qui se soient posés cette question. Avec un ensemble tou-chant, les archéologues glissent subrepticement sur cet épineux problème, quand ils n’escamo-tent pas le site tout entier. Faut-il rappeler, en effet, que M. Leroi-Gourhan, dont la célébrité n’est certes pas surfaite, ignore pourtant manifes-tement Stonehenge ? (1) Et que penser des théories « officielles », qui prêtent aux construc-teurs tantôt des radeaux, tantôt des rouleaux et des cordes, bref de pauvres moyens archaï-ques ? Et pour couronner le tout, ces blocs, loin d’être dressés à la va-comme-je-te-pousse, cons-tituent des constructions géométriques voulues, et servent à des observations astronomiques précises. Le problème technique posé par le fossé, le talus et les trous est relativement simple : creuser et déblayer est à la portée de tout un chacun. On a d’ailleurs retrouvé sur place des outils de pierre et d’os, permettant de réaliser ce travail avec une certaine facilité. Selon le calcul des archéolo-gues, trois cents travailleurs peuvent y arriver en une saison, et l’utilisation de pics et de pelles modernes n’améliorerait que médiocrement le rendement. Mais, direz-vous, des pelles qui ne sont que des omoplates de bœuf trahissent une main-d’œuvre primitive. D’accord, seulement les architectes et les ingénieurs n’allaient pas laisser traîner sur le terrain leurs instruments de mesure...

Si l’on considère maintenant la partie « en dur » du monument, il faut trouver autre chose. L’ « huile de bras » est ici totalement insuffisante. Si la légende de Merlin usant de tout son art pour faire léviter les pierres est plus qu’une charmante histoire, il s’agit là de la relation déformée d’un procédé de transport et de construction relevant d’une haute technicité. Une décadence progres-sive ayant fait perdre la méthode, l’incompréhen-sion admirative des peuples ultérieurs donna naissance au mythe. Les pierres sacrées de Mynydd Prescelly. Rappelons la fiche technique des pierres bleues. — nombre : 59 en cercle, 19 en fer à cheval, plus la pierre d’autel (2). — hauteur : entre 1,5 et 2 mètres. — poids moyen : 5 tonnes, soit l’équivalent d’un poids lourd sans roues. — composition : 67 proviennent d’une roche vol-canique d’un gris bleuté, nommée dolérité; cinq autres sont faites de lave volcanique bleutée ou rhyolite ; quatre sont de lave vert sombre ; deux, dont la pierre d’autel, se composent de grès de Cosheston gris bleu ; la dernière, enfin, est faite de cendre calcareuse bleuâtre. On ne trouve pas de roche éruptive à moins de 160 km de Stonehenge. En 1923, après une ana-lyse pétrographique approfondie, Herbert H. Tho-mas, du « British Geological Survey », établit avec certitude que la dolérite, la rhyolite et la cendre volcanique se trouvent uniquement dans un petit coin de deux kilomètres carrés, dans le

L’ABOMINABLE HOMME DES CHANTIERS

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(1) André Leroi-Gourhan et coll. : « La préhistoi-re », collection « Nouvelle Clio », P. U. F., 1968, volume de 350 pages.

(2) A un certain stade de construction, il semble qu’il y en ait eu jusque 82. Mais, n’en connais-sant pas la composition, nous nous tiendrons au nombre actuel.

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sud-ouest du Pays de Galles, à Mynydd Prescel-ly pour être précis. Quant au grès de Cosheston, c’est non loin de là qu’il faut le chercher, à Cos-heston Beds, près du port gallois de Milford Hea-ven. L’origine de chacune des pierres bleues semble donc précisée. II faut toutefois tempérer des affirmations trop catégoriques. Il est possible en effet que les douze pierres qui ne sont pas en dolérite aient été apportées à proximité de Stone-henge plusieurs siècles auparavant. Les bâtis-seurs les auraient alors tout simplement arra-chées à leur destination première, une structure mégalithique ancienne peut-être du côté du Cur-sus. Mais qu’importe ! Cela ne ferait que reporter le problème à un passé plus lointain encore. Tou-jours est-il que de Mynydd Prescelly à Stonehen-ge, la distance, à vol d’oiseau, est de 213 km. Si l’on suppose un trajet quasi uniquement mariti-me, la route devient plutôt longue : 609 km ! En combinant l’eau et la terre, le trajet, quelque peu alambiqué mais vraisemblable, fait 386 km. Depuis Mynydd Prescelly, le cap logique est donc le sud-ouest, vers Milford Heaven, port na-turel situé dans un repli de la côte galloise. Et ceci pour deux raisons : c’est le moyen le plus court pour atteindre la mer, et c’est là qu’on trou-ve le grès de Cosheston. Arrivées à cet endroit, les pierres sont chargées sur des radeaux munis d’un mât et d’une voile, afin de franchir le Canal de Bristol, qui n’a de canal que le nom. En effet, à Milford Heaven, c’est la pleine mer ; ensuite, le « canal » devient un imposant bras de mer. A ce sujet, les brochures officielles du Ministère britan-nique de l’Environnement sont édifiantes. Voyez ce dessin, véritable Radeau de la Méduse, guidé par un équipage hirsute et débraillé : néolithique signifie, hélas ! barbare. Toujours est-il qu’après ce périlleux exercice

marin, nos rudes gaillards accostent à Bristol. Repos mérité. On enlève la voile, on monte le radeau sur canoës pour faciliter la flottaison, on se munit de longues gaffes, et hardi les gars !, on remonte à la force des poignets et à contre-courant la rivière Avon de Bristol (il y a deux Avon). L’objectivité, ici, est respectée dans une large mesure. II est en effet relativement aisé de manœuvrer un poids de cinq tonnes sur une ri-vière. En 1954, la B.B.C. reconstitua partielle-ment cette équipée. Quatre garçons munis de gaffes ont remonté un tronçon de la rivière, sur un canot porteur d’une pierre semblable. Ques-tion : pourquoi ce caillou ne pesait-il qu’une tonne et demi (1.500 kg) ? Pour constater que le canot ne s’enfonçait que de 23 cm, et en tirer des tas d’autres conclusions, qui seront d’autant plus criticables ? Sur conseil des archéologues, le lieu de la reconstitution avait d’ailleurs été soigneuse-ment choisi. Car les géographes vous diront que depuis l’ère néolithique, les rives de l’Avon ont été largement érodées et excavées par l’homme. A mi-chemin de la source de l’Avon, on met pied à terre, et nos loups de mer — marins d’eau dou-ce se muent en haleurs de la Volga : ils vont en effet se dérouiller les jambes durant une dizaine de kilomètres en traînant leur bloc sur des rou-leaux jusqu’à la rivière Wylye, affluent de l’Avon de Salisbury (3). Ici encore, la B.B.C. vient à la rescousse des archéologues : au cours de l’ex-périence citée plus haut, il fut estimé que, par jour, il suffit de 16 hommes pour faire avancer une tonne sur un mille ou moins (1,6 km). Soit dans le cas qui nous occupe, un effort de six jours pour quatre-vingts hommes. Arrêtons-nous un instant, car cela parait tellement évident qu’on se laisserait aisément convaincre. Les humains ne sont pas des machines : et en l’occurrence 5 x 16 ne font pas nécessairement 80. Avec cette méthode, on pourrait se contenter, pour la re-constitution, de blocs de 500 grammes, et multi-plier le tout par 10.000... En outre, tous ces cal-culs et ces expériences ne tiennent pas compte des accidents de terrain, des bois et des maréca-ges, pas plus que de la résistance des hommes et du matériel. Enfin, petite question indiscrète : nos ingénieurs de Stonehenge n’auraient-ils utili-sé leur génie que sur les lieux mêmes du site ? Etaient-ils incapables d’inventer la roue ? C’est en tout cas ce qu’affirme la préhistoire classique. Car la roue représente le disque solaire, ce qui la rend tabou et l’empêche de servir à des fins bas-sement domestiques (!)

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(3) Selon les géologues, on n’aurait pu aller au-delà de Bath, ce qui porte à plus de 30 km la distance à parcourir, au cours desquels il fal-lait encore traverser une autre rivière, la Fro-me.

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Au terme de notre randonnée, le radeau qui a suivi, va servir à nouveau, puisque nous voilà dans les herbes humides qui habillent la berge de la rivière Wylye. Et va pour une autre partie de canotage, dans le sens du courant cette fois, jusqu’au confluent de la Wylye avec l’Avon de Salisbury. A cet endroit, un virage sec sur la gau-che, et c’est la remontée de l’Avon vers sa sour-ce. On avance le plus loin possible sur cette riviè-re sinueuse, jusqu’au moment où le radeau racle le fond et refuse d’avancer. Alors, on reprend la promenade dans la campagne anglaise, jusqu’au terme du voyage, où le « clan » trépigne d’impa-tience pour dresser une nouvelle pierre de l’édifi-ce. Ici encore, un de ces charmants enfantillages de savants. Une « avenue », relie Stonehenge à la rivière Avon : elle ne pouvait, selon eux, qu’ê-tre destinée au transport des pierres bleues. Nous avons pu aisément constater qu’à cet en-droit, le niveau est déjà dangereusement bas, car on réussit à peine à y submerger une boite de Coca sous quinze centimètres d’eau. Depuis combien de kilomètres le radeau raclait-il déjà le fond ? Qu’à cela ne tienne, on n’en est pas à une approximation près, et la théorie y trouve son compte. Des glaçons pour les pierres bleues. Un chercheur de l’ « Institute of Geological Scien-ce » de Londres, G.A. Kellaway, relança voici deux ans I’ancienne idée selon laquelle les gla-ciers auraient amené dans la Plaine de Salisbury le matériau de construction pour Stonehenge. Cette hypothèse, émise en 1902 par J.W. Judd, n’avait à l’époque convaincu personne, car on ignorait alors que les gorges de l’Avon à Bristol pouvaient avoir été formées par les glaces. Kella-way ne nie pas l’origine galloise des pierres, mais on ne peut, selon lui, exclure ce qui gît au fond de l’eau ou sous les sédiments. II est rare aussi, dit-il, que l’on puisse confiner leur origine à une surface aussi restreinte que celle avancée par Herbert Thomas. Or, ce dernier se basait sur

cette constatation pour conclure à un transport humain. Kellaway invoque une glaciation dite anglaise qui aurait amené des blocs écossais de 50 tonnes et des blocs gallois jusqu’en Cor-nouailles et dans le Canal de Bristol. Seulement, son argumentation est assez spé-cieuse. II tâche en effet de démontrer que les sarsens de l’âge tertiaire ont été dispersés par les glaces sur les Downs du Wessex (ouest de l’Angleterre). Cela, on veut bien l’admettre, puis-que les constructeurs de Stonehenge sont allés puiser à Marlborough Downs. Mais précisément, dans un rayon de 30 km entre Bathampton et Bradford, gisent ainsi des masses de pierres utilisables. Pourquoi fallut-il chercher si loin des pierres bleues ? Or là, Kellaway se perd dans le brouillard. II prétend avoir vu sur un îlot du Canal de Bristol, Flat Holme, des blocs qui semblent (« seems to ») venir du Pays de Galles. On ne peut donc affirmer que tout provient des Prescel-ly Mountains. Fort bien, mais encore ? Plus rien, l’argumentation de Kellaway dévie. Le transport humain lui parait incompréhensible, car il aurait nécessité d’autres ustensiles que ceux connus. Vous aurez remarqué : notre homme n’est pas convaincu par ce fameux trajet maritime et, étant géologue, il veut surtout démontrer que la glacia-tion « anglaise » peut avoir amené les pierres bleues dans la Plaine de Salisbury. La réponse vient d’arriver, en mai dernier, dans la revue Nature, sous la signature de C.P. Green, du département géographique de l’Université de Londres. Le niveau maximum qu’aient jamais atteint les rivières Avon et Wylye correspond à la fin de l’ère tertiaire, donc bien avant la glaciation « anglaise ». Le fond est composé de matériau d’érosion du bassin, et le surplus (1,16%, alors que la glaciation aurait apporté jusqu’à des 30%) peut provenir de formations tertiaires locales. Les relevés sont éloquents : à aucun niveau de la région du Wessex, il n’y a de modification

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significative dans la composition des sédi-ments ,et en aucun cas un apport de matériel erratique. La glace anglaise n’a donc jamais en-vahi le bassin de ces rivières. D’ailleurs, soyons sérieux : qu’une glaciation ait amené 82 pierres à Salisbury, pas une de plus... et pas une de moins que le nombre voulu, voilà qui serait encore bien plus extraordinaire que tout ce que nous avons déjà pu vous proposer ! Adieu donc, les glaçons de Mr. Kellaway. Astérix dans la Plaine de Salisbury. Et nous voici arrivés aux géants, les sarsens. Rafraîchissons-nous la mémoire — nombre : 30 montants et 30 linteaux formant

un cercle, 5 trilithes en fer à cheval, plus la Heelstone et les Pierres d’Orientation.

— hauteur : contrairement aux pierres bleues, dont le format était plus ou moins standardi-sé, les sarsens différent considérablement selon leur emplacement. Les montants du cercle extérieur font en moyenne 5,5 m, dont 1,2 m sous terre : la largeur moyenne est de deux mètres, l’épaisseur un mètre. Les mon-tants du fer à cheval, eux, battent le record local de gigantisme, avec leur hauteur qui varie de 6 à 9 mètres (dont 1,5 à 2,5 m dans le sol), et leurs linteaux de un mètre. Quant à la Heelstone, elle mesure ses 6 m et s’enfon-ce de 1,2 m dans la prairie.

— poids : 25 tonnes pour le cercle de monoli-thes, 7 tonnes par linteau, 45 à 50 tonnes pour les montants du fer à cheval, 35 tonnes pour la Heelstone.

En 1747, John Wood écrivait que les dunes de Marlborough Downs, à 30 km vers le nord, étaient couvertes d’une grande quantité de pier-res semblables aux piliers de couleur claire de Stonehenge. Première étape : il fallait sélection-ner les blocs adéquats puis, munis d’outils en pierre, les découper du roc, les équarrir et les tailler. Ensuite, les amener au site. Deux théories s’affrontent quant au trajet : le débat fut lancé en 1961 par un géologue de l’Université d’Ottawa, Patrick Hill. Selon la première éventualité, les pierres furent trouvées un peu plus au sud, près de la rivière Kennet. Hâlées ensuite sur des traî-neaux jusqu’à l’Avon, elles furent alors véhicu-lées sur radeaux flottants, dans le sens du cou-rant. On peut opposer à ceci une objection de taille : si, comme il a été dit plus haut, il n’y avait déjà plus assez d’eau en aval de Stonehenge pour supporter un bloc de cinq tonnes, on voit mal comment un géant dix fois plus lourd aurait pu flotter en amont du site, pratiquement à la source de la rivière Hill, qui est géologue, ne croit pas que celle-ci ait été plus profonde ; pour ap-puyer sa théorie, il suppose alors qu’elle fut endi-guée... ce dont on ne trouve aucune trace.

Conscient des lacunes de son argumentation, Hill propose autre chose. Les pierres furent trouvées sur les collines et descendirent leur versant sud-ouest sur un tapis de bûches placées bout à bout, parallèlement au sens de la marche. Ensui-te, reprenant la direction du sud, elles furent hâ-lées sur traîneaux en mettant à profit un tapis de glace ou de neige durcie. L’été, on stockait les pierres au pied des collines l’hiver, on les traînait le plus loin possible. Cette seconde hypothèse repose malheureusement sur la supposition erro-née que les hivers de l’époque étaient plus rudes que ceux d’aujourd’hui. II ne restait alors plus qu’à en revenir à l’image du primitif hirsute traî-nant son fardeau par monts et par vaux, en profi-tant des passages les plus praticables. Ce qui les obligeait de toute façon à escalader, non loin de Stonehenge, une pente de 9°. Qu’à cela ne tien-ne, les calculs de la B.B C. sont là pour vous dire que mille hommes suffiraient à la tâche durant sept ans (800 pour tirer et 200 pour guider les rouleaux). Atkinson, pressé par le temps — sou-venez-vous des inscriptions mycéniennes —, affirmera même dans la brochure destinée aux touristes crédules, que l’aller-retour Marlborough-Stonehenge avec un sarsen ne devait pas pren-dre plus de quinze jours ! On croit rêver… Arrivés sur les lieux, il fallait, bien sûr, encore les dresser, ces géants de pierre. Armés de leur matériel, nos sauvages sauront y faire. Atkinson vous fera le calcul : 300 hommes pour hisser un bloc. Après quoi, pris d’angoisse qu’il ne s’effon-dre, ils se hâtent de combler le trou avec tout ce qui leur tombe sous la main, y compris leurs pré-cieux ustensiles, dont un marteau en pierre de

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plus de 25 kg ! Restait à déposer les linteaux au sommet de tout cela. A ce sujet aussi, les avis sont partagés. Les uns parlent de rampes de terre (qui n'ont laissé aucune trace), les autres d'échafaudages de bois. Pour vous représenter cela, rappelez-vous l’exiguïté du site : en-dedans du fer à cheval, la surface utilisable dépasse à peine 150 m2, il y a 7 m entre lui et le cercle de monolithes, et enfin, dans leur rangée, les sar-sens ne sont distants que de 30 cm à un mètre maximum. Si une grue, travaillant par-dessus les pierres déjà en place, peut en soulever d’autres. il est par contre difficile d'imaginer d'imposants et encombrants échafaudages disposés entre les blocs sur un espace grand comme un mouchoir de poche Et pour tout arranger, il faut encore caser là-dedans nos hommes des bois, suant et peinant à la tâche en se marchant sur les pieds… Compte tenu de l'intense activité qui a dû régner dans la région durant tous ces siècles, une race particulière doit s'être développée à l'époque dans le sud de l'Angleterre : celle de l'Abomina-ble Homme des Chantiers, dont la principale spé-cialité était de dresser en cercle des blocs im-menses, afin d'accumuler de prodigieuses coïnci-dences. A moins qu'un monde de connaissances supérieures n'ait ainsi voulu marquer son passa-ge, ici comme en d'autres points du globe, pour disparaître ensuite dans l'oubli…

JACQUES VICTOOR (en collaboration avec I. Verheyden)

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Imaginez l’encombrement...

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Jusqu’en 1963, Stonehenge recevait ses 300.000 visiteurs par an. Depuis l’affaire Hawkins, les entrées ont monté en flèche, pour atteindre les 550.000 en 1971. Mais le cromlech est à ce point parfait, avec son lever de soleil et tout, qu’on en oublie le reste. Les touristes passent, les mégali-thes jonchent la région, mais rares sont ceux qui les visitent. Pourtant, c’est la même civilisation qui est à l’origine de Stonehenge et d’Avebury, de Silbury Hill et de Woodhenge. Désincarner le premier en l’isolant de son contexte néolithique, c’est se priver d’éléments indispensables à la solution de l’énigme. Ne perdons néanmoins pas de vue que, dans l’état actuel de nos connaissan-ces, certains vestiges peuvent être indépendants les uns des autres : c’est là tout le problème des constructeurs présumés de cette véritable Mec-que antique. Ici, les archéologues règnent encore en maîtres ; personne n’est venu contester leurs « interprétations à tout prix ». Dès lors, elles sont instructives à plus d’un titre, quand elles ne confi-nent pas à la farce, comme c’est le cas pour Woodhenge. II n’y avait rien à Woodhenge, sinon des piquets de bois (d’où son nom). Ils en ont fait des baraquements, voire même une salle de meeting. Nous sommes à trois kilomètres au nord-est de Stonehenge. En 1925, un avion détecta une for-mation circulaire de 60 m environ : un talus en-tourant un fossé profond de deux mètres, et en dedans, six cercles concentriques de trous pour des poteaux de bois, dont certains, pourris, étaient encore visibles. C’est tout : rien n’émer-geait au-dessus du sol. Atkinson reconnaît qu’on ne peut que deviner (« we can only guess »), car un tel site est unique en Grande-Bretagne. Nous avons déjà eu l’occa-sion, parlant de l’archéologie romantique, de sou-ligner à quel point il faut faire preuve de « calme et d’orthographe ». Les archéologues classiques feraient bien, eux aussi, de méditer cette devise. Car voici ce qu’ils ont fait de Woodhenge :

II y avait, selon Stuart Piggott, une construction surmontant les poteaux, le tout recouvert d’un

toit, dont les pentes s’inclinaient à partir des pi-liers centraux, et ménageaient au milieu de l’en-ceinte, un espace découvert (je propose : pour courses de chars ou marché matinal...) Non loin du centre était enterré un enfant de trois ans, dont le crâne avait été fendu, Sacrifice hu-main, bien sûr : ne sommes-nous pas en pleine barbarie ? Il serait tentant de ne voir en tout cela que les baraquements où logeait la main-d’œuvre de Stonehenge. Mais ni les outils ni les poteries qu’on y a déterré ne correspondent à quoi que ce soit de semblable. La réalité de Woodhenge, la voici. A 400 m envi-ron vers l’ouest se dresse un sarsen, nommé « cuckoo stone », qu’on devait très bien voir de-puis le centre de l’enceinte. En outre, les trous pour les plus petits poteaux sont ovales, et le grand axe de ces ellipses pointe dans la direction du solstice d’été. Seulement ici, contrairement à Stonehenge, l’en-trée (une brèche dans le talus) ne se situe pas sur le même axe, mais un peu plus au nord. Ce qui pourrait signifier ceci : l’ouvrage de terre une fois creusé, il aurait servi plus tard pour la cons-truction en bois qui, elle, serait l’œuvre du même peuple néolithique qui fit Stonehenge. Woodhen-ge ne serait alors qu’une ébauche, un brouillon de son illustre voisin. A peine cent mètres plus au nord, voici Durring-ton Walls : formation circulaire également, mais énorme cette fois, puisqu’elle fait 450 m de dia-mètre. Il n’en reste plus rien actuellement, sauf les traces plus sombres qu’on voit dans le blé, en été. Sous la route qui traverse le site, les fouilles ont révélé deux structures circulaires de type Wood-henge ; une avenue de poteaux en constituait l’approche. La région fourmille de formations pareilles, mais la plupart ne se découvrent plus que d’avion. Un relevé systématique et une étude approfondie seraient donc à faire, et les relations géographi-ques ou astronomiques entre les divers sites pourraient apporter d’importants indices. Reportons-nous plus loin vers le nord, en direc-tion des carrières de Marlborough Downs, et après 27 km, nous arrivons à Avebury. Au même titre que Stonehenge dans la Plaine de Salisbury, Avebury est le centre de tout ce qui jonche la Kenneth Valley. Le site aurait pu disparaître à jamais, car il a été englobé dans le village, et les vandales y ont fait leur œuvre. Les laboureurs du XVIIIe siècle avaient hâte de se débarrasser de pierres aussi encombrantes, et les matériaux récupérés, vous pouvez encore aujourd’hui les retrouver dans les murets des jardins !

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Il n’y a pas que Stonehenge

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John Aubrey avait déjà décrit Avebury, mais ce n’est qu’un siècle plus tard, en 1743, que William Stukeley le rendit célèbre en lui consacrant une plaquette.

La civilisation en marche à Avebury (gravure de William Stukeley, 1724).

La restauration la plus importante, de 1934 à 1939, est due à Alexander Keiller, qui retrouva des mégalithes enfouis, ainsi que l’emplacement d’autres pierres, qu’on indiqua soigneusement par des blocs de béton. Mais malgré tous ces efforts, Avebury n’atteignit jamais la renommée de Stonehenge. Et pourtant... Ce triple cromlech était de loin le plus étendu : un cercle géant de 342 m de diamètre, qu’une dou-ble allée de menhirs reliait à une autre formation circulaire, située à 2300 m de là. Au total, il de-vait y avoir à l’origine plus de 650 menhirs. Qua-tre routes menaient à Avebury, selon les quatre points cardinaux. A leur entrée, le désormais classique talus suivi de son fossé étaient inter-rompus. Ceux-ci franchis, on passait le Grand Cercle de sarsens, dont ne persistent plus actuel-lement que 27 exemplaires sur les 98 qu’il devait y avoir à l’origine. Ces blocs, amenés des carrières toutes proches de Marlborough Downs, sont, ici, à l’état brut, non dégrossis. Irréguliers peut-être, mais néan-moins choisis selon leur conformation : il y a les menhirs aux flancs verticaux, et les autres, losan-giques (« diamond-shaped »), posés sur la poin-te. Les plus gros flanquaient les entrées, par pai-res, et avec leurs quatre mètres, atteignent un poids de 40 tonnes. A l’intérieur du Grand Cercle, deux autres. Le Cercle Central, 100 m de diamètre, trente pierres centrées sur trois énormes sarsens de près de cinq mètres. Ceux-ci étaient disposés pour for-mer un dispositif quadrangulaire ouvert vers le nord-est, mais pas selon le solstice toutefois. Le Cercle Sud, un peu plus grand, était fait de trente-deux pierres, dont cinq seulement ont sur-vécu, les autres ayant fait place aux maisonnet-tes. Excentré, on trouve un étrange alignement

de monolithes disposés en demi-lune. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’on pouvait voir, au centre du cercle, un gigantesque menhir de 6,4 m de haut, ainsi que, non loin de là, la Ring Stone, ainsi dénommée parce que perforée d’un trou au travers duquel on pouvait porter le regard vers le sud. II semble qu’Oscar aurait bien du travail à Avebury. Car toutes ces pièces disparates don-nent une idée de la complexité effarante de ce gigantesque assemblage. II s’agit là du plus grand temple des Iles Britanni-ques : d’un diamètre total de 420 m (il faut par-courir 2.500 m pour en faire le tour !), il fait qua-torze hectares, sort trois fois l’étendue de Stone-henge. Lorsqu’on quitte Avebury par sa sortie sud-est, vers Marlborough, on s’engage dans une allée de menhirs, large d’un mètre cinquante, et connue sous le nom de Kennet Avenue. A l’origine, cent paires de blocs se succédaient à la cadence d’un tous les deux mètres cinquante, les deux formes susdites se taisant alternativement face.

Arrivés à la rivière Kennet, à 2,3 km de là, ils aboutissaient au « Sanctuaire » d’Overton Hill, une espèce de Woodhenge, agrémenté de deux cercles supplémentaires en pierres. Ces derniers sont bien sûr attribués au Beaker People, la par-tie en bois étant antérieure à Avebury. A l’autre extrémité, la jonction de la Kennet Ave-nue avec le cromlech d’Avebury est assez parti-culière. Tout se passe comme si les construc-teurs n’y avaient songé que par après. C’est en tout cas ce qu’on a déduit du matériel (alluvions ou chaux) qui a servi à consolider les divers mo-nolithes.

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Avebury, une partie du Grand Cercle et, dans le fond, le Cercle Sud. Passé le fossé et le talus, on s’engage, à gauche, dans la Kennet Avenue.

Selon les archéologues, il y aurait ainsi eu deux stades de construction : d’abord, les cercles inté-rieurs et l’Avenue, qui s’arrêtait non loin d’eux, mais sans pointer droit dessus ; ensuite le fossé et son talus, le Grand Cercle et l’aménagement de l’Avenue pour faire la jonction. Exactement le contraire de Stonehenge, où pourtant, selon les mêmes, on en était à la seconde phase ! Curieux, tout cela... Un peu à gauche du Sanctuaire, non loin de la rivière Kennet, se dresse le plus grand tumulus d’Europe, celui de Silbury Hill. Sa forme est celle d’un cône tronqué, haut de 40 mètres, et cou-vrant une superficie de plus de deux hectares. Pour le construire, on s’est servi de la terre alen-tour, de sorte qu’un immense fossé, parfois pro-fond de 9 mètres, l’entoure.

Le mode de construction démontre une recher-che quasi obsessionnelle de stabilité. Le maté-riel, pilé, était entassé en couches horizontales, chacune d’elles divisée en plusieurs secteurs par des parois radiales et circulaires de blocs de cal-caire. De même, la paroi interne du fossé fut, elle aussi, consolidée par des couches de chaux re-couvertes de piliers. Nulle part ailleurs dans les constructions en terre de l’époque, on ne retrouve pareil procédé. Ce qui semble démontrer que les bâtisseurs de Silbury Hill avaient une connaissance empirique

remarquable du génie civil, mis en œuvre avec un art tel que le tumulus n’a guère changé depuis sa construction. En 1776, le Duc de Northumberland sonda le mont à partir du sommet. Sans résultat, sauf que s’il y avait une tombe centrale, elle fut à coup sûr détruite. Plus tard, on creusa un tunnel à partir de la face sud ; ce travail fut repris par Atkinson en 1968, et l’amena à conclure que le tumulus avait été construit en trois étapes. Ceci nous a appris qu’il est passé par une phase à degrés, ce qui l’a fait ressembler, à un moment de son histoire, à un cône doté de marches. A peu de distance du sommet, il est d’ailleurs tou-jours entouré d’une espèce de terrasse. Toujours est-il que le résultat final fut ce tumulus géant de 337.500 m3, d’un diamètre de 180 mè-tres. On estime qu’il fallut pour cela quinze mil-lions de hottes de quinze kilos, ce qui correspond à trois millions de journées-hommes pour mener cette tâche à bien. (500 hommes durant 10 ans). Remarquons que cela fait le double du travail effectué à Stonehenge. Et la datation des échan-tillons prélevés nous reporte à une période située entre 2250 et 2050 avant J.-C., soit aux tous dé-buts de Stonehenge I. A moins que le Duc de Northumberland ne l’ait détruit, si tombeau il y a — et le tumulus en a toutes les apparences —, il doit être excentré comme dans les allées couvertes d’Irlande. A ce moment se pose la question : qui est enterré à Silbury Hill ? C’est Atkinson lui-même qui nous suggère la réponse : « Qui d’autre que l’architec-te de Stonehenge reposerait dans la tranquille obscurité d’une voûte de saison, sous le cône géant de Silbury Hill ? » Ce qui serait une confir-mation éclatante de ce que nous pressentions depuis un bon moment : dès le début des cons-tructions, existait un plan précis, œuvre d’un homme, à qui ses sujets ont voulu rendre un hommage digne de lui, à Silbury Hill.

I. V.

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BIBLIOGRAPHIE D’ENSEMBLE ● Ouvrages anglais consacrés a Stonehenge.

William Stukeley. « Stonehenge », 1740. N. Lockyer. « Stonehenge and other british stone monuments ». Mac Millan, London, 1909. E. Barclay. « The ruined temple, Stonehenge ». St Catherine Press, London, 1911. F. Stevens. « Stonehenge, today and yesterday ». London, 1916. E.H. Store. « The Stones of Stonehenge ». R. Scott, London, 1924. R.H. Cunnington. « Stonehenge and its date » Methuen, London, 1935. S. Piggott. « Stonehenge reviewed - Aspects of archaeology in Britain and beyond ». W.F., Lon-don, 1951. R.J.C. Atkinson. « Stonehenge ». Hamilton, Lon-don, 1956 et Pelican Books, 1960. Gerald S. Hawkins and J.B. White. « Stonehenge decoded ». Doubleday Publ, New York 1965, et Souvenir Press, London 1966. Patrick Crampton. « Stonehenge of the Kings ». J. Baker, London, 1967. Daniel Cohen. « Mysterious places ». Tower Books, New York, 1969. Et les publications émanant du « Ministry of Pub-lic Building and Works » et éditée par « Her Maj-esty’s Stationery Office », 49 High Holborn, Lon-don, WC 1 V, Great-Britain. R.J.C. Atkinson. « What is Stonehenge » (existe en français) ; « Stonehenge and Avebury ». R.S. Newall. « Stonehenge, Wiltshire ». A. Keiller. « Windmill Hill and Avebury ».

● A notre connaissance, seulement six livres parus en français consacrent un chapitre important à Stonehenge. Pour les deux derniers nous émet tons de nettes réserves.

Fernand Niel. « La civilisation des mégalithes ». Plon, 1970. Louis Pauwels et Jacques Bergier. « L’homme éternel ». Gallimard, 1970, et Folio, 1973. Michel-Claude Touchard. « L’archéologie mysté-rieuse ». Collection « Bibliothèque de l’irration-nel ». CAL-Denoël, 1972. Pierre Duval. « La science devant l’étrange ». Ibidem, 1973. L. et C. Sprague de Camp. « Les énigmes de l‘archéologie ». Denoël, 1965. Richard Hennig. « Les grandes énigmes de l’uni-vers ». Laffont, 1966.

● Les controverses dans les publications.

W.J. Harrison. « Bibliography of Stonehenge and Avebury ». Wiltshire Archaeological Magazine, XXXII, 1902. Hawley. « Excavations at Stonehenge ». Antiqua-ries Journal, I (1920), II (1921), III (1923), IV (1924), V (1925), VI (1926), VIII (1928). H.H. Thomas. « The Source of the stores of Sto-nehenge ». Antiquaries Journal, III. R.S. Newall. « Stonehenge ». Antiquity, III, 1929. J.F.S. Store. « The Stonehenge cursus and its affinities ». Arch. Journal, CIV, 1948.

Atkinson, Piggott and Store. « The excavation of two additional holes at Stonehenge ». Antiquaries Journal, XXXII, 1952. R.J.C. Atkinson. « Stonehenge in the light of re-cent research ». « Nature », Volume 176, 1954. O.G.S. Crawford. « The Symbols carved at Stone-henge », et S. Piggott. « Recent works at Stone-henge ». Antiquity, XXVIII, 1954. G. Childe. « Dates of Stonehenge ». Scientific Monthly, 1965. G.S. Hawkins. « Stonehenge decoded ». « Nature », Volume 200, 1963. G.S. Hawkins. « Stonehenge : a neolithic compu-ter ». « Nature », Volume 202, 1964. R.J.C. Atkinson. « Moonshine at Stonehenge », F. Hoyle. « Speculations on Stonehenge », A. Thom. « Megaliths and Mathematics ». Antiquity, XL, 1966. C.A. Newham. « Stonehenge, a neolithic observa-tory », et F. Hoyle. « Stonehenge, an eclipse pre-dictor ». « Nature », Volume 211, 1966. R. Colton and R.L. Martin. « Eclipse Cycles and Eclipses at Stonehenge », et J. Hawkes. « God in the machine ». « Nature », Volume 213, 1967. G.A. Kellaway. « Glaciation and the stones of Stonehenge ». « Nature », Volume 233, 1971. Colin Renfrew. « Carbon 14 and the prehistory of Europe ». Scientific American, octobre 1971. R.R. Newton and R.E. Jenkins. « Possible Use of Stonehenge ». « Nature », Volume 239, 1972. C.P. Green. « Pleistocene river gravels and the Stonehenge problem ». « Nature », Volume 243, 1973. ● Ouvrages généraux. Guilh. Musgrave. « Antiquitates Britanno-Belgicae ». Taylor & Sprint, Londinenses, M.DCCXIX. Ouvrage en latin appartenant à Mr. Michel Wittock. James Fergusson. « Les monuments mégalithi-ques de tous pays, leur âge et leur destination ». Traduction de l’Abbé Hamard, Haton, Paris, 1878. J. Déchelette. « Manuel d’archéologie préhistori-que, celtique et gallo-romaine ». Paris, 1908-1914 (4 volumes). P.V. Neugebauer. « Sterntafeln van 4.000 vor Christus bis zur Gegenwart ». Hinrich, Leipzig, 1912. « Tafeln zur astronomischen Chronologie ». De Gruyter, Leipzig, 1929. K. Peake. « The Bronze age and the celtic world ». London, 1922. C.S. Coon. « The races of Europe ». New York, 1939. V.G. Childe. « L’aube de la civilisation européen-ne ». Payot, Paris, 1949. Otto Neugebauer. « The exact Sciences in Anti-quity ». Copenhagen, 1957. Fernand Niel. « Dolmens et menhirs ». Collection « Que sais-je ? », P.U.F., 1958 et 1972. G. Clark. « Prehistoric England ». Batsford, Lon-don, 1962. Alexander Thom. « Megalithic sites in Britain ». Clarendon Press, Oxford, 1967. James Dyer. « Discovering archaeology in En-gland and Wales ». Shire Publications, 1969.

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L’homme cultivé n’a pas besoin d’avoir une opinion sur toute chose; à toute opi-nion correspond, à coup sûr, une amputa-tion de la réalité.

Jean Lombard, du CNRS.

Notre tour d’horizon va s’achever. L’Angleterre, le Pays de Galles, l’Ecosse et l’Ir-lande sont riches en monuments, tumuli et cer-cles de pierres. Aucun n’est aussi élaboré que ceux qui jonchent la Plaine de Salisbury. Leur plus proche équivalent, il faut aller le chercher à 400 km de là, passé la Manche, en Bretagne. Nous avons circulé, selon le mot de Fernand Niel, dans « le plus beau, le plus parfait, le plus émouvant de tous les monuments mégalithi-ques ». Mais la moitié des pierres de Stonehenge ont disparu, par la grâce de la civilisation ; et mal-gré cela c’est encore le mieux conservé de tous les cromlechs. Pourtant, personne n’oserait affir-mer qu’il n’en existaient guère d’autres, qui n’ont même jamais affleuré à la connaissance du mon-de moderne. Nous vous avons proposé toutes les pièces du dossier actuellement disponibles. D’autres viendront s’y ajouter à coup sûr, et nous serons les premiers à vous en informer. Mais d’ores et déjà, l’on peut soulever un certain nom-bre de questions, et autant de points d’interroga-tion. Pour cela, laissons la parole à quelques auteurs.

* * *

1. Nous n’apprécions guère l’attitude de Lyon et Catherine Sprague de Camp, qui consiste à ba-naliser à tout prix. II faut néanmoins les citer car, dans « Les énigmes de l’archéologie, ils soulè-vent ce qu’ils qualifient de « petit mystère », alors que cela nous semble, à nous, particulièrement important. « Vous souvient-il du récit fantaisiste de Geoffroy au sujet de l’expédition du roi Auré-lius qui, aidé de la puissance occulte de Merlin, envoie son armée dérober le Ballet des Géants en Irlande ? En vérité, Geoffroy eut de faux dé-tails : les pierres apportées de très loin sont les pierres bleues, et non les monolithes ; elles ve-naient de Galles, et non d’Irlande ; et elles furent amenées à Stonehenge au XVIIe siècle avant J.-C. et non au Ve siècle après J.-C. Mais l’histoi-re de Geoffroy et les faits se recoupent si exacte-ment dans leurs grandes lignes qu’il est difficile d’imaginer Geoffroy découvrant, par le seul effet du hasard, l’idée d’une expédition vers l’ouest destinée à dérober un temple entier dont les pier-res possédaient d’étranges vertus magiques. Il est incroyable que la légende se soit transmise

pendant 2700 ans, au cours desquels la Grande-Bretagne fut occupée par les peuplades guerriè-res à la hache, les Celtes, les Belges, les Ro-mains, les Saxons, les Danois et les Normands. De plus, pendant presque tout ce temps-là, au-cun écrit n’a permis de conserver intacte cette histoire. Mais il est tout aussi incroyable que Geoffroy, par pure imagination, soit parvenu si près de la vérité. » 2. L’orientation du cromlech démontre que, dès le départ, devait exister un plan préétabli. II n’y a rien de neuf dans Stonehenge III, ce n’est que le développement raffiné d’une esquisse, et la Wes-sex Culture n’est pour rien dans son orientation. L’Architecte, celui qui gît peut-être sous Silbury Hill, devait être un Copernic se doublant d’un Pythagore. Voici 4000 ans ou plus, il décida de dessiner les plans d’un temple solaire, en rase campagne et hors du centre d’Avebury, parce que c’était là, à cet endroit précis et nulle part ailleurs, qu’il fallait l’ériger. Pourquoi ? Mystère... Et malgré sa mort, l’entreprise s’est poursuivie. Selon Fred Hoyle, il n’est pas impossible que plusieurs écoles, s’inspirant d’une tradition, se soient succédées à Stonehenge. Ce qui soulève une vaste question, que définissent très bien Louis Pauwels et Jacques Bergier dans « L’homme éternel » : « Le problème de Stone-henge, comme celui de tous les monuments mé-galithiques, ne s’arrête pas là. Nul ne doute plus aujourd’hui que ces monuments sont des structu-res complexes, des supports et des instruments de connaissance. Ils témoignent d’une culture. Mais quel fut le langage de cette culture ? Et quelle fut l’écriture de ce langage ? » 3. Hawkins a calculé que la réalisation du cro-mlech aurait coûté un minimum de 1.500.000 journées-hommes de travail physique. Ceci ne tient pas compte de l’incalculable travail intellec-tuel de conception, administration, organisation et logistique. Et ce n’était pas là le seul chantier de la région. Même si plusieurs générations s’y sont succédées, il y eut Silbury Hill (3 millions de journées-hommes), Avebury (combien ?), et tout le reste : le Cursus, Durrington Walls, West Ken-net. Je cite Gérald Hawkins dans « Stonehenge decoded » : « Le programme spatial absorbe, directement ou indirectement, l’énergie d’un Américain actif sur mille, et 1% du produit natio-nal brut. Stonehenge devrait avoir au moins ab-sorbé la même proportion de l’énergie nationale — la population de toute l’Angleterre était alors de moins de 300.000 personnes ». Mais Pierre Duval, dans « La science devant l’étrange »,

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IL FAUT (provisoirement) CONCLURE

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lui renvoie la balle : « A la fin du Néolithique, où sont les hommes à Stonehenge ? II n’y a rien d’autre que quelques peuplades de quelques centaines ou quelques milliers d’individus, fort occupés de leur subsistance, pas de villes, pas d’agglomérations importantes. Où sont les in-nombrables ouvriers du pharaon ? » Car il faut ravitailler ces braves gens ! Et, en fin de compte, qui va s’occuper encore de l’agriculture et de l’élevage, ne fût-ce que pour vivre ? Tout cela pour prévoir les saisons et les éclipses, dira-t-on... Là encore, citons Pierre Duval : « Les astronomes ont l’air de croire qu’il est très impor-tant pour l’agriculteur de connaître le début exact des saisons et que cela justifierait d’immenses efforts. II n’y a qu’un malheur : c’est que rien n’est plus faux ! J’entends qu’aucun agriculteur actuel ne serait assez fou pour semer à date fixe, à partir d’une prescription du calendrier. Qu’il s’en inspire, je ne dis pas, mais il est bien plus important de tenir compte de la pluie, du vent et du degré de végétation de certains végétaux témoins, intégrateurs naturels des influences météorologiques. Non pas ! Beaucoup de peu-plades pratiquent une agriculture primitive, et n’ont pas de Stonehenge ». 4. Pour le transport des pierres, les archéologues vous inventeront toujours, selon les endroits, un « Système D » quelconque, toujours différent. Mais ce besoin de rationnel à tout prix est aussi aberrant que la recherche du fantastique coûte que coûte. On oublie trop souvent ceci. Si brus-quement, sur les cinq continents, on s’est mis à construire du gigantesque, c’est qu’on en avait les moyens, que « quelqu’un » venait de donner le déclic. Au Moyen Age aussi, les cathédrales se sont mises à fleurir... mais en briques. A Stone-henge comme ailleurs, des blocs plus petits eus-sent parfaitement fait l’affaire. Peut-être même le bois, comme à Woodhenge. Mais non ! Des mé-galithes et rien d’autre. Même les pierres bleues ne leur suffisaient plus. Prétendre que le mégali-thisme est un phénomène de civilisation, et que l’évolution d’une société y mène immanquable-ment, devient une attitude réactionnaire. La ma-nie de construire peut relever de l’inconscient collectif : mais les techniques, les proportions, les données astronomiques ? Cela deviendrait de la paranoïa. Fernand Niel, dans « La civilisation des mégali-thes », avance une réponse plus cohérente : « Tout se passe comme si des sortes de « missionnaires », porteurs d’une idée et d’une technique, partis d’un centre inconnu, avaient parcouru le monde. La mer aurait été leur route principale. Ces « propagandistes » auraient pris

contact avec certaines tribus et non avec d’au-tres. Cela expliquerait les « trous » ou les zones de moindre densité dans la répartition, ainsi que l’isolement de certains foyers mégalithiques. Cela expliquerait également comment et pourquoi les monuments mégalithiques se superposent à la civilisation néolithique. On aurait ainsi une expli-cation de toutes ces légendes qui en attribuent la construction à des êtres surnaturels. On saurait enfin pourquoi des hommes capables de dresser à la verticale des blocs de 300 tonnes et de sou-lever des tables de 100 tonnes ne nous ont pas laissé d’autres traces de leur prodigieux savoir-faire ». Risquons-nous même à aller un peu plus loin encore. On a fait remarquer qu’il y avaient des erreurs d’angles à Stonehenge. C’est tout à fait normal : même actuellement, avec nos instru-ments modernes, nous sommes loin de la perfec-tion. Stonehenge pourrait même, en quelque sorte, être le contraire : un instrument rudimentai-re, facile à manipuler, à usage des populations locales. Celles-ci, Beaker People ou autres, au-raient été en fin de compte les derniers initiés, ceux pour qui on a édifié les mégalithes. « On », leurs maîtres, ces « Veilleurs du Ciel », pour les-quels nous n’entrevoyons que les trois possibili-tés que nous donne Pierre Duval : « Savants mathématiciens, épaves d’une civilisation incon-nue et naufragée ; ou voyageurs cosmiques échoués dans la barbarie de la Terre néolithi-que ; ou bien hommes de génie qui furent en même temps des conducteurs de peuples... »

* * *

Nous ne conclurons pas par la sempiternelle rengaine : « Le mystère demeure entier, et pro-bablement le restera-t-il toujours... » C’est l’opi-nion d’Atkinson. Opinion ou allergie au futur ? Car que va devenir Stonehenge — et que de-viendra Atkinson ? — si les événements conti-nuent à se précipiter, comme ce numéro en a fourni la preuve ? Le premier garde-fou dressé par les archéologues contre toute spéculation (« Nous n’admettrons Hawkins que le jour où en d’autres endroits, on retrouvera le même dessein chez les constructeurs »), ce premier obstacle est déjà tombé sous les coups de butoir du Pro-fesseur Thom sévissant en Bretagne. Nous autres, chercheurs parallèles, cela nous exalte. Eux, les archéologues classiques, cela les attris-te. Pauvres astronomes, avait dit quelqu’un au sujet de Hawkins. Pauvres archéologues aussi…

IVAN VERHEYDEN

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