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JUGEMENTS DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE L’OTAN 2013 Organisation du Traité de l’Atlantique Nord B-1110 Bruxelles - Belgique

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JUGEMENTS

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE L’OTAN

2013

Organisation du Traité de l’Atlantique Nord B-1110 Bruxelles - Belgique

Jugements du Tribunal administratif de l’OTAN

2013

2013 1ère session (9-13 septembre 2013) AT-J(2013)0001 Affaire No. 885 F v. NSPA AT-J(2013)0002 Affaire No. 896 D v. SI OTAN AT-J(2013)0003 Affaire No. 887 S et al. v. NAMEADSMA AT-J(2013)0004 Affaire No. 892 F v. SI OTAN AT-J(2013)0005 Affaires Nos. 889,890 L,L v. SI OTAN AT-J(2013)0006 Affaire No. 883 P v. NSPA AT-J(2013)0007 Affaire No. 891 A v. JWC Stavanger AT-J(2013)0008 Affaire No. 897 T v. SI OTAN

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4 novembre 2013 AT-J(2013)0001

Jugement

Affaire n° 885

JF,

requérant

contre

Agence OTAN de soutien,

défenderesse

Bruxelles, le 21 octobre 2013

Original: anglais

Mots clés: période probatoire, non-confirmation d'engagement.

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Un collège du Tribunal administratif de l’OTAN composé de M. Chris de Cooker, président, et de Mme Maria-Lourdes Arastey Sahún et M. John Crook, juges, ayant pris connaissance du dossier et suite à l’audience qui s’est tenue le 11 septembre 2013, rend le présent jugement. A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l’OTAN a été saisie d’un recours, daté du 7 décembre 2012 et enregistré le 17 décembre 2012, présenté par M. JF contre l'Agence OTAN de soutien (NSPA). Le requérant est un ancien membre du personnel de la NSPA.

2. Les observations en défense, datées du 11 avril 2013, ont été enregistrées le 23 avril 2013. Les observations en réplique, datées du 13 mai 2013, ont été enregistrées le 16 mai 2013. 3. Le recours a été déposé avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2013, du rectificatif n°12 au Règlement du personnel civil (RPC) de l’OTAN, par lequel a été modifiée l’annexe IX à ce règlement et a, notamment, été établi le Tribunal administratif de l’OTAN. En application des dispositions transitoires prévues à l’article 6.10 de la «nouvelle» annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l’OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au Tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO(73)151, du 22 novembre 1973). 4. Le collège du tribunal a tenu audience le 11 septembre 2013 au siège de l’OTAN. Il a entendu les arguments de Maître LL, du cabinet L&L établi à Bruxelles, représentant le requérant, ainsi que les arguments de M. SL, conseiller juridique adjoint à la NSPA, et de M. FP, chef de la Division Ressources humaines de la NSPA, représentant la défenderesse, en la présence de M. EG, conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l'OTAN, de M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l'OTAN et de Mme Laura Maglia, greffière par intérim. B. Exposé des éléments de fait 5. Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit. 6. Le requérant, détaché du ministère de la Défense du Royaume-Uni, est entré au service de la NSPA (anciennement NAMSA, Agence OTAN d'entretien et d'approvisionnement) le 10 octobre 2011, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, en tant que responsable principal des achats de grade A.3, échelon 1. 7. Ce contrat comprenait la clause standard instituant une période probatoire de six mois, laquelle devait donc se terminer le 9 avril 2012. Il comprenait également une

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clause de déploiement à caractère obligatoire. Dans la «confirmation de contrat» (signée par le requérant le 14 mars 2012), la direction a demandé que la période probatoire soit prolongée de manière à permettre au requérant de faire ses preuves dans le cadre d'un déploiement. Le 19 mars 2012, il a été annoncé au requérant que la période probatoire était prolongée d'une nouvelle période de six mois, c'est-à-dire jusqu'au 9 octobre 2012. 8. Le requérant a été employé, dans un premier temps, au sein de la Cellule Concurrence du bureau Soutien logistique des opérations à Capellen, au Luxembourg. Il a ensuite été déployé, avec effet au 1er juin 2012, en Afghanistan, pour une période qui devait en principe s'achever le 31 août 2012. 9. Le 10 juin 2012, le requérant, par un email directement adressé au chef de la Division Ressources humaines de la NSPA, a formulé une plainte officielle pour intimidation et harcèlement de la part de M. H. L'incident, à savoir un accrochage intervenu en fin de soirée entre les deux hommes à la suite d'une altercation durant un match de football télévisé, a fait l'objet d'une enquête, qui a été menée par le gestionnaire de programme. Dans son rapport, celui-ci a conclu qu'il ne s'agissait pas d'un cas de harcèlement, mais plutôt d'un manque de respect entre les personnes concernées. Il évoquait par ailleurs un retrait immédiat du théâtre d'opérations et un retour à Capellen en cas de manquement à l'obligation de faire preuve de respect vis-à-vis de tous les personnels, et ce en toutes circonstances. Le requérant a signé le rapport le 15 juin 2012, en notifiant son désaccord. 10. Le 19 juillet 2012, le requérant a formulé une plainte à l'encontre de Mme N., alléguant que celle-ci lui avait adressé des emails déplacés et grossiers. Selon le requérant, la direction n'a pas donné suite à cette plainte. 11. Le 24 juillet 2012, le requérant a été avisé qu'il serait prématurément mis un terme à son déploiement le 2 août 2012. 12. Le 2 août 2012, le requérant était rapatrié. En congé annuel les 6 et 7 août 2012, il a ensuite pris un congé compensateur suivi d'un congé annuel du 16 août au 14 septembre 2012, puis un nouveau congé annuel du 3 au 5 octobre 2012 et enfin, un congé sans salaire le 8 octobre 2012. 13. Le 20 septembre 2012, le requérant a eu avec le chef de la Division Achats un entretien de cinq heures au cours duquel il a reçu un rapport de notation. Dans l'ensemble, celui-ci faisait état d'une évaluation bonne à très bonne. Cela étant, ce rapport évoquait également des relations insatisfaisantes avec l'entourage, ainsi qu'une adaptabilité et une faculté d'expression médiocres. Le gestionnaire de programme constatait que le requérant s'était montré particulièrement efficace à la Cellule Concurrence à Capellen, où il travaillait au sein d'une petite équipe spécialisée. Mais il ajoutait toutefois que les qualités interpersonnelles du requérant limitaient incontestablement son aptitude à travailler avec d'autres, en particulier dans un environnement évoluant rapidement, où la pression est forte et la flexibilité, essentielle. Ceci avait été particulièrement le cas lors du déploiement du requérant en Afghanistan, au point d'entraîner un rapatriement anticipé, ce qui avait entamé sa crédibilité auprès

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de ses collègues au sein du programme. Le chef de Division concluait que le requérant n'était pas apte au déploiement. Le requérant a signé le rapport le même jour, expliquant qu'il n'acceptait pas la teneur de certaines observations, notamment celle indiquant qu'il n'était pas déployable. 14. Le 2 octobre 2012, le requérant communiquait en réplique une note de 29 pages assortie de 49 annexes, dans laquelle il faisait part de son désaccord. 15. Le 9 octobre 2012, à son retour d'un congé sans salaire, il a rencontré son chef de Division et son supérieur direct, en présence d'un représentant de l'Association du personnel, pour discuter de ce différend. Le même jour, il a appris la décision l'informant que son contrat serait résilié au terme de la période probatoire, c'est-à-dire le 9 octobre 2012 à 23h59. Il a été informé, par une lettre datée du 10 octobre 2012, que le préavis de 30 jours serait remplacé par le versement d'une indemnité. 16. À la suite de démarches entreprises par la NSPA, le requérant a repris le travail au ministère de la Défense du Royaume-Uni le 10 novembre 2012. C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyens du requérant 17. Dans son recours, le requérant conteste la décision de résilier son contrat au terme de la période probatoire. Il invoque la violation des droits de la défense aux termes de l'annexe VIII.A au RPC de l'OTAN, aux motifs que la décision du directeur général visant à résilier son contrat a été prise le même jour que la rencontre au cours de laquelle il devait discuter de son rapport de notation, et que la décision du directeur général ne mentionne pas les observations qu'il a émises, mais seulement la recommandation du supérieur hiérarchique. 18. Le requérant invoque également une erreur manifeste d'appréciation de la part de son chef de Division lorsque celui-ci conclut qu'il n'est pas considéré apte au déploiement. Il rappelle que ses compétences et ses aptitudes techniques lui ont valu des notations «bonnes» ou «très bonnes», et que les points faibles relevés («adaptabilité», «faculté d'expression» et «relations avec autrui») sont en contradiction avec les bonnes relations qu'il entretenait avec ses collègues. Le requérant affirme par ailleurs que s'il n'a pas été considéré apte au déploiement, c'est principalement en raison des deux plaintes officielles qu'il a formulées à l'encontre de ses collègues. Il soutient que la NSPA, plutôt que de lui fournir une aide dans ce contexte, comme le RPC l'y oblige, a fermé les yeux sur ces problèmes et a pris le contrepied en considérant que les tensions au sein de l'équipe lui étaient imputables. 19. Le requérant rappelle que sa première période probatoire lui avait valu une évaluation positive, et s'appuie sur sa description de poste pour soutenir que le déploiement n'avait pas de caractère obligatoire. Il souligne en effet qu'alors que son

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contrat qualifie le déploiement d'«obligatoire», le texte de sa description de poste utilise les mots «le cas échéant» («if required»). 20. Le requérant soutient également que la décision de mettre fin à son contrat est intervenue en rétorsion, après qu'il eut relevé de graves problèmes et manquements contractuels en Afghanistan, ce qui rend ladite décision illégale, car dirigée contre ses activités légitimes. 21. Le requérant allègue que la NSPA a manqué aux principes de proportionnalité, de sollicitude et de bonne administration en considérant que le déploiement constituait une obligation alors qu'un telle exigence n'était pas attachée à son poste; en décidant de procéder à son rapatriement anticipé alors qu'il était en fonctions; et en mettant fin à son contrat en sachant qu'il ne pourrait retourner au ministère de la Défense du Royaume-Uni avant 2014. Le requérant affirme par ailleurs que la NSPA, en substituant une indemnité au délai de préavis, a agi en violation du fondement de l'article 6.4 du RPC et de la clause 8 de son contrat. 22. Le requérant demande l'annulation de la décision de la NSPA visant à résilier son contrat. Il ne demande pas une réintégration, mais le versement d'une compensation financière équivalente à deux ans de salaire correspondant à la durée de son contrat restant à courir, moyennant déduction des revenus perçus auprès du ministère de la Défense du Royaume-Uni. D'après les calculs du requérant, cette somme s'élèverait à € 152.647, montant auquel il convient d'ajouter deux ajustements annuels au salaire de base. Enfin, le requérant sollicite une indemnisation de € 10.000 pour préjudice moral ainsi que le remboursement de ses frais de conseil, de voyage et de séjour. (ii) Principaux moyens de la défenderesse 23. Dans ses observations, la défenderesse allègue que le recours est irrecevable au motif qu'il aurait été soumis le 12 décembre 2012, soit plus de 60 jours à compter du 9 octobre 2012, date à laquelle la décision a été notifiée. 24. Aux dires de la défenderesse, la personnalité du défendeur ne s'est pas avérée compatible avec son cadre de travail. Les aptitudes relationnelles jouent un rôle clé dans l'accomplissement de la mission sur le théâtre, et le manque de souplesse ainsi que la personnalité du requérant ont abouti à son rapatriement anticipé. 25. La défenderesse rejette l'argument du non-respect de l'article 6.4 du RPC et de la clause 8 du contrat et confirme qu'une obligation de déploiement était attachée au poste du requérant. 26. Elle rejette également l'allégation selon laquelle la procédure d'évaluation des performances n'aurait pas été respectée s'agissant des droits du requérant. Dès son retour d'Afghanistan, depuis début août jusqu'au 17 septembre 2012, le requérant a été en congé. Le 20 septembre 2012, il a reçu son rapport de notation de l'administration, et, conformément à la procédure, a pris part à un entretien pour en discuter. Le requérant a par ailleurs soumis par écrit des observations très complètes dans les

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délais prescrits (10 jours). La NSPA souligne que les observations du requérant ont été examinées avec attention, mais relève qu'en raison du congé pris à nouveau par celui-ci, le seul jour disponible pour en discuter était le 9 octobre 2012, qui marquait la fin de sa période probatoire. 27. La NSPA met en avant le pouvoir d'appréciation qu'exercent les organisations internationales en matière d'engagement à titre probatoire. 28. La défenderesse rejette les allégations de rétorsion et de violation des principes de proportionnalité, de sollicitude et de bonne gestion, les déclarant non dépourvues de fondement en fait comme en droit. 29. Enfin, la défenderesse rejette les demandes d'indemnisation pour dommages matériels du requérant, du fait que celui-ci n'a subi aucune perte de revenus. Elle s'oppose énergiquement à la demande d'indemnisation pour préjudice moral, aucun élément ne venant étayer ce dernier. D. Considérations et conclusions (i) Considérations relatives à la recevabilité 30. La défenderesse fait valoir que le recours est irrecevable car il n'a pas été soumis dans le délai prévu de 60 jours à dater de la décision attaquée du 9 octobre 2012, qui avait été communiquée au requérant le même jour. Elle prétend que le recours a été soumis le 12 décembre 2012, c'est-à-dire en dehors des délais prescrits. Il ressort toutefois du dossier que le recours porte la date du 7 décembre 2012 et que la secrétaire de la Commission de recours l'a reçu par fax le même jour. Le recours a été enregistré le 12 décembre 2012 et transmis à la défenderesse le 17 décembre 2012. Le recours a donc été présenté dans les délais prescrits et l'allégation d'irrecevabilité n'est pas retenue. 31. Le requérant considère que les observations de la défenderesse doivent être exclues de la procédure car celle-ci, alors qu'elle avait jusqu'au 18 février 2013 pour les présenter, ne les a transmises que le 11 avril 2013. La défenderesse a expliqué, justificatifs à l'appui, que la lettre du 17 décembre 2012 n'était arrivée à Capellen que le 22 février 2013. Le Tribunal exprime sa perplexité face à un tel retard inexpliqué dans l'acheminement du courrier entre l'OTAN et la NSPA. Cela étant, il ne met en doute la bonne foi de personne. Deuxièmement, il faut tenir compte du fait que la défenderesse, si ses observations avaient été exclues de la procédure, aurait de toute façon pu les présenter au cours du débat oral (cf Commission de recours de l'OTAN, affaire n°680). Troisièmement, le dossier détaillé présenté par le requérant aurait suffi au Tribunal pour arriver aux conclusions ci-dessous. Pour ces motifs, la demande tendant à faire exclure de la procédure les observations formulées par la défenderesse est rejetée. 32. Le recours est recevable. (ii) Examen quant au fond

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33. Les décisions relatives aux engagements et, à plus forte raison, les décisions visant à confirmer des engagements au terme de la période probatoire relèvent du pouvoir d'appréciation du chef de l'Organisation. Les tribunaux administratifs internationaux s'accordent sur le fait qu'une décision prise en vertu de ce pouvoir d'appréciation ne peut faire l'objet que d'un contrôle limité. 34. Le Tribunal administratif de l'Organisation internationale du travail (OIT), par exemple, a indiqué récemment qu'il ne peut éventuellement censurer une décision de non-prolongation d'un contrat «que si elle émane d'une autorité incompétente, si elle est entachée d'un vice de forme ou de procédure, si elle repose sur une erreur de fait ou de droit, s'il n'a pas été tenu compte d'un fait essentiel, s'il a été tiré du dossier une conclusion manifestement erronée ou si un détournement de pouvoir a été commis.» (Tribunal administratif de l'OIT, affaire n°3214). De même, en ce qui concerne l'affaire n° 3217, il a jugé que «comme il l'a noté dans une décision récente (au considérant 8 du jugement 3163), le Tribunal ne saurait censurer l'exercice du pouvoir d'appréciation d'une organisation, tel que le pouvoir de ne pas renouveler un contrat de durée déterminée, à moins qu'il soit démontré que l'autorité compétente s'est fondée sur des principes erronés, a violé les règles de procédure, a omis de tenir compte d'un fait pertinent, ou est parvenue à une conclusion manifestement inexacte.» 35. Le Tribunal administratif de la Banque mondiale, dans une des premières affaires qu'il a traitées (affaire n° 6, Suntharalingam), a estimé pour sa part que «c'est à la partie défenderesse qu'il appartient, dans les limites de son pouvoir d'appréciation, de se prononcer sur la question de savoir si la performance d'un membre du personnel est insatisfaisante. L'appréciation de l'Administration en la matière est sans appel, à moins que ladite décision constitue un abus de pouvoir discrétionnaire parce qu'arbitraire, discriminatoire, irrégulièrement motivée ou prononcée en dehors du cadre d'une procédure équitable et raisonnable.» 36. Dans le droit fil de ce qui précède, les tribunaux, en vertu d'une jurisprudence constante, refusent de substituer leurs propres vues aux appréciations des organisations. Le Tribunal administratif de l'OIT a rappelé récemment qu'«il ressort clairement de la jurisprudence du Tribunal que celui-ci ne censurera pas une décision relevant du pouvoir de décision de l'Office sauf à constater une erreur susceptible d'un justifier l'annulation.» (Tribunal administratif de l'OIT, affaire n°3228). Le Tribunal administratif de la Banque mondiale, dans le cadre de l'affaire n° 85 (de Raet), a estimé que: «le second argument déjà invoqué à maintes reprises par le Tribunal consiste à dire que, s'agissant de questions touchant à l'exercice, par la Banque, de son pouvoir d'appréciation, il n'appartient pas au Tribunal de réexaminer le fond de la décision prise par la Banque en vue de lui substituer sa propre décision. Le Tribunal a pour devoir d'évaluer la décision de la Banque – quant au fond et à la forme – de manière à déterminer si celle-ci constitue un abus de pouvoir discrétionnaire parce qu'arbitraire, discriminatoire, irrégulièrement motivée ou prononcée en dehors du cadre d'une procédure équitable et raisonnable.» 37. Le Tribunal administratif de l'OTAN adhère à ces approches.

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38. Le Tribunal va commencer par analyser la question de savoir si la décision attaquée émane d'une autorité incompétente ou a été prise en violation d'une règle de forme ou de procédure. 39. L'article 6 du RPC («Période probatoire») stipule que:

6.1 Les 6 premiers mois d’un contrat initial ou de durée déterminée dont font mention les articles 5.1.1 et 5.2 sont considérés comme une période probatoire, à moins que le contrat soit d’une durée inférieure ou égale à un an, auquel cas les 3 premiers mois constituent la période probatoire.

6.2 Un changement d’affectation peut comporter une période probatoire de 3 mois destinée à s’assurer que l’agent est apte à remplir ses nouvelles fonctions.

6.3 La période probatoire est suspendue pendant toute période de congé pour cause de maladie dépassant 5 jours ouvrables consécutifs.

6.4 À la date d’expiration de la période probatoire, ou avant cette date, l’agent est avisé par écrit :

(a) soit de la confirmation de son contrat ; ou

(b) soit de la résiliation du contrat conformément aux dispositions qui y figurent (voir article 10.1) ; ou

(c) soit, dans des cas exceptionnels, de la nécessité d’accomplir une nouvelle période probatoire de 6 mois maximum.

40. L'article 10 du RPC fixe les modalités relatives aux délais de préavis et aux indemnités. Le premier paragraphe évoque le cas d'un agent qui n'est pas confirmé dans son poste au terme de la période probatoire:

10.1 Au cours de la période probatoire, il peut être mis fin à une affectation, par l’une ou l’autre des parties contractantes :

(i) avec préavis de 30 jours civils dans le cas des contrats initiaux et des contrats de durée déterminée ;

(ii) avec préavis de 90 jours civils, dans le cas d’un contrat de changement d’affectation.

41. Dans sa décision n° 842, la Commission de recours de l'OTAN, faisant référence à sa décision n°209, estimait que la décision de résilier un contrat au cours de la période probatoire pouvait intervenir à n'importe quel moment et ne devait pas être précédée de l'évaluation des performances dont il est question à l'article 55 du RPC. Elle ajoutait que l'administration devait néanmoins respecter les droits de la défense. Cet exercice qui consiste à permettre à l'agent de prendre connaissance de son dossier personnel et de présenter ses arguments peut se dérouler dans un délai assez court. 42. C'est exactement ainsi que les choses se sont passées dans le cadre de la présente affaire. Le requérant savait, dès la fin juillet, lorsqu'il a appris qu'il serait mis fin prématurément à son déploiement, qu'il y avait un problème et que la confirmation de son engagement n'irait pas de soi. On lui a donné le temps nécessaire pour

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réfléchir à la situation. Son rapport de notation lui a été présenté le 20 septembre 2012. Le 3 octobre 2012, il a transmis par écrit des observations très complètes et, le 9 octobre 2012, a eu une discussion avec son chef de Division. C'est à ce moment qu'il a été officiellement informé de la décision de mettre fin à son engagement. 43. Il n'est pas faux que le dernier entretien, qui par ailleurs ne fut pas le seul, a eu lieu le dernier jour de la période probatoire. Ceci n'est pas en contradiction avec le RPC, ni avec le contrat du requérant. Le paragraphe 8 dudit contrat prévoit en effet qu'à la date d’expiration de la période probatoire ou avant cette date, l'agent sera avisé par écrit soit de la confirmation de son contrat, soit de la résiliation de ce dernier avec préavis de 30 jours (souligné par l'auteur). Cette formulation est identique à celle de l'article 6.4 du RPC. On soulignera en outre que le requérant, depuis son retour de déploiement, a été le plus souvent en congé, ce qui a eu pour effet de compliquer singulièrement tout dialogue, situation dont il porte la responsabilité. 44. Le Tribunal conclut de ce qui précède que la procédure suivie était régulière. Elle était conforme au RPC et respectait les droits de la défense du requérant. 45. Le Tribunal va à présent se pencher sur la question de savoir si la décision reposait sur une erreur de fait ou de droit, s'il n'a pas été tenu compte d'un fait essentiel, si elle est entachée d'un abus de pouvoir ou si une conclusion manifestement erronée a été tirée des éléments contenus dans le dossier. 46. Comme indiqué plus haut, les tribunaux administratifs internationaux, en vertu d'une jurisprudence constante, rejettent l'idée de substituer leurs propres vues aux appréciations des organismes. Sauf abus de pouvoir discrétionnaire, ils se refusent à censurer une décision de non-confirmation, ou à en réexaminer le bien-fondé. Le Tribunal va donc se pencher sur la question de savoir si la décision selon laquelle le requérant n'était pas apte à être employé à la NSPA relève effectivement d'un abus de pouvoir discrétionnaire, et si le requérant a été traité de façon équitable (cf Tribunal administratif de la Banque mondiale, affaire n°470). 47. Les tribunaux administratifs internationaux ont toujours souligné l'importance du pouvoir d'appréciation dans le traitement des dossiers relatifs à des employés en période probatoire. Ainsi, dans son jugement 2599, le Tribunal administratif de l'OIT indiquait que:

l'objectif est de voir si l'intéressé a les qualités requises pour faire une carrière satisfaisante dans l'Organisation. L'autorité compétente décide sur dossier de confirmer ou non l'engagement et dispose de la plus grande latitude possible pour décider si une personne fait preuve non seulement des qualifications professionnelles, mais aussi des qualités personnelles requises pour occuper le poste auquel elle doit être affectée. Le Tribunal ne censure la décision que s'il constate un vice particulièrement grave ou flagrant dans l'exercice que le Directeur général a fait de son pouvoir d'appréciation (voir le jugement 1246, au considérant 3). Le Tribunal a confirmé cette jurisprudence notamment dans ses jugements 2427 et 2558.

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48. Le Tribunal administratif de la Banque mondiale, dans le cadre de l'affaire n° 7 (Buranavanichkit), a estimé que:

l'objectif est de déterminer si l'employé satisfait aux conditions requises pour que son contrat soit confirmé. Ces conditions peuvent concerner non seulement les compétences techniques de l'intéressé, mais également son caractère, sa personnalité et son comportement en général, pour autant qu'ils influent sur son aptitude à travailler de manière harmonieuse et efficace avec ses supérieurs et les autres membres du personnel. De ce point de vue, le Tribunal n'examinera pas le fondement de la décision de la Banque, si ce n'est aux fins d'obtenir des assurances quant à l'absence d'abus de pouvoir discrétionnaire.

49. Une nouvelle relation d'emploi place tant l'employeur que l'employé dans une situation délicate. Tous deux ont besoin d'une période d'essai qui leur permette d'évaluer leur relation de travail et de décider si un maintien en service est approprié ou non (Tribunal administratif de la Banque mondiale, affaire n° 10 (Salle), citation du règlement du personnel de la Banque mondiale). La période probatoire permet à l'Organisation de se prononcer sur la question de savoir si l'agent possède effectivement les qualifications et capacités professionnelles requises, et aussi, s'il convient pour le poste considéré au sein de l'Organisation et est bien intégré dans une équipe. C'est d'autant plus le cas lorsqu'il y a déploiement, les agents étant alors tenus de travailler et de vivre ensemble dans un environnement difficile. 50. Dans le cas présent, le dossier expose longuement les motifs ayant amené la direction à conclure que le requérant ne devait pas être confirmé dans son poste. Le rapport de notation du 20 septembre 2012 explique clairement pourquoi il a été proposé de ne pas confirmer le requérant dans ses fonctions. D'après son supérieur hiérarchique:

J travaille dur depuis son arrivée à la NSPA et il s'acquitte de toutes les tâches qui lui sont confiées avec passion, mais cela a souvent pour effet de plomber ses décisions. Il ressort de son comportement qu'il peut se montrer plutôt obstiné et peu porté à la souplesse lorsqu'il travaille avec les autres. De même, J ne se montre pas disposé à écouter les points de vue de ses collègues. Pour ces raisons, il lui a été difficile de travailler dans un environnement qui ne peut fonctionner qu'à condition que les différents intervenants s'impliquent dans l'équipe. Ce comportement a été observé dans les jours qui ont suivi son arrivée à la NSPA, et n'a pas varié tout au long de son déploiement. C'est, malheureusement, cette difficulté à travailler avec les autres qui se trouve à l'origine de la plupart des tensions avec ses collègues et ses supérieurs. La personnalité et le comportement de M. F ne contribuent pas à un environnement efficace et cohérent propice au travail en équipe.

51. La hiérarchie a par ailleurs constaté que le requérant n'était pas apte à être déployé. Après réception de son rapport de notation, le requérant a pu présenter des observations écrites très complètes et s'entretenir longuement avec son chef de Division.

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52. Il ressort clairement du dossier que la décision de ne pas confirmer le requérant dans ses fonctions se basait sur l'évaluation d'ensemble de ses performances et de son caractère. Il ne s'agit pas, comme il le prétend, d'une mesure de rétorsion faisant suite aux plaintes qu'il a formulées, et à l'appui desquelles il ne fournit d'ailleurs pas d'éléments convaincants. 53. Il apparaît donc que la NSPA, en concluant que le requérant n'était pas apte à être maintenu en service à l'Agence, a exercé son pouvoir d'appréciation de manière raisonnable. Le Tribunal conclut par ailleurs que la décision de ne pas confirmer le requérant dans son poste ne s'appuie pas sur une erreur manifeste d'appréciation, ne constitue pas un abus de pouvoir, et n'est pas disproportionnée. 54. Le Tribunal conclut au rejet du recours tendant à l'annulation de la décision, prise par la NSPA le 9 octobre 2012, de mettre fin à l'affectation du requérant au terme de sa période probatoire. 55. Le requérant avance par ailleurs que la NSPA, en substituant une indemnité au délai de préavis, a agi en violation du fondement de l'article 6.4 du RPC et de la clause 8 de son contrat. 56. La clause 8 dudit contrat prévoit que l'agent, à la date d’expiration de la période probatoire, ou avant cette date, sera avisé par écrit soit de la confirmation de son contrat, soit de la résiliation de ce dernier moyennant un préavis de 30 jours. La clause 10 du contrat stipule que ce dernier est régi par le Règlement du personnel de l'OTAN. Il suffit de lire les textes pertinents pour constater que la clause 8 du contrat est conforme au fondement et à la lettre des articles 6.4 et 10.1 mentionnés ci-dessus. Le requérant n'a pas établi le contraire. 57. Deuxièmement, l'article 10.5 stipule que le chef d’organisme OTAN peut remplacer tout ou partie du délai de préavis prévu dans le contrat par le paiement d’une indemnité égale aux émoluments pour la période correspondante. Appliquer cette disposition chaque fois que possible, en particulier dans le cas d'un court délai de préavis comme c'est le cas ici, relève généralement de la bonne administration. 58. Troisièmement, le requérant, qui a été exempté de service au cours de la période de préavis et a perçu en une seule fois les émoluments correspondants, n'a certainement pas été lésé par cette décision. Il n'a pas apporté la preuve du contraire. 59. Le Tribunal conclut que la NSPA, en remplaçant la période de préavis par une indemnité, n'a enfreint ni le fondement ni la lettre de l'article 6.4 du RPC et de la clause 8 du contrat du requérant. 60. Le requérant affirme que le déploiement n'avait pas de caractère obligatoire. Le contrat du requérant, contresigné par lui, indique clairement que le titulaire du poste en question sera appelé à effectuer des déploiements ou des déplacements à caractère obligatoire. Cette demande est donc rejetée. Elle est par ailleurs infondée, étant donné que la décision de ne pas confirmer le requérant dans son poste ne s'appuyait

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pas uniquement sur l'évaluation de ses aptitudes à fonctionner correctement en déploiement. 61. Le rejet du recours tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2012 entraîne dès lors le rejet des autres conclusions tendant au paiement d'indemnisations pour dommages matériels et moraux et au remboursement des coûts. Le Tribunal souhaite néanmoins appeler l'attention sur le fait que le requérant – grâce également aux bons offices de la NSPA – a été rapidement réintégré dans son administration nationale. E. Frais 62. Il est stipulé à l'article 4.8.3 de l'«ancienne» annexe IX du RPC que:

Au cas où elle a admis le bien-fondé d'une requête, la Commission ordonne que l'organisme OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais justifiés exposés par le/la requérant(e).

Le rejet des demandes du requérant entraîne le rejet de ses demandes au titre des dépenses. F. Dispositif PAR CES MOTIFS, le Tribunal décide:

- Le recours est rejeté. - Le cautionnement déposé par M. F lui sera remboursé.

Fait à Bruxelles, le 21 octobre 2013.

(signé) Chris de Cooker, président (signé) Laura Maglia, greffière a.i.

Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia

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4 novembre 2013 AT-J(2013)0002

Jugement

Affaire n° 896

MD,

requérant

contre

le Secrétariat international de l’OTAN,

défendeur

Bruxelles, le 24 octobre 2013

Original: anglais

Mots clés: restructuration, vacances de poste lors d’une restructuration, réaffectation.

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(Page blanche)

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Un collège du tribunal administratif de l’OTAN composé de M. Chris de Cooker, président, et de Mme Maria-Lourdes Arastey Sahún et M. John Crook, juges, ayant pris connaissance du dossier et suite à l’audience qui s’est tenue le 9 septembre 2013, rend le présent jugement. A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l’OTAN a été saisie d’un recours en date du 18 février 2013 contre le Secrétariat international (SI) de l’OTAN, présenté le 20 février 2013 par M. MD. Le requérant est actuellement membre du personnel du SI. 2. Les observations en défense, datées du 22 avril 2013, ont été enregistrées le 23 avril 2013. Les observations en réplique, datées du 23 mai 2013, ont été enregistrées le 28 mai 2013. 3. Le recours a été déposé avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2013, du rectificatif n°12 au Règlement du personnel civil (RPC) de l’OTAN, par lequel a été modifiée l’annexe IX à ce règlement et a, notamment, été établi le tribunal administratif de l’OTAN. En application des dispositions transitoires prévues à l’article 6.10 de la «nouvelle» annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l’OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO(73)151, du 22 novembre 1973). 4. Le collège du tribunal a tenu audience le 9 septembre 2013 au siège de l’OTAN. Il a entendu les arguments de Maître L et Maître T, du cabinet L&L établi à Bruxelles, représentant le requérant, ainsi que les arguments de M. EG, conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l’OTAN, et de M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l’OTAN, représentant le défendeur, en présence de M. CS, président de l'Association du personnel du Secrétariat international de l'OTAN, de M. PL, de l’Association du personnel du Secrétariat international de l'OTAN, et de Mme Laura Maglia, greffière par intérim. B. Exposé des éléments de fait 5. Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit. 6. Le requérant est entré au service du SI en 1997 et a occupé plusieurs postes. Le 1er juillet 2009, il s’est vu offrir un contrat de durée indéterminée pour le poste de grade A5 (échelon 5) de chef de la Section Partenariats (anciennement dénommée Section Pays du programme d’ouverture) au sein de la Division Diplomatie publique (PDD).

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7. En 2011, la PDD, soucieuse de s’améliorer, de se moderniser et de remédier à ses points faibles, a revu sa structure. Une nouvelle révision de la structure a eu lieu en 2012. 8. Le 24 août 2012, le requérant, souhaitant obtenir des éclaircissements, a eu un entretien avec la chef de sa division, la secrétaire générale adjointe pour la diplomatie publique, au cours duquel celle-ci lui a décrit ce qui était envisagé pour une restructuration prochaine. Elle a expliqué qu’il était notamment prévu de fusionner, au 1er octobre 2012, la Section Pays de l’OTAN et la Section Partenariats de l’OTAN pour en faire une seule section, la Section Relations publiques, qui serait dirigée par Mme N. 9. Le même jour, le requérant a adressé à la chef de sa division un courrier électronique résumant l’entretien. Il l’a remerciée pour les propositions qu’elle lui avait faites quant aux autres fonctions qu’il pourrait assumer, toujours au sein de la Division. Il a également rappelé qu’elle l’avait assuré de son soutien pour un transfert vers une autre division. Pour terminer, il a ajouté qu’il préférait faire partie de la solution plutôt que du problème et qu’il étudierait attentivement ce qui lui serait proposé concrètement en définitive. Dans sa réponse, la chef de la Division a indiqué être certaine qu’en travaillant ensemble, ils pourraient trouver la solution qui conviendrait. 10. Le 12 septembre 2012, la secrétaire générale adjointe pour la diplomatie publique a soumis au directeur du Cabinet une série de propositions visant à transformer et à restructurer la PDD. L’une des propositions consistait effectivement à fusionner la Section Partenariats de l’OTAN et une autre section pour en faire la Section Relations publiques. La proposition concernait seulement la structure. Elle ne comportait aucun élément touchant aux ressources humaines, ne donnant par exemple aucune indication quant à la personne qui dirigerait la nouvelle section ou au sort qui serait réservé aux titulaires des postes en place. 11. Le dossier ne révèle pas quand il a été décidé d’autoriser la restructuration et les désignations correspondantes, mais il fait apparaître que la restructuration a été annoncée le 27 septembre 2012 et qu’elle a pris effet le 1er octobre 2012. Le requérant en a été informé par téléphone le 27 septembre 2012. Dans l’organigramme diffusé le 27 septembre 2012, Mme N apparaît comme chef de la Section Relations publiques et le requérant n’apparaît nulle part. Dans les semaines qui ont suivi, le requérant ne s’est vu confié aucune mission ni responsabilité; ce point a été confirmé à l’audience. 12. Le 21 novembre 2012, le requérant a introduit, auprès du secrétaire général de l’OTAN, une réclamation contre la décision, non notifiée au requérant, de désigner Mme N, et donc pas lui, au poste de chef de la Section Relations publiques de la PDD. Il demandait l’annulation de la désignation de Mme N et l’organisation d’un concours qui permette de sélectionner la personne la plus qualifiée pour exercer les fonctions liées au poste en question. À titre subsidiaire, il demandait à être transféré, si possible sur son poste tel qu’inscrit au budget, à des fonctions permanentes équivalentes au sein du SI. Il demandait aussi le versement d’une somme de € 5.000 à titre de préjudice moral.

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13. Le secrétaire général n’ayant pas répondu à la réclamation dans les 30 jours prescrits, le requérant a introduit, le 20 décembre 2012, un recours contre la décision implicite de rejet de sa réclamation. 14. Plusieurs possibilités de réaffectation du requérant ont été envisagées. Le 20 février 2013, il a été transféré au Bureau du contrôle financier en tant que conseiller spécial, pour une période de quatre mois prenant fin le 30 juin 2013. 15. Le 18 juin 2013, le requérant s’est vu offrir un nouveau contrat de durée indéterminée, prenant effet le 1er juillet 2013, pour un poste de grade A5 (échelon 8) d’auditeur au sein du Bureau du contrôle financier. Il a signé son contrat le 5 septembre 2013. Le tribunal en a été informé par les deux parties au cours de l’audience et s’est vu remettre copie du contrat. C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyens du requérant 16. Le requérant avance que la décision implicite de rejet de sa réclamation et la décision de désigner Mme N à la tête de la nouvelle Section Relations publiques ont été prises en violation de ses droits de la défense et de l’obligation de motivation incombant à l’Organisation pour de telles décisions. 17. Le requérant fait observer que, à compter d’août 2012, il a été laissé dans l’incertitude la plus totale quant à l’issue de la restructuration. Il n’a pas été avisé ni officiellement informé (malgré ses contacts tant avec le Cabinet qu’avec la secrétaire générale adjointe pour la diplomatie publique) des incidences que la restructuration aurait sur ses fonctions. À partir d’octobre 2012, il a été laissé de facto sans fonctions ni responsabilités. Il considère qu’il s’agit là d’une violation des principes de bonne administration et de transparence. 18. Le requérant signale en outre que les critères objectifs qui ont été appliqués pour retenir Mme N, plutôt que lui-même, n’ont pas été portés à sa connaissance. Le requérant allègue à cet égard une violation des articles 57.1 et 57.3 du RPC ainsi que des directives internes concernant le processus de recrutement et de sélection. Il n’a pas été publié d’avis de vacance de poste, et le processus de sélection a été mené sans qu’il y ait consultation avec les parties intéressées, parmi lesquelles le requérant, ni examen de leurs compétences professionnelles et de leur dossier d’évaluation des performances. Le requérant rappelle que sa performance a été évaluée excellente et que, lorsqu’il s’est présenté pour le poste de chef de la Section Pays de l’OTAN, également absorbée par la nouvelle Section Relations publiques, sa candidature a été classée deuxième. 19. De surcroît, le requérant allègue une violation de l’article 4.1 du RPC au motif que, après la fusion, les fonctions propres à son poste ont été transférées au poste nouvellement créé, la description de poste du requérant s’en trouvant sensiblement et

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définitivement modifiée. Comme le requérant n’a pas signé de nouveau contrat, les modifications portent atteinte au principe d’équivalence de grade et de fonctions. 20. Le requérant conclut:

- à l’annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation du requérant; - à l’annulation de la décision de désigner Mme N, plutôt que le requérant, au

poste de chef de la Section Relations publiques; - à titre subsidiaire, à la désignation du requérant à des fonctions

équivalentes; - à l’octroi d’une somme de € 20.000 à titre de préjudice moral; et - au remboursement de tous les frais.

(ii) Principaux moyens du défendeur 21. Le défendeur fait valoir que la requête est irrecevable parce que dirigée contre le poste de chef de la nouvelle Section Relations publiques. Il fait observer que le requérant était au courant de la désignation le 24 août 2012 et que la requête doit être considérée comme tardive. 22. Le défendeur explique qu’une restructuration de la PDD s’imposait dans une perspective de réduction des effectifs et de réalisation de gains d’efficacité. Il avance que, comme l’établit la jurisprudence des tribunaux administratifs d’autres organisations internationales, les questions de restructuration et de reclassement des postes relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’Organisation. Par ailleurs, Mme N a été jugée la candidate la mieux placée pour le poste après de nombreuses consultations avec le personnel concerné et sur la base de critères objectifs, et notamment d’un examen attentif du profil du requérant. 23. Le défendeur conteste l’incertitude alléguée parce que, dès le mois d’août 2012, plusieurs tentatives ont été faites et plusieurs contacts ont été pris pour trouver un poste approprié de niveau A5 dans diverses divisions. 24. Le défendeur avance que la création de la Section Relations publiques et la sélection de son chef ont eu lieu dans le cadre d’une restructuration interne. Or, de telles restructurations relèvent de la compétence et du pouvoir discrétionnaire de l’Organisation. Ce processus n’est pas visé par les articles 57.1 et 57.3 ni par aucune disposition de ces articles établissant des droits individuels pour un membre du personnel. Il n’est pas besoin de lancer un processus de recrutement officiel au cours d’une telle restructuration interne. Le défendeur soutient donc qu’aucune des règles et procédures concernant le recrutement pour un poste précis n’était applicable. 25. Le défendeur ajoute qu’il n’y a pas violation de l’article 4.1 du RPC puisque le requérant était toujours titulaire d’un poste d’un grade déterminé, avec un lieu désigné pour l’exercice de ses fonctions. Dès le début de la restructuration, l’Organisation a cherché un poste adéquat, poste qui a été trouvé le 20 février 2013 au sein du Bureau du contrôle financier.

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26. Considérant que l’Organisation n’a violé aucune règle ou disposition réglementaire et qu’elle a mis tout en œuvre pour trouver un poste adéquat pour le requérant, le défendeur fait valoir qu’il ne saurait être tenu au paiement d’indemnités quelles qu’elles soient. Il a ajouté qu’en toute hypothèse, la demande d’octroi de € 20.000 était irrecevable, le montant réclamé étant hors de proportion avec celui qui a été demandé dans la réclamation. 27. Le défendeur conclut : - à ce que la requête soit déclarée irrecevable; et - dans la mesure où elle est irrecevable, à ce que la requête soit rejetée

comme non fondée. D. Considérations et conclusions (i) Considérations relatives à la recevabilité 28. Le défendeur fait valoir que la requête, introduite tardivement, est irrecevable, le requérant ayant été informé, au cours de son entretien avec la chef de sa division, le 24 août 2012, de la restructuration, de la fusion de deux sections, dont celle qu’il dirigeait, et de la désignation d’un troisième chef de section pour diriger la section née de cette fusion. Le requérant a aussi été informé à cette occasion que la restructuration était censée prendre effet le 1er octobre 2012. 29. Ce n’est pas dans un contexte de litige que le requérant a eu un entretien avec la secrétaire générale adjointe de sa division: l’entretien a eu lieu environ un mois avant que toute décision ou mesure officielle soit prise. Toute discussion à ce moment-là ne pouvait porter que sur des hypothèses même si elle laissait supposer des changements, qui se sont ensuite concrétisés. Un tel entretien informel sur des propositions n’ayant pas encore été soumises ou approuvées ne saurait être considéré comme une notification d’une décision administrative susceptible de recours. L’exception d’irrecevabilité ainsi soulevée n’est donc pas fondée. 30. La requête est recevable. (ii) Examen quant au fond 31. Au cours de l’audience, les parties ont informé le tribunal qu’une solution définitive satisfaisante – l’affectation du requérant au Bureau du contrôle financier – avait été trouvée avant l’audience. Les conseils du requérant ont en outre indiqué que, eu égard à ce fait nouveau, le requérant ne maintenait pas sa conclusion tendant à l’annulation de la désignation de Mme N, mais qu’il souhaitait maintenir ses autres conclusions. Le recours est dès lors devenu largement sans objet. Le tribunal va, cependant, examiner la question de la légalité des incidences produites par le processus sur le requérant, la demande d’indemnité du requérant ainsi que sa conclusion tendant au remboursement des frais.

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32. Les décisions relatives aux restructurations et aux nominations relèvent du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Organisation. Les tribunaux administratifs internationaux s’accordent à reconnaître qu’une décision prise dans l’exercice d’un tel pouvoir ne peut faire l’objet que d’un contrôle limité par le tribunal. En vertu d’une jurisprudence constante, ils refusent de substituer leurs propres vues à l’appréciation des organisations, excepté dans des circonstances limitées, non présentes en l’espèce. Ce tribunal s’associe à ce point de vue (cf AT-J(2013)0001, affaire n° 885, paragraphes 33 à 36). 33. Dans les observations écrites du requérant et à l’audience, il a été bien précisé que le requérant ne contestait pas la restructuration. Le tribunal observe cependant que la restructuration de la PDD a, en diverses façons, porté un préjudice direct au requérant. 34. En premier lieu, le requérant avait, depuis 2009, un contrat pour le poste de chef de la Section Partenariats de l’OTAN. La restructuration de 2012 a vidé le poste de son contenu, celui-ci ayant été absorbé par une nouvelle section, à laquelle le requérant n’a pas été affecté. Les fonctions propres à son poste ont été transférées à la section nouvellement créée, laissant le requérant sans responsabilités ou fonctions, et a fortiori sans responsabilités ou fonctions correspondant à son ancienne description de poste. Le défendeur fait valoir que le requérant avait un poste et un salaire. Cet argument ne tient pas. Le requérant était de facto sans fonctions, sans tâche à effectuer, sans emploi productif. Aucun choix ne lui a été laissé au moment de la restructuration, et le poste qu’il occupait n’a pas été officiellement supprimé. Il s’agit là d’une rupture du contrat d’emploi qui liait le requérant à son employeur et d’une violation de l’article 4.1 du RPC. Il a finalement été remédié à cette rupture de contrat lorsque les deux parties se sont mises d’accord sur un nouveau poste. Le requérant doit, cependant, être indemnisé pour la rupture de contrat prolongée qui a eu lieu dans un premier temps et pour le vide dans lequel il a été laissé. 35. La rupture de contrat a eu de graves conséquences pour le requérant. Celui-ci s’est trouvé de facto sans travail à compter du 1er octobre 2012. Il était de facto en surnombre. Cette situation a eu une incidence sur son image tant au sein de l’Organisation qu’en dehors. 36. En deuxième lieu, le requérant n’a pas été avisé des intentions de l’Administration quant à son avenir. Il peut y avoir de bonnes raisons pour ne pas déclarer immédiatement un agent en surnombre et faire courir une période de préavis tandis que d’autres possibilités sont à l’étude. Il faut en effet examiner attentivement, dans chaque cas, l’avantage pour l’agent de n’avoir pas reçu son préavis et l’inconvénient de ne pas être formellement prioritaire pour l’affectation à des postes vacants. La décision de ne pas déclarer officiellement en surnombre un membre du personnel très apprécié peut constituer une mesure de bonne administration, ainsi que l’a révélé l’issue de cette affaire. 37. Par ailleurs, on peut pour le moins s’attendre à ce qu’un membre du personnel soit avisé des intentions de l’Administration. À défaut, celle-ci ne fait pas preuve de bonne administration. Les bonnes intentions des deux parties, qui souhaitaient trouver

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une solution acceptable, ne sont pas en cause, mais l’attitude non transparente de l’Administration et la soudaine mise en œuvre de la restructuration ont contribué à mettre le requérant, du fait de la rupture de son contrat, dans une incertitude et une angoisse inutiles et évitables. 38. En troisième lieu, comme le défendeur l’a confirmé dans ses observations écrites, la Section Relations publiques qui est née de la restructuration était une nouvelle section dont il fallait désigner le chef. Le tribunal estime donc qu’il s’agissait là d’un nouveau poste pour lequel il aurait fallu publier un avis de vacance. Cela n’aurait toutefois pas automatiquement entraîné la désignation du requérant au poste vacant. Le requérant aurait certes pu être un bon candidat, mais de nombreux éléments entrent en ligne de compte dans le processus de sélection pour des postes de niveau élevé. Ainsi qu’il est dit plus haut, ces questions relèvent du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Organisation. Aucune hypothèse ne peut ni ne saurait être émise à cet égard, et une demande en réparation du préjudice moral subi de ce fait est sans fondement. 39. Le défendeur avance que la création de la Section Relations publiques et la sélection de son chef ont eu lieu dans le cadre d’une restructuration interne et qu’un tel processus n’est pas visé par les articles 57.1 et 57.3 du RPC relatifs aux vacances de poste ni par aucune disposition de ces articles établissant des droits individuels pour un membre du personnel. L’Administration soutient donc en substance que, lorsqu’un poste est créé au cours d’une restructuration, il n’y a pas «vacance» de poste exigeant notification et mise en concurrence. Ce moyen ne trouve aucun fondement dans le RPC ou dans un quelconque texte de loi ou règlement de l’Organisation, et le défendeur n’a pas fourni d’éléments convaincants qui viendraient l’appuyer. Les restructurations sont déstabilisantes. Elles donnent lieu à une redéfinition des tâches, liens hiérarchiques, fonctions, postes, emplois, etc. Les restructurations suscitent des incertitudes pour les membres du personnel concernés, qui doivent donc a fortiori être protégés par les clauses de leurs contrats et par le RPC ainsi que par des principes généraux tels que le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration. Le RPC ne traite peut-être pas de manière suffisamment explicite des restructurations ou de la création et de la suppression de postes au cours de tels processus, ou encore des postes ou emplois en général. Toutefois, il est clair pour le tribunal que les articles 4, 57.1, 57.2 et 57.3 sont d’application en cas de restructuration. 40. En quatrième lieu, le requérant n’a pas été informé officiellement des incidences de la restructuration sur sa situation ni du fait qu’il ne se trouvait plus dans l’organigramme. De telles décisions touchent directement les membres du personnel et doivent être communiquées officiellement, par écrit, aux intéressés. Pour répondre à la nécessité d’informer les intéressés officiellement et en personne des effets d’une restructuration sur leur situation, il ne saurait suffire de publier un organigramme ou d’organiser une réunion informelle avec les supérieurs hiérarchiques. 41. Le requérant a demandé au tribunal, à titre subsidiaire, à être désigné à des fonctions équivalentes. Ainsi qu’il a été expliqué plus haut, cette partie de la conclusion est, avant tout, devenue sans objet. Le tribunal souhaite toutefois faire observer que, en vertu de l’article 4.2 de l’ «ancienne» annexe IX au RPC, il connaît des litiges d’ordre individuel. Il a donc compétence pour résoudre toute question relative à

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l’interprétation et à l’application du RPC, des contrats et autres conditions d’engagement. Il peut annuler des décisions qui seraient contraires aux contrats et autres conditions d’engagement de l’agent concerné et aux dispositions applicables du RPC. Il s’ensuit que le tribunal n’a pas compétence pour désigner un agent à des fonctions équivalentes ni pour ordonner à l’Organisation de le faire. 42. Le requérant a, dans sa réclamation initiale, demandé l’octroi d’une somme de € 5.000 à titre de préjudice moral. Le montant réclamé est passé à € 20.000 dans la requête sans qu’aucune raison ou justification soit donnée. Le défendeur, considérant que l’Organisation n’a commis aucune erreur ou faute, demande que soit écartée toute demande de réparation pécuniaire. Il soutient, en tout état de cause, que la conclusion tendant à l’octroi de € 20.000 est irrecevable, le montant réclamé étant hors de proportion avec celui qui a été demandé dans la réclamation. 43. À l’audience, le défendeur a soutenu que la demande en réparation pour préjudice moral était irrecevable parce que l’Organisation ne s’était pas exprimée sur ce point. Le tribunal fait, avant tout, observer que sa compétence pour accorder réparation est fondée sur l’article 4.2.2 de l’ «ancienne» annexe IX du RPC, qui dispose: «[La Commission de recours] peut également condamner l’Organisation à réparer le dommage résultant d’une irrégularité commise par un chef d’organisme OTAN». Il s’ensuit que la décision d’accorder réparation est sans relation avec une éventuelle décision du tribunal d’annuler ou non une décision administrative. Il s’ensuit également que le fait que l’Organisation ait ou non pris une décision au sujet d’une demande en réparation ou se soit ou non autrement exprimée sur la question n’influe en rien sur la compétence du tribunal. Le défendeur ayant choisi de ne pas répondre à la réclamation, ce qui est son droit, n’est plus fondé à invoquer ce point. 44. Le tribunal, ayant examiné tous les aspects de la requête, en ce compris la rupture de contrat et les irrégularités relevées dans les paragraphes qui précèdent, est d’avis que l’octroi d’une somme de € 5.000 (cinq mille) constitue une réparation suffisante pour le préjudice causé au requérant. E. Frais 45. L'article 4.8.3 de l' «ancienne» version de l'annexe IX du RPC dispose:

Au cas où elle a admis le bien-fondé d'une requête, la Commission ordonne que l'organisme OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais justifiés exposés par le/la requérant(e).

Le requérant qui travaille au siège de l'OTAN n'a pas droit au remboursement de ses frais de déplacement et de subsistance. Lorsqu’il obtient gain de cause, le requérant a droit au remboursement de ses frais de conseil, jusqu'à un maximum de € 4.000 (quatre mille).

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F. Dispositif PAR CES MOTIFS, le Tribunal décide et déclare que:

- M. D a droit à une indemnité de € 5.000. - L’OTAN remboursera à M. D ses frais de conseil jusqu’à un maximum de €

4.000. - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. - Le cautionnement déposé par M. D lui sera remboursé.

Fait à Bruxelles le 24 octobre 2013.

(signé) Chris de Cooker, président (signé) Laura Maglia, greffière a.i.

Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia

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5 novembre 2013 AT-J(2013)0003

Jugement

Affaire n° 887

RS et consorts,

parties requérantes

contre

l'Agence de gestion du système de défense aérienne élargie à moyenne portée de l’OTAN,

partie défenderesse

Bruxelles, le 5 novembre 2013

Original: anglais

Mots clés: remboursement de l'impôt, information du personnel, fiscalité nationale, responsabilité de l'agent.

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(Page blanche)

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Un collège du tribunal administratif de l’OTAN composé de M. Chris de Cooker, président, et de M. John Crook et M. Christos Vassilopoulos, juges, ayant pris connaissance du dossier et suite à l’audience qui s’est tenue le 11 septembre 2013, rend le présent jugement. A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l’OTAN a été saisie d’un recours, daté du 17 décembre 2012 et enregistré le 3 janvier 2013, contre l'Agence de gestion du système de défense aérienne élargie à moyenne portée de l'OTAN (NAMEADSMA), présenté par M. DG, Mme GH, Mme JM, Mme RP, Mme TP, Mme BS, et Mme RS. Les requérants, tous ressortissants des États-Unis, sont des agents en poste ou anciens agents de la NAMEADSMA, qui les a recrutés directement.

2. Les observations en défense, datées du 28 février 2013, ont été enregistrées le 5 mars 2013. Les observations en réplique, datées du 16 avril 2013, ont été enregistrées le 22 avril 2013.

3. Le recours a été déposé avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2013, du rectificatif n°12 au Règlement du personnel civil de l'OTAN (RPC), par lequel a été modifiée l'annexe IX à ce règlement et a, notamment, été établi le tribunal administratif de l'OTAN. En application des dispositions transitoires prévues à l'article 6.10 de la «nouvelle» annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l'OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO(73)151, du 22 novembre 1973).

4. Le collège du tribunal a tenu audience le 11 septembre 2013 au siège de l’OTAN. Il a entendu les arguments de Maître AB, du cabinet L&L établi à Bruxelles, représentant les requérants, ainsi que les arguments de M. VL, directeur général adjoint de la NAMEADSMA, et de M. NK, conseiller juridique de la NAMEADSMA, représentant la défenderesse, en la présence de M. EG, conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l'OTAN, de M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l'OTAN, et de Mme Laura Maglia, greffière par intérim. Au cours de l'audience, le tribunal a tenu une conférence téléphonique avec M. RH, du Bureau de liaison fiscale à l'Agence internationale de l'énergie atomique, actuellement chargé de l'administration du remboursement de l'impôt pour l'OTAN. M. H a répondu à des questions concernant le remboursement de l'impôt et les accords y afférents.

5. En réponse à une demande formulée par le tribunal durant l'audience, le Secrétariat international de l'OTAN a fourni, le 13 septembre 2013, des documents concernant le remboursement de l'impôt applicable aux agents de la NAMEADSMA. Ces documents ont été transmis aux parties. Le 24 septembre 2013, les requérants ont demandé l'autorisation de présenter des observations sur les documents fournis,

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en joignant ces observations à leur demande d'autorisation. La défenderesse a été invitée à répondre aux observations des requérants, ce qu'elle a fait le 11 octobre 2013. Le tribunal a tenu compte des observations formulées par les deux parties.

6. En juillet 2013, Mme S a demandé à se désister de sa requête. Il a été donné acte de son désistement pur et simple le 19 juillet 2013 par ordre du président du tribunal. B. Exposé des éléments de fait 7. Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit. (i) Accord sur le remboursement de l'impôt entre l'OTAN et les États-Unis 8. La NAMEADSMA, établie à Huntsville (Alabama - États-Unis), a été créée en 1996 pour superviser le système multinational de défense aérienne élargie à moyenne portée, projet conjoint visant à remplacer le système de missile Patriot MIM-104. Les requérants sont entrés en fonctions à la NAMEADSMA à des dates différentes: Mme S en septembre 2007, M. G et Mme TP en janvier 2009, tandis que Mme H, Mme M, Mme RP et Mme S (qui s'est désistée) ont toutes été engagées en janvier 2011.

9. Les requérants allèguent divers manquements relatifs à l'administration et au calcul des remboursements devant permettre le paiement des impôts dus aux autorités fédérales des États-Unis et à l'État de l'Alabama en vertu de l'accord sur le remboursement de l'impôt conclu le 18 juillet 1990 entre l'OTAN et les États-Unis d'Amérique. 10. Certains éléments de contexte peuvent être utiles à la compréhension de la présente requête. L'article XIX de la Convention sur le statut de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, des représentants nationaux et du personnel international de 1951 (dite Convention d'Ottawa) prévoit que les fonctionnaires de l'OTAN:

seront exempts d’impôts sur les appointements et émoluments qui leur seront payés par l’Organisation en leur qualité de fonctionnaires de celle-ci.

Toutefois, ce même article XIX prévoit qu'un État membre pourra conclure avec le Conseil de l'Atlantique Nord des arrangements permettant à cet État de recruter et d’affecter à l'OTAN ses propres ressortissants, de payer leurs salaires et émoluments et de soumettre ceux-ci à l'impôt. Les États-Unis d'Amérique et le Conseil ont conclu de tels arrangements en septembre 1951. 11. En 1983, les États-Unis et l'OTAN ont conclu un accord complémentaire concernant l'emploi de ressortissants des États-Unis par les organismes OTAN (dit accord de Bruxelles), qui autorise les organismes OTAN à recruter et à rémunérer directement les ressortissants de ce pays. Or, les États-Unis ayant de longue date pour politique de ne pas octroyer l'immunité fiscale aux revenus versés à leurs

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ressortissants par des organisations internationales, les agents de l'OTAN qui sont ressortissants de ce pays risquaient de se voir pénalisés financièrement, puisque le barème de rémunération de l'OTAN repose sur la prémisse que les salaires et émoluments ne sont pas imposés. Aussi l'accord de Bruxelles prévoit-il à l'article 3 que les ressortissants des États-Unis recrutés directement par l'OTAN devront acquitter, pour les salaires et émoluments versés par celle-ci, l'impôt sur le revenu en vigueur dans ce pays, que l'OTAN leur remboursera les montants payés au titre de l'impôt, et que les États-Unis rembourseront ensuite l'OTAN dans le cadre d'un accord (à conclure ultérieurement) sur le remboursement de l'impôt. 12. Le tribunal a été informé que l'accord sur le remboursement de l'impôt de 1990 n'est pas le seul accord de ce type qu'aient conclu les États-Unis avec l'OTAN et d'autres organisations internationales. L'article 1 de l'accord précise quels impôts peuvent donner lieu à remboursement:

NATO shall reimburse NATO officials who are liable for and pay the United States self-employment tax and United States Federal, state and local income taxes on their NATO institutional income. (l'OTAN devra rembourser les fonctionnaires de l'Organisation dont les revenus perçus officiellement de celle-ci sont soumis à l'impôt des États-Unis relatif au travail indépendant ou aux autres impôts prévus dans ce pays au niveau fédéral, au niveau des États ou au niveau local, et qui acquittent ces impôts).

13. L'article 11 de l'accord sur le remboursement de l'impôt autorise le remboursement d'environ la moitié du montant de l'impôt des autorités fédérales des États-Unis relatif au travail indépendant (SET). Le SET est fondé sur le fait que les contributions à la sécurité sociale et à Medicare sont normalement payées pour moitié par l'employé, et pour moitié par l'employeur. Un travailleur indépendant (ou une personne employée par une entité non tenue de payer ces contributions, y compris les organisations internationales telles que l'OTAN), doit acquitter les deux quotes-parts: celle de l'employé et celle qu'aurait normalement prise en charge l'employeur. En vertu de l'accord sur le remboursement de l'impôt, la quote-part de l'employeur est remboursable, tandis que celle qui revient à l'employé ne l'est pas. Les montants à payer au titre du SET peuvent être importants: le taux actuel est de 15,3 %, applicable aux premiers 113,700 USD de revenu du travail indépendant. (La charge que représente le SET est légèrement réduite par le fait que la part revenant normalement à l'employeur est déduite du revenu imposable.) 14. L'administration de l'accord sur le remboursement de l'impôt et le calcul du montant des remboursements à verser à chacun des agents concernés sont des tâches complexes, pour lesquelles il est nécessaire de disposer d'informations détaillées sur la situation fiscale de ces agents. Au cours de la période visée, ces tâches étaient centralisées au Bureau du contrôle financier, à Bruxelles. (ii) Mesures prises par la NAMEADSMA concernant le remboursement de

l'impôt

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15. Les contrats de travail de Mme S et de Mme TP font tous deux référence à l'accord sur le remboursement de l'impôt. Au paragraphe 12, le contrat de Mme S, signé en septembre 2007, contient le libellé suivant:

Reimbursement for income taxes paid by you on your earnings as a NATO staff

member is subject to the Tax reimbursement agreement between the North Atlantic

Treaty Organization and the United States of America (le remboursement de l'impôt

sur le revenu payé par vous sur votre rémunération en tant qu'agent de l'OTAN est

soumis à l'accord sur le remboursement de l'impôt conclu entre l'Organisation du

Traité de l'Atlantique Nord et les États-Unis d'Amérique).

Mme Tina Phillips a signé en février 2009 un contrat similaire. Les contrats des autres requérants ne font pas mention de l'accord sur le remboursement de l'impôt. 16. Fin janvier 2009, et en janvier des années suivantes, un représentant de haut niveau des Ressources humaines de l'OTAN à Bruxelles a fait parvenir au chef du Bureau Administration de la NAMEADSMA, de même qu'aux homologues de ce dernier dans les autres organismes OTAN, un mémorandum détaillé dans lequel étaient expliquées les politiques et procédures applicables au remboursement de l'impôt, et auquel étaient joints un exemplaire de l'accord sur le remboursement de l'impôt ainsi que d'autres informations. Il était demandé aux organismes OTAN destinataires de communiquer ces documents aux ressortissants des États-Unis recrutés directement, et de veiller à ce que chaque nouvel agent recruté directement en reçoive un exemplaire au moment de leur entrée en fonctions. Il est clairement énoncé, au premier paragraphe du mémorandum, qu'aux termes de la Convention d'Ottawa, les revenus des agents OTAN ressortissants des États-Unis ne sont pas exemptés des impôts en vigueur dans ce pays. Il est toutefois précisé que l'Organisation rembourse les agents ayant acquitté des impôts aux États-Unis, suivant les dispositions de l'accord sur le remboursement de l'impôt. 17. Le 13 février 2009, le chef du Bureau Administration de la NAMEADSMA a envoyé ces documents par courrier électronique à Mme S, à M. G ainsi qu'à d'autres agents non associés à la présente requête, en intitulant son message «Tax Reimbursement Agreement» (Accord sur le remboursement de l'impôt) et en y inscrivant la brève mention «FYI» (Pour votre information). Ces documents n'ont apparemment pas été communiqués aux autres ressortissants des États-Unis qui sont entrés par la suite à la NAMEADSMA, et des documents similaires envoyés de Bruxelles à la NAMEADSMA le 27 janvier 2010 n'ont pas été transmis aux agents. La NAMEADSMA n'a diffusé le mémorandum relatif au remboursement de l'impôt en date du 27 janvier 2011, qui portait sur les impôts payables aux États-Unis pour 2010, qu'au mois d'août 2011, soit plusieurs mois après l'échéance pour le paiement de ces impôts. 18. Nonobstant les références à l'accord sur le remboursement de l'impôt présentes dans les contrats de deux agents, et les instructions claires envoyées à la NAMEADSMA en janvier 2009 et les années suivantes, l'Agence a fourni aux requérants en février 2008, 2009, 2010 et 2011 une attestation indiquant le montant des revenus qu'ils avaient perçus de l'OTAN l'année précédente, et précisant que

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l'agent était «covered under the terms of Article 19» (couvert par l'article XIX) de la Convention d'Ottawa, et que:

[t]he terms of Article 19 of the Agreement referenced above, which was signed by

the United States and all NATO countries, guarantees the person concerned

complete exemption from taxation on emoluments during the period of employment

(les termes de l'article XIX de la Convention susmentionnée, signée par les États-

Unis et l'ensemble des autres pays de l'OTAN, garantissent à la personne

concernée l'exemption complète de l'impôt sur les émoluments qui lui ont été versés

durant la période d'emploi).

19. De même, dans un message électronique d'août 2010 envoyé à Mme M et à Mme RP (qui étaient alors en cours de recrutement par la NAMEADSMA), le chef du Personnel et du Bureau Administration de l'Agence mentionne «[t]he (tax-free) emoluments paid to members of the staff» (les émoluments (exempts d'impôt) versés aux agents). D'autres pièces rédigées par divers requérants ont été versées au dossier, lesquelles indiquent que ceux-ci croyaient, sur la base des informations fournies par la NAMEADSMA, ne pas devoir payer les impôts en vigueur aux États-Unis aux niveaux fédéral et fédéré. 20. Les requérants affirment avoir cru jusqu'en août 2011, se fondant sur les informations et avis fournis par la NAMEADSMA, ne pas être tenus d'acquitter les impôts fédéraux des États-Unis ni les impôts de l'État de l'Alabama sur les émoluments reçus de l'OTAN, et ils ne les ont pas payés. Les années concernées varient en fonction de la date d'entrée en fonctions des requérants. Au cours de l'année 2011, deux des requérants ont reçu des avis de non-paiement de l'État de l'Alabama, à la suite desquels ces personnes se sont renseignées et ont pris connaissance de l'accord sur le remboursement de l'impôt ainsi que des procédures de demande de remboursement en vigueur à l'OTAN. Il semble que ces personnes aient ensuite agi avec diligence, en envoyant des demandes dûment étayées au Bureau du contrôle financier de l'OTAN pour que des chèques soient émis qui permettent le paiement des montants d'impôt en souffrance, et en soumettant des déclarations fiscales rectifiées. 21. La personne responsable au sein du Bureau du contrôle financier de l'OTAN s'est entretenue avec les requérants et leur a fourni une assistance. Dans les mois qui ont suivi, la NAMEADSMA a été autorisée à émettre des chèques, dont beaucoup portaient sur des montants élevés, à l'intention des autorités fiscales fédérales ou fédérées afin de régler les obligations fiscales antérieures des requérants, ainsi que les montants estimatifs des impôts futurs. Les photocopies de nombre de ces chèques, émis en janvier 2012 et en avril 2012, ont été versées au dossier. Toutefois, certains des requérants ont dû payer des amendes et des intérêts en raison du paiement tardif de leurs impôts. Par ailleurs, plusieurs des requérants ont contesté les montants payés en leur nom sur la base des calculs effectués par le Bureau du contrôle financier, en particulier au titre du SET.

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(iii) La requête 22. Le 17 septembre 2012, le conseil des requérants a demandé au directeur général de la NAMEADSMA d'indemniser intégralement les requérants pour divers montants s'élevant au total à quelque 88,000 USD. Le directeur général adjoint de la NAMEADSMA a communiqué ce qui suit le 15 octobre 2012: «a response will be submitted to you in due course» (une réponse vous sera rendue en temps utile). Le 31 octobre 2012, le conseil des requérants a demandé qu'une décision soit prise sous quinzaine. Le 5 novembre 2012, le directeur général adjoint de la NAMEADSMA a demandé si les requérants avaient effectivement introduit des demandes de remboursement. Le conseil des requérants a fourni les informations demandées le 3 décembre 2012. Dans une lettre datée du 6 décembre 2012, le directeur général adjoint de la NAMEADSMA a remercié le conseil des requérants pour les informations complémentaires fournies, qui lui seraient utiles. Il a souligné qu'il s'agissait d'une question complexe et indiqué qu'il avait sollicité auprès du conseiller juridique du Siège de l'OTAN un avis et une assistance complémentaires. Il a proposé que la correspondance antérieure ne soit pas considérée comme une réclamation officielle, ce qui permettrait de ne pas devoir tenir l'échéance du 16 décembre 2012. Il a ajouté qu'il comptait bien qu'une décision pourrait être prise pour le 13 février 2013 au plus tard. Les requérants ont déposé le présent recours le 17 décembre 2012. C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyens des requérants 23. Les requérants allèguent des violations de ce qu'ils considèrent comme des principes directeurs du droit administratif international, affirmant que la non communication par la NAMEADSMA d'informations exactes concernant le remboursement de l'impôt constitue une violation:

- de leur confiance légitime; et - du devoir de bonne administration et de sollicitude.

24. Comme indiqué ci-dessus, les requérants ne sont pas tous dans la même situation: leurs demandes en réparation varient en conséquence. Chacun des requérants demande réparation pour l'un ou plusieurs des préjudices ci-après, imputés aux violations présumées des principes de droit administratif international:

- amendes et intérêts à payer en raison du dépôt tardif des documents relatifs aux impôts des autorités fédérales et fédérées, lequel résulte de la communication d'informations inexactes par la NAMEADSMA;

- montants versés à des conseillers fiscaux et juridiques dans le cadre de la régularisation de la situation fiscale des requérants après août 2011;

- montants payés en sus des remboursements de l'impôt sur le revenu calculés antérieurement par le Bureau du contrôle financier;

- montants payés en sus des remboursements du SET calculés antérieurement par le Bureau du contrôle financier. À cet égard, plusieurs des requérants demandent le remboursement intégral du SET;

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- montants destinés au paiement trimestriel de l'impôt estimatif des autorités fédérales et des autorités fédérées pour 2012;

- frais et honoraires d'avocat; et - préjudice moral, pour lequel chacun des requérants demande en outre un

montant de 4,000 USD.

(ii) Principaux moyens de la défenderesse 25. La défenderesse excipe de l'irrecevabilité du recours au motif que la NAMEADSMA n'exerce aucune responsabilité ni aucun contrôle concernant les questions de remboursement de l'impôt, qui relèvent de la compétence du contrôleur des finances de l'OTAN. La défenderesse affirme par ailleurs que ses agents ne pouvaient pas légitimement s'attendre à ne pas payer d'impôt, et que ses responsabilités en matière de bonne administration ne s'étendaient pas à l'information des agents quant à leurs obligations au regard de la législation fiscale des États-Unis, aux niveaux fédéral et fédéré, chaque agent étant personnellement responsable de ces questions. D. Examen et appréciation (i) Considérations relatives à la recevabilité 26. Les requérants reprochent à la NAMEADSMA de ne pas avoir répondu de manière satisfaisante dans les 60 jours ayant suivi leur demande de remboursement de l'impôt. La NAMEADSMA rétorque que le recours n'aurait pas dû être dirigé contre elle, puisqu'elle n'exerce aucun contrôle sur les remboursements de l'impôt, et qu'il convient dès lors de déclarer ce recours irrecevable. Sur le plan pratique, cet argument n'est pas dénué de fondement. Il est vrai que la NAMEADSMA n'exerce aucun contrôle sur les paiements afférents à l'accord sur le remboursement de l'impôt. Elle sert d'intermédiaire, en émettant des chèques à l'intention des autorités fiscales des États-Unis afin de répondre aux obligations des requérants en la matière, mais uniquement sur autorisation et instruction du contrôleur des finances de l’OTAN. Néanmoins, les requérants ont agi conformément aux dispositions de l'article 2.1 de l'annexe IX en vigueur à l'époque en adressant leur réclamation au chef de l'organisme OTAN auquel ils appartenaient. Le Tribunal constate que la nouvelle version de l'annexe IX, entrée en vigueur le 1er juillet 2013, contient des dispositions différentes aux articles 2.1 et 4.1. Ceux-ci prévoient que lorsque le chef d'organisme OTAN n'est pas compétent pour annuler ou modifier la décision contestée, les recours hiérarchiques et autres recours seront introduits auprès de l'organisme qui l'est.

27. La défenderesse allègue l'irrecevabilité du recours au motif qu'aucune réclamation officielle n'a été déposée et qu'aucune décision finale n'a été prise. En effet, dans sa lettre du 6 décembre 2012, la NAMEADSMA proposait que la correspondance antérieure ne soit pas considérée comme une réclamation officielle et indiquait qu'une décision serait normalement arrêtée avant le 13 février 2013. Les requérants ont néanmoins engagé un recours, affirmant que cela était nécessaire à la

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protection de leurs droits, leur requête risquant d'être frappée d'irrecevabilité au motif de l'expiration de la période de 60 jours prévue aux articles 4.3.1 et 4.3.2 de l'annexe IX du RPC pour le dépôt des requêtes en cas de silence de l'organisme OTAN. Selon eux, les délais prescrits dans l'annexe IX constituent des principes impératifs de droit public dont l'application ne saurait être suspendue d'un commun accord entre les parties. Le représentant du Bureau du conseiller juridique conteste ce point de vue. 28. Le tribunal éprouve des réserves quant à l'opportunité de procéder de la sorte, en particulier dans une affaire qui fait intervenir plusieurs requérants, qui porte sur des problèmes complexes devant être analysés au cas par cas, qui exige d'assurer la liaison avec le siège de l'OTAN, et dans laquelle la volonté des responsables OTAN concernés de rechercher avec les agents des solutions appropriées est manifeste. L'introduction d'un recours dans de telles circonstances rend la situation inutilement conflictuelle et risque de faire camper chacun sur ses positions et de diminuer la probabilité de parvenir à des règlements amiables mutuellement bénéfiques. Dans l'intérêt des cas qui pourraient se présenter à l'avenir, le tribunal souhaite appeler l'attention sur l'article 23 de son règlement de procédure, qui autorise la suspension de l'instance à la demande des parties afin que les possibilités de règlement amiable puissent être examinées. Le libellé de l'article 3.3 de la nouvelle annexe IX va dans le même sens. Dans ce contexte, le tribunal considère que les parties peuvent, d'un commun accord, suspendre l'application des délais prescrits.

29. Le tribunal déclare le recours recevable. (ii) Examen quant au fond 30. Le tribunal note que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l'intéressé par l'organisme OTAN. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l'esprit de celui auquel elles s'adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables. 31. La Commission de recours de l'OTAN a récemment examiné des questions du même ordre dans l'affaire Azavedo (Recours nos 853, 854, 856 et 859 (2012)). Dans ce cas, les requérants avaient allégué que l'OTAN n'avait pas fourni suffisamment d'informations sur le fonctionnement du régime de pensions à cotisations définies au moment de leur entrée en fonctions. La Commission a considéré que l'Organisation leur avait en effet fourni des informations incomplètes, et que celle-ci avait dès lors «commis une faute dont les requérants [étaient] fondés à demander la réparation.» Toutefois, elle a également considéré que les requérants avaient été «négligents et imprudents» en ne cherchant pas à connaître les détails du régime de pensions, atténuant par là même la responsabilité de l'Organisation. L'OTAN a été condamnée à verser à chaque requérant un euro en réparation.

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32. Le Règlement du personnel civil de l'OTAN établit un équilibre des droits et obligations réciproques. La décision de la Commission de recours dans l'affaire Azavedo reflète les conséquences de cet équilibre, ainsi que du principe de bonne administration. Le tribunal reconnaît, à l'instar de la Commission dans l'affaire Azavedo, qu'il incombe à un organisme OTAN de fournir à ses agents des informations fiables concernant les aspects importants de leur emploi. Cependant, il incombe également aux agents de se familiariser avec les informations qui leur sont communiquées et de se renseigner plus avant s'il y a lieu, en particulier sur des questions telles que la fiscalité nationale, qui (à la différence du régime de pensions dans l'affaire Azavedo) échappent au contrôle de l'OTAN et varient en fonction de la nationalité des agents.

33. À l'examen des actes des deux parties, le tribunal observe des manquements de part et d'autre. Le personnel de la NAMEADSMA semble ne pas avoir bien compris ou expliqué la teneur de l'accord sur le remboursement de l'impôt ou le fonctionnement du système de remboursement de l'impôt, et il semble avoir donné des renseignements inexacts à certains des requérants. Par ailleurs, la NAMEADSMA a fourni aux requérants les attestations fiscales incorrectes décrites ci-avant. À l'audience, le conseil de la NAMEADSMA a affirmé que les requérants avaient demandé ces attestations, et étaient responsables de leur contenu. Le tribunal rejette cette affirmation. Il incombait à la NAMEADSMA de fournir à ses agents ressortissants des États-Unis des informations exactes au sujet de l'accord sur le remboursement de l'impôt. Il n'incombait pas nécessairement à la NAMEADSMA de fournir à ses agents des conseils ou de la documentation concernant leur situation fiscale. Toutefois, lorsqu'elle a choisi de le faire, il lui incombait de s'assurer que les informations fournies étaient exactes. Or, elles ne l'étaient pas. 34. En revanche, certains des requérants, à tout le moins, n'ont pas fait les démarches nécessaires et prudentes pour s'informer de leur situation. Le contrat de deux d'entre eux faisait mention de l'accord sur le remboursement de l'impôt, or celles-ci n'ont apparemment pas demandé d'exemplaire de cet accord. Deux des requérants (dont l'une avait un contrat faisant mention de l'accord) ont reçu en février 2009 un message électronique contenant des informations détaillées sur le remboursement de l'impôt et sur l'accord y afférent. Il semble que ces deux personnes ne l'aient pas lu ou qu'elles n'y aient pas donné suite.

35. Chacun des requérants est ressortissant des États-Unis et possédait une expérience du travail dans ce pays avant d'entrer à la NAMEADSMA. Aucun d'entre eux ne pouvait donc ignorer l'obligation qui incombe normalement aux ressortissants des États-Unis d'acquitter les impôts sur le revenu et les contributions de sécurité sociale en vigueur dans le pays. Le tribunal note également que les informations relatives à la législation et aux procédures fiscales des États-Unis sont facilement accessibles, notamment sur internet.

36. Même après avoir eu connaissance de l'accord sur le remboursement de l'impôt et l'avoir reçu en 2011, certains des requérants ont malgré tout choisi de ne pas acquitter le SET, bien qu'il fût indiqué dans le texte de l'accord qu'ils étaient tenus de le faire. De fait, certains des requérants ont exigé que le contrôleur des finances de

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l'OTAN produise des documents prouvant que la législation des États-Unis les obligeait à payer le SET. Ces agents n'ont pas effectué les simples recherches qui auraient permis d'éclaircir leur situation. Les instructions se rapportant au formulaire 1040, formulaire de base pour la déclaration de revenus aux États-Unis, contiennent de nombreuses indications concernant le SET et sont faciles à trouver sur internet. Elles expliquent qui doit payer le SET, précisant à la page 2 que les revenus des ressortissants des États-Unis employés par une organisation internationale pour des services rendus aux États-Unis sont soumis à cet impôt.

37. Ainsi, la présente requête fait apparaître des manquements de la part tant de la NAMEADSMA que de certains, à tout le moins, des requérants. Pour cette raison, le tribunal décide que la NAMEADSMA doit dédommager les agents qui, se fondant sur les attestations et autres informations erronées fournies par la NAMEADSMA, ont dû payer des amendes et des intérêts du fait du dépôt tardif des documents fiscaux. Les autres demandes en réparation sont examinées dans les paragraphes ci-après. 38. En premier lieu, comme l'a confirmé le conseil des requérants au cours de l'audience, la majeure partie des demandes en réparation concerne le remboursement intégral du SET, en sus des remboursements partiels autorisés par l'article 11 de l'accord sur le remboursement de l'impôt. Au cours de l'audience, le conseil des requérants a soutenu que le SET devrait être remboursé intégralement au motif qu'il s'agissait d'un impôt complexe et méconnu, et que la NAMEADSMA n'avait pas informé les requérants qu'ils devaient l'acquitter. Le tribunal rejette cette conclusion.

39. Comme indiqué ci-avant, l'article 11 prévoit explicitement que seule la partie du SET correspondant à la part de l'employeur (soit environ la moitié) est à rembourser. La partie non remboursée correspond à la part de la contribution à la sécurité sociale et à Medicare qui incombe à l'employé. Les contribuables des États-Unis doivent acquitter ces contributions dans quasiment toutes les situations d'emploi. Les requérants auraient dû l'acquitter s'ils avaient travaillé auprès d'autres employeurs aux États-Unis. De plus, les informations concernant le SET et l'obligation de l'acquitter pour les contribuables des États-Unis employés dans ce pays par des organisations internationales sont facilement accessibles sur internet. En conséquence, les diverses demandes de remboursement intégral du SET sont rejetées. 40. En second lieu, plusieurs des requérants demandent le remboursement des dépenses qu'ils ont dû supporter pour obtenir des avis juridiques, comptables et fiscaux, en août 2011 et après cette date, aux fins de la régularisation de leur situation fiscale. Le tribunal considère ces dépenses comme des dépenses personnelles, et non comme des responsabilités incombant à l'Organisation. La situation fiscale varie pour chacun en fonction de circonstances revêtant un caractère hautement personnel et privé. La décision de consulter des spécialistes relève d'un choix personnel. Dès lors, ces demandes sont rejetées.

41. En troisième lieu, deux des requérants réclament réparation pour des avances destinées au paiement trimestriel de l'impôt estimatif qu'ils avaient demandées mais n'avaient pas encore reçues au moment de la demande d'indemnisation introduite auprès de la NAMEADSMA en septembre 2012. À l'audience, le conseil des

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requérants ignoraient si ces avances avaient été versées depuis lors. Le tribunal a dès lors demandé au contrôleur des finances de l'OTAN de lui fournir les informations disponibles concernant les montants versés les mois précédents aux requérants au titre du remboursement de l'impôt. Ces informations ont été communiquées rapidement au tribunal ainsi qu'aux parties, ce pour quoi le tribunal tient à marquer sa gratitude. Selon ces informations, l'une des deux personnes concernées a perçu 8,349 USD sous forme d'avances destinées au paiement de l'impôt estimatif des autorités fédérales et fédérées pour les premiers trimestres de 2012. La seconde s'est vu verser des avances d'un montant total de 8,039 USD. Étant donné le montant important de ces versements, et à défaut de preuve du contraire, le tribunal considère qu'il a été satisfait à ces demandes de réparation.

42. En quatrième lieu, certains des requérants ont contesté les calculs qu'avaient effectués le Bureau du contrôle financier pour déterminer les montants à verser au titre du remboursement de l'impôt. Comme observé ci-avant, le calcul du montant des remboursements à verser à chaque agent exige une évaluation approfondie des informations sur sa situation financière personnelle. Il demande également l'application de règles complexes permettant de tenir compte du fait que les remboursements versés par l'OTAN sont eux-mêmes considérés par les États-Unis comme constituant un revenu imposable. Le montant avant impôt du remboursement doit donc être majoré en conséquence. Le tribunal ne dispose ni des informations, ni de l'expertise nécessaires pour juger de l'exactitude de ces calculs, mais chacun des requérants peut soulever ses problèmes spécifiques auprès des personnes responsables des questions liées au remboursement de l'impôt par l'OTAN.

43. Compte tenu de ce qui précède, le tribunal décide ce qui suit concernant les conclusions respectives des six requérants:

- M. G: la NAMEADSMA doit verser à M. G la somme de 2,944.25 USD, qui correspond au montant des amendes et intérêts payés en raison du dépôt tardif de ses déclarations fiscales pour 2009, 2010 et 2011. Le surplus de ses conclusions est rejeté. - Mme H affirme que ses demandes de remboursement ont été honorées, mais que les montants sont trop faibles car elle ignorait qu'elle devait payer le SET. Ses conclusions sont rejetées. - Mme M n'a apparemment pas payé le SET. Ses conclusions sont rejetées. - Mme RP n'a apparemment pas payé le SET mais demande le remboursement de cet impôt, ainsi que de montants résultant de la contestation des calculs effectués par le contrôleur des finances de l'OTAN. Ses conclusions sont rejetées. - Mme TP: la NAMEADSMA doit verser à Mme TP la somme de 1,410.80 USD, qui correspond au montant des amendes et intérêts payés en raison du dépôt tardif de ses déclarations fiscales pour 2009. Le surplus de ses conclusions est rejeté. - Mme S: la NAMEADSMA doit verser à Mme S la somme de 364 USD, qui correspond au montant estimatif des amendes et intérêts payés en raison du dépôt tardif de ses déclarations fiscales pour 2011. Le tribunal note que des informations communiquées, à lui-même et aux parties, par le contrôleur des finances de l'OTAN après l'audience indiquent que Mme S a restitué à la

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NAMEADSMA des chèques destinés au remboursement de l'impôt et non encaissés, pour un montant total de 50,775 USD. Cette somme dépasse sensiblement les montants réclamés par elle dans le cadre du présent recours. Le tribunal n'a pas été informé des motifs de sa démarche. - Les conclusions des requérants en indemnité pour préjudice moral, à hauteur

de 4,000 USD chacun, sont rejetées. E. Frais 44. L'article 4.8.3 de l'«ancienne» version de l'annexe IX du RPC stipule ce qui suit:

Au cas où elle a admis le bien-fondé d'une requête, la Commission ordonne que l'organisme OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais justifiés exposés par le/la requérant(e).

Les requérants n'obtenant que partiellement gain de cause, ils seront remboursés de leurs frais de conseil jusqu'à concurrence de € 2.000 (deux mille euro). F. Dispositif PAR CES MOTIFS, le Tribunal décide que:

- La NAMEADSMA versera à M. G la somme de 2,944.25 USD, à Mme TP la somme de 1,410.80 USD et à Mme S la somme de 364 USD.

- Le surplus des conclusions des requérants est rejeté. - Les requérants seront remboursés de leurs frais de conseil jusqu'à

concurrence de €2.000 (deux mille euro). - Le cautionnement déposé par les requérants leur sera remboursé.

Fait à Bruxelles, le 5 novembre 2013.

(signé) Chris de Cooker, président (signé) Laura Maglia, greffière a.i.

Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia

NORTH ATLANTIC TREATY ORGANIZATION ORGANISATION DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD

ADMINISTRATIVE TRIBUNAL TRIBUNAL ADMINISTRATIF

Boulevard Léopold III - B-1110 Bruxelles - Belgique Tel: +32 2 707 38 31 - Bureau/Office: FD 205 – E-mail: [email protected]

8 novembre 2013 AT-J(2013)0004

Jugement

Affaire n° 892

IF,

requérante

contre

le Secrétariat international de l’OTAN,

défendeur

Bruxelles, le 8 novembre 2013

Original: anglais

Mots clés: comité de réclamation, statut d’un agent en congé sans salaire.

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(Page blanche)

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Un collège du tribunal administratif de l’OTAN composé de M. Chris de Cooker, président, et de Mme Maria-Lourdes Arastey Sahún et M. John Crook, juges, ayant pris connaissance du dossier et suite à l’audience qui s’est tenue le 12 septembre 2013, rend le présent jugement. A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l’OTAN a été saisie d’un recours en date du 8 février 2013 contre le Secrétariat international (SI) de l’OTAN, présenté le 14 février 2013 par Mme IF. 2. Les observations en défense, datées du 15 avril 2013, ont été enregistrées le 22 avril 2013. Les observations en réplique, datées du 8 mai 2013, ont été enregistrées le 13 mai 2013. 3. Le recours a été déposé avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2013, du rectificatif n° 12 au Règlement du personnel civil (RPC) de l’OTAN, par lequel a été modifiée l’annexe IX de ce règlement et a, notamment, été établi le tribunal administratif de l’OTAN. En application des dispositions transitoires prévues à l’article 6.10 de la «nouvelle» annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l’OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO/73/151, du 22 novembre 1973). 4. Le collège du tribunal a tenu audience le 12 septembre 2013 au siège de l’OTAN. Il a entendu les arguments de Maître LL et de Maître AT, du cabinet L&L, établi à Bruxelles, représentant la requérante, ainsi que les arguments de M. EG, conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l’OTAN, et de M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l’OTAN, représentant le défendeur, en la présence de M. CS, président de l'Association du personnel du Secrétariat international de l'OTAN, et de Mme Laura Maglia, greffière par intérim. B. Exposé des éléments de fait 5. Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit. 6. La requérante est entrée au service du SI le 17 août 1998 ; elle était alors titulaire d’un contrat de durée déterminée pour un poste de grade A4. En 2002, elle s’est vu offrir un contrat de durée indéterminée, qu’elle a accepté en 2003. En octobre 2004, Mme F a été désignée au poste A5 de directeur du Bureau d’information de l’OTAN à Moscou. 7. Vu le raidissement des relations entre l’OTAN et la Russie, la requérante a dû rentrer d’urgence à Bruxelles.

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8. La requérante s’est alors présentée pour le poste de chef du Bureau de liaison de l’OTAN à New York, de grade A5 également, mais sa candidature n’a pas été retenue. Dans un courrier daté du 28 août 2009, le directeur du Cabinet a expliqué que le secrétaire général (de l’époque) était d’avis que, l’OTAN n’ayant pas de service diplomatique, les agents devaient, après une affectation à l’étranger, rentrer au Siège avant de pouvoir être affectés ailleurs. Il a par ailleurs fait observer que les fonctions attachées au poste de New York étaient plutôt des fonctions de liaison, et non de représentation comme à Moscou, et n’offraient pas les conditions idoines pour la requérante à ce stade de sa carrière. Il a ajouté qu’il n’y avait alors pas de poste vacant au grade A6. La requérante a cependant été informée que, si elle souhaitait se présenter pour un poste A6 ultérieurement, l’Organisation étudierait favorablement sa candidature dans le respect des procédures de recrutement généralement applicables à l’OTAN. 9. Le 1er octobre 2009, la requérante s’est vu offrir un contrat de durée indéterminée pour le poste de grade A5 (échelon 710) de chef de la section chargée de l’Asie centrale et du Caucase au sein de la Division Affaires politiques et politique de sécurité. Le 23 février 2011, la requérante a demandé un congé sans salaire d’un an pour travailler au Center for Transatlantic Security Studies (CTSS) à la National Defense University de Washington DC, aux États-Unis. Le congé sans salaire a été prolongé jusqu’au 31 mai 2013. 10. En novembre 2011, la requérante a présenté sa candidature au poste A6 de directeur pour la politique et les capacités de défense au sein de la Division Politique et plans de défense (A 52(2011)). Le 26 janvier 2012, elle a participé à une épreuve de sélection en ligne. Le 15 février, elle a été informée par le Service Recrutement qu’elle n’avait pas réussi l’épreuve. Aucun autre candidat n’a cependant été retenu. L’Organisation a alors ouvert un nouveau concours (A 16(2012)). La requérante s’est de nouveau présentée pour le poste en mai 2012, et elle a été informée par le Service Recrutement, le 9 juillet 2012, que sa candidature n’avait pas été retenue. 11. Le 22 août 2012, les conseils de la requérante ont introduit une réclamation contre la décision communiquée le 9 juillet 2012, demandant l’annulation de la décision, l’établissement d’une liste de présélection révisée et la constitution d’un comité de réclamation pour l’examen de l’affaire. 12. Le secrétaire général adjoint pour la gestion exécutive (ASG/EM) a réagi comme suit le 20 septembre 2012: «…it was entirely legitimate not to pursue the application of candidates from the first recruitment process for further participation in the recruitment process for the re-advertised post»; «…a thorough review took place of the recruitment process and decisions taken, including the initial recruitment process, and it has to be found that procedures were properly followed an that the competent authorities reaches their decisions correctly. Furthermore, I would like to inform that the recruitment process for this post has been completed and that the decision to offer the post was taken well before the receipt of your letter. As a result, the request made in your letter cannot be accommodated. In such circumstances there would be no purpose in establishing a complaints committee» (…il était parfaitement légitime d’exclure du

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concours pour le poste réaffiché les personnes qui s’étaient déjà présentées au premier concours; …le processus suivi pour le recrutement et les décisions prises, y compris pour le premier concours, ont été entièrement passés en revue, et il faut en conclure que les procédures ont été correctement suivies et que les décisions prises par les autorités compétentes l’ont été à juste titre. Je tiens en outre à vous informer que le processus de recrutement pour ce poste est clôturé et que la décision d’attribuer le poste a été prise bien avant la réception de votre lettre. Il ne peut donc être donné suite à la demande faite dans votre lettre. Dans ces conditions, il serait inutile de mettre en place un comité de réclamation). 13. Le 10 octobre 2012, les conseils de la requérante ont adressé une autre lettre au secrétaire général, l’informant que ni elles-mêmes ni leur cliente n’avaient reçu d’accusé de réception de la réclamation ou n’avaient été informées des éventuelles mesures prises en vue de la constitution d’un comité de réclamation. 14. Le 10 décembre 2012, les Ressources humaines ont transmis aux conseils, par courrier électronique, la lettre datée du 20 septembre 2012. 15. Le 12 décembre 2012, la requérante a réitéré sa demande visant à soumettre sa réclamation à un comité de réclamation et elle a appelé l’attention sur l’absence de motivation de la lettre du 20 septembre. 16. Par courrier du 7 janvier 2013, l’ASG/EM a présenté ses excuses pour l’adresse, apparemment incomplète, qui apparaissait sur la lettre du 20 septembre 2012. Il a déclaré qu’il s’en tenait au contenu de cette lettre, qui, à son sens, répondait pleinement aux préoccupations exprimées dans le courrier du 22 août 2012. Il a maintenu que les circonstances de l’affaire de la requérante, ne répondant pas aux conditions prévues par le RPC, n’exigeaient pas la constitution d’un comité de réclamation. 17. Par une lettre datée du 8 février, la requérante a déposé un recours contre la décision de rejet de sa réclamation. C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyens de la requérante 18. La requérante fait valoir que le rejet de sa réclamation et la non-constitution, par l’Organisation, d’un comité de réclamation constituent une violation de l’article 3.2 de l’ «ancienne» annexe IX du RPC. Elle rappelle par ailleurs que, selon la jurisprudence de la Commission de recours, qui adopte la même approche, dans le cas où un agent entend contester une décision prise à son égard par une autorité subordonnée au chef d’organisme OTAN, il doit, dans un délai raisonnable, former une réclamation auprès du chef d’organisme concerné, qui doit y donner suite, sauf si l’affaire est devenue sans

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objet. La requérante note que le fait que le processus de recrutement ait été clôturé avant qu’elle n’introduise sa réclamation ne rend pas cette dernière sans objet. 19. La requérante allègue un détournement de pouvoir car elle n’a pas été présélectionnée pour le deuxième concours au motif qu’elle avait déjà postulé pour le même poste. Elle estime qu’il s’agit là d’une décision arbitraire du directeur du Cabinet, qui n’est pas fondée sur des éléments juridiques ou objectifs et qui ne tient pas compte du mérite ni de qualifications telles qu’exigées dans l’avis de vacance de poste. La requérante relie en outre cette décision arbitraire à la décision précédente, prise par le directeur du Cabinet, de supprimer son nom de la liste des candidats présélectionnés entre les épreuves écrite et orale. Elle considère le processus de recrutement comme manquant de transparence, et la décision comme partiale, arbitraire et discriminatoire à son égard. 20. De plus, la requérante fait observer que, vu sa solide expérience de la planification de défense, vu l’emploi qu’elle occupe actuellement aux États-Unis dans le domaine de la défense et de la revue de la posture de défense, et vu sa performance globale évaluée exceptionnelle, les décisions de février et de juillet sont entachées d’une erreur d’appréciation quant à ses compétences. La requérante fait également valoir que, comme, au retour de son congé sans salaire, elle sera considérée comme en surnombre, sa candidature aurait dû être examinée en priorité en application des articles 57.1 et 57.2 du RPC; de la même manière, eu égard au devoir de sollicitude et aux engagements précédents de l’Administration, sa candidature aurait dû être examinée «favorablement». 21. La requérante conclut à l’annulation de la décision du 9 juillet 2012 rejetant sa candidature au poste A6, à l’annulation de la décision du 20 septembre 2012 rejetant sa réclamation (et, par voie de conséquence, de la décision du 7 janvier) et à l’annulation de la décision d’attribuer le poste A6 à un autre candidat. La requérante estime que, malgré son congé sans salaire, elle doit être considérée comme un agent au sens où l’entend le préambule du RPC et, dès lors, être fondée à introduire une réclamation en vertu de l’article 61 du RPC. 22. La requérante demande en outre réparation du préjudice moral causé par l’illégalité des décisions précitées (€ 10.000). Elle demande aussi à se voir attribuer, à son retour de congé, le poste A6 de directeur pour la politique et les capacités de défense (ou tout autre poste A6 correspondant aux qualifications et aux centres d’intérêt de la requérante) et une somme de € 80.000 en réparation du préjudice subi du fait de la perte de revenus et de droits à pension pour l’année qui s’est écoulée depuis le moment où elle aurait pu occuper le poste. Toutefois, si l’annulation de la décision de désigner un autre candidat au poste A6 devait soulever d’importantes difficultés et s’il n’était pas possible de lui trouver un autre poste A6 approprié à son retour de congé, la requérante demande que lui soit accordée en réparation une somme de € 60.000 (révisable selon la capacité de l’Organisation à trouver le poste A6 approprié). La requérante ajoute que, si sa première année de congé sans salaire résultait d’une décision volontaire, la seconde était la conséquence d’un rejet illégal de sa candidature au poste A6.

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23. La requérante conclut: - à l’annulation de la décision du 9 juillet 2012 rejetant la candidature de la

requérante au poste de grade A6 de directeur pour la politique et les capacités de défense au sein de la Division Politique et plans de défense;

- à l’annulation de la décision du 20 septembre 2012 rejetant la réclamation de la requérante en date du 22 août 2012;

- le cas échéant, à l’annulation de la décision du 7 janvier 2013 confirmant la décision ci-dessus;

- à l’annulation de la décision de désigner un agent autre que la requérante au poste A6 de directeur pour la politique et les capacités de défense au sein de la Division Politique et plans de défense;

- à l’octroi de réparations appropriées; et - au remboursement des frais de voyage, de séjour et de conseil occasionnés

pour sa défense. (ii) Principaux moyens du défendeur 24. Le défendeur soutient que la requête peut être jugée recevable uniquement en tant qu’elle est dirigée contre la décision du 9 juillet 2012 de ne pas présélectionner la requérante pour le poste réaffiché et contre la décision du 20 septembre 2012 de ne faire droit à la demande de constitution d’un comité de réclamation. Il affirme que la décision d’annuler la désignation d’un autre agent au poste A6 de directeur pour la politique et les capacités de défense n’est pas une décision individuelle prise par le secrétaire général à l’encontre de la requérante et qu’elle n’est donc pas susceptible de recours. Au sujet des demandes de réparation, y compris de réparation pécuniaire, le défendeur estime qu’elles ne sont pas recevables, n’ayant jamais été soumises au chef d’organisme OTAN. 25. Le défendeur fait valoir que, la requérante étant en congé sans salaire pour une période de deux ans, n’étant pas titulaire d’un poste à l’OTAN ni n’étant affectée à un tel poste, elle doit être considérée comme ne figurant pas au tableau d’effectifs approuvé et comme n’ayant pas de statut au regard du RPC. Le défendeur avance ainsi que la requérante ne peut pas introduire une réclamation officielle en invoquant le RPC. Il souligne que l’Organisation n’exerce aucune autorité fonctionnelle sur une personne en congé sans salaire. En outre, le défendeur note que les six semaines qui se sont écoulées après la notification de la décision du 9 juillet 2012 sont, en l’espèce, au-delà du «délai raisonnable» prévu par le RPC puisque le processus de recrutement formel était déjà clôturé. 26. Au sujet de l’allégation selon laquelle il y aurait eu discrimination à l’encontre de la requérante lors du deuxième concours, le défendeur fait remarquer qu’aucun candidat n’a été retenu à l’issue du premier. Selon lui, il ne devait donc guère être surprenant que la candidature de la requérante, identique à la première fois, ne soit pas retenue pour le deuxième concours. Le défendeur relève en outre que la requérante n’a pas déposé une réclamation au motif d’une quelconque irrégularité dans le premier concours de recrutement, et il estime dès lors que la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre ce premier concours.

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27. Au sujet du détournement de pouvoir, du caractère arbitraire et du manque de transparence allégués relativement au processus de recrutement, le défendeur fait valoir que le recrutement se fait sur la base du mérite mais aussi compte tenu de la nécessité de disposer d’un personnel très hautement qualifié quant à sa compétence, son rendement et son intégrité, de même que de la nécessité d’assurer une représentation géographique équitable. Le défendeur ajoute que les postes A6 sont de nature éminemment politique. C’est pourquoi le secrétaire général, au travers du Cabinet, porte un intérêt direct au recrutement et aux nominations pour de tels postes. Le défendeur explique en outre que la directive concernée prévoit expressément un rôle pour le Cabinet dans le processus de recrutement et qu’il n’y a dès lors pas eu d’irrégularité dans un processus où les autorités compétentes ont pris les décisions qui s’imposaient. 28. À l’argument selon lequel la requérante aurait dû bénéficier de l’application de l’article 57.2 du RPC, le défendeur rétorque que la requérante ne saurait être qualifiée d’agent en surnombre puisqu’un agent ne vient à se trouver en surnombre que lorsque son poste est supprimé. Concernant l’allégation selon laquelle la requérante aurait droit à un poste A6, le défendeur fait observer qu’il n’y a eu pas d’engagement en ce sens de la part de l’Organisation et qu’il n’y a pas d’obligation d’attribuer un tel poste. Il souligne que la requérante est titulaire d’un poste A5. La lettre du directeur du Cabinet, où il était question d’attentes quant à un poste A6, était claire lorsqu’elle précisait que toute candidature de la requérante à de tels postes serait traitée conformément aux procédures de recrutement généralement applicables à l’OTAN. 29. Le défendeur réfute l’allégation selon laquelle la requérante aurait pris une seconde année de congé sans salaire faute de s’être vu offrir un poste A6, cette allégation n’étant pas étayée par les faits. Il estime aussi irrecevables et dénuées de tout fondement toutes les conclusions indemnitaires. 30. Le défendeur conclut:

- à ce que la requête soit déclarée irrecevable; et - si elle est déclarée recevable, à ce qu’elle ne le soit qu’en tant qu’elle est

dirigée contre la lettre du 20 septembre, et à ce que la requête soit rejetée comme non fondée.

D. Considérations et conclusions (i) Considérations relatives à la recevabilité 31. La requérante demande l’annulation de la décision du 20 septembre 2012, réitérée dans la décision du 7 janvier 2013, rejetant sa réclamation contre la notification, qui lui a été faite le 9 juillet 2012, du rejet de sa candidature. 32. Dans sa requête, la requérante fait cependant une nouvelle demande, qui tend à l’annulation de la désignation d’un autre agent. Cette demande ne faisait pas partie de la réclamation initiale du 22 août 2012 et n’avait donc pas de lien avec la décision

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attaquée. Elle n’a pas non plus été autrement soumise au chef d’organisme OTAN. La demande est donc un nouveau moyen et doit être rejetée. 33. Le défendeur soutient que la requête, en tant qu’elle attaque la procédure et la non-sélection de la requérante lors du premier concours organisé pour le poste concerné, est tardive et irrecevable. Le tribunal partage ce point de vue. 34. En conséquence, la requête est recevable en tant qu’elle est dirigée contre la décision du 9 juillet 2012 de ne pas présélectionner la requérante pour le poste réaffiché et contre la décision du 20 septembre 2012 de ne faire droit à la demande de constitution d’un comité de réclamation, et en tant qu’elle vise à obtenir réparation et le remboursement des frais. (ii) Examen quant au fond

a) Demande en annulation 35. La requérante demande, dans sa réclamation, l’annulation de la décision de rejet de sa candidature. Elle demande l’ouverture d’un nouveau concours. Elle demande aussi l’annulation de la décision de ne pas constituer un comité de réclamation. Lorsqu’il examinera l’affaire quant au fond, le tribunal traitera d’abord la demande en annulation de la décision du 20 septembre 2012 de ne pas constituer un comité de réclamation, puisqu’il s’agit d’un point de procédure. 36. Le défendeur soutient que, suivant les dispositions de l’annexe IX du RPC, seuls les agents peuvent introduire un recours. Il avance que, la requérante étant en congé sans salaire, elle n’a plus de statut au regard du RPC et ne peut donc pas introduire un recours. 37. Le tribunal fait observer qu’aucun élément du RPC ou de la lettre du 27 avril 2011 ne vient étayer cette argumentation du défendeur. Un congé sans salaire peut être accordé aux termes de l’article 46.1 du RPC. Il ressort clairement du libellé de cet article que les personnes qui sont en congé sans salaire pour convenances personnelles ont le statut d’agent. L’article 46.1.4 fait ainsi mention des «agents en congé sans salaire…». Les membres du personnel qui sont en congé sans salaire ont un contrat avec l’Organisation bien que les principales obligations contractuelles des parties (fonctions et salaire) soient suspendues. Nombre d’autres droits et devoirs de l’une et de l’autre parties sont maintenus, comme la faculté pour l’Organisation de vérifier si l’affectation de la requérante à l’extérieur de l’OTAN est compatible, le droit éventuel de la requérante à une indemnité de perte d’emploi, les contributions au régime de pensions, etc. La relation n’est dépourvue ni de contenu réel ni d’effet. 38. De même, la lettre du 7 avril 2011 par laquelle le congé sans salaire est accordé indique, au paragraphe 2, que l’affectation envisagée n’est pas incompatible avec le statut de membre du personnel civil international de la requérante. Il est précisé à l’alinéa (b) que, s’il n’y a pas de poste qu’elle puisse occuper à son retour, il pourra être mis fin à son contrat et qu’elle pourra se voir octroyer une indemnité de perte d’emploi conformément au RPC. À l’alinéa (g), la requérante se voit rappeler l’obligation faite

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aux agents, en vertu de l’article 12.2.(b), de demander l’autorisation d’exercer une activité extérieure au chef d’organisme OTAN, lequel doit déterminer si l’activité concernée est compatible avec l’accomplissement de leurs fonctions ou avec leur qualité de membre du personnel civil international. Enfin, la requérante a également été autorisée à rester couverte par le régime d’assurance-maladie et à verser une contribution (partielle) au régime de pensions. 39. Le tribunal estime en conclusion qu’un agent qui s’est vu accordé un congé sans salaire ne peut pas être considéré comme étant extérieur à l’Organisation en tant qu’il n’est pas autorisé à déposer une réclamation ou à contester une décision individuelle du chef d’organisme OTAN. Le moyen du défendeur tiré de ce que la requérante n’a pas de statut est donc voué à l’échec. 40. L’article 2.2 de l’«ancienne» annexe IX du RPC dispose: Tout agent présentant une telle réclamation peut demander que celle-ci soit, avant

décision, soumise à un comité de réclamation (…).

41. Cette disposition ne laisse aucune place au doute. Elle représente un droit pour l’agent et ne prévoit aucune marge d’appréciation pour le chef d’organisme OTAN. Selon une jurisprudence constante de la Commission de recours de l’OTAN, lorsqu’une telle demande est formulée, le chef d’organisme OTAN doit y faire droit (cf décisions nos367, 400, 772, 773, 840, 845, 849 de la Commission de recours de l’OTAN), à moins que la demande soit manifestement abusive ou que le litige soit devenu sans objet (cf décisions nos 698, 700, 701, 740 de la Commission de recours de l’OTAN), ce qui n’est pas le cas en l’espèce. 42. En refusant d’établir un comité de réclamation, l’Administration n’a pas agi correctement en n’avançant aucune raison sérieuse à l’appui de ce refus. Les pièces du dossier ne permettent pas de présumer que le comité de réclamation n’aurait pas reconnu à la requérante le droit d’être entendue. Le délai de six semaines qui s’est écoulé entre la notification de la décision du 9 juillet 2012 et l’introduction de la réclamation ne peut pas être considéré comme non raisonnable et ne saurait être invoqué comme raison pour ne pas constituer un tel comité. De même, le moyen tiré de ce que le processus de recrutement était clôturé ne saurait convaincre. De surcroît, il a fallu un mois à l’Administration pour réagir à la réclamation de la requérante. 43. Le tribunal estime en conclusion que la décision du 20 septembre 2012, réitérée le 7 janvier 2013, de ne pas constituer un comité de réclamation doit être écartée. 44. Il s’ensuit que l’Administration est tenue d’examiner à nouveau la réclamation de la requérante en suivant une procédure régulière, notamment en constituant un comité de réclamation conformément à l’article 3 de l’«ancienne» annexe IX du RPC, devant lequel la requérante pourra exposer les motifs pour lesquels elle conteste la décision ne de pas la présélectionner pour le poste en question (cf décision n° 772 de la Commission de recours de l’OTAN renvoyant à la décision n°400). La requérante estime que la décision était arbitraire et discriminatoire et qu’elle résulte d’une erreur d’appréciation manifeste. Elle essaie d’expliquer en quoi le premier concours aurait dû

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entrer en ligne de compte. Toutes ces questions doivent cependant être examinées d’abord en comité de réclamation et ne peuvent être tranchées à ce stade. 45. Le tribunal ne peut pas prévoir ce que conclura le comité de réclamation, ce que décidera ensuite le chef d’organisme OTAN ou ce que peuvent éventuellement faire les parties pour régler le litige. En conséquence, le tribunal s’abstiendra pour le moment d’examiner la requête attaquant la décision, notifiée le 9 juillet 2012, de ne pas présélectionner la requérante pour le deuxième concours relatif au poste en question.

a) Demande en réparation 46. Il ne peut pas être procédé à une évaluation de dommages matériels avant que la réclamation de la requérante ait été réexaminée suite au présent jugement et avant que l’issue de ce réexamen soit connue. 47. Le tribunal examinera cependant la demande de réparation du dommage moral subi du fait de la légèreté avec laquelle la précédente réclamation a été traitée. 48. Le défendeur soutient que les demandes en réparation sont irrecevables parce qu’il n’y a pas de décision individuelle du chef d’organisme OTAN concerné qui soit susceptible de recours. 49. Le tribunal réaffirme à cet égard (cf NATO/AT-J(2013)0002, paragraphe 43) que sa compétence pour accorder réparation est fondée sur l’article 4.2.2 de l’«ancienne» annexe IX du RPC, qui dispose: «[La Commission de recours] peut également condamner l’Organisation à réparer le dommage résultant d’une irrégularité commise par un chef d’organisme OTAN». Il s’ensuit que la décision d’accorder réparation est sans lien avec une éventuelle décision du tribunal d’annuler ou non une décision administrative. Les demandes en réparation sont recevables en tant qu’accessoires de la demande en annulation. Il s’ensuit également que le fait que l’Organisation ait ou non pris une décision au sujet d’une demande en réparation ou se soit ou non autrement exprimée sur la question n’influe en rien sur la compétence du tribunal. Le moyen du défendeur est donc voué à l’échec. 50. Le tribunal estime en conclusion que l’illégalité de la procédure suivie par l’Administration lorsqu’elle n’a pas fait droit à la demande visant à constituer un comité de réclamation, à quoi il faut ajouter le peu de diligence manifesté dans sa communication avec la requérante et ses conseils, a causé un dommage moral à la requérante. Le tribunal considère que la somme de € 2.000 (deux mille) représente une réparation appropriée du préjudice causé à la requérante à cet égard. E. Frais 51. L'article 4.8.3 de l' «ancienne» version de l'annexe IX du RPC dispose:

Au cas où elle a admis le bien-fondé d'une requête, la Commission ordonne que l'organisme OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais justifiés

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exposés par le/la requérant(e).

La requérante obtenant gain de cause, elle a droit au remboursement de ses frais de conseil, jusqu'à concurrence de € 4.000 (quatre mille). F. Dispositif PAR CES MOTIFS, le Tribunal décide:

- La décision du 20 septembre 2012 refusant la constitution d’un comité de réclamation est annulée.

- Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. - Mme F a droit à une indemnité de €2.000. - L’OTAN remboursera à Mme F ses frais de conseil jusqu’à concurrence de

€4.000. - Le cautionnement de Mme F lui sera remboursé.

Fait à Bruxelles, le 8 novembre 2013. (signé) Chris de Cooker, président (signé) Laura Maglia, greffière par interim Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia

NORTH ATLANTIC TREATY ORGANIZATION ORGANISATION DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD

ADMINISTRATIVE TRIBUNAL TRIBUNAL ADMINISTRATIF

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11 novembre 2013 AT-J(2013)0005

Jugement

Affaires nos 889 et 890

PL (affaire n°889) et AL (affaire n°890),

parties requérantes

contre

le Secrétariat international de l’OTAN

partie défenderesse

Bruxelles, le 8 novembre 2013

Original: Français

Mots clés: recevabilité, délais, dépôt tardif des annexes, obligation de motivation, restructuration des services, principe de non-discrimination, demande en indemnité.

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(Page blanche)

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Le collège du Tribunal administratif de l’OTAN, composé de M. Chris de Cooker, Président, MM. John Crook et Christos Vassilopoulos, juges, ayant pris connaissance des dossiers et à la suite de l’audience qui s’est tenue le 12 septembre 2013, rend le présent jugement.

A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (ci-après «l’OTAN») a été saisie d’un recours (affaire n°889), présenté le 4 janvier 2013 par M. PL, membre du personnel du secrétariat international de l’OTAN, visant notamment à l’annulation d’une décision dudit secrétariat le transférant, ainsi que son poste, de l’Unité Protection Rapprochée du Secrétaire général (ci-après «l’UPR» ou «l’Unité») à la Force de Sécurité du Quartier Général (ci-après la «FSQG») à compter du 1er janvier 2012.

2. Le même jour, la Commission de recours de l’OTAN a été saisie d’un recours (affaire n°890) présenté par M. AL, également membre du personnel du secrétariat international de l’OTAN, visant à l’annulation de la décision dudit secrétariat le transférant lui aussi, ainsi que son poste, de l’UPR à la FSQG à compter du 1er janvier 2012. 3. Le 15 mars 2013, la partie défenderesse a présenté ses observations en défense dans chacune des deux affaires, tendant au rejet des conclusions des requérants. Sur ces observations, les deux requérants ont présenté leurs observations en réplique le 22 avril 2013.

4. Les recours précités étaient déposés devant la Commission de recours, avant le 1er juillet 2013, date de l’entrée en vigueur du douzième rectificatif au règlement du personnel civil de l’OTAN (RPC), qui a, inter alia, institué le Tribunal administratif de l’OTAN (ci-après le «Tribunal»). 5. En application des dispositions transitoires prévues à l’article 6.10 de la « nouvelle » annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l’OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au Tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO(73)151, du 22 novembre 1973). 6. Le collège du Tribunal a tenu audience le 12 septembre 2013 au siège de l’OTAN. Il a entendu les arguments de Maître LL et de Maître AT, du cabinet L&L établi à Bruxelles, représentant les requérants, ainsi que les arguments de M. EG, conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l'OTAN, et de M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l'OTAN, représentant la défenderesse, en la présence de M. CS, président de l'Association du personnel du Secrétariat international de l'OTAN, M. PL, Association du personnel du Secrétariat international de l'OTAN, et de Mme Laura Maglia, greffière par intérim.

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B. Exposé des éléments de fait 7. MM. PL et AL (ci-après désignés ensemble les «requérants»), agents de sécurité de grade C3 au Bureau de Sécurité de l’OTAN, font, depuis plusieurs années, parties de l’Unité de Protection Rapprochée et, en particulier, de l’Unité de la résidence. Cette Unité comportait à l’époque des faits douze personnes, dont les deux requérants. 8. Le 16 décembre 2011, après convocation par le chef du bureau de l’UPR et au cours d’un bref entretien, M. PL a été informé qu’il ne ferait plus partie de l’UPR de la résidence du Secrétaire général. Lors de cet entretien, le chef de l’UPR lui a exposé que cette décision était intervenue dans le cadre d’une restructuration de cette Unité et il lui a également communiqué la décision de le transférer avec son poste à la FSQG. 9. Le même jour, et selon la même procédure, M. AL a également été informé qu’il ne ferait plus partie de l’UPR de la résidence, que cette décision était intervenue dans le cadre d’une restructuration de l’UPR et qu’il serait transféré avec son poste à la FSQG. 10. Par courriers séparés du Secrétaire général délégué ad interim aux ressources humaines, datés du 13 janvier 2012, chacun des deux requérants a été avisé à titre individuel de la décision liée à son transfert au FSQG avec effet au 1er janvier 2012. Dans chaque courrier respectif, chaque requérant a été invité à signer son nouveau contrat et a été informé de la décision de lui octroyer jusqu’au 31 janvier 2012 l’allocation spéciale UPR. Cette dernière décision était justifiée par le caractère tardif de la décision informant officiellement chaque requérant de son transfert à compter du 1er janvier. 11. Par courriers séparés, datés du 3 février et du 1er mars 2012, adressés au Secrétaire général adjoint délégué aux ressources humaines, M. AL et M. PL ont respectivement sollicité des explications concernant les critères objectifs de la décision prise justifiant leur transfert. Dans ces mêmes courriers, les requérants précisaient respectivement que leur démarche s’inscrivait dans le cadre des formalités de la procédure prévue par l’article 61.2 du RPC. 12. Par courriers quasi identiques adressés séparément à M. AL et à M. PL, datés respectivement du 17 février et du 5 mars 2012, le Secrétaire général adjoint délégué aux ressources humaines leur a répondu que le transfert vers la FSQG «s’est fait dans le cadre d’une restructuration de l’équipe Résidence de la protection rapprochée du Secrétaire général» visant à une réduction de son effectif, qui passait de douze à dix membres. Ces mêmes courriers précisaient que le choix de garder ou non des membres au sein de l’équipe devait être effectué sur la «base d’une revue de la performance individuelle de chacun des membres de l’équipe». 13. Par courriers séparés et datés respectivement du 9 et du 16 mars 2012, M. AL et M. PL ont introduit une réclamation en vertu de l’article 61.3 du RPC contre la

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décision contenue dans les courriers du 13 janvier 2012 précités. Dans leurs réclamations respectives, les requérants objectent, d’une part, que leur travail donnant satisfaction, comme l’attestait l’évaluation annuelle de leurs performances individuelles, il leur paraissait étonnant de figurer parmi les personnes à transférer et, d’autre part, leur transfert/mutation impliquerait en toute hypothèse des conséquences financières liées à la perte de l’indemnité spéciale pour leur affectation à l’UPR et à la diminution significative du nombre des heures supplémentaires prestées et payées. Dans ces conditions, chaque requérant a respectivement demandé l’annulation de la décision de transfert dont il faisait l’objet ainsi que la réparation du préjudice financier prétendument subi du fait de cette décision. 14. Le 3 juillet 2012, le Comité de réclamations (ci-après, le «Comité») a rendu ses rapports sur les réclamations des requérants. Dans ces rapports, le Comité a conclu que la restructuration de l’équipe de la protection rapprochée était une tâche de gestion autorisée par le RPC et que le transfert des requérants, par décision individuelle, avait été effectué en conformité avec les dispositions régissant ces restructurations. Selon le Comité, ni le RPC, ni les politiques et pratiques de gestion en place ne sauraient être invoqués pour justifier l’octroi d’une indemnisation financière aux requérants ou pour invalider leur transfert. Dans ces conditions, le Comité a recommandé de ne pas prendre d’autres mesures sur ce point. 15. Néanmoins, dans ces recommandations le Comité a également invité tous les chefs de division et de bureau indépendant à faire preuve d’un maximum de transparence et à communiquer autant que possible avec le personnel lorsque des mesures de restructuration étaient envisagées, ce qui constituait une bonne pratique de gestion. 16. Par deux lettres séparées et datées du même jour, à savoir le 6 novembre 2012, le Secrétaire général délégué de l’OTAN a rejeté les réclamations respectives des requérants, en regrettant que dans chaque cas respectif, «(l’)affaire n’ait pas (été) traitée avec une meilleure transparence».

C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyen des requérants

17. Dans leurs recours respectifs, les requérants demandent, en premier lieu, l’annulation de la décision du Secrétaire général délégué du 6 novembre 2012 rejetant leur réclamations respectives et, pour autant que de besoin, l’annulation des décisions du Secrétaire général adjoint délégué ad interim aux ressources humaines du 13 janvier 2012 portant transfert de leur poste de l’UPR à la FSQG. A ce titre, ils invoquent trois moyens tirés, le premier, de l’absence de motivation des actes attaqués, le deuxième, de la violation des dispositions des articles 4.1.1, 4.1.2 et 57.4 du RPC en relation avec le principe de bonne administration, du devoir de sollicitude et avec le principe relatif au respect de droits de la défense et, le troisième, de la violation du principe de non-discrimination.

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18. Les requérants prétendent, en deuxième lieu, avoir subi du fait des décisions attaquées un préjudice matériel lié à la perte, d’une part, de l’indemnité de protection rapprochée et, d’autre part, du bénéfice des heures supplémentaires obligatoires payées. En outre, les requérants prétendent que les décisions attaquées ont une incidence directe sur leur mode de vie personnelle et professionnelle et leur causent également un préjudice moral distinct. 19. En dernier lieu, les requérants demandent au Tribunal d’ordonner la communication des rapports du Comité de réclamations les concernant. 20. Dans les mémoires en réplique présentés dans les deux affaires, les requérants reprennent les conclusions de leur requête, exception faite du chef de conclusions relatif à la demande de communiquer les rapports du Comité de réclamations, à la suite de la communication de celui-ci par la partie défenderesse. 21. Dans l’affaire n°889, le recours a pour objet:

- l’annulation de la décision du Secrétaire général délégué de l’OTAN du 6 novembre 2012, rejetant la réclamation du requérant du 16 mars 2012;

- l’annulation, en tant que de besoin, de la décision du Secrétaire général délégué ad interim aux ressources humaines du 13 janvier 2012 transférant le requérant avec son poste de la Protection rapprochée du Secrétaire général à la FSQG à compter du 1er janvier 2012;

- la réparation du préjudice subi par le requérant; - la communication du rapport du Comité de réclamations; et – la condamnation de la partie défenderesse aux dépens.

22. Dans l’affaire n°890, le recours a pour objet:

- l’annulation de la décision du Secrétaire général délégué de l’OTAN du 6 novembre 2012, rejetant la réclamation du requérant du 9 mars 2012;

- l’annulation, en tant que de besoin, de la décision du Secrétaire général délégué ad interim aux ressources humaines du 13 janvier 2012 transférant le requérant avec son poste de la Protection rapprochée du Secrétaire général à la FSQG à compter du 1er janvier 2012;

- la réparation du préjudice subi; - la communication du rapport du Comité de réclamations; et - la condamnation de la partie défenderesse aux dépens.

(ii) Principaux moyens de la défenderesse

22. La partie défenderesse excipe, en premier lieu, de l’irrecevabilité des deux recours au motif que ces recours dirigés contre les actes respectivement attaqués par les requérants ont été introduits tardivement. 23. En second lieu, elle considère que les deux recours sont non fondés.

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24. A ce titre, elle fait valoir, tout d’abord, en se référant à la jurisprudence de la Commission de recours, que l’obligation de motivation qui incombe à l’auteur des décisions attaquées est, en l’espèce, pleinement respectée. 25. Elle affirme, ensuite, que les décisions litigieuses ont été adoptées dans le cadre des compétences et du large pouvoir discrétionnaire dont dispose le Secrétaire général pour restructurer l’UPR. 26. La partie défenderesse soutient, enfin, que les requérants n’avancent aucun argument concret ni aucun élément de fait pertinent permettant d’établir que les décisions litigieuses ont été adoptées sur la base de considérations discriminatoires à leur encontre. 27. En ce qui concerne le préjudice matériel lié à la perte, d’une part, de l’indemnité de protection rapprochée et, d’autre part, du bénéfice des heures supplémentaires obligatoires payées, la partie défenderesse rétorque que, en toute hypothèse, les requérants ne peuvent pas prétendre au bénéfice des indemnités et autres avantages liés aux fonctions exercées au sein de l’UPR après leur transfert à la FSQG. 28. Dans ces conditions, la partie défenderesse conclut, après avoir communiqué dans les annexes de ses mémoires en défense les rapports du Comité de réclamations, que les deux recours doivent être rejetés soit comme irrecevables soit comme non fondés. D. Considérations et conclusions

(i) Considérations relatives à la recevabilité Arguments des parties 29. Dans ses mémoires dans les deux affaires, la partie défenderesse excipe de l’irrecevabilité des deux recours au motif que ces recours dirigés contre les actes respectivement attaqués par les requérants ont été introduits tardivement. Dans les deux affaires, la partie défenderesse développe les mêmes griefs, à savoir que les deux recours ont été introduits au-delà du délai de soixante jours prévu par le RPC, après que chaque requérant a accusé réception de l’acte lui faisant prétendument grief. En effet, les deux recours auraient été déposés le 9 janvier 2013, alors que la date butoir pour le dépôt recevable de ces deux recours était le 6 du même mois. 30. Les requérants rétorquent que les recours ont été introduits dans le délai de soixante jours prévu par l’article 4.3.2 de l’annexe IX du RPC. En particulier, ils font valoir que, les actes attaqués ayant été adoptés et communiqués aux requérants le 6 novembre 2012, leurs recours respectifs, déposés le 4 janvier 2013, ont été introduits dans le délai réglementaire de soixante jours prévu par le RPC, avant donc la date de forclusion du 6 janvier 2013.

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31. Néanmoins, les deux requérants reconnaissent expressément dans leurs écritures que les pièces produites en annexe à leurs recours ont été enregistrées tardivement, à savoir le 9 janvier 2013, mais ils objectent que ce seul motif ne rend pas pour autant leurs recours irrecevables. En effet, les pièces jointes en annexe aux recours auraient été enregistrées tardivement dans le but d’éviter d’encombrer le télécopieur, pour se conformer aux instructions données en ce sens par le secrétariat de la Commission de recours. Selon les deux requérants, si une telle circonstance devait être considérée comme contraire au RPC et entraîner l’irrecevabilité des recours, il y aurait lieu pour le Tribunal de considérer l’enregistrement tardif de ces annexes comme un cas très exceptionnel (erreur excusable, cas fortuit, etc.), au sens de l’article 4.3.2 de l’annexe IX du RPC.

Appréciation du Tribunal

32. Aux termes de l’article 4.3.2 de l’annexe IX du RPC: (l)es requêtes doivent être déposées auprès du Secrétariat de la Commission de recours dans un délai de 60 jours à compter de la notification de la décision attaquée. Dans des cas très exceptionnels et pour des motifs dûment justifiés, la Commission de recours peut toutefois admettre des requêtes présentées en dehors de ce délai.

33. Le délai de recours prévu par l’article 4.3.2 de l’annexe IX du RPC est institué en vue d’assurer la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice. 34. Il ne peut être dérogé à l’application du RPC concernant les délais prévus par l’article 4.3.2 que dans des circonstances très exceptionnelles. Celles-ci comportent un élément objectif relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’intéressé et un élément subjectif tenant à l’obligation, pour le requérant, de se prémunir contre les conséquences d’un événement anormal en prenant des mesures appropriées. Dans ces conditions, celui qui envisage d’introduire un recours devant le Tribunal doit faire preuve d’une diligence particulière afin de respecter le délai prévu. 35. Dans les affaires en cause devant le Tribunal, la partie défenderesse excipe de manière générale de l’irrecevabilité des deux recours pour un motif de tardivité sans davantage de précisions. Il résulte néanmoins, et ce, en particulier des dossiers déposés devant le Tribunal, que le motif d’irrecevabilité est tiré du dépôt tardif des annexes aux deux recours. En effet, comme l’admettent les requérants dans leurs écritures, les documents annexés à leurs recours ont été déposés après le délai de forclusion de soixante jours prévu par l’article 4.3.2 de l’annexe IX du RPC. 36. Or, il est constant que les recours dans les affaires nos 889 et 890 ont été déposés le 4 janvier 2013 avant le délai de forclusion de soixante jours prévu par l’article 4.3.2 de l’annexe IX du RPC. Dans ces conditions, la seule circonstance que les annexes à ces recours ont été déposées après le délai de forclusion prévu par le RPC ne peut pas entraîner l’irrecevabilité des recours en question, dès lors que ces derniers ont été déposés dans le délai imparti par le RPC. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’existence éventuelle, dans les cas d’espèce, de

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circonstances anormales et étrangères justifiant le dépôt tardif des recours des deux requérants. 37. Quant aux annexes jointes à chaque recours et qui sont déposées en dehors du délai prévu par le RPC dans le cadre du présent contentieux, le Tribunal considère que, dans les deux affaires, les documents en annexe ayant été déposés dans un délai raisonnable après la date de forclusion de soixante jours, ces documents sont versés aux dossiers de chaque affaire respective. 38. Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la partie défenderesse dans les deux affaires en ce sens que ces recours auraient été tardifs et de déclarer ces deux recours recevables. (ii) Examen quant au fond 39. Dans le cadre de leurs recours respectifs, les requérants avancent les mêmes conclusions en annulation et en indemnité et, à ce titre, ils invoquent les mêmes moyens et arguments. (a) Sur les conclusions en annulation 40. Il convient d’indiquer, à titre liminaire, que dans leurs recours respectifs, les deux requérants demandent, d’une part, l’annulation de la décision du Secrétaire général délégué du 6 novembre 2012 rejetant leurs réclamations respectives et, pour autant que de besoin, d’autre part, l’annulation des décisions du Secrétaire général adjoint délégué ad interim aux ressources humaines du 13 janvier 2012 portant transfert de leur poste de l’UPR à la FSQG. 41. En l’espèce, il y a lieu de constater que les décisions du Secrétaire général adjoint délégué ad interim aux ressources humaines du 13 janvier 2012 précitées ont fait l’objet des deux procédures de réclamation en cause en application de l’article 61 du RPC. Ces procédures ont abouti au rejet formel des réclamations des deux requérants par deux décisions séparées du 6 novembre 2012. Dans ces décisions, la partie défenderesse n’a opéré aucune substitution des motifs invoqués dans les décisions précitées du Secrétaire général adjoint délégué ad interim aux ressources humaines du 13 janvier 2012. 42. Dès lors, les conclusions en annulation des deux requérants, en ce qu’elles sont formellement dirigées contre le rejet de leur réclamation, ont pour effet de saisir le Tribunal des actes contre lesquels les réclamations ont été présentées, à savoir les décisions du 13 janvier 2012 portant transfert des requérants de l’UPR à la FSQG. 43. Par conséquent, et conformément à ce qu’il vient d’être indiqué au point 41 ci-dessus, les conclusions en annulation dirigées contre les décisions du Secrétaire général adjoint délégué ad interim aux ressources humaines du 13 janvier 2012 se confondent avec celles dirigées contre les deux décisions respectives du Secrétaire général délégué du 6 novembre 2012 adressées séparément aux requérants.

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44. À la lumière de la constatation qui précède, il convient de relever que, à l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérants invoquent trois moyens tirés, le premier, de l’absence de motivation des actes attaqués, le deuxième, de la violation des dispositions des articles 4.1.1, 4.1.2 et 57.4 du RPC en relation avec le principe de bonne administration, du devoir de sollicitude et avec le principe relatif au respect des droits de la défense et, le troisième, de la violation du principe de non-discrimination.

Sur le premier moyen tiré du défaut de motivation des actes attaqués

Arguments des parties 45. Par ce moyen, les deux requérants font valoir, en substance, qu’ils ne seraient pas en mesure d’apprécier la validité des décisions prises à leur encontre portant transfert de l’UPR à la FSQG au motif que ces décisions seraient entachées d’une insuffisance de motivation, car ils n’ont jamais eu connaissance des motifs et des critères objectifs justifiant ce transfert. 46. A cet égard, les deux requérants se réfèrent à la jurisprudence développée par d’autres juridictions internationales en insistant sur le fait que le fonctionnaire transféré a le droit d’être informé des motifs de sa réaffectation, ce qui permet d’assurer la transparence du processus décisionnel qui, en toute hypothèse, serait en cause dans les deux affaires portées devant le Tribunal. Dans ce contexte, les deux requérants considèrent que le Tribunal ne saurait exercer utilement son contrôle et que, en tout état de cause, la simple référence faite par la partie défenderesse, dans les décisions portant transfert des requérants de l’UPR à la FSQG, aux conclusions du Comité de réclamations sans citer les passages pertinents de celui-ci n’est pas conforme à la jurisprudence de la Commission de recours concernant le respect de l’obligation de motivation. 47. La partie défenderesse rétorque, en se référant à la jurisprudence de la Commission de recours, que l’obligation de motivation qui incombe à l’auteur des décisions attaquées est, en l’espèce, pleinement respectée. En effet, conformément à cette jurisprudence, même si les deux requérants n’étaient pas avisés par voie écrite des motifs justifiant leur transfert, ils ont eu connaissance de manière claire, précise et complète de ces motifs, dans un premier temps lors d’un entretien avec le chef de l’UPR, puis par des courriers adressés aux requérants le 17 février et 5 mars 2012 du Secrétaire général adjoint délégué aux ressources humaines.

Appréciation du Tribunal 48. L’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé des indications suffisantes lui permettant de déterminer si la décision litigieuse est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité et, d’autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel par le Tribunal.

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49. L’obligation de motivation suppose, dès lors, que le destinataire d’une décision faisant grief soit mis à même de comprendre, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte, l’étendue de cette obligation devant être appréciée en fonction des circonstances concrètes de chaque espèce. 50. À ce titre, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et elle est suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques essentielles à l’économie de la décision, de sorte que l’auteur de l’acte n’est pas obligé d’expliciter davantage les raisons l’ayant conduit à adopter la décision en cause. Cependant, une décision est suffisamment motivée si elle est intervenue dans un contexte connu de l’agent concerné, susceptible de lui permettre de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. 51. Dans les cas d’espèce, il est constant, d’une part, que lors d’un entretien avec leur chef à l’époque des faits, les deux requérants ont été informés de la décision prise par la partie défenderesse de restructurer l’UPR et de réduire l’effectif de celle-ci. Lors de cet entretien, les requérants ont également été informés par la partie défenderesse que, à la suite de cette restructuration portant suppression de leurs postes à l’UPR, ils seraient néanmoins transférés à la FSQG. En ce sens, les décisions attaquées indiquent explicitement qu’elles sont intervenues dans le cadre d’une restructuration de l’UPR qui, pour autant, s’accompagnait d’un transfert des deux requérants de l’UPR vers la FSQG. 52. Il résulte de ce qui précède que la partie défenderesse a exposé aux requérants les considérations juridiques essentielles à l’économie des décisions attaquées. Dès lors, l’adoption de ces décisions est intervenue dans un contexte connu des deux requérants, de nature à leur permettre de comprendre la portée des mesures prises à leur égard. 53. D’autre part, à supposer que la motivation précitée soit insuffisante, comme le prétendent à tort les requérants, puisqu’elle ne contiendrait aucun élément concret justifiant le choix de la partie de défenderesse de les transférer, il est permis à l’administration de pallier l’insuffisance initiale de la motivation de sa décision par des précisions complémentaires apportées lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé dispose déjà d’éléments constituant un début de motivation. 54. Or, tel est le cas en l’espèce. En effet, avant l’introduction des recours des requérants, la partie défenderesse a séparément expliqué à ceux-ci que le choix de garder ou non certains membres au sein de l’UPR avait été effectué sur la base d’«une revue de la performance individuelle» de chacun des membres de cette Unité. Cette précision complémentaire s’ajoute donc à la motivation initiale des décisions attaquées selon laquelle ces décisions ont été adoptées dans le cadre d’une restructuration de l’UPR.

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55. Quant aux arguments invoqués par les deux requérants sur la question de savoir si les motifs invoqués sont valables, il convient de constater que, cette question se rapportant au fond des affaires, elle doit être examinée séparément du moyen tiré de l’obligation de motivation. Il en va de même des arguments visant à démontrer que les décisions attaquées ont été adoptées aux termes d’un processus dénué de transparence. 56. Il découle de ce qui précède que la partie défenderesse a respecté les exigences qui découlent de l’obligation de motivation des décisions attaquées et que, dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 4.1.1, 4.12 et 57.4 du RPC

Arguments des parties 57. Dans le cadre de ce moyen, les requérants soutiennent que la partie défenderesse n’a pas respecté les conditions d’application des dispositions du RPC relatives aux conditions de transfert d’un agent de l’OTAN vers un autre poste et ce, en particulier, en violation de son obligation de le consulter au préalable avant d’adopter les décisions litigieuses. 58. D’après les requérants, au lieu de prendre en considération leur avis avant de décider leur transfert, comme l’exige expressément l’article 57.4 du RPC, la partie défenderesse s’est limitée à indiquer aux requérants par courriers séparés qu’ils avaient été personnellement informés des décisions à intervenir. Il serait donc manifeste que les décisions attaquées seraient intervenues sans aucune consultation préalable des requérants et ce, en violation évidente des dispositions précitées du RPC. En outre, selon les requérants, à partir du moment où les décisions attaquées se sont référées à la revue «de la performance individuelle» de chacun d’eux, la partie défenderesse ne saurait se soustraire de ses obligations résultant des conditions d’applications de l’article 57.4 du RPC et, dès lors, elle aurait dû solliciter préalablement leur avis. 59. Une telle obligation s’imposerait davantage, selon les requérants, à la partie défenderesse, en vertu du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. En effet, avant l’adoption des décisions attaquées, et afin de mettre en balance les intérêts des agents, la partie défenderesse devrait recueillir au préalable l’avis des requérants. Faute de cette consultation préalable, les droits de la défense des requérants ne seraient pas non plus respectés. 60. La partie défenderesse rétorque que les décisions litigieuses ont été adoptées dans le cadre des compétences et du large pouvoir discrétionnaire dont dispose le Secrétaire général pour restructurer l’UPR. Dans ces conditions, le transfert des requérants de l’UPR vers la FSQG ne s’inscrirait pas dans le cadre de l’article 57.4 du RPC et, partant, il n’aurait pas méconnu cette disposition, ni violé le principe de bonne administration et du devoir de solitude, pas plus que le principe du respect des droits de la défense.

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Appréciation du Tribunal 61. Conformément à l’article 4.1.1 du RPC:

(d)ans l’intérêt du service, un chef d’organisme OTAN peut, après avoir consulté l’intéressé(e), transférer un agent vers un autre poste situé sur le même lieu géographique.

62. L’article 57.4 du RPC prévoit que:

(d)ans le cadre d’un système de gestion des performances, le chef d’organisme OTAN peut transférer un agent, après avoir pris en compte son opinion, à un autre poste situé au même endroit, assorti du même grade et comportant le même niveau de responsabilité, pour lequel l’intéressé possède les qualifications et l’expérience requises.

63. Il convient de constater d’emblée que le moyen des requérants tiré de la violation des dispositions des articles précités est fondé sur une prémisse erronée. En effet, le transfert des requérants de l’UPR à la FSQG a été décidé dans le cadre d’une restructuration de l’UPR à la suite de la réduction de son effectif et non pas dans le cadre du transfert normal d’un agent d’un poste à un autre «dans l’intérêt de service», au sens desdites dispositions. Dès lors, dans le cadre des décisions prises à leur encontre, les deux requérants ne relèvent pas du champ d’application des articles 4.1.1 et 57.4 du RPC. 64. A cet égard, il importe de préciser que, dans le cadre d’une suppression de postes, comme tel est le cas en l’espèce, les agents concernés se trouvent «en surnombre», au sens de l’article 57.2 du RPC qui prévoit que:

(t)out agent venant à se trouver en surnombre a la faculté de poser sa candidature,

dans l’Organisation, à un poste vacant de même grade, cette candidature devant être examinée en priorité avant qu’il ne soit procédé à toute forme de recrutement.

Dans ce contexte, il n’incombe pas à l’administration de consulter préalablement l’intéressé, comme le prétendent les deux requérants, pas plus que cette absence de consultation ne constitue une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. 65. En revanche, force est de constater que les décisions prises par la partie défenderesse de procéder au transfert des agents en question de l’UPR à la FSQG démontrent clairement que, en vertu précisément des exigences découlant du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude – et contrairement donc à ce que prétendent les requérants –, la partie défenderesse a mis en balance les intérêts des intéressés et leur a proposé de les transférer. 66. Cependant, le fait que la partie défenderesse a appliqué par analogie lors de la détermination du choix des personnes à transférer la condition liée «au système des performances» des intéressés, visée par l’article 57.4 du RPC, ne lui impose aucune obligation de consulter les intéressés préalablement à cette décision. Ceci étant, ainsi

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qu’il résulte des pièces déposées devant le Tribunal, les intéressés étaient informés de cette option offerte par la partie défenderesse et ils avaient le choix soit d’accepter cette proposition, soit de faire valoir le cas échéant leur droits en application de l’article 57.2 du RPC, en cas de vacance d’un autre poste. 67. A cet égard, les requérants objectent que la partie défenderesse a violé le principe de bonne administration et son devoir de sollicitude, car des postes ont été vacants au sein de l’UPR et l’administration, sans les consulter, ne leur a pas proposé de les occuper. Il convient de constater que, comme les requérants le reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures, la vacance de ces postes est intervenue après leur transfert et il s’agissait, en toute hypothèse, de postes temporaires. Dès lors, à supposer que l’administration ait eu l’obligation de les consulter et de leur proposer les postes en question, en application du principe de bonne administration, la partie défenderesse leur a proposé un poste non temporaire, sans préjudice du droit pour les requérants de faire une demande pour occuper les postes en question. 68. Quant, enfin, à l’allégation tirée de la violation des droits de la défense des requérants durant cette procédure, il convient de constater que, avant d’adopter les décisions attaquées, la partie défenderesse avait communiqué aux requérants les appréciations qui justifiaient l’adoption de ces décisions et que les requérants ont eu l’occasion de contester le bien-fondé des décisions adoptées tant durant la procédure de réclamation que devant le Tribunal. Dans ces conditions, aucune violation des droits de la défense ne saurait non plus être alléguée. 69. Il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième moyen avancé par les deux requérants ne saurait être accueilli.

Sur le troisième moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination Arguments des parties 70. Dans le cadre de ce moyen, les requérants soutiennent, en premier lieu, que les décisions portant transfert de l’UPR à la FSQG les concernant ont été adoptées sans aucune transparence et en violation du principe de non-discrimination. En effet, la comparaison des performances individuelles des membres de l’UPR devrait être réalisée selon des critères objectifs afin d’assurer l’égalité de traitement entre les membres de cette Unité. Or, excepté une affirmation générale selon laquelle le choix de transfert des requérants est opéré dans le cadre de la comparaison de performances individuelles des membres de l’UPR, les décisions attaquées ne se réfèrent à aucun élément concret. De surcroit, selon les requérants, le Comité de réclamations ne mentionne dans ses rapports aucun élément permettant d’établir que, lors de la comparaison des performances individuelles des requérants, ceux-ci pouvaient être objectivement désignés comme les personnes à transférer.

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71. En deuxième lieu, les requérants font valoir que, ayant toujours réussi leurs tests d’aptitude, et l’évaluation de leurs performances, étant d’un bon niveau – car les objectifs qui leur ont été imposés étaient tous atteints – ils ne sauraient figurer, en toute hypothèse, parmi les personnes à transférer. Dès lors, les décisions attaquées seraient entachées d’une erreur d’appréciation. 72. En troisième lieu, les requérants considèrent que le transfert des requérants de l’UPR à la FSQG est totalement arbitraire, comme l’atteste un nouvel élément explicité dans les mémoires en défense, à savoir que les requérants ne bénéficieraient plus de la confiance du Secrétaire général et qu’ils ne seraient plus en mesure d’exécuter leurs fonctions dans le respect des exigences requises. Selon les requérants, leur bref entretien avec leur chef de service s’est limité à l’annonce de leur transfert, à la suite de la décision de restructurer l’UPR. L’allégation précitée de la partie défenderesse, avancée pour la première fois lors de la procédure écrite confirme, selon les requérants, que les décisions attaquées étaient fondées sur des prémisses manifestement discriminatoires. 73. En dernier lieu, quant aux considérations développées par le Comité de réclamations dans ses rapports concernant la revue de performance individuelle des requérants, en réponse à une question du Tribunal, les requérants, d’une part, les contestent et, d’autre part, font état du fait qu’ils ont eu une connaissance tardive de l’historique de la décision de restructuration et des autres allégations, ces rapports ayant été communiqués par la défenderesse dans ses mémoires en défense. 74. La partie défenderesse rétorque, tout d’abord, que les requérants n’avancent aucun argument concret ni aucun élément de fait pertinent permettant d’établir que les décisions litigieuses ont été adoptées sur la base de considérations discriminatoires à leur encontre. 75. Ensuite, la partie défenderesse insiste sur le fait que les deux requérants étaient informés, lors de leur entretien avec leur chef, de ce que leurs décisions de transfert étaient également justifiées par le fait qu’ils n’étaient plus en mesure d’exécuter leurs fonctions dans le respect des exigences requises. Dès lors, elle conclut que les requérants disposaient de tous les facteurs pertinents justifiant les décisions prises quant à leur transfert de l’UPR à la FSQG et, partant, aucun grief discriminatoire ne saurait être invoqué. 76. Enfin, la partie défenderesse, en réponse aux allégations des requérants, soutient que les rapports du Comité de réclamations faisaient clairement état de ce que les discussions pour restructurer le service étaient suffisamment avancées et que les requérants étaient identifiés comme des personnes qui n’étaient pas enthousiasmées par les nouvelles formes de gestion préconisées par leur supérieur et que, en toute hypothèse, d’autres membres de l’UPR avaient de meilleures performances individuelles.

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Appréciation du Tribunal 77. Le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. 78. Dans le cadre du troisième moyen, les requérants font en substance valoir, en premier lieu, que les décisions attaquées seraient entachées d’une illégalité, puisqu’elles ne se réfèrent à aucun élément objectif permettant de constater que le transfert des requérants était, en réalité, fondé sur un examen comparatif des performances individuelles des membres de l’UPR. Dès lors, alors que leur situation était comparable à celle des autres membres de l’UPR, ils auraient subi un traitement discriminatoire en ayant été choisis pour faire l’objet d’un transfert de l’UPR à la FSQG. 79. Toutefois, les requérants ne font état d’aucun élément factuel ou autre susceptible d’établir l’existence d’une quelconque discrimination par rapport aux autres membres de l’UPR. 80. L’absence d’un élément permettant, à tout le moins, de présumer l’existence d’une discrimination n’est pas remise en cause par l’affirmation des requérants selon laquelle la partie défenderesse n’aurait pas pris en compte le fait que l’évaluation de leurs performances individuelles était d’un bon niveau, puisque, à la supposer établie, l’absence de prise en compte de cette considération n’est pas de nature, à elle seule, à caractériser une discrimination par rapport aux autres membres de l’UPR. 81. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que, en tout état de cause, les décisions attaquées devraient déterminer, dans le cadre de la revue de leurs performances individuelles, les éléments concrets qui ont conduit la partie défenderesse à choisir les personnes à transférer. 82. A cet égard, il y a lieu de considérer que la détermination de ces éléments est fonction du pouvoir d’appréciation dont dispose la partie défenderesse et, en l’occurrence, le Secrétaire général de l’OTAN, pour déterminer ceux des critères pertinents en vertu desquels sera effectué le choix des personnes affectées à l’UPR. 83. A ce titre, il importe de constater, ainsi qu’il ressort des rapports du Comité de réclamations, qu’a été clairement mis en évidence le fait que le choix concernant le transfert des requérants reposait sur des critères bien établis par la partie défenderesse, sans que cela entraîne une violation des règles du RPC. Dans ces rapports, il a été clairement fait mention des critères ayant conduit la partie défenderesse à transférer les requérants à la FSQG, à savoir la circonstance que les performances des requérants n’étaient pas les meilleures parmi les membres de l’UPR et qu’ils manquaient de motivation dans le cadre du projet de la réorganisation de l’Unité. Eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose la partie défenderesse dans le cadre de la restructuration de l’UPR, ces critères étaient suffisants pour choisir les personnes à transférer.

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84. Concernant, en troisième lieu, l’allégation des requérants selon laquelle la revue de leurs performances individuelles exige le respect de certaines règles garantissant que les droits des agents concernés soient préservés, il y a lieu de relever que la partie défenderesse dispose du pouvoir d’apporter les modifications qu’elle estime conformes à l’intérêt du fonctionnement de l’UPR, sous réserve que soient sauvegardés les droits acquis par les agents de cette Unité. Or, tel est le cas en l’espèce, puisque, en tenant compte précisément du fait que les requérants ont exercé leur fonctions auprès de l’OTAN pendant plus de dix et quatorze ans, respectivement, la partie défenderesse les a transférés à la FSQG. 85. En dernier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel les décisions litigieuses n’ont pas été adoptées selon un processus transparent, ce grief à lui seul ne saurait être de nature à les invalider. S’il est certes vrai que le processus qui a été suivi par la partie défenderesse pouvait apparaître comme non transparent, force est de constater que le fonctionnement particulier de l’UPR, en rapport avec des considérations de sécurité élevée, exige que certaines règles de fonctionnement demeurent confidentielles. Or, contrairement à ce qui a été soutenu par les requérants, la partie défenderesse a mis en balance les intérêts du service et a communiqué aux requérants uniquement les éléments permettant de garantir le bon fonctionnement de l’UPR. 86. Il s’ensuit que les décisions litigieuses ne sont pas fondées sur des critères arbitraires quant aux choix de la partie défenderesse de procéder à leur transfert de l’UPR vers la FSQG; dès lors, elles ne portent pas atteinte au principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. 87. Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit également être rejeté; les autres moyens avancés par les requérants ayant été écartés, il convient de rejeter les conclusions en annulation dans les affaires nos 889 et 890 dans leur ensemble.

(b) Sur les conclusions en indemnité 88. Dans ce chef de conclusions, les requérants prétendent avoir subi du fait des décisions attaquées un préjudice matériel lié à la perte, d’une part, de l’indemnité de protection rapprochée et, d’autre part, du bénéfice des heures supplémentaires obligatoires payées. En outre, les requérants prétendent que les décisions attaquées ont une incidence directe sur leur mode de vie personnelle et professionnelle et leur causent également un préjudice moral distinct. 89. La partie défenderesse rétorque que, en toute hypothèse, les requérants ne peuvent pas prétendre au bénéfice des indemnités et autres avantages liés aux fonctions exercées au sein de l’UPR après leur transfert à la FSQG. 90. Le Tribunal estime que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec des conclusions en annulation, qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées.

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91. En l’espèce, l’examen des moyens présentés au soutien des conclusions en annulation des requérants n’ayant révélé aucune illégalité commise par la partie défenderesse, et donc aucune faute de nature à engager la responsabilité de cette dernière, les conclusions en indemnité pour le préjudice prétendument subi par les requérants dans les affaires nos 889 et 890, du fait des irrégularités alléguées, doivent également être rejetées comme non fondées. (c) Sur les demandes de communication des rapports du Comité de réclamations 92. La partie défenderesse ayant produit le rapport du Comité de réclamations dans son mémoire en défense dans chacune des affaires en cause, les conclusions des requérants tendant à sa communication sont devenues sans objet. 93. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les recours dans les affaires nos 889 et 890 doivent être rejetés et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande des requérantes portantes communications des rapports du Comité de réclamations. E. Frais

94. Aux termes de l’article 4.8.3 de l’annexe IX au règlement du personnel civil de l’OTAN:

au cas où elle a admis le bien-fondé d’une requête, la commission ordonne que l’organisme de l’OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais exposés par le requérant.

95. Dès lors, ces dispositions font obstacle à ce que les deux requérants, dont l’ensemble des conclusions en annulation et en indemnité ont été rejetées, se voient allouer une quelconque somme à ce titre.

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F. Décision Pour ces motifs, le Tribunal décide et déclare que:

- Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requérants tendant à la

communication des rapports du Comité de réclamations. - Le recours de M. PL est rejeté. - Le recours de M. AL est rejeté. - Le cautionnement versé par chaque requérant lui sera remboursé.

Fait à Bruxelles, le 8 novembre 2013.

(signé) Chris de Cooker, Président (signé) Laura Maglia, Greffière a.i.

Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia

NORTH ATLANTIC TREATY ORGANIZATION ORGANISATION DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD

ADMINISTRATIVE TRIBUNAL TRIBUNAL ADMINISTRATIF

Boulevard Léopold III - B-1110 Bruxelles - Belgique Tel: +32 2 707 38 31 - Bureau/Office: FD 205 – E-mail: [email protected]

19 novembre 2013 AT-J(2013)0006

Jugement

Affaire n° 883

CP,

partie requérante

contre

Agence OTAN de soutien,

partie défenderesse

Bruxelles, le 14 novembre 2013

Original: Français

Mots clés: autorité de la chose jugée par une précédente décision de la Commission de recours, autorité ne valant que si l’administration entend prendre une décision identique sur le même fondement légal, licenciement au terme de 21 mois de congé de longue maladie.

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(Page blanche)

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Le collège du Tribunal administratif de l’OTAN, composé de M. Chris de Cooker, Président, MM. Laurent Touvet et Christos Vassilopoulos, juges, ayant pris connaissance du dossier et à la suite de l’audience qui s’est tenue le 10 septembre 2013, rend le présent jugement. A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l'Organisation du traité de l’Atlantique Nord (ci-après «l’OTAN») a été saisi d'un recours présenté le 29 octobre 2012 et enregistré le 31 octobre 2012, par Mme CP contre l’Agence OTAN de soutien (NSPA, anciennement NAMSA). La requérante est actuellement une ancienne employée de la NSPA. 2. Les observations en défense, datées du 10 janvier 2013, ont été enregistrées le 18 janvier 2013. Les observations en réplique, datées du 22 février 2013, ont été enregistrées le 28 février 2013. 3. Le recours précité a été déposé devant la Commission de recours, avant le 1er juillet 2013, date d'entrée en vigueur du douzième rectificatif au règlement du personnel civil de l'OTAN (RPC), qui a, inter alia, institué le Tribunal administratif de l’OTAN (ci-après le «Tribunal»).

4. En application des dispositions transitoires prévues à l’article 6.10 de la «nouvelle» annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l’OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au Tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO(73)151, du 22 novembre 1973).

5. Le collège du Tribunal a tenu audience le 10 septembre 2013 au siège de l'OTAN. Il a entendu les arguments de Maître JB, du cabinet B Legal, établi à Bruxelles, représentant la requérante, ainsi que les arguments de M. SL, conseiller juridique adjoint de la NSPA, M. FP, chef de la division Ressources humaines de la NSPA, en la présence de M. EG, conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l'OTAN, de M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l'OTAN, et de Mme Laure Maglia, greffière par intérim. B. Exposé des éléments de fait 6. Les éléments de fait peuvent être résumés comme suit. 7. Mme CP, employée à l’Agence OTAN d’entretien et d’approvisionnement (NAMSA) comme technicienne logisticienne depuis 1984, a été placée en congé de maladie le 3 mai 2010 puis en congé de longue maladie à compter du 3 août 2010. Après avoir diligenté un examen médical de Mme P, la compagnie Van Breda a informé la NAMSA le 6 mai 2011 que Mme P «devrait être en état de prendre ses

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activités professionnelles le 16 mai 2011». Le 11 mai 2011, le chef de la division des ressources humaines de la NAMSA a demandé à Mme P de reprendre son travail le 16 mai 2011. Devant la brièveté du préavis imparti, Mme P a demandé et obtenu de la NAMSA de pouvoir prendre son reliquat de congés annuels et de ne reprendre son service que le 14 juin 2011. 8. Ayant reçu du chef de la division des ressources humaines de la NAMSA la demande de reprendre son service dans les jours qui suivaient, Mme P a, par courrier du 9 juin 2011, d’une part adressé une réclamation et demandé la convocation d’un comité de réclamation, d’autre part demandé que soit mise en œuvre la procédure de recours prévue par la convention liant la compagnie Van Breda International et l’OTAN. La NAMSA n’a donné suite à aucune de ces deux demandes et a poursuivi la procédure engagée en réduisant la rémunération de Mme P dès le 10 juin 2011, puis en mettant fin à son contrat à compter du 30 juin 2011 par une décision prise le 28 juin 2011 et notifiée le 5 juillet. 9. Saisie par Mme P de la légalité de cette décision de résiliation de son contrat, la Commission de recours de l’OTAN a statué par une décision n°840-845-849 du 1er juin 2012 en considérant

qu’il appartient (…) à l’administration, saisie d’une demande de réunion d’un comité de réclamation, de faire droit à cette demande, à la seule exception des demandes manifestement abusives, ce qui n’était pas le cas en l’espèce; qu’il lui appartient aussi lorsqu’elle envisage de mettre fin à un contrat d’un agent en congé de longue maladie que les experts médicaux ont jugé apte à reprendre le travail mais qui prétend ne pas être en état de la faire, de l’informer de la faculté d’utiliser la procédure d’arbitrage prévue par l’article 7 de la convention liant la compagnie Van Breda International et l’OTAN, ou de la mettre en œuvre elle-même si l’agent lui a demandé de le faire; qu’en l’espèce, l’administration n’a ni informé l’agent des moyens d’obtenir la révision de l’avis de la compagnie Van Breda ni mis en œuvre la procédure d’arbitrage malgré la demande exprimée en ce sens par l’agent.

10. La Commission de recours en a conclu

qu’il résulte de ce qui précède que la décision du 28 juin 2011 a été prise au terme d’une procédure irrégulière et doit être annulée; que cette annulation entraîne l’obligation pour l’administration, si elle manifeste toujours l’intention de mettre fin au contrat de Mme P, de mettre en œuvre la procédure d’arbitrage prévue par l’article 7 de la convention liant Van Breda à l’OTAN pour déterminer si un licenciement peut être décidé malgré les raisons médicales invoquées par Mme P, puis, si la requérante persiste dans sa demande, de réunir le comité de réclamations (décisions de la Commission de recours n°400 du 13 juillet 2000, n°772 et 773 du 10 décembre 2010).

La Commission a décidé l’annulation de la décision de résiliation du contrat de Mme P et sa réintégration dans ses fonctions. 11. En outre, s’agissant des préjudices dont Mme P demandait la réparation, la Commission de recours a jugé que

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l’annulation de la décision de mettre fin au contrat d’un agent entraîne sa réintégration dans ses fonctions et, en l’absence de service fait, le paiement d’une indemnité égale à différence entre les émoluments qu’il aurait perçus au cours de cette même période dans son emploi et les revenus de nature professionnelle qu’il a éventuellement perçus pendant son éviction illégale.

Elle a renvoyé Mme P devant son employeur pour déterminer le montant exact de cette indemnité; elle lui a en outre accordé € 5000 au titre du préjudice moral. 12. Pour donner suite à cette décision de la Commission de recours du 1er juin 2012, le directeur général de la NSPA a adressé divers courriers à Mme P lui indiquant les conditions dans lesquelles il s’apprêtait à appliquer la décision de la Commission de recours. En particulier il l’a informé le 6 août 2012 que la décision du 28 juin 2011 était considérée comme nulle et non avenue; le 17 août 2012 il l’a informée du décompte détaillé des sommes dues; le 23 août 2012 il l’a informée de la mise en œuvre de la procédure d’arbitrage prévue par l’annexe 7 de la convention liant la compagnie Allianz Worldwide Care (organisme de couverture médicale qui a remplacé la Van Breda) et l’OTAN. Le directeur général de la NSPA a reçu dans les derniers jours d’août un nouveau certificat médical selon lequel Mme P était en incapacité de travail à 100% jusqu’au 31 août 2012 puis à 50% «pendant environ un mois». Cependant Mme P ne s’est pas présentée au travail le 3 septembre 2012, premier jour ouvrable où elle était apte à travailler à 50%. En conséquence, le directeur général de la NSPA a décidé le 3 septembre 2012 de mettre fin au contrat de Mme P avec effet immédiat sur le fondement de l’article 45.7.3 du Règlement du personnel civil. Mme P a demandé l’annulation de cette décision à la Commission de recours, dont le tribunal administratif de l’OTAN, qui a pris sa suite le 1er juillet 2013, est compétent pour en connaître. C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyens de la requérante 13. La requérante soutient :

- que l'administration n'a pas respecté les termes de la décision de la Commission de recours du 1er juin 2012 qui lui faisait obligation de mettre en œuvre la procédure d'arbitrage prévue par l'article 7 de la convention liant cette société à l'OTAN;

- qu'elle n'était, depuis septembre 2012, qu'en congé maladie à mi-temps; - que l'employeur ne pouvait pas mettre un terme au contrat sans préavis, dès

lors que Me P n'a commis aucune faute; - que les décisions de licenciement successives traduisent un acharnement qui a

causé un préjudice moral à la requérante; et - que les salaires versés par l'employeur ne respectent pas la chose jugée par la

Commission de recours le 1er juin 2012. 14. La requérante demande:

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- l’annulation de la décision du 3 septembre 2012 par laquelle le directeur général de la NSPA a mis fin à son contrat à compter du 3 mai 2012;

- sa réintégration dans les effectifs de la NSPA; - le paiement de sa rémunération du 2 mai 2012 au 3 septembre 2012, ou jusqu’à

la date de sa réintégration, cette somme étant évaluée à € 30.000; - la réparation des préjudices matériels et moraux subis, évaluée à la somme

globale de € 350.000, cette somme étant augmentée des intérêts légaux à compter du 3 septembre 2012; et

- le remboursement des frais de voyage, de séjour et de conseil occasionnés pour sa défense.

(ii) Principaux moyens de la défenderesse 15. La défenderesse soutient que:

- l’administration a entièrement appliqué la décision de la Commission de recours en ce qui concerne le versement des salaires; et

- l'administration pouvait licencier à nouveau Mme P en se fondant sur un autre motif que celui qui fondait le premier licenciement annulé par la Commission, et constater que le délai de 21 mois de congé de longue maladie était expiré, ce qui mettait ipso facto un terme au contrat.

16. La défenderesse conteste la recevabilité de la demande de la requérante visant à obtenir une décision en versement d’émoluments à partir de 2 mai 2012. 17. La défenderesse demande que le recours soit déclaré irrecevable et non fondé et le rejet de toutes les demandes qui auraient été déclarées recevables. D. Considérations et conclusions (i) Considérations relatives à la recevabilité 18. La défenderesse invoque l’irrecevabilité en ce qui concerne la demande d’une décision en versement d’émoluments à partir de 2 mai 2012 avec l’argument que, d’une part, le recours n’est pas dirigé contre une décision émanant de la défenderesse, et, d’autre part, que la Commission de recours avait déjà tranché la question de l’attribution d’émoluments. 19. La question d’attribution d’émoluments à partir de 2 mai 2012 étant une question de fond, qui sera considéré infra, le recours est recevable. (ii) Examen quant au fond

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(a) Sur la légalité de la décision du 3 septembre 2012 mettant fin au contrat de la requérante

20. Aux termes de l’article 45.7.3 du Règlement du personnel civil

Le congé de longue maladie peut être considéré par le chef d’organisme OTAN comme une cause de résiliation du contrat aux conditions stipulées dans ce dernier. Toutefois, la cessation des fonctions ne deviendra effective que lorsque l’une des conditions stipulées à l’article 45.7.1 sera remplie.

21. Le directeur général de la NSPA ne pouvait pas se fonder sur la situation de congé de longue maladie pour mettre fin avec effet immédiat au contrat d’un agent. L’application de l'article 45.7.3 implique l’appréciation des circonstances de chaque espèce et nécessite que l’agent à l’encontre duquel l’administration s’apprête à prendre une telle décision puisse la discuter, et ensuite recevoir notification de la décision adoptée. Ainsi, la requérante est fondée à demander l’annulation de cette décision en tant qu’elle prend effet au 3 septembre 2012; sa prise d’effet doit être fixée au premier jour du mois suivant la date de notification, c'est-à-dire au 1er octobre 2012. 22. Mais aux termes de l’article 45.7.1 du Règlement du personnel civil

Les agents absents pendant plus de 3 mois consécutifs pour cause de maladie ou d’accident dûment reconnus en vertu de l’article 45.2 ci-dessus ont droit à un congé de longue maladie avec salaire, pendant une période maximum de 21 mois consécutifs, ou jusqu’à ce qu’ils/elles aient été reconnu(e)s, soit aptes à reprendre leur travail, soit frappé(e)s d’invalidité permanente aux termes de la police d’assurance-groupe ou par la commission d’invalidité créée au titre du régime de pensions coordonné, selon le cas, ou jusqu’à la fin du mois au cours duquel ils/elles atteignent l’âge de 65 ans, la plus courte des trois périodes étant retenue. Au cours des 9 premiers mois d’absence, les émoluments (y compris, s’il y a lieu, les cotisations à la Caisse de prévoyance ou au régime de pensions à cotisations définies) sont versés par l’Organisation, les autres mois étant couverts à hauteur de 80 % par le régime d’assurance groupe. Le congé de maladie d’agents ayant une rechute dans un délai de 2 mois à compter de la reprise de leurs fonctions ne sera pas considéré comme interrompu.

23. La requérante s’est trouvée de façon ininterrompue en congé de maladie du 3 mai au 3 août 2010 puis de longue maladie du 3 août 2010 à la date de la séance tenue en septembre 2013 pour statuer sur la présente requête, ainsi qu’en attestent les certificats de maladie qu’elle a envoyés régulièrement à la NSPA et qui couvrent intégralement cette période. En application de la dernière phrase de l’article 45.7.1 précité, cette situation n’a pas été interrompue par le congé annuel accordé à la requérante du 16 mai au 14 juin 2011 pour lui permettre de prendre ses dispositions de retour à Luxembourg après qu’elle a été déclarée apte à reprendre son travail. L’administration était donc en droit, à compter du 3 mai 2012, terme de la période de 21 mois prévu à l’article 45.7.1, de mettre fin au contrat de la requérante sur ce fondement. Ainsi, sans que l’autorité de la chose jugée par la décision n°840-845-849 du 1er juin 2012 soit méconnue dès lors que le motif de licenciement diffère de celui retenu par l’administration quand elle a pris la décision du 28 juin 2011, l’administration pouvait à tout moment postérieur au 3 mai 2012, constater la fin du contrat de la

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requérante. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, cette date ne pouvait dans les circonstances de l’espèce être antérieure au 1er octobre 2012. 24. Enfin, la requérante soutient que les stipulations de l’article 7 de son contrat imposeraient alors un préavis de 90 jours. Cependant le constat de la cessation du travail au terme d’un congé de longue maladie de 21 mois fait une exacte application de l’article 45.7.1 du Règlement du personnel civil qui décrit la procédure applicable aux cessations de contrats intervenues pour une forme d’incapacité de service mentionnée à l’article 9.1 de ce même Règlement. Les stipulations de l’article 7 du contrat ne peuvent avoir pour effet de faire obstacle à l’application de l’article 45.7.1, d’autant plus que ce contrat stipule aussi que le Règlement du personnel civil s’y applique (voir, décision du 7 février 2013 de la Commission de recours de l’OTAN affaires nos 839-863-864). 25. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu pour le tribunal de constater que la relation de travail de la requérante a pris fin sur le fondement de l’article 45.7.1 du Règlement du personnel civil à compter du 1er octobre 2012. (b) Sur les conclusions indemnitaires de la requérante, notamment la réparation des

préjudices subis 26. En premier lieu, la requérante demande le bénéfice de l’indemnité pour perte d’emploi prévue à l’article 10.7 du Règlement du personnel civil et à l’annexe V à ce Règlement; qu’en application de l’article 10.7 du Règlement

Tout agent dont le contrat de durée indéterminée est résilié et qui remplit les conditions établies par le Conseil a droit au versement d’une indemnité selon les stipulations de l’annexe V.

Mais la cessation d’un contrat pour cause de longue maladie n’est pas au nombre des motifs prévus par le paragraphe (2) de l’article 1er de l’annexe V. Les prétentions de la requérante à ce titre doivent donc être rejetées. 27. En deuxième lieu, l’annulation de la décision de mettre fin au contrat d’un agent entraîne sa réintégration dans ses fonctions pour la période considérée et, en l’absence de service fait, le paiement d’une indemnité égale à différence entre les émoluments qu’il aurait perçus au cours de cette même période dans son emploi et les revenus de nature professionnelle qu’il a éventuellement perçus pendant son éviction illégale. En l'espèce, si la décision attaquée a mis fin au contrat de la requérante à compter du 3 septembre 2012, la NSPA ne lui a versé les sommes prévues par la décision de la Commission de recours du 1er juin 2012 que pour une période courant jusqu’au 2 mai 2012. La requérante est dès lors renvoyée devant la NSPA pour déterminer le montant exact de cette indemnité à laquelle elle a droit pour la période du 3 mai au 1er octobre 2012; ces sommes seront augmentées du taux d’intérêt de la Banque centrale européenne. 28. En troisième lieu, l’attitude de la NSPA au cours de l’été 2012, en particulier ses hésitations, ses changements inexpliqués de position et la brutalité de ses contacts

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avec la requérante a causé à celle-ci un préjudice moral que le tribunal évalue à la somme de € 10.000 que la NSPA lui versera en réparation. 29. Le surplus des conclusions indemnitaires, que la requérante a chiffrées à un total de € 350.000, n’est étayé par aucun élément de nature à l’établir. E. Frais 30. Aux termes de l’article 4.8.3 de l’annexe IX au règlement du personnel civil de l’OTAN, dans sa version applicable au litige

Au cas où elle a admis le bien fondé d’une requête, la commission ordonne que l’organisme de l’OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais justifiés exposés par le requérant.

31. Dans les circonstances de l’espèce, la présence à l’audience de la requérante était indispensable. Il y a donc lieu de lui rembourser ses frais de séjour et de voyage, dans la limite des tarifs afférant à son grade, et les frais afférents à son conseil, dans la limite de € 4.000.

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F. Décision Pour ces motifs, le Tribunal décide et déclare que:

- La décision du 3 septembre 2012 par laquelle le directeur général de la NSPA a décidé de mettre fin au contrat de Mme P, est annulée en tant qu’elle prend effet au 3 septembre et non au 1er octobre 2012.

- La NSPA versera à Mme P, en réparation du préjudice matériel, une indemnité égale à la différence entre les émoluments qu’elle aurait perçus du 2 mai au 1er octobre 2012 dans son emploi et les revenus de nature professionnelle qu’elle a éventuellement perçus pendant son éviction illégale. Ces sommes porteront intérêt au taux de la Banque centrale européenne.

- La NSPA versera à Mme P une somme de € 10.000 en réparation du préjudice moral qu’elle a subi.

- La NSPA remboursera à Mme P ses frais de séjour et de voyage exposés pour sa présence à l’audience, dans la limite prévue pour les agents de son grade, et les frais afférents à son conseil, dans la limite d’une somme de € 4.000.

- Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. - Le cautionnement versé par Mme P lui sera remboursé.

Fait à Bruxelles, le 14 novembre 2013.

(signé) Chris de Cooker, Président (signé) Laura Maglia, Greffière a.i.

Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia

NORTH ATLANTIC TREATY ORGANIZATION ORGANISATION DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD

ADMINISTRATIVE TRIBUNAL TRIBUNAL ADMINISTRATIF

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18 novembre 2013 AT-J(2013)0007

Jugement

Affaire n° 891

JA,

requérante

contre

le Centre de guerre interarmées de l'OTAN,

défendeur

Bruxelles, le 14 novembre 2013

Original: anglais

Mots clés: révocation pour motif disciplinaire; divulgation d'informations internes.

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(Page blanche)

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Un collège du tribunal administratif de l'OTAN composé de M. Chris de Cooker, président, et de Mme Maria-Lourdes Arastey Sahún et M. Laurent Touvet, juges, ayant pris connaissance du dossier et suite à l'audience qui s'est tenue le 10 septembre 2013, rend le présent jugement.

A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l’OTAN a été saisie d’un recours en date du 23 janvier 2013 contre le Centre de guerre interarmées de l'OTAN (JWC), présenté le 6 février 2013 par Mme JA.

2. Les observations en défense, datées du 24 avril 2013, ont été enregistrées le 25 avril 2013. Les observations en réplique, datées du 10 mai 2013, ont été enregistrées le 30 juillet 2013.

3. Le recours a été déposé avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2013, du rectificatif n° 12 au Règlement du personnel civil (RPC) de l'OTAN, par lequel a été modifiée l'annexe IX à ce règlement et a, notamment, été établi le tribunal administratif de l'OTAN. En application des dispositions transitoires prévues à l’article 6.10 de la «nouvelle» annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l’OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO/73/151, du 22 novembre 1973). 4. Le collège du tribunal a tenu audience le 10 septembre 2013, au siège de l’OTAN. Il a entendu les arguments de Mme A, qui se représentait elle-même, ainsi que ceux du capitaine de vaisseau AW, conseiller juridique au JWC, de M. DC, gestionnaire des ressources humaines civiles au JWC, de M. LB, conseiller juridique à l'Élément d'état-major Europe de l'ACT, et de Mme AT, sous contrat à l'Élément d'état-major Europe de l'ACT, qui représentaient le défendeur, en la présence de M. EG, conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l'OTAN, de M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l'OTAN, et de Mme Laura Maglia, greffière par intérim. 5. Au cours de l'audience, les parties ont reçu copie des pièces de la procédure introduite par la requérante devant la justice norvégienne. B. Exposé des éléments de fait 6. Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit.

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7. La requérante est entrée en fonction au Centre de guerre interarmées de l'OTAN le 1er novembre 2005 ; elle était alors titulaire d'un contrat initial pour le poste de grade B5 de responsable de la gestion du personnel. Le 1er novembre 2006, son contrat a été converti en contrat de durée indéterminée. Depuis le 1er juin 2010, ce poste a pour intitulé «chef du bureau des effectifs». En mars 2011, Mme A a introduit une réclamation auprès du commandant du JWC au motif que son poste était assorti d'un grade inapproprié, faisant valoir qu'il aurait dû être classé A3 à sa création, en 2003. Cette réclamation a été rejetée et, en juin 2011, la requérante a saisi la Commission de recours de l'OTAN. La Commission de recours a rejeté les prétentions de la requérante dans la décision n° 843 datée du 9 mars 2012. 8. Le 30 mars 2012, la requérante a informé le commandant du JWC par courrier électronique qu'elle allait envoyer un courriel à la presse nationale et internationale ainsi qu'à des instances politiques et militaires en Norvège. Quelques minutes plus tard, elle a effectivement envoyé différents courriels, dans lesquels elle exprimait son désaccord avec la décision de la Commission de recours et accusait l'OTAN de discrimination, d'infraction à la législation nationale et de non-respect de ses propres processus et procédures. Elle a joint à ces courriels des informations NATO DIFFUSION RESTREINTE, extraites du système informatique NATO SECRET. Le 2 avril 2012, elle a publié, sur le site iReport de CNN, un message intitulé «A political decision to unpower the Joint warfare Centre, NATO, Norway – by applying post grade discrepancy and consequently discriminate towards a NATO International Civilian employee?». Elle a ensuite publié des messages similaires sur Facebook le 5 avril 2012. 9. Le 3 avril 2012, la requérante a été informée que ses actes semblaient constituer, à première vue, un manquement à certaines obligations énoncées dans le RPC, et qu'elle était suspendue pendant la durée d'une enquête administrative sur cette question, conformément à l'article 60.2 du RPC. Il lui a également été demandé de supprimer et de retirer toute information et tout courriel ou document publiés sur des sites Internet publics ou envoyés à des particuliers pour faire parler de l'affaire, ainsi que tout élément pouvant être contraire aux protocoles de sécurité de l'OTAN. 10. La requérante a répondu par écrit aux questions qui lui ont été posées au cours de l'enquête. À la suite du rapport d'enquête, daté du 10 mai 2012, qui a également été communiqué à la requérante, une procédure disciplinaire a été engagée le 1er juin 2012. Une commission de discipline a été constituée le 18 juin 2012. Cette commission a entendu la requérante le 3 juillet 2012 et a soumis son rapport et ses recommandations au commandant du JWC le 4 septembre 2012. Selon ses conclusions, il était clairement établi que la portée et la gravité de plusieurs des actes commis, et non démentis, par la requérante donnaient au chef d'organisme OTAN un motif réel et valable de réclamer la révocation de la requérante. 11. Par une lettre datée du 7 septembre 2012, le commandant du JWC a informé la requérante de l'issue de la procédure disciplinaire et de sa décision de la révoquer avec effet immédiat, conformément à l'article 9.1(v) du RPC.

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12. Par la même lettre, la requérante a également été informée que compte tenu de son congé de maladie, la cessation de fonctions ne deviendrait effective que lorsque l'une des conditions énoncées à l'article 45.7.2 serait remplie. La requérante était, en effet, en congé de maladie depuis le 12 mars 2012 et en congé de longue maladie depuis le 12 mai 2012. 13. Le 7 novembre 2012, la requérante a adressé au commandant du JWC une demande en révision, dans laquelle elle contestait les motifs de la décision. Le 26 novembre 2012, le commandant du JWC a rejeté la demande en révision et confirmé la révocation. 14. Le présent recours est formé contre la décision du commandant du JWC datée du 26 novembre 2012. C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyens de la requérante 15. Dans sa requête, la requérante fait valoir que la décision de la révoquer a été prise en représailles à la diffusion d'informations liées à l'affaire n° 843 la concernant personnellement, acte qu'elle considère comme une dénonciation d'abus. La requérante affirme que cet acte n'avait pas pour objet de porter préjudice à l'Organisation, mais de mettre en évidence les dysfonctionnements de la restructuration de l'OTAN. Elle estime en outre que sa révocation sanctionne trop durement son erreur d'interprétation quant à son droit de divulguer la décision n°843, et elle déclare n'avoir commis aucun manquement sérieux à ses obligations et ne pas avoir agi en violation de son contrat d'emploi. La requérante exprime ses regrets pour son interprétation erronée et rappelle qu'elle a fait preuve de loyauté, d'intégrité et de professionnalisme au sein de l'Organisation. Elle ajoute avoir supprimé les informations diffusées sur les médias sociaux. 16. La requérante se dit victime d'une discrimination (fondée sur le sexe, la nationalité et les croyances religieuses) quant au classement de son poste au grade B5, lequel aurait dû correspondre à celui des postes équivalents dans d'autres organismes de l'OTAN. Elle allègue que le JWC a manqué à son obligation de mettre fin à cette discordance et à cette discrimination. La requérante excipe également d'un manque de communication avec le JWC et d'une absence de réaction lorsqu'elle a proposé de démissionner. 17. La requérante note que le RPC ne traite pas de questions telles que la discrimination fondée sur le sexe, les dénonciations d'abus ou les restrictions à l'utilisation des médias sociaux. Elle estime que les agents civils de l'OTAN ne bénéficient pas de la protection des droits de l'homme prévue dans le droit international et dans le droit interne, et elle indique que la discrimination et les mesures de représailles dont est victime le personnel du JWC l'ont incitée à lutter pour défendre

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ces droits devant les tribunaux. La requérante dit avoir saisi le tribunal d'instance de Stavanger, en Norvège. 18. La requérante conclut :

- à ce que sa révocation soit annulée à raison de son illégalité et à ce que son contrat de durée indéterminée soit maintenu;

- à ce que la mesure disciplinaire soit effacée de son dossier personnel; - à ce que le préjudice financier correspondant à la différence de salaire entre les

grades B5 et A3 de la date de son entrée en fonction en 2005 jusqu'à 2013 soit réparé;

- à ce que la différence d'émoluments entre les 80 % de son salaire plein versés par la compagnie d'assurance et les 100 % qu'elle aurait dû percevoir en vertu de son contrat lui soit versée;

- à ce que lui soit versé un montant de 100 000 couronnes norvégiennes en réparation du stress, des tensions, de la discrimination et de la révocation qui ont provoqué son congé de longue maladie;

- et à ce que lui soient remboursés les frais de conseil et de voyage. (ii) Principaux moyens du défendeur

19. Dans ses observations, le défendeur note que la cessation de fonctions de la requérante n'a pas encore pris effet, la requérante étant toujours en congé de longue maladie. Le défendeur affirme que la révocation faisait suite à l'envoi, par la requérante, de courriers électroniques à différents organes de presse norvégiens et internationaux et à des ministères norvégiens, ainsi qu'à la publication d'informations sur le site Internet de CNN et sur sa page Facebook entre le 30 mars et le 2 avril 2012. Les informations publiées contenaient des accusations infondées contre l'OTAN pour des faits, notamment, de discrimination, d'usage abusif de l'autorité militaire, de négligence et de non-respect de la réglementation interne de l'Organisation. Parmi elles figuraient aussi des informations NATO DIFFUSION RESTREINTE et NATO SANS CLASSIFICATION relatives à l'outil de revue du tableau d'effectifs de l'OTAN. Par conséquent, le non-respect, par la requérante, des obligations définies dans le RPC a conduit à sa suspension le 3 avril 2012 et à l'ouverture d'une enquête administrative sur cette question. Le 1er juin 2012, suite à l'enquête, une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de la requérante, conformément aux dispositions applicables du RPC. 20. Le défendeur note que la décision du 7 septembre 2012 de révoquer la requérante tenait compte des résultats de l'enquête administrative, de l'appréciation de la hiérarchie, du rapport de la commission de discipline ainsi que des observations présentées par la requérante lorsqu'elle a été entendue par la commission. Le défendeur note en outre que les rapports médicaux concernant la requérante n'indiquaient pas que sa santé avait joué un rôle dans ses actes. La décision de la révoquer a donc été prise à raison d'une infraction à l'article 13 du RPC, lequel dispose que:

Les agents signent la déclaration suivante au moment de leur recrutement : «Je prends l’engagement solennel d’exercer en toute loyauté, discrétion et conscience les fonctions qui m’ont été confiées en qualité de membre du personnel de l’OTAN et de m’acquitter

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de ces fonctions en ayant exclusivement en vue les intérêts de l’Organisation (...).» Les agents, en toute circonstance, conforment leur conduite à leur qualité de membre de l’Organisation. Ils/Elles s’abstiennent de tout acte ou de toute activité de nature à porter atteinte à la dignité de leurs fonctions ou au bon renom de l’Organisation.

ainsi qu'à l'article 12.2.5(b) du RPC:

[Les agents] ne peuvent pas, sauf lorsqu’ils/elles y sont autorisé(e)s dans l’exercice normal de leurs fonctions ou en vertu d’une autorisation préalable accordée par le chef d’organisme OTAN : (...) (b) faire ou communiquer des déclarations à la presse, à la radiodiffusion, à la télévision ou à d’autres organes d’information sur des questions ayant un rapport quelconque avec les objectifs et activités de l’Organisation; (…)

et à l'article 18.2 du RPC:

L’agent signe une déclaration dans laquelle : (a) il/elle prend la responsabilité de la sauvegarde des renseignements classifiés dont il/elle serait susceptible d’avoir connaissance au cours ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ; (b) il/elle s’engage à se conformer au Règlement de sécurité ; (…)

21. Le défendeur doute que les informations litigieuses aient été totalement supprimées dans les médias sociaux, et il estime que l'absence de dialogue avec la requérante au sujet de la communication d'informations aux médias et de leur publication sur des sites Internet était manifestement destinée à exercer des pressions sur l'Organisation. Il souligne en outre que l'Organisation dispose en son sein de différentes voies pour le traitement des réclamations relatives aux conditions d'emploi et de travail, et que l'OTAN en tant que telle n'est pas liée par le droit national ou international. De plus, aucune forme de censure ne frappe le droit à la liberté d'expression à condition que les informations divulguées ne portent pas atteinte aux intérêts légitimes de l'OTAN et de ses membres. 22. Le défendeur estime également que la discrimination alléguée relève de la spéculation et qu'elle n'est attestée par aucun élément de fait. De plus, cette discrimination concerne le classement du poste, sur lequel la Commission de recours de l'OTAN s'est déjà prononcée. Le défendeur considère la demande de réparation pécuniaire comme non fondée. 23. Le défendeur conclut au rejet de la requête. D. Considérations et conclusions (i) Considérations relatives à la recevabilité 24. La requête est recevable.

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(ii) Examen quant au fond

25. Les décisions d'ordre disciplinaire relèvent du pouvoir discrétionnaire du chef de l'Organisation. Les tribunaux administratifs internationaux s’accordent à reconnaître qu’une décision prise dans l’exercice d’un tel pouvoir ne peut faire l’objet que d’un contrôle limité par un tribunal (cf AT-J(2013)0001, affaire n° 885, paragraphes 33 à 36). 26. Les mesures disciplinaires constituent un exercice très particulier du pouvoir discrétionnaire et le contrôle de ce pouvoir quasi judiciaire par un tribunal doit être de nature particulière. Il convient de concilier l'intérêt de l'Organisation, qui est d'imposer des règles de conduite strictes et donc de se protéger elle-même, avec celui des agents, qui est d'être assurés de ne pas être pénalisés de manière injuste ou arbitraire. 27. Gardant à l'esprit le principe du contrôle limité, le tribunal va maintenant analyser au regard du RPC la décision de révocation qui est contestée. Il y a lieu de souligner que la décision attaquée concerne les faits survenus après la décision prise par la Commission de recours dans l'affaire n°843. Par conséquent, le tribunal n'examinera pas les questions dont avait été saisie la Commission dans cette affaire. 28. Pour ce qui est de l'examen de la décision attaquée, il convient de relever, tout d'abord, que les faits générateurs de la faute ne sont pas litigieux. La requérante les a reconnus. Elle invoque la liberté d'expression et soutient qu'il s'agissait d'une dénonciation d'abus, point qui sera traité ci-après. 29. Le tribunal relève également que la procédure prévue dans le RPC a été suivie comme il se doit et que la décision a été prise sur la base de faits clairement identifiés et notifiés. La requérante a eu l'occasion de faire des observations sur les griefs à son égard. La commission de discipline a été constituée dans les règles et elle a entendu la requérante. Le chef d'organisme OTAN a pris sa décision après avoir reçu le rapport de la commission et il a suivi les recommandations de cette dernière. Aucune irrégularité n'est constatée quant à la procédure ou au fond. Qui plus est, ce point n'est pas contesté. 30. Il convient ensuite de déterminer si les faits tels qu'ils ont été établis constituent une faute au sens juridique. L'article 59.1 du RPC prévoit que :

Tout agent ou ex-agent qui manquerait à ses obligations selon le Règlement du personnel, soit intentionnellement, soit du fait d’une négligence de sa part, peut être passible d’une mesure disciplinaire.

31. Afin de pouvoir examiner la mesure disciplinaire prise par l'Administration, le tribunal va, en l'occurrence, analyser à la fois l'existence d'une faute justifiant une sanction disciplinaire, et la proportionnalité de la mesure prise pour sanctionner la faute (cf affaires n°243 et 380 de la Commission de recours de l'OTAN). 32. Concernant les devoirs et obligations des agents, l'article 12.2.5(b) du RPC dispose que les agents ne peuvent pas, sauf lorsqu’ils y sont autorisés dans l’exercice

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normal de leurs fonctions ou en vertu d’une autorisation préalable accordée par le chef d’organisme OTAN:

faire ou communiquer des déclarations à la presse, à la radiodiffusion, à la télévision ou à d’autres organes d’information sur des questions ayant un rapport quelconque avec les objectifs et activités de l’Organisation.

33. Chaque agent doit, eu égard à l'incompatibilité mentionnée ci-avant, signer une déclaration de loyauté au moment de son recrutement à l'OTAN (article 13 du RPC), ainsi qu'une déclaration dans laquelle il prend la responsabilité de la sauvegarde des renseignements classifiés dont il serait susceptible d’avoir connaissance au cours ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions (article 18.2(a) du RPC) et s’engage à se conformer au Règlement de sécurité (article 18.2(b) du RPC). 34. Le 30 mars 2012, la requérante a diffusé des informations liées à l'affaire n°843 la concernant personnellement. Les informations ont été communiquées à la presse norvégienne et internationale, ainsi qu'à certains ministères norvégiens. Le 2 avril 2012, les informations ont été publiées sur le site Internet de CNN. Le 3 avril 2012, la requérante a été priée de supprimer et de retirer l'ensemble des informations. Le 5 avril 2012, Mme A a publié les informations sur sa page Facebook. Ces informations comprenaient des captures d'écran de l'outil de revue du tableau d'effectifs de l'OTAN classées NATO DIFFUSION RESTREINTE ou NATO SANS CLASSIFICATION. La requérante a ajouté diverses observations comportant des allégations de discrimination de la part du JWC, d'usage abusif de l'autorité militaire, de non-respect par l'OTAN de la législation de ses pays membres ainsi que de ses propres processus et procédures, de négligence de la part de l'OTAN et de manquements du JWC envers ses employés. Les informations figurant sur la page Facebook de la requérante n'étaient pas protégées et étaient donc librement accessibles. 35. La divulgation d'informations ayant trait aux activités de l'OTAN ne peut en aucun cas être considérée comme relevant de l'exercice de la liberté d'expression de ses employés. Les informations relatives à une affaire ou à un litige d'ordre individuel, comme celui qui a été résolu dans l'affaire n°843, pourraient être considérées comme relevant de l'intérêt personnel de l'employé concerné dans les strictes limites des faits qui sont sans conséquences pour les intérêts de l'Organisation. La liberté d’expression, toutefois, n'est pas illimitée. Le droit interne et le droit international prévoient systématiquement que l'exercice de cette liberté peut être soumis à des restrictions nécessaires, par exemple, à la sécurité, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, ou pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles (cf article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme). 36. Le tribunal convient que la requérante avait le droit d'expliquer sa requête précédente. Mais ses actes sont allés au-delà d'une simple explication d'une situation personnelle, la requérante ayant, avec les commentaires, données et images publiés sur sa page Facebook, gravement manqué à ses obligations de loyauté et de discrétion, nuit à la réputation de l'Organisation et propagé largement des doutes et des soupçons quant aux activités de celle-ci.

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37. La requérante fait valoir que la divulgation de ces informations se justifiait par la volonté de protéger d'autres employés contre toute discrimination. Toutefois, l'allégation de discrimination a été examinée, et rejetée, dans l'affaire n° 843. La requérante a échoué à établir, de manière convaincante, un lien entre son cas particulier et une politique générale qui mériterait d'être révisée et exposée au grand jour, et à laquelle il faudrait remédier. 38. La requérante déclare s'être livrée à une dénonciation d'abus. Il convient de noter, tout d'abord, que même s'il n'existe aucune définition juridique commune à cet égard, il est possible de dégager un certain nombre d'éléments communs. D'une manière générale, on entend par dénonciation d'abus le fait de signaler des pratiques illicites, irrégulières, dangereuses ou contraires à l'éthique. Ces pratiques doivent être signalées par les voies appropriées aux autorités qui ont le pouvoir d'intervenir. Il doit s'agir d'une question d'intérêt public, c'est-à-dire que le dénonciateur ne doit pas être motivé par des griefs personnels. Le tribunal constate que ce n'est pas le cas ici. La requérante poursuivait des intérêts personnels, y compris par le biais des médias sociaux. Elle a discrédité son employeur et publié des informations confidentielles. 39. Concernant la sévérité de la sanction infligée à la requérante, le tribunal peut réviser la décision à condition qu'elle soit entachée d'erreur manifeste (cf affaire n° 479 de la Commission de recours de l'OTAN). On rappellera que, selon la jurisprudence administrative internationale courante, il appartient à l'autorité disciplinaire d'apprécier la sévérité de la mesure disciplinaire (cf jugements n° 207, 1984, 2773 et 2944 du tribunal administratif de l'OIT), à condition qu'il n'y ait pas de disproportion manifeste entre la mesure adoptée et l'infraction. Dans le cas présent, on ne peut alléguer une disproportion manifeste entre la mesure disciplinaire choisie et la gravité des faits énoncés précédemment. Le tribunal ne peut donc pas dire que la mesure de révocation était disproportionnée ou injustifiée. Par conséquent, il ne substituera pas son appréciation à celle du chef d'organisme OTAN. 40. Le tribunal estime en conclusion qu'il y a lieu de rejeter la requête tendant à l'annulation de la décision de révocation. 41. Les réparations demandées par la requérante pour préjudice financier concernent l'affaire n° 843. Elles sont sans rapport avec l'objet du présent jugement. Les demandes de réparation sont rejetées.

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E. Frais 42. L'article 4.8.3 de l'annexe IX du RPC dispose que :

Au cas où elle a admis le bien-fondé d'une requête, la Commission ordonne que l'organisme OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais justifiés exposés par le/la requérant(e).

Le rejet des demandes de la requérante entraîne le rejet de ses demandes au titre de cet article. F. Décision Pour ces motifs, le Tribunal décide et déclare que:

- La requête est rejetée. - Le cautionnement déposé par Mme A lui sera remboursé.

Fait à Bruxelles, le 14 novembre 2013. (signé) Chris de Cooker, président (signé) Laura Maglia, greffière par interim Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia

NORTH ATLANTIC TREATY ORGANIZATION ORGANISATION DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD

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19 novembre 2013 AT-J(2013)0008

Jugement

Affaire no 897

VT,

partie requérante

contre

le Secrétariat international de l’OTAN,

partie défenderesse

Bruxelles, le 14 novembre 2013

Original: français

Mots clés: contrats d’agent temporaire successifs; recevabilité; réclamation; délai raisonnable; absence totale de motivation.

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Le collège du Tribunal administratif de l’OTAN, composé de M. Chris de Cooker, Président, Mme Maria-Lourdes Arastey Sahùn et M. Christos Vassilopoulos, juges, ayant pris connaissance du dossier et suite à une audience qui s’est tenue le 13 septembre 2013, rend le présent jugement.

A. Déroulement de la procédure 1. La Commission de recours de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (ci-après «l’OTAN») a été saisie d’un recours le 27 février 2013 présenté par Mme VT, membre du personnel du secrétariat international de l’OTAN, visant notamment à l’annulation des décisions dudit secrétariat portant rejet de sa demande de requalification de son contrat temporaire en contrat initial. 2. Le 26 avril 2013, la partie défenderesse a présenté ses observations en défense dans la présente affaire tendant au rejet des conclusions de la requérante. Sur ces observations, la requérante a présenté ses observations en réplique le 28 mai 2013.

3. Le recours précité a été déposé devant la Commission des recours, avant le 1er juillet 2013, date de l’entrée en vigueur, du douzième rectificatif au règlement du personnel civil de l’OTAN (RPC), qui a, inter alia, institué le Tribunal administratif de l’OTAN (ci-après le «Tribunal»). 4. En application des dispositions transitoires prévues à l’article 6.10 de la «nouvelle» annexe IX du RPC, les affaires pendantes devant la Commission de recours de l’OTAN au 30 juin 2013 sont transférées au Tribunal. Celui-ci doit statuer conformément aux dispositions de l’annexe IX qui étaient applicables avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle version (Règlement relatif aux réclamations et recours approuvé par le Conseil le 20 octobre 1965 et modifié par le PO(73)151, du 22 novembre 1973). 5. Le collège du Tribunal a entendu les parties en leurs observations lors d’une audience qui s’est tenue le 13 septembre 2013 au Quartier Général de l’OTAN à Bruxelles et à laquelle ont assisté, d’une part, la requérante ainsi que son conseil Maître AT, et, d’autre part, M. EG, Conseiller juridique délégué au Secrétariat international de l’OTAN, M. BS, conseiller juridique adjoint au Secrétariat international de l’OTAN, et Mme SP, administrateur sénior, Division Affaires politique et politique de sécurité, représentant la défenderesse, en la présence de M. PL, Association du personnel du Secrétariat international de l’OTAN, et de Mme Laura Maglia, greffière par intérim. B. Exposé des éléments de fait 6. Mme VT a été recrutée dans un premier temps comme stagiaire, au sein de la division «Gestion exécutive, Unité Transformation de l’entreprise – programme pour le développement de l’intégrité» pour une période allant du 21 septembre 2009 au 20 mars 2010.

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7. Le 20 févier 2012, la requérante a signé un contrat d’agent temporaire pour la période allant du 20 février 2012 au 19 mai 2012 pour travailler au sein de la division «affaires politiques et politique de sécurité». Au mois de mai 2012, elle a signé un second contrat d’agent temporaire pour continuer à travailler au sein de la même division pour une période allant du 20 mai 2012 au 19 mai 2013. 8. Ainsi qu’il résulte du dossier de l’affaire, lors de la signature des deux derniers contrats, la requérante a signé simultanément une déclaration selon laquelle elle reconnaissait, inter alia, que, à l’issue de ces deux contrats, la partie défenderesse n’était pas dans l’obligation de lui proposer un autre contrat. 9. Par courrier adressé au Secrétaire général adjoint délégué aux Ressources humaines, le 12 septembre 2012, la requérante a sollicité la requalification de sa relation d’emploi en contrat initial sur le fondement des deux contrats successifs d’agent temporaire d’une durée de 15 mois au total. Selon la requérante, sur la base notamment des deux contrats précités, sa relation contractuelle avec l’OTAN présentait manifestement un caractère permanent depuis le 20 février 2012 et, dès lors, elle était en droit de se prévaloir des dispositions de l’article 5.5.1 du règlement du personnel civil de l’OTAN. Or, à la date d’introduction du présent recours, la requérante ne s’est pas vu proposer un nouveau contrat ou une prolongation de son dernier contrat. 10. La demande de la requérante a été rejetée par décision du 8 octobre 2012 du Secrétaire général délégué, qui est formulée comme suit:

Votre conseil, dans son courrier du 12 septembre 2012, a demandé la conversion de votre contrat d’agent temporaire. Je me suis penché sur cette question mais je dois vous informer que je ne peux pas faire droit à votre demande.

11. Cette décision a fait l’objet d’une réclamation le 4 décembre 2012, introduite par la requérante en vertu de l’article 61.3 du RPC. Dans cette réclamation, la requérante a réitéré, tout d’abord, ses arguments contenus dans son courrier du 12 septembre précité selon lesquels sa relation contractuelle avec la défenderesse depuis le 20 févier 2012 aurait un caractère permanent. Ensuite, elle a fait valoir que cette conclusion résulte notamment de l’article 77 du RPC et de l’article 6.2 de la politique des contrats du Secrétariat International, que la partie défenderesse a manifestement violés. Enfin, selon la requérante, la perte d’une chance de se voir octroyer un contrat à durée indéterminée lui a causé et continue à lui causer un préjudice matériel et moral.

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12. Cette réclamation a été rejetée implicitement par la défenderesse le 3 janvier 2013, puis, expressément, par décision du Secrétaire général adjoint délégué aux Ressources humaines du 12 février 2013 portant rejet formel de la réclamation de la requérante. Cette décision est rédigée comme suit

Le Secrétaire général m’a demandé de répondre à la lettre de votre conseil datée du 4 décembre 2012. En l’absence de tout nouvel élément dans cette lettre du 4 décembre 2012, je vous confirme la décision mentionnée dans notre courrier du 8 octobre 2012, qui vous avait été adressé en réponse à votre demande du 12 septembre 2012.

C. Résumé des principaux moyens, des arguments juridiques et des

demandes des parties (i) Principaux moyens de la requérante

13. La requérante soutient, en premier lieu, que, ayant introduit sa réclamation contre les actes attaqués dans un délai raisonnable conformément aux dispositions du RPC et à la jurisprudence de la Commission de recours développée à ce sujet en ce qui concerne les contrats temporaires successifs, son recours est recevable.

14. La requérante fait valoir, en deuxième lieu, que les décisions de la partie défenderesse portant rejet de sa demande de requalification de sa situation contractuelle sont illégales et doivent être annulées. A ce titre, elle invoque deux moyens tirés, le premier, de l’absence de toute motivation des actes attaqués et, le second, de la violation des dispositions des articles B(v)e du préambule du RPC et des articles 5.1.1, 5.1.2, 77.1, 77.2, 78.1, 78.2 du RPC en combinaison avec la violation de l’article 2.2 des lignes directrices, des articles 6.1 et 6.2 de la directive d’application et du devoir de sollicitude. Dans ce contexte, elle fait notamment valoir que sa situation ne saurait être couverte a priori par les dispositions de l’article 5.2 du RPC et que, à supposer que cet article soit applicable, la défenderesse l’aurait violé puisque, conformément à la jurisprudence de la Commission de recours, la requérante aurait dû être préalablement informée que son poste était soumis à rotation. Or tel n’aurait pas été le cas.

15. La requérante prétend, en troisième lieu, avoir subi, du fait des décisions attaquées, un préjudice matériel du fait de la perte d’une chance sérieuse de se voir offrir un contrat à durée indéterminée à l’issue du refus de requalification de ses contrats temporaires successifs en contrat initial. En outre, elle fait valoir qu’elle a subi un préjudice moral distinct, puisqu’elle a été placée dans une situation d’incertitude, notamment depuis le mois de mars 2010, date à laquelle elle a signé son contrat de stage avec la partie défenderesse. En outre, la requérante ajoute que la violation du devoir de sollicitude par la partie défenderesse dans le cadre du traitement de sa demande et, en général, de sa situation personnelle, a portée atteinte à sa confiance et a contribué à aggraver son préjudice moral. 16. Dans ces conditions, la requérante conclut à:

– l’annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation de la requérante du 4 décembre 2012, intervenue le 3 janvier 2013;

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– l’annulation de la décision du 12 février 2013, portant rejet de la réclamation de la requérante du 4 décembre 2012;

– en tant que de besoin, l’annulation de la décision du 8 octobre 2012, rejetant la demande de la requérante du 12 septembre 2012;

– la requalification des contrats de la requérante en contrat initial, et ce depuis le 20 février 2012 et pour une durée de trois ans;

– l’octroi de dommages et intérêts d’un montant de €20.000; – la compensation du préjudice moral subi, évalué ex aequo et bono à €

10.000; et – la condamnation de la partie défenderesse aux dépens.

(ii) Principaux moyens de la défenderesse

17. La partie défenderesse excipe, en premier lieu, de l’irrecevabilité du recours de la requérante, au motif que la réclamation de celle-ci a été introduite au-delà du délai raisonnable prévu par l’article 61.3 du RPC. Ainsi, la procédure suivie par la requérante visait en réalité à contourner les dispositions prévues pour introduire une action devant la Commission de recours, puisque la requérante avait déjà signé ces contrats avec la partie défenderesse et qu’étaient d’ores et déjà devenus définitifs. 18. En deuxième lieu, elle considère que le recours est non fondé. Tout d’abord, elle fait valoir, à ce titre, en se référant à la jurisprudence de la Commission de recours, que l’obligation de motivation qui incombe à l’auteur des décisions attaquées est, en l’espèce, pleinement respectée. Ensuite, elle prétend que, en toute hypothèse, dès son engagement, la requérante avait été informée qu’elle allait exercer des fonctions temporaires et que, dans ces conditions, les dispositions précitées du RPC, des lignes directrices et de la directive d’application ne sauraient avoir été violées. Enfin, à supposer que le recours soit recevable, la requérante ne saurait se prévaloir, sur la base de l’article 5.1 du RPC d’un contrat initial, puisque sa situation relèverait du champ d’application de l’article 5.2 du RPC. Dès lors, compte tenu de la durée de ses contrats, la requérante aurait pu se prévaloir, en cas de requalification de sa situation contractuelle, d’un contrat à durée déterminée. 19. En troisième lieu, en ce qui concerne le préjudice matériel et moral subi par la requérante, la partie défenderesse soutient que, en l’absence de toute illégalité commise, les conclusions de la requérante doivent, en toute hypothèse, être rejetées. 20. Dans ces conditions, la partie défenderesse conclut que le recours dans la présente affaire doit être rejeté soit comme irrecevable, soit comme non fondé. D. Considérations et conclusions (i) Considérations relatives à la recevabilité Arguments des parties 21. Dans son mémoire en défense, la partie défenderesse excipe de l’irrecevabilité du recours de la requérante au motif que la réclamation de celle-ci contre les actes

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prétendument illicites n’a pas été introduite dans un délai raisonnable. En effet, la requérante n’a pas contesté les effets de sa situation contractuelle en temps utile et a introduit sa réclamation tardivement en contournant, en réalité, les dispositions du RPC et, en particulier, des articles 24.6 et 61.3 et de l’article 4.3.2 de l’annexe IX. A ce titre, et ainsi que la partie défenderesse l’a soutenu lors de l’audience, le recours devrait être rejeté comme irrecevable, conformément à la jurisprudence de la Commission de recours dans l’affaire Formignani n°837, qui serait pleinement applicable dans la présente affaire. 22. La requérante rétorque que l’exception d’irrecevabilité soulevée doit être rejetée. 23. D’une part, elle fait valoir que la partie défenderesse ne tient pas compte du fait que la requérante a introduit une réclamation en temps utile contre la décision de 8 octobre 2012 et que, dans cette décision, la partie défenderesse, en rejetant la demande de la requérante, n’a fait aucunement référence au motif d’irrecevabilité allégué. 24. D’autre part, selon la requérante, dans le cadre de contrats successifs d’agent temporaire, l’illégalité de l’acte contesté tient à la succession abusive de ces contrats, ce qui permet, en réalité, à la personne concernée d’introduire une réclamation dans un délai raisonnable au sens du RPC, comme en l’espèce. A cet égard, la requérante se réfère à la jurisprudence de la Commission de recours, qui a précisément déclaré recevables de tels recours, alors que la signature d’un grand nombre de contrats successifs remontait à plusieurs années avant la contestation du caractère abusif de ces contrats, conformément aux règles du RPC (affaires n°779, n°811, n°812 et n°822). 25. En réponse à une question du Tribunal, la requérante estime que la jurisprudence de la Commission de recours dans l’affaire n°837, citée au point 21 ci-dessus, invoquée par la partie défenderesse, ne saurait être applicable en l’espèce. En effet, dans cette affaire, il n’y aurait pas de succession des contrats temporaires de courte ou de longue durée, ce qui, en revanche, caractérise la présente affaire. Dès lors, la notion de délai raisonnable doit être appréciée à la lumière des jugements de la Commission de recours dans les affaires n°779, n°811, n°812 et n°822, citées au point précédent, qui présentent des similitudes avec le présent contentieux. 26. Dans ces conditions, la requérante conclut que la procédure de réclamation a été introduite dans le délai raisonnable, conformément à la jurisprudence élaborée par la Commission de recours et que, partant, le grief d’irrecevabilité soulevé est dépourvu de tout fondement.

Appréciation du Tribunal 27. Aux termes de l'article 61.1 du RPC: «Tout agent ayant un grief à formuler au sujet de son travail ou de ses conditions de travail ou d'emploi doit, en premier lieu, en saisir le/la chef de division ou service dont il/elle relève par l'entremise de son/sa chef immédiat(e)»; l'article 61.3 du RPC prévoit que: «en dernier ressort, tout agent a le droit, dans un délai raisonnable, de soumettre par écrit sa réclamation au chef d’

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Organisme OTAN intéressé dans les conditions fixées aux articles 2 et 3 de l'annexe IX au présent règlement».

28. Conformément à l’article 2 de l'annexe IX du RPC: «1. Tout agent présentant une réclamation écrite conformément l’article 61 du Règlement du personnel civil, doit adresser cette réclamation au chef de l'Organisme OTAN auquel il/elle appartient, sous couvert du/de la responsable chargé de la gestion du personnel (...) 2. Tout agent présentant une telle réclamation peut demander que celle-ci soit, avant décision, soumise à un Comité de réclamations (...) 3. De son côté, le chef de l'Organisme OTAN peut décider de sa propre initiative de soumettre à ce Comité la réclamation ainsi présentée». 29. Aux termes de l'article 4.3.1 de l’Annexe IX du RPC: «Les requêtes soumises à la Commission de recours ne sont recevables que si elles portent sur une décision faisant grief et prise par le chef de l'organisme de I'OTAN intéressé»; quant à l’article 4.3.2 de la même annexe du RPC «les requêtes doivent être déposées auprès du Secrétariat de la Commission de recours dans un délai de 60 à compter de la notification de la décision attaquée (...)». 30. Il résulte d’une lecture combinée des dispositions précitées que, dans le cas où un agent entend contester une décision prise à son égard par une autorité subordonnée au chef de l'Organisme de I'OTAN dont il relève, il doit d'abord, dans un délai raisonnable, former une réclamation auprès du chef de l'organisme concerné. 31. Afin d'éviter la remise en cause tardive de situations passées et d'assurer la sécurité juridique des décisions des chefs des organismes de I'OTAN, la notion de délai raisonnable doit aussi être appliquée aux demandes présentées directement au chef d'organisme de I'OTAN dont relève l'agent ou l'ancien agent. Dès lors, la notion de «délai raisonnable», au sens de l'article 61.3 du RPC, doit être appréciée à la lumière des articles 4.3.2 de l'annexe IX du RPC qui fixe à 60 jours le délai de recours contre les décisions d'un chef d'organisme de I'OTAN, assorti de la faculté d'accepter, «dans des cas très exceptionnels et pour des motifs dûment justifies», des requêtes présentées au-delà de ce délai, et de l’article 24.6 du RPC aux termes duquel «les demandes d'indemnités soumises plus de trois mois après le fait auquel la demande se réfère ne pourront être accueillies sur une base rétroactive, sauf circonstances exceptionnelles dument justifiées» (voir notamment affaire n°822 précitée). 32. En l’espèce, le premier contrat de la requérante s’est achevé le 19 mai 2012 et a été reconduit pour une année supplémentaire, à savoir pour la période allant du 20 mai 2012 au 19 mai 2013. C’est sur la base de la conclusion de ce second contrat d’agent temporaire pour une année additionnelle que la requérante prétend, en réalité, que les fonctions exercées auprès de la défenderesse sont permanentes, et que, dès lors, elle demande la requalification de sa situation contractuelle. 33. A cet égard, il importe de constater que la requérante a demandé la requalification de sa situation contractuelle le 12 septembre 2012 et qu’elle a introduit, contre la décision du 8 octobre 2012 rejetant cette demande (citée au point 10 ci-dessus), une réclamation le 4 décembre 2012. Il s’ensuit que la demande de

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requalification de la situation contractuelle de la requérante est intervenue auprès de la partie défenderesse avant le terme de son second contrat d’agent temporaire. 34. Dans ces conditions, le grief d’irrecevabilité soulevé par la partie défenderesse est fondé sur le fait que, au regard de la conclusion du second contrat de la requérante intervenue le 20 mai 2012, sa réclamation du 4 décembre 2012 paraît déraisonnable au regard des exigences du RPC et de la jurisprudence de la Commission de recours. 35. Il importe de constater que la demande de requalification de la situation contractuelle de la requérante est intervenue le 12 septembre 2012, à savoir trois mois et trois semaines environ après la signature de son contrat et longtemps avant que ce contrat arrive à échéance. En tenant compte de ces circonstances et de la situation précaire résultant de l’emploi de la requérante sous la forme d’un second contrat d’agent temporaire, la requérante a, dès lors, introduit sa réclamation contre le rejet de ladite demande, le 4 décembre 2012. 36. Il s’ensuit que, contrairement aux allégations de la partie défenderesse, le délai qui s’est écoulé pour l’introduction de la réclamation de la requérante est raisonnable et, par conséquent, aucune allégation contre cette conclusion ne saurait être tirée du jugement de la Commission de recours dans l’affaire no. 837. 37. Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse et de déclarer le présent recours recevable. (ii) Examen quant au fond (a) Sur les conclusions en annulation 38. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la requérante demande, tout d’abord, l’annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation de la requérante intervenue le 3 janvier 2013, ensuite, l’annulation de la décision de la partie défenderesse du 12 février 2013 portant rejet explicite de cette même réclamation et, enfin, en tant que de besoin, l’annulation de la décision du 8 octobre 2012, rejetant la demande de la requérante du 12 septembre 2012 portant requalification de sa situation contractuelle. 39. À cet égard, il y a lieu d’indiquer qu’un recours, formellement dirigé contre le rejet d’une réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsque le rejet de la réclamation est, comme tel, dépourvu de contenu autonome. En effet, une décision de rejet, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint, et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable. 40. En l’espèce, la décision explicite de rejet de la réclamation de la requérante du 12 février 2013, intervenue avant l’introduction du présent recours, se substitue à la décision implicite de rejet intervenue le 3 janvier 2013.

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41. Dès lors, les conclusions en annulation de la requérante, en ce qu’elles sont formellement dirigées contre le rejet de sa réclamation, ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel cette réclamation a été présentée, à savoir la décision de la défenderesse du 8 octobre 2012 rejetant la demande de la requérante du 12 septembre 2012 portant requalification de sa situation contractuelle. 42. La décision portant rejet explicite de la réclamation de la requérante n’ayant opéré aucune substitution des motifs invoqués dans la décision du 12 septembre 2012, il convient dès lors d’indiquer que les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 8 octobre 2012 se confondent avec celles dirigées contre la décision du Secrétaire général adjoint délégué aux Ressources humaines du 12 février 2013. 43. Ceci étant, à l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, de l’absence de toute motivation des actes attaqués et le second, de la violation des dispositions des articles B(v)e du préambule du RPC et des articles 5.1.1, 5.1.2, 77.1, 77.2, 78.1, 78.2 du RPC en relation avec la violation de l’article 2.2 des lignes directrices, des articles 6.1 et 6.2 de la directive d’application ainsi que du devoir de sollicitude.

Sur le premier moyen, tiré de l’absence totale de motivation des actes attaqués Arguments des parties 44. Par ce moyen, la requérante fait valoir que la décision portant rejet de sa demande de requalification de sa situation contractuelle ainsi que le rejet formel de sa réclamation sont dépourvus de toute motivation. A ce titre, et en se référant à la jurisprudence de la Commission de recours et d’autres juridictions internationales, elle allègue qu’il ne saurait être remédié à l’absence totale de motivation en cours d’instance, car c’est uniquement en cas d’insuffisance de motivation et non d’absence totale de motivation, comme c’est le cas en l’espèce, que l’administration est en droit de fournir des informations complémentaires en cours d’instance et de s’acquitter de son obligation de motivation. 45. La partie défenderesse rétorque, en substance, que la décision rejetant la demande de requalification de la situation contractuelle de la requérante est intervenue dans un contexte connu de l’intéressée. En effet, d’une part, la requérante aurait pleinement été informée qu’elle allait exercer des fonctions temporaires dans le cadre du remplacement d’un agent en congé de maladie et, d’autre part, lors de la signature de ses contrats d’agent temporaire, en 2012, la requérante avait signé un accord selon lequel elle reconnaissait que la partie défenderesse n’avait aucune obligation de lui offrir, à l’issue de chaque contrat temporaire, un nouveau contrat. 46. En réponse à une question du Tribunal sur l’étendue de la motivation des décisions attaquées, tout en reconnaissant que ces décisions ne contiennent pas suffisamment d’éléments en ce sens, la partie défenderesse persiste à considérer que, en toute hypothèse, en tenant compte du contexte de recrutement de la requérante, celle-ci disposait de toutes les informations nécessaires pour saisir la teneur et la justification des décisions portant rejet de sa demande de requalification de sa situation contractuelle. A ce titre, la requérante rétorque que, en toute

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hypothèse, la partie défenderesse lui a proposé, à l’issue de son premier contrat, un nouveau contrat.

Appréciation du Tribunal 47. Le Tribunal a déjà considéré que l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé des indications suffisantes lui permettant de déterminer si la décision litigieuse est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité et, d’autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel par le Tribunal (voir, jugement du 8 novembre 2013, affaires nos 889 et 890, point 48). 48. L’obligation de motivation suppose, dès lors, que le destinataire d’une décision faisant grief soit mis à même de comprendre, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte, l’étendue de cette obligation devant être appréciée en fonction des circonstances concrètes de chaque espèce (voir, jugement précité ci-dessus, point 49). 49. La motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et elle est suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques essentielles à l’économie de la décision, de sorte que l’auteur de l’acte n’est pas obligé d’expliciter davantage les raisons l’ayant conduit à adopter la décision en cause. Cependant, une décision est suffisamment motivée si elle est intervenue dans un contexte connu de l’agent concerné, susceptible de lui permettre de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, jugement précité ci-dessus, point 50). 50. Dans le cas d’espèce, force est de constater que la décision portant rejet de la demande de requalification de la situation contractuelle de la requérante du 8 octobre 2012 ne contient aucun élément concret au regard des exigences énoncées ci-dessus par le Tribunal. En effet, dans cette décision (voir supra point 10), la partie défenderesse se limite à une réponse laconique, sans fournir aucune explication, et informe simplement la requérante de ce que, après avoir examiné sa demande, elle ne pouvait y faire droit. 51. Il en va de même de la décision portant rejet de la réclamation de la requérante du 12 février 2013 qui, dans des termes assez vagues, indique à la requérante que sa réclamation du 4 décembre 2012 ne contient aucun élément nouveau par rapport à sa demande de requalification du 12 septembre 2012 et confirme la décision attaquée du 8 octobre 2012. 52. Il s’ensuit que la décision attaquée du 8 octobre 2012 portant rejet de la demande de requalification de la situation contractuelle de la requérante est dépourvue de toute motivation. 53. Dans ces conditions, et contrairement à ce que fait valoir en substance la partie défenderesse en cours d’instance, à défaut de toute motivation de l’acte attaqué, il ne lui était pas permis de pallier la prétendue insuffisance initiale de la motivation de sa décision par des précisions complémentaires intervenues ultérieurement car l’intéressée ne disposait pas d’éléments constituant un début de motivation dudit acte.

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54. Il découle de ce qui précède que la partie défenderesse n’a pas respecté les exigences qui découlent de l’obligation de motivation d’un acte faisant grief et que, dès lors, le premier moyen doit être accueilli. 55. Partant, il convient d’annuler la décision attaquée du 8 octobre 2012 du Secrétaire général délégué aux Ressources humaines portant rejet de la demande de requalification de la situation contractuelle de la requérante, sans se prononcer sur les autres moyens invoqués par la requérante dans le cadre de ses conclusions en annulation. (b) Sur les conclusions en indemnité et sur la demande de requalification du

contrat de la requérante 56. S’agissant, en premier lieu, des conclusions visant à l’indemnisation du préjudice matériel prétendument subi, le Tribunal rappelle que l’annulation de l’acte attaqué pour vice de motivation, comme c’est le cas en l’espèce, ne saurait conduire à fonder une demande en indemnité, car le vice de motivation, qui est un grief de forme, ne saurait être confondu avec un vice de légalité interne. 57. A ce stade, le Tribunal n’est pas en position d’examiner le bien-fondé des illégalités alléguées par la requérante, pas plus qu’il n’est pas en mesure de vérifier l’existence d’un comportement illégal. Ainsi, une demande d’annulation fondée sur les illégalités alléguées dans le cadre des moyens invoqués par la requérante ne saurait, le cas échéant, être examinée qu’à la lumière des motifs de la décision qui se substituera à la décision attaquée, après l’annulation de cette dernière par le Tribunal. 58. S’agissant, en second lieu, des conclusions visant à la réparation du préjudice moral prétendument subi par la requérante, le Tribunal considère que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer, en elle-même, la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. Cette conclusion s’applique d’autant plus que l’annulation encourue est fondée sur le défaut de motivation de l’acte attaqué. 59. Tel étant manifestement le cas en l’espèce, il convient de rejeter les demandes indemnitaires dans leur ensemble ainsi que les autres chefs de conclusions présentés par la requérante dans son recours visant à la requalification de sa situation contractuelle. E. Frais

60. Aux termes de l’article 4.8.3 de l’annexe IX au RPC

Au cas où elle a admis le bien-fondé d’une requête, la commission ordonne que l’organisme de l’OTAN remboursera, dans les limites raisonnables, les frais justifiés

exposés par le requérant.

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61. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de rembourser à la requérante

les frais afférents à son conseil dans la limite de € 4.000.

F. Décision Pour ces motifs, le Tribunal décide et déclare que:

- La décision du Secrétaire général délégué aux Ressources humaines du 8

octobre 2012, portant rejet de la demande de requalification contractuelle de la requérante, est annulée.

- Le recours est rejeté pour le surplus des conclusions présentées. - La partie défenderesse remboursera à la requérante les frais afférents à son

conseil dans la limite d’une somme de € 4.000. - Le cautionnement versé par la requérante lui sera remboursé.

Fait à Bruxelles, le 14 novembre 2013.

(Signé) Chris de Cooker, Président (Signé) Laura Maglia, Greffière a.i.

Copie certifiée conforme, la greffière a.i. (signé) Laura Maglia