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Document 1 de 31 Journal du droit international (Clunet) n 3, Juillet 2009, biblio. 10

Tratado del Arbitraje Comercial en Amrica Latina, par Jos Carlos Fernndez RozasVeille par Walid BEN HAMIDA Sommaire Iustel, 1re d. Madrid. - 2008. - 1366 p. Le droit de l'arbitrage change profondment en Amrique latine. Plusieurs pays de ce contient ont adopt de nouvelles lgislations en la matire. Les conventions internationales relatives l'arbitrage ont connu ces dernires annes un succs remarquable. Une jurisprudence arbitrale et tatique abondante a renouvel le rgime de l'institution arbitrale. Ce trait analyse ce nouveau droit l'arbitrage qui se forme progressivement dans ce contient. Il renferme une tude complte et dtaille des lgislations relatives l'arbitrage dans seize pays ainsi que du droit rgional et international applicable dans la rgion. Dans l'introduction, l'auteur explique les raisons du succs de l'arbitrage en Amrique latine. Il montre comme les pays de cette rgion, du fait de l'expansion du commerce et des investissements, ont abandonn l'hostilit du pass pour adopter une attitude favorable l'arbitrage. L'auteur constate que toutes les entraves au dveloppement et la progression de l'arbitrage dans cette rgion ont t supprimes. L'introduction contient aussi des analyses sur les caractristiques de l'arbitrage (fondement conventionnel et fondement juridictionnel) et sur la distinction entre arbitrage interne et arbitrage international. Elle renferme des dveloppements sur la place de la procdure arbitrale parmi les autres modes alternatifs de rglement des litiges. La premire partie (reglamentacin del arbitraje : problemas institucionales y de tcnica legislativa), est consacre une analyse dtaille du cadre normatif applicable l'arbitrage en Amrique latine. Dans les deux premiers chapitres, l'auteur examine deux catgories de rglementation : la rglementation internationale et la rglementation nationale. En ce qui concerne la rglementation international, seront tudis aussi bien les instruments adopts dans un cadre universel que ceux dicts dans un cadre rgional. M. Fernndez Rozas dcrit les diffrents instruments pris par la CNUDCI (le rglement d'arbitrage CNUDCI, les lois modles sur l'arbitrage et sur la conciliation). L'impact des conventions internationales universelles (la convention de New York) et rgionales notamment la convention de Panama de 1975 et l'Accord sur l'arbitrage commercial international dans le Mercosur a t soulign. L'auteur met en avant le rle qu'a jou la convention de Washington pour le dveloppement de l'arbitrage unilatral en matire d'investissement. En ce qui concerne, la rglementation nationale, le modle qui a servi de source d'inspiration pour la plupart des lgislateurs de la rgion tait la loi modle de la CNUDCI. L'ouvrage analyse comment ce modle t transpos et adopte par les diffrents tats. Trois catgories de pays ont t distingues : les pays qui ont adopte des lgislations autonomes en la matire (Argentine, Uruguay Cuba, Porto Rico, Rpublique dominicaine, Hati), ceux qui se sont inspirs de la loi modle de la CNUDCI directement (Mexique, Guatemala, Paraguay, Chili et Nicaragua) ou indirectement (Bolivie, Brsil, Colombie, quateur, Panama, Prou, Venezuela, Costa Rica, Salvador et Honduras). Pour chacun de ces tats, l'auteur analyse l'volution de la rglementation et le changement des attitudes. Le troisime

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chapitre de cette premire partie est consacr l'tude d'un problme spcifique certains pays de l'Amrique latine : la Constitutionalit de l'arbitrage. Le monopole tatique de la justice consacr dans certaines constitutions soulve le problme de la conformit de l'arbitrage avec les dispositions constitutionnelles. Une tude approfondie de cette question a t particulirement mene partir d'une analyse de la constitution et la jurisprudence constitutionnelle en Bolivie, en Colombie, au Panama et au Mexique. L'auteur examine aussi la constitutionnalit de l'arbitrage relatif aux investissements qui s'est pos trs rcemment au Venezuela. La seconde partie de ce trait (acceso y ejercicio de la actividad arbitral) est consacre un examen approfondi de l'activit arbitrale. On trouve des dveloppements dtaills sur le sige de l'arbitrage et les institutions arbitrales, les arbitres, la convention d'arbitrage, la procdure arbitrales, le choix de la loi applicable au fond, l'ordre public et l'arbitrabilit. En particulier, l'auteur analyse les diffrentes catgories d'arbitrage (arbitrage ad hoc et arbitrage institutionnel), la fonction des institutions d'arbitrage. Il nous livre un panorama fort utile des diffrents centres d'arbitrage en Amrique latine. Cette partie examine aussi le statut et les missions des arbitres notamment en ce qui concerne leur nomination, leur thique, leur rcusation et leur responsabilit. Enfin, une tude comparative sur la convention de l'arbitrage quant son autonomie, son extension, les pathologies qui l'affecte, ses conditions de validit et ses effets doit tre souligne. La troisime partie (auxilio y control de la jurisdiccin estatal) analyse la relation entre arbitrage et juridictions tatiques. Les juges tatiques interviennent deux stades de la procdure arbitrale. Comme juge d'appuie d'une part, pour garantir le droulement normal de la procdure arbitrale, en dsignant les arbitres et en adoptant des mesures provisoires. Comme juge de contrle, d'autre part, pour examiner les recours en annulation contre les sentences arbitrales et pour prononcer l'exequatur. Ces deux fonctions ont t examines travers une analyse dtaille des lgislations et de la jurisprudence des diffrents pays de l'Amrique latine. ces dveloppements s'ajoute une bibliographie dtaille et riche et des index par mot-cl, par jurisprudence et par auteur cit facilitant la recherche de l'information. La quantit et la qualit des informations et des analyses qui sont brasses dans ce trait en font un outil prcieux pour comprendre le rgime de l'arbitrage en Amrique latine. Avec la progression de l'arbitrage dans cette rgion, ce trait est appel devenir un ouvrage de rfrence tout praticien et acadmicien qui s'intresse l'arbitrage dans cette rgion.

LexisNexis SA

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Document 2 de 31 Journal du droit international (Clunet) n 2, Avril 2009, var. 3

Force normative et multiplicit des sources en droit international des sciences de la vieEtude par Christian Byk Magistrat, Secrtaire gnral, Association internationale droit, thique et science Membre de la Commission franaise pour l'UNESCO Sommaire

La discussion sur la force normative illustre bien la dynamique du droit des sciences de la vie. Elle est caractrise la fois par un accroissement des normes et par la fragmentation des institutions qui les produisent au niveau international. Sans un renforcement de celles-ci, le risque est grand de voir la mondialisation en ce domaine rester une question d'intrts privs ou commerciaux.

The discussion about the force of norms is a good illustration of the dynamics of life science law. It is both characterised by a normative expansion and the fragmentation of the institutions responsible for producing such norms at the international level. Without reinforcing these institutions, risks are great that globalisation will remain a matter of private or business interests in this field.

1. - La question de la force normative du droit international est une des questions classiques qui se pose au juriste soucieux d'apprhender la manire dont le systme juridique est ancr dans la ralit internationale. Elle dpasse la seule question de la force juridique dans la mesure o, au-del de la distinction formelle entre rgles contraignantes et rgles qui ne le sont pas, c'est la question de l'influence de la norme sur la ralit sociale qui est au coeur de ce dbat. 2. - Orient vers le droit des sciences de la vie, le dbat sur la force normative illustre, s'agissant d'un nouveau champ du droit internationalNote 2, la vivacit de celui-ci, caractris par une expansion normative, mais aussi sa fragilit rsultant de sa fragmentation et de la faiblesse des institutions internationales charges de le prendre en charge. 3. - La force normative existe bien, en effet, comme dynamique de production de normes et comme dynamique multipolaire (I). En revanche, cette dissmination des sources du droit conduit une fragmentation de la force normative, entendue comme force organisatrice du droit international, y compris dans le champ plutt spcialis des sciences de la vie. Sans renforcement des institutions internationales charges de mettre en oeuvre ou d'interprter le droit international et sans stratgie d'harmonisation du droit, celui-ci perd en effectivit (II), laissant la mondialisation sous l'emprise des intrts tatiques et corporatistes.

1. L'expansion normative du droit international des sciences de la vie : une dynamique de sources

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4. - De mme que l'internationalisation du commerce a suscit l'apparition d'un droit spcifique, la lex mercatoriaNote 3, l'expansion de la socit technoscientifique comme modle du dveloppement global cre de nouveaux espaces pour un nouveau droit. Elle favorise l'mergence d'un droit matriel, qui n'a plus se soucier, travers la recherche de rgles de conflit adaptes chaque branche du droit, du respect de la spcificit des droits nationauxNote 4.

A. - L'expansion spatiale5. - Issue des pratiques mdicales et technoscientifique, la lex biotechnica ne prtend cependant pas une autonomie complte. Elle introduit, au contraire, ds l'origine, des acteurs tatiques et supranationaux comme sources normatives. 1 D'une lex biotechnica un droit inter ou supra tatique 6. - Voulant viter d'tre victime du syndrome de Galile , qui avait impos au raisonnement scientifique la primaut d'un dogme dont il n'avait nul besoin, tout en se dmarquant de la drive faustienne qu'on lui opposait, la communaut scientifique a marqu les dbuts de la biomdecine de sa volont de responsabilit. 7. - Il convient de reconnatre que l'essor des comits d'thique comme la mise en place de principes pour encadrer les nouvelles pratiques (procration assiste, greffes, tests gntiques...), voire la demande de moratoire (Asilomar en 1975 s'agissant des OGM)Note 5, doit beaucoup l'affirmation de cette dmarche. 8. - cet gard, l'thique biomdicale apparat comme la manifestation de l'autonomie de la communaut scientifique, capable de dfinir les rgles applicables son dveloppement et d'en informer la socit. 9. - Toutefois, la crise de confiance entre la communaut scientifique et les citoyens, la reconnaissance d'une plus grande autonomie du patient, les cots conomiques d'une mdecine de haute technologie et la crainte d'un tourisme mdical ont conduit les pouvoirs publics s'intresser aux consquences thiques, sociales et juridiques de la biomdecine et des biotechnologies. Cette ingrence de l'autorit publique ne s'est pas limite favoriser la prise de conscience des questions de socit ni mme en mesurer les consquences. Elle a ouvert la voie une politique de contrle de la science et de ses applications, relaye, partir des annes 1980, au niveau europen, par les travaux du Conseil de l'Europe et ceux, dans des domaines de comptence plus restreints, de la Communaut europenneNote 6. 2 De l'espace rgional l'espace international 10. - Au cours des deux dcennies suivantes, ce mouvement s'est peu peu tendu aux autres espaces rgionaux. Il a ainsi pris une dimension internationale. 11. - L'UNESCONote 7 puis l'OMS, agissant parfois sous le regard attentif, voire approbateur, des instances de l'Organisation des Nations UniesNote 8, ont mis en place des structures et des mthodes de travail avec la volont de donner au champ des pratiques biomdicales dans le domaine de la sant un encadrement par des principes universellement accepts. 12. - Enfin, certaines organisations internationales spcialises, comme l'Organisation mondiale de la proprit industrielle (OMPI)Note 9 ou l'Organisation de coopration et de dveloppement conomique (OCDE), sont intervenues dans le champ de leurs comptences (brevets, biotechnologie, biodiversit...)Note 10. 13. - Cette multitude d'interventions va de pair avec l'expansion d'un droit matriel.

B. - L'expansion matrielle14. - Le souhait de contrler directement des pratiques scientifiques et mdicales, qui ignorent les frontires, plutt que de s'attacher une rflexion sur l'insertion de ces pratiques dans le droit national de pays aux traditions diffrentes, a conduit favoriser l'mergence d'un droit matriel sur l'laboration de rgles de conflit de lois.

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15. - Touchant au droit matriel, l'expansion du droit international des sciences de la vie a suivi une double direction qui le conduit en dehors du champ biomdical et qui le transforme d'un droit des techniques en un droit des principes. 1 De la biomdecine aux biotechnologies 16. - Bien qu'issue de recherches menes chez l'animal, la matrise de la procration a essentiellement mobilis le droit pour ses applications humaines. Dans le domaine de la procration mdicalement assiste, comme dans celui de la plupart des autres applications biomdicales, le droit international n'est venu qu'en second lieu afin d'harmoniser des lgislations nationales divergentes pour garantir le respect d'un minimum de principes communs, limiter le tourisme biomdical et assurer une certaine homognit aux procdures rglementaires (mise sur le march de mdicaments, par exemple)Note 11. 17. - Les biotechnologies ont plutt emprunt un chemin inverse. Apparues partir des annes 1980 dans le champ du dbat biothique, elles ont d'emble, sous la pression des industriels, d'un ct, et des protecteurs de l'environnement, de l'autre, t intgres au droit international sous deux approches : celle de la proprit industrielle et celle de la protection de la biodiversitNote 12. 18. - Les biotechnologies ont ainsi t le catalyseur d'une dimension plus globale du dbat biothique. Ce dernier ne se rduit plus s'interroger sur les risques de la matrise de l'homme par la mdecine mais galement sur ceux que nous faisons courir notre plante. Nous sommes ainsi amens nous interroger sur une responsabilit relative la nature et la qualit du dveloppement conomique qui place les rapports Nord/Sud au coeur du dbat biothique et de l'laboration du droit international des sciences de la vieNote 13. 19. - On a ainsi le sentiment que les questions techniques font peu peu surgir dans leur simplicit originelle les questions de principes : celle de l'accs aux droits fondamentaux, celle de la justice et de la solidarit face l'ingalit, la pauvret, la discrimination et l'exclusion. 2 De la technique aux principes 20. - Si les normes internationales dans le domaine des sciences de la vie apparaissent leur origine comme un droit des techniques ou des pratiques, c'est que ces premires normes ont avant tout pour souci d'encadrer des pratiques nouvelles, chacune limite son domaine. Elles sont, en outre, souvent l'oeuvre des professionnels eux-mmes soit directement, travers leurs organisations (Association mdicale mondiale, Conseil des organisations internationales des sciences mdicales)Note 14, soit indirectement, par le biais des organisations intergouvernementales sollicitant des groupes d'experts pour leur exprience des pratiques considres (travaux du Conseil de l'Europe dans le domaine de la transfusion sanguine ou de la transplantation d'organes, par exemple)Note 15. 21. - Puis est venu le temps des principes parce que la gnralisation des bonnes pratiques conduit invitablement faire apparatre les principes d'thique mdicale qui en ont t les fondements et que, la norme des tats succdant et compltant celle des praticiens, c'est au nom du respect des principes communs la socit que l'autorit publique peut lgitimement justifier son interventionNote 16. 22. - La construction progressive du droit international des sciences de la vie est ainsi riche d'une multiplicit de caractres auxquels le temps, les acteurs, la gographie ont contribu suivant des approches diverses et avec un rythme et une ampleur variables. Le paysage, qui se dresse devant nous, est donc complexe et contrast. C'est un paysage fragment, dont la sinuosit du relief freine indubitablement la force normative de ce droit neuf, qui risque de dprir s'il n'est pas dot d'un systme nerveux et sanguin mme de l'irriguer et de le rendre plus ractif.

2. Force normative et fragmentation du droit international des sciences de la vie23. - Prliminairement, il n'est pas inutile de dire un mot de notre vision du droit international : ni cynique, ni nave.

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Elle se situe dans une dmarche qui vise comprendre le rel pour aller l'idal . 24. - L'analyse des causes qui attnuent la force normative du droit international dans le domaine des sciences de la vie doit ainsi ouvrir la voie la recherche de remdes, parfois audacieux, toujours pragmatiques, susceptibles de nous faire avancer sur la ralisation de notre objectif : la contribution de ce nouveau droit la construction d'un ordre juridique international, fondateur d'un nouvel quilibre de droits et de devoirsNote 17.

A. - Les facteurs d'affaiblissement de la force normative du droit25. - La brve analyse que nous avons donne des sources normatives du droit international des sciences de la vie montre que les difficults auxquelles nous faisons face rsident moins dans un vide que dans un trop plein juridique. 26. - La particularit contemporaine du droit et du droit international apparat ainsi dans l'absence d'un systme unique, cohrent et hirarchis de rgles. L'ordre juridique international a tout du dsordre, ou plutt du des ordres Note 18, mettant cte cte des systmes qui s'ignorent ou des rgles qui s'opposent. Peut-on se satisfaire d'une effectivit normative gomtrie variable ? Mais alors, quels remdes le systme international offre-t-il pour inverser cette dynamique de forces contraires ? 1 Des systmes autonomes qui s'ignorent 27. - La fragmentation du droit international donne lieu un phnomne de compartimentalisation . Celui-ci prend la forme soit de rgimes autonomes, qui constituent des systmes spcifiques de contrle d'application de certaines normes juridiques, soit de lex specialis qui, sans avoir le caractre autogr des premiers, prsente une spcificit de contenu qui peut exclure l'application du droit international gnralNote 19. Le droit international des droits de la personne, le droit international humanitaire, le droit international de l'environnement et le droit international du commerce en sont des exemples. Or, la varit des questions relevant du droit international des sciences de la vie accentue cette compartimentalisation laquelle contribue galement le phnomne de multiplication des organisations internationalesNote 20, voire des juridictionsNote 21. 28. - L'assertion que ces systmes autogrs s'ignorent pourra paratre excessive au regard de la thorie, qui fait du droit international un systme juridiqueNote 22, et de la convention de Vienne sur le droit des traits, qui en rgle le fonctionnementNote 23. Il existe cependant bien un risque (occasionnel ?) de conflit et d'incompatibilit entre diffrents rgimes autonomes, ou entre l'un de ceux-ci et les principes du droit international gnralNote 24. Ainsi, au regard des traits existant, on peut s'interroger, par exemple, pour savoir si la protection de la proprit intellectuelle ne limite pas le respect de la biodiversit ou l'accs aux mdicamentsNote 25. 2 L'opposition entre principes juridiques et normes techniques 29. - Cette opposition recoupe, en partie, une opposition plus classique mais aussi plus formelle : celle entre normes juridiquement obligatoires et soft law , cette dernire, fortement prsente dans le domaine des sciences de la vie, possdant essentiellement une nature de recommandations. 30. - Or, la soft law , qui n'apparat pas au titre des sources formelles numres l'article 38 du statut de la Cour internationale de justice, peut tre interprte et applique diffremment par les tats, introduisant un relativisme susceptible d'branler les bases de l'obligation juridique et d'en attnuer singulirement la force normativeNote 26. 31. - cette opposition premire, il semble qu'il convient d'ajouter celle entre principes juridiques et normes techniques. En premier lieu, la dynamique conomique rend souvent l'harmonisation juridique plus facile, plus rapide, pour ces dernires quand le consensus se fait plus lent et moins prcis vis--vis des premires. En second lieu, les systmes juridiques internationaux accordent souvent une marge d'apprciation importante aux tats pour interprter, dans le cadre de leurs engagements, les principes juridiques les plus fondamentauxNote 27 alors qu'ils tendent imposer, s'agissant de rgles techniques, une interprtation stricte susceptible, dans le domaine du march, de prvenir des

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distorsions de traitement entre acteurs conomiques.

B. - Des remdes sont-ils possibles sans changer les rgles organisatrices du droit international ?32. - Face au risque de relativisme juridique, la solution rside-t-elle dans des solutions qui font plutt confiance la force des institutions ou des systmes ou celle des normes rorganises en hirarchie ? 1 Les remdes institutionnels et systmiques 33. - Ainsi que le relve la Commission du droit international, bien que la fragmentation puisse crer des problmes, ceux-ci ne sont ni compltement nouveaux, ni de telle nature qu'on ne puisse les rgler par les techniques auxquelles les juristes internationaux ont recouru nagure pour traiter les conflits normatifs Note 28. Certaines de ces solutions justifient quelques remarques particulires. a) Confier des institutions indpendantes (judiciaires ?) la mission de donner une interprtation harmonise du droit 34. - Comment compenser le fait que trs peu de liens structurels existent entre les institutions internationales et les rgimes autonomes de droit qu'elles mettent en oeuvre ? Une premire perspective consiste faire rsoudre le conflit de normes par la juridiction propre de l'un des systmes. 35. - C'est ce qu'a fait, par exemple, la Cour de justice des Communauts europennes lorsque, par son arrt du 9 octobre 2001Note 29, elle a d se prononcer sur la compatibilit de la directive relative la brevetabilit des inventions biotechnologiques par rapport au respect des engagements des tats membres vis--vis de la Convention sur la biodiversit. Cette approche est nanmoins dsquilibre dans la mesure o la rponse donne ne s'impose que dans le cadre du sous-systme considr. 36. - Une seconde perspective est offerte par la possibilit pour la Cour europenne des droits de l'homme de s'inspirer, dans son interprtation de la CEDH, de la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomdecine. Bien que le texte de la convention d'Oviedo ne relve pas du mcanisme de recours juridictionnel de la CourNote 30, la possibilit de porter un cas devant elle, en utilisant les dispositions de la CEDH, permet nanmoins indirectement de donner une interprtation cohrente aux dispositions de l'un et de l'autre de ces instruments. 37. - Cette approche est bien plus satisfaisante mais suppose une double parent : parent d'institution (les deux textes sont, en l'espce, des textes labors au sein du Conseil de l'Europe) et parent de matire (les droits de l'homme) avec cette particularit que l'un des textes est un texte gnral et que l'autre est un texte spcifique, utilisant des notions et mcanismes employs par le premier et dj objet d'une abondante jurisprudenceNote 31. 38. - Comment remettre, pour ainsi dire, sur le chemin du droit commun et de la jurisprudence des systmes qui sont trangers l'un l'autre ? L'ide qu'ils appartiennent nanmoins un ordre juridique international, complexe, volutif mais unique, voudrait, sans doute, que l'on donne la Cour internationale de justice un rle central pour interprter le contenu et la porte des principes de droit en conflitNote 32. 39. - dfaut, il convient d'inciter les systmes autonomes ne plus totalement s'ignorer, dialoguer. b) Encourager une dynamique, un dialogue , entre systmes potentiellement en conflit 40. - Le paradoxe de la globalisation est de mettre en oeuvre une fragmentation fonctionnelle du droit dans une socit globale dcentralise. La socit globale est donc caractrise par l'absence d'un centre unique. Chaque systme autonome y rpond ainsi une dynamique d'objectifs, de fonctions, d'intrts. Aucun systme ne rpond plus un systme structurel et juridique unique mais reprend, en les hybridant, des lments divers : systmes

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tatiques ou privs, soft law Note 33... 41. - La thorie des rseaux donne, sans doute, une vision thorique plus satisfaisante du nouveau paysage du droit international que le modle hirarchique. Est-elle, pour autant, plus satisfaisante dans sa capacit d'tablir, travers les principes du droit international, un dialogue entre systmes autonomes ? 42. - L'exemple du conflit de rationalit juridique entre le droit du commerce international de l'OMC et celui de l'environnement (convention sur la biodiversit) pourrait, a priori, apporter une premire rponse positive. Les dcisions rendues depuis 1995 par l'Organe de rglement des diffrents de l'OMC montrent, en effet, que celui-ci, s'agissant du principe de prcaution, n'ignore pas les principes du droit international gnralNote 34. Il reconnat le principe de prcaution comme principe autonome au regard du droit international coutumier. Toutefois, et c'est l que le bt blesse, il ne retient pas la pertinence de ce principe pour le droit du commerce international, estimant que le principe n'est pas contraignant au regard du droit international coutumierNote 35. 43. - Laisser interprter le droit international gnral par l'organisme de rglement des diffrends d'un systme autonome le conduit ainsi faire prvaloir une interprtation essentiellement protectrice de l'objectif de ce rgime en l'espce le commerce - sur celle du droit international gnral. On frmit des consquences d'une telle dynamique sur le droit de la mer, le droit international humanitaire et le droit international des sciences de la vie. 44. - Pour contrecarrer les errements d'un ordre international en rseaux, qui fait le jeu des intrts les plus dynamiques, ne faut-il pas alors imposer un minimum de hirarchie et susciter une constitutionnalisation du droit international ? 2 Que peut-on attendre d'une constitutionnalisation du droit international ? 45. - De mme qu'en droit interne, le questionnement biothique a incit rechercher un noyau dur de principes, un socle sur lequel construire l'difice du biodroit , le recours au fondamentalisme juridique n'est-il pas ncessaire en droit international pour lui conserver une certaine cohrence fonde sur le respect de valeurs universellement acceptes ? a) Le retour d'une hirarchie limite des normes 46. - La tendance mettre dans une perspective humaniste et universelle le droit des sciences de la vie se concrtise dans la dmarche normative entreprise par l'UNESCO depuis le dbut des annes 1990. 47. - La Dclaration universelle sur les droits de l'homme et le gnome humain, adopte en 1997Note 36, et celle relative la biothique et aux droits de l'homme, adopte en 2005Note 37, montrent l'largissement progressif de la dmarche que compltent les actions de diffusion, d'ducation la biothique et de promotion des comits nationaux d'thique mises en place par l'organisation au double visage, celui des sciences et celui de la culture. 48. - L'ampleur de la dmarche est d'autant plus grande que le premier de ces textes a lui-mme t approuv en 1998 par l'Assemble gnrale des Nations Unies. Malgr les dboires de l'initiative franco-allemande s'agissant d'un projet de convention universelle prohibant le clonage humain reproductif (qui n'aboutit, en mars 2005, qu' un texte de dclaration, amoindri et peu consensuel)Note 38, on peut penser que les grands principes du droit international des sciences de la vie sont sur le chemin de la reconnaissance en tant que droit coutumier. 49. - Cela les rendrait-il, pour autant, suprieurs aux autres normes internationales sans qu'ils ne soient clairement qualifis de rgles impratives de droit international ? b) La place du jus cogens 50. - Les exemples de normes impratives les plus frquemment cits sont l'interdiction de l'agression, de

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l'esclavage, du gnocide, de la discrimination raciale et de la torture ainsi que les rgles de droit humanitaire applicables aux conflits arms et le droit l'autodtermination. 51. - D'autres rgles peuvent avoir le caractre de rgles de jus cogens dans la mesure o elles sont acceptes et reconnues comme telles par la communaut des tatsNote 39. La grossesse pour autrui est-elle assimilable une forme d'esclavage ? Le dprissement de milliers d'embryons congels constitue-t-il une forme nouvelle de gnocide ? Une recherche biomdicale mene sans le consentement de la personne ou sur des personnes vulnrables peut-elle tre qualifie d'acte de torture ? 52. - La rfrence aux principes noncs du jus cogens se justifie mais l'analyse des situations concernes montre qu'une rponse gnrale et absolue n'est pas vidente. Par ailleurs, si certains principes du droit international des sciences de la vie, tels ceux inscrits dans le Code de Nuremberg Note 40, peuvent tre lgitimement qualifis de droit coutumier, ce droit a-t-il alors le caractre d'impratif absolu qui exclut toute drogation ?Note 41 53. - L'un des principes cls du biodroit , le principe du consentement libre et clair, pourrait bien chapper cette reconnaissance car aucune juridiction, tant nationale qu'internationale, n'en fait un principe absolu. 54. - S'il permet de revisiter les principes du droit des sciences de la vie l'aune de cette interrogation, le critre d'imprativit ne sera donc pas forcment suffisant pour clarifier la question de la force normative du droit international des sciences de la vie. Il convient, en effet, d'admettre que celle-ci varie suivant les principes et les circonstances en cause entre une normativit attnue et une normativit renforce.

3. Conclusion55. - La fragmentation des sources apparat comme une donne essentielle de l'essor du droit international en priode de mondialisation. Elle marque une ouverture du droit international vers d'autres espaces gographiques, vers d'autres domaines, reconnaissant la vigueur du droit, capable de se diversifier en incorporant de nouveaux objets, de nouvelles techniques. 56. - Toutefois, le droit international risque de sombrer, au gr des circonstances, dans la domination particulire et alternative de rseaux d'intrts. C'est pourquoi, avant mme de songer dgager de ce pluralisme des principes communs, le droit doit s'efforcer d'en organiser les diffrentes logiques. 57. - Si l'union ne fait plus la force, c'est la dynamique des contradictions d'y contribuer. La normativit juridique n'en sortira pas forcment plus effective mais, dfaut d'une nouvelle hirarchie de normes, des espaces de normativit renforce ctoieront des espaces de normativit attnue.

Note 1 www.iales.org Note 2 Ch. Byk, Le droit international des sciences de la vie, Les tudes hospitalires, Bordeaux, 2003. Note 3 B. Goldman, La lex mercatoria dans les contrats et l'arbitrage internationaux : JDI 1979, p. 1 et s. Note 4 C. Labrusse, Biothique et droit international priv : objectifs et mthodes en questions : Trav. du Comit fr. DIP 2001. Note 5 La confrence d'Asilomar a t organise en 1975 par Paul Berg (futur prix Nobel de chimie en 1980). Elle appelait un moratoire sur les manipulations gntiques, afin d'viter que des bactries gntiquement modifies puissent se disperser dans l'environnement.

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Note 6 Ch. Byk, tude Organismes europens et internationaux : Dictionnaire permanent biothique et biotechnologies, ditions lgislatives, Montrouge, mise jour 2008. Note 7 L'UNESCO a mis en place en 1993 un Comit international de biothique, bientt doubl en 1998 par un Comit intergouvernemental de biothique. Note 8 En dcembre 1998, l'Assemble gnrale des Nations unies devait reprendre son compte la Dclaration universelle sur l gnome humain et les droits de l'homme adopte l'anne prcdente par la Confrence gnrale de l'UNESCO. Note 9 V. notamment OMPI-UPOV, Colloque OMPI-UPOV sur la coexistence des brevets et du droit d'obtenteur dans la promotion des innovations biotechnologiques, 25 octobre 2002, Genve (disponible sur le site Internet upov.int). Note 10 OCDE, La biotechnologie moderne et l'OCDE, Synthses, juin 1999 (disponible sur le site internet de l'OCDE). Note 11 Ch. Byk, La biothique en Europe : un paysage clat ? : JurisData n 1991-001275 ; JCP G, 1991, I, 3526. Note 12 N. de Sadeleer, Droit international et communautaire de la biodiversit : Dalloz, Paris, 2004. Note 13 Ch. Byk, Biodiversit, bioscurit et dveloppement durable : Journal international de biothique, vol. 17, n 4, dc. 2006. Note 14 L'Association mdicale mondiale (AMM) est une association internationale de mdecins, fonde le 17 septembre 1947. En 2008, l'AMM reprsentait quatre vingt quatre associations mdicales nationales et neuf millions de membres. Elle adopte des dclarations porte internationale dans le domaine de l'thique mdicale, la plus connue d'entre elles tant la Dclaration d'Helsinki relative la recherche biomdicale chez l'homme. Le CIOMS regroupe des acadmies nationales de mdecine et des organisations mdicales internationales et s'efforce d'adapter les grands principes de l'thique mdicale et de la recherche des situations concrtes. Note 15 B. Genetet, La transfusion sanguine : un demi-sicle de contribution du Conseil de l'Europe : ditions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1998 et Conseil de l'Europe, Guide sur la scurit et l'assurance de qualit de la transplantation d'organes, de tissus et de cellules,3e d. : ditions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2006. Note 16 Ch. Byk, Le droit europen de la biothique : droit des techniques ou droit des principes ? : Actualuts Jurisant, dc. 1998, vol. 24. Note 17 Ch. Byk, Biothique, universalisme et mondialisation : La dynamique des contradictions : JCP G 2005, I, 113. Note 18 .-L. Comtois-Dinel, La fragmentation du droit international : vers un changement de paradigme ? : Lex electronica, automne 2006, vol. 11, n 2 (www.lex-electronica.org/articles/v11-2/comtoisdinel.htm). Note 19 M. Koskenniemi, Rapport prliminaire sur la fragmentation du droit international : difficults dcoulant de la diversification et de l'expansion du droit international, Groupe d'tude sur la fragmentation, Commission du droit international, ILC(CVI)/SG/FIL/CRD.1, 2004, p. 1. Note 20 N. M. Blocker et H. G. Schermers (ss la dir.), Proliferation of International Organizations :Legal Issues : Kluwer Law International, The Hague/London/Boston, 2001. Note 21 G. Teubner et A. Fischer-Lescano, Regime-Collisions : the Vain Search for Legal Unity in the Fragmentation of Global Law : Mich.J.int'L., 2003-2004, 25(4), p. 999. Note 22 P.-M. Dupuy, L'unit de l'ordre juridique international, Cours gnral de droit international public : Recueil des cours de La Haye, 2002, vol. 297. Note 23 Conv. Vienne, 23 mai1969. Note 24 E. Jouannet, L'influence des principes gnraux face aux phnomnes de fragmentation du droit international contemporain in R. Huesa Vinaixa et K. Wellens, L'influence des sources sur l'unit et la fragmentation du droit international : Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 115 154. Note 25 ANRS, Un an aprs l'application des nouveaux accords de l'OMC sur la proprit intellectuelle, tat des lieux de l'accs aux soins dans les pays en dveloppement, 1er dc. 2005 (disponible sur le site Internet de l'ANRS). Note 26 I. Duplessis, Le vertige et la soft law : ractions doctrinales en droit international : Revue qubcoise de droit international (Hors-srie), 2007, p. 245.

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Note 27 Ch. Byk, Le droit fondamental des sciences de la vie : un droit constitutionnel et international au service d'une vision renouvele des droits de l'homme, Biothique et constitution : Cahiers de droit de la sant du Sud-Est, 2008, n 9. Note 28 Commission du droit international, Cinquante-huitime session, 1er mai-9 juin et 3 juillet-11 aot 2006 ; Assemble gnrale, documents officiels, Soixante et unime session, supplment n 10 (A/61/10), chap. XII, Fragmentation du droit international ; difficults dcoulant de la diversification et de l'expansion du droit international, p. 424. Note 29 CJCE, 9 oct. 2001, aff. C-377/98, Pays-Bas c/ Parlement et Conseil : Rec. CJCE 2001, I, p. 7079. Note 30 L'article 29 de la convention prvoit seulement que la Cour peut donner, en dehors de tout litige concret se droulant devant une juridiction, des avis consultatifs sur des questions juridiques concernant l'interprtation de la (...) convention . Il ne s'agit donc pas d'un mcanisme de question prjudicielle. Note 31 Ch. Byk, Les progrs de la mdecine et de la biologie au regard de la Convention europenne des droits de l'homme : ditions du Conseil de l'Europe, Strasbourg,1994 et La biothique dans la jurisprudence de la Cour europenne des droits de l'homme : ditions de l'Univesrti Nationale Autonome de Mexico ( paratre). Note 32 P.-M. Dupuy, The Danger of Fragmentation or Unification of the International Legal Systtem and the International Court of Justice (1998-1999) : N.Y.UJ.Int'L. and Pol., p. 804. Note 33 O. Perez, Normative Creativity and Legal Pluralism : Reflections on the democratic Critique of Transnational Law, (2003)10 Ind.J.Global Legal Stud. 25, p. 25 et S. Oeter, International Law and General System Theory, (2001) 44 German Y.B.int'L. 72, p. 74. Note 34 Ch. Noiville, Principe de prcaution et Organisation mondiale du commerce. Le cas du commerce alimentaire : JDI 2000, p. 263 et s. Note 35 Organe de rglement des diffrents de l'OMC, Affaire du boeuf aux hormones, 12 juill. 1999. Note 36 Ch. Byk, La Dclaration universelle sur le gnome humain et les droits de l'homme : JDI 1998, p. 125. Note 37 Ch. Byk, La Dclaration universelle sur la biothique et les droits de l'homme : JDI 2007, p. 134. Note 38 Organisation des Nations Unies, Dclaration des Nations Unies sur le clonage des tres humains ; Rsolution adopte par l'Assemble gnrale le 2 mars 2005 sur la base du rapport de la Sixime Commission (A/59/516/Add.1)59/280. Note 39 Ch. Tomuschat et J.-M. Thouvenin (ss la dir.), The Fundamental Rules of the International Legal Order : Jus Cogens And Obligations Erga Omnes Martinus Nijhoff, Leiden, Boston, 2006. Note 40 Le code fait partie du jugement du Tribunal Militaire Amricain, Nuremberg, 1947 (trad. franaise in F. Bayle, Croix gamme contre caduce. Les expriences humaines en Allemagne pendant la Deuxime Guerre Mondiale, Neustadt, Commission scientifique des crimes de guerre, 1950.) Note 41 Dans le rapport de sa deuxime runion, le Groupe de travail charg de l'laboration d'une Dclaration universelle sur la biothique dclarait au paragraphe 7 : concernant les principes qui devraient tre affirms dans la dclaration, une approche diffrente de celle suivie dans la Dclaration universelle sur le gnome humain et les droits de l'homme et la Dclaration internationale sur les donnes gntiques humaines a t privilgie. Elle consiste noncer des principes gnraux qui devraient tre limits quelques principes de base qui gouverneraient toute la matire et qui constitueraient des principes appartenant au jus cogens (SHS/EST/04/CIB-Gred-2/3 Paris, 2 juill. 2004).Cette indication de la volont des rdacteurs initiaux du texte correspond-elle, pour autant la ralit de celui-ci dans les dispositions ngocies et finalement adoptes par la Confrence gnrale de l'UNESCO (c'est--dire les tats membres) en 2005 ?

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Document 3 de 31 Journal du droit international (Clunet) n 1, Janvier 2009, doctr. 3

Contract claims et clauses juridictionnelles des traits relatifs la protection des investissements . - Lalive Lecture, 22 mai 2008Etude par Pierre Mayer Professeur l'universit Paris I (Panthon-Sorbonne) Avocat au barreau de Paris Sommaire

La rdaction de la clause de rsolution des litiges que contiennent la plupart des traits relatifs la protection des investissements varie d'un trait l'autre. Certaines clauses limitent l'offre de comptence arbitrale (adresse par chaque tat partie aux investisseurs des autres tats parties) aux demandes fondes sur une violation des clauses matrielles du trait (treaty claims). D'autres sont conues en termes gnraux, mais les tribunaux arbitraux en restreignent la porte et excluent, l encore, les demandes fondes sur une violation du contrat par lequel l'investissement a t ralis (contract claims). Dans les deux cas des demandes des investisseurs rsultant des mmes faits, et tendant la mme fin l'indemnisation du dommage subi du fait de l'tat rcepteur de l'investissement - doivent tre ainsi soumises des tribunaux diffrents, ce qui engendre des injustices et des contradictions. Aucune raison thorique, tire notamment de la prtendue ncessit de distinguer l'ordre juridique tatique et l'ordre juridique international, ne justifie un rsultat aussi indfendable en pratique.

The drafting of the dispute resolution clause contained within most investment treaties varies from one treaty to another. Certain clauses limit the offer of arbitral jurisdiction (addressed by each State party to the investors of the other State parties) to claims based on a breach of the substantive clauses of the treaty (treaty claims). Other clauses are drafted in more general terms, but arbitral tribunals limit their scope and exclude, here as well, claims based on a breach of the investment contract (contract claims). In these two cases, requests of the investors which are based on the same facts and seek the same relief - compensation for the loss suffered due to the host state - have to be therefore submitted to different tribunals, which results in injustice and contradictions. No theoretical argument, based in particular on the alleged necessity to distinguish between State legal order and international legal order, justifies such an unacceptable result in practice.

1. - Le sujet de cet article est relatif l'un des aspects les plus essentiels et les plus controverss de la protection des investisseurs trangers contre les actes de l'tat d'accueil qui portent atteinte leurs droits : la distinction entre les rclamations qu'ils peuvent formuler, fondes sur le contrat qu'ils ont conclu avec l'tat ou avec une autre personne publique (contract claims), et celles qui sont fondes sur un trait conclu entre leur tat national et l'tat d'accueil, pour la protection rciproque de leurs investisseurs (treaty claims). J'utilise cette terminologie anglaise en raison de la longueur excessive des priphrases qu'imposerait la langue franaise. L'un des effets frquemment attachs cette distinction consiste rserver aux treaty claims l'offre de comptence arbitrale que chaque tat met, aux termes de la clause juridictionnelle du trait, en faveur des investisseurs de l'autre tat ; les ventuels contract claims de ces investisseurs, ainsi exclus de l'offre de comptence, doivent quant eux tre ports devant les tribunaux de l'tat rcepteur de l'investissement, ou, si le contrat contient une clause compromissoire,

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devant le tribunal arbitral dsign par cette clause. Mon propos est de montrer que cette dichotomie conduit des rsultats pratiques regrettables sans tre vritablement fonde sur le plan juridique. Certes la dispersion du contentieux est invitable dans certaines circonstances, mais en dehors de celles-ci tous les efforts devraient tre faits pour permettre l'investisseur de porter ses contract claims, en mme temps que ses treaty claims, devant le tribunal dont le trait offre la comptence (que j'appellerai, brevitas causa, le tribunal du trait ). 2. - Un bref rappel historique est ncessaire pour comprendre la faon dont le problme se pose. Initialement la position de l'investisseur tranger tait peu confortable en cas de mesures telles que nationalisation, expropriation, retrait anticip d'une concession, obstacle au rapatriement des capitaux, ou tout simplement non-paiement des sommes dues au titre de l'investissement. Il pouvait - et peut toujours - s'adresser aux tribunaux locaux. Mais l'impartialit de ceux-ci n'est pas garantie ; de plus ils n'ont gure d'autre choix que d'appliquer la loi de l'tat d'accueil, et c'est souvent elle qui cause un dommage l'investisseur. Une autre possibilit tait - est toujours, au moins en thorie - d'invoquer la protection diplomatique de l'tat national, dont l'une des formes - rarement utilise - consiste porter le litige devant une juridiction internationale (Cour permanente de justice internationale avant 1945, Cour internationale de justice depuis). Devant celle-ci l'tat national exerce un droit propre , celui de faire respecter en la personne de son ressortissant le droit international , selon les termes de l'arrt Mavrommatis Palestine Concessions de la Cour permanente de justice internationaleNote 2. Si l'tat obtient une indemnit, celle-ci est en principe calcule la mesure du dommage subi par l'investisseur, et normalement reverse celui-ci. Mais cette protection, elle aussi, est insuffisante, car alatoire : la dcision de l'tat de prendre fait et cause pour son national est discrtionnaire, elle est en fait rare, et le rsultat de son action incertain. Ce qu'il faut, c'est : ---que l'investisseur puisse agir en justice lui-mme ; qu'il puisse le faire devant un tribunal impartial dont la dcision sera reconnue partout ; et que ce tribunal ait - sans se limiter ce seul rle - le moyen de corriger ce que la lgislation de l'tat pourrait avoir d'injuste, notamment de confiscatoire ou de discriminatoire.

Ce moyen existe, c'est l'arbitrage international, notamment sous l'gide du Centre International pour le rglement des diffrends relatifs aux investissements (CIRDI), un organisme dpendant de la Banque mondiale, cr par la convention de Washington du 18 mars 1965. En effet, selon l'article 42 de la convention, un tribunal CIRDI doit appliquer les rgles de droit adoptes par les parties et, faute d'accord entre celles-ci, le droit de l'tat contractant partie au diffrend (...) ainsi que les principes du droit international en la matire. L'investisseur a donc bien accs direct un tribunal impartial, devant tenir compte du droit international protecteur des investissements, et ce y compris, selon l'opinion dominante, lorsque les parties au contrat d'investissement l'ont soumis au droit de l'tatNote 3. De plus, les sentences CIRDI doivent tre reconnues sans aucun contrle dans chacun des tats parties et y tre excutes comme si elles taient des jugements manant de ces tats (Conv., art. 54). Encore faut-il, pour que l'investisseur ait accs au CIRDI, que l'tat ait accept une clause compromissoire prvoyant l'arbitrage de ce centre, renonant ainsi la comptence des ses propres tribunaux ; or il est souvent en position de force dans la ngociation en raison de la concurrence entre les entreprises dsireuses d'emporter le march, et peu enclin consentir ce qu'il tend considrer comme un abandon de souverainet. 3. - C'est ici qu'interviennent les traits sur la protection des investissements. Outre le rseau des traits bilatraux, extrmement nombreux (on en compte plus de 2 500), il existe quelques traits multilatraux, soit dans un secteur conomique donn (trait sur la charte de l'nergie), soit dans un cadre rgional (l'accord de libre change nord-amricain, ALENA, conclu entre le Canada, les tats-Unis et le Mexique, le trait DR-CAFTA, conclu entre les tats-Unis, des tats d'Amrique centrale et la Rpublique dominicaine, et l'accord ASEAN pour la promotion et la

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protection des investissements conclu entre l'Indonsie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thalande et Brunei). Ces traits contiennent des engagements matriels dont beaucoup reprennent le droit international gnral issu de la pratique antrieure des juridictions internationales : l'exigence d'un traitement juste et quitable, la prohibition des mesures discriminatoires, celle des expropriations et nationalisations sans indemnit, etc. Mais ils vont en gnral plus loin et comportent une clause de traitement national et/ou de la nation la plus favorise. Surtout ces traits contiennent une clause juridictionnelle, par laquelle chaque tat accepte par avance, au profit des investisseurs nationaux de l'autre tat qui investissent sur son territoire, que les litiges relatifs l'investissement soient ports contre lui par l'investisseur devant un tribunal arbitral. Le plus souvent il est prvu que l'arbitrage se droule sous l'gide du CIRDI, mais parfois d'autres choix sont laiss l'investisseur : arbitrage selon le rglement de la CNUDCI, celui de la Chambre de commerce de Stockholm, celui de la chambre de Commerce internationale. Ce systme a vocation se substituer celui de la protection diplomatique - en gnral exclue, notamment dans le cadre de l'arbitrage CIRDI : on n'en a plus besoin. L'investisseur est mis en mesure de se prvaloir directement des rgles coutumires, et des engagements conventionnels, qui lient les tats les uns envers les autres. 4. - La nature des droits que l'investisseur peut faire valoir en recourant contre l'tat rcepteur l'arbitrage du trait est discute. Selon une analyse, chaque tat partie, prenant fait et cause par avance pour ses investisseurs nationaux, leur laisse l'initiative et la matrise du recours exerc contre un autre tat, avec l'accord de celui-ci, dans la mise en oeuvre de la protection diplomatique Note 4. Cette analyse peut avoir inspir le tribunal arbitral dans l'affaire The Loewen Group Inc. c/ tats-Unis lorsque, pour justifier l'exigence que les investisseurs aient de faon continue la nationalit d'un tat partie au trait afin de pouvoir agir contre un autre tat partie, il a affirm que claimants are permitted for convenience to enforce what are in origin the rights of Party States Note 5. Selon une autre analyse, qui tend l'emporter aujourd'hui, States can, (...) and occasionally do, confer upon individuals, whether their own subjects or aliens, international rights stricto sensu, i.e. rights which they can acquire without the intervention of municipal legislation and which they can enforce in their own name before international tribunals Note 6. Ds lors que l'investisseur exercerait ainsi un droit propre, il faudrait voir en lui un sujet du droit international, par rfrence la dfinition d'un tel sujet comme toute personne capable d'entrer en litige directement avec un autre sujet du droit international en tant que tel et, ventuellement, d'attraire ce sujet devant une juridiction internationale Note 7. Tout au plus le qualifiera-t-on, pour l'opposer aux tats, de sujet secondaire ou driv Note 8 ou encore mdiat .Note 9 Comme l'a nonc, dans une dcision sur la comptence, le tribunal arbitral constitu dans l'affaire Plama Consortium Ltd c/ Rpublique de BulgarieNote 10, le Trait sur la charte de l'nergie, qui est en lui-mme un trait majeur pour les investisseurs, [marque] une tape supplmentaire dans la transformation de leur statut d'objet leur statut de sujet du droit international . Dans une affaire Occidental vs Republic of Ecuador, l'enjeu de cette discussion tait de savoir si les tribunaux anglais, en tant que tribunaux du sige de la procdure arbitrale qu'avaient dclenche des demandes d'Occidental fondes sur le trait bilatral liant l'quateur aux tats-Unis, avaient le pouvoir de connatre d'une demande d'annulation de la sentence. Occidental soutenait que, puisqu'elle avait exerc les droits que les tats-Unis tenaient du droit international, les tribunaux anglais taient en fait saisis d'un litige relatif aux rapports de droit international entre deux tats souverains, ce quoi faisait obstacle un principe de judicial restraint and abstention . La Court of Appeal de Londres n'a pas admis ce raisonnement et a considr qu'Occidental exerait en ralit un droit propreNote 11. 5. - Que l'on retienne l'une ou l'autre analyse, que l'investisseur exerce les droits de son tat national ou son droit propre, tout semble militer pour fonder sur le droit international les demandes qu'il est admis prsenter devant le tribunal du trait. Celui-ci est peru, en quelque sorte, comme l'hritier des tribunaux qui nagure taient saisis par l'tat exerant la protection diplomatique de son national ; simplement on permet ce dernier d'agir directement, puisque ce sont ses intrts qui sont primordialement concerns ; mais le litige mettrait toujours en jeu les droits de deux sujets du droit international : d'un ct ceux de l'tat rcepteur de l'investissement, dfendeur, et de l'autre, selon l'analyse

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retenue, soit ceux de l'tat national, sujet immdiat du droit international, mis en oeuvre mdiatement par l'investisseur, soit ceux de l'investisseur, sujet mdiat exerant directement son droit propre. Ds lors que l'on considre ainsi les clauses juridictionnelles des traits relatifs la protection des investissements comme l'aboutissement (au moins provisoire) d'une volution historique, on peut expliquer la tendance, largement dominante, sinon dans la rdaction de ces traits, du moins dans leur interprtation, limiter la comptence du tribunal arbitral du trait aux treaty claims, plus largement aux demandes fondes sur le droit international. Les demandes fondes sur le contrat, quant elles, restent soumises la comptence des tribunaux de l'tat, ou de ceux dsigns dans le contrat. De ce fait, on conserve la structure dualiste qui reposait sur la superposition de deux plans : le plan inter partes et le plan intertatique, bien que, sur le terrain juridictionnel, le plan intertatique ait disparu. Cette structure dualiste caractrise encore largement le systme actuel. 6. - C'est prcisment de cette rpartition des demandes entre des tribunaux diffrents, selon le fondement de la demande, que je voudrais parler, et que je voudrais critiquer, spcialement lorsque les faits l'origine de ces demandes sont les mmes - par exemple, la rupture anticipe d'un contrat de partage de production, allgue tre contraire, d'une part, aux engagements contractuels de l'tat, d'autre part l'exigence de fair and equitable treatment et la prohibition des expropriations sans indemnit ; tant observ que dans ces cas, l'objet des demandes est galement le mme : l'indemnisation du prjudice. Prvoir la comptence de deux tribunaux diffrents, dans ces conditions, prsente de graves inconvnients, et la plupart du temps ne s'impose pas. Voyons donc successivement l'opportunit d'une extension de la comptence du tribunal du trait aux contract claims (I), les prtendus obstacles thoriques cette extension (II), et les difficults pratiques, largement surmontables, auxquelles elle se heurte nanmoins (III).

1. L'opportunit d'une extension de la comptence du tribunal du trait aux contract claimsA. - Fonctionnement du systme dualiste actuel7. - Mon propos est limit aux cas o deux demandes ont le mme objet (une indemnisation), sont fondes sur les mmes faits, mais sont juges relever de comptences diffrentes en raison de leurs fondements diffrents. Cette situation est banale. Dans la pratique, l'investisseur commence souvent par saisir de ses contract claims la juridiction locale (par cette expression je vise aussi bien un tribunal arbitral prvu par le contrat d'investissement et sigeant dans l'tat d'accueil, que les tribunaux nationaux de cet tat), avant de tenter sa chance auprs du tribunal du trait. Il en est ainsi pour diverses raisons. D'abord il ne lui vient pas tout de suite l'ide que le litige puisse revtir une dimension internationale ; il peut mme ignorer l'existence du trait qui le protge. Ensuite une telle dmarche risque d'envenimer ses rapports avec l'tat, alors qu'il lui parat que tout espoir d'arranger les choses avec lui n'a pas disparu. Puis, il n'est pas sr que ce dont il se plaint atteigne au niveau d'une violation du trait. Enfin il arrive que ce soit l'tat ou l'entit publique cocontractante qui prenne les devants en saisissant ses propres tribunaux, dclenchant une demande reconventionnelle de l'investisseur. Lorsque par la suite celui-ci se rsout saisir d'un treaty claim le tribunal du trait, la situation devient complexe. Le plus souvent la procdure locale n'est pas puise. La saisine d'un tribunal du trait se traduit donc par l'existence de procdures parallles, et l'tat dfendeur fait valoir plusieurs exceptions pour que le tribunal du trait n'en vienne pas connatre du fond. Il fait d'abord valoir que le contrat contient une clause attributive de juridiction ou compromissoire qui droge la comptence prvue par le trait (ou qui exerce une option ouverte par celui-ci). Subsidiairement, supposer que le tribunal retienne sa comptence, une situation de litispendance existerait, et le tribunal du trait, saisi en second, devrait se dessaisir. Et tout le moins ce tribunal devrait-il juger opportun de surseoir statuer.

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8. - La jurisprudence majoritaire rejette ces arguments en recourant la distinction entre treaty claims et contract claims. Parmi de nombreux exemples, le tribunal arbitral CIRDI qui a statu dans l'affaire Salini c/ JordanieNote 12 par une dcision sur sa comptence, estime que la clause du contrat attribuant comptence aux tribunaux jordaniens ne peut concerner les rclamations fondes sur les violations du trait garantissant le respect des contrats. . Sur l'exception de litispendance et la demande de sursis statuer le refus domine, depuis la dcision du Comit ad hoc dans une affaire Vivendi c/. Argentine en 2002Note 13. Certes, trs souvent, le tribunal du trait doit apprcier les mmes manquements allgus au contrat que le tribunal local, la violation du trait prsupposant une violation du contrat. C'tait le cas dans les affaires Vivendi c/ Argentine, SGS c/ PakistanNote 14, Impregilo c/ PakistanNote 15, Bayindir c/ PakistanNote 16, etc. Les tribunaux constitus dans ces affaires ( l'exception de celui qui a statu dans l'affaire Vivendi c/ Argentine et dont la dcision a t annule par le comit ad hoc) ont nanmoins considr qu'ils ne devaient ni se dessaisir ni surseoir, les deux instances tant diffrentes puisque relatives des demandes reposant sur des fondements diffrents. Ils ont bien eu conscience qu' l'occasion des treaty claims dont ils taient saisis, des questions de nature contractuelle pouvaient se poser. Mais comme le relve la dcision Bayindir, un tribunal peut rsoudre n'importe quelle question sous-jacente, titre prliminaire . vrai dire, dfaut de litispendance, il existe au moins une connexit troite entre les deux instances, qui dans un autre contexte pourrait justifier un sursis statuerNote 17. Mais les tribunaux ont en ralit considr que l'offre de comptence contenue dans le trait avait pour but de permettre l'investisseur de voir ses demandes - au moins celles fondes sur le trait - apprcies par d'autres tribunaux que ceux de l'tat rcepteur de l'investissement. Ds lors il ne servirait rien, pour eux, d'attendre une dcision dont, si elle est dfavorable l'investisseur, ils ne tiendraient compte que sous rserve d'un contrle empreint de mfiance. Comme l'a exprim la dcision Impregilo : Si une suspension tait ordonne (...), seraient incertaines la question de savoir pendant combien de temps une telle mesure devrait tre maintenue, celle de savoir quels vnements prcis devraient y mettre fin, et celle de savoir quelle attitude le tribunal devrait adopter lors de la rouverture de la procdure par rapport la procdure ou aux dcisions prises dans l'intervalle dans l'arbitrage Lahore Note 18. Cette attitude n'est cependant pas unanime. Dans une dcision de 2004, le tribunal arbitral saisi dans l'affaire SGS c/ Philippines a, aprs avoir maintenu sa comptence l'gard des treaty claims, prononc le sursis statuer. Le treaty claim dont il tait saisi tait fond sur une clause de couverture (umbrella clause) imposant l'tat, dans l'analyse du tribunal, l'obligation de payer ce qui est d en application du contrat . En revanche la dtermination du montant d par l'tat n'tait pas une question relevant du trait ; elle tait rgie par le contrat, et le litige relatif celui-ci relevait, en vertu d'une clause attributive de juridiction, de la comptence exclusive des tribunaux philippinsNote 19. En consquence le tribunal arbitral a sursis statuer en attendant une dcision sur le montant d en application du contrat.

B. - Consquence nfastes du systme dualiste9. - Le systme dualiste incite la duplication des procdures, avec toutes les consquences nfastes qui en dcoulent. La premire est l'augmentation des cots : deux procdures cotent plus cher qu'une seule. Lorsque les intrts en jeu sont considrables, cet inconvnient apparat mineur. Mais les litiges qui surgissent entre tats et investisseurs portent parfois sur des rclamations relativement modestes. C'est surtout la dualit des dcisions qui est proccupante. Certes, si les procdures aboutissent toutes deux condamner l'tat au profit de l'investisseur, il ne s'ensuivra pas une double indemnisation. Comme l'a relev le tribunal arbitral dans l'affaire Camuzzi International c/ Rpublique argentine, le droit international et la jurisprudence offrent de nombreux mcanismes destins carter la possibilit de double indemnisation Note 20. Il n'empche que l'investisseur pourra choisir de faire excuter celle des deux dcisions

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qui lui octroiera la somme la plus leve, ce qui n'est gure juste. Beaucoup plus grave est le risque de contrarit de dcisions. Si le tribunal local (tatique ou arbitral, selon le cas) estime que l'tat a agi conformment au contrat, alors que le tribunal du trait dclare qu'il l'a, au contraire, gravement viol, on aura beau dire que chacune de ces affirmations se situe dans une sphre diffrente, la contradiction n'en sera pas moins choquante. L'tat la considrera comme attentatoire sa souverainet, et infamante pour ses tribunaux. L'ensemble du systme sera fragilis. Tout aussi critiquable est la rupture de l'galit entre les deux parties. En procurant l'investisseur deux fors distincts, auxquels il peut recourir successivement ou simultanment, on lui ouvre en mme temps deux chances de succs. Si sa demande est accueillie par le tribunal local (tatique ou arbitral), il n'a pas besoin de commencer ou de poursuivre une procdure devant le tribunal du trait. Si en revanche elle choue, il lui reste la possibilit de convaincre le tribunal du trait. Or c'est cette seconde dcision qui l'emportera en pratique, surtout si le tribunal du trait est un tribunal CIRDI, dont les sentences sont reconnues automatiquement par tous les tats parties, sans que puisse faire obstacle cette reconnaissance l'existence d'un jugement de dbout manant d'un tribunal tatique ou arbitral ordinaireNote 21. Cette injustice risque d'tre aggrave lorsque l'tat a, de son ct, des demandes fondes faire valoir. Il ne peut, en effet, former de demande reconventionnelle que devant le tribunal local ; le tribunal du trait ne connat, quant lui, que des demandes formes par l'investisseur, fondes sur une violation du trait. Aucune compensation judiciaire ne pourra donc intervenir, et il risque d'tre plus difficile pour l'tat, si l'investisseur n'a plus sur place d'actifs saisissables, de faire excuter l'tranger le jugement lui donnant gain de cause, que pour l'investisseur de faire excuter la sentence CIRDI. Certes les traits comportent parfois une clause una via electa (baptise en anglais fork in the road), interdisant l'investisseur qui a d'abord agi devant le tribunal local de s'adresser ensuite au tribunal du trait. Mais la jurisprudence a vid de tout contenu de telles clauses en recourant la distinction entre contract claims et treaty claims : le fait d'avoir saisi la juridiction locale d'un contract claim ne priverait pas l'investisseur de la possibilit de porter un treaty claim devant le tribunal du trait, les deux demandes tant de nature diffrente.Note 22 Enfin, on cre, devant le tribunal du trait, une tape artificielle : l'examen de la comptence sur la base des faits tels qu'ils sont allgus, indpendamment de toute question de preuve. En effet, lorsque l'tat dfendeur soutient que le tribunal est incomptent, parce que les faits qui lui sont reprochs, mme avrs, ne constitueraient pas des violations de ses engagements internationaux, la mthode la plus expdiente, applique notamment dans les dcisions Impregilo c/ PakistanNote 23, Bayindir c/ PakistanNote 24 et Jan de Nul c/ Rpublique arabe d'gypteNote 25, consiste se prononcer en fonction des allgations, quitte constater dans un second temps que les faits allgus ne sont pas prouvs. Le plus souvent, cela alourdit le procs et en retarde inutilement l'issue, car la vritable difficult rside dans la preuve de l'existence des faits, non dans la pertinence de leur allgation. 10. - A-t-on du moins, au prix de ces inconvnients, procur l'investisseur toute la protection qu'il mrite ? Mme pas. Certes on lui donne accs un tribunal impartial, qui pourra vrifier s'il a t victime de la violation d'un engagement international de l'tat. Mais il n'est pas sr que la violation du contrat, dont il se plaint, ait le degr de gravit requis pour engager la responsabilit internationale de l'tat. Or il n'est pas sans inconvnient pour lui de tenter la voie du trait, sans tre assur du rsultat : ne va-t-il pas compromettre encore davantage les chances de succs devant la juridiction locale ? On donne ainsi l'investisseur deux chances, mais l'une peut nuire l'autre, et se rvler strile. Le risque est encore plus grand lorsque la clause juridictionnelle, telle celle contenue dans l'ALENA, impose l'investisseur, pour avoir le droit de recourir l'arbitrage du trait, de renoncer commencer ou poursuivre devant un autre tribunal toute procdure relative la mesure tatique qu'il allgue avoir t prise en violation d'une obligation ne du trait. Il risque alors de lcher la proie pour l'ombre. 11. - En fait la protection dont l'investisseur a besoin n'est pas essentiellement celle du droit international, mais celle d'un tribunal impartial, appliquant toutes les rgles tous les aspects du litige, largement compris.

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Il est contraire au bon sens de limiter la comptence du tribunal du trait aux demandes fondes sur une violation des clauses matrielles du trait. L'investisseur, contrairement son tat national lorsque celui-ci exerait la protection diplomatique, ne se pose pas essentiellement en victime d'une violation du droit international. Il vise une rparation concrte de son prjudice, quel que soit le fondement de cette rparation. C'est la demande de rparation qui fonde l'unit du litige, et pour la respecter il faut, autant que possible, un tribunal unique pour les treaty claims et pour les contract claims. Sensibles cette logique, mais ne concevant pas que le tribunal du trait puisse connatre de demandes fondes sur les clauses du contrat et sur le droit tatique rgissant celui-ci, les rdacteurs de certains traits ont eu l'ide d'y insrer une clause de couverture (umbrella clause), par laquelle chaque tat s'engage respecter ses engagements vis--vis des investisseurs des autres tats parties. Toute mconnaissance d'une obligation contractuelle se double ainsi, ipso facto, d'une violation d'un engagement international, et peut ds lors tre invoque devant le tribunal du trait. Ces clauses ont soulev plus de problmes qu'elles n'en ont rsolu. Les tribunaux arbitraux se sont diviss, certains se refusant leur faire produire quelque effet que ce soitNote 26, d'autres leur confrant la porte la plus largeNote 27, d'autres encore leur attribuant une porte limite, dduite de considrations variables d'une dcision l'autreNote 28. Le caractre artificiel de ces clauses est d'ailleurs flagrant. Elles prtendent doubler l'engagement, contractuel ou rsultant d'une mesure unilatrale, de l'tat envers l'investisseur, par un engagement d'tat tat. Mais en ralit c'est encore l'investisseur qui est le bnficiaire de la clause, car c'est lui qui l'invoquera devant le tribunal du trait. On s'est donc born rpter un engagement pris par ailleurs (soit avant, soit aprs), la seule diffrence tant que l'une des versions figure dans un contrat et l'autre dans un trait, et ce avec pour seul objectif de permettre l'investisseur d'invoquer l'engagement, en fait unique, devant le tribunal du trait. Ce rsultat pouvait tre atteint plus directement, en permettant l'investisseur d'invoquer les violations du contrat, en tant que telles, devant le tribunal du trait. Aucun obstacle thorique ne s'y opposeNote 29.

2. L'absence d'obstacle thorique l'extension de la comptence du tribunal du trait aux contract claims12. - Pour un tribunal arbitral du trait , la question de savoir s'il est comptent pour connatre d'un contract claim dont il est saisi dpend en premier lieu de la rdaction de la clause juridictionnelle du trait. Or ces clauses sont fort diffrentes les unes des autres. Certaines prcisent expressment que l'offre de comptence ne concerne que les treaty claims. Ainsi les articles 1116 et 1117 de l'ALENA permettent l'investisseur de soumettre l'arbitrage prvu par le trait a claim that another party has breached an obligation impose par l'une des clauses matrielles du trait. L'article 26 du trait sur la Charte de l'Energie donne l'investisseur le choix entre plusieurs organes juridictionnels (dont le CIRDI) pour tout litige qui concerne la violation allgue d'une obligation impose par le trait. D'autres clauses, rsultant de traits plus rcents, mentionnent expressment, l'oppos, tous les litiges dans lesquels l'investisseur invoque soit la violation des engagements matriels ports par le trait, soit celle de l'accord d'investissement, soit celle de l'autorisation d'investir. C'est la formule employe notamment par le modle de trait bilatral des tats-Unis de 2004. On remarquera que la dfinition de l'investment agreement y est malgr tout troite : il s'agit de l'accord on which (...) the investor relies on establishing or acquiring a covered investment other than the (...) agreement itself . L'article 8 du modle anglais du trait bilatral de 2005 ouvre une alternative : les litiges viss peuvent tre, au choix des ngociateurs, soit any legal dispute (...) concerning an investment of the [investor] in the territory of the [host state] , soit disputes (...) concerning an obligation of the [host state] under this Agreement in relation to an investment of the [investor] . La premire version est mentionne preferred .

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La grande majorit des traits se borne cependant ouvrir l'accs l'arbitrage pour tout diffrend relatif aux investissements , any legal dispute concerning an investment , any dispute in connection with an investment . 13. - L'tendue de la comptence du tribunal arbitral est clairement dtermine par les clauses du premier et du deuxime type ; elles ne prtent gure interprtation, et la seule question qui se pose, pour la doctrine plutt que pour les tribunaux arbitraux, est de savoir lesquelles sont, de lege ferenda, prfrables. Les clauses du troisime type ont en revanche suscit des difficults d'interprtation. Dans la plupart des cas c'est une interprtation troite, excluant toute comptence l'gard des contract claims, qui a t retenue. Trs caractristiques cet gard est la dcision sur la comptence rendue dans l'affaire SGS vs Paskistan en 2003Note 30 : Nous reconnaissons que les diffrends ns de rclamation fondes sur les violations allgues du BIT et les diffrends ns de rclamations entirement fondes sur des violations allgues du Contrat peuvent tous les deux tre qualifis de "diffrends relatifs des investissements", termes utiliss l'article 9 du BIT. Ces termes, cependant, bien que dcrivant la matire des diffrends, n'ont pas trait au fondement juridique de ces rclamations ou la base lgale de ces rclamations. En d'autres termes, de cette seule description, sans plus, il nous semble qu'il ne peut tre ncessairement dduit que les Parties Contractantes ont voulu que l'article 9 du BIT couvre la fois les rclamations fondes sur le BIT et les rclamations purement contractuelles . On peut difficilement mconnaitre de faon plus ouverte le principe Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus . Le tribunal reconnat que, par le sens clair des ses termes, la clause couvre les contract claims, mais, introduisant lui-mme la distinction entre contract claims et treaty claims - distinction dont il souligne que la clause ne la fait pas - il estime qu'il n'est pas dmontr que les premiers soient, finalement, couverts ! Derrire cette motivation dfaillante, il y en a en fait le sentiment, partag par beaucoup, qu'il ne serait pas naturel que le trait - en l'espce, le TBI Pakistan/Suisse - ouvre cette comptence. Cette rticence l'ouverture de la comptence du tribunal du trait aux contract claims explique la fois l'interprtation troite, dominante, des clauses rdiges de faon pourtant apparemment large, et la rdaction des clauses qui limitent expressment la comptence aux treaty claims. Mais comment cette rticence, qui conduit au dualisme dont on a vu les consquences intolrables, s'explique-t-elle ? Il me semble que l'on peut identifier trois causes, qui se renforcent mutuellement, et que je me propose d'analyser prsent pour en montrer le mal-fond.

A. - Le lien prtendument ncessaire entre les engagements matriels contenus dans le trait et la clause juridictionnelle de ce mme trait14. - On trouve dans la dcision sur la comptence rendue dans l'affaire Joy Mining Machinery c/ Rpublique arabe d'gypte en 2004 une affirmation dans le sens d'un lien ncessaire entre les engagements matriels contenus dans le trait et la clause juridictionnelle de ce mme trait : La comptence d'un tribunal mis en place sur le fondement d'un trait (...) supposera naturellement l'allgation d'une violation spcifique de droits dcoulant du trait Note 31. Cette affirmation ne repose sur rien. Ce n'est pas parce que l'on trouve dans un trait la fois des clauses matrielles et une clause juridictionnelle que cette dernire se rapporte exclusivement aux premires. L'offre de comptence arbitrale peut tre une garantie en soi, pour tous les droits de l'investisseur, et non une simple garantie juridictionnelle renforant les garanties matrielles. La dcision SGS c/ Pakistan, tout en refusant d'interprter largement la clause, admettait du moins qu'il et t possible, en le disant clairement, d'tendre la comptence juridictionnelle aux contract claims. Il existe donc une autre cause, plus

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profonde, son interprtation troite.

B. - Le prtendu risque de brouiller la distinction entre les ordres juridiques tatiques et l'ordre international15. - Une certaine conception des rapports entre les ordres juridiques tatiques et l'ordre juridique international tend les opposer radicalement : un tribunal statuant au nom de l'ordre international, entre sujets de l'ordre international, devrait appliquer le droit international et seulement le droit international, tandis qu'un tribunal rattach un ordre juridique tatique, statuant entre l'investisseur pris comme personne prive et l'tat, ou son manation, pris comme administration (sujet de l'ordre interne), appliquerait seulement le droit de l'tat. Il y a l une opposition terme terme, qui flatte le got des juristes pour les belles symtries. La mconnatre conduirait brouiller la distinction entre ordres juridiques tatiques et ordre juridique international , crainte qu'expriment certaines sentences arbitrales pour justifier le cloisonnement du traitement des treaty claims et des contract claimsNote 32. Les treaty claims, opposant deux sujets de l'ordre international, relveraient des normes et des juridictions de l'ordre international ; les contract claims relveraient des normes et des juridictions d'un ordre tatique. Cette symtrie, cependant, est artificielle. L'investisseur n'est pas davantage un sujet du droit international lorsqu'il se prvaut de la protection substantielle du trait que lorsqu'il invoque une violation du contrat (1). Le tribunal du trait, lorsqu'il connat d'un treaty claim, n'est pas pour autant une juridiction internationale, mme s'il est, comme c'est le plus souvent le cas, un tribunal CIRDI, et il est donc naturel qu'il connaisse en mme temps des contract claims (2). Telle est d'ailleurs la vocation du CIRDI, et celle de tout tribunal arbitral (3). 1 L'investisseur qui saisit le tribunal du trait d'un treaty claim n'est pas pour autant un sujet du droit international 16. - Il ne saurait tre question dans le cadre de cet article d'aborder srieusement une question aussi vaste que celle de savoir si les particuliers sont (ou peuvent tre) des sujets du droit international, d'autant qu'elle n'est pas vritablement ncessaire ma dmonstration, qui peut s'appuyer sur des considrations moins controverses. Nanmoins, je rsume en une phrase le fondement thorique de ma position : il n'existe pas de socit organise, dote l'gard de ses membres d'un pouvoir propre de sanction et/ou de contrainte, qui comporte en son sein la fois les tats et les particuliers. Si tous les particuliers (car pourquoi seraient-ce certains plutt que d'autres) taient, avec les tats, des membres de la socit internationale, une relation juridique quelconque entre deux tels sujets du droit international (par exemple la vente par un Franais un Suisse d'un immeuble situ en Italie) serait soumise au droit international, tout rapport juridique interne une communaut tant naturellement soumis au droit de cette communaut. Or ce n'est, bien videmment, pas le cas. D'o la ncessit, ressentie par certains auteurs, de prciser que les particuliers ne sont que des sujets secondaires ou mdiats . Ceci est rvlateur de ce que la position d'un particulier n'est pas celle de sujet au sens o l'on entend ce mot lorsque l'on dit, comme on l'a toujours fait, que les tats sont les sujets du droit international. Dire qu'un particulier est un sujet secondaire du droit international partir du moment o il est capable d'attraire un autre sujet du droit international, avec lequel il est entr en relation, devant une juridiction internationaleNote 33, n'est ds lors qu'une convention terminologique, acceptable comme telle mais davantage susceptible d'introduire de la confusion que d'clairer, et laquelle ne s'attache lgitimement aucune consquence juridique. De plus, comme on va le voir (infra 2), le tribunal saisi du treaty claim n'est pas pour autant un tribunal international ; selon la dfinition propose du sujet secondaire du droit international l'investisseur n'en est donc pas un. 17. - La dngation l'investisseur de la qualit de sujet du droit international soulve videmment une objection : ds lors que l'investisseur est admis invoquer la protection matrielle du trait, et que l'on considre que ce faisant il exerce un droit propreNote 34, n'est-il pas partie un rapport juridique soumis au droit international, ce qui suppose qu'il en soit le sujet ? La rponse est que puisqu'il ne peut pas en tre le sujet ce n'est pas le droit international qu'il invoque. La norme contenue dans le trait, par exemple celle qui impose l'obligation d'accorder un traitement juste et quitable,

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est une norme de droit international en tant qu'elle lie les tats parties les uns envers les autres. Mais chaque tat, en assumant cette obligation, introduit en mme temps dans son propre ordre juridique un engagement envers les investisseurs trangers, de la mme faon qu'il pourrait le faire en dictant une loi sur la protection des investissements, et c'est de cet engagement que se prvaut l'investisseur. Le raisonnement est le mme que celui (tel que je le comprends) qu'a tenu en 1928 la Cour permanente de justice internationale dans son avis Comptence des tribunaux de DantzigNote 35 : le trait de 1921, conclu entre la Pologne et la Ville libre de Dantzig, prcisait les conditions d'emploi des fonctionnaires des chemins de fer passs au service de l'Administration polonaise. Aux termes de l'avis, le trait, tant un accord international, ne peut, en tant que tel, crer des droits directs ou des obligations pour des individus privs. Mais il n'est pas niable que l'objet mme de l'accord international, dans l'intention des Parties contractantes, peut tre l'adoption par les Parties de rgles dtermines crant des droits individuels, invocables devant les tribunaux nationaux . Autrement dit, les dispositions du trait ont t juges faire partie de la relation juridique entre l'Administration polonaise et ses employs ; elles ont ainsi t intgres dans le droit polonais, non dans le droit international. 2 Le tribunal du trait n'est pas une juridiction internationale, mme lorsqu'il connat d'un treaty claim 18. - Les auteurs peinent trouver un critre permettant d'identifier la juridiction internationale. La notion devrait tre simple : de mme qu'un tribunal peut tre dit franais si et seulement si il statue au nom de l'ordre juridique franais, un tribunal peut tre dit international s'il rend la justice au nom de l'ordre juridique international. Mais tandis que l'identification est facile pour le tribunal tatique, parce qu'il est institu selon les normes et par des organes de l'tat, elle l'est moins pour un tribunal international en raison du caractre dcentralis de l'ordre juridique international. Certes il est clair qu'un tribunal tabli par un trait, qui tranche un litige entre deux tats en application du droit international, exerce bien la fonction de juge de l'ordre international. S'agissant, en revanche, d'un litige entre un tat et un investisseur, aucun critre ne se rvle satisfaisant, ce qui explique que les propositions les plus diverses soient avances. La plus plausible, et la plus rpandue, est celle selon laquelle un tribunal est international lorsque son pouvoir de juger trouve sa source dans un traitNote 36. Dans une conception dualiste qui se voudrait totalement rigoureuse on observerait pourtant que, puisque les individus ne sont pas des sujets du droit international, un tribunal, ft-il institu par trait, qui statue sur les rapports entre un tat et un individu, ou entre deux individus, ou entre un individu et une personne morale de droit public, ne peut tenir son pouvoir de juger de l'ordre international ; il le tient de l'ordre juridique de chacun des tats parties, dont la volont est exprime dans le trait : c'est l'analyse d'AnzilottiNote 37. Quoi qu'il en soit, s'agissant de la protection des investissements, le pouvoir du tribunal du trait ne lui est, en ralit, pas confr par ce trait, lequel ne contient que l'offre de compromettre de l'tat ; le pouvoir rsulte de la rencontre de cette offre et de l'acceptation de l'investisseur, non exprime dans le traitNote 38. L'offre et l'acceptation forment un accord dont chaque tat requis de reconnatre la sentence peut apprcier la validit et l'efficacit, soit selon son propre droit, soit selon le droit dsign par sa rgle de conflit de loisNote 39. 19. - En irait-il autrement pour un tribunal CIRDI ? Il est presque unanimement affirm qu'un tribunal CIRDI est une juridiction internationale parce qu'il tient son pouvoir de la convention de Washington de 1965Note 40. C'est oublier que ce n'est pas le CIRDI, organisation internationale cre par la convention, qui juge, mais un tribunal arbitral procdant sous son gide. Assimiler le tribunal arbitral l'institution d'arbitrage ne se justifie pas. Cela conduirait rattacher l'ordre juridique franais tous les tribunaux arbitraux statuant selon le rglement de la Chambre de commerce internationale, parce que celle-ci est une association de droit franais ; ou encore voir dans un tribunal arbitral statuant sur un litige commercial entre deux commerants africains, en matire interne, une juridiction internationale, au prtexte que l'institution qui organise l'arbitrage est la Cour commune de justice et d'arbitrage, organe de l'OHADA, organisation internationale. S'agissant du CIRDI, on fait galement valoir que la convention de Washington garantit l'autorit de la dcision rendue par le tribunal arbitral, en posant l'obligation internationale de l'excuterNote 41. ce compte-l, tout tribunal arbitral statuant en matire commerciale dans un tat partie la convention de New York de 1958 serait une juridiction

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internationale, puisque la convention pose l'obligation internationale de reconnatre et d'excuter sa sentence, certaines conditions. On soutient encore que le fondement d'une clause compromissoire dsignant le CIRDI se trouve dans la convention de Washington, et donc dans le droit internationalNote 42. Mme si l'on devait retenir comme critre le droit applicable la convention d'arbitrageNote 43, l'identification de ce droit avec le droit qui cre l'institution d'arbitrage ne s'impose nullement. L encore, la comparaison avec l'arbitrage CCI est clairante : la CCI est une association rgie par le droit franais, mais l'accord pour recourir un arbitrage sous son gide n'est soumis au droit franais que si les parties en sont convenues. D'ailleurs, que l'investisseur, acceptant par l l'offre que lui fait l'tat dans le trait, saisisse un tribunal CIRDI ou un tribunal ad hoc statuant selon le rglement de la CNUDCI, comme les traits lui en laissent souvent le choix, pourquoi la loi applicable la convention d'arbitrage ainsi forme serait-elle ncessairement diffrente ? Plus gnralement d'ailleurs, statuant exactement sur le mme litige, ne remplissant ni plus ni moins l'un que l'autre une fonction dans l'ordre international, un tribunal CIRDI et un tribunal ad hoc devraient recevoir la mme qualification. Or un tribunal ad hoc saisi par l'investisseur n'est selon aucun critre un tribunal internationalNote 44. Comme on l'a vu, il ne tient pas son pouvoir de juger du trait protecteur des investissements. Certes, il est appel appliquer le droit international, mais le critre tir de la nature des rgles appliques au fond du litige, retenu titre alternatif par Kelsen, n'est pas discriminantNote 45 : le litige peut aussi tre port, selon certains traits, et en tout cas si les parties en conviennent, devant les tribunaux de l'tat rcepteur de l'investissement, qui devraient eux-mmes respecter le trait et appliquer le droit international ; or, peut-on dire qu'un tribunal tatique est une juridiction internationale sous prtexte qu'il applique parfois le droit international ? Ce serait la thse du ddoublement fonctionnel, qui n'est plus gure soutenue aujourd'hui. 20. - Ainsi le tribunal du trait, saisi d'un treaty claim, statue sur les rapports entre des parties dont l'une n'est pas un sujet international, et il n'est pas une juridiction internationale. Il est, tout comme un tribunal arbitral connaissant d'un litige commercial entre deux parties prives, une juridiction prive, ne rendant la justice au nom d'aucun ordre juridique, pas plus tatique qu'international. Ds lors, on ne voit gure d'obstacle ce qu'il puisse connatre galement d'une demande fonde sur une violation du contrat, rgi par un droit tatique. 3 Les tribunaux (prtendument internationaux) qui connaissent des treaty claims connaissent aussi bien des contract claims 21. - Que sa qualification de juridiction internationale soit ou non fonde, un tribunal CIRDI, qui est celui que visent presque toujours, et souvent titre exclusif, les traits d'investissement, jouit incontestablement d'une comptence qui ne se limite pas aux treaty claims. Les rdacteurs de la convention de Washington ont eu en vue, essentiellement, des litiges ns des rapports contractuels entre l'investisseur et l'tat ou l'une de ses manations. C'est la raison pour laquelle le droit applicable est d'abord, selon l'article 42, le droit choisi par les parties, et dfaut le droit de l'tat partie. Bien plus : si l'on devait considrer qu'un tribunal CIRDI, en tant que juridiction prtendument internationale, a une vocation privilgie connatre des treaty claims, on se heurterait au fait que l'article 42 de la convention de Washington met en exergue le droit de l'tat partie : or un treaty claim, selon l'opinion dominante, ne relve que du droit internationalNote 46. La vrit est que le CIRDI a t cr pour connatre des contract claims, et que la rdaction de la convention de Washington convient mal aux treaty claims. Rien ne permet de penser que ce qui est avr pour un tribunal CIRDI ne vaut pas pour des tribunaux statuant selon le rglement de la CCI ou selon le rglement CNUDCI. Ceux-ci connaissent couramment de litiges ns de contrats d'investissement, que la convention d'arbitrage leur soumet. Il importe peu que le consentement de l'tat ait t mis sous la forme, non d'une clause du contrat, mais d'une clause d'un trait d'investissement, ds lors que cette clause est interprte dans ce sens, et que l'investisseur a accept l'offre qui lui est faite. Reste une dernire forme de rticence la soumission des contrats claims au tribunal du trait : se distinguant radicalement des treaty claims par leur fondement juridique, il ne serait pas naturel, ni en tout cas ncessaire, de les soumettre en mme temps que ceux-ci un examen unique par un tribunal unique.

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C. - Le prtendu rle, dans la dlimitation des demandes, du fondement juridique invoqu22. - L'argument est ici de nature procdurale. On serait en prsence, non d'un mais de deux litiges. Mme si les parties sont les mmes, l'investisseur ayant contract directement avec l'tat, que les faits allgus sont les mmes - par exemple la rupture par l'tat d'un contrat de partage de production - et que l'objet de la demande est le mme - des dommages-intrts -, la circonstance que le fondement de la demande diffre - violation du droit de l'tat dans un cas, violation du trait et du droit international dans l'autre - suffirait tablir une dualit de dem