Journal African Records

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Le journal suit le parcours de l’exposition. Il peut au choix, vous accompagner pendant votre visite ou être lu plus tard pour vous permettre d’approfondir vos connaissances sur cette histoire des musiques modernes africaines…

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Le texte ci-dessous suit le parcours de l’exposition. Il peut au choix, vous accompagner pendant votre visite ou être lu plus tard pour vous permettre d’approfondir vos connaissances sur cette histoire des musiques modernes africaines…

Depuis le XIIIème siècle, les traditions de l’Empire du Mali ont permis d’essaimer la culture musicale mandingue à travers une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. Le système des griots ou des instruments comme la kora, le balafon ou le ngoni, sans oublier le djembé, posent de solides bases musicales dans cette région et bien au-delà. De nombreux grands musiciens et voix sont issus de cette culture.

Après le découpage au cordeau de l’Afrique à l’issue de la Conférence de Berlin en 1885, les mu-siques traditionnelles africaines sont largement igno-rées et bafouées par les colonisateurs. Les fanfares militaires font régner l’ordre musical sur une grande partie du continent. Les grands tambours, les trompes cérémonielles et autres cordes anciennes se font plus discrets. La guitare est déjà présente sur une par-tie du littoral d’Afrique atlantique, introduite par les portugais via la guitare quatre cordes cavaquinho, dès le XVIème siècle. Au cœur du continent africain, en Ethiopie, la musique occidentale arrive par le biais des délégations mili-taires anglaises, françaises ou italiennes qui viennent demander audience à l’Empereur Ménélik. Les fan-fares militaires et en particulier les instruments à vent font grand effet. Les cuivres deviennent le pé-ché mignon des dirigeants éthiopiens, comme ceux de nombreux pays africains. Les fanfares militaires influencent souvent le développement d’orchestres officiels, liés à l’armée ou à la police, que ce soit en Ethiopie, au Nigéria, au Ghana ou en Guinée.A la fin des années 1930, quelques rares stations de radio commencent à émettre en Afrique anglo-phone, que ce soit à Accra, Lagos, Nairobi ou à Lusa-ka, en Zambie, où opère la première radio amateur à ondes courtes dès 1939. Radio Dakar commence également à émettre cette même année. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, Radio Léopoldville et Radio Brazzaville, lancées à un mois d’intervalle au printemps 1943, afin d’organiser la Résistance, s’im-posent rapidement comme les deux grandes radios d’Afrique francophone. Leurs ondes sont captées partout sur le continent, avec des programmes en français, en anglais, en portugais et dans différentes langues africaines.

Le fait même de diffuser des programmes dans des langues africaines ouvre la voie à des enregistre-ments musicaux, jusqu’ici bannis par les administra-tions coloniales. En Afrique Occidentale Française, le goumbé désigne ainsi des danses et rythmes que n’accepte pas le pouvoir colonial français qui impose plutôt des marches, des valses ou de la musette aux rares orchestres officiels. Il faudra attendre le milieu des années 1950 pour que les premiers enregistre-ments en langue vernaculaire soient autorisés et com-mercialisés dans cette partie de l’Afrique.

Venus du cœur du continent, les tambours et per-cussions d’Afrique centrale gagnent peu à peu le littoral. Si le ngoni devient banjo en Amérique, les tambours d’Afrique centrale font sensation à La Nou-velle-Orléans, participant à la naissance du jazz, de-puis Congo Square au cours de la deuxième partie du XIXème siècle. Le jazz tire son nom de deux mots bantou « jaja » (« faire de la musique ») et « jasi » (« excitation »), reflet de la déportation importante des populations bantou dans ce port du Golfe du Mexique, ouvert sur le monde. Au début du XXème siècle, le terme jazz s’exporte à New York, Chicago et San Francisco, avant de gagner le reste du monde. Dès la fin de la Première Guerre Mondiale, certaines bases militaires alliées, notamment à Saint-Louis du Sénégal ou au Ghana permettent la timide diffu-sion du jazz américain sur le continent. De nombreux orchestres africains vont naturellement adopter le suffixe Jazz qui renvoie notamment à une modernité noire américaine sublimée.

Au cours des années 1930 et 1940, les marins cubains amènent avec eux leurs 78 tours dans les différents ports du littoral d’Afrique atlantique, dif-fusant ainsi les créations musicales récentes en pro-venance des Caraïbes. Les radios diffusent alors une quantité importante de morceaux cubains, mais aussi de la variété occidentale et du jazz. Le cha-cha-cha, la pachanga, le son montuno ou le boléro marquent ainsi de nombreux auditeurs et futurs musiciens à tra-vers le continent. Ecoutées avec ferveur sur les rares postes radio, les musiques afro-cubaines, le jazz, le merengue, la variété et le rock’n’roll naissant suscitent également de nombreuses vocations.

Dès la fin des années 1940, une industrie musi-cale émerge au Congo belge avec la fondation de quelques maisons de disque comme Ngoma, Opika, Loningisa ou Esengo, de studios et d’une usine de pressage. Ces éléments participent à la naissance d’un style musical syncrétique baptisé rumba, posant ainsi les bases de l’une des premières musiques mo-dernes du continent. La rumba congolaise opère ainsi comme une « réafricanisation » de rythmes dévelop-pés à Cuba. Bande-son de l’indépendance du Congo, Indépen-dance cha cha, interprété par l’African Jazz, s’im-pose en 1960 comme le premier tube panafricain. Musique et politique entament alors un joli pas de deux à travers le continent africain. Indépendance cha cha entraîne avec elle les musiques modernes d’une grande partie de l’Afrique, en particulier là où sont diffusées et où tournent les grandes formations congolaises comme l’African Jazz, l’OK Jazz, Rock-A-Mambo ou les Bantous de la Capitale. Ces formations posent les bases des orchestres modernes africains. Les radios diffusent alors une quantité importante de morceaux cubains.

En Guinée, le folklore se modernise avec des artistes qui exaltent notamment la culture mandingue dont « le rossignol de la savane » Sory Kandia Kouyaté. Des grandes formations comme le Bembeya Jazz, l’Orchestre de la Garde Républicaine, l’Orchestre de la Paillote ou l’Orchestre du Jardin de Guinée deviennent les vecteurs de la politique d’authenticité culturelle du régime de Sékou Touré, par le biais de compétitions exaltant un regard sur un passé sublimé. Les griots deviennent naturellement les vecteurs de cette propagande étatique.

Comme dans toute l’Afrique francophone, au cours des années 1950, les enregistrements des artistes locaux sont encore rares, malgré la proximité avec le Nigéria et, dans une moindre mesure, le Ghana, pays où le format 78 tours est déjà largement repré-senté. Influencés par ce qui se passe au Congo ou au Ghana, les premiers orchestres béninois jouent autant de l’afro-cubain et des musiques caribéennes que de la rumba ou du high-life. Les premiers groupes dahoméens voient le jour au début des années 1950 comme le Picoby Band d’Abomey en 1953, le Mexi-cana Jazz de Ouidah, futur Super Star, ou encore l’Alpha Jazz, une des premières formations profes-sionnelles du pays.A cette époque, des formations comme Paul Behan-zin et Son Ensemble, Théophile Aziassi et son Groupe ou encore Owowole Ajisé et son Groupe se rendent au studio Philips de Lagos afin d’y graver les pre-miers 78 tours modernes du Dahomey. Ces morceaux sont enregistrés essentiellement en fon et, dans une moindre mesure, en mina. Les interprétations en fran-çais sont alors très rares, la musique étant un biais de s’émanciper de la colonisation.Après l’indépendance de la République du Dahomey, célébrée en 1963 par un album 33 tours, il faut attendre 1965 pour qu’une série discographique d’une dizaine de 45 tours soit publiée sur la marque Sonda à l’occasion du premier Festival National du Dahomey. Les premiers enregistrements de Gnonnas Pedro et de G.G. Vikey sont produits dans la foulée sur Riviera Afrique, en France. A partir de 1967, le label Impressions Sonores du Bénin lance également une série d’une vingtaine de disques 45 tours avec le Sunny’s Black Band, le Renova Band d’Abomey, les Amis Cotonois, l’Annassoua Jazz de Parakou, le National Jazz de Cotonou, le Négro Jazz ou encore le Picoby Band d’Abomey.

Les marques Discafric, Graitadisc, Aux Ecoutes, puis Albarika Records président ensuite aux destinées de la musique moderne béninoise, en multipliant les sor-ties de disques, à l’image du Poly-Rythmo de Coto-nou, qui démarre une carrière extrêmement fertile. Véritable force collective, l’orchestre Poly-Rythmo s’impose comme la formation la plus enregistrée d’Afrique de l’Ouest. Le groupe participe à l’émer-gence de cette scène musicale parmi les plus actives d’Afrique. L’orchestre aborde tous les registres musi-caux, du sato traditionnel aux fusions musicales les plus audacieuses. A la croisée des années 1960 et 1970, dans l’hédo-nisme indolent des années d’avant la révolution, une effervescence musicale sans précédent s’empare du pays. Daho Melo, El Rego & Ses Commandos, le Black Santiago, Les Troubadours de Ouidah, les Black Dra-gons de Porto-Novo et des dizaines d’orchestres et d’artistes participent à un vaste mouvement musical. Avec les modes afro-cubaines, les rythmes yoruba, le high-life, les yéyés français et la rumba congo-laise sont fort prisés. L’engouement croissant pour la soul, le funk et l’afrobeat permet de passer à une dimension supérieure. Par rapport à sa population, le Bénin devient alors le pays d’Afrique le plus fertile en terme de production discographique. Le melting-pot musical qui en résulte reste également sans équi-valent en Afrique.

A partir du milieu des années 1960, puis tout au long des années 1970, des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Nigéria, le Congo mais aussi le Kenya ou l’Ethiopie produisent une quantité extra-ordinaire de vinyles, principalement au format 45 tours. Rien qu’à Kinshasa, on estime qu’il y a plusieurs dizaines d’orchestres professionnels qui enregistrent des disques et donnent des concerts réguliers à la fin des années 1960.

Au Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar en 1966, on croise aussi bien l’OK Jazz et les Bantous de la Capitale venus du Congo que l’orchestre de Duke Ellington, qui viennent y célébrer une négritude exaltée. Au Festival Panafricain d’Alger en 1969, le Bembeya Jazz de Guinée et l’Ensemble Instrumental du Mali remportent tous les suffrages. Avec le festival Soul to Soul à Accra, au Ghana en 1971, l’African Brothers Band rivalise avec de grandes figures américaines comme Wilson Pickett ou Santana. Les Semaines Nationales en Guinée, les Bien-nales du Mali, les rencontres en Haute-Volta ou les compétitions à Brazzaville participent à cet esprit d’émulation artistique.

L’émergence du high-life au Ghana dès les années 1930 et son développement exponentiel au cours de la Seconde Guerre Mondiale, avec les influences conjointes du jazz et du swing en font l’un des styles musicaux les plus prisés du littoral du golfe de Gui-née, de Lagos à Conakry. Véritable jazz africain, le high-life devient naturellement la bande-son de l’in-dépendance du pays dès 1957 avec E.T. Mensah & His Tempos Band et leur Ghana Freedom. L’influence du high-life sur les musiques ivoiriennes, béninoises, togolaises et nigériane est capitale. Souvent financés par les jeunes états indépendants, de nombreux or-chestres participent à l’établissement de styles musi-caux aux influences plurielles.

La diffusion des traditions culturelles africaines trouve en partie son origine dans les troupes artis-tiques parties très tôt à l’étranger afin de diffuser les grandes cultures du continent. La plus célèbre d’entre elles est formée à Paris en 1948 sous la houlette du chorégraphe et poète guinéen Keita Fodéba, du chanteur camerounais Albert Mouangué et du gui-tariste guinéen Kanté Facelli. Elle prend le nom de Théâtre Africain de Keita Fodéba, puis de l’Ensemble Fodéba/Facelli/Mouangué.Véritable pionnier, le guitariste Kanté Facelli contri-bue à imposer l’usage de la guitare en Guinée et ailleurs en Afrique de l’Ouest au détriment d’autres cordes pluriséculaires, tout en remplaçant également les percussions traditionnelles par des timbales à la mode cubaine. Il invente en quelque sorte une mo-dernité musicale mandingue. Il est l’un des premiers musiciens à adapter les techniques de la kora, du ngoni et du balafon à la guitare classique. En 1952, cet ensemble adopte le nom de Ballets Africains, et devient « ambassadeur de la culture afri-caine ». Avant les indépendances, les Ballets Africains tournent dans toute l’Afrique de l’Ouest ainsi qu’en France et dans le reste de l’Europe, jusqu’en URSS et aux Etats-Unis. Ils participent largement à la diffusion de la culture guinéenne, mais aussi de la culture afri-caine, interprétant aussi bien des chansons du Congo, du Soudan, de Casamance ou du Dahomey, qui re-flètent la provenance des membres de la troupe qui compte jusqu’à cent membres à son apogée ! Les danses folkloriques, les maracas, la kora et les tam-tams, ainsi que les mélodies ancestrales marquent durablement les esprits. Les ballerines aux seins nus ne passent pas non plus inaperçues sur les scènes du monde entier. Avec leurs pochettes at-trayantes, les disques des Ballets Africains sont parmi les premiers disques africains modernes à être pro-duits sous forme de 33 tours et de 45 tours eps.

ADAMA KOUYATEOriginaire de Bougouni (Mali), où il naît en 1927, le photographe Adama Kouyaté documente à partir du début des années 1950 la vie quoti-dienne d’un pays connu sous le nom de Soudan Français, qui devient le Mali, indépendant en 1960. Après un passage par Ouagadougou et Bouaké, il installe finalement son studio à Ségou en 1969. Dès lors, quand il n’est pas dans son studio de la rue Oumar Tall, il sillonne la ville et sa région. Il photographie ainsi la plupart des artistes maliens, modernes et traditionnels, à commencer par le Super Biton de Ségou, l’un des orchestres phares du Mali.

SEYDOU KEITAPhotographe malien né en 1921 à Bamako (Mali) et décédé en 2001 à Paris, Seydou Keïta vivait et travaillait à Bamako où il ouvre son stu-dio en 1948. Y défilent dans les années 1950 les notables de Bamako. Photographiés seuls, en groupe, en buste ou en pied, les modèles posent souvent avec des accessoires que le photographe met à leur disposition (scooter, montre, poste de radio, mobilier, etc.). Ces images forment une galerie de portraits dotés d’une dimension so-ciale : ils illustrent les ambitions d’une couche de la société, mettent en scène l’apparat et la réus-site sociale.

JEAN DEPARAPhotographe d’origine angolaise né à Kbokiolo (Angola) en 1928 et décédé à Kinshasa (Répu-blique démocratique du Congo) en 1997, Jean Depara exerce différents métiers avant d’ouvrir en 1956 son propre studio, le « Jean Whisky Depara », à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa). La journée, il réalise des portraits et le soir, il se fait le chroniqueur de l’atmosphère tumultueuse et fébrile de la nuit zaïroise dans les années autour de l’indépendance. Il devient en 1954 le photographe officiel de Franco, maître de la rumba zaïroise.

MALICK SIDIBEPhotographe malien né vers 1935 à Soloba, Malick Sidibe vit et travaille à Bamako. Son tra-vail se situe dans la tradition des portraitistes de studio installés dans les grandes villes du continent mais il réalise aussi des reportages. Il consacre ainsi de nombreuses images à la foule qui se presse dans les fêtes, les mariages, et aux danseurs dans les surprises-parties, témoignant des divertissements auxquels s’adonne la jeu-nesse malienne qui découvre les chanteurs yéyés et le twist.

ISAAC VANDERPUIJEIsaac Vanderpuije commence sa carrière photographique au milieu des années 1950 pour le compte du studio de son père, le Deo Gratias Photo Studio, situé dans le quartier historique de Jamestown, à Accra. Après l’indépendance du Ghana en 1957, le jeune Isaac et son frère John documentent sans répit l’efferves-cence qui anime alors la capitale, notamment au niveau culturel. Il photographie ainsi toutes les grandes formations ghanéennes de high-life, au sommet de leur art, à la croisée des années 1950 et 1960. En 1989, à la mort de son père, il reprend son studio, qui fonctionne encore aujourd’hui.

ASTONDe son vrai nom Serge Mikpon, l’artiste béninois né en 1964 à Cotonou a choisi comme nom d’artiste Aston, nom dont son entourage aimait l’affubler en référence au bassiste de Bob Marley. Il a commencé sa carrière comme musicien avant de réaliser ses premières œuvres plastiques en 1999. Frappé par l’incroyable production de déchets au quotidien, ainsi que par les objets et matériaux que chacun jette sans mesurer la valeur de ce geste, Aston conçoit ses œuvres sculpturales à partir de rebuts pour redonner une seconde vie aux résidus et aux débris. Aston jazz band, divers matériaux de récupération, 2013Treize musiciens sont représentés : chanteur, joueur de tumba, flûtiste, saxophoniste (ténor, alto, soprano), violoniste, pianiste, trompettiste, contrebassiste, batteur, et tromboniste forment un groupe que complète un guitariste figurant Aston lui-même. Certains instruments et musiciens de l’installation sont créés à partir de pièces d’anciens instruments.

RACINES ET INFLUENCES

LES INDEPENDANCES EN MUSIQUE

L’heritage mandingue

Les apports coloniaux Le jazz, une musique africaine

L’apport des musiques cubaines

La rumba congolaise Musique et politique en Guinee

Polyrythmies vaudou-funk au Dahomey/Benin

Le high-life ghaneen

Les grands festivals et competitions nationales

L’effervescence des vinyles africains

Les Ballets Africains

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1970’S : UNE DECENNIE DE REVOLUTIONS MUSICALES ABECEDAIRE AFRICAN RECORDS

Afrobeat et soul africaine

L’ethio-jazz

De la tradition a la modernite

Vers une nouvelle ere musicale

Festac 77

Le musique comme emancipation

Les nombreuses visites de James Brown en Afrique à partir de 1969 vont avoir un impact décisif sur la carrière de nombreux musiciens africains, à com-mencer par les nigérians Fela Kuti ou Orlando Julius, sans parler du pionnier sierra-léonais Geraldo Pino. Les ghanéens Ebo Taylor, Pat Thomas ou Gyedu-Blay Ambolley, le béninois Ferry Djimmy, le burkinabé Amadou Ballaké, le congolais Verckys ou l’éthiopien Alèmayèhu Eshètè sont ouvertement influencés par la musique de James Brown, à la croisée de la soul et du funk, en quête d’un groove souverain. Au début des années 1970, Fela Kuti s’impose comme le père fondateur de l’afrobeat, l’un des grands courants culturels de la décennie.

En Ethiopie avec l’arrivée au pouvoir d’un régime mi-litaro-communiste et l’effondrement du régime impé-rial d’Haïlé Sélassié en 1975, les grands orchestres comme l’Imperial Bodyguard Band, le Police Orches-tra, l’Army Band ou le Haïlé Sélassié Theatre Orches-tra se délitent et la production musicale se fige en grande partie à la fin des années 1970. Pourtant, quelques années auparavant, la musique éthiopienne bouillonnait de toute part, au gré d’un âge d’or où l’on entendait les voix de Mahmoud Ahmed, Tla-houn Gèssèssè, Alèmayèhu Eshètè ou Mulatu Astaktè, grandes figures de ce que l’on appelle l’éthio-jazz.Ayant suivi des études musicales à Londres, New York et Boston au cours des années 1960, Mulatu Astatkè revient à Addis-Abeba à la fin de cette décennie. Percussionniste et vibraphoniste, il supervise, produit et arrange de nombreux enregistrements jusqu’au milieu des années 1970 pour tous ces grands noms. Il insuffle progressivement sa vision musicale moder-niste à l’ensemble de la scène musicale éthiopienne. Mulatu définit sa musique comme de l’éthio-jazz. A la croisée du jazz américain, avec des accents afro-cubains dans l’utilisation des percussions, de la va-riété occidentale et des musiques traditionnelles des hauts plateaux éthiopiens, l’éthio-jazz définit la mu-sique moderne produite à Addis-Abeba au cours des années 1970.

Sommet des grands évènements panafricains, le Fes-tac (Festival For Black Arts and Culture) est organisé par les autorités nigérianes à Lagos au début de l’année 1977 afin de promouvoir les cultures noires venues du monde entier, de la Mélanésie au Surinam. Le Rail Band du Mali, le Volta Jazz, le Super Biton ou le Bembeya Jazz sont parmi les orchestres vedettes du Festac, où se produisent également Miriam Make-ba, Osibisa, Stevie Wonder, Sun Ra, le Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, Gilberto Gil ou l’OK Jazz du grand Franco.

Alors que de nombreux artistes triomphent au Festac de Lagos, d’autres luttent en musique pour en finir avec le colonialisme européen, un siècle après la Conférence de Berlin. C’est notamment le cas en An-gola, en Guinée-Bissau ou au Mozambique. Des for-mations comme le Super Mama Djombo, le Cobiana Jazz ou Africa Negra écrivent un nouveau chapitre des musiques de résistance alors qu’en Angola, dès

le milieu des années 1960, des artistes comme Belita Palma, Artur Nunes, Os Kiezos, Jovens Dos Prenda ou Santocas s’émancipent des colonisateurs à travers leurs complaintes ou lamentos engagées. Au Cap-Vert, Cesaria Evora émerge aussi comme l’une des grandes voix de la saudade, véritable mélancolie de la résistance atlantique.

Au Mali, et dans une moindre mesure en Haute-Volta (Burkina Faso), en Côte d’Ivoire et au Sénégal, les influences guinéennes sont présentes. Elles viennent raviver un riche héritage musical où les cordes an-ciennes et les griots ont la part belle. Par le biais de Biennales artistiques et culturelles, de nombreux orchestres régionaux s’affrontent avant d’atteindre le rang d’orchestres nationaux et de représenter le Mali à l’étranger comme le fera le Super Biton de Ségou au cours des années 1970. D’autres formations comme le Rail Band du Buffet Hôtel de la Gare, Les Ambassadeurs du Motel, le Ka-naga de Mopti ou le Super Djata Band de Bamako rayonnent tout au long de cette décennie dans toute l’Afrique de l’Ouest, jusqu’au Nigéria. Les grandes compétitions panafricaines favorisent la diffusion des différents styles en vigueur sur le continent, permet-tant aux artistes d’enrichir leur répertoire. En Haute-Volta, une timide révolution culturelle, lar-gement inspirée par les évolutions musicales en cours dans les pays voisins, Mali, Côte d’Ivoire, Dahomey (Bénin) et Ghana, mais aussi Guinée, permet à une fragile scène musicale de se mettre en place. A Oua-gadougou, mais surtout à Bobo-Dioulasso, capitale culturelle du pays jusqu’au début des années 1980, les deux premières décennies d’indépendance, en particulier les années 1970, voient la naissance d’ar-tistes et d’orchestres modernes. Ceux-ci fusionnent les riches traditions locales, en particulier mossi et dioula, avec les rythmes afro-cubains, les ellipses funk américaines avec la candeur des yéyés français alors que les guitares électriques convolent avec des sections de cuivres redoutables. Au cours des années 1970, l’excellence de formations et d’artistes comme le Volta Jazz, l’Harmonie Vol-taïque, Amadou Ballaké, Les Imbattables Léopards, Abdoulaye Cissé, Echo del Africa, Tidiane Coulibaly & le Dafra Star, le Super Volta de la Capitale ou Pierre Sandwidi témoignent d’une effervescence mu-sicale remarquable, en dépit de moyens souvent très limités.

A la fin de la décennie 1970, une grande partie de l’Afrique semble se donner rendez-vous à Abidjan, en raison notamment de la stabilité politique qui y règne et d’un environnement économique favorable. De Rochereau à Fela en passant par Manu Diban-go, le Rail Band, les Ambassadeurs, Laba Sosseh, le Poly-Rythmo de Cotonou, l’Horoya Band ou Sam Mangwana, sans compter les ghanéens ou nigérians, de nombreux artistes africains fréquentent ainsi Abi-djan, ville ouverte sur le monde. Pour beaucoup, la capitale économique ivoirienne est perçue comme un véritable eldorado, mais aussi comme le point de départ pour faire carrière à Paris, puis en Europe, tout en caressant un lointain rêve américain. L’âge d’or des disques africains touche à sa fin au sein de cette effervescence culturelle. Une nouvelle ère musicale s’installe progressivement, propice à l’émergence et à la réussite d’un certain nombre d’artistes africains à l’international. La diffusion mas-sive des cassettes sur tout le continent, puis l’arrivée des cds, précipite ce changement d’époque et de styles musicaux. Les musiciens, à commencer par les grands orchestres participent à la diffusion de nou-veaux styles musicaux, souvent plus génériques et moins organiques. La page des vinyles africains se tourne donc au cours des années 1980.

Ce courant musical doit autant au saxopho-niste nigérian Fela Kuti qu’à son batteur Tony Allen ou au trompettiste béninois Ignace de Souza. Né entre les clubs de Lagos au Nigé-ria et ceux d’Accra au Ghana, sans oublier les haltes à Cotonou ou à Lomé, à la fin des années 1960, l’afrobeat se situe à la croisée du jazz, du funk, du high-life et des percus-sions yoruba. Hypnotique à souhait, l’afro-beat introduit, outre une radicalité rythmique, un discours souvent politique, véritable poing levé des musiques africaines engagées. Tout au long des années 1970, grâce au charisme de Fela Kuti, dans toute l’Afrique, l’afrobeat illustre une liberté d’expression et une transe rythmique souvent imparables, pour ne pas dire indomptables. L’afrobeat est aujourd’hui un genre musical à part entière, reconnu et joué dans le monde entier.

Le Bembeya Jazz est l’un des orchestres qui a donné ses lettres de noblesse à la musique moderne africaine, ambassadeur de la poli-tique d’authenticité culturelle promue par le président guinéen Sékou Touré. Le groupe voit le jour à Beyla, en Guinée, en 1964. De 1966, date de sa nationalisation, à 1973, décès de son immense chanteur Demba Ca-mara à Dakar, le Bembeya Jazz atteint son apogée, rayonnant à travers toute Afrique de l’Ouest et bien au-delà. Grâce à un inves-tissement total dans son art, le Bembeya Jazz enclenche la modernisation des musiques africaines. Au fil des décennies, le groupe se défait et se recompose, donnant toujours des concerts spectaculaires. Dirigé par le légen-daire guitariste Sékou Diabaté, le Bembeya Jazz a fêté en 2014 ses cinquante ans de carrière.

Au gré de quelques manifestations importantes, les festivals panafricains ont écrit l’histoire des mu-siques africaines durant deux décennies. Au Premier Festival des Arts Nègres de Dakar en avril 1966, on croise aussi bien l’OK Jazz et les Bantous de la Capitale venus du Congo que l’orchestre de Duke Ellington, qui viennent y célébrer une négritude exaltée, comme le chante la grande diva de Saint-Louis, Aminata Fall. Au Festival Panafricain d’Alger en 1969, le Bembeya Jazz de Guinée et l’Ensemble Instrumental du Mali remportent tous les suffrages. Avec le festival Soul To Soul à Accra, au Ghana en 1971, l’African Brothers Band du guitariste Nana Ampadu rivalise avec de grandes figures améri-caines comme Wilson Pickett ou Santana. La venue de James Brown à Kinshasa en 1974 lors du com-bat de boxe opposant George Foreman à Mohamed Ali donne lieu à un concert légendaire au cœur du continent noir. Ce festival baptisé Zaïre 74 met en lumière les performances des congolais Tabu Ley Rochereau, de l’OK Jazz ou du Trio Madjesi. Sommet de ces grands évènements panafricains, le Festac (Festival For Black Arts and Culture) est organisé par les autorités nigérianes à Lagos au début de l’année 1977 afin de promouvoir les cultures noires venues du monde entier, de la Mélanésie au Surinam. Le Rail Band du Mali, le Volta Jazz, le Super Biton de Ségou ou le Bembeya Jazz sont parmi les orchestres vedettes du Festac, où se produisent également Miriam Makeba, Osibisa, Stevie Wonder, Sun Ra, le Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, Gilberto Gil et l’OK Jazz.

Dès la fin des années 1940, le Congo belge devient un haut lieu de la culture musicale du continent. Ce pays est le premier, avec l’Afrique du Sud, à se doter d’une industrie du disque avec des labels comme Ngoma, Esengo, Opika ou Loningisa. Grâce à Radio Léopoldville, mais aussi Radio Brazzaville qui émet de l’autre côté du fleuve Congo, les premiers succès congolais sont diffusés à tra-vers tout le continent via les ondes courtes. Ils influencent progressivement des générations d’auditeurs et de musiciens, des années 1940 jusqu’aux années 1980, diffusant la rumba congolaise, puis le soukous. Ce courant musi-cal combine les influences afro-cubaines aux guitares électriques avec la fluidité naturelle du lingala, comme une réappropriation d’une danse venue originellement d’Afrique. Grâce à des formations remarquables comme l’OK Jazz, l’African Jazz, l’African Fiesta, le Trio Madjesi ou Les Bantous de la Capitale, la rumba congolaise va faire le tour de l’Afrique.

Au début des années 1970, une musique semblable à aucune autre s’épanouit à Ad-dis-Abeba, la capitale éthiopienne. Celle-ci épouse les courbes de l’éthio-jazz, un genre musical développé par Mulatu Astatkè, un percussionniste qui a étudié à Londres et à New York d’où il rapporte des influences latines et jazz en Ethiopie. Mahmoud Ah-med, Tlahoun Gèssèssè, Muluqen Mèlèssè, Alèmayèhu Eshètè, Hirut Bèqèlè ou Bzunesh Bèkèlè sont les grandes figures de cet âge d’or du Swinging Addis, où la mélancolie des hauts plateaux, le blues éthiopien appelé te-zeta, l’influence du rhythm’n’blues américain se croisent. La musique éthiopienne rayonne alors de mille feux. La chute du régime impé-rial d’Haïlé Sélassié en 1974 et l’instauration d’un régime dictatorial accélèrent le déclin de cet âge d’or unique en son genre.

Dès les années 1940, Dakar est l’une des premières villes africaines où œuvrent des orchestres modernes, autant marqués par les fanfares coloniales, la variété française, les chansons cubaines ou les rythmes locaux. Au cours des années 1960, une formation comme le Star Band de Dakar s’illustre comme l’un des orchestres phares du continent depuis la capitale sénégalaise. L’organisation du Pre-mier Festival des Arts Nègres en 1966 foca-lise durablement l’attention sur cette ville, qui est la plus à l’Ouest du continent africain. Des labels comme N’Dar Disc contribuent à faire découvrir la scène musicale dakaroise avec des formations comme le Super Star de Da-kar, le Tropical Jazz ou le Rio Band de Dakar. Au fil des années 1970, l’Orchestra Baobab, le Star Number One, l’Etoile de Dakar, le Diamono, le Xalam, mais aussi le Sahel ou le Gorom font danser la ville au son du mba-lax émergeant, une danse wolof amenée à définir la musique sénégalaise dans son en-semble.

Avec son arrivée sur le continent dès le XVIème siècle par le biais du cavaquinho portugais ou de la guitare espagnole, la gui-tare est devenue au fil des siècles l’un des instruments de prédilection des musiciens afri-cains. Il est vrai que le ngoni, un luth à quatre cordes, popularisé par les griots du continent africain, dès le XIIIème siècle, a aussi balisé le terrain. Au milieu du XXème siècle, tous les grands orchestres sont regroupés autour d’un guitariste. Dès lors, le continent a donné au monde certains de ses plus grands vir-tuoses. Les grands guitaristes africains sont notamment les congolais Franco, surnommé « le sorcier de la guitare » et Docteur Nico, les guinéens Papa et Docteur Diabaté, Kanté Manfila, sans oublier Sékou ‘Bembeya’ Dia-baté, les ghanéens Sammy Cropper, Nana Ampadu et Ebo Taylor, le béninois ‘Papillon’ du Poly-Rythmo ou les maliens Zani Diabaté, Djélimady Tounkara, Mama Sissoko ou Ali Farka Touré, héros du blues africain.

Une des premières musiques modernes afri-caines, le high-life voit le jour au cours des années 1930 autour d’influences héritées des fanfares coloniales, du jazz, du calypso et des rythmes traditionnels ashanti. Le high-life accompagne l’indépendance du pays tout au long des années 1950, avec une formation phare comme E.T. Mensah & His Tempos Band et le tube Ghana Freedom. Mensah a joué avec Louis Armstrong l’année précédente lors d’une brève mais triomphale tournée afri-caine qui entérine les racines africaines du jazz. Lors de la décennie suivante des artistes comme le Black Beats Band, les Stargazers de Kumasi, les Republicans, l’African Brothers Band, les Ramblers et d’autres vont populari-ser ce genre pour en faire l’une des musiques modernes les plus populaires du continent, notamment au Nigéria, au Bénin ou au Libé-ria.

comme Afrobeat

comme Bembeya Jazz

comme Festival

comme Congo

comme Ethiopie

comme Dakar comme Guitare

comme High-life

SORY SANLENé en 1943 à Nianiagara (Burkina Faso) Sory Sanlé vit et travaille à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). Il commence sa carrière en 1960 alors que son pays obtient l’indépendance. Témoin de l’évolution rapide de son environnement, il ex-prime en images la collision qui se produit alors entre la vie moderne et les traditions. Il conjugue à la fois le reportage, l’illustration de pochettes de disque et les images officielles aux portraits de studio. Il se distingue de la concurrence no-tamment grâce à ses fonds peints, conçus par ses soins : une ville moderne, un bord de mer, une colonne antique ou une passerelle d’avion.

AFRO MUSICFondé en 1975, Afro Music est une revue pion-nière qui parle des musiques africaines en Eu-rope et sur le continent africain.Dirigée par Manu Dibango, cette revue est unique en son genre, tant dans les thèmes abor-dés que dans la visibilité accordée à des ar-tistes africains en grande partie invisibles à l’international. De plus, Afro Music jette des ponts alors iné-dits entre les musiques africaines et les musiques afro-américaines dont elle évoque les plus grands artistes, du jazz à la soul en passant par le funk et le disco.Elle disparaît à la fin des années 1970 sans qu’aucun autre média consacré aux musiques africaines ne la remplace.

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En 1960, année de l’indépendance de seize états africains, en grande partie d’Afrique de l’Ouest, de nombreux pays décident de créer des orchestres régionaux et nationaux avec des instruments modernes, ainsi que des en-sembles instrumentaux composés de musiciens traditionnels. Inspirées notamment par la po-litique d’authenticité culturelle guinéenne, ces orchestres et artistes ont pour but d’affirmer la grandeur et l’importance de la musique au sein de ces nouveaux états indépendants, du Sénégal au Congo Brazzaville, du Nigéria au Mali. Depuis la période des indépendances, l’âge d’or de cette musique africaine consti-tue un voyage à travers la mémoire de tout un continent et de plusieurs aires culturelles. Elle indique souvent les changements à venir au niveau politique, à l’instar du prophétique Indépendance cha cha publié en février 1960, qui précède de quatre mois l’indépendance effective du Congo. La chanson fait le tour de l’Afrique. Le continent tout entier danse pour la première fois au son d’une mélodie cubaine qui célèbre l’indépendance.

Originaire des Etats-Unis, la musique jazz apparaît à la fin du XIXème à La Nouvelle-Orléans. Elle incorpore des apports instru-mentaux européens, des polyrythmies afri-caines, un sens de la syncope et le recours à une spontanéité nouvelle dans le jeu des musiciens, qui souvent, improvisent. Grâce aux efforts pionniers des grandes formations dirigées par Louis Armstrong, Duke Elling-ton, Count Basie, Cab Calloway, mais aussi grâce à l’essor des transports maritimes, aux 78 tours et à la diffusion radio, le jazz com-mence à faire le tour du monde au cours des années 1930 et 1940. En Afrique, il renvoie à une modernité noire américaine sublimée par le mouvement Harlem Renaissance, qui renvoie aux racines africaines. A partir des années 1950, le terme jazz va intégrer le nom de beaucoup d’orchestres, que ce soit l’OK Jazz, le Bembeya Jazz, l’African Jazz, le Volta Jazz, le Tentemba Jazz, le T.O. Jazz et quantité d’autres formations à travers le continent africain.

Fondée en 1576 par les Portugais comme comptoir militaire pour contrôler les trafics d’esclave du bassin du Congo, Luanda est la plus ancienne cité d’origine européenne en Afrique tropicale. Comme à Salvador de Ba-hia et dans d’autres villes côtières situées de part et d’autre de l’Atlantique noir, les Por-tugais s’installèrent dans une baie naturelle, entourée de collines. La ville basse, indigène et laborieuse, et la ville haute, européenne et militaire, se sont ainsi croisées, aimées et détestées pendant exactement quatre siècles avant de finalement s’unir en euphorie dans l’indépendance de l’Angola le 11 novembre 1975. La ville baigne alors durant quelques mois dans l’allégresse d’une liberté nouvelle. Il s’ensuit une période de création musicale inouïe, au cours de laquelle la musique ango-laise rayonne de toute sa splendeur avec des étoiles comme Artur Nunes, Carlos Lamartine, David Ze, Urbano de Castro, Os Kiezos, San-tocas ou Mario Matadidi. Luanda danse alors au son du semba et des merengues alors qu’elle s’étreint au son des lamentos, avant qu’une interminable guerre civile ne précipite le déclin de cette grande musique angolaise. Artisan d’un son à la fois unique et fascinant,

le Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou est l’un des plus grands ensembles africains, pour lequel la polyrythmie n’est pas un vain mot. Cet orchestre est l’un des plus fertiles de tout le continent, au même titre que l’OK Jazz congolais, seul rival possible en nombre de sorties. Le Tout-Puissant Or-chestre de Cotonou a largement été influencé par le high-life du Ghana et l’afrobeat du Nigéria, ainsi que par la musique béninoise traditionnelle, à commencer par le sato. La formation se structure également autour d’in-fluences rhythm’n’blues américaines, de la rumba congolaise, mais aussi de la variété française et des rythmes afro-cubains. Le guitariste Mélomé Clément adopte le terme Poly-Rythmo, en hommage à la grande va-riété de rythmes maîtrisés et joués. Dans les thèmes de ses chansons, le groupe évoque aussi bien l’évolution de la société béninoise et ses travers que la complexité des relations amoureuses. En dépit d’une concurrence vive avec d’autres formations de la foisonnante scène musicale béninoise de cette époque, le Poly-Rythmo se hisse rapidement au rang des meilleurs orchestres modernes africains. Le groupe a publié des centaines de 45 tours et plusieurs dizaines d’albums.

L’OK Jazz représente le monument ultime de la musique congolaise et africaine moderne au gré des milliers de morceaux enregistrés par l’orchestre de 1956 à 1989. Cette for-mation est à jamais associée au guitariste Franco, figure de proue de l’OK Jazz. Son parcours indique les évolutions, les bonheurs et les tourments de la musique congolaise moderne, mais aussi de toute la musique africaine. Sous l’égide de Franco, l’orchestre raconte le quotidien, souvent sans fard, des rues de Kinshasa. L’œuvre immense de l’OK Jazz, fait sans doute de Franco le musicien africain le plus important du XXème siècle, au regard des milliers de chansons enregistrées, des centaines de disques publiés et d’innom-brables aventures musicales vécues et parta-gées dans toute l’Afrique.

Avec l’apparition des 78 tours d’enregistre-ments de musiques populaires au Congo, en Afrique du Sud, au Nigéria ou au Ghana au cours des années 1940, une première indus-trie du disque se met en place sur le continent par le biais d’usines de pressage de disques vinyles dans ces pays. Dès la fin des années 1950, des pionniers comme Hugh Tracy, puis Gilles Sala vont tout faire pour faire entendre ces premières productions commerciales afri-caines sur disques vinyles. A partir des an-nées 1960 le développement des disques vinyles en Afrique s’accélère avec le format 45 tours, très facilement manipulables. Au Kenya ou au Bénin, d’autres usines de pres-sage voient alors le jour. Des pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée ou la Haute-Vol-ta multiplient les sorties de disques qui sont pressés le plus souvent en Europe, même si le Ghana, le Nigéria ou le Bénin fabriquent un nombre croissant de disques au cours des an-nées 1970. Le format 33 tours a alors le vent en poupe jusqu’au début des années 1980. A cette époque, le format cassette, qui favorise le piratage, remplace peu à peu l’industrie du vinyle, qui disparaît en Afrique à la fin de cette décennie. Au début du XXème siècle, tous les enregis-

trements de musiques traditionnelles sont effectués sur le terrain, soit dans les villes coloniales, soit en brousse. Il faut attendre la fin des années 1940 pour que les premiers studios d’enregistrement voient le jour, au Congo, puis au Nigéria, au Ghana, en Gui-née, en Côte d’Ivoire, au Dahomey (Bénin) ou au Kenya. Dans la plupart des pays d’Afrique, les enregistrements sont généralement réali-sés dans les radios des capitales et parfois même sur de simples magnétophones comme c’est le cas à la Radio Rurale de Haute-Vol-ta (Burkina Faso) par exemple. A Dakar, on enregistre souvent les artistes dans les clubs en plein air dans les conditions du direct. Moussa Konaté pour Syliphone, Boubacar Traoré à Radio Mali et les ingénieurs du son du studio EMi de Lagos élèvent les standards d’enregistrement. A la suite de l’African Jazz à Bruxelles ou de l’OK Jazz à Paris, les Super Eagles de Gambie font partie des premiers orchestres africains à venir enregistrer en Eu-rope, au prestigieux studio Abbey Road de Londres à la fin des années 1960. La pré-carité des moyens d’enregistrement apporte une homogénéité remarquable à nombre de productions africaines.

Longtemps méprisé depuis son invention au milieu du XIXème siècle, le saxophone est l’un des grands instruments du XXème siècle. Il faut attendre 1942 et le premier solo de saxophone signé Illinois Jacquet au sein de l’orchestre de Lionel Hampton afin que cet instrument commence à trouver sa place parmi la musique populaire. De La Nouvelle-Orléans à Chicago, il s’incorpore progressi-vement à la musique américaine, notamment dans le jazz, avec les sax honkers à la fin des années 1940. En raison de sa noblesse et de la fierté qu’il véhicule, le saxophone s’impose naturellement comme un instrument de pré-dilection au sein des musiques noires améri-caines de Louis Jordan à Charlie Parker, de John Coltrane à Archie Shepp. En Afrique, de grands solistes comme le nigérian Dex-ter Johnson, l’éthiopien Getatchew Mekurya, le malien Tidiani Koné, le guinéen Kélétigui Diabaté sans oublier Fela Kuti, le chantre de l’afrobeat, vont faire du saxophone l’un des instruments phares dans l’émergence des mu-siques africaines.

Pionnier des enregistrements folkloriques en Guinée, l’américain Léo Sarkisian contribue à monter le seul studio de Conakry, baptisé La voix de la Révolution. Celui-ci est modernisé en 1967 grâce à une aide de la République Fédérale d’Allemagne. Géré par le Parti Démocratique de Guinée, ce studio devient l’épicentre de la maison de disques Syliphone, fondée en 1966 par décret présidentiel. Celle-ci devient opérationnelle à partir de mai 1968. De la formation des orchestres à la diffusion sur les ondes, l’état guinéen contrôle ainsi toutes les étapes de l’industrie du disque, donnant ainsi une cohérence remarquable aux productions Syliphone. La maison de disque est dirigée par Boubacar Kanté alors que Moussa Konaté s’occupe de la prise de son. Les premières références Syliphone offrent un aperçu des meilleurs orchestres comme ceux de La Paillote, du Jardin de Guinée, sans oublier le Bembeya Jazz. Le label lance à partir de 1969, avec la compilation Guinée An X consacrée aux orchestres nationaux, des albums offrant une sélection des meilleurs artistes et musiciens du pays. Cette démarche est pérennisée en 1970 avec la fameuse série des volumes Discothèque, qui s’arrêtera en 1976. Au total, la marque Syliphone publie quatre-vingt 45 tours et autant de 33 tours, d’une homogénéité artistique et culturelle remarquables.

Véritable phare des nuits de Bamako, le Rail Band est au début des années 1970 la plus grande formation de danse malienne. Fondé en 1969 par le chef d’orchestre Tidiani Koné qui recrute le jeune chanteur albinos Salif Keita et une poignée de musiciens pour ani-mer les soirées du Buffet Hôtel de la Gare, le Rail Band s’impose rapidement comme une étape incontournable des nuits de Bamako. Après un premier album paru en 1970, le guitariste Djélimady Tounkara et le balafo-niste guinéen Mory Kanté rejoignent la for-mation. La musique jouée par le Rail Band séduit les noctambules et les noceurs, les jo-lies filles, mais aussi les hommes d’affaires, les policiers, les prostituées ou les politiciens qui se pressent au Buffet Hôtel de la Gare. Grâce aux voyageurs qui transitent par la gare de Bamako, le Rail Band se fait rapi-dement un nom dans l’ensemble de la région, de la Guinée au Bénin. Les thèmes joués par la formation, souvent liés au répertoire man-dingue, aident à la popularité de l’orchestre. Le Buffet Hôtel de la Gare connaît alors son âge d’or. Le Rail Band conjugue ouvertement tradition et modernité africaine, incorporant parfaitement à cette épopée médiévale des instruments modernes comme la guitare, l’orgue et la basse électrique.

A partir des années 1950, la mise en avant des musiques traditionnelles, longtemps écar-tées par les colons européens, permet l’émer-gence, voire la reconstruction, d’une fierté nationale, au gré d’un nouveau regard sur le passé et la richesse de répertoires souvent pluriséculaires. Cette projection dans le futur ainsi que la construction de nations nouvelles façonnent certains styles de musiques popu-laires parmi les plus véhéments du XXème

siècle. Les interactions entre musiques mo-dernes et traditionnelles sont constantes, dès lors que les premiers instruments électriques, les premiers labels et les premiers studios d’enregistrement deviennent opérationnels sur le continent au début des années 1960, donnant naissance à un véritable « folklore modernisé ».

Véritable ovni de la musique moderne afri-caine, William Onyeabor se spécialise dans les synthétiseurs aux sonorités futuristes. Après avoir étudié le cinéma en URSS, il compose de nombreuses bandes originales de films, dans un style qui n’est pas sans rappeler le funk américain. Il publie ainsi en 1977 l’album «Crashes In Love», sur son propre label Wili-films. L’année suivante, l’épique Better Change Your Mind dresse un état du monde sans com-plaisance sur l’avidité de puissance des prin-cipales nations mondiales. Paru en 1978 sur son album «Atomic Bomb», ce morceau est l’un des plus grands titres nigérians de la décennie et s’exporte dans toute l’Afrique. Onyeabor publie une poignée d’autres albums comme « Body & Soul », où il anticipe avec une dizaine d’années d’avance la house music et les mu-siques électroniques dont il est l’un des pion-niers. Auréolé de ce fait de gloire, Onyeabor produit quelques artistes dans l’enceinte de son studio de Lagos. Son savoir-faire afro-futuriste se retrouve sur quelques productions de la marque Cosmic Counds.

L’histoire des musiques africaines est celle des voix qui l’ont chanté, du tumulte initial aux polyphonies d’aujourd’hui, des fleuves du cœur du continent vers l’océan, des chants pygmées aux saillies hip-hop des centres urbains. Connues, méconnues ou totalement inconnues, les voix africaines ont écrit l’his-toire de ces musiques. De Miriam Makeba à Angélique Kidjo, de Cesaria Evora à Belita Palma, de Kandia Kouyaté à Bella Bellow, d’Aminata Fall à Nahawa Doumbia, les voix féminines les plus émouvantes ont participé à une histoire vocale riche en émotions. Chez les hommes, Demba Camara du Bembeya Jazz, Amadou Ballaké, Amara Touré, Sory Kan-dia Kouyaté, Salif Keita, Vicky Longomba de l’OK Jazz, Artur Nunes, Muluqen Mèlèssè et bien d’autres ont eux aussi écrit une his-toire émotionnelle très forte à travers leurs exploits vocaux.

Considéré comme l’une des plus belles voix africaines, Salif Keïta poursuit de manière in-lassable son travail d’orfèvre de la musique malienne moderne. Il repousse de nombreuses frontières musicales en recherchant constam-ment d’autres façons de faire des disques. Sa musique multiplie les ouvertures avec le monde qui l’entoure. Il est toujours là où on ne l’attend pas alors que sa voix atteint des sommets d’émotion. Au fil de ses rencontres et de ses voyages, Salif Keita ne s’est jamais départi de ses racines et de sa culture man-dingue. Chanteur et compositeur pionnier, il a été de toutes les avant-gardes musicales avec ses exploits vocaux au sein du Rail Band et des Ambassadeurs du Motel, deux des plus grands orchestres du Mali des années 1970, avant de devenir l’une des grandes révélations de la world music naissante lors de ses débuts en solo avec « Soro » en 1987. Dès lors, il a multiplié les collaborations et les albums notamment le chef-d’œuvre, l’album « Moffou », paru en 2002.

Au Mali, la culture mandingue ravive un riche héritage musical où les cordes anciennes et les griots ont la part belle. Par le biais de Biennales artistiques et culturelles, de nom-breux orchestres régionaux s’affrontent avant d’atteindre le rang d’orchestres nationaux et de représenter le Mali à l’étranger comme le fera le Super Biton de Ségou au cours des années 1970. D’autres formations comme le Rail Band du Buffet Hôtel de la Gare, Les Am-bassadeurs du Motel ou le Super Djata Band de Bamako rayonnent tout au long de cette décennie dans toute l’Afrique de l’Ouest, jusqu’au Nigéria. Les grandes compétitions panafricaines favorisent la diffusion des différents styles en vigueur sur le continent, permettant aux artistes d’enrichir leur réper-toire. Ces formations illustrent le génie musi-cal malien, conjuguant tradition, modernité et enthousiasme sans faille, à une époque où ces orchestres ont largement dépassé les seuls cadres régionaux et nationaux par la qualité de leur production. Outre ses orchestres, le Mali se distingue également grâce à ses mu-siciens traditionnels et ses chanteuses, parmi les plus belles voix du continent.

A la fin des années 1940, une industrie musicale émerge au Congo belge avec la fondation d’une maison de disques pionnière comme Ngoma en 1947 par le grec Nicolas Jéronimidis. Il monte aussi un studio d’enregistrement ainsi qu’une usine de pressage de disques 78 tours. Ngoma reflète la pros-périté économique de Léopoldville, qui attire tous les musiciens du pays. Le label produit notamment l’accordéoniste Camille Feruzi et le chanteur Antoine Wendo Kolosoy qui triomphe avec le premier tube congolais Marie-Louise en 1948. Ces deux artistes participent à la naissance d’un style musical syncrétique baptisé rumba congolaise. Ils donnent aussi au pays sa première véritable culture moderne. La rumba fait le tour de l’Afrique au cours des années 1950 par le biais des stations radios. Avec plus de quatre mille références à son catalogue, la firme Ngoma est l’un des labels africains les plus impor-tants de l’histoire. Très fragiles, ces disques 78 tours s’abîment rapidement et doivent être fréquemment remplacés par des nouveautés, dès lors que les aiguilles des phonographes ne sont pas régulièrement changées, lançant une véritable frénésie de consommation. Le développement de maisons de disques comme Ngoma, mais aussi Opika, Loningisa, Cefa, Esengo ou Gallotone permet l’émergence durable d’une véritable scène musicale sur le continent. L’émancipation économique d’une partie de la société congolaise entretient également ce désir de musique nouvelle incarné à jamais par la marque Ngoma.

comme Indépendance

comme Jazz

comme Luanda

comme Poly-Rythmo de Cotonou

comme OK Jazz comme disQues

comme stUdio

comme saXophone

comme Syliphone

comme Rail Band

comme Tradition

comme William Onyeabor

comme Voix

comme Keïta, Salif

comme Mali

comme Ngoma

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Formé en grande partie au Star Band de Dakar, le jeune Youssou N’Dour forme l’Etoile de Dakar à la fin des an-nées 1970. Haute et androgyne, sa voix perçante véhi-cule une fierté nouvelle ainsi qu’un charisme incendiaire. Elle parle à la jeunesse d’un pays en pleine explosion démographique et urbaine. Youssou et ses complices modernisent considérablement le répertoire sénégalais dont il va devenir la voix emblématique. En 1981, la formation se scinde ainsi en deux entités, avec le Super Etoile de Dakar de Youssou N’Dour et l’Etoile 2000, em-mené par El Hadj Faye. A lui seul, Youssou incarne la fin de l’époque afro-cubaine et le début de l’ère mbalax au Sénégal dont il devient le principal ambassadeur, de 1982 à 2012, année où il devient Ministre de la culture du Sénégal, un parcours remarquable pour un gamin issu de la Médina, le quartier populaire de Dakar. Le succès universel de Seven Seconds, chanté en duo avec Neneh Cherry en 1994, participe à la légende de l’une des grandes voix africaines.

A l’exception du Soudan du Sud et de l’Erythrée, le Zimbabwe est l’un des derniers pays africain à devenir indépendant en 1980. Apôtre de la « chimurenga music », littéralement « musique de lutte », le zimbabwéen Thomas Mapfumo incorpore dans son jeu de guitare le mbira, une clave ancestrale montée sur une calebasse, qui donne son nom à la musique traditionnelle de l’ethnie Shona. Assez lancinant, le mbira se marie parfaitement à un chant qui traduit une vaste palette d’émotions et d’expériences, comme le fait d’avoir appris à jouer de la mbira, alors interdite, sous la colonisation britannique. Il chante en shona et affirme de fait une volonté radicale de changement. Il est brièvement emprisonné en 1979, ses chansons étant bannies des ondes. L’indépendance proclamée en 1980, il participe à un concert légendaire de célébration avec Bob Marley à Harare. Allègre, sans fioriture mais avec beaucoup d’humanité, sa musique illustre une vision artistique intense. Dans la même veine que les disques révolutionnaires publiés en Guinée ou en Angola, Thomas Mapfumo contribue à l’affirmation d’une fierté nationale en musique. En lutte contre la politique auto-cratique du Président Mugabe, il ne perd jamais de vue les difficultés politiques et sociales de son pays auquel il a consacré l’essentiel de son œuvre. Il a coutume de dire qu’il ne chante pas de chanson romantique car il suffit pour cela d’aller dans sa chambre avec sa femme et qu’il préfère évoquer la pauvreté, l’injustice et les problèmes sociaux dans ses paroles. Musicien engagé, Thomas Mapfumo n’a jamais édulcoré son propos, portant très haut la flamme de la chimurenga music au Zimbabwe et ailleurs en Afrique.

comme Youssou N’Dour comme Zimbabwey Z

PLAYLIST DE L’EXPO

1. Sidiki Diabaté & Djélimadi Sissoko, Duga, 1970

2. Ensemble Instrumental du Mali, Mali Sadio, 1965

3. Mbongue Diboue & Son Ensemble, Tu Nja Tengene Elie, 1950’s

4. Paul Behanzin & Son Ensemble, Chollie, c.1958

5. Louis Armstrong, Maybe It’s Because, 1940’s

6. OK Jazz & Camille Feruzi, Siluwangi Wapi Accordéon, 1970

7. Abelardo Barroso y Orquesta Sensacion, El Manicero, 1950’s

8. Arsenio Rodriguez, Errante y Bohemio, 1950’s

9. Keita Fodéba, Minuit I, c. 1958

10. Keita Fodéba, Minuit II, c. 1958

11. OK Jazz, Linga Ye To Olin Ngai, c.1957

12. African Jazz, Indépendance cha cha, 1960

13. E.T. Mensah & His Tempos, Ghana Freedom, 1957

14. K. Frimpong & His Cubanos Fiestas, Hwehwe Mu Na Yi Wo

Mpena, 1977

15. Bembeya Jazz, Ballaké, 1968

16. Kebendo Jazz, Soumba, c. 1971

17. Orchestre Poly-Rythmo, Gbeti Ma Djiro, c.1972

18. Orchestre Poly-Rythmo, Y’a pas moyen, c. 1973

19. Nkwitchoua, Po Lusi, c. 1975

20. Hafusa Abbasi & The Yahoos Band, Ewemola, c. 1973

21. Fela Kuti & Africa 70, Sorrow Tears & Blood, 1977

22. Geraldo Pino & The Heartbeats, Heavy Heavy Heavy, 1974

23. Mulatu, Yèkèrmo Sèw, c.1972

24. Muluqen Mèllèssè, Yèmendjar Shèga, c.1975

25. Orchestre Poly-Rythmo, Special Festac 77, 1977

26. Artur Nunes, Tia, c. 1974

27. Luis Visconde, Chofer de praça, c.1973

28. Amadou Ballaké, Bar Konon Mousso, 1974

29. Rail Band, Mali Tebaga Mogoma, 1970

30. Amara Touré, Tela, 1980

31. Ambassadeurs Internationaux, Mandjou, 1978