Joubert Pensées

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Recueil des pensées de M. Joubert / [publié par Chateaubriand] Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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pensées de Joubert

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  • Recueil des penses deM. Joubert / [publi par

    Chateaubriand]

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Joubert, Joseph (1754-1824). Recueil des penses de M. Joubert / [publi par Chateaubriand]. 1838.

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  • RECUEIL

    DES .s

    PENSES DE M. JOUBERT.

  • RECUEIL

    1 DES S

    PENSES DE M. JOUBERT. s

    fJaris.

    IMPRIMERIE LE FORMANT, RUE DE SEINE, N 8.

    8'58.

  • Paris, 8 septembres 838.

    J'ai lu ces mots dans les fragmens de

    M. Joubert Le ver soie file ses coques,

    et je file les miennes mais on ne les

    dvidera pas.

    Si; je les ai dvides j'ai spar les

    sujets confondus sur des chiffons de pa-

    pier toutefois je n'ai pas trop multipli

  • les litres, pour laisser au penseur une par-tie de la varit de ses penses. On verra

    par la beaut de ces pages ce que j'ai perduet ce que le monde a perdu. On peut ne

    pes tre de l'avis de Joubert mais voulez-

    vous connatre la puissance de son gnie?

    Jamais penses n'ont excit de plus grandsdoutes dans l'esprit n'ont soulev de plus

    hautes questions et proccup davantage.La veuve de M. Joubert n'a fait imprimerles mditations de son mari que pour elle;

    elle aurait craint, en les publiant, d'offenser

    la gloire qui a tant recherch l'obscurit..

    Mme Joubert m'a charg de rendre les der-

    niers devoirs l'me de mon ami. Il y a

    dj quatorze ans que j'ai accompagn le

    corps de cet ami au dernier asile les

    penses de M. Joubert von ^reposer dans

    la vie, comme ses cendres reposent dans

    la mort.

    On trouve dans mes ouvrages une lettre

  • en date de Turin, 17 juin i8o3, adres-

    se M. Joubert l'Essai sur la Littrature

    anglaise renferme quelques dtails relatifs

    mon ami, et j'avais crit dans le Journal

    des Dbats, le 8 mai 1824? ce peu de li-

    gnes au moment o le rare et excellent

    homme venait de quitter la terre

    JOURNAL DES DBTS, 8 mai 1824.

    M. Joubert an, conseiller honoraire

    de l'Universit, et le plus ancien ami de

    M. d F -1- cl '1\1' M. de Fontanes, vient de mourir. St

    avec des talens qui i'auraient pu rendre clbre comme son illustre ami, il a pr- fr passer une vie inconnue au milieu

    d'une socit choisie elle a pu seule l'ap-

    prcier. C'tait un de ces hommes qui attachent par la dlicatesse de leurs sen- timens, la bienveillance de leur me

  • CHATEAUBRIAND.

    l'galit de leur humeur, l'originalit de

    leur caractre, par un esprit vif et clair,

    s'intressant tout et comprenant tout.

    Personne ne s'est plus oubli et ne s'est

    plus occup des autres. Celui qui dplore aujourd'hui sa perte ne peut s'empcher

    de remarquer la rapidit avec laquelle

    disparat le peu d'hommes qui, forms

    sous les anciennes murs franaises

    tiennent encore le fil des traditions d'une

    socit que la rvolution a brise. M. Jou-

    bert avait de vastes connaissances il a

    laiss un manuscrit la manire de Pla-

    ton, et des matriaux historiques. On ne

    vit dans la mmoire du monde que par des travaux pour le monde mais il y a

    d'autres souvenirs que l'amiti conserve

    et elle ne fait ici mention des talens litt-

    raires de M. Joubert, qu'afin d'avoir le

    droit d'exprimer publiquement ses re-

    grets,

  • PENSEES

    DEE

    M. JOUBERT.

    N I.

    DIEU; AME. CIEL. RELIGION. NATURE ET IDES RELI-

    GIEUSES. CHOSES DIVINES. FOI. CULTE. SAINTET.

    PIT. DVOTION. VRIT. THOLOGIE. TERNIT.

    IMMORTALIT. BONHEUR. VIE ET MORT. PNITENCE.

    PRTRES ET PHILOSOPHES. PAPAUT. MORALE. PITI.

    FTES. RGIONS INTELLECTUELLES. ESPRIT, etc., etc.

    Dieu! intelligence et amour qui embrassele monde; il nous paie de notre esprance,et y sourit; il ne se contente pas de voir, ilest vu. Quelqu'un le voit les anges ? et pour-quoi pas aussi les mes ? Dieu se plat treconnu.

  • 10

    Dieu a fait le monde et quand il ne l'aurait

    pas fait, et qu'il n'aurait fait que nos mes ?

    Ce n'est pas l'auteur de tout c'est le crateur

    des esprits, le matre de nos destines que nous

    sommes surtout enclins et obligs adorer.

    Le monde est sorti de l'esprit de Dieu,

    comme une belle statue de bronze ou de mar-

    bre sort du moule ou de la tte du sculp-teur.

    La justice de Dieu n'est pas de ce monde.

    Les matrialistes abusent des abstractions

    plus encore que les plus subtils spiritualiste, et

    tout au moins avec une inconsquence qu'on ne

    peut reprocher ceux-ci. Voyez, par exemple,l'ide qu'ils attachent leurs mots nature,

    matire le tout 1

    Nous sommes, dit l'Imitation, ce que nous

    sommes devant Dieu.

    Nous sommes ce que Dieu nous voit, et

    toutes choses sont ce que Dieu les voit.

    Rien ne peut tre beau dans la matire que

  • | j

    par l'impression de la pense ou de l'me 7

    except la lumire, belle par elle-mme, ou

    plutt par l'impression de son principe imm-

    diat, qui est Dieu.

    Le dieu de la mtaphysique n'est qu'une

    ide mais le Dieu des religions, le crateur

    du ciel et de la terre, le juge souverain des

    actions et des penses, est une force.

    Dieu est n de Dieu, comme l'image nat de

    l'objet dans un miroir.

    S'il n'est pas ncessaire de croire tout ce

    que les religions enseignent, il serait beau du

    moins de faire tout ce qu'elles prescrivent.

    L'univers obit Dieu comme le corpsobit l'me qui le remplit.

    Dieu ddaigne la conduite du monde phy-sique, il l'a livr son cours et ses ressorts;mais il s'est rserv les mes.

    C'est le sacerdoce, c'est--dire un tat o il

    y avait beaucoup de mditation et de loisir,

  • 12

    qui donna la littrature hbraque son exis-

    tence et sa perfection.

    Des yeux levs au ciel sont toujours beaux,

    quels qu'ils soient.

    Aimer Dieu et se faire aimer de lui, aimer

    nos semblables et se faire aimer d'eux, voil

    la morale et la religion dans l'une et dans

    l'autre, l'amour est tout fin principe et

    moyen.

    La foi empche l'homme de livrer son es-

    prit beaucoup de soins inutiles elle le d-

    tourne de tenter ce qui est impossible.

    Dieu multiplie l'intelligence, qui se com-

    munique comme le feu l'infini. Allumez mille

    flambeaux un flambeau, allumez-en un mil-

    lion, sa flamme demeure la mme.

    Dieu. L'enfant le croit semblable l'homme;l'homme exerc le croit semblable la lu-

    mire, ce qui est un bien petit progrs.

    Aucun homme peut tre n'imagina seul

  • 13

    plusieurs dieux la fois mais chacun ayantadmis avec le sien le dieu de son voisin, le

    polythisme s'tablit. Il y eut plusieurs dieux,

    t parce qu'il y avait eu plusieurs peuples.

    Heureux ceux qui ont une lyre dans le coeur,et dans l'esprit une musique qu'excutent leurs

    actions! Leur vie entire aura t une har-

    monie conforme aux noms ternels.

    Il y a mille occasions o le ciel ne veut

    pas que l'vidence nous arrte.

    Rien que de beau et de cleste n'entrera

    jamais dans le ciel.

    Les prtres sont les meilleurs amis et les

    meilleurs conseils qu'on puisse avoir.

    Ils ont ordinairement des affections con-

    formes leurs doctrines, et dans leurs doc-

    trines une sagesse suprieure eux et

    nous.

    Dieu qui peut tout faire par un acte

    simple de sa volont, a voulu cependant seservir d'agens intermdiaires, afin que les

  • 14

    hommes pussent concevoir ses oprationsd'une manire conforme la vrit.

    Ces agens sont les anges; c'est par leur

    ministre qu'il gouverne le monde.

    La pit est un remde.

    La vie et la mort, les richesses et la pau-

    vret, l'lvation et l'abaissement, sont dans

    les mains de Dieu.

    Elles font partie de notre destine, qui ne

    dpend pas de nous.

    Mais le bien et le mal sont dans nos mains,

    ou, comme le dit l'Ecriture dans les mains

    de notre conseil, parce qu'ils font nos m-

    rites ou nos dmrites.

    Comme instrutnens nous avons une desti-

    nation comme cratures morales, nous avons

    une libert.

    La vie et la mort, par lesquelles nous som-

    mes ou ne sommes pas dans le monde; les

    richesses et la pauvret qui nous y assi-

    gnent une place; la gloire et la honte, ou

    l'lvation et l'abaissement qui nous y font

    jouer un rle, tiennent en effet et touchent

    au train gnral des affaires humaines et

  • \K i o

    Dieu s'en est rserv la rpartition. Il en dis-

    tribue son gr une mesure chaque indi-

    vidu.

    Toutes les religions sont bonnes la meil-

    leure pour chaque homme est celle qu'il a;mais la plus belle est incontestablement celle-

    ci (la catholique).

    Nous sommes construits de manire ne

    concevoir aucune qualit existante qu'en re-

    gard de son espce, que nous lui supposons

    prexistante. Ainsi, quand nous disons queDieu est juste, nous supposons que tout en

    lui est conforme une justice que nous ima-

    ginons presque hors de lui.

    Toujours l'ide avant la chose.

    Tout ce que nous. concevons est plac parnous dans un temps et dans un lieu, comme

    dans un cadre; c'est une autre condition de

    notre intelligence.

    La vrit Dieu seul la voit.

    La religion n'est ni une thologie ni une

    thosophie, elle est plus que tout cela c'est

  • 16une discipline, une loi, un joug, une nces-

    sit, un engagement qu'on s'impose, et qu'onveut qui soit indissoluble.

    II faut suivre, pour alleu au ciel, le mme

    chemin que ses pres, afin d'y habiter le

    mme point.

    Dieu a laiss engendrer les sciences physi-

    ques aux temps, mais il s'est rserv les au-

    tres.

    Lui-mme a cr la morale, la posie, etc.

    Les premiers germes rcemment produits

    par ses mains furent mis par lui dans les mes

    et les crits des premiers hommes de l vient

    que l'antiquit, plus voisine de toutes les cra-

    tions, doit nous servir de modle dans les prin-

    cipes de ces choses qu'elle avait reus et

    qu'elle nous a donns plus purs.Il faut, pour ne pas nous garer, mettre

    nos pieds dans les traces des siens.

    Croire de Dieu ce qui est contraire la rai-

    son, cela se peut il s'agit d'objets suprieurs notre intelligence; mais croire de Dieu ce

    qui est contraire la justice, telle que le coeur

  • J7

    2

    la conoit, peut-tre cela ne se peut ni ne se

    doit, moins d'un ordre exprs de lui.

    Montrez-moi donc cet ordre s'il est clair,je me soumettrai; s'il est obscur, je suspendraimes doutes j'adorerai et j'attendrai.

    La meilleure mtaphysique est celle qu'ona malgr soi, c'est-sdire celle qui est fondesur des ides ou des images qui sont invita-blement et universellement en nous; par lanature de notre intelligence, ou par celle deschoses, ou par la volont de Dieu, que cettencessit nous prouve assez.

    Les meilleures prires sont celles qui n'ontrien de distinct, et qui participent ainsi de lasimple adoration.

    Dans tous les sens du mot le cur est leprincipe de la vie; voil pourquoi la dvotionaide vivre.

    L'irrligion. Passion. Ceux qui en sontpossds ce point se font un Dieu du genrehumain; il font leur idole d'un tre abstrait et

    informe, par la ncessit qui porte invitable-

  • |e

    ment la, nature humaine aimer et honorer

    sans mesure quelque chose d'immatriel et

    d'infini.

    On ne comprend la terre que lorsqu'on a

    connu le ciel.

    Il faut aimer de Dieu ses dons et ses refus

    aimer ce qu?il veut et ce qu'il ne veut pas.

    L'homme mu croit plus en Dieu quel'homme froid; dans la colre et dans la fu-

    reur mme, la religion se fait mieux sentir.`

    L'tat de manie, qui est un tat d'agitation,a naturellement beaucoup d'instans religieux.

    J'aimerais assez que la religion et quel-

    ques hypocrites, ses abus prouveraient du

    moins qu'elle existe.

    Sans le dogme, la morale n'est que maximes

    et que sentences avec le dogme elle est pr-

    cepte, obligation, ncessit.

    Ce n'est pas de l'intelligence de Dieu que

    nous devons nous occuper mais de sa volont.

  • 19

    Il nous importe peu de penser sa prsence 3

    mais il nous importe beaucoup de penser ,

    sa justice, a bont, sa puissance, ses

    dcrets.

    On craint de trop' peu croire dans tout ce

    qui concerne la foi; aussi l'extrmit prvaut

    ordinairement), efc.ce; qui parat le moins n

    de l'esprit de l'homme est adopt. De l vient

    que les hrsies ont d?abord une apparence

    plus raisonnable; mais ce n'est pas le raison-

    nement, c'est l'autorit qui sert de rgle.

    Ce n'est pas la libert religieuse, mais la li-

    bert irrligieuse qu'on demande aujourd'hui.

    La Bible apprend le bien et le mal; l'van-

    gile, au contraire, semble crit pour les prdes-tins c'est le livre de l'innocence.

    La premire est faite pour la terre l'autresemble fait pour le ciel.

    Selon que l'un ou l'autre de ces livres est

    plus dans une nation, on y voit diverses mursou diverses humeurs religieuses.

    Chacun suit sa raison ou sa religion car

  • 90

    il en est qui la religion, dont toutle monde

    est susceptible tient lieude la raison qu'ils

    n'ont pas, et qu'ils ne peuvent pasavoir. Tout

    le monde est susceptible de religion, mais tout

    le monde n'est pas capable de raison.

    Religion. Il faut chercher partous les

    moyens possibles se la persuaderet s'en

    convaincre; cela importe nous, nos fa-

    milles, nos voisins et au genre humain.Il

    est ncessaire d'y croire, il ne l'est pas qu'elle

    soit vraie.

    Toute religion est toujours d'unevrit suf-

    fisante pour faire mieux que sion ne l'avait

    pas.

    La religion est la posie du cur.

    Le grand nombre des ftes rend les hommes

    ingnieux pourvu qu'elles soient religieuses.

    Il n'y a de vritables ftes que les ftesre-

    ligieuses.

    La vrit ne vient pas de nous, et ne peut

    venir de nous mais de Dieu ou des esprits

    amis de Dieu, auxquels sa lumire a lui dans

  • >i

    tout ce qui est spirituel; et des choses o Dieu

    l'a mise dans tout ce qui est matriel.

    Il faut donc consulter Dieu, aprs les sageset son propre esprit, pour tout ce qui est spi-

    rituel et fouiller dans le fond des choses

    pour tout ce qui est matriel.

    La religion fait au pauvre mme un devoir

    d'tre libral, noble, gnreux et magnifique

    par la charit.

    Jsiis-Christ n'a rien crit; la divinit iris-

    pire et dicte; c'est aux disciples crire.

    Avec Dieu il ne faut tre ni savant ni phi

    losophe mais enfant, esclave colier, et toutau plus pote.

    La divinit ne trompe jamais, sans quelquencessit, les esprances innocentes des mor-

    tels et comme nous croyons qu'elle habiteles lieux qui lui sont consacrs, elle y rendsa prsence plus sensible.

    Il faut parler Dieu de tout, l'interrogeret tre attentif l'couter sur tout; mais quel-

  • 22

    quefoison

    prendsa

    proprevoix

    pourcelle

    de Dieu.

    L'athisme, s'il est consquent peut et doit

    croire un pf odige chaque minute.Dans les principes de l'athe^ un mort peut

    fort bien ressusciter il en pourrait ressusciter

    mille par jour, il ne faut pour cela qu'un peude fermentation.

    Le disme et les religions mnent au but

    par des chemins plus ou moins bons, plus ou

    moins baix; et au sommet par des chelons

    plus ou moins solides.

    N'crivez rien dont fous ne puissiez croire

    que cela est vrai devant Dieu*

    Examinez toujours si ce qu'on dit et ce

    qu'on pense est vrai devant Dieu.

    Ne pcf urrait on pas dire et ne pourrait on

    pas penser que depuis l'avnement de Jsus-

    Christ Dieu a infus dans la nature plus de

    lumire et plus de grce?Il semble en effet que depuis ce temps il y

    a eu dans le monde une connaissance plus

    gnrale de tous les devoirs," et une facilit

  • Jmt.tJ

    plus rpandue et plus commue pratiquerles vraies vertus et toutes les grandes vertus.

    Qu!est-ce qui est le plus difforme, ou d'une

    religion sans vertu, ou des vertis sans religion?

    Ni le monde ni l'criture ni l'glise ne

    font connatre Dieu elaiFeneuit et ? parfaitement.Ce n'est pas la vrit de ce qui est l'objet

    de la foi mais la ncessit de croire, qu'ilfaut dmontrer.

    L foi n'est pas dans les ides, mais dans

    la soumission de l'esprit.On peut croire sans ides et de confiance,

    on l'prouve tous les jours mme dans les

    choses humaines.

    Dieu n^nous doit point If vrit, qui est

    son partage il ne nous doit que la persuasion,

    qui nous suffit.

    La persuasion vaut mieux que la convic-

    tion; la conviction enchane l'homme la per-suasion le fait agir.

    En religion il faut se mettre un bandeau

    sur les yeux s'appuyer fortement sur l'esp-

    rance tcher d'avoir de la crainte, et ne rien

  • 24

    juger, ne rien voir, n'agir en rien qu'au am-

    beau de l'amour de Dieu.

    La foi doit conserver son bandeau ces gens-ci l'en dpouillent; l'tude de la religion est

    pour eux un dmonstrateur.

    L'amour de Dieu est un amour naturel o

    du moins fait pour l'me.

    Le ciel ne nous doit que ce qu'il nous

    donne, et il nous donne souvent ce qu'il ne

    nous doit pas.

    La vie est Dieu, cela suffit.

    Il n'y a que les eaux qui tombent du ciel

    qui puissent subsister en gouttes et briller

    comme la rose.

    Dieu en les crant parle aux mes et aux

    natures il leur donne des instructions dont

    elles oublient le sens, mais dont l'impressionleur reste.

    De bons prtres sont les meilleurs guides

  • &1}

    que nous puissions avoir pour nous conduire

    dans' le chemin et les sentiers de la vertu,

    et dans ceux de la perfection; eux seuls con-

    naissent, ou du moins eux seuls prescrivent

    ces derniers.

    L'opinion que les hommes ont des choses

    divines n'est la mme ni dans tous les temps, y

    ni dans tous les lieux; mais il faut que dans

    tous les lieux et dans tous les temps il y en

    ait une d'arrte, de fixe, de sacre et d'inat-

    taquable.

    Il faut attaquer la superstition par la reli-

    gion, et non par la physique qui est un ter-

    rain o elle n'est pas.

    Que si vous l'y amenez en la faisant sortir

    d'elle-mme, vous la faites sortir aussi de

    toute ide du ciel et au lieu de la corriger,vous risquez de la rendre pire.

    A tout ge, en tout temps, en toute occa-

    sion et en toute matire, il faut s'opposer

    ce qui loigne de Dieu.

    Souverainet. Religion. -Le poids de ces

  • 9fi

    grandes questions crase la tte de l'homme ;

    ou si elle y suffit, il en rsulte en elle une

    extension dmesure, qui rend les hommes

    insenss sur beaucoup de points.Il faut traiter de si hautes matires par voie

    d'autorit, et non par son propre sens, si on

    veut conserver sa sagesse.

    Toute l'me est un il, comme le corpstout entier est un toucher; l'une aperoit

    beaucoup de vrits dont elle ne peut pas

    s'assurer; l'autre atteint beaucoup de choses

    qu'il ne pourra jamais manier.

    Le culte Dieu agrera comme vrai celui

    qui aura t jug tel avec simplicit;

    L'humilit est aussi convenable l'homme

    devant Dieu, que la modestie l'est l'enfant

    devant les hommes.

    Quand on ne peut pas croire qu'il y a eu

    rvlation, on ne croit rien fixement, ferme-

    ment, invariablement.

    La pit nous attache ce qu'il y a de plus

  • 97

    puissant et ce qul y a de plus faible;

    ce qu'il y a de plus puissant qui est Dieu; ce qu'il y a de plus faible comme aux en-

    fans, aux vieillards, aux pauvres, aux in-

    firmes, aux malheureux et aux affligs.

    La compassion est une espce de pit.

    Il y a entre les ides d'me et de penseune telle connexion qu'on ne peut en aucunemanire imaginer l'une sans l'autre. Je dis

    imaginer, et je dis bien, car si on se contente

    d'avoir une notion obscure vague et presquenulle, de l'une et de l'autre on peut aisment

    supposer que l'une peut tre sans l'autre. En

    pareil cas on n'opre qrie sur des nom qu'onpeut runir ou disjoindre volont.

    Etudier les sciences dans la vrit, c'est--

    dire en regardant Dieu.Les sciences doivent montrer la vrit, c'est-

    -dire Dieu partout.

    Terrestre de naissance, mais cleste d'ori-

    gine j notre corps seul est de ce monde.

    L religion voir la ntre avec les yeux de

  • 90

    la foi, celle des autres avec les yeux de la

    raison.

    Les volutions religieuses, comme les pro-

    cessions, les gnuflexions, les inclinations du

    corps et de la tte, la marche et les stations,ne sont ni de peu d'effet ni de peu d'impor-tance.

    Elles assouplissent le cur la pit, et

    courbent l'esprit vers la foi.

    Qui peut croire qu'il rend Dieu son me

    meilleure qu'il ne l'a reue ?a

    La dvotion embellit l'me, surtout l'me

    des jeunes gens.

    Notre me est toujours pleinement vivante.

    Elle l'est dans l'infirme;Elle l'est dans l'vanoui;Elle l'est dans le mourantElle l'est plus encore aprs la mort.

    Toutes les religions fortes sont furieuses,

    jusqu' ce qu'elles aient rgn.Les vieilles religions, quelles qu'elles soient,

  • 29

    ressemblent aux vins vieux qui chauffent le

    cur, mais qui n'enflamment plus la tte.

    Nous ne voyons bien nos devoirs qu'en Dieu,c'est le seul fond sur lequel ils soient toujourslisibles l'esprit.

    Ce n'est pas l'hrsie qui est craindre

    aujourd'hui, c'est l'irrligion l'glise a changd'ennemis et de dangers; elle doit changerde sollicitudes et de combats.

    La sainte criture est aise traduire danstoutes les langues, parce qu'on n'a besoin poury parvenir que de mots communs, populaires,ncessaires, et qui par consquent se trou-vent partout.

    Les pieux seront tous sauvs.

    L'ivresse n'te pas le sentiment du juste;la notion en demeure pure jusque dans la folie,si le fou reste capable de raisonnement.

    Un homme ivre prendra facilement un in-nocent pour un coupable, mais non pas unebonne maxime pour une mauvaise. La notion

  • 30

    en subsiste en lui dans la mmoire; mais

    l'ivresse politique, l'ivresse des nerfs a des

    effets pires que l'ivresse du vin.

    L'ivresse des liqueurs n'te pas la pit.

    Aujourd'hui l'incrdulit est un prjug;car s'il en est qui viennent des hommes et du

    temps, il en est d'autres qui viennent des

    livrs et de la nouveaut.

    Les os subsistent sans l'me mais non pasles chairs, et encore moins les humeurs, le

    sang, les moelles.

    La tholpgie est aussi une philosophie mais

    elle cherche la vrit aij-del du monde, et

    se fonde sur une autre autorit que celle des

    mes et des corps.

    La religion est tellement vraie, qu'il faudrait

    s'y soumettre quand elle ne serait pas bonne.

    Elle est tellement bonne, qu'il faudrait la

    garder quand elle ne serait pas vraie.

    Nous croyons toujours que Dieu est sem-

    blable nous-mmes les ndulgens l'annon-

  • M

    cent indulgent, les haineux le prchent ter-

    rible.

    Tous ceux qui manquent de religion sont

    privs d'une vertu, et eussent-ils toutes les

    autres, ils ne pourraient tre parfaits.

    Plus j'y pense, plus je vois que l'esprit est

    quelque chose hors de l'me comme les mains

    sont hors du corps, les yeux hors de la tte,les branches hors du tronc; il aide pouvoir,

    mais non pas tre plus.

    On remplit ses. yeux de lumires en les le-

    vant vers le ciel.

    On prend des ailes pour atteindre la vrit

    on la suit au milieu des airs; on descend au

    fond de soi-mme, et on la trouve tlans son

    cur car notre me en est le miroir.

    .0

    c' ",

    Les psaumes; lisez- les avec l'intention de

    prier,, et vous les trouverez beaux. Eh! toutelecture n'exige-t-elle pas une disposition d'es-

    prit qui lui soit assortie et mme approprie? a

    Les Contes Persans disent Les prires

  • 32-

    des pauvres qui souffrent patiemment leur

    misre sont agrables Dieu.

    Qu'importe que les opinions et les paroles

    du prtre soit grossires, si proportionnes

    la grossiret de l'intelligence humaine, elles

    suffisent pour produire dans les mes des

    hommes le plus beau et le plus dli de tous

    les sentimens, je veux dire la pit? a

    Nous ne sommes que de la boue, et cepen-

    dant cette boue gouverne le monde; les ins-

    trumens de Dieu ne doivent pas tre estims

    par la matire mais par l'oeuvre; s'ilsne man-

    quent jamais leur coup, qu'importe qu'ils soient

    faits de fer ou de terre? c'est le charme at-

    tach toutes choses qui fait leur beaut.

    Ce qui rend le culte utile c'est sa publicit;

    sa manifestation extrieure, aussi frappante

    qu'il est possible, son bruit, sa pompe, son

    fracas, et son observance universellement et

    visiblement insinue dans tous les dtails de

    la vie publique et de la vie intrieure; c'est

    l seul ce qui fait les ftes, les temps et les

    vritables varits de l'anne. Aussi faut-il dire

    hardiment que les cloches, le maigre, le

    gras, etc., taient des institutions profond-

  • 33

    S

    ment sages et des choses utiles, importantes,

    ncessaires, indispensables.

    Mon fils disent les mres leurs enfans,si vous m'aimiez vous ne feriez pas cela..

    L'enfant sait que, cependant, il aime sa

    mre, et la mre qu'elle est aime de son fils.

    L'une, en parlant ainsi, use d'adresse, et

    non de fausset, et l'autre, en se laissant en-

    gager par de telles paroles, agit avec une tendre

    et juste condescendance, et non avec une

    aveugle et imbcile stupidit.Nous sommes les enfans de la religion en

    nous parlant ainsi, elle nous traite en mre 5en l'coutant, nous observons les rgles de

    notre nature; nous nous tenons notre place,

    nous agissons comme nous le devons.

    La religion interdit toute faiblesse, mme

    les faibles religieuses.

    Nous cherchons tous de diverses manires

    sur la terre l'ordre, la vrit et le bonheur

    nous les trouverons dans le ciel.

    Donner Dieu ce qui nous plat, ce qui

  • 34

    nous est cher, ce que nous aimons,voil le

    sacrifice religieux.

    La religion est un feu que l'exempleentre-

    tient, et qui s'teint s'il n'est communiqu.

    Les ides de l'ternit et de l'espace ont

    quelque chose de divince que n'ont pas

    celles de la pure dure et de la simpletendue.

    Dieu mesure le temps comme nous, mais

    ce n'est pas par ses successions,c'est par les

    ntres.

    Il n'y a d'heureux que les bons,les sages et

    les saints; ;mais les saints plus que tous les

    autres, tant la nature humaine est faite pour la

    saintet.

    Les saints offrent tous l'attention humaine

    quelque vertu canonise, et lahaute philoso-

    phie estime moins la vrit comme moyen que

    comme but.

    Il suffit que la religion soit religion; il n'est

    pas ncessaire qu'elle soit vrit.Il y a des

  • O^f

    choses qui ne sont bonnes que lorsqu'ellessont vraies Il y on a d'autres qui pour tre

    bonnes n'ont besoin que d'tre penses*

    O religion! tu donnes aux imbciles rtcmes

    leurs vertus, leurs talens et leur utilit.

    Il y a deux sortes d?athisme celui quitend se passer de l'ide de Dieu et celui quitend se passer de son intervention dans les

    affaires humaines.

    La vertu n'est pas une chose facile ) pour-

    quoi la religion le serait-elle ?a

    La grande affaire de l'homme ?est la vte 5et la grande afki-e dans vi6^c'ist!a Mo^t

    Y aurait-il en effet quelque chose de sup-rieur la foi?

    Une vue, une vision.

    Mais quand cela pourrait tre, qui oserait

    se flatter de l'vii4 obtenue ?

    clair, ~i~~ ~c~', c'est i grand mot.

    Mais qui est-ce qui est clir? c'esM*dire, qui i

  • 36

    a dans sa tte une lumire en permanence?

    Qui est-ce qui est clair de cette lumire ter-

    nelle qui s'attache aux parois du cerveau et

    qui rend ternellement lumineux les espritso elle est entre et les objets qu'elle a tou-

    chs ?a

    Quand on a trouv ce qu'on cherchait, on

    n'a pas le temps de le dire; il faut mourir.

    L'homme de bien aime le bien et cause

    du bien il aime la religion, qui donne aux

    hommes tant de vertus.

    Vous aurez beau faire les hommes ne

    croient que Dieu, et celui-l seul les per-

    suade -qui croit que Dieu lui a parl.Nul ne donne la foi, s'il n'a la foi.

    Nul n'est sage et n'a connu la vrit, s'il

    n'est pieux.

    . Ne portez jamais votre vue au-del de

    chaque journe.. Laissez tout l'avenir Dieu.

    Considrez chaque jour comme une

  • vie passagre et spare du jour qui peut suivre, et tous vos devoirs vous deviendront

    faciles.

    En effet, une vertu et mme une perfectiond'un jour sont possibles et seraient faciles.

    Il y a dans chaque homme une partie divine

    qui nat avec lui, et une partie humaine et

    mme animale qui crot avec le temps.C'est la premire qu'il faut conserver et cul-

    tiver soigneusement en soi; l'autre y subsiste

    d'elle-mme.

    Ceux qui sont semblables iront tous dans le

    mme ciel.

    Connatre et aimer Dieu, facults ternelles.

    Tous ne pourront pas le connatre gale-ment, mais tous pourront galement l'aimer.

    On donne une ide de la Divinit par l'ado-

    ration, de la puissance par la soumission, etdu mrite par le respect.

    Dans le ciel personne ne sera pote, carnous ne pourrons rien imaginer au-del de ce

  • 38

    que nous verrons nous ne serons qu'intelh-

    gens Cultivons donc l'intelligence,, cette ter-

    nelle facult qui sera toujours exerce, et quisuffira au bonheur.

    Chaque homme a deux destines l'une qu'il

    s fait lui-mme, Faute qui lui mt imposeil fait: ses oeuvres et il reoit ses facults.

    De mqme donc que nous sommes assujettis

    t deux raowvemetts, celui de la terre et le Btre,

    % -ttnae; nous sommes domaines par deux vo-

    lonts, la ntre et celle de la Provideaeej au-

    teurs de la premire, et instrumens de celle-ci;

    matres cf haus pour mriter la rcompense

    qui est assigne la vertu, et machines pourtout le reste.

    Ce monde a besoin d'tre gouvern par les

    ides de l'autre.

    l/d pit est une sagesse sublime qui sur-

    passe toutes tes autres.

    Dieu a gard aux sicles. Il pardonne aux

    uns leurs, grossirets,, aux autres leurs raffine-

    mens. Mal connu par ceux-l, mconnu par

  • 39

    ceux-ci, il met notre dcharge, dans ses

    balances quitables, les superstitions et les

    incrdulits des poques o nous vivons.

    Nous vivons dans un temps malade il le

    voit. Notre intelligence est blesse il nous

    pardonnerai, si nous lui donnons tout entier

    ce qui peut nous pester de sain.

    La crainte de Dieu nous est aussi ncessaire

    pour nous maintenir dans le bien, que ht

    crainte de la mort pour retenir dans la vie.

    Dieu fit du repentir la sagesse autant quela vertu des mortels.

    La rtractation est nos erreurs ce que la

    confession; est nos fautes lira devoir, un re-

    mde, une expiation.

    On a rompu les, chemins qui menaient au

    ciel, et que tout le monde suivait; il faut se

    faire des chelles.

    La religion chrtienne traite les hommes

    comme des enfans, et ils le sont.

    Sans l'ascendant de la religion, cette infi-

  • 40

    nit d'hommes libres n'auraient pu subsiste l'

    enpaix.

    Il faut que les hommes soient, ou les es-

    claves du devoir, ou les esclaves de la force.

    Nul n'est bon, ne peut tre utile et ne m.

    rite d'tre aim, s'il n'a quelque chose de

    cleste, soit dans l'intelligence par des pen-

    ses, soit dans la volont par des affections

    qui sont diriges vers le ciel.

    Dieu a fait la vie pour tre pratique et

    non pas pour tre connue.

    Notre chair n'est que notre pulpe; nos os,nos membranes, nos nerfs, ne sont que comme

    une charpente du noyau o nous sommes ren-

    ferms comme en un tui. C'est par exfoliations

    que l'enveloppe corporelle se dissipe, mais

    l'amande qu'elle contient, l'tre invisible qu'elleenserre reste entier, est indestructible.

    Le tombeau nous dvore, mais il ne nous

    absorbe pas. Nous sommes consums, non

    dtruits.

    Que le monde ait six mille ans d'ge ou

  • 4J

    qu'il en ait cent mille, cela est gal, ds qu'il

    n'y a que six mille ans de connus.

    La religion est la seule mtaphysique que le

    vulgaire soit capable d'entendre et d'adopter.

    Une vrit qui en obscurcit d'autres ne peut

    pas tre vrit.

    Le monde intellectuel est toujours le mme,il est aussi facile connatre aujourd'hui qu'aucommencement, et il tait aussi cach au

    commencement qu'il l'est aujourd'hui.

    Le monde a t fait comme la toile de l'a-

    raigne Dieu l'a tir de son sein, et sa volont

    l'a fil, l'a droul et l'attendu. Ce que. noue

    nommons le nant est sa plnitude invisible;sa puissance est un peloton, mais un pelotonsubstantiel contenant un tout inpuisable, quise dvide chaque, instant en demeurant tou-

    jours le mme, c'est--dire toujours entier.

    Pour crer tout le monde un grain de ma-tire a suffi, car tout ce que nous voyons,cette masse qui nous effraie, n'est rien qu'ungrain que l'ternel a mis en uvre. Par sa

  • 42

    ductilit, par les creux qu'il enferme et l'art de

    l'ouvrier qui a fait l'ouvrage, ce grain offre

    dans les dcorations qui en sont sorties une

    espce d'immensit. Tout nous parat plein,tout est vide, ou pour mieux dire tout est creux.

    Les lmens eux-mmes sont creux; Dieu seul

    est plein. Les corps pntrables sont plus creux

    que les autres; mais ce grain de matire o

    tait-il ? Il tait dans le sein de Dieu comme il

    y est prsentement.

    Disme. Le.genre humain ne peut pas s'en

    accommoder cette doctrine est proportiorane notre force, mais non pas notre faiblesse.

    Ce qu'il y a de plus beau, c'est Dieu aprs

    Dieu, c'est l'me et aprs l'me, c'est a pense.RieM n'est drac beau qu'autant qu'il repr-

    sente Diir, ou i' me ou la pense.

    Il faut, tre homme avec; les hommes, et tou-

    jours enfant devant Dieu; car, en effet, nous

    ne somraes tems que des enfans devant ses

    yeux.

    Le dogme, que nous demeurerons pendant

  • 43

    toute l'ternit tels que nous scHtt.iii.es, en mon*

    rant, force l'homme tre chaque instant tel

    qu'il veut demeurer toujours.

    Sainte, Ccile chantait les louanges de Dieut;mais elle entendit les aages, et elle se tut.

    Si nous connaissions, parfaitement ce qui se

    passe dans le ciel,; nous ne serions plus; libres.

    Si nops connaissions parfaitement tout ce

    qui existe sur la terre, peut-tre nous ne se-

    rions plus mortels.

    Il faut aux femmes une pit plutt tendre

    que raisonn.Il faut aux hommes une majestueuse ou

    grave plutt que tendre pit.

    La commodit a dtruit la religion la mo-rale et la politesse.

    La sagesse humaine loigne les maux de la

    vie, il faut la chercher.La sagesse divine rend seule heureux en fai-

    sant trouver les vrais biens.Il faut employer le mouvement chercher

  • 44

    la sagesse humaine et le repos ou la mdita-

    tion chercher la sagesse divine.

    Pour arriver aux rgions de la lumire, il

    faut passer par les nuages les uns s'arrtent

    l, mais d'autres esprits passent outre.

    Les prtres et les philosophes.Les premiers en valent mieux quand ils pra-

    tiquent leur morale, et les derniers quand ils

    ne pratiquent pas la leur.

    La vrit et le bonheur.

    Nous sommes ns pour les chercher tou-

    jours mais nous ne ne les trouverons qu'enDieu.

    Les plaisirs et les vraisemblances nous en

    tiennent lieu ici-bas.

    Je parle ainsi des plaisirs et des vraisem-

    blances qui donnent la paix nos sens, notre

    esprit et kos curs.

    Le faux mrite aime le faux mrite, et le

    vrai mrite aime le vrai.

    Ce n'est pas la vrit qui nous sauve, c'est

    la foi mais les thologiens, qui devraient se

  • 45

    borner nous enseigner cette foi, veulent

    absolument nous dmontrer qu'ils enseignentla vrit. L'criture, disait Bossuet, la tradi-

    tion et il croyait avoir tout dit, sans argu-

    menter davantage.

    Le pourquoi de la plupart de nos qualits,c'est qu'on est bon, c'est qu'on est homme,

    c'est qu'on est l'ouvrage de Dieu.

    Le prie-Dieu est un meuble indispensableau bon ordre; o il n'est pas, il n'y a point de

    pnates, point de respect.

    Rien dans le monde moral n'estperdu, comme

    dans le monde matriel rien n'est ananti.

    Toutes nos penses et tous nos sentimens ne

    sont ici -bas que le commencement de senti-

    mens et de penses qui seront achevs ailleurs.

    Sans la pit, la vieillesse choque les yeux;les infirmits repoussent; l'imbcilit rebute;avec la pit, on ne voit dans la vieillesse quele grand ge, dans les infirmits que la souf-

    france, dans l'imbcilit que le malheur; on

    n'prouve que le respect, la compassion, et le

  • 46 dsir de soulager. Tous les dgots se taisent

    tellement devant la charit qu'on peut dire

    que, pour les pieux, toutes les afflictions ont

    de l'attrait.

    Rgions intellectuelles; esprits qui en sont

    les habitans.

    Si je dcris un esprit, si je dcouvre un fait

    de l'histoire de ce monde invisible ou un seul

    trait de ce qui se passeTous les vnemens y sont une justice, les

    vrits en sont les lois, la morale en est l'iti-

    nraire, la mtaphysique en est la description,la pense en est le langage, l'ordre en est la

    ncessit et la seule laquelle on y soit sou-

    mis la flicit y est la commune et universelle

    condition.

    Telle est l suprme beaut de ce monde

    que bien nommer ce qui s'y trouve ou. mme

    le dsigner avec exactitude, suffit pour former

    un beau style et pour faire un beau livre.

    Pourquoi un mauvais prdicateur mme est-

    il cout avec plaisir par ceux qui sont pieux? a

    c'est qu'il leur parle de ce qu'ils aiment.

    Mais Tous qui expliquez la religion aux

  • 47

    hommes de ce sicle, vous leur parlez de ce

    qu'ils ont aim peut-tre, ou de ce qu'ils vou*

    draient aimer, mais ils ne l'aiment pas encore,et il faut le leur faire aimer; ayez donc min

    de bien parler*

    Dieu est l'treLe monde est un lieu;La matire est une apparence;Le corps est le moule de l'me;La vie est un commencement.

    Le juste, le beau, le bon, le sage, est ce

    qui est conforme aux ides que Dieu a du juste,

    du beau du sage et du bon.Platon avait donc raison avec ses ides ter-

    nelles.

    Otez Dieu de la haute philosophie, il n'y a

    plus aucune clart; il, en est la lumire et le

    soleil c'est lui seul qui illumine tout.

    Dieu est le lieu de la vrit, non seulement

    parce qu'elle est en lui, mais parce qu'elle ne

    peut tre vue et juge que dans lui, par rap-

    port lui et parce qu'elle est en lui.

    La vrit est la ralit dans les choses intel-

  • 48

    ligibies il en est de plusieurs sortes la vrit

    universelle, la vrit particulire; la vrit de

    fait ou de simple existence, et la vrit de na-

    ture ou d'existence ncessaire.

    L'homme est un animal religieux. Voil une

    vrit de nature et de ncessit.

    Les hommes sont avides et intresss. Voil

    une vrit de simple fait qui, pouvant tre ou

    n'tre pas, peut tre ignore sans dommage

    pour l'esprit.Car la connaissance de la vrit universelle,

    de la vrit de nature, de la vrit proprementdite et ncessaire, est d'une grande importance

    pour le bon ordre et la lumire de l'espritmais la connaissance des vrits particuliresn'est ncessaire, ou mme utile, qu' nos af-

    faires.

    Dieu contemple les mes et veille sur les

    hommes. Il faut que les hommes contemplentDieu et toutes les choses divines, ou ce quiest divin dans les choses.

    La vrit Que dirait-on et que penserait-on l-haut? c'est en cela que consiste la vrit.

    La vrit consiste imaginer les choses

  • 49

    4

    comme Dieu et les saints les voient, comme

    on les voit au-del du monde quand on jetteles yeux dessus.

    On ne voit rien au vrai, si on ne le voit de

    haut; il faut qu'on puisse dire cela est vrai sur

    la terre, cela est vrai dans le ciel.

    Hors de la religion, il ne faut rien exprimer(le trop intime, moins que cela ne tienne au

    fond du cur plus qu^ celui de l'esprit, encore

    ne sais-je.

    Gomme on donne un pidestal une statue,il faut en donner un un difice, et surtout

    aux temples qui doivent pour ainsi dire tre

    placs sur un autel.

    Parler Dieu de ses souhaits, de ses affaires,cela est-il permis?

    On peut dire que ceux qui s'en abstiennent

    par respect, et ceux qui le pratiquent par con-

    fiance et par simplicit, font bien.

    La morale, cette science de se rendre heu-

    reux et juste, est de toutes, peut-tre, la

    moins avance on ignore ses vrais fondemens,

  • 50

    au point que quelques philosophes, qui pour-

    tant croient que la vertu se prouve puisqu'ils

    l'enseignent, la regardaient purement comme

    un sentiment inn.

    Il est bien vrai que nous avons en naissant

    la conscience scrte de notre destination; il

    semble, qu'il y ait en effet des ides qui ne

    nous viennent pas du dehors. II y a des actions

    machinales; il serait cependant utile de, cher-

    cher jusque quel point elles ont de l'analogieavec ce monde intrieur si peu connu.

    Dieu aime l'me, et comme il y a un attrait

    qui porte l'me Dieu il y en a un si j'ose

    ainsi parler, qui porte Dieu l'me.Dieu fait de l'me ses dlices.

    L'arbre ne vit point sans corce la religiona la sienne, toutes les vertus ont la leur

    Les quatre amours correspondant aux qua-tre ges de la vie humaine bien ordonne

    sont l'amour de tout, l'amour des femmes,l'amour de l'ordre et l'amour de Dieu.

    Il est cependant des mes privilgies quis'adonnant ds la jeunesse, et presque ds

  • 51O I

    l'enfance, l'amour de l'ordre et l'amour de

    Dieu, s'interdisent Fatoour des femmes, et pas-sent une Idi%u Vie U n'aimer rien ^tte d'in-

    nocent.

    Tout ce qui est trsWpiritufil, et o 'me

    a vraiment part, ramne Dieu, la pit.L'me ne peut se remuer, ouvrir ses yeux, se

    rveiller sans sentir Dieu.

    Cette vrit suffit, toutes les autres sont inu-

    tiles au bonheur, puisque sans elles et avec

    celle-l on peut tre parfaitement, entirement t

    heureux.

    Tout talent et tout mrite naturel est un

    don du ciel; il faut viter avec soin de s'en

    moquer.

    Quant ceux qui des hommes et

    qui sont acquis souvent aux dpens et au d-

    triment des dons divins, on peut tre moins

    scrupuleux.

    "-a-t-il une opinion meilleure et plus propre les loigner de leurs vices, que celle qui

    persuade aux hommes que lorsqu'ils font le

    mal, c'est toujours par les instigations d'un

  • 52

    ennemi qui les hait et qui ne demande que

    leur perte, et que leurs bonnes pensesvien-

    nent d'un gnie ami de Dieu lui-mme ?a

    La mme croyance unit plus les hommes

    que le mme savoir; c'est sans doute parce

    que les croyances viennent du cur.

    L'aveu est l'instrument de l'expiation.

    Aux crimes publics la pnitence publique.

    Aux crimes secrets la confession.

    On manifestait autrefois son repentir on

    rvle aujourd'hui son dlit. On tait puni

    par une exclusion publique on l'est parune

    honte qui est secrte, mais intime, mais poi-

    gnante.

    Notre immortalit nous est rvle ( la

    lettre ) d'une rvlation inne ou infuse dans

    notre esprit.e

    Dieu mme en le crant y dpose cette pa-

    role, y grave cette vrit dont les traits et le

    son y demeurent ineffaables, indestructibles.

    Mais l'inattention et de mauvaises sug-%

    gestions peuvent nous y rendre sourds et

    aveugles l'inattention nous distrait de cette

  • 53 's 1r"lumire et de ce bruit. En ceci, Dieu nous

    parle tout bas et nous illumine en secret. Il

    faut pour l'entendre du silence intrieur; il

    faut pour apercevoir sa lumire fermer nos

    sens et ne regarder que dans nous.

    La vrit consiste imaginer les choses

    comme Dieu les voit, et la modration tre

    mu comme les anges.

    On n'est bon que par la piti.Il faut donc qu'il y ait quelque piti dans

    tous nos sentimens pour qu'ils soient bons,mme dans notre indignation, dans nos haines

    pour les mohans.

    Mais faut-il donc qu'il y ait aussi de la pitidans notre amour pour Dieu? Oui, de la pitipour nous, comme il y en a toujours dans la

    reconnaissance.

    Il faut donc qu'il y ait dans tous nos senti-mens quelque piti pour nous, ou quelquepiti pour les autres. L'amour des anges, pourles hommes, n'est qu'une piti continuelle;aucun sentiment sans piti.

    Le juste ne peut tre rcompens que dans

  • 54

    l'autre vie; car il n'y a rien d'assez beau poursa justice dans celui-ci.

    Dieu est le seul miroir dans lequel on puissese connatre; dans tous les autres on ne fait

    que se voir.

    L'me est un tre simple, mais pourtant untre vtu. Dieu seul est parfaitement simple,car rien ne peut l'envelopper.

    Il y a loin de la cit de Platon la cit de

    Jsus-Christ.

    Tout aime Dieu, except l'homme perverti

    Dieu et de l toutes les vertus, tous les

    devoirs. ~f'

    S'il en est une ou un o l'ide > ,4e Dieu ne

    soit mle il s'y trouve toujours, quelque d-

    faut ou quelque excs; il y manque toujoursou le poids, ou le nombre, ou la mesure, tou-

    tes choses dont Fexactitude est divine.

    Le peuple n'aime pas qu'on soit semblable

    lui; il mprise l'intemprance, il hait ses

  • 55 w

    vices dans les grands; mais il aime surtout dansles rois une bont qui ressemble la sienne.

    C'est que la sienne est la meilleure, commeses vices sont les pires.

    Le ciel ne nous a permis de connatre quece qui est ncessaire la vie et la vertu.

    Rien ne se fait de rien disent-ils mais lasouveraine puissance de Dieu n'est pas rien;elle est la source de la matire aussi bien quecelle de l'esprit.

    Dieu dirige et change les mes par le moyendes corps, et quelquefois par lui-mme et sanscette intervention.

    Sainte Thrse est la Sapho de la dvotion.

    Le courroux de Dieu est d'un moment. Lamisricorde divine est ternelle.

    Sans l'immortalit, la beaut de la vie estte. Cela suffit.

    Pour enseigner la vertu, dont il est tant t

  • 56

    parl dans Platon il n'y a qu'un moyen c'est

    d'enseigner la pit.

    La Bible est aux; religions ce que l'Iliade est a posie.

    Ce n'est qu' compter de l'an 600 que le

    crucifix, tel que nous l'avons, est en usage.

    La pit donne des ailes l'esprit; la pitest une espce de gnie.

    Le bons sens s'accommode du monde la

    sagesse tche d'tre conforme au ciel.

    tre meilleurs o tre pires dpend de nous;tout le reste dpend de Dieu.

    Les ftes. Le pauvre offre Dieu dans ces

    saints jours, le sacrifice de son salaire, par son

    repos.

    La religion qui prie pour les morts fait undevoir du souvenir.

    Ceux qui esprent connaissent mieux la Pro-

  • 57

    vidence, et en ont un sentiment plus sr et

    plus inbranlable que ceux qui craignent.

    Il n'a fallu qu'un grain de matire pourcrer le monde mais il fallait un monde en-tier pour crer une me.

    Il importe beaucoup qu'il y ait en Europeuniformit de religion.

    Il faut cder au ciel et rsister aux hommes.

    Il faut adorer et prier selon les coutumesde son enfance; Dieu le veut, et aussi la n-cessit.

    Il est une classe de la socit o les enfans

    pieux ne savent pas que leurs parens sont mor-tels. Ils n'ont jamais os y penser.

    Nous nous jugeons selon le jugement deshommes, au lieu de nous juger selon le juge-ment du ciel.

    Il faut tre religieux avec navet, avec aban-don et bonhomie, avec simplicit, et non pas

  • 58

    avec dignit, mathmatiquement, gravementet avec bon ton.

    C'est mon pcheur, disait une bonne

    vieille religieuse, de' l'empereur Napolon.

    Savez-vous ce qu'est dans le monde une

    pense de Dieu? c'est une chose grande, im-

    portante, ternelle

    Dieu est tellement grand et tellement vaste,

    que pour le comprendre il faut le diviser.

    On sent Dieu avec l'me comme on sent

    l'air avec le corps.Le sens intime est dans notre me ce que

    le toucher est dans l'animal et comme le

    sige de l'un est- dans tpute la chair, l'autre

    a le sien dans toute la capacit de la substance

    intelligente.i )

    Dieu n'coute que les penses et les senti-

    mens. Les paroles intrieures sont les seules

    qu'il peut entendre.

    Religion elle ne permet de plaisirs que

  • Q

    ceux que l'on prend malgr soi, la nature y

    ayant pourvu,

    Dieu sa bont l'assujettit; son amour ppur

    nos mes.

    Le ciel tait autrefois moins peupl d'hom-

    mes, et il descendait sur la terre pour y con-

    verser avec eux.

    Dieu veut-il que nous aimions ses ennemis ?a

    oui.

    e.

    Dieu n'a pas seulement mis dans l'homme

    l'amour de. soi, mais aussi l'amour des autres,

    II n'y a que l'homme religieux qui soit tou-

    jours le, m ,st Dieu hjours le mme. C'est que son D,ieu ne change pas.

    Il n'entrera rien clans le ciel qui ne soit beau.

    Les religions, il faut les embrasser voiles,

    et adorer DiguJe,s yfux. ferms,.

    C'est la volont de Dieu que les afffigs se

    consolent et lorsqu'ils veultnt s^abandon-

    ner leurs chagrins, il les console malgr ux;.

  • 60

    Dans la distinction de l'me et du corps est

    toute la philosophie, comme ils l'ont dit, et

    plus encore qu'ils ne l'ont pens.Toute la mtaphysique consiste assigner

    leurs diffrences, toute la morale les sui-

    vre.

    L'oue est dans l'me, la vue est dans l'mele sens mme de l'attouchement est dans notre

    me tout entier.

    L'incrdulit n'est qu'une manire d'tre de

    l'esprit mais l'impit est un vritable vice du

    cur.

    Il entre dans ce sentiment de l'horreur pource qui est divin, du ddain pour les hommes,et du mpris pour l'aimable simplicit.

    Si on exclut l'ide de Dieu, il est impossibled'avoir une ide exacte de la vertu.

    Il y a des temps o le pape doit tre dicta-

    teur il y en a d'autres o il doit n'tre con-

    sidr que comme premier prpos aux choses

    de la religion comme son premier magistrat,comme roi des sacrifices.

  • 61

    Il faut rendre les hommes insatiables de Dieu.

    C'est une faim dont, malheureusement ils

    seront assez distraits par les passions et les

    affaires.

    L'ide de Dieu est une lumire, une lumire

    qui guide, qui rjouit j laprire en est l'aliment.

    Le hasard est une part que la Providence

    s'est rserve dans les affaires de ce monde,

    part sur laquelle elle a voulu que les hommes

    ne pussent pas mme croire qu'ils avaient au-

    cune influence.

    La raison peut nous avertir de ce qu'il faut

    viter; le coeur seul dit ce qu'il faut faire.

    Dieu est dans notre conscience, mais non

    dans nos ttonnemens quand nous raison-

    nons, nous marchons seuls et sans lui.

    La pudeur et la pit. La pit est une es-

    pce de pudeur. L'une nous fait baisser les

    yeux, et l'autre baisser la pense devant tout

    ce qui est dfendu.

    Il faut aller au ciel; l sont dans leurs types

  • 62

    toutes les choses, toutes les vrits, tous les

    plaisirs, dont nous n'avons ici que ombres.

    La pit aime les murailles, ainsi qu'elle aime

    les dserts.

    Un bon citoyen ne doit pas plus rvoqtiren doute la vrit de sa religion que l'hon-

    ntet de sa mre et sa propre lgitimit.

    L'encens et les religions nous viennent des

    mmes climats.

    Il est des hommes qui, lorsqu'ils tiennent

    quelques discours ou forment quelque juge-

    ment, regardent dans leur tte, au lieu de re-

    garder dans Dieu, dans leur me, dans leur

    conscience o dans le fond ds choses. On re-

    connat cet acte et cette habitude de leur esprit la contenance qu'ils prennent et la direction

    de leurs yeux.

    L'espace est le chemin des mes sparesdes corps; elles passent par l'espace pour ar-

    river l'infini.

    Cette route est toujours suivie chaque

  • 63

    heure, chaque minute, chaque instant et

    chaque millionime partie de chaque instant,

    quelque me se dtache de quelque corps, et

    va se rendre sa nouvelle destination.

    Les superstitions sont la religion ce que

    la fable est la posie.

    Les mes pie-tf's sont toutes du genre su-

    blime rarement cependant les mes sublimes

    se bornent tre pieuses; les passions viennent

    et dfigurent cette beaiit originelle.

    On ne peut sortir de certaines erreurs que

    par le haut, c'est--dire en levant son esprit

    au-dessus des choses humaines. w

    lii pourrait faire une atmosphre tout

    entire avec une- seule bulle d'air. Eh un enfant

    ne fait-il pas Iine bouteille d savon avec une

    seule goutte d'eau ?a

    Tout vient d'un souffle, quand ce souffleest

    animateur.

    Dans un corps ecclsiastique, la runion est

    forme par la rgle et la participation une

  • 64

    vie singulire et commune mais dans un corps

    laque, cette runion ne peut avoir lieu que par

    quelque systme ou par une participation

    une opinion singulire, laquelle l'attache-

    ment devient lien.

    Du principe des corps ecclsiastiques qui est

    la rgle, se forment de vritables communauts

    rgulires ou des ordres.

    Du principe des autres corps, il ne peut se

    former que des espces de sectes ou des partis.

    Avec une lampe on peut se passer du

    soleil, mais on n'est pas aussi dlicieusement

    clair.

    Avec de la morale on peut se passer de reli-

    gion, mais on n'est pas aussi heureux dans la

    vertu.

    D'ailleurs, de mme que sans le soleil il

    n'y aurait sur la terre aucun feu, aucune lu-

    mire, ainsi sans les religions nous n'aurions

    pas eu de morale.

    La sparation de l'me et du corps, ou de

    l'me et des sens, est sensible dans le repen-

    tir, dans l'extrme respect, dans les enfans sur-

    tout aussi toutes les mes sont belles alors

  • 65

    5

    aussi tous les enfans dociles sont-ils beaux de

    physionomie; leur me est seule en mouve-

    ment.

    Quand c'est l'esprit qui agit seul, la physio-nomie est moins belle.

    La religion a ses dogmes, mais purement

    thologiques.

    Quant aux dogmes mtaphysiques et raison-

    ns, elle les laisse aux disputeurs.Elle ne dit point, par exemple, que l'me

    est immortelle, mais qu'elle sera ternellement

    rcompense ou punie en tel et tel lieu, et de

    telle ou de telle manire, du bien ou du mal

    que l'homme aura fait.

    La premire de ces vrits est trop vulgaire ses yeux pour qu'elle en parle sa foi a de

    plus vastes certitudes, et son savoir lui vient

    du ciel.

    Il ne faut pas chercher aux vnemens hu-

    mains des causes invisibles, quand il y en a de

    visibles; ni des causes douteuses, quand il yen a de certaines et de palpables moins de

    recourir aux causes suprieures par un de ces

    lans qui font que notre esprit va se reposer

  • 66

    dans le ciel, quand il s'est fatigu sur la

    terre.

    Le sens intime nous trompe peu, ou ne nous

    trompe du moins que de la jnanire dont Dieu

    lui-mme veut que nous soyons tromps.Nul de nous n'est destin tout savoir et

    ne se tromper jamais.

    Savoir distinguer nettement l'me et le

    corps, Dieu et le monde, le modle et l'ou-

    vrage, l'ordonnance et la loi, les actions et la

    rgle; connatre parmi les natures celle d'en

    haut* celle d'en bas et celle du milieu.

    Celui qui sait ces choses sait assez, et mme

    beaucoup.

    Les sens sont des lieux ou des points o

    l'me a des plaisirs ou des douleurs.

    Par la mort, par l'ge, et souvent par la

    maladie, ces points et ces lieux sont dtruits.

    Par le recueillement, par la prire, et parl'autorit religieuse ou philosophique l'me

    en est absente.

    La religion est pour l'un sa littrature et

  • 7

    sa science; elle est pour l'autre ses dlices et

    son devoir.

    L'esprit est pour l'me une espce d'organe,une espce d'cei

    de langue d'oue et mme

    de cerveau; une espce de porte-voix, de tle-

    scope et de compas, et quelquefois cet organe

    agit tout seul. Jamais d'esprit sans me.

    Ce qui vient de l'esprit participe de notre

    humeur ce qui vient du cur participe de nos

    tempramens; ce qui vient de l'me participede Dieu lui-mme.

    L'esprit parle l'esprit, le cur au cur,l'me i 1JAame.

    Notre esprit est moul par nos opinions, ou

    nos opinions sont moules par notre esprit.Notre coeur est moul par nos sentimens,

    ou nos sentimens sont mouls par notre cur.

    L'me reoit et met hors d'elle la vrit telle

    qu'elle est. 1

    Dieu se sert de tout, mme de nos illusions.

    Il faut aimer la religion comme une espcede patrie et de nourrice elle a allait nos ver-

  • 68

    tus, elle nous a montr le ciel; elle nous a

    appris marcher dans les sentiers de nos de-

    voirs. Intelligence, essor, premiers plaisirs de

    notre esprit, attachant des ailes l'me, bri-

    sant les liens qui rendent libre en nous affran-

    chissant du corps, elle enchane nos tyrans

    (les vices).

    Le monde est monde par la forme; par le

    fond il n'est rien qu'un grain de matire.

    En retirant son souffle lui, et en dsen-

    flant son volume, le crateur peut donc le

    dtruire aisment. L'univers, dans cette hypo-

    thse, n'aurait ni dbris ni ruines; il devien-

    drait ce qu'il tait avant le temps un grain de

    mtal aplati et un atome dans le vide.

    Il y a une grande diffrence entre la crdu-

    lit et la foi l'une est un dfaut de l'esprit,et l'autre est une qualit, une vertu; la pre-mire vient de notre extrme faiblesse, la

    deuxime a pour principe une douce et loua-

    ble docilit, trs-compatible avec la force, et

    qui lui est mme trs-favorable.

    Platon a tort. Il y a des choses qui se com-

  • Vit/

    muniquent et qui ne s'enseignent pas; il y en

    a qu'on possde manifestement sans pouvoirles communiquer , la rigueur, peut-tre on

    n'est savant que de ce qui peut tre enseignmais on peut tre dou d'un art qui ne peut

    pas tre transmis. On ne peut rien enseignerde ce qui dpend du coup d'oeil, de l'instinct,du gnie; l'art de se connatre en hommes est

    de ce nombre, et peut-tre la haute politiqueaussi; l'me est tout l'homme.

    Il faut craindre de se tromper en posie,

    quand on ne pense pas comme les potes, et

    en religion, quand on ne pense pas comme les

    saints.

    Il est des ttes qui n'ont point de fentres,o le jour ne vient jamais d'en haut; rien n'yvient du ct du ciel.

    Il est extraordinaire que dans tous les paysdu monde, la plus haute et la plus immat-rielle de toutes les sciences, celle de la religion,soit la plus aise apprendre.

    Les enfans mme en sont capables et pluscapables que les hommes, tant il y a dans

  • 70

    l'homme une partie spirituelle qu'il tient du

    ciel, qui n'a pas besoin de la terre et du temps,et que le temps et la terre sont plus propres

    altrer qu' augmenter.

    Ceux qui n'ont pas t dvots n'ont jamaiseu l'me assez tendre.

    Aine. C'est une vapeur allume qui brle

    sans se consumer notre corps en est le falot.

    La flamme de cette vapeur n'est pas lumire

    seulement, mais sentiment.

    La pit n'est pas une religion, quoiqu'ellesoit l'me de toutes.

    On n'a pas une religion, quand on a seule-

    ment de pieuses inclinations comme on n'a

    pas de patrie, quand on a seulement de la phi-

    lanthropie.On n'a une patrie et l'on n'est citoyen d'un

    pays que lorsqu'on se dcide observer,

    dfendre certaines lois, obir certains ma-

    gistrats, et adopter certaines manires d'agiret d'tre.

    .Douter, dit M. de Servan, c'est sortir d'une-

  • 71

    erreur. Il aurait d ajouter que c'tait aussi

    souvent sortir d'une vrit.

    Dieu en vieillard, inconvenance.

    La pit est au cur ce que la posie est

    l'imagination ce qu'une belle mtaphysiqueest l'esprit; elle exerce toute l'tendue de

    notre sensibilit.

    Penser Dieu est une action.

    Le ciel est pour ceux qui y pensent.

    Rendons-nous agrables Dieu.

    On le peut en tout temps, en tout lieu, en

    tout tat de dcadence.

    Il vaut mieux s'occuper de l'tre que du

    nant.

    Songe donc ce qui te reste, plutt qu' ce

    que tu n'as plus.

    Les Occidentaux n'ont pas la tte propre inventer des religions.

    Il est des choses qu'il faut ignorer, quoique

  • JU

    permises, parce qu'elles sont incertaines, et

    qu'elles nous sont malfaisantes, telles l'habi.ta-'

    tion des astres; si leurs globes ont quelquesrelations avec le ntre, leurs habitans n'en

    peuvent avoir avec nous nous occuper d'eux,

    c'est nous dsoecuper de nos devoirs.

    La religion a des enchantemens utiles nos

    moeurs, elle nous donne et le bonheur et la

    vertu.

    Expliquer toujours le monde moral par le

    monde physique, n'est pas sr; car nous pre-nons souvent dans le monde physique les ap-

    parences pour des ralits, nos conjectures

    pour des faits. Nous risquons ainsi d'avoir deux

    erreurs au lieu d'une, en appliquant un monde

    les fausses dimensions que nous donnons

    l'autre.

    Dieu. Il ne serait pas mal de le reprsenter

    par des parfums et de la lumire. La lumire

    au milieu.

    Cette vie est le berceau de l'autre.

  • .N IL

    JANSNISME.

    Les jansnistes font de la grce une espcede quatrime personne de la sainte Trinit;ils sont, sans le croire et sans le vouloir, qua-ternitaux.

    Saint Paul et saint Augustin trop tudis, ou

    tudis uniquement, ont tout perdu.

    Grce, c'est--dire aide, secours, ou mieux,

    influence divine, cleste rose on s'entend

    alors. Ce mot est comme un talisman dont on

    peut briser le prestige et le malfice; en le

    traduisant, on en dissout tout le danger parl'analyse.

    Personnifier les maux est un mal funeste en

    thologie.Les jansnistes ont trop t au bienfait de

    la cration pour donner davantage au bienfait

  • 74

    de la rdemption; ils ont trop d'horreur dela

    nature qui est cependant l'uvre de Dieu.

    Dieu avait mis dans la nature plus d'incor-

    ruptibilit qu'ils ne le supposent; en sorte quel'infection absolue de la masse tait impos-sible.

    Ils tent au pre pour donnerau fils.

    Jansnisme et molinisme.

    L'un est plus conforme la raison l'autre

    est plus conforme la science.

    Les jansnistes ont port dans la religion

    plus d'esprit de rflexion et plus d'approfon-

    dissement; ils se lient davantage de ses liens

    sacrs; il y a dans leurs penses une austrit

    qui circonscrit sans cesse la volont dans le

    devoir; leur eateademeot, enfin, a des habi-

    tudes plus chrtiennes.

    Les jansnistes disent qu'il faut aimer Dieu,

    et les jsuites le font aimer. La doctrine de

    ceux-ci est remplie d'inexactitudes et d'erreurs

    peut-tre; mais, chose singulire, surprenante

    et cependant incontestable, ils dirigent mieux.

    Les jansnistes aiment mieux la rgle que

  • 75

    le bien; les jsuites aiment mieux le bien que

    la rgle. Les uns sont plus essentiellement sa-

    vans les autres plus essentiellement pieux.

    Aller au bien par toute voie semblait la devise

    des uns| observer l rgle tout prix tait la

    devise des autres. La premire de ces maximes,

    il faut la dire aux hommes, elle ne peut pas

    garer.La deuxime, il faut quelquefois la prati-

    quer, mais ne la conseiller jamais. Les gens

    de bien trs-prouvs sont les seuls quin'en

    puissent pas abuser.

    Pour bien prsider un corpsd'hommes m-

    diocres et mobiles il faut tre mobile et m-

    diocre comme eux.

    Les jansnistes semblent aimer Dieusans

    amour, et seulement par raison par devoir,

    par justice.

    Les jsuites, au contraire, semblent l'aimer

    par pure inclination, par admiration, parre-

    connaissance, par tendresse, enfin par plaisir.

    II y a de la joie dans les livres de pitdes

    jsuites, parce que la nature et la religion y

    sont d'accord, Il y a dansceux des jansnistes,

  • 76

    de la tristesse et une judicieuse contrainte,

    parce que la nature y est pour ainsi dire per-ptuellement mise aux fers par la religion.

    Le quitiSle et le jansniste. L'un attend la

    grce de Dieu, et l'autre en attend la prsence.Le premier attend avec crainte, et l'autre at-tend avec langueur. Le premier se soumet, le

    second se rsigne, trs-ingalement passifs,mais galement fatalistes.

    Les philosophes pardonnent au jansnisme,parce que le jansnisme est une espce de

    philosophie.

    Dans les Essais de Nicole, la morale de

    l'vangile est peut-tre un peu trop raffine

    par des raisonnemens subtils.

    Il y a dans l'criture beaucoup de choses

    qui, sans tre d'une clart parfaite, sont ce-

    pendant toutes vraies il tait ncessaire denous entretenir par l'obscurit dans la crainte,et dans le mrite de la foi.

    Il faut insister sur ce qui est clair, et glissersur ce qui est obscur claircir ce qui est in-

  • 77

    certain par ce qui est manifeste, ce qui est

    trouble par ce qui est serein, ce quiest n-

    buleux par ce qui est lucide, ce qui contente

    la raison par ce qui la contrarie et l'em-

    barrasse.

    Les jansnistes ont fait tout le contraire; ils

    insistent sur ce qui est incertain, nbuleux,

    affligeant, embarrassant, et glissent sur le

    reste; ils clipsent les vrits lumineuses par

    elles-mmes, par l'interposition des vrits

    opaques.

    Application multi vocati voil une vrit

    claire pauci electi voil une vrit obscure.

    Nous sommes enfans de colre voil une

    vrit sombre, nbuleuse, effrayante. Nous sommes tous enfans de Dieu qui

    est venu sauver les pcheurs et non les

    justes; il aime tous les hommes, il veut les

    sauver tous; voil des vrits o il y a de

    la clart, de la douceur, de la srnit, de

    la lumire.

    Rappelons et confirmons la rgle, i y a

    beaucoup d'oppositions, et mme de contradic-

    tions dans l'criture et dans les doctrines de

    l'glise, dont cependant aucune n'est fausse;

    20 Dieu les y a mises ou permises pour nous

  • Uteair, par l'embarras et par l'incertitude, dans

    la crainte et le mrite de la foi.

    Il faut temprer ce qui effraie la raison par

    ce qui la rassure, ce qui est austre par ce

    qui console.

    Les jansnistes troublent la srnit et n'il-

    luminent pas le trouble, JII ne faut cependant pas les condamner pour

    ce qu'ils disent, car cela est vrai; mais pour

    ce qu'ils taisent, car cela est vrai aussi, et

    mme plus vrai, c'est--dire vrai d'une v-

    rit plus facile saisir, et plus complte dans

    son cercle et dans tous ses points.La thologie quand ils nous l'exposent, n'a

    que la moiti de son disque et leur morale

    ne regarde Dieu que d'un oeil.

  • NMII.

    POLITIQUE.

    La politique est l'art de connatre et de

    mener la multitude ou la pluralit. La gloirede cet art est de mener cette multitude, non

    pas o elle veut, ni o l'on voudrait soi-mmemais o elle doit aller.

    Dans les temps qui nous ont prcds, jevois des liberts d'un jour et des sicles de

    servitude.

    Ces Grecs et ces Romains taient de grands

    personnages en effet.

    Mais en admirant leurs actions, leurs pa-

    roles leurs gestes et leurs attitudes, n'envions

    pas leur sort; n'aspirons pas nous faire une

    histoire qui nous rende semblables eux;

  • 80

    traitons-les comme ces acteurs dont on aime

    le jeu, mais dont on n'aime pas le mtier.

    Savez-vous ce que vous dsirez votre insu

    dans l'tablissement d'un corps lgislatif? vous

    dsirez un thtre, et vous voulez vous faire

    acteurs.

    Changez les motifs des rvolutions, et vous

    en changez la nature, la direction et les

    effets.

    De bonnes lois ne doivent rien abandon-

    ner l'arbitraire des hommes.

    Il y a donc arbitraire partout o il y a li-

    bert illimite.

    Demander cette libert, sur quoi que ce

    soit c'est demander l'arbitraire.

    Si tout doit tre rgle, rien ne doit tre

    libre.

    Il faut que le respect envers le prince te

    seul la libert.

    Il faut que les lois seules soient armes.

    Libert de la presse l'accorder comme on

  • 81

    6

    livre ses armes un furieux qui se tuera si

    on les lui donne, et qui vous tuera si on neles lui donne pas.

    Le plus grand besoin d'un peuple est d'tre

    gouvern. Son plus grand bonheur est d'trebien gouvern.

    Flatter le peuple dans les temptes politi-

    ques, c'est comme si on disait aux flots quec'est eux de gouverner le vaisseau et au

    pilote qu'il doit toujours cder aux flots.

    Avec le meilleur gouvernement reprsen-tatif possible, vous n'auriez encore qu'un mau-

    vais peuple et un sot public.

    Un roi doit toujours tre un lgislateurarm, et ne se mettre en tutelle, comme di-

    sait Henri IV, que l'pe au ct.

    Donner des lois particulires un peuple,c'est lui donner des frontires morales fortifies

    et impntrables.

    Ceux qui veulent gouverner aiment les r-

  • 09

    publiques, ceux qui veulent tre bien gou-verns n'aiment que la monarchie.

    Si vous voulez que la proprit soit sacre,

    faites intervenir le ciel rien n'est sacr o

    Diu n'est pas.

    Ce qui rend les guerres civiles plus meur-

    trires que les autres, c'est qu'on se rsout

    plus aisment avoir son ennemi pour con-

    temporain que pour voisin c'est qu'on ne

    veut pas risquer de garder la vengeance si prsde soi.

    Le despotisme sacrifie sa puissance son

    pouvoir; chaque despote a un rgne qui d-

    vore celui de ses successeurs et le sien propre.

    Trois choses attachaient les anciens leur

    sol natal

    Les temples, les tombeaux et les anctres.

    Les deux grands points qui les unissaient

    leur gouvernement taient l'habitude et l'an-

    ciennet.

    Chez les modernes, l'esprance et l'amour

    de la nouveaut ont tout chang les anciens

  • g
  • . g4

    vieille nation on peut le lui imposer, mais non

    le lui donner. En ce cas ce n'est plus l une

    nation, mais un peuple assujetti par un autre

    peuple ou par quelques hommes.

    Les Franais sont de jeunes gens toute leur

    vie.

    On peut plaider des causes, mais il ne faut

    pas plaider les lois.

    Plaider publiquement les lois quelle horri-

    ble profanation c'est en mettre le germe nu.

    La source en doit tre sacre, et, par cette

    raison, cache; et vous l'exposez au grand air,

    au grand jour

    Quand elles naissent de la discussion, elles

    ne viennent plus d'en haut ni du secret de la

    conscience elles naissent justiciables de la

    chicane.

    Tous les conqurans ont eu quelque chose

    de commun. dans leurs vues, dans leur gnieet leur caractre.

    Le droit et la force n'ont entre eux rien de

    commun par leur nature. En effet, il faut met-

  • OK

    tre le droit o la force n'est pas; la force tant

    par elle-mme une puissance.

    Il y a bien un droit du plus sage, mais non

    pas un droit du plus fort.

    En toutes choses il faut embellir les rois

    pour leur bonheur, pour le ntre, et pourcelui de la socit.

    Il y a loin du dvouement d'un courtisan

    celui d'un citoyen et celui d'un soldat.

    Temps dplorables o il ne reste plus au

    genre humain d'autre ressource que de se r-

    fugier dans les montagnes (le ciel) d'o il

    est descendu.

    Sans l'ignorance qui s'approche, nous de-

    viendrions bientt un peuple absolument in-

    gouvernable.

    Il faut placer la Puissance o la Force n'est

    pas, et la lui donner pour contre-poids c'est

    le secret du monde. D'o il suit que plus il

    y a dans un tat de puissance ou de force

  • plwW

    morale on opposition avec la force relle ou

    physique, plus cet \%t mX habilement cons-titu.

    U n'y a point d'art point d/quilibre et de

    beaut politique chez un peppfe o, la Foreet la Puissance se trouvent dans les mmes

    mains, 'est^dire. 4ans le grand nombre,ctowmf dans, les dmocraties dont l'histoire

    n'a de l'clat et de l'intrt que lorsque laForce se dplace rellement par l'effet de l'as-

    epdant 4e quelque feomme, vertueux surles moiiv^,m^& 4e la multitude qui seule estforte par elle-mme et sans fiction.

    En ,A:gle|errf 1 parkwent est roi, et ler oi est ministre; mm ministre hrditaire

    perptuel, inviolable de certaines condUtiens.

    C'est un nion^rqiie mwtilt; borgne, boiteux

    et manchot $ mais honor/*

    Il faut placer dans le temple des sages, et

    non pa& siar \m ba^4^ opinais, ceux dont

    l'opinion est d'y ne grande autorit. On doit

    les employer dcider, mm non pas dli-

    brer. Leur voix doit faire toi, et non pas

  • 87

    faire nombre. Comme ils sont hors de pair, il

    faut les tenir hors des rangs.

    Toute autorit lgitime doit aimer son

    tendue et ses limites.

    Ot er aux lois 'leur- vtust c'est les rendre

    moins vnrables si on est rduit en sub*

    stituer de nouvelles aux anciennes, il faut

    donner celles-l un air d'antiquit.

    Il faut qu'il y ait dans toute loi quelquechose qui soit liant ou obligatoire par soi. Tout

    ce qui n'a pas cette qualit n'est qu'un dcret,

    une ordonnance.

    Les gouvernemens sont une chose qui s'-

    tablit de soi-mme; ils se font, et on ne les

    fait pas. On les affermit, on leur donne la

    consistance, mais non pas l'tre.

    Dans un tat bien ordonn, les rois com-

    mandent des rois, c'est--dire *des pres de

    famille, matres chez eux, et qui goufernentleur maison.

    Que si quelqu'un gouverne mal la sienne,

  • 881 ~w.c'est un grand mal, mais beaucoup moindre

    que s'il ne la gouvernait point.

    Point de libert, si une volont forte n'as-

    sure l'ordre convenu.

    Une volont forte, et par cela mme puis-

    sante, donne tous les esprits une grande s-

    curit du moins on n'a craindre qu'elle.

    Il faut mnager le vent aux ttes franaiseset le choisir, car tous les vents les font tourner.

    Hors des affections domestiques, tous les

    longs sentimens sont impossibles aux Franais.

    Un des plus srs moyens de tuer un arbre

    est de le dchausser et d'en faire voir les racines.

    Il en est de mme des institutions, celles qu'onveut conserver il ne faut pas trop en dsen-

    terrer l'origine. Tout commencement est petit.

    La libert est un tyran qui est gouvern

    par ses caprices.

    La vnalit des charges avait au moins cet

    avantage que celui qui achetait une judica-

    ture n'ayant aucune obligation au pouvoir qui

  • 89

    la lui vendait, il en restait indpendant dans

    ses opinions et dans sa conscience.

    C'est parce que les matres prposs sont

    les gaux de leurs subordonns, qu'il est besoin

    de les environner de pompe.

    Le mme sang- froid qui nous fait dire:

    l'tat est vieux, et il doit prir , serait pro-

    pre nous faire dire aussi Mon pre est

    g, et il doit mourir.

    C'est un sang-froid qui n'est pas permis.

    La faiblesse qui ramne l'ordre vaut mieux

    que la force qui s'en loigne., et ce qui nous

    prive de l'excs nous perfectionne.

    Angleterre c'est de ce pays que sont sor-

    ties, comme des brouillards, les ides m-

    taphysiques et politiques qui ont tout ob-

    scurci.

    Le peuple sait connatre mais il ne sait paschoisir.

    Ce qui vient par la guerre s'en retournera

  • on

    par la guerre toute dpouille sera reprise,tout butin sera dispers tous les vainqueursseront vaincus, et toute ville pleine de proiesera saccage son tour.

    La subordination est plus belle que l'index

    pendance.L'une est l'ordre et l'arrangement l'autre

    n'est qu'une suffisance unie avec l'isolement.

    L'une offre un tout bien dispos; l'autre

    n'offre que Y unit dans sa force et sa plnitude.L'une est l'accord, l'autre est le ton.

    C'est un grand malheur quand la moiti

    d'une nation est mprise par l'autre; et je neveux pas seulement parler du mpris des grandspour les petits, mais du mpris des petits pourles grands.

    La puissance est une beaut.

    Tout pouvoir sans partage n'est pas un pou-voir absolu.

    Gouverner sa maison, c'est tre vraiment

    citoyen, c'est l vritablement prendre part

  • 91

    91 1 '1.

    au gouvernement gnral de la. cit, en exer-

    cer les plus beaux droits, en rendre la marche

    facile.

    La npiltitud aime la multitude, ou la plu-

    ralit dans le gouvernement. Les sages y ai-

    ment l'unit.

    Mais Pour plaire aux sages et pour avoir sa

    perfection, il faut que l'unit ait pour limites

    celles de sa juste tendue, que ses limites

    viennent d'elle; ils la veulent minente et

    pleine semblable un disque et non pas sem-

    blable un point.

    En parlant du peuple au lieu d'un peuple

    esclave, dites un peuple opprim. La premire

    pithte est un mot de reproches, la seconde

    un titre de recommandation.

    C'est la ncessit, la ncessit seule qui fait

    tous les gouvernemens.

    Depuis l'tablissement des parlemens, tout

    le monde,, dans la plupart des causes, tait

    jug par les mmes juges. Les juges hors de

    l'administration de lajustice n'taient les su-*

  • 92

    prieurs, proprement dits, de personne. On

    tait jug par ses pairs mais par des pairs

    plus savans que soi.

    Les lois mmes ne sont pas la rgle des

    murs ni les usages, ni les opinions, ni

    l'avenir, ni le temps prsent mme.

    Le pass pourrait plutt l'tre, parce qu'il a

    t prouv.

    Si les peuples ont leur vieillesse, qu'au moins

    cette vieillesse soit grave et sainte, et non fri-

    vole et drgle.

    Or, tout ce qui est sans rgle est drgl.Et quelles rgles reconnaissons-nous, je vous

    prie .?

    Il s'exhale de tous les cris et de toutes les

    plaintes une vapeur; de cette vapeur il se

    forme un nuage, et de ce nuage il sort des

    foudres, des temptes, ou du moins des in-

    tempries qui dtruisent tout.

    Conforme-toi la nature, elle veut, que tu

    sois mdiocre sois mdiocre, cde aux plus

    sages, adopte leurs opinions, ne trouble pas

  • 93

    le monde, puisque tu ne sau'is pas Je gou-

    verner. w

    Maintenir et rparer. Belle devise; la plus

    belle des devises pour un sag gouvernementau sortir des rvolutions.

    Un roi populaire a presque toujours un

    langage qui l'est aussi, et l'habitude de parler

    ainsi maintient presque toujours l'esprit dans

    le bons sens.

    Il ne faut donc pas interdis cette manireade s'exprimer aux princes qui en ont la fan-

    taisie il faut au contraire l'approuver et la

    favoriser.

    Presque tout ce que noH appelons un

    abus, fut un remde dans les institutions poli-

    tiques.

    L'administrateur homme d'tat est un mes-

    sager, un voiturier qui le temps prsent est

    remis en dpt pour tre reidu tel qu'il est,

    ou meilleur au temps venir.

    On craint aujourd'hui l'austrit de moeurs

  • *J Ht

    et d'opinions dans le prince, plus qu'on n'y

    craindrait la rapacit, la cruaut, la tyrannie.

    Ce qui m'tonne le plus chez les peuples

    libres, c'est l'ordre, la raison et le bonheur.

    Il faut qu'il n'y ait en rien une libert sans

    mesure, dans un tat bien gouvern, mme

    dans les habits et dans le vivre.

    Une libert sans mesure j en quoi que ce soit,

    est un mal sans mesure.

    L'ordre est dans les dimensions, la dimen-

    sion dans les limites.

    Les rvolutions sont des temps o le pauvren'est pas sr de sa probit, o le riche n'est

    pas sr de sa fortune, ni l'homme innocent

    de sa vie.

  • N IV.

    DUCATION,

    Il faut rendre les enfans raisonnables) mais

    non les rendre raisonneurs. La premire chose

    qu'il faut leur apprendre c'est qu'il est rai-

    sonnable qu'ils obissent, et drcza'sonnczble

    qu'ils contestent; l'ducation, sans cela, se

    passerait en argumentations, et tout serait

    perdu si tous les matres n'taient pas de bons

    ergoteurs.

    Vous ne voyez l que des tudians, et moi

    j'y vois de jeunes hommes.

    Oui, soufflez sur eux cette molle indulgence,et faites fleurir les passions, ils en recueille-

    ront les fruits amers.

    Les enfans aiment le style enfl, les mets

  • t/U

    plus simples. On ne peut les servir que dans

    des plats d'or ou d'argent.

    Aux enfans en littrature rien que de

    simple.

    La simplicit n'a jamais corrompu le got,elle ne fait aimer rien de mauvais; que dis-je?elle ne le souffre mme pas; tout ce qui est

    potiquement dfectueux est incompatible avec

    elle. C'est ainsi que la limpidit de l'eau se

    dtruit par le mlange de toute matire tropterrestre.

    Notre got alimentaire se corrompt par des

    saveurs trop fortes, et notre got littraire

    pur dans ses commencemens, par toutes les

    expressions trop prononces.Ne leur donnez que des auteurs o leur me

    trouve la fois un mouvement et un repos

    perptuels, qui les occupent sans efforts et

    dont ils se souviennent sans peine.

    Il faut appliquer aux enfans ce que M. de

    Bonald dit qu'il faut faire pour le peuple Peu pour ses plaisirs

    Assez pour ses besoins;

    Et tout pour ses vertus.

  • 97

    7

    Les matres doivent tre les guides, et non

    pas les amis de leurs lves.

    En levant un enfant, il faut songer sa

    vieillesse.

    Ce qu'on regrette de l'ancienne ducationc'est ce qu'elle avait de moral et non ce qu'elleavait d'instructif. C'est le respect qu'on avait

    pour les matres, et celui qu'ils avaient pour

    eux-mmes; c'est le spectacle de leur vie et

    l'ide qu'on s'en faisait; c'est l'innocence de ce

    temps et la pit qu'on inspirait l'enfance

    pour les hommes et pour le ciel bonheur

    de l'homme tous les ges.

    Il faut donner pour exemple aux enfans des

    phrases o l'accord entre l'adjectif et le sub-

    stantif soit non seulement grammatical, mais

    moral; comme Le temple saint. ?

    Mais si vous disiez le voleur malheureux ,l'accord ne serait pas moral, parce qu'il faut

    mettre ct du dlit l'ide du chtiment et

    non celle de l'infortune.

    Le mme accord inoral doit se trouver entre

    le nominatif et le verbe. Les soldats coura-r-.

  • 98

    geux aiment la guerre. Ce rgime n'est pasmoral. Il associe et lie insparablement l'ide

    de la bravoure celle de l'attaque et de la

    querelle.Mais si vous disiez Les soldats courageux

    aiment la victoire et non le carnage, le r-

    gime serait moral; car vous associez alors dans

    la tte qui la reoit l'ide du courage celle de

    la haine qu'il faut avoir pour la destruction

    inutile.

    Par l'association des ides, le bonheur du

    premier ge en fait aimer tous les vnemensles mets dont on y fut nourri, les chants

    qu'on entendit, l'ducation que l'on reut 9mme les peines qu'elle causa.

    La svrit glace en quelque sorte nos d-

    fauts et les fixe souvent l'indulgence les fait

    mourir. Un bon approbateur est aussi nces-

    saire qu'un bon correcteur.

    Tout enfant qui n'aura pas prouv de

    grandes craintes n'aura pas de grandes vertus;les grandes puissances de son me n'auront

    pas t remues le froid trempe le fer et la

  • qq

    crainte trempe les mes. Ce sont les grandes

    craintes de la honte qui rendent l'ducation

    publique prfrable la domestique, parce

    que la multitude des tmoins rend seule le

    blme terrible, et que la censure publique est

    parmi les censures la seule qui glace d'effroi

    les belles mes.

    Mon fils, ayez l'me d'un roi, et les mains

    d'un sage conome.

    Il suffit, pour une ducation noble et let-

    tre, de savoir de la musique et de la pein-ture ce qu'en disent les livres.

    L'ducation ne peut corriger les murs que

    par les manires, les inclinations que par