JODOROWSKY / OTOMO / GUÉDIGUIAN / KINKY & COSY · Pour Monsieur Jodorowsky, c’est l’inverse :...

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GRATUIT ! le premier culturel BD JODOROWSKY / OTOMO / GUÉDIGUIAN / KINKY & COSY ... N°2 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2005 GRATUIT !

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GRATUIT !

le premier culturel BD

JODOROWSKY / OTOMO / GUÉDIGUIAN / KINKY & COSY ...N°2 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2005

GRATUIT !

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ous cette boutade, uneinterrogation : un jeuneFrançais aujourd’hui nese sent-il pas plus

proche d’un japonais du mêmeâge plutôt que d’un Hollandaisou d’un Slovène ? Le mangaexplose en France, après desannées d’ostracisme ondécouvre enfin son vrai visage.

Le Boom MangaL’essentiel des séries parues icijusqu’alors était le prolonge-ment des dessins animés desti-nés aux otaku (ados japonaisfans de techno, de mangas...).Fabrice Dunis1 : «Aujourd’hui leséditeurs osent davantage et onvoit apparaître une variétéimpressionnante de genres et degraphisme. Dragon Ball n’en est plus l’archétypecomme Tintin ne représente pas à lui seul la BDeuropéenne. Les inspirations graphiques desJaponais sont très diverses et le manga a unpublic de lectrices très important, alors que la BDsemble être un milieu plus masculin. De même,les Japonais vont plus loin, s’inspirent beaucoup dela vie quotidienne, mêlent sans problème du fan-tastique à leurs histoires et assument leursdélires.» Selon Frédéric Boilet2, «la bande dessi-née japonaise a toujours privilégié le quotidienalors que la BD franco-belge jusqu’aux années 90était essentiellement une BD de genre, destinéeaux fans. De cette différence de thèmes abordésrésulte une différence dans la largesse du lectorat(au Japon, toutes les classes sociales et tous lesâges sont consommateurs de BD). Le quotidien estle thème privilégié du cinéma français mais il abizarrement été longtemps absent de la produc-tion BD.»Les chiffres sont impressionnants : plus de 40% decroissance de 2003 à 2004, le manga représentedéjà plus du quart des ventes de BD en volume !Selon Sébastien Moricard3 «il n’est pas nécessai-re de comparer BD européenne et manga qui s’ap-précient différemment. Au-delà de la différencevisuelle, la bande dessinée n’utilise pas lesmêmes procédés narratifs que le manga. En BD,les personnages servent souvent le développe-ment d’une intrigue complexe, aux nombreuxpivots. Le procédé narratif utilisé en manga privi-légie quant à lui la dimension psychologique despersonnages et les tensions émotionnelles d’unesituation donnée. Ici, c’est le scénario qui sert lapsychologie des personnages et non l’inverse.»

Manga «à la française»Avec un tel engouement, il est naturel de penserque la BD française va être de plus en plus influen-cée par le manga. Sébastien Moricard : «J’ai puconstater chez certains auteurs une influencejaponaise, notamment dans l’utilisation de cer-taines techniques comme le trait de vitesse…Aurore, auteur de Pixie ou Patrick Sobral auteurdes Légendaires tous deux édités chez Delcourtsont représentatifs d’une nouvelle générationd’auteurs qui ont grandi semble-t-il dans l’universdes mangas et donc parfaitement assimilé sescodes. Ainsi je pense que sans vouloir “faire dumanga“ ils intègrent tout naturellement à leursœuvres certaines techniques japonaises.» Vanyda,jeune auteure très prometteuse de l’Immeubled’en face, reconnaît ces influences, autant dans legraphisme, le format (noir et blanc, paginationplus importante) que dans la psychologie des per-sonnages et l’art du découpage. On parle déjà de«manga à la française», bien que jusqu’ici les pas-serelles ne soient pas évidentes. Mangas et BD sedistinguent en effet encore très clairement.

La France manga

Manga signifie bande dessinée en japo-nais. Historiquement, lors de la périodeNara (710-784), les artistes japonais asso-ciaient des calligraphies à des peinturessur des rouleaux de papier. Au XXe siècle,le manga devient un art majeur au Japon,notamment avec des auteurs commeTezuka. C’est aujourd’hui un média de massedont le foisonnement éditorial est encore peureprésenté en Europe.

M comme Manga

DOSSIER

S

ZOO est édité parMédiabandes sarl17, rue Beaumarchais93100 MontreuilTél : 01 48 58 39 41email : zoo1@ libertysurf.fr

Directeur de la publication,Rédacteur en Chef : Éric Borg.

Rédaction :Jérémy Fraise, Thierry Lemaire,Clarisse Bouillet, Olivier Pisella,Stéphane Urth, Alice David, LouisaAmara, Julien Foussereau, BorisJeanne, Alexandre Mangin, Fanche,Jessica Milleville.

Illustrations : Vanyda, Wilizecat,Yvang, Stéphane Urth.

Couverture : Vanyda.

Bandes Dessinées : Wilizecat, Yack,Boilet, Joan, Nix, Blanquet.

Direction artistique et maquette :Éric Borg.

Publicité :

MÉDIABANDES (BD, édition,cinéma, DVD) 01 45 26 78 42PUB.L.I.C ( hors captif) 05 56 52 09 95éCLAT (jeux vidéo) 01 49 98 03 75

Dépôt légal à parution. Imprimé en France par SIEP.

Les documents reçus ne pourrontêtre retournés. Tous droits dereproduction réservés.

www.zoolemag.com

édito

N°2 sept-oct 2005 3

PIXIE © Aurore / Delcourt

Faut-il voir un rapport entre le non du 29 mai et l’explosion dumanga en France ? Cette «France manga», comme on la surnommedéjà, ne fomente-t-elle pas une alternative franco-japonaise à uneUnion Européenne brinquebalante ?

la différence du Banga,boisson à l’eau colorée quinous faisait le singe dansles années 80, il y a bien

des bulles dans manga, et des pétil-lantes, qui redonnent un coup defouet à une BD à peine sortie de satorpeur... Cette arrivée massive dansles bacs des libraires d’un patrimoi-ne japonais de 50 années (et nousn’en sommes qu’au début) a de quoidéboussoler le lecteur non averti.Car en manga, comme en tout, il y adu déchet... Mais il y a surtout desperles ! Nous vous en présentonsquelques-unes dans ce numéro. Également un entretien avec Mon-sieur Otomo, papa d’Akira, premiermanga publié en France. LesJaponais sont souvent peu bavardsen interviews, eh bien ce fut le cas iciet Alice a failli se faire «Seppuku»avant la fin... Résultat en page 26.Pour Monsieur Jodorowsky, c’estl’inverse : il faudrait 10 numéros deZOO pour étancher la soif de l’im-mense Alejandro. Les délires ver-baux de ce «provoc-auteur» sont ladémonstration d’une liberté intacte,fondatrice de son magnifique et pro-lifique génie (cf page 20). Et plein d’autres choses encore dansce numéro 2... Le 3 ce sera pour le1er novembre.

ÉRIC BORG

À

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Manga is money

DOSSIER

Longtemps vilipendé par la critique, lemanga est aujourd’hui un business courtisépar tous les éditeurs de BD. Les enjeux sonttels qu’une école de mangakas ouvre à Parisen octobre.

Sébastien Moricard parle d’«identitéproduit» ; «le manga possède ses carac-téristiques : noir et blanc, format, sensde lecture original, et enfin, la fameusejaquette qui est normalement l’apanagedes œuvres luxueuses. La bande dessi-née européenne possède également sescodes : couleurs, grand format et cou-vertures cartonnées.»S’il est admis que le manga instille, peuà peu, ses spécificités dans la BD, enquoi, en retour, cette dernière pourrait-elle influencer la production de mangasau Japon ? «Je ne pense pas que lesJaponais aient besoin de nous pourtrouver l’inspiration», estime FabriceDunis, «ils s’inspirent de notre culturebien souvent, mais graphiquement leurmanière de travailler est incompatible».Et puis force est de constater qu’auJapon, la BD «de chez nous» ne soulève pas les foules : «globale-ment, l’intérêt des japonais pour nos BD se limite à un cercle d’ama-teurs éclairés, et bien entendu au monde artistique (mangakas,illustrateurs...)», précise Sébastien Moricard.

Nouvelle MangaIl existe pourtant une convergence potentielle entre les deux univers,un axe franco-japonais que Frédéric Boilet s’est employé à définirdans son «Manifeste de la Nouvelle Manga»4 rédigé en 2001. Boilet,rare auteur français à s’être imposé au Japon, relève l’émergenced’une nouvelle bande dessinée française depuis les années 90,impulsée par des éditeurs tels que l’Association ou Ego comme X,une BD d’auteurs dont les caractéristiques (thèmes abordés, modesnarratifs, fin du règne de la couleur) se rapprochent de celles dumanga… ou tout au moins du manga adulte que les éditeurs françaisont fini par promouvoir, d’avantage orienté sur le quotidien, l’auto-biographie ou le documentaire. «Il y a des préjugés très forts vissésau mot manga au masculin» note Frédéric Boilet. Ainsi, pour mieuxse départir de l’image stéréotypée du manga pour ados, il proposedans son manifeste une féminisation du terme : «en m’appuyant sur

e manga ne dégoûte plus. Bien au contraire, il aiguise lesambitions. Sur une initiative d’instances japonaises, de laChambre de Commerce et d’éditeurs de BD français, uneécole de mangakas va voir le jour à Paris à la rentrée prochai-

ne. Entretien avec Lionel Panafit, directeur pédagogique de ce nouveaucursus.

Quel est le poids du manga en France ?Le manga représente plus de 30% des ventes de BD pour environ 150millions d’euros de CA. C’est un marché en augmentation de 20% paran depuis cinq ans. Il est beaucoup plus lissé dans l’année que celui dela BD franco-belge et permet une meilleure gestion. Il est d’ailleursbeaucoup plus rentable. Un manga vendu 5 euros ne coûte que 60 cen-times. Il crée ainsi des mannes financières énormes. Tous les éditeursfrançais s’intéressent au manga. Delcourt en vit avec Dragonball.

L

les racines historiques et sociologiques de l’emploi du mot manga auféminin, je pense qu’il est possible d’en changer la perception».En bref, parler de la manga est une façon pour lui d’ennoblir ungenre longtemps décrié en France, mais aussi de théoriser les col-laborations futures, d’instaurer un pôle d’échange de ce que BD etmangas ont de meilleur. Quoi qu’il en soit, nous disposons désormaisen France d’une offre éditoriale plus conforme à la diversité desmangas, la greffe nippone s’est opérée sans douleur dans notre pay-sage culturel, et de façon plus générale, la bande dessinée d’auteurssemble ratifier plus que la Constitution européenne.

ÉRIC BORG & OLIVIER PISELLA

1 Libraire spécialisé en manga, Koabang, Strasbourg. Il est l’auteur du «Guide dumanga», coécrit avec Florence Krecina.

2 Auteur et dessinateur de BD, il vit au Japon depuis 1997 et collabore avec desauteurs japonais. Il dirige depuis janvier 2004 la collection de manga d’auteurs Sakkapour Casterman.

3 Directeur Marketing des éditions Tonkam

4 À lire en ligne sur www.boilet.net

4 N°2 sept-oct 2005

L’IMMEUBLE D’EN FACE, DE VANYDA, TOME 2 À VENIR (PREMIÈRES PLANCHES DANS POROPHORE N°10)

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Les sciences en mangaFin août, Pika Éditions a lancé une nouvelle collection de mangas éducatifs. Dans l'espritde la série animée «Il était une fois...», apprendre devient enfin distrayant.

n'empêche les adultes de les lire et d'en profiter pour réviserleurs connaissances ! Tout cela peut paraître bien sérieux, mais c'était sans compter surl'humour potache des Japonais. Ludiques, éducatifs... ces man-gas sont une vraie réussite. Yoshio, Ayamé et Asari, les hérosrécurrents de cette série, vont devenir vos nou-veaux amis !

ALICE DAVID

'est bien connu, les Japonais sont férus de manga. Poureux, il était tout naturel de proposer aux enfants uncontenu scientifique en dessin. Ce concept arrive enfin enFrance. «Nous étions à la recherche d'une nouvelle col-

lection qui s'adresse à un public plus jeune qu'habituellement,raconte Pierre Valls, directeur de collections pour Pika. Nousavons trouvé ces ouvrages chez un éditeur de livres scolaires, quipublie des mangas éducatifs depuis une vingtaine d'années. Nousavons tout de suite été séduits par l'approche et par le contenuéducatif». Manga science, la collection proposée par Pika, a étéréalisée par Yoshitoh Asari. Elle existe depuis 1990 au Japon et estrégulièrement mise à jour. Le premier tome, paru le 16 août, part à la découverte du corpshumain, avec notamment un chapitre sur le caca particulièrementdrôle. La parution sera mensuelle, au prix de vente de 7,50 euros.Les sujets à venir seront les suivants : à la conquête de l'espace ;l'histoire des robots ; la Terre ; nous sommes des robots ; la vul-canologie, la mécanique ; de l'atmosphère terrestre jusqu'à l'es-pace ; la science de l'observation. Mais attention, que ce soit clair, le contenu scientifique est peut-être vulgarisé, mais cela ne veut pas dire que les sujets ne sontpas traités sérieusement. Les thématiques développées corres-pondent au programme scolaire des jeunes nippons et couvrent leprogramme du CM2 à la 4e, pour la France. Au Japon, chaquetome a été validé par des professeurs et des chercheurs d'univer-sités. La science est rendue accessible aux enfants en resituantdes problématiques complexes dans des contextes qu'ils connais-sent bien. L'adaptation française a été particulièrement soignée. «Ces man-gas ont été traduits de façon traditionnelle par des traducteurs-adaptateurs franco-japonais, mais très vite, ils se sont retrouvésconfrontés à des problèmes de connaissance, notamment pour lestermes techniques, explique Pierre Vals. Nous avons donc confiéchaque tome à un spécialiste du domaine traité. Le premier tomea été relu par une interne en médecine, le deuxième par un spé-cialiste du Cnes. Puis les volumes ont été réécrits pour gagner enfluidité et trouver un ton». France-Japon, même culture ? «Nousavons choisi de garder les références au Japon, avec un systèmede note qui donne l'équivalence pour la France». Cette adaptationaura nécessité deux à trois fois plus de temps qu'un manga clas-sique. Si cette collection s'adresse aux jeunes de 10-14 ans, rien

DOSSIER

C

6 N°2 sept-oct 2005

Casterman a fait le choix de l’élitisme pour se différencier. Glénat etDargaud visent les liens avec les vidéos. Tonkam, Pika ou Asuka sont100% mangas.

Vous dressez un panorama idyllique.Certes, mais les éditeurs ont beaucoup de problèmes avec lesJaponais. Dans les contrats, dans le marketing, les usages ne sont pasles mêmes. Ainsi, les éditeurs français ne reçoivent pas les ouvragesavant publication, les contrats se font au coup par coup à chaque tome(avec un droit supplémentaire pour la couverture), les Japonais refu-sent que des images soient découpées (pour faire la promotion parexemple). D’ailleurs, ils ne comprennent pas l’intérêt des Européenspour le manga.

D’où une volonté d’indépendance des éditeurs français ?Une BD franco-belge à succès, c’est 100 000 exemplaires. Un bonmanga tire à 15 000. Les éditeurs gagnent beaucoup dans le manga

mais n’arrivent pas à atteindre les mêmes volumes. Ils espèrent lesaugmenter avec des auteurs européens, ce qui compenserait le coûtsupérieur en droits d’auteur. Ils pensent qu’il faut une formation pourapprendre les codes spécifiques au manga et la culture japonaise.Jusqu’à présent, ils ont testé une collaboration entre des auteurs fran-çais et japonais. C’est le cas de Morvan et Tanigushi mais ça demeuretrès limité ou Boilet au Japon, mais il est unique en son genre.

D’où l’idée d’une école de «mangakas à l’européenne».Le groupe Eurasiam a créé cette formation qui s’articule en quatre par-ties : dessin, culture japonaise, langues (japonais et anglais) et mana-gement. En lien direct avec les éditeurs, nous espérons former 4 à 5dessinateurs par an qui pourront participer aux prochaines grandesmanœuvres du manga en France : la création d’un support pressepérenne et la conquête d’autres marchés européens, commel’Allemagne par exemple.

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY LEMAIRE

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Manga science T.1, «À la découverte du corps humain»,de Yoshitoh Asari, PIKA EDITIONS, 240 p., N&B, 7,50 €

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CINÉ & BD

zoom

oici le deuxième volet de la série LesContes de l’Estaque, après À l’attaque !L’occasion de partager un peu du quoti-dien de Mourad et Lila, entre autres

(adieu Marius, adieu Jeannette !). Le réalisateurest reconnu pour son goût du réalisme, ses prisesde position sociales ; l’album ne dément pascette démarche. Derrière la belle présentation –le dessin est plus que soigné – la réalité restecrue. Rien de fataliste pour autant, à peine l’his-toire nous dépose à ce qui semble être un point denon retour que la porte de sortie se profile.Aucune pirouette simpliste non plus, ni litanieexaspérante sur la situation des banlieues, maisplutôt une galerie de portraits rondement bienbrossés.D’abord, la cité vue d’en haut, sur les hauteurs deMarseille, ses fenêtres plongeant dans l’azur dela Méditerranée. Qu’on ne s’y trompe pas, la pre-mière page ne vante pas une station balnéaireavec ses jeux de l’apéritif où certains d’entre vousont peut-être déjà gagné un panier garni ou quisait, un bob Club Machin ! On fait vite la connais-sance du curé, qui jardine au sommet d’une tour,et dont la bouille sympathique rappelle sanseffort celle de Jean-Pierre Darroussin dans lefilm sorti en 1993.

Ensuite la narratrice se livre à un décompte quifait sourire, mais pas trop : «953 habitants dont456 chômeurs, 302 alcooliques, 251 voleurs, 220fascistes, 220 intégristes musulmans, 192 dro-gués, 59 séropositifs, 3 communistes et 1 curé.»Le curé n’a pas que la main verte ; il cueille aussiles seringues qui jonchent le sol, au risque de s’ypiquer le doigt.Deux clans se disputent et décident de créer uneligne de démarcation (point besoin d’être histo-rien sans penser à l’horreur du geste), tracée aupinceau rouge. Un des premiers à la franchir estun pauvre camé séropo qui vient s’approvisionneret dont les yeux ne semblent pas voir la ligne, cequi suit n’a rien de comique… De cette chamaille-rie de gamins pourtant presque adultes, tout lemonde se mêle, et s’emmêle. Le curé prêche labonne parole pour contenir le brasier, mais lescannettes volent, et un coup de feu part. La solu-tion à tout cela n’est pas très catholique, mais lecuré lui-même n’y voit pas d’objection…La réussite de la BD repose en partie sur un des-sin racé aux couleurs vives. Dorange a le sens dudétail, le dessin se trouve parfois au cœur du des-sin, grâce à la qualité de la reproduction des tagssur les murs de la cité. Et l’écriture, lucide, enga-gée et tendre, sans user de cliché, vise juste.

JÉRÉMY FRAISE

Le promeneur du champ de tirL’oseille ne fait pas le malheur, comme en témoigne la BD deGuédiguian adaptée du film.

V

En salles le 14 septembre

Collision, de Paul HaggisQuand le scénariste de Million DollarBaby passe pour la première fois à laréalisation, il est très attendu et nedéçoit pas, au contraire. En abordantfrontalement le racisme à LosAngeles, il réussit là où beaucoup ontéchoué. Tout en maîtrise, en réalismeet en subtilité, en évitant tout mani-chéisme, Paul Haggis donne à voir unspectre de personnages forts prisdans une spirale infernale. Une plon-gée marquante dans la ville la plussombre et la plus violente de la côteouest des États-Unis.

Shane black’s Kiss kiss, bang bang,de Shane Black Derrière ce titre à rallonge et peuévocateur se cache une comédie poli-cière rythmée et pleine de rebondis-sements. Le scénariste de l’Armefatale met en scène un duo de bras-cassés s’entêtant à résoudre lemeurtre d’une jeune femme àHollywood. Portés par des acteurs quis’amusent, Val Kilmer en détectivehomo chic et arrogant, et surtoutRobert Downey Jr qui joue égalementle narrateur cynique et attachant decette comédie décalée.

Le 21 septembre

Moi, toi et tous les autres, deMiranda JulyQuand Punch Drunk Love rencontreHappiness, cela donne un film doux-amer qui passe du rire aux larmes (etau malaise parfois), dans la plusgrande décontraction. Caméra d'or audernier festival de Cannes, ce premierfilm d'une artiste vidéaste contempo-raine ne laissera personne indifférent.Miranda July brosse une galerie depersonnages déroutants où certainsadultes semblent plus innocents etromantiques que leurs enfants. Unfilm original et intriguant.

LOUISA AMARA

Keane de Lodge KerriganUn film tous les 5 ans. Kerrigan aencore pris son temps pour nouslivrer son troisième opus, très diffé-rent formellement des deux premiers,mais tout aussi passionnant. Après lestylisé Claire Dolan, Keane est unobjet plus brut, filmé caméra àl’épaule, ne lâchant pas son person-nage principal d’une semelle, sansmusique rajoutée, on croirait un film«Dogme». Mais la préoccupation ducinéaste est toujours la même : lamarginalité, ici celle d’un père à larecherche désespérée et obsession-nelle de sa fille kidnappée, qui leconduit aux frontières de la folie.L’acteur principal, Damian Lewis,éblouissant, nous fait partager desmoments très durs, mais d’autrestrès beaux aussi, comme sa rencontre

8 N°2 sept-oct 2005

Manara tu connais pas ? Rayon adulte, LeDéclic ? L’Italien a construit sa légende surson talent à dessiner de sublimes corps fémi-nins. Il découvre Barbarella et à son tour ren-dra ses lecteurs poisseux grâce à de nom-breuses BD érotiques. En 1978, il crée sonalter ego, Giuseppe Bergman, aventurier bel-lâtre qui sévit à l’époque dans (À suivre). Bonneidée, Les Humanoïdes Associés rééditent lesalbums (tome 3, 56 P., N&B, 13,90 €).

M comme Manara

L’Argent fait le bonheur, de Robert Guédiguian (scénario et dialogues),

Jean-Louis Milesi (scénario et dialogues) etSylvain Dorange (adaptation, dessin et couleur),

EMMANUEL PROUST ÉDITIONS, 96 P., COULEURS, 13, 90 €

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zoomavec la petite Kira et notamment leurdernier plan, sublime incarnation del’amour avec un très très grand A.

ÉRIC BORG

Le 5 octobre

Les Frères Grimm, de Terry GilliamCeux qui attendaient le retour de TerryGilliam vont être aux anges tant LesFrères Grimm mêle divertissement dehaute qualité et réflexion sur les com-promis nécessaires à la réalisationd’un film. Cette combinaison fonction-ne à merveille et Gilliam en profitepour y insuffler sa marque defabrique : une atmosphère délirante,un décalage entre le réel et l'imagi-naire et des trognes patibulaires. Lacomplicité entre Matt Damon et HeathLedger est la cerise sur le gâteau.Une réussite qui porte le sceau de lagénérosité.

Le 19 octobre

Oliver Twist, de Roman PolanskiAdaptation fidèle de l’œuvre deCharles Dickens, Oliver Twist permetà Roman Polanski de réviser ses clas-siques. Le film souffre de la compa-raison avec Le pianiste car Polanskisemble s’être moins investi : sa miseen scène est rigoureuse mais elletient du livre d'images. Toutefois il està saluer la volonté de ne pas sombrerdans l'édulcoration et la niaiserie. Lefilm est à l'image du roman, sombreet cruel, grâce à une superbe direc-tion d'acteurs (Ben Kingsley en tête),et rappelle que nul n'est complète-ment bon ou mauvais.

En DVD

L’acrobate, de Jean-Daniel Pollet,Opening vidéo, 16 €Léon, timide garçon de bains, se révè-le génial danseur de tango. AvecClaude Melki en Buster Keaton fran-çais, cette comédie culte de 1976reste un must du burlesque doux-amer. Superbes scènes dansées etexcellents bonus. Quick, slow, quick,quick, slow...

Va, vis et deviens, de Radu MihaileanuFrance Télévisions Distribution, 25 €C’était il y a 20 ans. Le sauvetage desJuifs Éthiopiens de la famine et leurexode vers la Terre promise organisépar Israël et les Etats-Unis. Aucunefiction n’avait encore abordé ce sujettragique. Le film est d’autant plusémouvant que ses comédiens et figu-rants rejouent des scènes qu’ils ontvécues, comme le montre l’intéres-sant making of.

ÉRIC BORG

003 fut marqué par le succès critique etpublic du Mystère de la chambre jaunedans lequel chacun retrouvait avec éton-nement une part de son enfance de

bédéphile tant Tintin se dissimulait derrière DenisPodalydès-Rouletabille asexué, arborant culottede golf, chemise jaune et gâpette de rigueur. Deuxans plus tard, les frères Podalydès font plus queremettre le couvert avec l’adaptation du deuxièmetome de la saga de Gaston Leroux, Le Parfum dela dame en noir ; ils reconduisent l’esthétique siparticulière du précédent opus afin de poursuivrel’hommage à «la ligne claire» d’Hergé, forte encouleurs franches et en lumières sans ombres…

Bruno Podalydès fait ainsi table rase de l’ambian-ce gothique du romancier pour y insuffler la légè-reté du papa de Tintin. Et les clins d’œil sontlégion ! Cette ouverture de music-hall et cemasque de tête de vache ne vous rappellent rien ?Les Sept boules de cristal bien sûr ! Et ce portraithilarant du Duc de Gromor ressemble trop à celuide François de Haddoque dans Le Secret de laLicorne pour être un simple hasard. Podalydès seréapproprie même un passage du Sceptred’Ottokar quand Sainclair le gaffeur vérifie l’au-thenticité de la barbe de Robert Darzac – sosied’Hippolyte Bergamote - en essayant de l’arra-cher… Cette influence du 9ème art sur le 7èmeest clairement revendiquée et l’humour visuel,rythmé comme des lectures de cases de BD (la

scène des périscopes, la façon de courir deRouletabille et Sainclair), rend le jeu de pistesparticulièrement réjouissant.Dans ce ballet loufoque, Bruno Podalydès réunit ànouveau une troupe d'excellents comédiens déjàsoudés par l'expérience en commun du Mystèrede la chambre jaune. Sainclair (Jean-NoëlBrouté) prend une autre dimension aux côtésd'une nouvelle venue excentrique, Edith Rance,incarnée par la formidable Zabou Breitman. Leréalisateur lui-même s'amuse à incarner le doc-teur Arthur Rance, débonnaire et séducteur, pen-dant que Denis Podalydès exprime tout son talentdans ce Rouletabille déchiré entre cette enivrantedame en noir et le dangereux Larsan.

Le cinéaste mène la danse en ménageant le sus-pense, le rire et l’absurde. Dès les premièresscènes il nous fait entrer dans un monde décaléavec notamment un discours cynique du curé surle mariage alors même qu'il unit Mathilde àDarzac. Le ton est donné d'entrée pour ne plusjamais retomber. Plus vif, plus beau, plus fort,telle pourrait être la devise de Bruno Podalydèspour ce qui reste à ce jour l'une des meilleuresadaptations des œuvres de Gaston Leroux (etd'Hergé donc) à l'écran, et son meilleur film assu-rément.

LOUISA AMARAJULIEN FOUSSEREAU

L’ombre d’HergéAvec Le Parfum de la dame en noir, Bruno Podalydès affiche plusque jamais sa Tintinophilie en poursuivant les aventures deRouletabille... pour notre plus grand plaisir !

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Le Parfum de la dame en noir, de Bruno Podalydès avec Denis Podalydès, Jean-Noël Brouté, Pierre Arditi, Sabine Azéma...Sortie en salles le 14 septembre

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CINÉ & BD

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ZIC & BD

el le Guide du rou-tard de la forêt ama-zonienne, ce manuelde survie en milieu

métallique est indispen-sable à tout néophyte dubruit qui fait mal. Il lui per-mettra d’une part, de poserquelques jalons dans lelabyrinthe gras et saturé debasse des noms de courantsou de groupes, et d’autrepart, de rassembler deux outrois clefs pour comprendreles motivations profondes duchevelu headbanger. Ilserait en effet regrettable,surtout face à un amateur deces délicates sonorités fai-sant tournoyer une hacheau-dessus de sa tignasse engrognant «pieces of mutho-fuckin», de confondre néo etblack Metal. La baronne Nadine de Rotschild lefait d’ailleurs remarquer dans son excellentouvrage sur les bonnes manières : «lors d’unesoirée entre amis, veillez à respecter les goûtsmusicaux de chacun. Pour un morceau de HardRock, proposez un skeud de Heavy Metal.Saupoudrez de Goth, de Death, de Speed, deThrash, de Dark, de Grind et vous éviterez ainsiune tuerie dans la cuisine autour de la dernièrebière.» Car le métalleux est un puriste. Sesoreilles aux tympans partiellement perforés nesupportent pas n’importe quelle soupe. D’oùl’intérêt d’avoir parfaitement assimilé l’arbregénéalogique des groupes de Métal pour éviterde se prendre une bague en forme de tête demort en pleine tronche. Maîtriser AC-DC,Metallica, Sepultura, Slayer ou Nirvana est à laportée du premier mélomane venu. ApprécierNine Inch Nails, Limp Bizkit, Slipknot ou Korndemande un peu plus de doigté(s). Fredonner letitre phare des Nightwish, de Stratovarius, des

Monster Puppetts ou de Neurasthénia Holocostrelève de l’exploit. Exploit qui rapproche dange-reusement le jeune apprenti du côté sombre dela musique. «Que le bracelet de force soit avectoi !» hurle alors avec joie l’alcoolisé porteur dehache susnommé. Puis viennent les t-shirtsnoirs à lettrage gothique, les tatouages demotifs tribaux, les piercings aux endroits lesplus saugrenus, les visites au cimetière. C’est àce moment-là que vous aurez le plus besoin decet excellent ouvrage et de ses conseils bienve-nus : «en toutes circonstances, aie l’airméchant», «croise les bras», «reste silencieuxpar moment, mets un bonnet», «rajoute n’im-porte où un pentagramme, une croix à l’envers,et un peu de gothique, y’en a jamais trop», «faisla gueule en croisant les bras, ajuste ton bonnetet fais une figure de kung-fu avec les jambes», etenfin «surtout ne réponds jamais "j’écoute detout" (ça fait tarlouze)».

THIERRY LEMAIRE

Le Métal ? En hurlant, bien sûr !Après le reggae et le rap, Ptiluc, Joan et Harty s’attaquent cette foisà du lourd, du heavy. Un bréviaire à conseiller aux accros de Métal,et aux autres.

T

zoomLa Cédille «Vu du large» Chocolate Fireguard

Épatante, racée,cette formationfrançaise expa-triée à Londrespour enregistrerune pépite. Hiphop flirtant avec

l’acid jazz, textes riches, guitare etcuivres au diapason. Un album auson irréprochable, puissant maisexécuté en finesse. La Cédille n’apas volé de tourner avec TheHerbaliser et DJ Vadim.

Keep in time «A Live recording»Ninja Tune/Pias

Batteurs ou toxi-cos du tempo, ceprojet dédié aurythme est faitpour vous ! QuandDj Shadow,Ammoncontact et

autres trublions de la scène électrorencontrent de légendaires batteursparmi lesquels Roy Porter et EarlPalmer, la terre tremble ! L’albumest accompagné d’un DVD docu-mentaire comprenant cette sessionextraordinaire et des images studiorares.

JÉRÉMY FRAISE

dEUS «Pocket Revolution» V2 Music

Après un IdealCrash ciselé maisun peu hermé-tique, les belgesde dEUS revien-nent avec ce nou-vel opus beaucoup

plus immédiat, trépidant même,énorme album de rock où les gui-tares rageuses (Bad Timing, SunRa) répondent à des mélodiessouples et délicates (What we talkabout, le parfait morceau finalNothing really ends). Hormis lapochette pâlotte, une réussite com-plète. À découvrir sur scène, avecune dizaine de dates dans toute laFrance.

Heavy Trash «Heavy Trash»Yep Rock

Fan de «Rock N'Roll Yeah Baby»mais déçu par lemanque de pêchedu dernier BluesExplosion ? Voilàla solution ! Et

l'explication : Jon Spencer avaitbalancé tout son venin et sagouaille dans ce projet parallèle.Voix sexy en diable, plaisir dechaque note claquée et éructée,ballades de crooner : n'essayezmême pas de résister, Elvis vientde redescendre sur Terre !

ALEXANDRE MANGINAccros de métal, de Joan-Harty-Ptiluc,

ALBIN MICHEL, 56 P. COULEURS, 12,50 €

«Les Oulhamr fuyaient dans la nuit épouvantable […]le feu était mort !», cette fameuse phrase de l’incipitde La Guerre du Feu (1909), roman de J.H.Rosny Aîné, a marqué grand nombre de lec-teurs, dont René Pellos qui en réalisa uneadaptation BD de 1950 à 1951 dans l’hebdoma-daire Zorro. En 64 pages, vous revivrez dans sesteintes originales les tribulations de Naoh en quêtedu feu et aux prises avec les mammouths. (GLÉNAT,COLL. Patrimoine BD, 20 €)

M comme Mammouth

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ACCROS DE MÉTAL ©Joan / Albin Michel

N°2 sept-oct 2005 13 ZIC & BD

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a collection Blandice est une bénédiction,et si Redolfi n’est pas un génie, alors Zoopeut vendre des articles de pêche ! À 25ans seulement, son trait est déjà la

signature d’un très grand, en témoigne l’universqu’il parvient à créer, et ce n’était pas chose aiséeen adaptant un chef d’œuvre de NicolasVassiliévitch Gogol (1809-1852). Certains ne s’ysont pas trompés, à l’instar d’un lycée grenoblois

dont une fine équipe a remporté au mois de maidernier la deuxième édition du concours nationalJeunes citoyens reporters, organisé par le Sénatet le Ministère de l’éducation, grâce à leur repor-tage sur Tommy Redolfi et sa «perspective».L’occasion rêvée de braquer à nouveau les projec-teurs sur cet album déroutant.Qui a eu la chance et l’audace d’aller à St-Petersbourg sera ravi au sens strict du terme, lesautres recevront cet album comme un choc. Deuxamis, le peintre Piskariov et le lieutenant Pigorov,conversent sur la magnifique Perspective Nevskilorsque soudain, deux femmes les captivent litté-ralement et les forcent à se séparer. Ce qui s’an-nonce comme un jeu va progressivement virer aucauchemar. L’un paiera de sa vie le coup de foudrepour une catin sublime, l’autre encaissera un cui-sant échec agrémenté de coups pour s’être éprisd’une jeune allemande mariée ; à bon entendeur…

L’histoire d’une double méprise, rappelle l’édi-teur, entre songe – voire délire – et réalité. Atmosphères vaporeuses, brumes et brouillardssquattant les cases au gré du temps, personnagesaux visages émaciés, cernés, qu’on pourrait croi-re un pied déjà dans la tombe. Ce rendu visuel estd’autant plus marquant qu’il relève d’abord dumerveilleux, du conte, mais la fable n’a rien denaïf. Le dessin est inquiétant dès lors qu’on le

regarde plus d’une seconde, il faut toujours son-der le dessin de Redolfi dans ses moindresdétails. Le regard des personnages recèle uneangoisse susceptible de mettre mal à l’aise, etque l’on ressent dans de nombreuses œuvres deGogol, parmi lesquelles l’impitoyable quoiqueburlesque Journal d’un fou. Des ruelles glauquesaux chambres en désordre, jusqu’à ces gouttes delaudanum plongées dans un verre d’absinthe, rienn’est laissé au hasard. C’est dire à quel pointRedolfi s’est effacé pour servir le texte, pour y res-ter fidèle mais bûchant comme un forcené pour lemettre en valeur, lui redonner un second souffleet une nouvelle forme. Le rythme et la singularitédu dessin interdisent de douter du fait que l’au-teur ait été habité par l’œuvre en train de se(re)faire. Au final, cette Perspective Nevski, saufcécité ou jalousie, devrait faire date. Une claquemonumentale !

JÉRÉMY FRAISE

LIVRES & BD

La Perspective RedolfiLa célèbre nouvelle de Gogol adaptée par un jeune prodige, TommyRedolfi, qui a su traduire en images troubles l’univers inquiétant del’écrivain russe. Pari fou mais gagné !

L

zoomCap Horn, de Francisco Coloane,traduit de l’espagnol (Chili) parFrançois Gaudry, Éditions Phébus,Collection Libretto, 192 P., 7,50 €

L’autre chef-d’œuvre deColoane, l’auteurde Terre de Feu,dépeint le grandSud chilien commeun territoire hosti-le et fascinant,peuplé de rares

hommes dont la rudesse n’a d’égaleque la solitude. Il faut absolumentdécouvrir ces nouvelles épurées,brutales et virtuoses, chroniques dela vie des bergers et pêcheurs dubout du monde.

On s’habitue aux fins du monde, deMartin Page, Le Dilettante, 288 P.,19, 50 €

Le quatrièmeroman de l’auteurde Comment jesuis devenu stupi-de – adapté en BD– est l’histoire sen-sible et senséed’un jeune produc-teur qui dérape

suite à une rupture et se relève.Jouant sur les faux-semblants, l’airde rien, Martin Page nous interrogesur les véritables fondements desrelations amicales et amoureuses.

L’œil nu, de Yoka Tawada, traduit del’allemand par Bernard Banoun,Éditions Verdier, 208 P., 13 €

Une jeune vietna-mienne se retrouveà l’Ouest avant latombée du rideau defer. Échouée à Parissuite à de rocambo-lesques aventures,elle apprend à vivreclandestinement

dans un monde dont elle ne connaîtni les coutumes ni la langue, sansparvenir à rejoindre le sien.L’écriture sobre de Tawada convientparfaitement au récit sans emphased’une déracinée.

Africa Soul, d’Albert Russo, Xlibris(xlibris.com), 80 P., 23 € (éditionnormale), 30 € (édition de luxe)Ce très beau livre de poèmes et dephotos est un hommage vibrant auxmultiples charmes de l’Afrique(Russo est né au Zaïre). La premièrepartie concerne le Sénégal et lesphotos d’Elena Peters en fin de volu-me déplacent le décor dans uneAfrique centrale trop peu connue.Albert Russo a récemment publié unroman captivant qui a pour théâtreIsraël, La tour Shalom, et un recueilde référence, Tour du monde de lapoésie gay, tous deux parus aux édi-tions Hors Commerce.

JÉRÉMY FRAISE

A l’instar de son œuvre, Mœbius est singulière-ment polymorphe. Né en 1938, Jean Giraud, ditGir ou Mœbius, manifeste très tôt de l’intérêtpour la science fiction et le fantastique. Depuis2000 (date de l’édition japonaise), la France étaitprivée d’un manga revisitant le mythe d’Icare, issud’une collaboration prestigieuse de Giraud avecle japonais Taniguchi (au dessin). Les éditionsKana rendent Mœbius au peuple français, Icareparaîtra en octobre 2005 (160 P, N&B, 18 €).

M comme Mœbius

La Perspective Nevski, de Tommy Redolfi,d’après la nouvelle de Gogol,

PAQUET, 76 P., COULEURS, 15 €

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ART & BD

zoom

rai régal pour les papilles rétiniennes quise mesure aisément aux battements decœur perçus lorsque vos doigts caressentle coin de la page pour passer à la suivan-

te. Le choc visuel dépasse à chaque fois imman-quablement vos espérances.Le travail de Jacques de Pierpont balance avecgrâce entre figuration stylisée et abstraction, avecune économie parfaite du dessin, n’utilisant ainsique quelques traits pour représenter la façaded’un immeuble à la manière d’un Mondrian dansses premières recherches cubistes. La couleur esttravaillée sur le même mode, tout en retenue, ensubtiles variations de teintes qui laissent uneimpression de sérénité, de religiosité même, enosmose avec le récit de Lambé où les émotions, dejoie ou de tristesse, ne sont jamais exacerbéesmais étroitement mêlées. La couleur est délavée, comme si la pluie inces-sante de l’histoire avait détrempé les pagesmêmes de ce livre, comme elle le fait d’ailleursaussi pour les mots, «me noyer de fatigue», «unevague de suicides»... Venons-en au texte juste-ment. Si le travail graphique est exceptionnel, ilsert à merveille un récit et une écriture tout aussiétonnants. C’est l’histoire d’un couple, elle estsage-femme et s’appelle Maya, lui est maître-nageur mais on ne saura pas comment il senomme. Comme toutes les histoires d’amour, ellescommencent bien en général, «j’étais avec Maya ettout coulait de source» et puis parfois c’est la dé-rive, l’évidence des débuts laisse place au doute et

à la désillusion. «C’est arrivé. Pourtant, c’estimpossible d’y croire». Le narrateur fait penser àl’Étranger de Camus, il semble atteint de la mêmetorpeur, une étrange passivité devant les événe-ments, «j’ai suivi ses pas, la trace mouillée de sesbeaux pieds sur le carrelage bleuté», «Je me suissenti vide à l’intérieur. Comme s’il n’y avait pluspersonne en moi», et ce sentiment déprimantd’impuissance grandit lorsque le déluge qui s’abatsur le monde prend l’allure d’un cataclysme iné-luctable. L’angoisse disparaît le temps d’un flash-back sur les jours heureux, ceux de l’emménage-ment de Maya avec son ami. «C’est elle qui a tenuabsolument à emménager au dernier étage, pourla vue.» Mais le souvenir bleu ciel laisse vite placeaux couleurs boueuses du présent. La fin enso-leillée, saturée de jaune, est d’une poésie à couperle souffle.«L'art disparaîtra à mesure que la vie aura plusd'équilibre... Nous n'aurons plus besoin de pein-tures et de sculptures, car nous vivrons au milieude l'art réalisé.» Avant que cette prophétie deMondrian ne se réalise, précipitez-vous !

ÉRIC BORG

La BD selon MondrianPourquoi risquer l’averse à la recherche d’une exposition de pein-ture improbable alors qu’il suffit de rester tranquillement chez soiet vibrer à chaque page de La pluie.

V

Jeux optiques et cinétiquesÀ la fin des années 50, dans lalignée de fondateurs tels queVasarely ou Albers, des artistes pro-posent des œuvres abstraites jouantavec divers effets sensoriels. Miseen mouvement, jeux de lumière,illusions d’optiques… invitent lespectateur à se mouvoir et à s’inter-roger sur ses perceptions. L’artoptique (dit aussi Op art) et l’artcinétique sont nés. Curieux, ludique,scientifique, ce courant va être sou-vent associé aux expériences dudesign et de la mode des années 60,bénéficiant d’un relatif succèspublic, avant d’être peu à peu dédai-gné et oublié. Une intéressanteremise en perspective d’une pageimportante de l’histoire de l’art.L’œil moteur. Musée d’art moderneet contemporain de Strasbourg.Jusqu’au 25 septembre

Cassandre, affichiste moderneAdolphe Mouron, alias Cassandre,est sans doute l’un des pluscélèbres affichistes de l’entre-deux-guerres. À son nom sont associéesquelques affiches connues, tellescelle du paquebot transatlantiqueNormandie ou celle de la compa-gnie des Wagons-Lits. Leur esthé-tique épurée et monumentale, ins-pirée notamment des avant-gardesfuturiste et constructiviste, renou-velle totalement le genre.L’exposition présente ses oeuvresdes années 20 et 30 et rappelle éga-lement, à travers l’exposition dedépliants et de catalogues, queCassandre fut aussi un graphiste etun typographe talentueux.Paris, Bibliothèque Nationale deFrance, 58 rue de Richelieu.Du 20 septembre au 4 décembre

Jeunes talents

36 artistes reconnus, parmi les-quels Nan Goldin, Daniel Buren ouencore Fabrice Hyber, patronnentdes jeunes pousses de leur choix.Sur ce mode de sélection original,l’exposition «J’en rêve» présente 58artistes âgés de 20 à 25 ans.Sculpteurs, vidéastes, peintres etphotographes de toutes nationali-tés, sont présentés dans unensemble éclectique marqué parl’art du détournement et l’ironie. Paris, Fondation Cartier, 261 bdRaspail. Jusqu’au 30 octobre

CLARISSE BOUILLET

De

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La Pluie, de Lambé & De Pierpont, CASTERMAN, 160 P., COULEURS, 16,75 €

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Super pouvoirs en lignezoomNeed for speed underground 2,pour NINTENDO DS, ELECTRONICARTS, 43 €

Dans cette versionportable, il s’agittoujours de traver-ser de nuit lesvoies expressd’une ville etdécrocher le pon-

pon à savoir spoilers, jantes en aluet nitro pour personnaliser et boos-ter les performances de son bolidede poche. Les graphismes sont fins,on a évité le pire, genre courses devoitures en carton, et l’impressionde vitesse convaincante rend ce jeuattrayant à défaut d’originalité.

Donkey Konga 2,pour GAME CUBE, NINTENDO, 60 €

Donkey Kongarevient pour ceuxqui n’aiment paspratiquer le djum-bé à la plage etpréfèrent y joueren canapé. Plusorienté multi-joueurs, il faudratoujours taper sur

les tamtams en suivant les rythmesdes chansons pour remporter la vic-toire, débloquer les chansons et selancer dans des mini-jeux demémoire ou tétris. La sélectionmusicale peut surprendre, d’unstandard de la BO de Pulp Fiction àEnjoy the silence de Depeche Mode.

STÉPHANE URTH

Jade Empire, POUR XBOX, MICROSOFT, 60 €

L’histoire se dérou-le dans un universfortement inspiréde Chine médiéva-le mâtinée demagie et de tech-nologie. Vous yincarnez l’élève,jeune et immensé-

ment doué, d’une école d’arts mar-tiaux dont le maître a été enlevé.Dans votre quête pour le retrouver,vous rencontrerez nombre d’alliés etdécouvrirez que votre destin estétroitement lié à un complot politi-co-divin que vous devrez résoudre.L’un des points forts du jeu résidedans son atmosphère. Celle-ci estdesservie par des graphismessplendides qui exploitent à merveilleles capacités de la console. Les pay-sages sont grandioses et les cos-tumes, très détaillés, collent parfai-tement à l’univers onirique extrême-oriental. La bande-son n’est pas enreste. Les différents thèmes, tantôtsubtils, tantôt martiaux, portent par-faitement les ambiances et les dou-blages de qualité donnent une grande justesse aux personnages.

FANCHE

Art Rimbor, parle-moi de taville, Parangon City, c'estquoi?Parangon City, c’est la seuleville pourvue d'un superhérospour un demi-habitant.

Et qu'es-tu venu y trouver?Jusqu'ici je ne jouais qu'à desmmorpg (jeu de rôle massive-ment multijoueurs) gratuits etdonc pas très jolis (Ultima onli-ne, Anarchy online, Lapin onli-ne). J'attendais l'arrivée d'unnouveau mmorpg à adopter, orme balader en collants et dis-tribuer des mandales, çam'amuse.

L'anniversaire de la mort deChristopher Reeves a suscitéun rassemblement de super-men dans les buildings deParagon City. As-tu observéou participé à de tels phéno-mènes ?Je n'ai pas vu ça. Le jeu est tourné vers le team-game essentiellement. Mais il est rare de voir degrandes manifs communes et c'est un peu leproblème des mmorpg. On cherche à augmenterles capacités de son perso pour voir jusqu’où vale jeu. On se sent aussi pressé de rentabiliserson abonnement. Les joueurs n'arrivent pas àfaire des mouvements de masse amusants, saufen cas de péril. Le massacre d'une pieuvre géan-te à Independence Port (ce qui m'apporta l'in-signe de «mangeur de sushis») est pour moi ungrand souvenir de joueur. 50 superhéros quivolent courent, crient et se font laminer par destentacules, c'est beau. J'ai aussi combattu unbonhomme de neige géant.

Le jeu se concentre beaucoup sur les combats.Mais communique-t-on aussi entre joueurs ?La grande faiblesse du jeu est que, justement, onne fait que taper, et surtout, on ne fait que taperdes persos dirigés par l’ordinateur. Le pvp(joueur contre joueur) manque cruellement,mais les développeurs devraient remédier à ça. Ily a énormément de messages entre joueurs. Laplupart se contentent de donner des ordres d’at-taques tandis que certains forcenés jouent à fondleur personnage, ce qui est bien plus amusantque de faire du pif paf pour accumuler les pointsd’expérience.

Independance Port... Y a-t-il une histoirepropre à ce lieu, des échanges économiques?Il y a une histoire propre à chaque lieu de la ville,

comme l’ont imaginé les concepteurs du jeu,mais les joueurs s'en tapent la plupart du temps.À moins que tel endroit rappelle la fureur d’unebataille passée. Des échanges économiques, pasplus que ça, on peut se refiler des items qui aug-menteront la puissance de nos pouvoirs.

Présente-moi ton personnage.Art Rimbor est un poète superhéros, un petitnerveux qui tape très vite. Le cri de guerre qu'illâche avant chaque rixe est «POUR LEDÉRÈGLEMENT DES SENS !» Il dit des trucsétranges, cite René Char après une batailleépique ou tout simplement quand il s'ennuie. Il ala gueule de Rimbaud aussi, sauf qu'il est vêtu deblanc avec de violents motifs rouges lui remon-tant le long des jambes et une cible rouge sur lapoitrine. Le poète brûlant son existence. Sesyeux sont brillants comme ceux d’un voyant.

C'est quoi l'ennui dans un mmorpg ?L'ennui dans un mmorpg c'est quand ça ne faitque taper.

PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE URTH

City of Heroes, sur PC, NC SOFT, 40 €

JEUX & BD

Avant la sortie toute prochaine de sa «séquelle» City of Villains, tou-jours dédiée aux pécé-istes, revenons avec le sieur Rimbor sur Cityof Heroes et son super théâtre des opérations, Paragon City.

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BD

zoomMANGAS

Hellsing T.5, de Kohta Hirano, TONKAM, 192 P., N&B, 7,50 €

Dans le tome 4 deHellsing on entraitdans le vif dusujet : Alucard, ledandy cool recrutépar l’organisationsecrète luttantcontre les vam-pires, trouvait un

adversaire à sa mesure : un abomi-nable nazi cherchant à se faire unearmée de vampires-zombies pouranéantir le monde… Kohta Hiranomélange tous les registres de l’hor-rible occidental pour abreuver ensang frais l’obsession toute japonai-se des vampires : pas propre, maistellement bon, et ambitieux.

B.J

L’arbre au soleil, T.4, d’OsamuTezuka , TONKAM, 256 P., N&B, 9 €

Roman historique,L’arbre au soleilbrosse le tableaudu Japon de la finde l’ère Tokugawa,au XIXème siècle,quand lesOccidentaux cher-chent à imposerleurs traités com-

merciaux à l’archipel encore engon-cé dans un conservatisme médiéval,refusant par exemple la «médecinehollandaise». Avec humour et crudi-té, Tezuka rappelle après Black Jackson intérêt pour la médecine, etprône l’ouverture internationale touten exposant les arcanes de la poli-tique de l’époque, en suivant l’itiné-raire d’un samouraï chargé de proté-ger l’ambassadeur américain.

B.J

Gantz T.12, de Hiroya Oku, TONKAM,192 P., N&B, 9 €

Qui sera capable destopper le tueur foude Shinjuku ? Unhomme masquéabat froidementdes centaines depersonnes dans lesrues de ce quartierbondé de Tokyo.

Plus de la moitié du tome 11 décri-vait l’incroyable massacre et notam-ment deux scènes de combatmémorables, d’un suspense extrê-me. Oku s’inspire superbement del’esthétique de Matrix et possède unsens du cadrage efficace, alternantplans d’ensemble et inserts. Auximages ultra-violentes, s’ajoutentquelques illustrations très sexy dansles têtes de chapitre ! Pour lecteursà vertiges uniquement...

É.B.

Strips abrasifs

n se demande cequi a bien pudécider les édi-tions du Lombard

à publier cet album, tant ilest loin de l'univers de labande dessisnée franco-belge traditionnelle qu'ilséditent habituellement. Onse demande bien... maisqu'est-ce qu'on est contentqu'ils l'aient fait ! C'estinsolent, politiquementincorrect et peuplé de per-sonnages complètementabsurdes... Kinky et Cosyest un véritable ovni, dugrand n'importe quoicomme on aime !«Kinky et Cosy sont bêtescomme tout le monde, maiselles ne s’en cachent pas».Nix donne le ton. Dans sonmonde, les pompiers sontdépressifs, les policiersflemmards, les médecinsdouteux, les ménagèresadeptes du vibromasseur,et ses petites héroïnes,drôles de jumelles en roberouge, boivent des bièresau bar avec des extra-ter-restres. Et dire qu'aprèsleur instituteur s'étonnequ'elles trouvent que «lefistfucking, c'est plutôtartisanal» ! Les bras nousen tombent devant l'imper-tinence avec laquelle Nixjoue de ses personnages.Un album qu'il place entre«le follement bizarre et lenaïvement charmant».Publiés dans le quotidienHet Algemeen Dagblad, cesstrips au graphisme joyeuxet aux couleurs flashiessont aussi simples qu'effi-caces ... Même s'il se défend defaire un album dénoncia-teur, Nix pose un regard féroce sur notre société :«Le côté politique n'est pas le but du livre. Mais jene pourrais pas écrire des strips sans messagecaché. Ce serait trop stérile et sans engagement.En plus, l'humour n'est bon que s'il y a quelqu'un

qui se sent mal après.» À lafaçon qu'il a de mélanger lefaussement naïf et le cynis-me aigu, on jugerait queKinky et Cosy sont passéesdans un bain d'acide et ontété moulinées à grand coupd'humour absurde à la«South Park» ! Un auteur sous influence ?«J'ai grandi avec les bandesdessinées de Kamagurka etles séries télévisées de VanKooten & De Bie (deux comé-diens hollandais) ou desMonty Python. Mais je comp-te aussi bien les peintures deConstant Permeke ou le rockdes Stooges commeexemples». Car Nix rap-proche aussi son travail de lamusique : «Je compose mesgags comme des chansons.La bande dessinée est trèsrythmique et trèsrock'n'roll». Et ça marche, sapetite musique acide trottedans nos têtes. En tout cas, espérons queC'est encore loin ? ne resterapas l'unique tome qui paraî-tra en France. Les Flamands,eux, vont bientôt avoir lachance de découvrir le troi-sième tome que Nix est entrain de préparer. Ceux quiparlent la langue flamandepourront mieux découvrirl'auteur sur son site(www.nix.be) et voir desextraits désopilants de sonfilm d'animation TMF. Lesautres se contenteront deregarder les images, et c'estdéjà bien ! Qui a dit que l'hu-mour belge était mort ?

ALICE DAVID

À la fois pleines de naïveté et de cynisme, les petites jumelles Kinkyet Cosy revisitent notre monde sous la plume du Belge Nix. Enstrips et en provoc' !

O

Kinky & Cosy, C’est encore loin?, de Nix, LE LOMBARD, 48 p. COULEURS, 9,80 €

©Nix / Le Lombard

18 N°2 sept-oct 2005

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Kinky & Cosy par Nix

BDN°2 sept-oct 2005 19

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zoomHappy Mania Vol. 4, de MoyocoAnno, PIKA, 192 P. N&B, 6,95€

L’intrigue d’HappyMania, série en 11volumes, se réduità l’idée fixe de lajeune KayokoShigéta : trouverun petit ami. Au fildes volumes,Kayoko se consti-

tue un beau palmarès de déconve-nues, répond à ses pulsions, regret-te ses actes, jalouse ses rivales,tombe amoureuse, rejette ses pré-tendants, espère décrocher la tim-bale… le tout ponctué de petitsélans de rock’n roll qui confèrent àl’ensemble un esprit passablementdéluré.

O.P.

Baki Vol.3, de Keisuke Itagaki,DELCOURT, 192 P. N&B, 5,75 €

Baki, série trèspopulaire au Japon,ne prétend pas fairedans la romance. Àtout juste 17 ans,Baki Hanma estsacré champion decombat libre, ilreprend alors sa vie

de lycéen. Mais voilà, il existe de parle monde des combattants très vio-lents dont le seul rêve est deconnaître enfin la défaite : prenezDorian par exemple, un condamné àmort, 10 minutes de pendaison ça lechatouille à peine… Et des commelui il y en a plein, alors gare à tesfesses jeune représentant du Bien !

B.J

Manju, de Nekojiru, IMHO, 112 P.N&B, Udon vol 1, de Nekojiru,IMHO, 152 P N&B, 9 € chacun

Bienvenue dans lemonde de Nekojiru,où les héros sontdes chatons et oùl'ambiance estfurieusementabsurde. Sous desairs de gentillespetites histoires,

cruauté et méchanceté sont au ren-dez-vous. Dans Manju, deux cha-tons en quête d'aventures se révè-lent plus que diaboliques. Dans lerecueil de nouvelles, Udon vol. 1,l'auteur imagine un combat impro-bable entre ses héros et la mort. Lecynisme a du bon !

A.D.

Princesse Saphir, T.3, d’Osamu Te-zuka , SOLEIL, 224 P., N&B, 6,95 €Avant la grande redécouverteactuelle de Tezuka au moyen demultiples rééditions de qualitésdiverses, le public occidentalconnaissant son travail par deux

Jodorowsky ou l’art de la mutilationDepuis des années, Jodorowsky occupe le devant de la scène BD. Leprintemps 2005 ne fait pas exception avec la sortie du tome 4 deBouncer et du tome 7 des Technopères (Les Humanoïdes Associés).L’occasion d’une rencontre avec le génial touche à tout qui distille lesrévélations, vraies ou fausses, avec gourmandise.

La première scène du Bouncer est mémorable.Elle rappelle les films de Peckinpah. Êtes-vousinspiré par les westerns ?J’ai surtout essayé de ne pas suivre de cinéastes.On a trop vu ça. Moi je pense que la BD est un arten soi-même et c’est une honte que pour des inté-rêts économiques on copie Peckinpah, Ford, etc.J’ai toutefois une relation avec Peckinpah dans lecinéma, mais c’est une relation de pauvre. Parceque, quand j’ai tourné mon film El Topo, j’ai utilisétous les débris que Peckinpah avait laissés auMexique : ses techniciens, les chemins qu’il avaitouverts dans la montagne, la vieille cité, j’ai toututilisé. Je remercie donc Peckinpah pour sesordures mais pas pour l’inspiration du Bouncer.

Possédez-vous une vraie culture western ?Oui, oui, j’ai toujours lu des westerns, surtout deswesterns espagnols. En septembre va sortir unlivre de moi qui s’appelle Le maître et le magicien(Albin Michel), que j’ai fait en hommage aux créa-teurs de CowBoy à l’époque de Franco. Ils ont fait

ça pendant 40 ans. Chaque semaine ils sortaient unroman que tous les jeunes achetaient. Je me suiségalement beaucoup inspiré de Shakespeare. Cen’est pas mon maître, mais c’est le but à atteindre.Avoir la même force que ses pièces de théâtre. Jeme suis d’ailleurs toujours inspiré des Classiques.Par exemple, pour les Méta-Barons, je me suistapé 12 heures des Atrides au Théâtre du Soleil,j’avais le cul en marmelade et une grippe. Maisj’étais obligé car un de mes fils y jouait. Et en ren-trant chez moi, j’ai dit «c’est ça qu’il faut faire». J’aicompris qu’il fallait faire une tragédie avec un arbregénéalogique complet, et tout ça. Et pour leBouncer, j’ai lu les œuvres complètes deShakespeare.

La mutilation est un thème majeur du Bouncer,avec notamment le personnage de mocho. Quelmocho êtes-vous ? Qu’avez-vous perdu ?J’ai perdu mon prépuce. J’ai été circoncis. J’ignorece que c’est d’avoir un prépuce. Ça doit êtrequelque chose de doux qui t’entoure. Moi je me

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BD

zoomséries animées àsuccès diffuséesdans les années1980 : Astro Boybien sûr, maisaussi PrincesseSaphir, cettejeune fille noblequi se prend pour

un garçon et se trouve au cœur desquerelles de succession desroyaumes de Goldland et Silverland.Traitant avec plus d’humour et decandeur enfantine qu’un Lady Oscarle thème de l’androgynie, lesvolumes se lisent surtout pour lacapacité du maître à truffer sonrécit de péripéties féeriques.

B.J.

Usagi Yojimbo T.5, de Stan Sakai,PAQUET, 3,95 €

L’histoire se dérouleau temps du Japondes guerres civiles.Lors d’une terriblebataille, Usagi lelapin samouraï perdson Maître, etdevient un rônin.C’est autour d’ani-

maux anthropomorphes particuliè-rement attachants que Stan Sakaifait évoluer son manga, non sansl’agrémenter de quelques pointesd’humour ou de quelques invitéséphémères, comme les TortuesNinja, ou encore Godzilla. Le résul-tat : un manga séduisant, touspublics, et de surcroît peu coûteux.

J.M.

20th Century Boys, de Urasawa,Panini comics, 208 P., N&B, 9€

Comment des pré-dictions de fin dumonde imaginéespar des enfants,peuvent se réaliseravec une précisiondiabolique ? Mêmesi l’intrigue de cethriller est com-

plexe, vous pourrez entrer enmarche sans problème et devien-drez accro comme tout le monde.Jonglant avec 3 époques (1970, 2000et 2015), ce manga, primé àAngoulême en 2004, brille par sondessin clair et expressif, sa narra-tion virevoltante, son suspense tor-ride et - malgré son sujet délirant -un réalisme étonnant des person-nages et des situations !

E.B..

BD EUROPÉENNE

Les passe-murailles T.1 , de J-L.Cornette & S. Oiry, Les Humano-ïdes Associés, 48 P., COUL., 10 €Excellente surprise que ce premieralbum de deux jeunes auteurs quiferont sans doute parler d’eux. Ce

PREMIÈRE CASE DE L’INCAL NOIR. À GAUCHE LA VO DE1981, À DROITE LA RÉÉDITION DE 2003 (COULEURS DE VALÉRIE BELTRAN)

mets le pantalon et ça m’irrite. Je n’ai aucunedéfense. Et pourquoi on m’a coupé ? Qu’est-ce queça signifie ? Pour qu’il y ait Dieu dans mon sexe ?C’est l’alliance avec Dieu. Pourquoi ? C’est Dieu quiveut être allié avec moi ? Pourquoi je ne peux pasnaître avec déjà une alliance ? Qu’est-ce que c’estça ? C’était terrible. Mon père avait un frère et ils sedétestaient. Mon oncle m’a soigné les dents et ilm’a mis des bridges, alors il m’a mutilé des dents.Et chaque matin je vois que j’ai moins de cheveux.Tu vois, ils tombent. Je commence à avoir un troupar ici, tu vois. Je suis mutilé. J’ai un goitre quicommence à me pousser là sous le menton, maispeut-être que je vais le couper pour en faire un pré-puce. (rires)

Vous êtes donc plusieurs fois mocho.Quand j’avais sept ou huit ans, j’avais une collectionqui s’appelait Les trésors de la jeunesse, en 22tomes, comme les arcanes du tarot. Et je savaistout. J’ai commencé à lire quand j’avais cinq ans etil y avait la collection complète dans la bibliothèquede mon petit village. J’étais un enfant qui savaittout. J’avais tout lu. Et tout d’un coup, mon père medit «on part pour Santiago du Chili» qui était à 1000km. Il m’a coupé de mon village natal, de mon para-dis. J’ai perdu la mémoire. Je dis qu’on m’a ampu-té de ma mémoire infantile par ce déplacementabusif, sans me préparer. C’est une des plus gran-de mutilations que j’ai eues. Quand on perd son ter-ritoire, on est mutilé. Une autre mutilation c’estn’avoir pas eu de caresse d’une mère. Je ne merappelle pas que ma mère m’ait embrassé oucaressé. Parce que j’étais l’enfant d’un viol. Mamère détestait mon père. Je n’étais pas un enfantvoulu. Qui ne se rappelle pas de sa maman ? Moi jen’en ai pas eu. En n’étant pas orphelin. J’étaismutilé de la présence maternelle. Bon, si je te distoutes les mutilations que j’ai eues, ça en fait beau-coup.

Vous avez récemment rencontré une femme de110 ans qui vous a redonné le moral. Vous aviez unpetit coup de blues ?Pas du tout. Moi j’ai des contrats pour faire des BDpendant 10 ans. Et je ne me voyais pas faire de laBD jusqu’à 86 ans. L’unique problème que j’ai avecl’âge, c’est le miroir. Avant c’était formidable, etmaintenant on fabrique tellement mal les miroirsqu’on se voit horrible. À part ça, ça va. Mais je medemandais «quand est-ce qu’on vieillit ?» Peut-être à 86 ans ? J’ai vu que cette femme de 110 ansétait ravie. Elle m’a dit «je regrette de ne pas enavoir 90 pour te séduire». Bon, alors ça va ! J’aidécouvert que scientifiquement les cheveux de lanuque et les ongles sont faits pour durer 150 ans.Et les yeux 200 ans. Bon, alors si on a des élémentsdans le corps qui peuvent vivre longtemps, ça veutdire qu’on a un espoir de continuer à écrire jusqu’àau moins 110 ans.

Dans vos œuvres, vous utilisez beaucoup les arché-types, la tragédie grecque, le sacré. Est-ce quevous vous sentiriez capable de réaliser des his-toires plus intimistes à la Trondheim ou à laPeeters ?Ça, je le fais quand j’écris des romans, mais pasdans la BD. Parce qu’on travaille avec un dessina-teur, alors c’est très égoïste d’écrire une histoireintimiste si toi tu ne dessines pas, parce que le des-sinateur sera contraint à faire quelques petitsdécors et à répéter énormément les personnages.Pour faire ça, il faudrait que je dessine pour ne pasembêter un dessinateur en lui fixant des limites.Quand on fait une saga, c’est pour le dessinateur,qu’il aille à fond dans le visuel. Les histoires inti-mistes ne sont pas visuelles, elles sont littéraires.

Vous avez l’habitude de collaborer avec des vir-tuoses du dessin, comme Mœbius, Bess ou Boucq.Vous n’avez pas envie de collaborer avec des dessi-

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nateurs qui ont un autre style commeLarcenet ou Sfar ?Non non non. Je ne peux pas m’inspirer d’un dessi-nateur qui exhibe ses faiblesses. Les dessinateursque tu me cites sont très très limités au niveau dudessin. Ce sont des auteurs qui utilisent le dessinpour éclaircir leurs mots, mais je ne peux pasaccepter que ce soit du dessin. Ça ne m’inspire pas.Je serais tout le temps en train de mépriser le des-sin. Je cherche les meilleurs dessinateurs pos-sibles. J’ai fait Borgia avec Manara. C’est le seulavec lequel j’ai décidé de faire un roman historiqueparce que les autres n’étaient pas à la hauteur. Çaaurait limité ma créativité. Je ne pourrais pas avecSfar ou les autres faire Borgia. Ridicule ! Ils nedominent pas le dessin. C’est la vérité. C’est un des-sin gauche, une caricature. Moi je cherche les per-sonnes qui soient des vrais génies du dessin, que jepuisse admirer comme dessinateurs. Ça ne veut pasdire que je ne les admire pas comme écrivains. Leshistoires du Chat et du rabbin sont hyper amu-santes. Le dessin a son charme mais ça ne m’inspi-re pas. Ça inspire celui qui le fait. Ce sont des écri-vains. Je n’ai rien contre eux, je les lis. Et je m’amu-se comme un fou. Mais je ne peux pas collaboreravec eux.

Pour conclure, parlez-nous de vos prochains pro-jets.Je collabore avec un jeune qui s’appelle José

Ladronn avec qui je vais faire Après l’Incal. Il est for-midable. J’ai arrêté la série avec Moebius. Il est fati-gué. Il a beaucoup de travail. Et ça demande untemps fou. Donc je recommence la série avecLadronn à partir du tome 1. Il y a aussi Das Pastoras,avec qui je travaille sur les Méta-Barons. Quand tuvas voir ça, tu seras émerveillé. C’est de l’art pur. Ila fait une bataille de deux pages avec 400 personnesqui se battent, toutes différentes, toutes mer-veilleuses. On va parler de Das Pastoras dans l’an-née qui vient. Et puis Spielberg est très intéressé parle Bouncer. Ce sont des rumeurs qui sont arrivées ànos oreilles. Et Clint Eastwood aussi. Mais ils atten-dent qu’on finisse l’histoire. Alors on a dit, bon, il vafalloir attendre une année. Ils ont dit «on a beaucoupde projets». D’accord, mais on va attendre uneannée, on verra. J’ai envie que ça se fasse parce quej’ai envie de m’acheter une maison à Paris. Parceque j’en ai marre de ne pas avoir de racines. Je veuxcoller mes chaussures à un parquet.

PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY LEMAIRE

BD

zoompouvoir de passerà travers les mursou les objets sertde fil conducteur àquatre histoiresdistinctes où l’idéeest exploitée defaçon toujours sur-prenante. Et la

magie opère, plutôt quatre foisqu’une : scénarios parfaitementconstruits, personnages touchants,dialogues ciselés, dessins et cou-leurs d’une sobriéte et d’une subtili-té rares... Un sans-faute !

E.B.

Les Profs (Tome 8) «Fenêtre surcours», de Pica et Erroc, BAMBOO,48 P., COULEURS, 9 €

On pourrait croirela recette usée jus-qu’à la corde maisErroc et Pican’avaient pasencore tiré toutesles ficelles, lapreuve en est cetalbum croustillant

de trouvailles, d’humour un peupotache mais bien senti ! Et com-ment, à travers cette série, ne passourire en se rappelant les bou-lettes des profs, les nôtres et cellesde nos camarades de classe, ducancre au fayot ?!

J.F.

Le Poulpe «Vainqueurs et consvaincus», de Martín et Ed, 6 PIEDSSOUS TERRE,100 P., N&B, 14 €

Le Poulpe s’estencore embarquédans une saleaffaire et s’enprend à un fieffémanipulateur. Pourson premieralbum, l’argentinEd adapte avec

brio cet épisode écrit par Martín.Trait vif et collages font de cet opusune merveille d’inventivité et dedrôlerie. Album doublé d’un remar-quable CD electro-orchestral !

J.F.

Chocottes au sous-sol ! deStéphane Blanquet, LA JOIE DELIRE, 32 P., COULEURS, 9€

Qui n’a pas eupeur de descendredans le ventre dela maison et de seretrouver face àses jouets d’antandevenus pour l’oc-casion une petitearmée de sales

bêtes ?! Cet album «jeunesse» estaussi drôle que parfaitement répu-gnant, et le dessin de Blanquet n’estplus à vanter. Pour les mômes de 7à 77 ans !

J.F.

BOUNCER T.4 de Jodorowsky & Boucq, LesHumanoïdes associés, 56 p.,couleurs, 12,60 €

LES TECHNOPTÈRES T.7 de Jodorowsky, Janjetov &Beltran, Les Humanoïdes asso-ciés, 48p., couleurs, 12,60 €

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DESSINS DE DAS PASTORAS EXTRAITS DE L’ALBUM «APRÈS LE MÉTA-BARON» À PARAÎTRE EN 2006

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BD

zoom

uand on prononce le nom de KatsuhiroOtomo, c'est Akira qui nous vient directe-ment en tête. Ce manga apocalyptique atellement marqué les esprits ! Il ne faut

pas oublier que c'est le premier manga qui a étépublié en France en 1990 par les éditions Glénat.Otomo, c'est aussi Domu, Steamboy et beaucoupd'autres chefs-d'œuvre. Fin mai, l'auteur était depassage en France pour recevoir les honneurs de laRépublique. Il a été fait chevalier des Arts et desLettres le 29 mai. Exceptionnellement, il a acceptéde dédicacer ces albums, à l'occasion de la Fête dela BD, et de répondre à quelques journalistes.Rencontre avec un monstre sacré du manga.

Akira est le premier manga qui est arrivé enFrance et qui a ouvert la voie au genre. Pouvez-vous nous raconter comment est née cette série etquelles ont été vos sources d'inspiration ?Avant Akira, j'avais créé Domu. Sur cette œuvre,j'avais beaucoup de contraintes, notamment dedurée. Pour la manga suivant, je voulais avoir plusde libertés. Donc, j'ai imaginé des personnages quibougent plus librement. C'est pour ça qu'Akira estdevenue une série très longue. Vous devezconnaître Astroboy d'Osamu Tezuka qui est trèspopulaire. Ce robot m'a inspiré et je voulais fairequelque chose dans ce goût-là. Dans Akira, onretrouve un peu des traces des premières oeuvresde science-fiction japonaises. En général, j'ai beau-coup pensé aux œuvres de Tezuka quand j'ai com-mencé à écrire le scénario.

Dans plusieurs de vos histoires, on retrouve lemême intérêt pour la technologie et les machines,ainsi que la science...Contrairement à ce que beaucoup gens pensent, cene sont absolument pas mes thèmes principaux.J'utilise la technologie comme un outil pour racon-ter une histoire. Ce n'est qu'un contexte social. Jem'intéresse beaucoup plus à créer des person-nages et leur manière de vivre et d'évoluer dansl'histoire. La technologie et la science sont dessujets que j'étudie quand j'ai déjà une histoire àraconter.

En France, la violence d'Akira a beaucoup été cri-tiquée, que répondez-vous à ces remarques ?Je cherche à faire des œuvres catastrophiques,donc naturellement il y a des scènes de violence,avec des forces surhumaines ou naturelles. Çavient de mon envie de libérer une certaine énergie.La violence est une réalité. Je ne sais pas troprépondre à cette question. À une époque, il y a eucette affaire d'un jeune qui avait commis un crimequ’on a comparé aux crimes perpétrés dans Domu.Peut-être qu'il a tué quelqu'un avec un couteau, jen'en sais rien. Aujourd'hui il y a beaucoup decrimes qui sont influencés par les jeux vidéo. Doncoui, effectivement, c'est peut-être mauvais dedécrire la violence, je ne sais pas trop...

Vous avez réalisé le film avant que la série soitfinie en manga. On trouve beaucoup de différencesentre les deux, avec notamment des personnages

Légendaire OtomoVoilà un de ces auteurs qui inspirent le respect, mais qui se faitrare sur la place publique. À son dernier passage à Paris, ZOO n’apas manqué l'occasion de rencontrer Monsieur Otomo !

Q

On peut toujours rester amis, deMawil, 6 PIEDS SOUS TERRE, 68 P.,N&B, 12,50 €

Les gaufres amou-reuses du personnagedu berlinois Mawil ontde quoi faire dire àplus d’un qu’il estinutile de regretterses seize ans. Quatrehistoires, quatre ren-

contres qui ont marqué l’enfance etl’adolescence de Markus.L’expression des personnages eststupéfiante de justesse et contribueavec le texte à créer une atmosphèreun brin nostalgique, habitée d’unhumour ravageur.

J.F.

Le Petit Bleu de la côte Ouest, deTardi & Manchette, HUMANOÏDESASSOCIES, 88 P. N&B, 15,50 €

Véritable puriste dupolar, l’écrivain Jean-Patrick Manchette estmort il y a dix ans. Enhabitué des adapta-tions de roman,Jacques Tardi réin-vestit celui-ci écrit en

1976 par son ancien compère. Ons’identifiera sans peine à GeorgesGerfaut, héros tabagique et désabu-sé, digne représentant d’une sociétédont les chimères vacillent – mêmes’il est harcelé par des tueurs en slipde bain.

O.P

Le Chat du Rabbin T.4, de Sfar,DARGAUD, 48 P., COUL., 9,80 €

Le Chat du Rabbin avu Paris et il en estrevenu. Il retrouvedonc le soleil algé-rien avec ronronne-ment et prend placeaux côtés du Malkades Lions, conteur

émérite et menteur professionnel.Celui-ci, un peu en fin de carrière,tente de captiver encore une fois sonpublic par des histoires édifiantesdont il a le secret. Joann Sfar possè-de aussi ce secret ! Espérons qu’ilsoit encore bien loin de la fin de sacarrière.

THL

Quintett T.1 et 2, de Giroud, Bonin etGillon, DUPUIS, 62 P., COULEURS,13,95 €

Giroud nous régaleavec ses scénarios àla narration com-plexe. Après le Déca-logue, il récidive avecQuintett, un récit en 5parties qui conte ledestin croisé de 4

héros en Macédoine en 1916. 4 per-sonnages, 4 histoires qui s’entremê-lent, mais aussi 4 visions différentesde l’histoire ! Vous suivez ?

THL

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BD

zoom occultés (lady Miyako, Akira...).Maintenant que cette œuvre est finie,referiez-vous le même film ?Si je faisais le film aujourd'hui, il serait lemême. J'ai commencé l'adaptation dufilm avant que la série ne soit terminée etfinalement le film a influencé le manga.C'était déjà tellement dur de raccourcir lescénario de la série - qui est très long -pour en faire un film, que, oui, c'est sûr, jereferais le même !

Comment expliquer le succès planétairequ'a eu Akira ?Je n'en comprends absolument pas lesraisons !

Vous avez créé beaucoup d'autres his-toires avant Akira et pourtant on doitvous parler essentiellement de cettesérie, est-ce que ça vous énerve ? Est-ce qu'il y a d'autres de vos mangas quevous aimeriez mettre en avant?En fait, je n'ai jamais cherché à montrermes œuvres aux autres. Alors que ce soitAkira ou les autres, je n'ai jamais cher-ché à les faire connaître. Je ne relismême pas mes autres œuvres. Le jour-naliste avant vous m'a montré un exem-plaire de Domu, ça faisait des années queje ne l'avais pas vu. Qu'on me parle beau-coup d'Akira ne me dérange pas trop. Detoutes façons, c'est une de mes œuvres...Je ne peux pas juger moi-même quellessont celles qui sont mieux ou pas. Ce quime fait plaisir c'est que les gens leslisent et point final.

Suivez-vous l'actualité de la BD franco-belge ?J'ai très envie de la suivre. Mais comme je ne vienspas très souvent ici, c'est assez difficile. Au Japon,on trouve des albums, mais on en trouve un peumoins qu'il y a quelque temps.

Vous avez demandé à voir les œuvres qui ont rem-porté un prix au Festival d'Angoulême avant devenir en France, qu'est-ce que vous en avez pensé ?Malheureusement, je n'ai pas encore eu le tempsde les lire. Mais d'une manière générale, j'achètedes BD ici, en France, parce que les dessins meplaisent. Mais pour la traduction des textes, c'estune autre chose. Parfois au Japon, je trouve des BDintéressantes qui sont traduites. Sans cela, je nepeux juger que sur le dessin.

Est-ce qu'il y a des auteurs franco-belges quevous affectionnez particulièrement ?

Oui, il y en a un : Mœbius.

Aujourd'hui, on trouve de jeunes auteurs quimêlent la BD franco-belge et le manga, est-ce queles auteurs japonais s'inspirent de la bande dessi-née ?Je ne sais pas, peut-être qu'ils en lisent. Mais fina-lement non, je ne pense même pas qu'ils en lisent,ils sont trop occupés (Rires) !

Vous allez recevoir ce soir une décoration auministère de la Culture, qu'est-ce que cela vousfait ?C'est un très grand honneur.

Des projets ?Je suis en train de préparer un film en prises devues réelles. J'ai écrit le scénario et en rentrant auJapon, je vais commencer le repérage.

PROPOS RECUEILLIS PAR ALICE DAVID

Vacances sur Vénus, de GermanoZullo et Albertine, LA JOIE DE LIRE ,32 P., COULEURS, 9 €

Mr Labas et sonchat Georges par-tent se dorer lapilule au Lavandou,mais voilà qu’enguise de pernicieuxraccourci ils s’aven-turent sur une

route à la perpendiculaire du sol etéchouent sur une plage rouge deVénus ! Sur place une demoiselleélastique et une sorte de chat jauneleur tiennent agréable compagnie etau final, quelle tristesse de partir !

J.F.

Aux frontières du Quaternaire t. 2,Tranche de vie et steak de mam-mouth, de Trap et Hubesch, MILAN,44 p., COULEURS, 9,50 €

Apprendre à chas-ser, se repérerdans la jungle,explorer desombres grottes…Vivre à l’ère qua-ternaire, c’est pastous les jours facile

pour le jeune Grenouille-qui-braille !De l’humour, un dessin touchant etfaussement maladroit et des dia-logues qui font la part belle à unvocabulaire riche et varié. Plutôtréussies, ces aventures préhisto-riques du Clan du Volcan.

C.B.

Boule et Bill T.30, de Corbeyran,Chric, Ferri, Veys et Verron, DAR-GAUD, 48 P., COULEURS, 8,30 €

Jean Roba ne des-sine plus Boule etBill. Certes. Mais ila su trouver undigne successeuren la personne deLaurent Verron quis’approprie parfai-

tement le style du maître. Épaulépar quatre scénaristes, il livre untome 30 réussi où l’on trouve avecbonheur un crocodile, cinq souris, unpaon, quatre piranhas, un caméléon,une autruche, deux écureuils, unéléphant, trois pingouins et mêmeun raton laveur ! À partir de 8 ans.

THL

Lou ! t. 2, Mortebouse, de Julien Neel,GLÉNAT, 48 p., COULEURS, 8,99€

Revoici Lou, son chatet sa maman. Le pre-mier volume avait étérécompensé àAngoulême, tant il estvrai que Julien Neelsait décrire comme

nul autre, avec humour et poésie, lesaventures d’une petite fille moderne.Un récit plein d’émotion. A partir de8 ans. C.B.

�BD «JEUNESSE»

LA SÉRIE CULTE A ÉTÉ RÉÉDITÉE EN 6 TOMES CHEZ GLÉNAT EN 1999 ET 2000

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MANQUANTE

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EXTRAIT DE «CHOCOTTES AU SOUS-SOL» DE BLANQUET À PARAÎTRE LE 7 OCTOBRE

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Le dernier BlanquetSortie le 7 octobreLe dernier BlanquetSortie le 7 octobre

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L ’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O NLa recette d’Heineken n’a pas changé depuis 1886. *Pour un monde plus frais, la Heineken est servie entre 4° et 6°. www.heineken.fr