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JOABEN

Rite français

Revue du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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SOMMAIRE

Éditorial : Aux Souverains Chapitres de Rite français… ! 5Jacques-Georges PLUMET, Très Sage et Parfait Grand Vénérable,

LES ORDRES DE SAGESSE DU RITE FRANÇAIS

Actes du Colloque Toulouse 16 mars 2002

Le Rite français dans tous ses états : tradition et modernité 11Ludovic MARCOS

« Le Rite français, mythes, et réalité » 19Charles PORSET

Les Ordres de sagesse du Rite français : pour faire quoi ? 27Jean-Charles NEHR

Existe-t-il des hauts grades dans la Franc-Maçonnerie ? 35Alain BAUER Grand Maître du Grand Orient de France

L’atelier maçonnique : La Loge, le Chapitre 43Jean-Pierre LEFÈVRE

Grands chapitres 47

Auto-dérision : Tout est dans Tout 51

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ÉDITORIAL

AUX SOUVERAINS

CHAPITRES

DE RITE FRANÇAIS…

Ad Majorem G∴O∴D∴F∴ Gloriam, telleest l’éthique du Grand Chapitre Généraldu Grand Orient de France, telle est lanature de l’engagement que je contracteau nom de la Chambre d’Administrationqui m’a élu ce jour Très Sage et ParfaitGrand Vénérable.

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La réponse à la question fondamentale : d’où venons-nous ? qui

sommes-nous ? où allons-nous ? exige une approche historique,

conceptuelle, symbolique, philosophique et politique.

Deux dates clés dans l’histoire du Grand Chapitre Général du

Grand Orient de France : 17 février 1786 et 17 mai 1999.

Le 17 février 1786, le Convent lors de sa CLXVIIe Assemblée plé-

nière agrégeait le Grand Chapitre Général en tant que gestion-

naire des Hauts Grades des Rites dont le Grand Orient de France

possédait la patente. En substance la gestion des ateliers tra-

vaillant à un grade supérieur au troisième degré.

Le 17 mai 1999 le Conseil de l’Ordre sous la Présidence du Grand

Maître Philippe Guglielmi décidait la résolution de refondation

du Grand Chapitre Général de Rite français.

Nous venions de recouvrer notre héritage patrimonial dans le

plein exercice de ce rite fait par et pour le Grand Orient de

France dans la période pré-révolutionnaire du siècle des

Lumières. Ce rite d’ouverture fait pour servir les buts et les

moyens du Grand Orient de France. Éléments capitaux de cohé-

rence et de cohésion pour l’Obédience, les Ordres de Sagesse

de Rite français procèdent de quatre concepts clés qui sont les

raisons mêmes de leur légitimité et de leur existence :

- Liberté absolue de conscience,

- Perfectionnement dans la continuité des ateliers symboliques,

- Transversalité et interactivité entre Maîtres Maçons,

- Construction du Temple extérieur.

Par le respect de la Liberté absolue de conscience, le Rite fran-

çais des Ordres de Sagesse s’inscrit dans cette dynamique forte

qui construit pierre par pierre la voie spécifique d’une

Maçonnerie adogmatique.

En assurant le perfectionnement dans la continuité des ateliers

symboliques, les Chapitres de Rite français conduisent à l’appro-

fondissement des idées, l’élargissement des concepts et l’amélio-

ration de l’action individuelle et collective. Par la transversalité et

l’interactivité entre MM∴Maçons dues à l’apport de FF∴ issus de

différents ateliers symboliques, les Chapitres des Ordres de

Sagesse de Rite français permettent d’aller beaucoup plus loin

encore par une réflexion commune riche et de qualité. Ils renfor-

cent ainsi cette construction qui est un combat pour la mise en

œuvre des principes sur le respect desquels un Franc-Maçon du

Grand Orient de France a prêté serment lors de son initiation.

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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Construire le Temple extérieur impose la mise en chantier du

combat social laïque et républicain dans le respect des valeurs

fondamentales du Grand Orient de France.

Au plan symbolique, le Ve Ordre prend toute sa signification à la

lecture de son contenu (Art. 29 des Statuts et Règlement

Généraux de 1784 par Roettiers de Montaleau) : « Il comprendratous les Grades physiques et métaphysiques de tous les systèmes ».Par voie de conséquence, il communique les enseignements de

tous les grades sommitaux de tous les rites et exige pour y par-

venir, outre des critères rigoureux impliquant de hautes valeurs

morales, un cheminement progressif en quatre Ordres :

- Premier Ordre : De la vengeance à la justice : Élu.

- Deuxième Ordre : De l’union des hommes à la réunion des

valeurs : Grand Élu.

- Troisième Ordre : De la destruction à la construction :

Chevalier Maçon.

- Quatrième Ordre : De la libération à l’épanouissement : Parfait

Maçon Libre.

Il n’est de libération et d’épanouissement qui n’implique une

recherche philosophique. Il n’est de recherche philosophique

dans les Ordres de Sagesse de Rite français qui n’implique les

vertus cardinales que sont le courage et la lucidité. Elles sont

pour le Chevalier Maçon indissociables car le courage n’est rien

sans lucidité et la lucidité sans courage, pas davantage. Ce cou-

rage dont le Grand Maître Alain Bauer disait, citant Jaurès : « Lecourage c’est de rechercher la vérité où qu’elle se trouve, ce n’estpas de subir le mensonge triomphant qui passe ». La lucidité si

bien évoquée par René Char : « La lucidité est la blessure la plusrapprochée du soleil ». Supporter cette blessure exige sérénité

force et sagesse :

Sérénité face à l’inévitable,

Force pour changer ce qui peut l’être,

Sagesse pour distinguer entre les deux.

Courage, lucidité, sagesse telles sont les valeurs que le Grand

Chapitre Général entend mettre au service de la Franc-

Maçonnerie adogmatique et universaliste du Grand Orient de

France.

Si l’initiation comme l’énergie est individuelle, la politique

comme l’action est collective. L’action politique du Grand

Chapitre Général, dans le respect du Règlement Général, consis-

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Aux Souvrains Chapitre de rite français…

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te à servir le Grand Orient de France et de ce

fait, permettre aux hommes et aux femmes qui

se reconnaissent dans les principes définis par

l’article premier de la Constitution, de se fédé-

rer dans des structures appropriées qui seront

les ambassades du Grand Orient de France.

En effet, c’est par la création de Chapitres et de

Grands Chapitres de Rite français que partout

dans le monde pourra s’améliorer la responsa-

bilité individuelle, pourra progresser la respon-

sabilité collective sous l’influence des valeurs

républicaines : Fraternité, Égalité et Liberté qu’il

s’agit d’exercer, de construire et de mériter.

Déjà des hommes et des femmes se sont levés

dans un contexte difficile. Ainsi les initiateurs

et héros de la Révolution des Œillets ont créé

au Portugal El Grande Capitulo Geral do RitoFrancês de Portugal.

Dans l’esprit d’Edmundo Checura s’est consti-

tué le Grand Chapitre Général du Grand Orient

Latino Américain et des Grands Chapitres sont

en cours de constitution en Suisse, en

Belgique, en Espagne, en Tchéquie et à

Madagascar.

Il s’agit donc d’œuvrer pour un contenu com-

municable de nos valeurs universelles et adog-

matiques, un corpus de valeurs dynamisées

par le principe de laïcité.

Il s’agit du devoir du Grand Chapitre Général

de construire jour après jour l’avenir de

l’Homme, dans la Franc-Maçonnerie du Grand

Orient de France, dont la légitimité et l’hon-

neur sont de se reconnaître elle-même, de s’as-

sumer et de s’accomplir, non pas seulement

dans les effets mais surtout dans les causes.

Le Très Sage et Parfait Grand Vénérable

Jacques-Georges PLUMET, Ve Ordre

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LES ORDRES DE SAGESSE

DU RITE FRANÇAIS

Actes du Colloque de Toulouse, 16 mars 2002

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La Liberté éclairant le monde, F. Bartholdi,New York, 1886

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LE RITE FRANÇAIS

DANS TOUS SES ÉTATS :TRADITION ET MODERNITÉ

Ludovic MARCOS

Indépendamment de l’attachement particulier que chaque

Maçon porte aux rituels, qui structurent notre identité, les rites

de la franc-maçonnerie sont un sujet d’étude passionnant, riche

d’enseignements si on les considère non comme une chose

ossifiée ou une formule comportementale magique, mais

comme un ensemble d’usages « faisant sens », remarquables à la

fois par la continuité de leurs traits fondamentaux et par leur

capacité d’évolution et d’adaptation. C’est sans doute ainsi qu’il

faut comprendre la double inscription « tradition et modernité »

du titre et qu’il faut juger du Rite français, qui incarne le mieux à

mon avis, et de loin, cet équilibre. Sa forme actuelle est – nous

l’allons voir – assez fidèle au tronc commun qui se met en place

dans la première moitié du XVIIIe siècle, qui se ramifiera ensuite

dans la seconde moitié de ce même siècle pour ouvrir, prati-

quement, le XIXe siècle avec le paysage maçonnique rituel d’au-

jourd’hui. Ce tronc commun qui porte plusieurs branches et

dont nous incarnons le mieux la solidité du fût et la sève philo-

sophique, est le résultat de la rencontre de trois apports.

Il procède tout d’abord dans ses racines les plus anciennes d’un

fonds, conservé ou revendiqué comme tel, d’usages opératifs

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que nous nous contenterons d’appeler le Métier. Cela ne signi-

fie nullement qu’il y a eu de véritables évolutions organiques

des structures corporatives en maçonnerie spéculative moder-

ne. Au contraire, l’évolution des recherches montre que les filia-

tions sont ténues et les transmissions équivoques. Cependant,

ce fonds étant loin d’être négligeable, nous devons considérer

qu’il y a eu véritable intention ou identification autour de la

Maçonnerie de la pierre et non pas dans celle du bois ou du fer,

par exemple. Nous le constatons dans la présence déterminante

de termes liés à la pierre, aux outils, à la couverture, au local et

aux hiérarchies du Métier. Ainsi que dans beaucoup de signes,

vestimentaires comme le tablier, emblématiques comme le

niveau, l’équerre, le compas, dans l’emploi de formules, parfois

sous forme de jeux codés autour de l’heure et de l’âge, et dans

l’existence d’une batterie déjà signalée dans les textes opératifs

comme « deux coups brefs et un plus appuyé », qui paraît imiter,

tout simplement, un rythme de travail de taille. C’est encore plus

vérifiable dans le mode de réception dans l’institution, avec ses

épreuves et ses pratiques jurées et, par ce biais, dans la trans-

mission d’éléments comme le mot du Maçon, les obligations fra-

ternelles, le pas et les signes d’ordre. Concernant ces deux der-

niers signes d’appartenance, même s’il n’est pas facile d’ap-

puyer ce genre d’affirmation sur des éléments probants, je reste

persuadé que la transmission du pas dérive d’une ancienne pra-

tique d’apprentissage du déplacement sur échafaudage et que le

signe d’ordre que nous utilisons est l’héritier de signes d’obéis-

sance du monde médiéval, comme du reste le salut militaire, son

cousin germain.

Les sources

Vous le voyez, une teinture qui est loin d’être signifiante. À cette

couche primitive, qui n’a sans doute jamais été homogène en

Europe, sont venus s’adjoindre dans les Îles Britanniques, au

XVIIe siècle, le résultat d’initiatives, comme celles touchant à l’or-

ganisation des loges en Écosse, et de diverses spéculations. Les

spéculations bibliques, protestantes surtout, vont enrichir le

vieux corps légendaire et fournir un support, une structure et

une justification. C’est à cette époque, par exemple, que la figu-

re tutélaire d’Hiram, le Maître-architecte, s’étoffe. Elle finira par

accoucher d’une dramaturgie qui accompagnera la naissance

d’un grade nouveau, qui s’implante sur le continent dans les

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années 1730. De plus, ces spéculations vont fournir les plans

supposés du Temple de Salomon, vite considéré comme la réfé-

rence fondatrice entre toutes, issue du Livre, à la fois modèle

universaliste et siège de la loge originelle. À la fin du XVIIe siècle

et au début du XVIIIe siècle, des textes maçonniques en font des

descriptions, puis apparaissent des représentations de ce

temple – chantier – sous forme de tableau ou de tapis de loge.

Beaucoup d’indices montrent les influences en œuvre : Milton,

Samuel Lee, avec les plans et les gloses de son ouvrage de 1659,

avec ses colonnes, ses grenades, ses fenêtres grillagées, ses

cours pavées en noir et blanc, les reprises de passages entiers

dans les questions-réponses des catéchismes et John Bunyam

enfin, qui détermine la place de la colonne J, au Nord et celle de

la colonne B au Sud. Au final, ce deuxième apport fournit un

cadre historique et spatial dans lequel les signes opératifs vont

se situer. Le tout dans un ciel avec luminaires, qui inclut l’en-

semble dans une cosmogonie.

De la rencontre de ce deuxième apport avec le premier est

venue l’habitude de « tenir loge » autour de cette représentation

à la fois matérielle et symbolique. De là, pour nous, est issu un

proto-rituel maçonnique comportant les « fondamentaux » de

notre rite que sont le Mot, la gestuelle de base et le tuilage, l’en-

trée par le pied droit, la position des colonnes, la batterie en

deux coups et un, la structure de la réception, les cinq points du

Métier qui deviendront les cinq points de la Maîtrise. Il resterait

bien sûr à savoir précisément comment et surtout pourquoi des

groupes d’hommes se réunissant, sans liens professionnels avec

le Métier, décident à un moment donné, décisif, de donner par

eux-mêmes « naissance » à de nouveaux membres, puis innovent

sur de nombreux points jusqu’à fonder la Maçonnerie moderne

au XVIIIe siècle. Est-ce seulement le besoin d’un acte commémo-

ratif autour de cette maquette de la loge première ? On en doute.

Est-ce le besoin de donner une couverture à un dessein philo-

sophique et associatif ? On peut le supposer, mais l’affirmer

ainsi est bien simpliste.

Les évolutions modernes

Quoi qu’il en soit, le troisième apport, lui, est constitué des éla-

borations des toutes premières décennies, élaborations histo-

riques qui vont permettre à ce proto-rituel de trouver ses équi-

libres et ses adaptations, au prix de constantes évolutions. Car

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les évolutions sont une constante humaine et ont continué à

transformer nos usages jusqu’à nos jours. Cependant, elles

furent plus sensibles jusqu’en 1750/60. Nous ne les aborderons

que rapidement. Elles concernent en premier lieu la mise au

point de la formule anglaise de 1717/1723, qui crée le principe

obédientiel, dote la Maçonnerie de Constitutions et donne son

envol à la nouvelle institution. Elles concernent ensuite la défi-

nition et l’emplacement des premiers postes d’officiers et les

symboles les distinguant, par exemple l’équerre pour le Maître

de loge, la perpendiculaire pour le second surveillant et le

niveau pour le premier surveillant à partir de 1727. Pendant

quelques années encore des loges ne compteront qu’un sur-

veillant. Le G∴O∴D∴F∴ a acquis récemment un Livre

d’Architecture très ancien où l’on voit qu’en 1741, à Dresde, c’est

encore le cas. Cette troisième phase, active, touche aussi à l’or-

ganisation du grade de Maître, vite suivie de l’apparition de

grades complémentaires, qui scinde l’ancien grade d’Apprenti

en deux grades distincts d’Apprenti et de Compagnon. Elle voit

aussi l’Orient s’affirmer et les tapis de loge servir de modèles

projectifs à mesure que les groupes sont plus importants et dis-

posent de locaux permanents. Les cérémonies sont plus

longues, des sièges apparaissent. Les éléments représentés –

pierres, colonnes, delta, soleil et lune – deviendront une réalité

dans un espace qui s’appellera bientôt une loge puis un temple.

La Franc-maçonnerie française hérite de ses premiers usages et

pour cette raison, le Rite français est un conservatoire des pra-

tiques rituelles les plus anciennes. Dans ce sens, en effet, il est

vraiment un rite de tradition. Il semble toutefois qu’il ait aussi

hérité d’un état d’esprit qui lui a permis d’incarner au mieux un

principe de modernité. L’acclimatation dans notre pays et sur le

continent des usages maçonniques se fait au prix d’ajustements

qui sont dus à des transpositions, à des ajustements culturels.

L’apparition de la corde à nœuds ou des pierres brutes et taillées

est due à l’une de ces adaptations. La généralisation de l’usage

de l’épée également, qui sera suivie de l’apparition de pratiques

d’adoption destinées aux femmes, véritable et remarquable

exception française, encore perceptible aujourd’hui puisque

nous sommes le seul pays au monde où le quart de la Franc-

maçonnerie est féminin. Il faudrait aussi signaler l’évolution des

pratiques de réception, qui en font ce que nous appelons une

initiation, les importantes injections de type chevaleresque ou

hermétiques, la révolution institutionnelle de 1773 qui voit avec

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la naissance du G∴O∴D∴F, s’affirmer les bases d’une démo-

cratie associative.

Les « anciens » et les « modernes »

Dans ce contexte, l’intérêt du Rite français comme rite témoin

est incontestable. À partir du milieu du XVIIIe siècle, pour des rai-

sons qu’il n’appartient pas ici de développer, une « guerre civile

maçonnique » se déroule sur le sol anglais. Une tendance, qui se

parera abusivement du nom d’Anciens en qualifiant ses adver-

saires de Modernes, intervertira la position des colonnes et des

surveillants, le pied d’entrée des apprentis et changera la batte-

rie en Three distinct knocks (le titre du livre de son promoteur,

L. Dermott). Cette tendance prétendra détenir, sans aucune

preuve mais avec beaucoup d’aplomb, la légitimité, « l’originali-

té » si vous voulez. Elle s’imposera majoritairement dans le

monde et l’on pensera bientôt vu son titre, mais à tort, qu’elle

incarne la tradition la plus ancienne.

Le Rite français

Le Rite français, resté tel qu’en ses origines puisque non

concerné par les tribulations qui affectent Albion après 1751,

gardera toujours ses traits originaux : concision (et densité) dans

l’ouverture et la fermeture des travaux (qui ne mentionnent

d’ailleurs le Grand Architecte que dans l’initiation et les

Instructions), soin des cérémonies d’initiation (au point qu’elles

ont fortement imprégné tous les rites), sentiment que le rituel

est un outil et une méthode, non une fin en soi. Le Rite français

propose un cadre, avec des fondamentaux mais sans formalis-

me et chaque époque, chaque loge l’adapte. Les deux termes de

rite et rituel ont de ce fait un sens différent pour lui.

Cet équilibre entre la continuité et la plasticité, cette capacité à

intégrer les évolutions expliquent sans doute qu’étant un rite de

tradition, le Rite français est aussi dès le départ, alors qu’il n’a pas

d’autre nom que celui de « style » ou « de régime habituel » ou

bientôt « des Modernes », un rite de modernité. C’est sous son

égide que le grade de Maître prend une consistance remarquable

dans notre pays, qu’une ébauche de Maçonnerie féminine appa-

raît, que des contenus philosophiques éclairés progressent, que

les usages maçonniques, dont celui de l’élection des vénérables,

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et les pratiques obédientielles se fixent en 1773, lorsque le corps

maçonnique français se fédère en Grand Orient. Le principe de

la pluralité des rites, dont bénéficieront le Régime écossais recti-

fié en 1778, le Rite Écossais Ancien Accepté en 1804, puis les Rites

Égyptiens s’imposent, qu’on le veuille ou non dans son esprit et

par sa tolérance. Au demeurant, ces rites sont plutôt des systèmes

de hauts grades, qui se contentent de pratiquer, ou d’adapter le

Rite français et ses modes d’initiation et d’augmentation de salai-

re pour les trois premiers grades. Enfin, n’oublions pas que c’est

le Rite français et le G∴O∴D∴F∴, qui, les premiers régulent et

rationalisent la pratique des hauts grades en les regroupant dans

ses synthèses remarquables et raisonnables que sont les quatre

Ordres que nous connaissons. Nous n’avons pas encore su en

tirer la substantifique moelle et nous pourrons mieux et peu à

peu, dans l’avenir, j’en suis sûr, les rendre à leur tradition et les

placer dans la modernité.

Le renouveau

L’évolution de notre rite aux XIXe et XXe siècles, sur laquelle je

glisse, est tributaire des contingences de l’Histoire. D’abord mar-

qué par un déisme moral plus ou moins progressiste, propre à

beaucoup d’élites continentales dans la première moitié du

XIXe siècle, puis dans l’engagement républicain par la suite, il

marque son évolution d’une pierre blanche en 1877 en retirant

de l’article 1er de sa Constitution les deux « obligations dogma-

tiques » qu’il n’avait en fait introduites qu’en 1849 (en même

temps que le triptyque Liberté, Égalité, Fraternité), celles de croi-

re en l’existence de Dieu et en l’immortalité de l’âme. Cela a eu

d’immenses conséquences historiques jusqu’à ce jour. En 1887,

le rituel Amiable en donne une mouture positiviste qui le modi-

fie ou le dénature, c’est selon, sur plusieurs points. Finalement,

c’est surtout la continuité et la clarté de ses bases qui ont préva-

lu. Le Rite français, fortement marqué par ses combats huma-

nistes et les épreuves de la guerre jusqu’au milieu du XXe siècle,

amoindri par la montée de l’écossisme, est progressivement

revenu à ses équilibres et à des contenus symboliques, philoso-

phiques et moraux adaptés sous l’influence d’hommes comme

Blatin, Gloton et Groussier. Ce retour à une partie de ses héri-

tages et à un dynamisme novateur conquérant est encore en

train de se faire. Ces dernières années, les anciens systèmes de

hauts grades ont été réveillés. Sa vitalité dans les pays tradition-

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nellement restés fidèles à sa pratique, comme la Belgique,

l’Afrique ou le Brésil et son retour progressif dans la péninsule

ibérique ou dans les pays de l’Est est un signe. On ne peut que

s’en réjouir. Le Rite français, on l’a vu, est une noble part du

patrimoine maçonnique universel et aussi un des moteurs et des

garants de son renouveau. Son destin et celui du Grand Orient

sont étroitement associés. Cependant, comme tout rituel, il ne

vaut que par les hommes et les femmes qui le pratiquent et il ne

sera donc que ce que nous en ferons demain. Cette modeste

contribution, avec son insistance sur le rappel des origines,

n’avait d’autre but que de vous sensibiliser sur les enjeux de

l’avenir.

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L’apprenti maçon, J. Marin, Bronze, 1928

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LE RITE FRANÇAIS,MYTHES ET RÉALITÉ

Charles PORSET

La maçonnerie capitulaire est aussi ancienne que la maçonnerie

elle-même ; on sait que celle-ci nous vient d’Angleterre dans les

années 1725 et que, dès cette époque, le grade de « Maître » est

perçu comme un « haut » grade concluant le cursus qui conduit

de l’apprentissage au compagnonnage. Mais la mort d’Hiram ne

pouvait être classée sans suite, et très tôt, dans les années 1750,

l’on voit se développer des échelles de grades qui vont avoir

pour fonction de venger la disparition du Maître. Il s’en est suivi

une multitude de systèmes, tous se réclamant de patentes apo-

cryphes ou parfaitement imaginaires, à un point tel que vers

1760 l’on peut parler avec Gaston Martin du « fouillis des hauts

grades ». Comment cela a-t-il été possible ?

Il faut revenir à l’histoire qui non seulement rend intelligible le

passé, mais surplombe notre présent. La maçonnerie apparaît à

Londres en 1717 dans la mouvance latitudinaire de la Royalsociety ; elle n’a pas d’objet, sauf celui de rassembler dans une

Angleterre devenue Royaume Uni après l’annexion de l’Écosse,

des hommes « libres et de bonnes mœurs » qui, sans égard à

leurs confessions particulières, entendent travailler au bien

commun. Du coup tout ce qui divise est écarté de l’association,

la politique, la religion et la femme. Ces facteurs de discorde

sont mis entre parenthèses ; la maçonnerie procède en d’autres

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termes d’une épopée transcendantale avant la lettre et sur le

mode du comme si, ne s’attache qu’aux relations empiriques qui

relient les hommes entre eux : en bref, ce qui importe c’est le

commerce, le commercium. On remarquera d’ailleurs que les

Constitutions dites d’Anderson n’assignent aucun autre but à

l’Institution et que dans l’esprit du temps elles se contentent seu-

lement d’écarter de l’association « l’athée stupide et le libertinirréligieux ». Sans revenir sur cette formule cent fois commen-

tée, je ferai observer que nous sommes en régime de civilisation

chrétienne et que malgré la sécession protestante, l’Europe est

surplombée par la Romania catholique. L’athée est stupide

parce qu’il ne comprend pas que son intérêt est de feindre la

croyance, et le libertin, perdu dans son particularisme, oublie ce

qui rassemble — quod religat !

En débarquant en France, via Dunkerque ou Bordeaux, la situa-

tion n’est pas la même, et la fille naturelle du protestantisme,

comme disait Lantoine, va devoir s’accommoder du régime de

pensée qu’a imposé Louis XIV. La Révocation de l’Édit de Nantes

est toujours en vigueur. Il faudra bien que la maçonnerie se fasse

catholique, ce qu’elle sera sans état d’âme. Cent témoignages

confirment qu’elle fut orthodoxe en matière de politique et de

religion et qu’elle ne fut jamais en reste pour commander des TeDeum ou manifester son allégeance au Pouvoir. C’était d’ailleurs

la seule condition qui lui fut offerte pour exister.

Des loges conviviales

Pour avoir une idée du paysage maçonnique dans les années

qui précèdent la Révolution, je citerai deux témoignages qui

permettent de corriger la vue rétrospective que certains s’en

font et définissent la mission que se fixe le Grand Orient au

moment où il se constitue, c’est à dire dans les années

1772/1773. Le premier est le témoignage de Marie-Antoinette

qui répond aux inquiétudes de sa sœur concernant l’Ordre

maçonnique en Autriche :

« Je crois bien que vous vous frappez trop de la Franc-maçonne-rie pour ce qui regarde la France ; elle est loin d’avoir ici toutel’importance qu’elle peut avoir en d’autres parties de l’Europe,pour la raison que tout le monde en est ; on sait ainsi tout ce quis’y passe ; où est donc le danger ? On aurait raison de s’alarmersi c’était une société secrète et politique ; l’art du gouvernement

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est au contraire de la laisser s’étendre et ce n’est plus que ce que

c’est en réalité, une société de bienfaisance et de plaisir ; on y

mange beaucoup et l’on y parle et l’on y chante, ce qui fait dire

au Roi que des gens qui chantent ne conspirent pas ; ce n’est nul-

lement une société d’athées déclarés, puisque, m’a-t-on dit, Dieu

y est dans toutes les bouches ; on y fait beaucoup de charité, on

élève les enfants des membres pauvres ou décédés, on marie

leurs filles ; il n’y a pas de mal à cela. Ces jours derniers, la prin-

cesse de Lamballe a été nommée Grande Maîtresse dans une

Loge ; elle m’a raconté toutes les jolies choses qu’on lui a dites,

mais on y a vidé plus de verres qu’on y a chanté de couplets ».

Le second témoignage est celui du marquis de Chefdebien –

Eaques a capite galeato dans la maçonnerie réformée – qui dans

un texte largement méconnu intitulé Disquisitions maçon-

niques présente la Loge comme un lieu de convivialité, étranger

« à toutes ces maçonneries compliquées et scientifiques » – il vise

les multiples régimes qui se développent exponentiellement

dans les années 1760. Le banquet copieux et gai, précisait-il, était

le véritable dénouement de tous les préludes au cours desquels

on avait reçu des parents ou des amis en se permettant à titres

d’épreuves quelques niches innocentes. Finalement ce délasse-

ment à la fois piquant et honnête se concluait par quelques actes

de bienfaisance et de libéralités que les Frères ne manquaient

pas d’exercer en qualité de maçons et comme hommes sensibles

et bien élevés.

Ces deux textes, qui sont des témoignages, présentent la loge

comme un lieu de sociabilité et la maçonnerie comme une ins-

titution de bienfaisance et ce que l’on appellera bientôt l’initia-

tion est décrit comme une niche innocente. Ces témoignages

que pourraient compléter ceux du marquis de Luchet et du

baron de Tschoudy attestent que la maçonnerie des Lumières –

celle dont nous sommes bon gré, mal gré, les héritiers – est plus

attachée aux valeurs qui sont coextensives à l’humanité, celles

de bienfaisance et d’urbanité, qu’à des valeurs philosophiques

ou religieuses et encore moins ésotériques, même s’il est vrai

qu’assez tôt, on en a l’exemple avec le Chapitre de Clermont,

une maçonnerie parallèle se développe qui se donne pour mis-

sion de compléter les grades symboliques tels qu’ils avaient été

dévoilés pour la première fois dans La Maçonnerie disséquée de

Samuel Prichard.

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Le Rite français, mythes et réalité

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Le comte de Clermont

Cette haute maçonnerie est incontestablement d’origine fran-

çaise ; on n’en trouve pas trace en Angleterre et les références à

l’Écosse sont toutes rapportées. On ajoutera qu’elle ne concerne

qu’un nombre extrêmement réduit de maçons et si j’en crois

Daniel Ligou, la maçonnerie Templière ou Réformée ne concer-

nait en France que deux cents Frères. À quelle nécessité corres-

pondait-elle ? Une forme de réponse nous est donnée par le

comte de Clermont qui sera Grand Maître de l’Ordre jusqu’en

1771 ; voici ce qu’écrit un gazetin le 15 mars 1774 :

On dit M. le comte de Clermont très mécontent de n’avoir pas decommandement. […] Ainsi aura-t-il le temps de faire fleurirl’ordre des frimaçons dont il est grand maître. Il a projeté denouvelles constitutions tant pour les frères que pour les maîtresde loges. Il doit en éloigner tout ce qui n’est pas gentilhomme oubon bourgeois. On a dit que sur ses avis la police en a fait arrê-ter plusieurs qui exigeoient de l’argent des récipiendaires. Touts’y fera désormais avec noblesse et dignité.

Outre qu’il nous apprend que c’est le comte de Clermont lui-

même qui fait appel à la police, ce témoignage nous apprend

que, dans les années 1740, sans se faire pour autant populaire la

maçonnerie se développait dans le tiers ordre de la société, ce

qui a pour effet de heurter le préjugé nobiliaire de Monsieur le

comte de Clermont. Que l’on ajoute que le Chapitre de

Clermont est vraisemblablement la première structure de hauts

grades maçonniques, il est tentant de penser que ce qui devien-

dra la matrice de l’Écossisme obéit à une logique de classe qui

entend écarter le peuple de l’Art Royal. Cette hypothèse qu’étaye

la correspondance du Grand Maître publiée par Clément, ou par

l’abbé Pérau qui évoque la maçonnerie des faubourgs est l’indi-

ce d’un clivage qui rythmera dès cette époque et pour long-

temps la maçonnerie. Car l’entreprise restera vaine et, en miroir,

on verra bientôt se développer une maçonnerie capitulaire

s’inscrivant dans le droit fil des trois grades symboliques, et en

particulier celui de Maître.

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Le Rite français, mythes et réalité

Les fondations

Lorsque le Grand Orient se constitue sur les décombres de la

Grande Loge, son premier geste est de s’assurer de la régularité

des loges de sa correspondance en vérifiant leurs patentes ;

seuls quelques Maîtres de Loge évincés refusent de se plier à la

règle imposée par le Grand Orient et se constituent en Grand

Orient de Clermont qui vivotera jusqu’en 1779, date à laquelle

s’opérera une réunification de la maçonnerie française ; la

seconde préoccupation du Grand Orient sera l’homogénéisa-

tion des hauts grades qui s’étaient dangereusement multipliés.

La tâche n’était pas facile, car outre le fait que tous les systèmes

se fondaient sur des patentes imaginaires ou apocryphes, ils

étaient entre les mains de Puissances autonomes qui, on s’en

doute, ne se livrèrent pas corps et bien au Grand Orient sans

contrepartie, car il s’agissait de véritables fonds de commerce.

Le Grand Orient mit sur pied en 1773 une Commission des

Grades où figuraient Bacon de la Chevalerie et le comte de

Stroganoff et le baron de Toussainct, mais la Commission se

révéla rapidement inefficace. Par ailleurs, les anciennes struc-

tures capitulaires de la Grande Loge, même si elles étaient en

totale déliquescence, refusaient de communiquer leurs cahiers

de grades ; il faut attendre 1780, après la constitution d’un

Souverain Conseil, Sublime Mère-Loge Écossaise du GrandGlobe Français, Souveraine Grande Loge de France, pour que

Labady propose au Grand Orient, via les Philalèthes, une tran-

saction réunissant le Souverain Conseil et celui des Écharpes

Blanches de la Loge des Amis Réunis qu’animait Savalette de

Langes. Finalement, et j’abrège, comme l’offre n’aboutit pas,

Labady remet finalement les archives et la structure capitulaire

de l’ancienne Grande Loge renaît de ses cendres sous la forme

du Grand Chapitre Général de France en 1786.

L’unification

Un grand pas venait d’être accompli, mais il en allait autrement

avec les Directoires Écossais. Dès 1773, Bacon de la Chevalerie

s’était montré favorable à leur intégration au sein du Grand

Orient, mais ceux-ci, dont il était membre au demeurant, ne

paraissaient guère pressés de se fondre dans la nouvelle struc-

ture et il fallut attendre 1776 pour qu’un Traité d’Union soit signé

et reconnaisse leur spécificité. II existait enfin un troisième

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groupe, celui de la Mère-Loge Écossaise de France portant le titre

distinctif de Contrat Social avec lequel l’accord fut plus difficile

mais qui aboutit en 1781 à un accord la conduisant à abandon-

ner son titre de Mère-Loge, mais l’autorisant à créer des Ateliers

supérieurs.

Cette politique de reconnaissance devait permettre au Grand

Orient de contrôler toutes ces maçonneries parallèles qui

menaçaient son autorité. Il procéda de la même manière avec

des groupes moins importants, comme celui créé par la famille

Chef-debien, dit Rite primitif de Narbonne, la Vieille bru de

Toulouse et l’Anglaise de Bordeaux. Il en ira de même avec le

Grand Chapitre de Rose Croix du docteur Gerbier, et plus tardi-

vement avec Heredom de Kilwinning de Mathéus. En 1786 c’est

le Grand Chapitre Général qui en accord avec le Grand Orient

confère les grades supérieurs dont il propose une synthèse en

cinq Ordres, ce qui lui permet de contrôler les grades symbo-

liques, c’est sa vocation, et via le Grand Chapitre, ceux d’Élu,

d’Écossais Chevalier d’Orient, et Chevalier Rose-Croix.

Le Grand Chapitre Général est donc historiquement l’héritier

des différentes traditions capitulaires dont la Grande Loge, à tra-

vers ses différents Conseils (Princes d’Orient, Empereursd’Occident) avait été le vecteur ; il offre en 1786 la synthèse de la

maçonnerie écossaise – entendons par ce mot qui n’a rien de

géographique –, capitulaire. Le Rite Écossais Ancien et Accepté

est plus tardif ; il procède d’un rite de perfection à vingt cinq

degrés d’origine bordelaise qui, après avoir transité par

Charleston et Saint Domingue, est amené dans sa forme déve-

loppée en 33 degrés, par De Grasse Tilly en 1810. Ce rite pré-

tendument ancien avait l’avantage dans l’atmosphère contre-

révolutionnaire qui sévira en Europe jusqu’en 1848, d’être fran-

chement déiste, et d’offrir un compromis acceptable entre le

libéralisme philosophique issu des Lumières et la nostalgie

romantique des vieux dogmes. La multiplication des hauts

grades n’est pas sans rapports avec la soif de distinction que la

sobriété des quatre Ordres du Rite français n’était pas de nature

à satisfaire.

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Nous remercions Ludovic MARCOS, Conservateur du Musée du Grand Orientde France, pour nous avoir permis d’utiliser ses archives.

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LES ORDRES DE SAGESSE

DU RITE FRANÇAIS :POUR FAIRE QUOI ?

Jean-Charles NEHR

Dans la Franc-Maçonnerie, les hauts grades constituent certai-

nement la structure la plus contestée, car sans doute la plus

mal connue. Une grande partie des maçons la rejette dans une

sorte de réaction allergique, soit par doute sur son utilité, soit

par peur de ne pas pouvoir y accéder ; l’autre partie l’accepte

mais sans bien mesurer exactement l’ensemble des enjeux

sous-tendus. Il est vrai que la discrétion et le flou qui entourent

les hauts grades ne permettent pas de faire une idée précise

sur la question.

Or, le 3 septembre 1999, le Convent du G∴O∴D∴F∴, donnait

délégation au grand Chapitre Général pour administrer et gérer

les Chapitres de Rite français, c’est à dire les quatre Ordres qui

viennent en prolongement des grades symboliques, Ordres qua-

lifiés souvent, mais de manière inexacte, de hauts grades. Le Rite

français renaissait ainsi officiellement dans sa totalité, après une

disparition du Grand Chapitre Général de plus de 150 ans. Cette

décision semblait donc créer une nouvelle organisation de hautsgrades, comme si n’étaient pas suffisantes celles qui existaient

déjà ! Depuis cette date, le Grand Chapitre Général (G∴C∴G∴) a

connu un développement rapide ; plus de quatre-vingt-dix

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Chapitres créés, près de deux mille Maîtres maçons1 engagés dans

cette belle aventure, tout montre l’intérêt porté par les Maîtres

maçons pour cette initiative. Ces deux phénomènes : opacité des

structures de hauts grades, croissance du G∴C∴G∴ appellent un

effort d’explication et d’information. Les Maîtres maçons ont droit

à un exposé clair, complet et transparent de la démarche propo-

sée par les Chapitres de Rite français. Trois questions doivent être

abordées : Un chemin maçonnique après le grade de Maître est-il

utile ? Si oui, quel est celui apporté par le Grand Chapitre Général

de Rite français au niveau des structures ? Quel en est le contenu

symbolique et rituel ?

Utilité du parcours maçonnique après la Maîtrise

Tous les maçons savent que la naissance de la Maçonnerie en

France s’est accompagnée très tôt de l’éclosion d’un certain

nombre de degrés au-delà du grade de Maître, degrés qualifiés

de hauts grades. Cette éclosion va s’amplifier dans une prodi-

gieuse inflation ; dans son Tuileur Général de la Franc-Maçonnerie en 1862, Ragon dénombrera environ 1400 hautsgrades ayant été pratiqués dans plus de cent systèmes différents.

Ce foisonnement s’explique très simplement par le fait qu’au

XVIIIe siècle, et jusque vers 1850, les maçons étaient persuadés

que la Maçonnerie était détentrice d’un secret ; et comme on ne

le trouvait pas une fois parvenu au grade de Maître, c’est tout

simplement qu’il se situait au delà, d’où la création de hautsgrades. Bien entendu, on s’aperçut bien vite que le seul secret de

la Maçonnerie est qu’il n’y a pas de secret. La bulle des hautsgrades se dégonfla et seuls quelques systèmes perdurèrent et

existent encore de nos jours.

Si le mouvement se prouve par la marche, on peut affirmer que

l’utilité d’un parcours maçonnique après la Maîtrise se prouve

par le fait même de son existence. Actuellement plusieurs rai-

sons expliquent cette utilité : le besoin d’approfondir, de préci-

ser et de compléter le travail accompli dans les ateliers symbo-

liques ; ensuite le désir d’élargir le cadre des travaux et de la fra-

ternité dans une transversalité interloges ; on note en effet que le

fonctionnement des loges symboliques ne permet pas de

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

1 Cent Chapitres en décembre 2002 et plus de 2 300 FF∴

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répondre à la satisfaction de ces besoins : la lourdeur des tra-

vaux administratifs, les nécessités des travaux symboliques et

initiatiques font que le temps manque souvent pour aller au

fond des problèmes étudiés, de plus la pratique montre qu’il

n’est pas possible de faire fonctionner durablement et correcte-

ment des travaux suivis entre loges au grade de Maître, faute

d’une structure rituelle et symbolique forte et motivante.

La re-création du G∴C∴G∴ de Rite français constitue une

réponse à cette demande. Certes des structures analogues exis-

tent déjà, mais les Ordres de Sagesse du Rite français proposent

une approche spécifique reposant sur deux idées fondamen-

tales : le Grand Chapitre Général est celui du G∴O∴D∴F∴, il

doit donc en respecter les principes fondamentaux ; il n’est pas

constitué de hauts grades, supérieurs au grade de Maître, mais

formé d’Ordres marquant une progression au-delà de la

Maîtrise, et non au-dessus. Ces principes vont se traduire et dans

la structure du G∴C∴G∴ et dans son contenu rituel et symbo-

lique.

La structure du Grand Chapitre Général

Le Grand Chapitre Général de Rite français est le Grand Chapitre

du G∴O∴D∴F∴ Cela veut dire d’abord qu’il fait partie inté-

grante du G∴O∴D∴F∴, même s’il est autonome dans le cadre

de la délégation de gestion et d’administration de ses Chapitres

qui lui a été confiée. En corollaire, cela veut dire aussi que le

G∴C∴G∴ a le même objet que le G∴O∴D∴F∴, dans les grades

symboliques, à savoir : travailler à l’amélioration matérielle etmorale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité.

L’art. 9 du R.G. du G∴C∴G∴ précise : Les institutions duG∴C∴G∴ du Grand Orient de France sont conformes à l’espritde la Maçonnerie progressive du G∴O∴D∴F∴. Cela est si vrai

qu’à chaque Conseil de Chapitre, lecture est faite de l’article 1er

de la Constitution du G∴O∴D∴F∴. Cela signifie que les travaux

des Chapitres ont pour ambition de ne jamais perdre de vue la

construction du Temple extérieur, c’est à dire la réflexion et l’ac-

tion pour promouvoir l’élaboration et la réalisation d’un huma-

nisme adapté aux exigences de notre société moderne. Cela

implique que les Chapitres de Rite français ne sauraient se com-

plaire dans de vagues spéculations pseudo-philosophiques ou

rechercher d’éventuels et prétendus états supérieurs de

conscience que personne n’arrive à définir clairement d’ailleurs.

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Les Ordres de sagesse du Rite français : pour faire quoi ?

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Le deuxième principe fondamental réaffirmé par le Grand

Chapitre Général est celui de la liberté absolue de conscience de

chaque maçon, et pour les structures le respect des textes fon-

damentaux du G∴O∴D∴F∴ (Art.2 du RG du G∴C∴G∴). Le

G∴C∴G∴ n’est donc ni déiste, ni matérialiste, ni spiritualiste, il

est porteur des valeurs d’un humanisme laïque et républicain.

Ensuite, la gestion du G∴C∴G∴ est calquée sur celle du Grand

Orient de France : mandats électifs limités dans le temps, res-

ponsables élus par les Chapitres, gestion transparente et garantie

par l’exercice démocratique. Il n’y a pas comme dans d’autres

structures, où le pouvoir est détenu par les possesseurs des

grades les plus élevés, confusion entre la hiérarchie initiatique et

la hiérarchie administrative.

Enfin, les conditions de recrutement des membres des

Chapitres sont claires : de même que tout Apprenti maçon a

vocation à devenir Maître, de même tout Maître maçon doit pou-

voir parcourir le cursus proposé par les Chapitres de Rite fran-

çais, s’il est volontaire, actif et expérimenté. Il faut noter

d’ailleurs que les conditions d’ancienneté pour l’admission et la

progression dans le Rite français sont les mêmes que celles qui

ont cours dans les autres rites.

Contenu symbolique et rituel des Ordres de Sagesse du Rite français

Toute activité maçonnique est structurée par un rituel et des

symboles. Les Ordres de Sagesse du Rite français ne font pas

exception. Les symboles maçonniques ne sont pas de simples

décors que l’on plante dans le paysage de la loge ou du chapitre

pour des motifs esthétiques. Le rituel n’est pas la répétition

mécanique d’une cérémonie folklorique ou pseudo sacrée.

Symboles et rituels ont deux fonctions essentielles dans l’uni-

vers maçonnique : porter un sens fort en relation avec l’objet du

grade ou de l’Ordre auquel travaillent les maçons, structurer l’es-

pace et le temps des tenues en fonction du sens de l’Ordre

considéré. Le contenu des rituels des Ordres de Sagesse du Rite

français s’inscrit dans cette logique.

Le support symbolique et rituel des Ordres de Sagesse du Rite

français est tiré du fonds traditionnel de ce Rite, codifié dans les

années 1785. Il comporte donc une progression en quatre

étapes. Une difficulté importante est apparue lors de la réactiva-

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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tion du Rite français : l’interruption de plus de 150 ans de la pra-

tique rituelle a figé les textes dans leur forme du XVIIIe siècle,

forme qui ne paraît plus adaptée ni au langage des hommes de

notre époque, ni compatible avec l’évolution du G∴O∴D∴F∴depuis deux siècles.

Cependant, on peut dégager de ces rituels d’origine, (Cf.Travaux du Souverain Chapitre Métropolitain en ses QuatreOrdres, Éditions l’Orient) un certain nombre d’idées force que

je vais développer ici.

On rappellera d’abord que les deux premiers grades, Apprenti,

Compagnon, de la maçonnerie bleue sont consacrés à l’acquisi-

tion de la maîtrise de l’outil maçonnique. Et c’est seulement,

quand il est en pleine possession de l’outil que le Maître peut agir

efficacement sur lui-même et la société. Les quatre Ordres sui-

vants sont alors destinés à l’action, action rendue féconde par la

qualité de l’outil forgé dans les trois premiers grades. L’utilisation

de l’outil va être mise en valeur successivement dans quatre

domaines, correspondant chacun à l’un des quatre Ordres. Ces

domaines sont symbolisés et ritualisés dans des scénarios tirés

de l’histoire d’Hiram et de celle du temple de Salomon.

Ier Ordre, « Élu » : de la vengeance à la justice

Il faut venger Hiram, tel est le thème du Ier Ordre du Rite fran-

çais, tel qu’il apparaît dans le rituel de la fin du XVIIIe siècle.

Actuellement, une telle conception n’est plus admissible, la ven-

geance ne peut pas être un sentiment ou une valeur maçon-

nique. En revanche, il faut que la justice s’exerce envers les assas-

sins d’Hiram. Retrouver, juger et punir les assassins du Maître tel

est le fil rouge du Ier Ordre. Le Ier Ordre a donc pour thème

essentiel l’établissement de la justice. Quand règne la justice,

alors la vérité est satisfaite et la paix peut s’établir : paix inté-

rieure de l’homme, paix dans la société, dans la cité, paix entre

les nations. Au Ier Ordre le maçon travaille à l’établissement de la

justice dans tous les domaines.

Les Ordres de sagesse du Rite français : pour faire quoi ?

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IIe Ordre, « Grand ÉIu » : de l’union deshommes à l’unité des valeurs

L’un des objectifs des maçons est de travailler à la réalisation de

l’union des hommes. Mais, sous des apparences vertueuses,

l’union peut cacher des objectifs contradictoires et même oppo-

sés. L’union peut aussi être faite dans un but pervers : les mauvais

compagnons, assassins d’Hiram ont réussi leur forfait car ils

étaient unis. L’union ne peut être féconde que si elle tend à réali-

ser l’unité des valeurs, c’est-à-dire si elle travaille à l’adoption de

valeurs universelles, valeurs portées par l’humanisme maçon-

nique. Dans les rituels originaux, ce thème est illustré par la

recherche de la connaissance et sa découverte, connaissance sym-

bolisée par un bijou précieux qu’Hiram aurait porté.

IIIe Ordre, « Chevalier Maçon »

Les rituels d’origine nous racontent ici la reconstruction du

Temple de Salomon après exil de Babylone. Les maçons libérés

par Cyrus retournent à Jérusalem et reconstruisent le Temple en

tenant la truelle d’une main et en ayant l’épée à portée de l’autre.

Deux enseignements sont contenus : aucune construction n’est

jamais définitive, l’histoire humaine est celle d’un ternaire per-

pétuel : construction, destruction, reconstruction et ensuite les

valeurs acquises sont toujours menacées et il convient d’être

toujours prêt à se battre pour les défendre.

IVe Ordre, « Parfait Maçon Libre » :de la libération à l’épanouissement

Le travail de l’apprenti maçon est consacré à la lutte qu’il doit

mener pour devenir un homme libéré, donc libre. Libéré des

obstacles imposés par la nature extérieure hostile, libéré égale-

ment des contraintes qu’il rencontre à l’intérieur de lui-même. À

cette libération effectuée, à cette liberté conquise répond, en

miroir, l’enseignement du IVe Ordre consacré à l’épanouisse-

ment de l’homme dans une société dont les structures et le fonc-

tionnement permettent la réalisation de cet idéal. Après avoir

parcouru les étapes précédentes : établir la justice, travailler à

réaliser l’unité des valeurs, reconstruire, le maçon peut s’épa-

nouir dans une société juste et éclairée.

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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On ne manquera pas alors de noter que la première lettre de

chacun des quatre mots clés des quatre Ordres du Rite français :

le J de justice, le U de unité, le R de reconstruction et le É de

épanouissement forment le mot « JURÉ » rappel du serment du

maçon accompli. Et on conviendra sans peine que ce mot vaut

au moins autant que le détestable INRI, à qui l’on fait tout dire,

c’est-à-dire n’importe quoi.

Je terminerai en livrant à votre réflexion ce court extrait d’un

rituel manuscrit du IVe Ordre du Rite français, manuscrit de I784

environ :

Toutes les connaissances maçonniques, et l’application qu’onpeut en faire, sont donc renfermées dans les trois premiersgrades dénommés symboliques, mais il a été nécessaire pourfaciliter le travail de ceux qui aspirent à la découverte de la véri-té, d’établir des classes (Ordres) dans lesquels on peut donnerune espèce de développement aux emblèmes qui s’offrent detoute part dans les trois premiers grades, sans cependant en tirerle voile entier.

Ce texte montre bien qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre le

chemin maçonnique au-delà du grade de Maître pour être un

excellent maçon ; mais il indique aussi, clairement, que les

Ordres de Sagesse du Rite français permettent à tout Maître

maçon volontaire d’aller plus loin dans la recherche de la vérité

et dans le travail qu’il mène, au sein du G∴O∴D∴F∴, pour éta-

blir une société plus juste et plus éclairée.

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Les Ordres de sagesse du Rite français : pour faire quoi ?

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EXISTE-T-ILDES « HAUTS GRADES »

DANS LA FRANC-MAÇONNERIE ?

Alain BAUER

Avouons le franchement, la question des hauts grades perturbe

le débat maçonnique depuis les origines. Cette perturbation

révèle des dimensions organisationnelles (Obédiences contre

Puissances), symboliques (le grade de maître est-il le dernier

grade bleu ou le premier des autres grades), diplomatiques, psy-

chologiques parfois.

Au-delà des interrogations sur la transition et la transmission

entre les opératifs et les spéculatifs, qui trouvent enfin quelques

réponses grâce aux travaux publiés par René Désaguliers 1,

Roger Dachez 2 ou le chercheur écossais David Stevenson 3, nous

permettant un passage difficile mais de plus en plus affirmé

d’une histoire romantique à une histoire rationnelle de la Franc-

Maçonnerie, la problématique des hauts grades reste encore

incertaine.

- 35 -

1 Voir la collection de Renaissance Traditionnelle.2 DACHEZ Roger, Des Maçons opératifs aux Franc-Maçons Spéculatifs, Encyclopédie Maçonnique, EDI-

MAF 2001.3 The First Freemasons, Aberdenne University Press 1988 et The origin of Freemasonry, Cambridge

University Press, 1988

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Pour autant, nous savons, sans aucun doute, et quelle que soit

l’origine mythologique ou historique retenue, que la tradition

maçonnique s’organise autour de deux grades (apprenti, com-

pagnon), d’une profession interdite (le cowan, manœuvre hors

du métier) et, plus tardivement du grade de maître. La question

des « hauts grades » apparaîtra dans un contexte purement spé-

culatif ultérieur.

Toutefois, la réponse n’est ni suffisante, ni satisfaisante. Et sa

rémanence impose d’aller au-delà.

Du désordre à l’unité

Dès les années 1730, une véritable anarchie de grades maçon-

niques est constatée en Europe. Ils s’annoncent tous comme supé-

rieurs, profitant du désordre des Obédiences qui n’ont pas encore

réussi à réguler le chaos. Dès 1737, le fameux Discours de Ramsay,

très largement diffusé dans les loges, ouvre un vaste horizon légen-

daire. Réfugié jacobite, proche des Stuart, les intentions politiques

de Ramsay semblent prédominantes et peuvent expliquer cette

démarche qui rattache les hauts grades à l’Ordre du Temple et à

une Loge-Mère située à Kilwinning.

Entre les années 1730 et 1750 les Francs-maçons vont dévelop-

per leurs rêves nouveaux en grades, cérémonies et rites. Les

loges vivent alors selon des rituels relatifs. La mise en forme de

James Anderson dans ses obligations connaît une diffusion

lente et des traductions hasardeuses. Ici et là, la Stricte

Observance, les conseils des Chevaliers d’Orient ou des

Empereurs d’Orient et d’Occident, des morceaux de grades dits

écossais (et qui n’ont encore rien à voir avec le REAA ou le RER)

connaissent des succès relatifs, des implantations précaires. La

Maçonnerie de hauts grades s’affirme entre succès localisés,

légendes et débris mythologiques.

Au-delà même du débat sur la continuité et la cohérence des sys-

tèmes, c’est surtout la volonté de confirmer des échelons supé-

rieurs au sens de la logique sociale de l’époque (ordres, castes)

qui semble impulser la profusion de systèmes. Les loges se

démocratisent peu à peu, elles acceptent des noirs, des juifs, des

musulmans, des femmes (sous la forme des loges d’adoption)

mais une partie de la Maçonnerie veut conserver un système éli-

tiste. Les nobles étant loin d’être les seuls protagonistes de cette

situation, bourgeois, érudits et parvenus tentent de trouver aussi

- 36 -

Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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Existe-t-il des « hauts grades » dans la Franc-Maçonnerie

une place dans cet édifice bancal, sorte de Babel structurée par

le port de cordons démontrant une inventivité textile remar-

quable.

La Première Grande Loge de France ne saura trop comment

gérer la question des autres grades. Elle les condamne en 1743,

puis les reconnaît en 1745. Elle essaye de les discipliner en inves-

tissant le Conseil des Chevaliers d’Orient (première version)

puis le Grand Conseil des Kaddoshs, qui donnera sa fameuse

patente à Etienne Morin, mais doit à nouveau renoncer en 1766.

Elle informe alors ses correspondants qu’elle ne veut connaîtreactuellement que les trois premiers grades 4. C’est largement la

question des hauts-grades et les crises à répétition qu’elle va

engendrer qui vont amener la mise en sommeil de la Première

Grande Loge de France en 1767. La leçon aura servi et en 1773,

le tout jeune Grand Orient de France prit, dans un premier

temps, la sage précaution de ne s’occuper que des grades sym-

boliques.

L’unification sous l’égide du Grand Orient de France

La construction des Obédiences, tout particulièrement le Grand

Orient, fut toute dans l’art du compromis. Régulation forte des

rituels des trois premiers grades, inclusion d’ateliers venus

d’autres Systèmes, unification des rites dans une pluralité accep-

tée permirent d’affirmer l’universalité de l’initiation, les visites,

le je te reconnais comme tel. Sans Obédiences, pas de

Maçonnerie universelle.

En contrepartie, Roettiers de Montaleau et la Chambre des

Grades (voir l’exceptionnel travail de recherche de Pierre

Mollier publié dans Renaissance Traditionnelle sur Le GrandChapitre Général de France et la fixation du Rite français 5),

acceptent de prendre en compte les Hauts Grades, puis créent

un Grand Chapitre Général de France dont le Ve Ordre com-prendra tous les grades physiques et métaphysiques et tous lessystèmes, particulièrement ceux adoptés par les associationsmaçonniques en vigueur.

4 Voir : DÉSAGULIERS René, La Grande Loge de Paris, dite de France, et les autres « grades », de 1756à 1766, Renaissance Traditionnelle, n° 90, pp. 88-89.

5 Publié en trois articles : janvier 1996 (n° 105), avril 1996 (n° 106), juillet 1998 (n° 115/116).

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Certes, cette création permit aussi d’intégrer un pseudo Grand

Chapitre né d’une soi-disant patente de 1721 (dite du Docteur

Gerbier, qui se revendique comme le premier Chevalier Rose-

Croix), mais pour l’essentiel elle vise à reprendre le contrôle du

chaos, selon la belle formule de Jean Mourgues. En avril 1776, le

Grand Orient avait déjà signé un accord avec les trois directoires

de la Stricte Observance, puis un Traité avec la Mère-Loge Écos-

saise de France. La mise en sommeil des Conseils des Chevaliers

d’Orient et l’intégration des Empereurs d’Orient et d’Occident

en 1773 facilitaient la tâche du Grand Orient de France 6.

La mise en place de systèmes totalement cohérents, chevale-

resques et chrétiens pour le RER est tout entier basé sur le

Convent de 17787 présidé par Prost de Royer en présence de

Willermoz (assisté de Jean de Turkheim dont le rôle est souvent

sous-estimé), au nom d’une réforme de la Stricte Observance

tout en conservant des règles issues de l’ordre intérieur du

Temple. Elle affirme la place centrale des CBCS dans le système

et décide de ne plus faire référence à un quelconque Supérieur

Inconnu, si l’on comprend bien le texte dont plusieurs interpré-

tations restent ouvertes et impose des prises de positions claires

de la part des obédiences. Le Grand Orient passera traité avec le

Régime rectifié le 31 mai 1776.

Plus syncrétique et progressif, le REAA réussira à rapidement

s’installer dans le système français grâce à une particularité. Il

permettra aux frères issus de loges de Rite français de préférer

le système (en 25 puis en 33 degrés) aux quatre Ordres français

en moins d’une vingtaine d’années. Il obtient même la capitula-

tion du Grand Chapitre Métropolitain de Rite français qui recon-

naîtra le grade de Kaddosh comme supérieur au IVe Ordre en

1821.

L’arrivée des Rites Égyptiens, aux longues numérologies (33, 95

ou 99 degrés suivant les systèmes), la profusion d’autres sys-

tèmes, continueront de perturber la vie maçonnique. Les obé-

diences hésitent entre la reconnaissance pour mieux contrôler

et l’ignorance pour éviter de se dévoyer.

- 38 -

Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

6 Voir notamment Baumier Matthieu, L’organisation des hauts Grades du Grand Orient de France, Dix-Huitième Siècle, n° 23, 1991.

7 Voir notamment l’article signé OSTABAT, « le Rite Écossais rectifié » Le Symbolisme, n° 380/381,juillet 1967.

8 Voir tout particulièrement MIRABEL Marc, Aperçus sur quelques Side Degrees au sein de la Maçonneriebritannique, Renaissance Traditionnelle, n° 107/108, juillet 1996.

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Les side degrees en Angleterre

Les Anglais en ont tiré toutes les conséquences. S’affirmant

comme les plus farouches partisans d’une Maçonnerie qui ne

serait légitime qu’aux trois premiers degrés, ils mettent rapide-

ment en place des side degrees 8. Au-delà du conflit portant sur

la rédaction des textes des premières obligations de 1723 par

James Anderson, qui avait provoqué une quasi guérilla maçon-

nique sur tout le territoire du Royaume-Uni entre Anciens (la

Grande Loge de 1717) et Modernes (la Grande Loge de 1751), un

deuxième problème portait sur la place de l’Arche Royal dans le

système maçonnique. Les anciens le considérant comme un

IVe grade et le cœur et la moelle de la Maçonnerie.

La réunification de 1813 marquera le caractère très peu clair des

choix opérés : La pure et ancienne Maçonnerie consiste en troisgrades et pas plus, à savoir ceux d’Apprenti Entré, deCompagnon du Métier et de Maître Maçon y compris l’OrdreSuprême du Saint Royal Arche, En bref, les trois mousquetaires

étaient bien quatre.

Autour, les Knights Templars, les loges de la Marque comme les

ateliers de perfectionnement du REAA se développaient dans une

relation marquée essentiellement par l’hypocrisie des dirigeants

de la Grande Loge Unie d’Angleterre niant formellement l’exis-

tence de structures maçonniques, dont la plupart étaient dirigées

par les dignitaires de l’Obédience eux-mêmes. Une véritable schi-

zophrénie maçonnique se répandait. Ordre de la Croix Rouge deConstantin, Royal and Select Masters, Secret Monitor, AlliedMasonic Degrees, Royal Orders, plus d’une centaine de grades et

de systèmes sont alors disponibles.

Pour l’essentiel, ces éléments très politiques de contrôle des

grades et des systèmes n’expliquent pas diverses particularités

nées du mythe central de l’assassinat d’Hiram. Sans entrer dans

la recherche des similarités et des comparaisons (reproduction

de meurtre de l’archevêque de Canterbury, de Charles II

Stuart…), on peut s’interroger sur la nécessité de ce symbole

pour la Maçonnerie bleue. Il n’apporte rien en tant que tel à la

démarche initiatique. Il impose une suite. II pose le problème de

l’identification des coupables, de la justice, de l’impossibilité de

laisser les choses en l’état, de poursuivre la démarche sans le

dire et parfois même en le niant. Volontairement ou pas, la

Maçonnerie bleue a laissé ouverte, sans le dire, sans toujours

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Existe-t-il des « hauts grades » dans la Franc-Maçonnerie

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l’assumer, parfois en se contredisant, un espace pour autre

chose, ailleurs, à côté.

Des ateliers « faisant partie » et non pas « supérieurs »

Le tout sera de ne jamais considérer cet espace comme supé-

rieur. Le Grand Orient de France, grâce à la lucidité de Roettiers

de Montaleau, aux révoltes de ses Convents contre le Directoire

des Rites ou les Grands Collèges du passé, a permis aux Frères

qui le souhaitent de poursuivre des parcours pluriels dans une

obédience pluraliste offrant tous les rites de son patrimoine.

Mais des dirigeants importants du Grand Collège des Rites surent

aussi dire la vérité aux Frères.

Ainsi, Camille Savoire, Grand Commandeur du Grand Collège

des Rites, dans l’ouvrage publié en 1924 sur Les Ateliers

Supérieurs du Grand Orient de France, écrit : « L’histoire de laMaçonnerie dite Écossaise ou des hauts grades, comme celle de laMaçonnerie symbolique a donné lieu à des légendes. Les auteursde ces légendes ne se préoccupant nullement du respect de lavérité historique cherchaient uniquement à donner aux ateliersauxquels ils appartenaient, ou dont ils poursuivaient la création,une origine ancienne ; ils les rattachaient ainsi à des sociétés ini-tiatiques dont l’existence était souvent problématique ou à desordres de chevalerie du Moyen Âge sans se préoccuper d’établirla filiation entre les uns et les autres. Aussi, sans nous attarder àl’étude de ces légendes dont le but principal fut souvent de créerpar le mystère des lettres de fausse noblesse mises au service decombinaisons dont l’intérêt individuel, l’amour-propre ou le mer-cantilisme n’étaient pas exclus, nous examinerons les faits eneux-mêmes. Il semble […] que les ateliers supérieurs doivent leurorigine aux Maçons spéculatifs (savants, lettrés, philosophes,archéologues, mystiques ou occultistes), qui vers le milieu duXVIIIe siècle s’introduisirent dans les milieux maçonniques pours’y organiser en cercles ésotériques sous le couvert du secretMaçonnique et des formes rituelles ».

Après la crise de 1994 au sein du Grand Collège des Rites, après

la renaissance du Grand Chapitre Général en 1996, les crises

de 1997 et 1998, l’autorité confiée au Grand Maître comme pro-

tecteur de tous les rites au nom de la souveraineté du Convent,

permet aux systèmes d’ateliers de perfectionnement de fonc-

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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tionner comme des espaces de libre choix pour les frères. Rite

français, Écossais Ancien et Accepté, Régime rectifié, Rite de

Memphis misraïm, Rites anglais de style York ou Émulation, La

Marque, le Royal Arche ont retrouvé toute leur place au sein du

G∴O∴D∴F∴. Mais ils ne seront jamais plus des ateliers de

Hauts Grades. Ils sont à l’intérieur. Ils se gèrent par délégation

des instances élues du Grand Orient. Leurs dirigeants sont res-

pectables et doivent être respectés. Ils sont élus, leurs instances

respectent la séparation des pouvoirs. Ils ne sont supérieurs à

personne.

Ils n’est pas de Hauts Grades dans la Maçonnerie véritable. Il

n’est que des Frères et des Sœurs qui ont choisi des parcours

personnels, refusant l’égoïsme ou l’intégrisme, acceptant l’équi-

libre entre une démarche initiatique intime et un engagement

citoyen. Veilleurs, guetteurs et acteurs d’une Maçonnerie à la

recherche d’une parole perdue mais qui ne condamne jamais au

silence. Francs-Maçons héritiers d’une volonté de liberté et de

doute, prêts à la recherche et au partage dans le Temple dont la

voûte est ouverte sur le Monde, s’émancipant par l’initiation qui

n’est pas une révélation.

La Franc-Maçonnerie a eu le courage de supprimer, au moins

officiellement, les supérieurs inconnus. Au Grand Orient de

France, elle peut affirmer désormais tranquillement qu’il n’y a

pas non plus de supérieurs connus. Elle ne connaît que des

égaux par le mot, le signe et l’attouchement.

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Existe-t-il des « hauts grades » dans la Franc-Maçonnerie

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Cordon de Chevalier d’Orient, Collectionparticulière, 1860

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L’ATELIER MAÇONNIQUE :LA LOGE, LE CHAPITRE

Jean-Pierre LEFÈVRE

La Loge

Cet engagement citoyen de venir en Loge, renoncer au confort

des vérités toute faites, est un choix de société. Franc-Maçon et

citoyen sont les deux faces du même homme travaillant alterna-

tivement sur les deux colonnes d’un temple mythique conçu

pour que l’on puisse en sortir facilement, donc y rester plus

volontiers encore. Ce lieu est ouvert à toutes les conquêtes inté-

rieures, il permet d’inscrire le scénario de sa vie dans le grand

roman de jérusalem.

Discussions sincères, diversités d’opinions, attitudes construc-

tives, aventures intellectuelles, sont orchestrées par un rituel,

décorées de symboles empruntés à la Maçonnerie de métier.

Rituels écrits et imaginé par nos devanciers du siècle des

Lumières. Ce que doit savoir le Maître Maçon, instruit du récit de

la légende d’Hiram, devenue le mythe central de la Franc-

Maçonnerie de libre progrès, imprègne notre conscience d’hom-

me libre sur les questions fondamentales de l’existence, de la

transgression des limites, de la relation au sacré, de la fatalité et

du mystère de la mort.

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Pourquoi… et pour quoi faire ?

Cependant le Maître Maçon doit s’ouvrir à d’autres recherches et

démarches durant son parcours et cette revue se veut être un

des outils pour nourrir notre réflexion sur l’ambitieux projet

maçonnique d’une société plus solidaire, afin de consolider

notre pacte d’alliance.

Se faire… se défaire… et se parfaire ?

Prise de conscience de ce que nous sommes et de ce que nous

voulons devenir. Le parfait maçon libre est la résultante d’innom-

brables causes entremêlées et placées au centre de notre propre

univers. À partir de ce point, de cette fonction, il peut avancer vers

un futur prometteur au milieu d’un groupe animé par une même

volonté. Il est possible de mener cette vie maçonnique sur les

chantiers de Rite français, qui apporte satisfactions et accomplis-

sement de soi pour se sentir enfin libre dans sa vie citoyenne.

Cette initiation n'est pas un savoir établi, mais plutôt une

méthode qui conduit à la destructuration de nos habitudes cul-

turelles. Cet esprit maçonnique reconstruit notre cœur, permet-

tant ainsi d’évoluer vers le concept fédérateur d’une citoyenne-

té universelle. Citoyenneté qui favorise la liberté de toutes les

expressions démocratiques, impose l’égalité des parcours pour

tous et décline la fraternité qui ne connaît pas les frontières.

Le mythe, le concept et les principes

Construire est universel, les symboles et le mythe fondateur de

notre tradition maçonnique moderne, ont été empruntés aux

maçons opératifs, ils prennent sens dans les obligations d’un

Franc-Maçon de 1723. Ils sont autant de supports pour nous

aider dans le labyrinthe des pratiques rituelliques de cette Franc-

Maçonnerie adogmatique dans laquellle nous nous sommes

engagés.

La Pierre mythique : matériau lié à la construction, situe l’origine

et le but à atteindre.

La Pierre brute et ensuite taillée : c’est l’ouverture d’esprit et de

libre conscience.

La Pierre de souveraineté : se réclame des principes fondamen-

taux de notre ordre.

Nous sommes des passeurs de mémoire puisque porteur de cet

idéal, dont Renan écrivait dans ses mémoires : « Il y a peu d’idéaldans le monde, mais c’est par ce peu que le monde vit ».

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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Le sens de notre engagement est avant tout l’instant privilégié où

l’on s’interroge sur soi, sur ses limites, sur ses responsabilités et

sur le lien ténu entre toutes les étapes de notre vie. Voilà bien la

véritable différence entre le règne animal et l’ordre humain, qui

ne tient pas seulement de la station debout mais plutôt de cette

invention géniale qu’est l’écriture et de l’usage qui en a été fait.

Le livre

Un homme qui meurt est une bibliothèque potentielle non écri-

te qui disparait. Le livre ainsi que le rituel permettent une trans-

mission du message à travers les époques. Les rituels sont les

expressions symboliques qui créent les disponibilités pour que

celles-ci ne soient pas comprises comme des « mirages fumeux »

mais comme le principe fédérateur qui nous rassemble et qui

nous ouvre l’horizon de cet humanisme de réconciliation.

Les Principes fondamentaux du GODF

Tolérance mutuelle, respect de l'autre donc de soi-même, liberté

de conscience, concordent parfaitement avec les obligations

des Constitutions d'Anderson/Désaguliers de 1723. Le concept

progressiste est avant tout qu’il ne s’agit plus de revendiquer ses

droits, mais qu’il faut aussi écrire La table des devoirs. Cela éclai-

re notre engagement de parfait maçon libre, commandeur du

Temple idéal que nous voulons bâtir.

Le Chapitre

Le Chapitre structure nos rêves. Il correspond à l’image que les

Frères se font du romantisme, de la philosophie et de la poésie

qui manquent dans l’itinéraire précèdent. Les Ordres de Sagesse

nous révèlent que les rêves et utopies partagés ne suffisent plus

face aux prétendues certitudes des doctrines et idéologies de

notre société. Notre patrimoine culturel de l’Atelier symbolique

nous a préparé dans cette démarche philosophique qui n’est pas

un enseignement pour s’évader hors du monde mais pour

mieux l’appréhender.

L’Atelier philosophique porte un nouveau regard sur l’ensemble

des nuances de la civilisation et de toutes les enceintes de la vie

contemporaine, permettant ainsi de ne plus laisser coloniser

notre imaginaire.

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Chroniques françaises : la loge, le chapitre

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Le Rituel, d’hier et de demain

Le rituel d’aujourd’hui doit être ouvert à toute conquête inté-

rieure, à tous les assemblages d’aventures individuelles au servi-

ce d’un collectif. Il est forum d’idées pour élaborer des scénarii

très utiles à notre action concrète dans la cité. Travailler sur les

rituels historiques, qui sont notre mémoire et dont la connais-

sance est indispensable et nécessaire au saut créatif pour établir

les rituels de référence du Grand Chapitre Général du XXIe siècle.

Notre Chapitre français ouvre sur toutes les espérances, toutes

les générosités, tous les idéaux face à cette civilisation si singu-

lière. Le Chapitre français est bien le lieu idéal pour faire la part

aussi belle à la cigale à côté du fragile triomphe de la fourmi.

Nous avons l’impérieux devoir de faire preuve, nous aussi,

d’imagination.

Les Ordres de Sagesse ne sont jamais supérieurs les uns aux

autres mais différents, selon l’expression de Victor Hugo « Que

le mieux n'est trouvé que par le meilleur ».

Le parfait maçon libre trace ainsi son itinéraire entre l’abscisse

du doute et l’ordonnée de la vérité, ce qui lui permet de rester

fidèle à son engagement et lucide envers lui-même. Le grand

projet de société, imaginé par nos devanciers du Temps des

Lumières, dès 1717 à Londres, refusaient déjà la médiocrité

d’une pensée unique pour s’inscrire dans la modernité.

En nous réappropriant cette mémoire nous devenons les

acteurs vivants de ce grand projet de société.

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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LE GRAND CHAPITRE

GÉNÉRAL DE FRANCE

Première obédience française

de hauts grades au XVIIIe siècle

Présentée dans l’ordre chronologique, la liste de plus de 60 cha-

pitres Rose-Croix affiliés ou constitués en trois ans, permet de

suivre l’enracinement progressif du Grand Chapitre Général

dans la réalité maçonnique française. Ainsi le Grand Chapitre

apparait comme la première organisation moderne de hauts

grades. Il est une structure nationale à la tête d’un réseau de cha-

pitres avec lesquels il entretient une correspondance.

Liste des chapitres

Fondateurs :

Amis intimes (Paris)

Amitié (Paris)

Frères unis de Saint-Henri (Paris)

Harmonie (Paris)

Réunion des Amis intimes (Paris)

Salomon (Paris)

Trinité (Paris)

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Affiliés :

1784

31 juillet La Parfaite Harmonie (Abbeville)

31 juillet L’Etoile Polaire (Abbeville)

31 août La Parfaite Union (Eu)

1er octobre Triple Union et Parfaite Amitié (Reims)

20 novembre Le Triomphe de l’Amitié (Draguignan)

20 novembre Raoul (Pavilly)

1785

24 mars Le Vrai Zèle (Auxerre)

24 mars Noble et Parfaite Unité (Paris)

19 mai La Zélée (Bayonne)

11 juin Heureuse Réunion (Paris)

29 juin Saint-Louis des Amis réunis (Calais)

23 juillet Sainte-Emilie (Ferrières)

23 juillet L’Heureuse Réunion (Limoges)

23 juillet Le Maréchal de Coigny (Régt du colonel

général dragons Chateaudun)

22 novembre Chapitre de Lille (Lille)

Constitués

1785

22 novembre Saint Pierre ès liens (Saint-Pierre-le-Moutiers)

1786

17 janvier Saint-Christophe de la Forte Union (Alençon)

17 janvier L’Union (Lorient)

2 février La Madeleine (Montargis)

4 mars La Réunion des Élus (Aunay)

4 mars Le Tendre Accueil (Angers)

1er avril Amis de la Vraie Règle (Perpignan)

2 mai La Concorde (Versailles — La Cour)

2 mai Les Amis unis (Laval)

2 mai Saint-Louis Saint-Philippe de la Gloire (Nancy)

6 mai Les Amis réunis (Régt de la Marine inf ; Antibes)

17 juin Saint-Marc (Saint-Denis)

17 juin Les Cœurs unis (Dieppe)

29 juin Raoul et Parfaite Union (Rouen)

29 juillet Saint-Antoine des Amis réunis (Pont à Mousson)

20 septembre Les Amis réunis dans la Bonne Foi (Montpellier)

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

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20 septembre Henri IV et Sully (Nîmes)

25 novembre Triple Essence, Dauphine et Essence des

Mœurs (Saint-Malo)

1787

2 février Les Amis de la Paix (Bourges)

2 février Ies Élus de Sully (Brest)

27 mars Chapitre provincial de Provence (Aix)

27 mars Chapitre d’Aix (Aix)

27 mars Ia Parfaite Union (Épinal)

27 mars Neuf Sœurs (Toul)

12 juin Chapitre du Mans (Le Mans)

12 juin La Régularité (Gardes du Roi ;

2e Compagnie française, à Troyes)

12 juin Maréchal de Saxe (Régt de Septimanie cavalerie)

4 août Saint-Jean des Chevaliers Amis

(Régt d’Armagnac inf ; Saint-Lô)

4 août La Constance (Régt de Béarn inf ; Metz)

4 août Les Vrais Amis (Régt de Bourbonnais inf ; Metz)

Colonies

1785

14 janvier Parfaite Harmonie (Saint-Denis, à l’Ile Bourbon)

1786

8 décembre Les Vingt-Un (Port-Louis, à l’Isle de France)

1787

27 mars La Paix (Pointe à Pitre, Guadeloupe)

27 mars La Parfaite Union et Tendre Fraternité

(Saint-Pierre, Martinique)

5 avril La Fraternité cosmopolite (Pondichéry)

29 juin Chapitre de la Guadeloupe (Basse-Terre)

29 juin La Trinité, le Zèle et la Bienfaisance

(Martinique)

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Liste des chapitres

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Étranger

1787

2 février Nouvelle alliance (Maestricht)

8 mai Parfaite Égalité (Liège)

29 juin Chapitre de Moutier (Moutier en Tarentaise)

Pierre MOLLIER

Article paru dans Renaissance Traditionnelle N° 115/116

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Grand Chapitre Général du Grand Orient de France

Tablier aux quatres ordres, fin du XVIIIe siècle

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AUTO-DÉRISION

TOUT EST DANS TOUT*

Le compagnon releva les yeux sur le Grand Maître. Celui-ci le

considérait avec bienveillance, calé dans un antique fauteuil,

derrière le bureau. Au-dessus de sa tête, les insignes maçon-

niques accrochés aux murs et les objets symboliques soigneuse-

ment exposés dans la lumière solennelle de deux candélabres,

augmentaient encore le caractère sacré du lieu.

- Je vous écoute, dit le Grand Maître.

- Eh bien voilà, commença le visiteur. J’ai sollicité cet entretien,

car je crois avoir découvert des détails insolites qui concernent

ma loge, et qui, je crois, peuvent bientôt concerner toute l’obé-

dience.

- De quoi s’agit-il ?

- Ça a commencé il y a cinq mois, lors d’une réunion ordinaire

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* Paru dans un numéro de la revue « Fluide Glacial »

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de la loge à laquelle j’appartiens. Dans le couloir, avant la

réunion, j’ai repéré deux frères qui, très brièvement mais sans

équivoque possible, se sont échangés un signe de reconnais-

sance codé.

Le Grand Maître haussa les sourcils et dit en souriant :

- En dehors du fait que je n’en comprenne pas l’utilité dans un

lieu maçonnique, je ne vois pas non plus ce qu’il y a là de bien

extraordinaire

- Attendez. Intrigué, j’ai observé ces deux frères très discrète-

ment. Après plusieurs réunions, j’ai remarqué avec surprise que

ces signes de reconnaissance étaient échangés par sept autres

personnes de ma loge, dont le Vénérable.

- Les signes de reconnaissance entre francs-maçons sont choses

courantes, je ne vois toujours pas ce qu’il y a là d’anormal…

Le visiteur se redressa.

- Ce qu’il y a d’anormal, c’est que ces signes n’appartiennent pas

à la tradition maçonnique.

- Allons. Il devait s’agir de signes propres à un grade que vous

n’avez pas encore atteint, ou peut-être s’initiaient-ils à un rite

que vous ignorez

- Non ! Non ! Je suis catégorique ! Croyez-moi. À mon degré, je

connais TOUS les signes maçonniques, et le triple croisement

du majeur et de l’annulaire n’en est pas un ! Mais il y a pire. Le

Grand Maître s’était accoudé à son bureau et se frottait le men-

ton d’un air dubitatif

- Pire ?

- En continuant à observer ces frères au comportement singu-

lier, j’ai découvert qu’ils portaient un emblème cousu dans des

endroits invisibles de leurs vêtements : trois petits fils rouges en

Y. Ce ne peut être un hasard.

Les yeux du Grand Maître se perdirent dans les coffrages du

haut plafond.

- De fait, il ne me semble pas que cet emblème soit répertorié

dans les emblèmes maçonniques… Quoiqu’il en soit, vous avez

bien fait de venir me voir, dit-il. Continuez votre enquête discrè-

te et revenez dès que vous aurez des éléments nouveaux.

Six mois plus tard, le compagnon était de retour dans le bureau

du Grand Maître.

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- Alors ? Avez-vous découvert de quoi il s’agit ? demanda le chef

de l’obédience.

- Mieux : je me suis infiltré parmi eux. Ils ont un système de par-

rainage extrêmement cloisonné, mais à force d’entêtement, ils

ont fini par m’accepter. Oh, je n’en suis encore qu’au tout pre-

mier degré d’initiation.

- Initiation ? Parrainage ? Que voulez-vous dire ?

- Connaissez-vous l’ordre Conventuel Expiatoire des

Charpentiers Universels ?

- Non. Le frère secoua la tête d’un air entendu.

- C’est leur nom. Ils prétendent que l’initiation à la

Franc-Maçonnerie actuelle n’est qu’un vulgaire apprentissage

réservé au tout-venant. Que les rites et les secrets qu’on y

apprend ne sont que poudre aux yeux et balbutiements, qu’ils

permettent tout juste, pour les meilleurs, d’entretenir l’espoir

d’accéder un jour à la véritable initiation.

- Et quelle est la véritable initiation ?

- Celle des Charpentiers Universels, les seuls qui connaissent les

vrais secrets de l’univers…

Le Grand Maître resta un moment immobile et silencieux à

contempler son visiteur,

- Si je comprends bien, vous prétendez qu’il y a une société

secrète à l’intérieur même de la Franc-Maçonnerie ?

- C’est exactement cela. D’après ce que j’ai appris, leur réseau

s’étend sur toutes les loges, sur toutes les obédiences. Ils

seraient plusieurs centaines. Ils recrutent les membres qu’ils

estiment dignes dans le plus grand secret. Ils ont leurs propres

rites, leurs symboles, leur langage et leur hiérarchie. Ne vont-ils

pas jusqu’à affirmer que leur puissance occulte est le réel diri-

geant de la Franc-Maçonnerie ? Que celle-ci n’est qu’une façade,

destinée à protéger en son sein les seuls authentiques déten-

teurs de la Vérité Universelle ?

- C’est incroyable ! Comment de véritables francs-maçons peu-

vent-ils se livrer à de telles puérilités ?

- Vous devez en savoir quelque chose, si j’en crois les fils rouges

cousus en Y qui se trouvent sur la doublure de votre porte-docu-

ments…

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Le Grand Maître soupira.

- Bien. Ça nous permettra d’aller plus vite. Je suis ravi d’accueillir

parmi nous un membre jouissant d’un don d’observation tel

que le vôtre… D’autant que vos talents vont nous être immédia-

tement utiles. Imaginez qu’à la dernière réunion de la Maîtresse

Charpente, j’ai surpris deux Grands Menuisiers en train d’échan-

ger des signes étrangers à notre ordre conventuel.

- Il s’agissait de messages en morse basés sur les rythmes de res-

piration.

- Comment le savez-vous ?

- En tant que chevron de premier degré, j’ai assisté moi-même à

cette réunion, ce qui m’a permis d’enquêter sur le phénomène.

Il s’agit d’une société méta-secrète qui s’est formée au sein

même de la Charpente Universelle et qui se sert de notre ordre

comme couverture. Leur nom est le Consistoire des Plombiers-

Zingueurs de la Sainte Étanchéité. Leur élite est d’autant plus res-

treinte qu’ils ne sont que douze, comme les apôtres. Mais la véri-

té qu’ils détiennent est plus vraie que toutes les autres vérités.

- Ne me dites pas que vous en faites partie

- J’ai été désigné hier Joint-Clapet de 1° classe, pour occuper le

douzième siège vacant. Vous ne pouviez pas me reconnaître

derrière le masque de soudeur sacramentel mais moi, je vous ai

bien vu.

- Alors c’était vous le nouvel initié ?

- C’est exact. Ce qui m’amène à vous poser une question. Lors de

cette cérémonie rituelle pour mon adoubement, vous avez

échangé un message télépathique avec votre voisin de droite, ce

qui n’est pas prévu dans le Rite de la Plomberie Zinguerie

Initiatique

- Je voulais vous en parler. Le Consistoire des Plombiers

Zingueurs constitue la plus haute étape vers la vérité universel-

le, mais n’est qu’une étape. Seuls ses membres les plus parfaits

peuvent être admis au sein de la société supra-secrète des

Maîtres Électriciens du Circuit Absolu. Car eux seuls ont accès à

la Vérité Ultime. Nous sommes deux. Voulez-vous être le troi-

sième ?

- Mais pourquoi m’accepter si rapidement ?

- J’ai besoin de vous. C’est grave. Lors de la dernière réunion de

polarité, j’ai eu la conviction de ne pas être franc avec moi-

même et avec mon frère Maître Électricien

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- Que voulez-vous dire ?

- J’ai l’impression d’appartenir à mon insu à une société plus

suprêmement secrète que les autres, et dont je suis le seul

membre : la société de l’Entrepreneur-Chef de Chantier

Cosmique-Bureau de vente au rez-de-chaussée, qui ne peut déte-

nir de vérité plus vraie, puisqu’il prend ses instructions à la sour-

ce : chez Dieu lui-même.

- À la bonne heure ! Si c’est vrai, vous ne pouvez pas monter plus

haut, aller plus loin, connaître plus avant et rester plus secret.

Alors, qu’est-ce qui vous gêne ?

- À la dernière réunion de communion avec moi-même, j’ai net-

tement senti ma main gauche échanger des signes de conni-

vence avec mon omoplate droite.

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