Jean Genet, un saint marocain

8/8/2019 Jean Genet, un saint marocain

1/133

nejmarevue littraire

Jean Genet

un saintmarocain

numro spci al - hiver 2010-20 11


2/133

2 3

161. Simon-Pierre Hamelin Sidi Gini172. Serge Lutens Sa Majest la rose174. Salim Jay Gardons conance !183. Gilles Sebhan Bicolore191. Abdellah Bada La craate rouge

196. Jos Didier Les Dieux197. Jos Didier Les ous dans la illeContributions en anglais198. Whit Grifn Te Saintly Tie199. Whit Grifn Eery Man Alone200. Hedi El Kholti Belong Nowhere

Contributions en arabe262. Abdelaziz Errachidi248. Abderrahim Elkhassar242. Walid El Amraoui232. Taha Adnan225. Yassin Adnan

Photographies de Denis Dailleux : courur, pags 33-36, 54-56,102, 122, 125-128, 138, 148, 156, 160, 182, 190, 208-209, 243, 249.

Sommar5. Abdellah Taa prsentationContributions en anais11. Tahar Ben Jelloun Lettre Jean Genet17. Farid Tali Les soirs de Nanterre37. Alain BlottireLe ciel dune djellaba46. Karim Boukhari rois ois homme

57. Stphane Bouquet lgie pour Jean Genet62. Marc Trivier Jean Genet, Rabat, 198563. Ren de Ceccatty Genet, labsent de soi67. Fadwa Islah rois73. Bernard Faucon Mon Maroc87. Arnaud Genon Mabandonner sera mon orande92. Hicham Tahir Ne dites plus rien99. Florence Malraux Un charme sans bagage103. Lela Hayane En chacun de nous repose un Genet106. Ralph Heyndels anger trois reprises116. Bernard Guillot Photographier dans lexil123. Rachida Madani Jean Genet129. Donatien Grau Jean Genet et ses artistes139. Carole Achache Aec mes yeux denant142. Omar Berrada Nous. Deux. Un.

149. Yve-Alain Bois Le burnous157. Philippe Mezescaze Natre un 19 dcembre


3/133

4 5

Prsaopar Abdellah Taa

Ja G s u sa maroca. Il s ra d l dr.Il ls dj. Il l sra jamas.

Jean Genet, crivain, prisonnier, soldat, voleur, rvolt, tra-r, s pas. Plus. Au Maroc, qulqu chos s ra d

se produire autour de lui en ce moment, autour de sa mmoire,d so hrag, d sa lagu d ss poms. Il r d plus plus das l mysr, das u aur rlgo, u aur s, c d lhomm prmr.

Le 19 dcembre 2010, l aura cent ans. Mas, quon ne sytrompe pas, cet homme de lvres nappartent pas seulementau xxe scle. Il dpasse notre poque, notre aon de vor lemod, d l rascrr, d l omr.

Dpus l 15 arl 1986 l rpos das l cmr spagolde la vlle de Larache. Cest l qul contnue dcrre et decrer. Cest l que la transormaton et la prophte sont enra d s ralsr.

Un jour, on ne se souviendra de lui qu travers ce nom, cetteoull dsgao, arab : Sd G, Sd G.

Lhomme, de son vivant, a ait du bien avec certains. Il a ait

auss baucoup d mal au aurs. E cs pour cla qul sraun saint ici, au Maroc, ce pays qui porte ce nom et qui aurait pusapplr aurm. Cs c, sur c rr, sur c alas,cll d Larach, cll du Maroc, qu l mal l b ropar sgr, grc lu, la mm chos : la rasgrsso abso-lue. Parce que ici, dans ce territoire ou et seuel, la conusion etle lien sacr entre les hommes et la poussire ont encore un sensort, un sens prmt, un sens qu vent du dsert, de lAtlas,d lrrac d la rahso.

Bernard Faucon, Un jour, on cesse, Les critures, 1991


4/133

6 7

BographsTahar Ben Jelloun t 1944.

i bt x Gt La Nuit

sacre(d. d s, 1987). i t d b

Jean Genet, menteur sublime(Gd, 2 010).

Farid Tali t 1977. i t t

d Prosopope(p.o.l., 2000). i t p.

Denis Dailleux, tg, t 1958.i t t d Caire(c, 2001) t d Fils

de Roi : portraits dgypte(Gd, 2008) .

Alain Blottire, , t 1954.

p , t Saad(1980)

t Le Tombeau de Tommy(2009), x

dt Gd.

Karim Boukhari, dt

d gz Tel Quel, t t

d d Le Noir des nuits

blanches(att, 2010).

Stphane Bouquet, t t,

t 1968. i t t d LAnnede cet ge(2001) t Le Mot rre(2005),

x dt c v.

Marc Trivier t 1960. i t t

d b tt d gd .

Ren de Ceccatty, , dtg

t tq tt, t 1952. i t

t tt d LAccompagnement

(1994), Aimer(1996), LHte invisible(2007),

x dt Gd.

Fadwa Islah t 1981 agd.

e t b d t Lettres

un jeune Marocain(d. d s, 2009).

Bernard Faucon, tg, ,t p 1950. u g

d tgq t

2005 x dt at sd.

Arnaud Genon t t dHerv Guibert.

Vers une esthtique postmoderne(lhtt,

2007). i d ib G t

atft.g. i g cb.

Hicham Tahir t 1989 Kt.

i t b d t Lettres

un jeune Marocain(d. d s, 2009).

Florence Malraux, f dad mx,

t tt t do W,c mk, F Tt, a c

t a r.

Lela Hayane, t gt

cb, b 2009 ,

Pages parallles, x dt lhtt.

Jean Genet, depus le dpart, depus qul a vu pour lapremre os dans les annes trente anger, est c chez lu.Va. Mor. Espr. Dj.

Je le savas, ben avant de lre ses lvres. Je le connassasben avant dtre mpressonn par son mmense talent ltt-raire, son style, ses abmes. Bien avant de dcider que, moi aussi,je seras son dle, son am, son unambule, son amant, sonpaur maroca.

Ma mre, MBarka, le connaissait. Cette emme du bled, qui d parr qu a jamas apprs lr crr, a

commuo ac lu. Qulquu lu aa parl d c cra.Cs ll qu a oulu mmmr sur sa omb. Pour aor sabaraka. Cs ll qu ma ms sur la o d Ja G.

Je na at que suvre son consel. Et, aujourdhu, dansNejma, je ne ais que clbrer, en compagnie dautres crivainset de photographes, cet homme bon et cruel avec les mots de mamr, das sa ao ll d rr ls ruls, d dpassrls lgs, ls du.

Ce numro spcal est un moussem, la marocane. Lasason du plernage. Nous allons tous vers Jean Genet, versson mausole ace locan Atlantque. Nous le dclaronsSaint Marocain. Nous apportons avec nous des orandes. Deslumires. Des larmes. Des chants. Des tetes. Des pomes. Desmages. Des collages. Un nouveau soue. Ces cadeau sontpour G, mas ls parl pas ous d lu. Chacu

libre avec sa contribution, sa langue, son histoire, son eau sacre,sa mar lu dallr rs c omb musulma.C Nejma s pas u umro d spcalss d lur d

Jean Genet. Il clbre lcrivain et donne le voir dans un amourdr. Il ru auour d lu u amll du aur gr.

Il y a les livres de Jean Genet. I l aut les oublier maintenant.Pour mu ls rrour u jour. U jour proch. Dma.


5/133

8 9

Whit Grifn, t, t 1980 m

(usa). i t t d Pentateuch :

The First Five Books(sky p, 2010).

Hedi El Kholti t dt x dt

stxt(). i t l ag.

Yassin Adnan, t, t 1970

sf. i t t d Mannequins(2000)

t d La akad ara(2007).

Taha Adnan, t, t 1970 s f. i t

Bgq. i t t d d

Akraho al-hob(d. D ad a-by).

Walid El Amraoui, 1984, t b

. i t rbt.

Abderrahim Elkhassar, t, t 1975

sf. i t t d t d

b. i b qtd b Assar.

Abdelaziz Errachidi, , t 1978

Zg. i t t d t d

t d , Bdouins sur la alaise

(d. D a-by l-o, 2009).

Abdellah Taa t 1973 rbt.

i t t d LArme du salut(2006),

Une mlancolie arabe(2008) t Le Jour du Roi

(2010), x dt d s.

Chroolog19 dcembre 1910. n d J Gt.

1911. abd x et at.

1926. c g tt d mtt y,

d T.

1929. eggt d dx .

1931. p j m, mdt

mk.

1936. J Gt dt t t

e.1943. rt d J ct, dt

dt d Notre-Dame-des-Fleurs.

1946.Miracle de la Rose.

1947. dt y d Pompes Funbres

t d Querelle de Brest.

1949. Journal du Voleur. G dt.

1950. Gt t Chant damour.

1955. rt d abd q

dx td Le Funambule.

1956.Le Balcon.

1957.LAtelier dAlberto Gia cometti.

1958.Les Ngres.

1960. Les Paravents.

1964. sd dabd 12 p.

Gt d q ttt.1967. Ttt d d, j J.

1970. sj x usa t Bk

pt, yg my- ot tt

d o.l.p.

1982. Gt t m.

1986. J Gt t p d t

d 14 15 . i t t l

m. pbt dUn capti amoureux.

Ralph Heyndels, d ttt

d t t

d m, t t d La Pense ragmente

(p mdg, 1995).

Bernard Guillot, tg, ,

x nd 2003 Le Pavillon

blanc(Fg). i t gt t d

Htel Maet Astoria Le Caire(id t cd,

1999).

Rachida Madani, , t, t

Tg 1951. e t t d Blessures au

ventt Lhistoire peut attendre, x dt

d D.

Donatien Grau g

d p. i t b d t

d dt d La Rgle du jeu

(gdj.g).

Carole Achache, t tg,

t t d La Plage de Trouville(stk, 2008).

Omar Berrada, t t tdt, t

b d t Lettres un jeuneMarocain(d. d s, 2009).

Yve-Alain Bois, t t tq dt

d, t ctt (ag) 1952.

t t d Painting as Model(miT p,

1993). i g t d pt.

Philippe Mezescaze, , t

1952 p. i t t d Qualamour

(d. d s, 2003) t De leau glace contre

les miroirs(d. d r, 2007).

Simon-Pierre Hamelin, , t

1973. i t t d La Changeante cume

des fots(d. Kb Bd, 2009 ). i dg

lb d c, Tg, d 2005.

Serge Lutens t 1942 l. i ttg, t t t d .

Salim Jay, t tq tt,

t 1951. i t t d Tu ne traverseras

pas le dtroit(m t u nt, 2001)

t dEmbourgeoisement immdiat(d. d

D, 2006).

Gilles Sebhan, , t 1967.

i t t d Presque gentil(2006)

t d Domodossola. Le suicide de Jean Genet

(2010), x dt D.

Abdellah Bada, t tq tt,

g d rbt. i t t d Voix de Khar-Eddine

(d. Bgg, 2007).

Jos Didier (1919-2008) t t

d Pomes des Temps mystiques

de dsolationt Les Dieux.


6/133

10 11Tahar Ben Jelloun

Lettre Jean Genet

Jauras am dr ou a b , mas u sas qu r va tout ait bien. Je ne parlerai pas de la mto, mais sache quele climat est devenu ou et que les saisons se moquent des culti-vateurs, que les paysans vivent toujours plus nombreu dans lesvilles. Leode rural dont tu as maintes ois constat les dgts sepoursu. Ls sasos so plus lur plac la rr co-u d ourr ac ss aams, ss cohrcs juscs.out cela, tu ten doutas de toute aon, et tu dos ben tenamusr l o u s, la our drco d La Mcqucomme un bon musulman , et, comme disait Mohamed enplasaa, r u ac bordl u prso.

Que tu reposes en terre marocaine, dans un cimetire chr-, o l rbll, ous a ous s prochs b plasr. aomb s du u lu d s, j dra pas u lu d

culte, mas des gens y vennent dun peu partout. Quand legarden du cmetre est mort, cest son ls qu lu a succd.Il a achet un grand caher cartonn ; sa emme le prsenteau visiteurs pour quils puissent y consigner leurs impressionsmoyennant 50 dh. L e livre est plein de tmoignages. Je sais queu moqus, mas ous cs gs o l oyag pour r srcullr sur a omb, oujours auss mods. Ah, ja oublde te dre que la premre stle a t vole. Encore un de tescoups !


7/133

12 13

toujours aussi mince. Il voit aussi Ahmed qui vit en ce moment Ial soccup d ss chau.

Mohamed, je dois malheureusement te le dire, est mort dansun accident de voiture si mois aprs ton dpart. Il avait achetu ll auo a prs das u mp sur la rou dRabat. Jacky et Ans se sont occups dAzzedne. prsent,cs l rr d Mohamd qu das la maso d Larach.

Lela Shahid e st ambassadrice de lAutorit palestinienne Brulls auprs d lUo urop aprs aor occup lmm pos Pars. Ell a u raal ormdabl.

Notre ami le pote Mahmoud Darwich est mort il ny a paslongtemps, aprs une opraton du cur. Il a lass un grandd.

Au mom o j crs, l mod l gm a-versare de la chute du mur de Berln. Ou, le mur est tomb ls du Allmags s so rus. C pupl qu u rou-vas mnn est drg par une emme comptente etpussa.

La France est de mons en mons la lle ane delglse ; elle se bat pour prserver la lact. Elle a du malavec lslam et certans musulmans. Il aut dre que la guerredAlgrie est toujours dans la mmoire des deu communauts.Des amlles mmgres envoent leurs lles lcole voles.U lo a o pour mpchr ls sgs rlgu das lsadmnstratons et les leu publcs. o, jmagne, tu auras

t contre cette interdiction : ton esprit de contradiction auraitrag plus qu a raso. E, lslam a prs oagpar des terrorstes qu en ont at leur tendard et parlent de la vengeance des humls contre lOccdent . On tue eton massacre au nom de cette relgon qu, comme tu sas, est soumsso la pa .

linvitation dune chane de tlvision ranaise, je me suisrendu lhver derner Allgny, dans le Morvan, pour vsterton cole. Ce lieu est si roid, si humide, si chagrin, que jai vite

Non, les nouvelles ne sont pas bonnes. Comme tu me disais : O l pas ls jourau pour saor s o s huru. Ls Palss so dss. Dpus o dpar, l y a u duintiadas, des soulvements de jeunes qui ont rsist contre loc-cupant coups de pierres. u aurais certainement aim te mler la oule et lancer quelques perres en drecton des soldatsisraliens qui tiraient avec des balles relles. Mais les choses ontempr. Les relgeu se sont consttus en mouvement qulsont appel Hamas . Depus, grce au lectons lbres, leHamas Gaza lAuor pals Ramalla h. Ls

Gazaous o crus ds uls pour ar passr par la ro-tire gyptienne des produits alimentaires, des mdicaments etdes armes. Mais lgy pte vient de boucher les ouvertures pourls mpchr d surr.

Je ne vas pas te raconter vngt ans dhstore, mas sacheque les Palestnens nont cess dtre vctmes dagressons,de massacres et dhumiliations. Il y a eu plusieurs guerres. Desmilliers de victimes du ct palestinien. Le monde assiste cescrimes en regardant ailleurs. La solitude du peuple palestinienest terrble. Des vo slvent de temps en temps pour dre : a su ! Isral comm ds crms , mas Isral s d-r ou a.

Les autres nouvelles sont moins d ramatiques. Je commencepar Azzedne. Il est grand, beau, l a les yeu marron onc,dsons nors, l est trs ntellgent. Il vt Pars, l a at des

tudes de comptabilit mais, quand je lai vu, il tait en cong. Ila un ls quil a appel Driss. Il se souvient de toi et a lu certainsd s lrs. Jacky s rs proch d lu. Ils s o sou.

Jacky se porte ben. Il gre ton hrtage avec une grandeprudc rguur. Il ll sur o ur prm pas nimporte qui de aire nimporte quoi avec tes tetes. Il est trsma, l su o mpl. Dallurs l parl comm o ahr d o o sulm s colrs mas auss o mpra-m. Il aujourdhu Grc. Il a ls chu blacs s


8/133

14 15

u rds comp quo u chapps ? Ja Blac ! R qupour cla, u auras chag d amll, s-c pas ?

J mbrass, am.

ahar

cette lettre, extraite de son dernier ourage, Jean Genet,mur sublm (Gallimard, 2010), ahar Ben Jelloun a tenu ajouter ce qui suit, ce cri de colre :

Il marrve de penser Jean Genet souvent, trs souvent.Prsqu ous ls jours. J m dmad c qul aura ps dtel ou tel vnement poltque, de ce qu arrve aujourdhud rrbl das l mod. Corarm c quo pourracroire, Genet tait un dvoreur de journau, tous les journau.Il sua rs am ls ormaos.

Genet est l, ben l. Il contnuera de vvre tant quon sesoudra d lu. So rgard maqu or soc. la d sa , l a du mos u prso physqu quupense rebelle, mltante et qu ne se atguat jamas. Il tatou l mps colr. Il usga ous ls suos dumod s souca gur d c quo dra d lu d ssprises de position. Il ntait trs attenti que lorsquil sagissaitds Palss. L, l a lcou ds racos ds aurs

par rapport sa dense de ces derniers. Car il ne voulait surtoutpas lur causr du or, lur ar du mal.Qu aujourdhu, parm les ntellectuels, a la dmenson

de Jean Genet, son degr dmplcaton ? Je ne vos presqueprso. Jua Goysolo a u glac qu rappll cll dG. Joh l Carr auss. So, ls aurs llculs sproccupent gure des Palestiniens. Le monde entier a entrinc jusc : u pupl sas rr. Jusqu quad ? Ou, lao d G maqu rrblm.

comprs ton enve de ten vader. La lumre du cel est ade,grise, elle dgage un par um dennui. La ami lle qui soccupaitd o poua r cor c rou glu das la rr rgor-ga dau. u apprs crr l. R sgal qu d ccole allat merger lenant terrble des lettres ranases duxxe sicle, ni le provocateur et le militant qui a drang tant demod. J gard d c s u sm d malas dtristesse. En mme temps, jtais curieu de me retrouver dansles leu de ton enance. Je ny retournera pas. Ja repens c qu u dclaras Hubr Fch, jourals d Die Zeit, l

13 rr 1976 : J a pr mr, ja l lAs-ssac publqu, ja su rs ju qu j as pas raas,que je nappartenais pas ce village. Jai t lev dans le Massicentral. Je lai su dune aon bte, n iaise, comme a : le matredcole avat demand dcrre une pette rdacton, chaquelve devant dcrre sa mason ; ja at la descrpton de mamaison ; il sest trouv que ma description tait, selon le matredcole, la plus jolie. Il la lue haute voi et tout le monde sestmoqu de moi en disant : Mais ce nest pas sa maison, cest unenant trouv, et alors il y a eu un tel vide, un tel abaissement.Jtais immdiatement tellement tranger, oh ! le mot nest pasor, har la Frac, c s r, l audra plus qu har, plusqu omr la Frac

J dra pas plus. L mod a mal. Mas u hommnoir est devenu prsident des tats-Unis dAmrique. a, cest

u bo oull ! u auras co.Sache enn que tes uvres thtrales sont dans la Pladeet que la France et des unversts dans le monde sapprtent clbrr l car d a assac. Hurusm qu us pas l pour gchr la !

U drr mo, mo chr Ja, o a dcour l om do pr bologqu, u as rr, u as rllr m pour-sur d o sarcasm, s-o b : l sappla M. Blac !


9/133

16 17Farid Tali

Les soirsde Nanterre

Il nest pas ndspensable de le prsenter comme une vrtnouvelle, mais le monde a chang ! Au tout dbut de ce sicle-ci,javas pene 23 ans. Nous ntons mme pas on peut ledr rlam lodrm ds ours rr das lxxi e scle. Je navas donc en mo ren dun rel engagementpolqu ; ca la ou du poqu.

out un t Nanterre, nous avons jou et cout JeanGenet, et nous lavons reprsent, ncarn, lbr, et pus l yavait cette voi, celle des tetes, et cette autre voi, celle du vieilhomme altier qui avait accept denregistrer les etraits du livrequi devaient tre la trame sonore de nos agissements tributaires rcoassas, comm o ls au Grads Homms.

Car, assurment, il en ut un, et je ne le savais que trop litt-rarement encore, et cest dj beaucoup, et ce nest pas assez

quad l sag du cra comm G, du combaapoltque nternatonal comme lu et l y en a peu qu enarr c dgr dIraoal.

Car, assurment, ctat au travers dc, Nanterre, quec o alla das u rm, drrr lurs, do ujour tout est part, je veu dre toute une poque, et cest lqua rso qulqu chos comm u rmblm du soucd lAur, lhomm das c qul a d rasroalr, ous lscombas, ous ls polqus, ous ls causs.

On a essay mantes os de lassassner. Surtout lors de laparuton de son derner lvre, en 1986, Un capti amoureux.La presse a cr volontarement la conuson autour de sads ds Palss d so asmsm. O lu a adu mal. On a logn certans lecteurs et certans curs delu. Aujourdhu, l est beaucoup mons lu. Les jeunes ne leconnaissent pas vraiment. Et cest dommage. La place quon luiaccord s p, rop p. Il s du prsqu sbl,Ja G. La clbrao c mom du car d sanaissance va peut-tre rparer cette injustice. Le ressusciter ? Je

ne me ais g ure dillusions. On vit dans une poque de rgres-so. Ds rgrssos d ous sors : rgrsso d la lbr,rgrsso d lhospal, d la curos E, du craao, Ja G pa l pr d c progrsso rrbl dla pur, d la rmur ds rors, d la ormalsao dla ps Mm das ls pays arabs l sub c oubl. Mmls Palss s sou plus d lu. Il y a pu-rquau Maroc quil se passe quelque chose de sincre et de myst-ru auour d c cra d c homm.


10/133

18 19

d hau-parlurs, ous dos porr mm os o lasenne, ctat la poltque du metteur en scne, et tout tatpoltque, jusque dans nos aons tragdennes dentrer et desorr d sc, c sc qu rssmbla u obl hagarde ortune, et nous devenons de nobles reprsentants dunmonde enou, mythque, grec la manre o le grec ant-qu s l dposar du cr, du olc quaucu aurpoque ngalera. Jusqu la solennt de nos gestes qu tatpourles tetes que nous servons doc lement : nous ntonsn des acteurs n des hommes ; nous tons ses supports de

combat, des combattants dans une arne, pour la cause, celledes Palestnens, et celle des Black Panthers, celle de Sabraet Chatla, celle dAngela Davs, celle de ces emmes, de ceshommes, de ces peuples et de ce monde quon habte et pourlequel nous combattions par une simple prsence audible. Noustions la politique dans nos gestes. Artaud voulait, linstar duhr d Bal, u hr d gss, d olc d qulquchos qu dra jusqu lhorrur d la mor. E c phras, La photographe ne sast pas les mouches , ma hant,accompagn, nspr, et enn tonn dans sa ormulatonmme, et nous tions couchs quand elle tait dite, nous tionsles morts de Sabra et Chatla, nous tons les cadavres dunmassacre, nous ntons mme plus nous-mmes, nous tonsl-bas. J rps c rporag o Lla Shahd r sur lslieu devant la camra, et elle voque Jean , comme elle lap-

pll, c mm-l, mm quad ll rs aucu larmelle pleure de ce quelle a perdu, de ce quelle combat, elle pleured polqu, c mm, cs c qu la rd admrabl rtoutes, jusquau Souenirs de Jrusalem, cest la voi de Genetquelle a d porter avec elle dans ses combats : elle ne la jamaisdit ainsi, mais je le sai s pour sr. Elle disait Jean , et jai revuNanterre ; elle montrait le camp, et jai repens ces bidonvilleso ls Algrs raallurs mmgrs s so asss prs dNanterre, et auquels Genet a galement rendu hommage en

Mas que dable la lttrature peut-elle avor are danscette phmre galre quest lhistoire politique ? Que va-t-ellechercher dans un combat des hommes pour les hommes ? Cestl ss d sa o, la drco d so ssc ja d ldre ans , qu perdure travers le transtore dune cause,quelle soit aro-amricaine, palestinienne, nord-aricaine, ran-as (qu sas-j ?).

Qulqu chos du j--sas-quo d b raas qu sdu o sa quo d modal, d ram modal, sasrien du sens galvaud que ce mot a depuis quelques annes ; cest

u homm au sag du Maroc, au rps d Pals, la odu Sahl, la orc d lAlas. Qulquu, comm o d, dasla orm ras du mo, d qu s dmporac.

a sappelle LEnnemi dclar, ce quon a at ensemble,comm o ml smbl, a por c om-l, lacc brou, u hmsch d brual d jusss, ac la pus-sance dune tragde racnenne, Antgone-Genet, cest celason combat, jamas renoncer, jamas basser la vo ; et nouslcoutons, et nous tons s sur scne, et ctat du thtre c a pas. Nous jouos ous os sru ; ousparlos ous dsos r r d ous, r d ous ju dr, ou para d lu, ou a d lu. Il y a cmm amour ds rrs das La Tbade, c amour du rrdas l ragqu g qus c Ennemi dclar. C lr,ous laos d, cr, das l sor d Narr, r ls ours

ds cs lour, drrr lur du saor ursar :entre les deu, l y a eu leondrement de ma conscence dupoltque, dont je ne sas nalement s elle nest pas ne l, cet endroit prcis du monde. Mais cest aujourdhui seulementque jen prends conscience, aujourdhui seulement quun siclea pass dpus qu c o s .

Car, ds labord, posons que cest lt, et que nous commen-cos rpr dr ls s au so ds mars das lciel, et il a llait crier parce que nous navions pas de microphones


11/133

20 21

mmes, et nous rappions sur lpaule de notre voisin de droite,ce voisin dun soir, et nous le rappions la aon policire dunGenet attrap par les orces de lordre, cet ordre politique tabli, sou msogr, qul a css d combar. J ous dsou cla d sour qul sour ! Qull jo ma-nant de me rappeler cette poque et ces tetes, et je remercel 19 dcmbr 1910.

Il y a du Rmbaud dans ces tetes, de la rvolte et de les-por. La chart est cette cle cette nspraton prouve queja rv. Il aurat pu dre cela, Jean Genet, dans ce combat

rv, dans cette utope des tetes dts. Et chaque sor nous ycroyons, nous dsons par les tetes que nous y croyons, etous rarsos la u comm u saso pl ds mos dlengagement au cts des grands hommes. Je ny avais jamaispens, cest seulement aujourdhu que je lcrs que je menavse, mas nous ntons certes pas des personnages, et tantmeu, encore mons des acteurs, et cest encore tant meu,ous os cu qu ous cos, ous os ds s. Il ya du Forgro , l y a ds Rags d Csars , d MaBohme , du Cur supplici , du Chant de guerre pari-s du Mauas sag surou, ah, du mauas sag !Il en aut pour prendre son courage deu mains et lcrire ; etpour le dire ; et pour lentendre car qui na pas dans le publicconnu lvresse de ermer les yeu pendant la reprsentatonpour cour ls s ?

Et parois, pendant le spectacle, nous tions letrieur duhagar-hr, ous dsos ls s d l, d c rur partr de quo nous les asons entrer, et le publc, les yeurms, ls acculla, cs s, o pas comm o accullun tranger mais comme on invite une conscience autre bienttpareille la sienne et qui transorme votre conscience politique jamais. Cest aujourdhui seulement que je men ais le dpo-sar, d c parol, qu j la rcoas coll la m, ma poltque. Nanterre sest repeuple de vo et de tetes

racontant leur embrgadement quas anmal dans les Forcesraass d raal d lpoqu d la pos-colosao. Csu roma polqu, lhsor polqu d G, o y roula mm orc qu das ss romas, l mm dsr.

Car, assurment, il y a eu une grande part de dsir dans soncombat poltque. Assurment, s la poltque est le souc delAur, l souc d sa plac, d ss dros, d so dro lhu-ma, l y a r doa c qu (paros ou sou)le dsr entre pour une grande part dans le compagnonnagequ caractrse les grandes luttes rvolutonnares. Celles o

les emmes et les hommes combattent ensemble pour la libert,pour lespoir, pour la libration du dsir, en somme, sous toutesss orms.

LEnnemi dclar, cest Roger des Prs et la Ferme duBonheur, cest nous autres tout autour, ce sont des tetes avantqu dr u lr, cs lEgagm ! Aujourdhu cs ulr, l s pos l, or d ss 432 pags, j rls ls o quous os, jds cll du l homm alr cll dGenet lu-mme. Le vel homme avat accept, la demandede Roger, de dre ces tetes dans un enregstrement de deuheures qu passat nnterrompu pendant que nous dlonsdas os rls aqus. Sa o rmbla ; j sas c qullest devenue ; mas elle est dans ces pages, a je le sas, je len-tends. Vous lentendez ? Sa vo a les tremblements de lge, d lmoo, alrablm, au-dl du mps d la

mort, elle dlat dans les sors de Nanterre, et elle ra aussdans ce soir du 19 dcembre 2010, et du prochain 19 dcembre ds aurs 19 dcmbr, a qul y aura d la polqu. Eil y en aura toujours. Et il nous parlait de cette enance, ce vieilhomm, lac d G, l ous dsa qu la amlls la prmr cllul crmll , comm G l d dasu r u phras dus clbrs.

E chaqu sor ous all os ous assor das l publc qus roua ru drrr ds grlls qu ous rmos ous-


12/133

22 23

le dsr, qu sappue sur autre chose, et qu est plus poltqueque tout, et qu est peut-tre le poltque, ce style sans quola lttrature nest ren et sur tout pas poltque, ce phras, cerythme, ce soue, cette respiration, ainsi que doit aire, jima-g, l au das la saa aa laaqu, comm do lcoar ls gupards lur dmarch lur syl aa ds lacr sur u pro ; c so c au c gupard qu osu se montrer tout un t ; non pas un rhinocros, comme peutltre un crivain pataud qui once, en pachyderme, dans le tas, doc ou, mas c dlcass d la lagu qu ous a

une brutalt dont vous ne souponnez mme pas lmpact :elle est le produt dune colre compacte, et son trajet est cesyl sas parl.

Lhsor sur sc : prsqu r. O acculla ls spc-aurs o ls spara du groups dscs pus o lscondusat dans des cages pour les are sasseor avant de lesenermer derrire des grilles que nul ne devait ranchir (lep-rience de lenermement, de la colonie de Mettray, en somme, lacral, o ous ls parquos ac Drs, Bulka aursams du dsr car l alla s mr das c posurpour dcouvrr le reste). Et une calche tre par un normecheval arrvat : un vel arstocrate accompagn dun jeunehomme adolescent tardi en descendait, et ils sapprtaient passr u sor smbl : ls alla dr r sparsdu publc la par u grad l o l s ra lur u. La

ms sc a ou, ou a das ls s poura,surtout ; et lhistoire ntait presque rien, puisquen dnitive ilny en avait pas. Nous aisions prendre un bain au jeune hommeet le prparons pour son dner, et nous les servons, commela scne servat chaque os les tetes. Et ce servce rendu lalttrature tat comme ce servle tat de dsr du vel ars-tocrate pour le tard adolescent : une dsponblt de tousles nstants, une orelle et un cur, une sensualt suave ochaque mot devait rsonner comme un coup physique, comme

cs sors-l. G s u po polqu qu a rmp das laCommune, dans 1792, et dans tant de ses combats contem-poras. L ra commuard ds as 70, cs lu. ous lsautres ont agi, lui a agi et crit, et cest plus ort. Derrire l-bas,vers Nanterre, a sest agt, c dans cette erme nous avonsd, r as aprs, ac la mm orc qu das ls pags dc Ennemi dclar. J a jamas comprs complm, pasencore, le titre de ce livre, et je ne veu pas comprendre tout desuite, trop vite, je veu quon me laisse lternit pour compren-dr c lr. Prz-l ac ous das la coscc, lm

mais longtemps, la manire dun credo, pour les engagementsuurs, ous ls gagms, mo jy cros.O d qu l Po s clu qu ps chacu d ss mos,

pour qui chaque mot devient un rseau smantique o chacunds ss, cu du rars ds gs rars ls gs, rsodas ou sa plud. Chaqu mo d LEnnemi dclarsessay, pes et porte jusquau tronds dune volont dagir. Cesont certes des tetes que lon coute, mais ce sont aussi des motsqui ont agir. Peut-tre pas immdiatement, ni mme consciem-m, mas, j larm : qucoqu a cou LEnnemi dclara ag dans sa ve en conormt avec ces combats poltques ;quiconque a entendu sest engag ensuite dune aon ou duneaur. Cs cla, l Adu d cs s rs.

out un t, alors que javais dcid de le consacrer lcrire,et que je mtais plaint que jallais tre pris totalement par cette

pce, et que je ne pourras pas crre, et que a allat tre dumps qu j rgrras daor cosacr au hr, ou ct-l, je nai pas ait de thtre, jai plutt ourbi des armes dontjai mesur bien plus tard limportance, et cette rencontre avecla ace politique de Genet a ouvert de multiples autres aces, unpeu comme un objet au milles acettes que vous ne dcouvrezjamas que progressvement, parce qul est ben mpossbled aor u so compl. Jy accd aujourdhu, dsosle 30 septembre 2010, cette ace politique, o rgne en matre


13/133

24 25

nous nen avons jamais parl, mais jimaginais chaque soir queca lu qu qua la moag ; Abdslam, l rr d mamr, qu m parl chaqu a d Bllll ac la o qutremble ds quil prononce ce nom, et Messaoud, je ne toubliepas parmi ce peuple, mari aveugle de ma tante Acha, qui disaistoujours dans un sourire Cest en Indochine, pour la France,qu ja lass ms yu , l roula l rd Frac , lrla la , o la ls yu rs lu, ls ss ascs mas rs). E j quas la sc sas jamas m rourrsur la chr sur la moag.

Mais cest cela peut-tre, la orce politique de Genet : il ny apas u u gagm polqu pour u pupl parculr, cso ous ls pupls qul ama, ous ls causs qul pou-sait, aucune navait sa prrence, et tous taient ses enants. Sesas : ous do quls , l a combau auprs du Palestiniens, Noirs amricains, travailleurs immigrs, maro-cans ou algrens et tous l les a accompagns dabord pardes tetes, par la page qui ut dabord blanche et qui estmantenant parcourue du haut en bas de mnuscules sgnesnors, les lettres, les mots, les vrgules, les ponts declama-ton . S cest un engagement poltque, l est dabord crt par quoi je veu dire non pas que l crit rythme laction, maisqul s la marc quo o r oujours quad o s bapolitiquement avec Genet. Il aut relire les deu premires pagesdUn capti amoureuxpour comprendre que la rvoluton est

davantage dans le silence des tetes que dans le racas de laction,quad mm ll s plus qu cssar, or dspsabl.Car s laco polqu aac das la ral, la ral s-ll pas c oal d sgs ors ? E plus qu ls mos surla euille, cest lespace entre qui est la vraie rvolution politique lrar d G : La Roluo pals u-llcrite sur le nant, un artice sur du nant, et la page blanche, etchaque minuscule cart de papier blanc apparaissant entre deumots sont-ils plus rels que les signes noirs ? La Rvolution se

u ba damour, c qu ous asos, publc prsoags,ac l log dlm d la o d lhomm qu a la ode Genet. Il y avat des anmau dans la Ferme, et ls taentl auss pour raconter les tetes. Ja port une chvre torseu pour r rcru comm raallur mmgr, o rgardames dents, inspectait mes muscles, et javais cette chvre sur lespaules, et jtais de lAtlas, du Ri ou des montagnes dAgadir,jtais ce jeune Marocain sur le dpart pour le travail, et on mescrutat comme du btal, et la vo dsat mon hstore, sansdou cll d ou u pupl dhomms choss pour srr la

France, et il tait l, lengagement politique : si ce navait t quec ms sc plus ra qu aur aurals , l yaura pas u d coup polqu por. Mas la phras d Gaccompagne de ma bestalsaton de somme, danmal bonpour l src, ca ou u crcu gag qu s ma branle et qui vous donnait rchir davantage que nimportequl dscours dhomm da sur c quaa , pr qu lacolonsaton, lemplo des travalleurs mmgrs dans la post-colosao par ls grads dusrls raas, ac lur log-qu mrcal compabl : ou u pupl sa l dasla honte pour traverser la Mdterrane, la honte mas aussla r d raallr pour la Frac, u ho mas auss udsir de raternit nouvelle quant ce pays mre qui allait avoirbso d ous, car jas du ous ls mmgrs smbl,cette chvre sur mes paules, ces mans qu nspectaent ma

mchoire, dautres mains, qui dcidaient en palpant ma muscu-laur s jallas pouor r da la ch s jallas rassez rentable pour M. Dassault. Et je repartais, levant tout unpeuple avec moi, un peuple de travailleurs immigrs, antmesou non, qui partait travailler, et je repartais de la scne aprsaor pos la chr, j quas ls moags pour cosrurcll d Pars. (J aas chaqu os ls larms au yu parcqu ca lhsor du pr, du ocl, du grad-oclque je racontas : mon pre est arrv c 16 ans en 1947, et


14/133

26 27

G, la r cll d mllos daurs. Jas rop pcertes pour porter ce monde de vo, et a maura peut-trechapp, mas ja at du meu que ja pu pour porter avecvous la rvoluton dans les dserts de Nanterre. De s lon,derrire la ac endormie, et peu avant le dernier RER que nouscourions attraper plus tard, aprs la n de la reprsentation, des lo, ous aos ssay d porr os o Csjorda, Amrqu, Algr, au Maroc

Bien entendu, les quelque 419 pages de tetes et entretiens etmos cor ls ocs, os, arssm chroolog

nont pas toutes servi monter le spectacle (il et t impossibleque LEnnemi dclarsoit entirement le centre et le noyau dela ll o alr d c prc hral polqu),mas certans tetes ont t savamment choss par Roger desPrs pour que leur allance donne le souvenr que jen garde.Ben entendu, ren ntat plus logn de son projet potque que lehaustvt et lpusement de ce recuel posthumepubl seulement en 1991. Mas l et t mpossble que celane commence pas par le magnique prambule (autobiographi-que totalement) qui ouvre le recueil et qui ouvrait le spectaclepour lu dor ou sa orc dramaqu : J. G. chrch ourchrch Ca jus aa larr d la calch, sur uton trs solennel, que lun de nous entamat lhstore par cemagnique J. G. cherche ou recherche, ou voudrait dcouvrir,ne le jamas dcouvrr, le dlceu ennem trs dsarm, dont

lqulbr s sabl, l prol cra, la ac admssbl,lennem quun soue casse, lesclave dj huml, se jetantlu-mm par la r sur u sg, lm acu : augl,sourd, mu . E alors c musm asa ourr ls pors duhagar-hr par os sos pour ar rr ac paach lort cheval noble et le couple dparell dont on devnat queca pour mo c m dclar qu G rchrcha :ctat alors le lvre lu-mme qu tat ncarn da ns la g ured ladolsc ard qu ous allos prparr au dr la

ait entre les mots et avec eu, presque devant eu ! Je continuede citer : Si elle demeurait en un lieu la ralit du temps passauprs o ac u ds Palss s cosrra, je le ds mal, entre chaque mot prtendant rendre compte decette ralit alors quelle se blottit, jusqu spouser elle-mme,moras ou plu s acm prs r ls mos, sur cespace blanc de la eulle de paper, mas non dans les motsu-mms qu ur crs a qu dsparass c ral.Ou b j l ds aurm : lspac msur r ls mos splus rempl de rel que ne le sera le temps ncessare pour les

lire. Il y a plus dans la d istance qui spare les mots et la scnequ met en acton ces mots que dans les mots eu-mmes, etcest ce que nous comprenions chaque soir. Les mots signientplus quls ne dsent. Et s la mse en scne de Roger des Prsntat en temps rel que lespace dune sore et dun dnerentre un vieil aristocrate et un adolescent tardi, la ralit taitdans tout ce qui avait lieu entre les tetes rien ntait possiblesas u ous. Er l ls gs r u lsPalss, r u ls Black Pahrs, r u ous.E ou s comm s la ra polqu quoccup la lraura c spac qu ls mos cr.

La rvoluton palestnenne maurat donc chapp ? Aucune rvolution ne vous a chapp, aucune na chapp vosmags du lagag qu ous s al l chrchr das ls dsrs,quels quils soient. Jai senti tout cela ces soirs dt Nanterre :

que nous tons vous et mo, chaque sor, dans la rvoluton,et dans l cart entre les mots ; nous asons cette rvolutonque vous poursuvez sans cesse et pour toutes les causes. Cevel homme alter qu vous lsat, nous avons vte oubl quec a pas ous, ou a comm s ous z l chaqusor pour ous gudr agr !

Parois, nous lisions nous-mmes, personnages antiques, dess. D ma o qu por pas lo, j asas u or dletreur du hangar-thtre pour are entendre votre vo,


15/133

28 29

Et, autant le dre, lennem dclar, ctat nous, nous qutons engags alors dans une lutte verbale, dans un combatde phrases et de penses qu vous changent ve. Et tout lers du spcacl a d la mm carrur par quo j udr qu ous ls phrass aa la mm bau la mmcarrur qu lr mar qu j s d cr. Cs souscet bloussement que nous jouons nos rles de metteurs enscne de la parole, tous. Cest ce soleil-l, et l amour des candla-bres, sous quoi nous nous mouvions au rythme des phrases. ( Jerls, aujourdhu qu jcrs cc, uqum ls ras qu

aa alors choss, car cs parr ds sors d Narrqu j ous raco ou cla, j msur au calm daslaco ou la orc morc gaga.)

O mag l ous parla pas d la ms sc, lnous dirigeait , on imagine que Roger des Prs a voulu que lesscs so pas u smpl llusrao ds s l-verse (Roger Blin disait, linstar de Beckett ou est-ce celui-ciqui le disait linstar de celui-l , que ce ntait pas au tetes servir la mise en scne, mais la mise en scne qui devait servirles tetes) ; on imagine que lintention de Roger (le premier desdu) a d ar s chauchr paralllm du hsorsau relations rquentes mais au vies bien distinctes, et paroisls du s rjoga, paros lls drga. Cs pomspolqus a au cr d ou.

Je me souvens (jcrs tout partr de souvenrs dont

lblouissement mapparat aujourdhui) de Franais, encoreu or : Dpus plusurs mos, o quo rgard, l y achaque jour un mort au moins, soit Paris, soit dans les doucesprovinces ranaises, et cest gnralement un mort aricain ,et de cette rone mordante : ls le dront, mas nous, nousredirons les morts ; je me rappelle Violence et brutalit : Les journalstes jettent la vole des mots qu en mettentpl la u sas rop s proccupr d la l grmao dces mots dans les conscences. Volence et son complment

noce. Je nai jamais connu de moment aussi ort que la scansionormidable de ce tete en ouverture dun spectacle. Ctait touteune annonce de ce qui allait devenir le propos de la pice (jeeuillette le volume, et ce sont des souvenirs de bribes entenduesqu rmo la surac, ca l y a d as !) : J chrchun ennem dallant, venant la captulaton. Le ton tatdo : ous asssros u dcollao du rb, u rbpropre vous enlever toute de prconue de la poltque etdu comba qu sy raach pour dcourr u aur orm dmilitantisme. Car, il aut le dire, Genet en politique est partout

et nulle part la os ; et s lIdologe est la tte agssante ducombat politique, alors il ny a jamais eu aucune prise de positionidologique e dans les combats de Jean Genet ; ce ut une ttepensante, amante, une tte humane, une comme aprs unedanse de Salom. Car le thtre est une danse de tous les signes,comme dsat Artaud, une ondulaton du sens et a ortiorice spectacle-l , un tremblement de ldologe qu vous atprdr la ous lacr das c qu rssmbl plus corqu d laco. J soupo Rogr ds Prs daor chos l ar-gum d sa ms sc d sa ms ablau, car l ouonctonnat (pictura ut poesis) comme une sute de tableauracoa la sor d cs du homms, ju mos ju,qui allaient tre lun linvit dclar et lautre lennemi aim deou u sor, plus , j soupo Rogr ds Prs daorchos so argum parr ds lgs qu oc, qu clos

l prambul :

J lu dora ou c qu j pourra : ds claqus, ds g s,des coups de ped, je le era mordre par des renards aams,manger de la nourriture anglaise, assister la Chambre des lords,tre reu Buckngham Palace, baser le prnce Phlp, se arebaiser par lui, vivre un mois Londres, se vtir comme moi, dormir ma plac, r ma plac : j chrch lm dclar.


16/133

30 31

plus tard que jen ai dcouvert la porte. LEnnemi dclarnestquune propdeutique ascinante. (Jcris comme toujours parmorceau, par ragments, orme ecellente de la mlancoledouc, jcrs pour lu, hommag c apprssag pol-qu do j prds coscc sulm aujourdhu cr-vant.) Cest en novembre 1985 que Genet a achev ce lvre,aprs u drr sjour Jorda jull 1984 : l oularor ls lu ls gs, sg qu la polqu pour lu aaar o pas d Ids mas dhomms, d mms, ds luquils habitent, et du dsir quon a deu toujours ce dsir qui

de la centrale de Fresnes au montagnes de Jordane a gudso ur.Un capti amoureuxd lm ds combas, larrr ds

orces mues, le combat des emmes et des enants, en creucelu des hommes, mas l dt surtout tout le parcours polt-quement concret et concrtement poltque dun homme qu s coa pas d r dcrr ss combas mas quasa ls du ; ous ls s qul a crs, sls so pastoujours auss justes n vras dologquement, her pas plusquaujourdhu (c s qu mo as prsol), au mos l sont cette pussance du style qu touche lternt. Et on lt rl ac grc rassm cs du lrs, o pas apour leur vrit que pour la orme humaine quils ont, et auronttoujours. (Quant mo, ls maccompagnent, ls me souten-, ls m rsg sur la du mod aujourdhu, sur

ltat de mon monde politique aujourdhui, ils me nourrissent,ls me donnent penser et vvre ; je ne as quemprunter lur sourc.)

Un capti amoureuxd lducao polqu ard ducrivain qui a cess dcrire de la ction la suite du deuil di-cle du unambule Abdallah (jmagne que son engagementprcis, concret et quotidien auprs des Palestiniens tait encoredrectement l la perte du unambule). oujours sur un ldu r la ps laco, G ; comm ou cra

indispensable : non-violence, sont un eemple , et cette prci-sion dans lanalyse politique ; je me souviens de Quatre heures Chala , l plus bau d ous ls s : la phoographne sast pas les mouches n lodeur blanche et passe de lamor. Ell d pas o plus ls saus qul au ar quado a du cadar laur. S lo rgard am umor, l s pass u phom curu : labsc d dasce corps quvaut une absence totale du corps ou plutt son recul nnterrompu . Genet ut le premer Europen entrer dans le camp juste aprs les massacres, l tat accom-

pag d c mm, louabl r ous, Lla Shahd, qub plus ard das u rporag dus sur Frac 5 dra acmoo so sour d c mom ac Ja . (J ls passant un tete qui na pas t utilis, N Matricule 1155 ,o l dt la mnce passeur des ches de rensegnements desraallurs mmgrs marocas, c ao d ls dcrr ls dpoulla d ls dpoullr ou ls dcra, dasce quils appelaient une che didentit ; jai t avec ertu d cs raallurs mmgrs marocas, pda l spca-cle, avec ert, avec une moton que ja tent de dcrre c mas ja rrach cs lgs car j rou aucu mo qudise les larmes que javais dmotion et de reconnaissance trelobj du oull ds alur lapud au raal : jprr gardr cs larms das l slc d c !) E j mrappelle encore dautres phrases, dautres merveilles potiques

d cs rs s qu ous o accompags das lssors de Nanterre de cette anne-l : l aut lre absolumentLEnnemi dclaravec gourmandise ; et si ce nest pas par ido-log, qumpor au od, cs par amour du rb poqu,et je souponne Genet davoir eu en tte autant lun que lautres c s pas sulm l rb.

E 2003, Tomas Dousaly ma dmad dcrr pour lmagazine tu un article sur Un capti amoureux. Je ne connais-sas pas c : j la dcour alors ; mas cs cor b


17/133

32 33Denis Dailleux

qu s rspc : capabl d pchr ou pour laco oalou pour la partelle tour dvore haut perche. Non, l avatbso d c so r cs du ds qu so lagr lcrr.

Il audra un jour dre, vrament dre, ce qua t la prsonpour G, lprc d la prso, qul a css dcrrquand l ny a plus t, et comment lenermement a motvson dsr dcrre, son dsr tout court. (Ja quelque rasontrs personnelle de mntresser ce sujet, et ma pense va clu qu a lprc dpus qulqus as, d c

absence de ve, de cette ve secrte.) Une prson est un leurempli dhommes cest partir de cette vidence, la prsenced lhuma, qu ss a lur d G.


18/133

34 35


19/133

36 37Alain Blottire

Le cieldune djellaba

Cest un pett carnet chnos Flyng Eagle, cousu, ormat10 16, do la courur caro au mo marbr jauet nor est renorce au angles et sur la tranche dune netoile rouge. Soiante-di-sept de ses quatre-vingt-di pages (quejai numrotes) sont couvertes de mon criture, avec plusieurscrs drs dss car j m sus sr logmps,pour lessentiel durant quatre annes, entre juin ou juillet 1979et juin 1983. Il me semble qu cette poque on trouvait Parisce genre de carnet chnos, mas l se peut auss que je laeach Talad ou Idos. Sur la prmr pag dpapier lign, jai inscrit le titre du roman auquel je commenais penser, suv du mot Notes soulgn. ros ttres, en ralt,car au prmr, Le Chemin du Palais dt, ja b prrcelu de Songe de Siwa, pus celu qu allat enn smposer,

Le Point deau. Ja barr le Chemin quand je sus entr dansle Songe, mas pas le Songe quand est apparu le Point. renteas plus ard, j rou u pu d a c pag d r,probablement destne une postrt laquelle je ne crosplus : ds la premire page les egtes de mon uvre sauraientquel trsor ce pett carnet tat, les secrets de abrcaton demon deuime roman, comment les ides taient venues, quel-les penses mavaent travers durant lcrture. 25 ans, jycroyas cor.


20/133

38 39

Mon ben le plus prceu, de mo nsparable, qu ds lespremres lgnes, nvolontarement, annonat le drame qulalla porr. Pag 1 : Un personnage J la recherche dunautre, quil aime (amour, aternit, amiti). Recherches. races.Voyages. Peut-tre bien un rr (la aternit tient de dans lenance). Lettres. Messages. Rencontres de tmoins.Souvenirs.Il aut que ce soit long. Page 2, le rre snstalle : Le Je erre,pass, et deine que son re oyag. Il y a dans cette direncecelle qui existe entre lenant et l homme. la n Je simmobilise.Ce sera donc un roman dapprentissage.

rs , das mo car, l dcor laco du roma sprcisent. Il sagira dun garon de 17 ans partant la recherchede son grand rre dsparu dans les les de la Sonde. Ce sujetcomprenat une dmenson autobographque vdente : monrre Jean vvat alors Bal, le que nous avons dcouvertesmbl quar as plus o j laas rjo plusursrprss. D Plaa, o l sa sall, l madrssa rgu-lrm d logus lrs magqus dpus pu qu-tantes, car y aeurat une prsence dsormas apparemmentamlre, celle de la mort. La mort prsente dans la n duvoyage, dans la beaut, dans lamour. Jean tait alors la personnequi pour moi comptait le plus au monde. Je laimais, et ses ecs,sa brutalit parois, son orgueil, tous ses dauts disparaissaient mes yeu derrire les etraordinaires proondeur et beaut deses crits. Derrire laection pour moi quil maniestait en me

ls dsa. Drrr so raabl gc d lbr, sorus d ou comproms. Mo amour a a dadmrao.Je na jamas pu amer, depus, sans admrer un peu. DansLe Point deau, Jean devendra Louis. Page 11, arrve ldedune autobographe en abyme : d ans aprs le voyage larchrch d so rr dsparu, l arraur ssall das uoass gyp, Swa, pour racor c qu.

Page 8, retour dgypte. Je ne sus pas all Swa, alorsinterdite au trangers (dans mon livre, elle ne sera quune oasis

(Page 1, dans la marge, tout en haut, crt vertcalementa posteriori : juin ou juillet 79. out au long du carnet apparais-sent ans des ndcatons de dates et souvent de leu.) Danslpassur d ou c mps pass, j p dsgur qulpo jy croyas. Car c dbu d 1979 qu oya arles ides initiales du Point deau je navais encore jamais publi,je venais peine de terminer un premier roman, sans doute toutjus pos au durs. E ocobr, j m sous, lorsquj pars dcourr lgyp, j coassas pas cor lursrposs lo du mauscr. Ja doc commc crr

mon deume roman du mons y songer sans savor sle premer serat publ. Y croyas-je ou voulas-je seulementy cror ? Jamras m sour, mas l p car dpas ou.

Naurllm, ds la prmr pag oujours daaagle temps passant, ce carnet chnos est devenu mon ben leplus prceu. Jy nscrvas toutes les des qu me venaentpour le roman en cours, des citations qui pouvaient minspirer(Hldrl, Zam, Augras, Mrbau, Rlk, mm HugoPratt dont jai photocopi et coll page 27 deu vignettes deSous le signe du Capricorne, celle o lon voit le voilier de Cortoen plene mer alors qul dt rstan : u vos, rstan, sjcrivais admettons que je sache le aire, je nirais par ausserls as, ls caracrs d cu qu ja cous. Pour mo, csmu as, r sas hsor , cll la sua sur la

bande o lon vot le voler accoster une le tropcale alorsqul dt : Nous nous arrterons c pour cuellr des rutset nous dgourdr les jambes. Quelle est notre poston ? ),des notes de lectures ates la Bblothque natonale (dontTe Indonesian rading Boats Reaching Singapore ou Recherchesur les deux sectes musulmanes de Lombok), mas auss desimpressions ou un journal de voyage, car je lemportais partout,et mme des notations genre carnet intime qui navaient pas derappor drc ac l lr.


21/133

40 41

Prceu, donc, auss, ce carnet, parce que, partr de cemom, our sa oco prmr, l ss mpl d labscde Jean. Un petit tombeau portati euri le plus souvent possiblede penses en orande, telles quen mars 1981, Paris, page 34,une longue reion sur sa prsence, nouveau, lorsque jcris : ce moment-l, dune certaine manire quon pourrait direantomatique, il est l iant mes cts, nous ne nous sommesjamais autant aims.

Je dos ajouter quelques autres lments concernant monpett carnet chnos, dans lordre dmportance crossante

quls revtent pour lhstore qu va suvre. cette poque,au tournant des annes 70 et 80, auss ben avec mon rrequavec la plupart de mes amis, je umais du haschich. Le carnetsen ressent, o ja not auss trs scrupuleusement des desarelues qu me venaent dans lanodne etase cannabque. crr das lrss mas s rlr ju , a cosll pud choss prs j sas plus qu (Baudlar, pu-r, j ar por d ma pour l rr).

Pluseurs pages voquent la Swa magnare o lautobo-graphe sest install. Ce qui comptait pour moi dans ce conceptdoass, das clu d dsr qu lu s aach, a lddun e ssentiel, dune simplicit devant conduire le personnage un dtachement progressi, un deuil accompli, une dlivrancepar lcrture aclte par un cadre pur. Pluseurs pagesvoquent aussi les jeunes garons personnages alors rcurrents

dans mes livres , ceu que jinventais, ceu quil marrivait decroser. Jprouvas une sorte de erveur quas mystque pourles garons jusqu ladolescence, je les sacralsas, je les dv-nsas au pont davor peur de les approcher. Il me semblat j sus pas lo d l psr oujours qu u crag, r la d laachm scral la mr l dbud lassm au coras sulls socals, das utemps trs court, donc, dont lphmre amplie lintensit, legaron connat lacm de ce que lhumain peut recevoir de grce

magne), mas ja rapport dans mon carnet, entre autresats ou mpressons, page 6, la dcouverte dun grat dunRmbaud nconnu sur une colonne du temple de Karnak et,page 7 je ne rsste pas , les garons qui ne cessent de mesourire et disent me trouer beau, beautiul. Il semble qu cemoment jae commenc crre le roman : Ne pas oublier,comme il semble, la pos du style.

Page 16, parat lide de la mort de Louis : Si Louis meurtElle revent page 19 : ue pense Je de la mort entuelle deLouis ?Ja cr cla rr ou mars 1980.

Page 25, juin 1980. Mon premier roman, Saad, allait paratre spmbr. Mo rr Ja, qu l a dd, laa amet avait rdig le tete de quatrime de couverture qui sachvepar u quso : Peut-on ire sans amour ?Cs pour cqueston, et la rponse que donnat le roman, surtout, qulaa am Saad. Au po qul maa sou u d pourle deume roman en cours, de que javas note sur cettepag 25 : Saad apparatrait dans le roman (ide de Jean). Oui,et ce serait un mirage, Siwa. J rgr aujourdhu d pasaor rprs c d d gnie.

Pag 28, u mos plus ard. Du ras horzoau barrou la largur d la pag pour marqur u rupur, u aa,un aprs. Mon rre Jean venait de se donner la mort. Il ne verraitpas parar Saad, l lra jamas Le Point deau. J mag-as pas d pouor r sas lu. Sous ls ras, lcr roug,

peut-tre ecd dtre trop souvent assailli par les larmes, jai citJa Cocau : Fas smbla d plurr, ms ams, pusqules potes ont semblant de mourr. La mort de Jean allat jamais bouleverser ma vie mais pas le cours du roman, seulementle prcser, lu donner sens et vrt. Ds la page 29 ja not :Louis, bien sr, est mort, plus bas sur la mm pag, proposde lautobiographe au travail Siwa : Pourquoi se met-il crire ?Parce quil nest jamais aussi prs de Louis depuis sa mort quaumoment o il crit. Chaque mot estpour lu.


22/133

42 43

oyagurs. Sulm, du prmr jour, pag 55, les pays o lesenants sourient aux trangers qui passent (gypte, Bali, Ymen,Maroc) ; du dum jour, pag 58, Minuit, je erme ce carnet,me couche et oure Cossery, Un complot de saltmbanques, e ttombe sur cette phrase : Il aait un mpris inn pour toutecette humanit remuante et rue de voyages qui semblait courirle bonheur mais, en ait, narriait qu tourner e n rond ; duquatrime (rien du troisime, trop intime), page 62, nous aonschang nos adresses (la mienne est chez Gallimard, l a sienne Agadir !). Aant de nous quitter, il ma demand si je pouais

lui orir un peu de haschich, jai oert.Le cnqume jour, 21 dcembre, page 62, je sus arrv Zagora, le but de mon voyage. Mavaient dj charm en cheminla valle du Draa, cette oass dans un dcor de callou, demontagnes ocre, le euve bleu dans les joncs comme le Nl,les vllages en terre, les emmes vtues de nor au oulardsmulticolores portant des agots le long de la route. Heureu dem rour ou au bou du mod, au bord du d, jadcd dallr m promr sur l djbl Zagora au couchr dusoleil, y montant en voiture, mon petit carnet pos sur un sigeou sur le tableau de bord pour lavoir porte si jamais, l-haut,me prenat lenve de noter quelque chose. Je ne connassaspas l chm ja gag Ahmd, 12 as, qu sa dclargud la por d lhl. Nous aos gra la ps suusqu condut presque au sommet du djebel. Face au spectacle

d la all, ds palmras du dsr au coucha, u du sud me asat vacller et ectat une bande de gamns endjellaba, souriants, qui tournaient autour de la voiture, chacunvenant me dre bonjour. Lun deu, la peau trs nore, mademand, presque hlare, s jtas seu l Z agora, s je navaspas de emme (Salem poserat la mme queston lautobo-graphe dans Le Point deau). Un autre, tout auss amus, medsgnant Ahmed : Il est mgnon, hen ? Un trosme,lu lar gra, du grad bau, p 10 as, cr ras,

d lbr. (Il a pas d mm ds lls, assrs ouge limitation des mres.) Cette erveur, cette croyance sin-cara das ls prsoags d ms romas : Saad, Salm,Waya l y u u dza, jusqu sa.

Voc doc ou c qu coa mo p car chos,mon ben le plus prceu. Page 48, commence une sre denotes prises en octobre, novembre et dcembre 1982 au Maroc,o, invit dans sa belle villa de bord de plage El Harhoura, prsd Raba, ja sjour chz mo am P. Jy a cr u boparte du Point deau. Jy a grav dans le marbre du carnet

des des essentelles Au cas o il y aurait encore un doute :Recherche = Je (pass) et Siwa = Il (prsent). Ceci est absolumentdniti. Il sagit de aire la dirence , mas auss quelquesdlires inspirs par une consommation relativement abondantede lecellent haschich de Ketama (dont des eets plus probantscor s masa das d suraurlls pars d pg-pong disputes avec P.). Rabat, prs du Balima si ma mmoires bo, ac P. ous aos cros Ja G s promaen compagnie dune Japonaise, probablement Isako Magl ia, lamm d so am Jacky. Jy a ru l choc du ds prmrslivres dHerv Guibert, qui venait de paratre, Voyage aec deuxenants, qu se droule prcsment au Maroc et auquel je sattribuer quelques mois plus tard lphmre Pri littraire desRados lbrs (do jas jury).

Pag 53, l 17 dcmbr, jus aprs aor o Les roman-

ciers ninventent rien, jai commenc crire sur le petit carnetle journal dun voyage de hut jours accompl seul avec laRenault 9 de P. en direction du sud, jusqu Zagora, en passantpar Marrakch Ouarzaza. Jamas das l car mo cr-ture na t auss resserre, auss ne, que durant ce voyageo je tchas chaque sor de noter lessentel de mes mpres-sons du jour. Pour ne pas are regretter quconque dtren trop tard, je ne rapporterai pas ici les motions intenses quepouvat encore, l y a prs de trente ans, orr le Maroc au


23/133

44 45

alla sulm ladr. J la adu ac Ahmd. J ar-ras pas y cror. No pas qu l mc car puss glssrdas so ampl m sas qu la s apro (bdautres choses pouvaient y entrer ortuitement, dans leuphoriedu group ass pu-r aa-o oulu lu jour u our) ;mas cs garos aa-ls pas u abl pour pasm ar d p ? E s rllm c Fard a possssodu carnet, cette verson de lampe dAladn le plus prceude mo-mme entr par enchantement sous le vtement dungaron tait-elle la bonne ? Ne lavait-il pas en ralit vol ? En

c cas, accpra-l d laour d m l rdr ?Farid est revenu. Ctait le petit dieu des montagnes au crneras au s grads yu do la bau l sru maarapp la veille, portant la mme djellaba de laine noire. En nousvoyant, il a paru inquiet, comme sil craignait que nous lui repro-chons quelque chose. Il a rpondu Ahmed qul avat bentrouv le carnet, schappant de sa djellaba, qul lavat gardmas ne le portat pas sur lu, l allat laccompagner dans sonllag au pd d la moag. J arras oujours pas crorquun tel miracle aurait l ieu. Nous avons repris la voiture, i l sestasss larrr s rs slcu. Il s r das sa maso,en est ressort presque ausstt avec le carnet la man, monben le plus prceu, me la tendu, toujours un peu crant. Ilavait peur que je laccuse de lavoir vol. Au moment o le carnetpassait de sa main dans la mienne, jai senti de la chaleur dans mes

dogs. J la ru comm u prs smabl, omb dudjellaba, autrement dit du ciel, venu dun ange. Prs de trente ansplus ard, j cros pas aor jamas ru dauss bau.

Page 65, Jai remerci lenant en souriant, il a rpondu mon sourire et ma ait un signe de la main.

Swa, gy p, ocobr 2010

pora u djllaba d la or, cssa d m dsagravec ses yeu normes. Je ne pensais plus au carnet. Au momentde partir, tous ont voulu que je les ramne au pied de la monta-gne. Ahmed stat asss lavant et ls taent s entasss larrre, pas trs sages, gestculants, manestement heureud pas aor rdscdr pd. Sur c chm du rour,Ahmd ma pos ds qusos sur l mr dcra, qultrouvait beau. Nous avons laiss les si garnements lore dunvllage et regagn la vlle. Ja prs rendez-vous avec Ahmedpour l ldma.

La voiture gare devant lhtel, jai voulu reprendre le carneto javas tant crre, mas l avat dsparu. Je la cherchlogmps, das ous ls rcos, sous ls sgs, ls aps, ouau ond de la bote gants, en vain. L , Zagora, peine atteintsas qul s dssp cor mo aasm doass dasoasiens, peine passe la porte dune Siwa bien relle et vivante,jaas prdu mo b l plus prcu : l p car choso j cssas dpus ros as d cosgr c r.

lhtel, jai tout crit sur une eui lle de papier, imaginant leplus plausible : le carnet avait certainement t vol par un gaminde Zagora qui dchirera les pages crites (les trois quarts) pour aireun carnet neu, ierge Et dissertant sur lvidente porte symbo-lqu d c dram m, la os roqu boulrsa.

L ldma, sas prsqu aucu spor, j sus rour audjbl ac Ahmd. J lu a d qul po c car compa

pour mo l a smbl comprdr. la d la ps o ousavons rencontr les garons la velle, l a questonn dautresas qu lu o rpodu qu ou, c car, qulquu laatrouv. Ctait Farid. Ils avaient entendu dire que Farid tait sortide la voiture, quil avait ait quelques pas et senti un objet gl issercor so corps das sa djllaba ombr ss pds. U plr qu da apparr au Fraas, dj lo das sa oursur la route de Zagora. Mais prsent Farid venait de partir avecdes touristes escalader la montagne, il a llait revenir, orcment, il


24/133

46 47

compliqu. Cest honteu. Cela revient projeter un lm pornochz so : l modr bru ous a cradr l pr, mm lsmouches vous ont peur parce quelles arrivent sans sannoncer.Rr, c s pas dg du homm. E cs rop complqu grr pour u a. Cs cogru. Pas rasoabl, horssuj. C s pas pour ous, alors l au pas poussr. Slous pla, cs o.

Cs auss u quso d gograph. Lu d ms acsproesseurs dsat, aprs avor reprodut la carte du monde surun pett tableau nor : Il y a ceu qu sont ns c, et pus

ceu qu sont ns l. Il y a nous, vous, et l y a les autres. Vouscomprz ? L prossur s sra d ss du mas, dtous ses dogts, pour nous eplquer la gographe du monde,pourquo l y aa ls gs d ici, ls gs d l, pus ous. Ssmains taient nes, douces, gracieuses. Des mains de pianiste dejazz, de che dorchestre philarmonique ou de danseuse dopra.Ells rssmbla brualm ds alls quad l parlad ous, d ous. Ells maa du coup d ous raglrlun aprs lautre, sans pt. Ctat l le grand mystre de cesmains incroyables. Mais qui diable tions-nous ? Qui tiez-vous ?Nous, vous, les Marocans ? Les Arabes ? Les Berbres ? Lesmusulmas ? Ls gs qu ro plus ard au parads ? Ls lusd Du ? Cu qu mag pas l porc ds jamas Je tame ? Les mal-ams ? Les perdants ? Les vctmes ?Cu qu r pas ? Ls as ? Ls ls d c class

d CM2 ?Notre proesseur samusat dessner chaque os la cartedu monde dune manre drente. Le monde qul nousora a chaqu os dr. Ca supa. U os,le Maroc avait disparu de la carte. Parce que je nai plus assezd cra pour l dssr , jusa or prossur. Plusursois il a invers les continents, les pays, les rontires, les ocans.Il broulla lordr du mod l ous dmada, agatoujours ses mains tentaculaires : Et maintenant, votre avis,

Karim Boukhari

rois oishomme

1986. Ma premre anne dhomme. Jtas er dtre mo-mme et ce sentiment tait nouveau. Je ne comprenais pas bienc qu marra, j saas sulm qu ca mpora. Eous saz rs b pourquo. J paras d lo, cs--dr drien. Je revenais dun vide, un blanc, le pass, quelque chose quisa plus. J sas qu cs dur cror. Mo, or plac,je ne me croirais pas. Impossible, non acceptable, pas rationnel.Jai longtemps tenu un journal intime pour tre sr de dchirertoutes les pages que je norcssas. Il allat tout consgner ettout eacer. Je devais tout raconter et tout oublier avant dallerm couchr. Chaqu sor j passas la srpllr, jradquas,je nettoyas. Je asas lboueur et je ntas mme pas pay.Avant 1986, mon estence, ce ntat ren. Je ntas pas unhomm, j as r.

J aas pas d r, j pouas pas aor. E o sab qu ls rs, cs pour ls aurs, c s pas pour ous,a ne peut pas tre pour nous. Nous appartenons un autremod, ous. Nous, o r pas. Pas l mps. Pas l prol.Nous, cest nous. Cest juste nous. Pas plus. Pas autre chose.Ren dautre. Nous navons pas une tte rver. Ce nest paspossbl. J r, doc j s pas. J sus pas dc. J as pas par d ous, j sus pas d or mps. J suspas. Rver, cest comme chercher une ecuse inutile. Rver, cest


25/133

48 49

ms huru, mraculu, cpols, ros rasosd m ar rspcr, ros boulrsms qu mo ourla por du aur Maroc, du aur mo, du aur mod,toutes ces choses dont jignorais leistence. Je venais de gagnermo ck pour l parads. L mod ds aduls ds gslbres. Le monde des hommes. Le vra monde. Je comptasautant que mon pre, et srement plus que mon proesseur.J compas rpl. J compas. J aas plus pur l mmanquait plus rien. Jtais assis sur trois trnes la ois. Javaisle pouvoir de disposer de ma personne, jappartenais une lite,

jtais une eception. Et jtais heureu. Je comprenais que mesams des quarters pauvres avaent au mons tros rasons dem har jamas c ha. J pouas rr sas rougr dhonte. Ma tte ressemblait une salle de cinma qui diuse unlm X, jaas l dro dy rr sas cradr l rgard duprojectionniste. Ctait nouveau. Ctait beau. Je ralisais quej pouas rchr, oyagr, gradr, payr pour ar lamour,rpodr au qusos ds polcrs, opr das u dscus-so d amll, dr o quad j l oulas b, dr ou sasbaisser la tte de crainte et de soumission inne. Je comprenaisenn que jtais un individu. Que jtais un. Que je portais unnom et quil ny avait plus aucun doute, ctait moi et nul autrequ mo. Ca mo, mo.

Lar que je respras tat le mme. Mas je ntas plus lemme. Alors lair ntait plus le mme. Il me respectait. Il tenait

compte de moi. Je crois mme quil me craignait un peu. out lemonde avait dsormais toutes les raisons de me craindre. Parceque jtais devenu un homme. Un homme nouveau. Un hommede 1986. Un Marocain moyen qui accdait au statut dhomme.Quad mo u pr a su qu j as dobr mopasseport, l est venu me trouver en brandssant les cls de savoiture, une 4 L : iens, prends-l, tu peu la conduire, tu lamrs. u as dsormas ou. ou. Il a pas ou plqumas ja tout comprs. Ctat trs ben ans. Je pouvas me

o sommes-nous ? Ctait un petit jeu. Ctait amusant. Onne comprenait pas, on aisait oui de la tte, mais peut-tre bienque lon comprenait. Notre proesseur nepliquait r ien du tout comment pouvat-l le are alors qul navat mme pas depasseport ? Hein, comment pouvait-il ? Comment aurait-il pu ?C a pas u homm, l aa ds as l pora uallac au dog, l aa auss u mousach or, rs our-ne, mas ce ntat pas un homme. Nous savons vaguementqul avat at de la poltque dans une ve antreure, enn,nous ntons pas srs. Nous pensons que ctat quelquun

qu crvat, qu rchssat, ou qu avat sans doute rchu jour. Il aa auss oyag, cs c qul dsa, l aa pu-tre at de la prson. Ctat un type normal. Un Marocanqu ensegnat le ranas en parlant arabe. Il avat at plend choss, l rprsa pl d choss. Mas l aa pas dpasseport, a, nous le savons. a se voyat, ctat une cert-tude, ctait le plus important. Et a nous susait. Cet hommea pas u homm. Nous lamos mas ous l rspc-tons pas. Il tat sympathque et pathtque. On lcoutat,mais on ne aisait rien de ce quil disait. On ne le prenait pas ausrieu. Sa carte du monde, ses continents inverss, son Marocqu dsparassa, ca du mpor quo. Il ala mu rre. Ce type la grosse moustache et au grandes mans, cemosur, or prossur, h b l aa pas d passpor.Il appara u spc o dpaso das c Maroc

d 1986 : ls sas-grad, ls srops, ls osau sas als. Jous a ds quo lama b, a pas du ou.Ctait hier, mais, vous le savez bien, 1986 cest aujourdhui.

Jtais taiseu, silencieu, renerm, mes lvres se desserraient peine pour dire oui ou non, mais javais mes yeu. Et ils parla ient,ils riaient, ils dansaient, ils prenaient les mains des passants, ilsracontaient toujours, toujours, la mme histoire, belle, incroya-bl, abulus : Msdams, mssurs, j s d dcrochrmo bac, mo prms d codur mo passpor. ros


26/133

50 51

auss qull la a rr. a a u plasr pour mo, pourlu auss, ous pouz m cror. Il saa pourquo. Il compr-nait. Avant de perdre connaissance, ses lvres ont dessin le motchoukran, mrc, qul a pas u l mps d proocr.

Mme si jen ai ni avec les conseils, il me aut avouer que jaiencore du mal me dbarrasser des mots de ma mre. Peut-treparc qull s mor. J m rappl l dll parc qull splus l. J la rgr pas. Ca ma mr. Ell m rpala mme phrase, tous les soirs : Mon petit, tu peu dormir, tupu ar d bau rs. Mas quad u rllras, quad

u sras das la ru, quad u rcorras ds cous, dshommes, des emmes, des adultes, dautres enants, dis-toi quece sont des loups qui veulent te manger. Noublie pas den aireton repas avant quils ne assent de toi leur repas. Il aut quils tesr d p djur, so u lur srras d dr !

Nous somms 1986. J sus u homm d 1986. J sdaor u rappor sul compl ac u mm. U rapporcomplet, men son terme, avec les rles, les gr iures, le suon etle mot damour. Avant, je jouais, jessayais, je ne savais pas. Pour laprmr os auss, ja pay. J sus boursr d la maroca.Jai pay pour le plaisir de payer, la lle en ace de moi ntait pasune putain mais elle a accept de prendre largent. Elle a joui. Ellea dit merci. Enn, je crois. Peut-tre que je l ai paye parce que jela a jour. J la pay parc qull ma cosdr comm uhomm. Ell m a do la pru, la cormao. Pu-r

qull a m. Qull a jou pour s ar payr. J la pay. Jla pay ac ld d laor a jour.Je dois aussi vous epl iquer que jai eu mon passeport ds que

jai eu mon bac. a sest pass le jour mme. Cest le gouverneuren personne qu me la apport. Il a organs une crmone lhour ds jus prophs du quarr. Ls bachlrs.Cette nouvelle race. Les etraterrestres de 1986. Le gouverneura improvis un discours et ma remis mon document de voyageen se endant dune surprenante grmace. Il me sourat sans

sure moi-mme. Avant, jtais le ls de, le rre de, lami de,l p ju au lo spor, clu au logs chu d ll,l pucau qu am l oo, aujourdhu j sus jus mo. Vouscomprz ? Jappars au mod daujourdhu. J suis plus spectateur mais acteur de mon temps. Je vis au prsent.J parl au prs. J ous parl sas ous cradr.

Le meilleur moyen de prouver que jai tout est de le montrer.J sus u homm, l au qu j m compor homm. Uhomme de 1986. Je dois sortir la tte haute. Marcher sans erle sol. Ne pas trembler devant le premier policier en tenue et ne

pas prdr ous ls ocoars pour ds polcrs cl.Ser les emmes dans la rue. Ne plus dre bonjour, bonsor,mrc, sl ous pla. N plus rspcr grad-chos, s c sma lbr. Ma r. Ma rl.

Les conseils, parlons-en. Jai pris le parti de tous les oublier.rop rngards, des recommandatons pour lenant que je nesus plus. Cest une queston de statut socal. Je na plus deconsels recevor mas jen a donner. Je sus un ancen etj s drrr l drr cosl qu jaas cor .Ctat notre provseur, le jour de la proclamaton des rsul-as du bac. Il aa cooqu ls aquurs d lpru dasson bureau. Dans notre classe de quarante lycens, nous tionstros nouveau bachelers, tros prophtes, jtas le derner passer dans le bureau du proviseur. Comme il navait pas grand-chose me dire, il sest content de me donner un bon conseil :

Mo ls, u s u homm maa. Sors, cours, dplotes ales et vole. Ncoute plus personne. Et ne prte surtoutaucune attenton la msre du monde. S un pauvre tarrtedans la rue, ge-le. Peu mporte s tu ne sas pas pourquo.Lu, l sa !

J sus sor du lyc ja g l prmr cssu quma arrt. Je ne savas pas pourquo. Lu, l savat. Je lu aadmnstr lune de ces claques monumentales qu vous ontperdre pied. Je lai ait danser. Ma gi la transport. Peut-tre


27/133

52 53

Vol comment ja t tros os couronn homme. Celama prs qulqus jours p. Das ma , l y a marqu :t 1986. La bll a. L bl .

Cest durant ce mme t 1986, avec pluseurs mos derard, qu ja apprs la mor d Ja G. J la su par uam : Lcrvan nasran qu dendat les Palestnens estmort l y a quelques semanes, et tu sas o est-ce quon larr ? Larach. u rds comp ! Larach !

m rgardr. Il au dr qu j laas pas rop rgard oplus. Jas rop occup rgardr drrr lu, baucoup plushau qu lu, sa dro sa gauch, ls porras du ro, dupre du ro et du mnstre de lIntreur. ros deu. rosdeu qu ont dcd, ce jour-l, de are de mo un prophtehuru, u bachlr arm du passpor, u rarrsrproms au parads.

Je nai pas encore epliqu comment jai obtenu mon permisde conduire. Je veu dire comment on me la donn. Ce nest pasla mm chos. Cs u logu hsor do j ous lr la

version courte. Deu tentatives, deu checs. On mavait epli-qu qul alla qu j soudo l mar d lauo-col, pourqul soudo so our lajour , cs--dr lgur,ou la prso qu ald ls ams. 200 drhams, la mod ma bours duda. J la pas a, jaas oubl, japrr ulsr l bll r pour achr ma prmr carou-che de blondes. Vngt Marlboro, vngt rves dAmrque.Premier chec. Je ntais pas encore un homme, juste un projetdhomm. Il ma allu qulqus smas pour ladmr. Jaaccus l coup j m sus prs mo dum amde conduite. Cette ois, javais pay le matre dcole pour quilpa lajour . L jour d lam, l mar ma d qulalla qu j pa auss ladjo d lajour . Ja dmadpourquo l mar ma plqu qu lajour srapas l. Je navas pas largent pour payer ladjont de lng-

ur. Alors ja chou. Lhomm mo a pas compl,l lu maqua qulqu chos, u mmbr, u orga, u ar,une de. Je le savas. Je me sus prsent une trosme os,dans la semane qu a suv le bac et le passeport. Il aut drequ l mar, lgur ladjo d lgur saa.a s oya quls saa. Ils saa ou. Ils o oujoursou su. Ils mo rms mo prms d codur sas am,sans contreparte. Leurs yeu mont dt : ens, tu es unhomm !


28/133

54 55Denis Dailleux


29/133

56 57Stphane Bouquet

lgiepour Jean GenetAux Israliens

Ja G s du jogabl.Lu ac qu j sus all s sou das la sal l d bas o

il a beaucoup servi il y a longtemps et trs bien et jy pense avecaecton, mantenant l semble stre vanou dans le temps.Impossbl d rmr u ma rur sur lu. Volals,Genet. Pourtant, lpoque, je grmpas aclement ac-lement et souvent sur le tot de znc des mmeubles de laLbraton grce la courte chelle de ses phrases : pour moauss la tole rche, sale, puante et envrante du pantalon dusoldat allemand, du pantalon suprieurement ecitant de len-m. Ca comm a : l susa dourr l lr pag ao de toute aon le lvre souvrat de lu-mme. Je vens derr sur l mm l mplar, probablm pas our

depuis des annes vu lpaisseur de poussire qui le recouvrait.a na pas compltement march cause dune autre couchearchologique du temps, plus rcente (quoique dj ancienne) :celle de ltude et des thories. Cette couche a recouvert lautre,a cach les pages 173 et suivantes : les admirables heures passesensemble sur le tot. Donc les marges de mon eemplare dePompes unbres so cours d os :

Inverson systmatque de tout au p ont dantposerladjc ou d rjr l rb plus lo qu sa plac.


30/133

58 59

chose comme une grammare de la joussance homoseuelle.J chrchas ous ls sgs du rso d la phras mm,de la lang ue mme. Dans les notes que je retrouve maintenant,je vois quil devait y avoir un gros chapitre : Lcriture olle :Proust, Genet, Crevel . Une sous-section de ce chapitre portaitsur la rquc ds maphors orms parr ds ds dgonement, denure, dclosion comme si la croissance eci-te du phallus servait de rrent ultime toutes les transorma-os dus par l magar, comm s l phallus a la cldu prmps du mod. S j rprds l dossr aujourdhu,

j cosa qul y a cm baucoup, ds mapho-res de ce genre mas ntas-je pas plus attent elles qudautres, parce que plus adquates ma thore ? Il audratpour sen assurer relever toutes les mtaphores de ces tetes(u raal d dgu) cur u s sasqu du Ch 2pour rr s la rquc ds maphors du gom ssgncatve ou eectvement surabondante mas nanmonsnon sgncatve. Je na plus le courage, et je ny cros plustrop. Aujourdhu, je doute qul este une grammare, unesylsqu homosulls. J cros, rach, qu sl spu-r u lraur homosull, cs parc qu pourparaphraser Durkhem la lttrature est plus que la sommedes tetes. Elle a une consstance ate de tetes, mas aussdnsttutons dverses, de lecteurs, de comptes rendus crt-qus, d Cr aoal ds lrs qu s pas pour r par

mpl das labodac d ldo poqu doc parcorcoup das ld qul s cor possbl dcrr dla pose aujourdhu, bre, dchos bzarres et ncalculables,deets involontaires. La littrature est comme tout le reste unat socal total et cest en tant que tel quelle peut tre ausshomoseuelle. Pompes unbres, par eemple, est une sortedmms lg, comm so r ldqu, la ddcac Jean Decarnin. Or il est certain quau cours des sicles avant,disons, la libralisation des socits occidentales llgie a pu

Usage massi du mais de contradiction, damplication ,et soulign dans le tete : petit tas tranquille, conant mais quirayonnait ; dpts sacrs et paisibles, mais lourds, sommeillants ;la queue que je touchais du doigt ntait pas seulement de monama, mais du gurrr.

Oymores , et soulign : trsor ultime et premier, corpssold dlca, sag durc adouc.

Mtaphorsaton gnralse du phallus , et soulgn :trsor, trsor en vrac, poulpe, dvnt, arme de lange, nd,V1, source dor blond, dragon calleu, chen qu rcte un

pome inou, euves immobiles, gorge des pigeons. Et plus loin,un ancen mo a not : la braguette ouvre sur un bestareaasqu .

Recours lnallage , et soulign : Enn son immobilitme rassurant compltement je [je, ici, cest Riton, le jeune milicienranas amoureu de lAllemand, donc je] branla doucementErk qu songeat, sans doute, cette tte de lle surmontantl corps sold dlca qu suppora sur la ll ray uuqu d balls. I l samusa rcosur so sag. L plusgrad bohur lu a accord, pusqu cs l goss lu-mmqu rpoda so appl scr accoura smpalr. J sdu l goss, sas prr. E ac u ch rs la pag dderrre : nallage = crculaton dun ple du dsr lautre =lcra prd ous ls rls, ac / pass.

ous cs os aa plus ou mos pour bu d ourrr

une thse sur lcritu re homoseuelle que jenvisageais paresseu-sement et que je nai heureusement jamais vritablement conti-nue, car je me seras certanement et entrement ourvoy. lpoque, jmagnas que, s lcrture tat homoseuelle,ll da lr sylsqum. J raallas lombr duide dHlne Cious : la aon dont la jouissance envahit di-rmm ls corps ms masculs drm la ormdr ds phrass : u syl d agus pour ls mms, usyl dacm pour ls homms. Du coup, j chrchas qulqu


31/133

60 61

tourner dans les rues de anger et de chercher Zakara rel etd payr l pr qul au pour aor l dro d lchr la rglsssucculente de sa sueur et partager la racheur de sa bouche. Danslascenseur quand il vous embrasse comme sil en avait vraimentenve grand comden Zakara merc , lore ncalculablequl at : salve comme Javel qu nettoe le tartre accumul la bas du mps. As, plu achr ds corps qu ds lrs.As doc, Ja G s mor : cs la cocluso laqullje parvens nalement. Ce qu eplque les heures qul a allupour psr/crr c poura bacal brqubala

sans grce . Cest comme de ressusciter quelquun, qui vit encoreben sr, dans dautres sous-mondes que les mens, mas, nousdeu, nous nous sommes terrblement logns. Cest commed rr qu r, cs usr ous ls choss, ous ls sagsquo a ls us aprs ls aurs, ous ls lrs qu ur d brsou de durables brviai res, tous les vtements qui nous recouvrent.O rspr : o rmpl ds poublls cosdrabls ac ou cqu nous a perms de vvre : capotes usages, prnoms de tousnos Zakaria personnels, paysages calmes sous la lumire, phrasesd Ja G.

srr a sr d hcul socalm accpabl lprs-so ds sms homosuls : dr sa rsss pour rcou-rr so amour. Cs cor ll qu rcour .S. Elo dasTe Waste Landpour adrssr ss sms Ja Vrdal.E cla, o pu sas dou dr qu llg s u orm laos lrar socal d lprsso homosull.

Pus donc le temps a pass. Ja repos Genet et je lamoins ouvert, de moins en moins et puis plus du tout. Et main-tenant je maperois que Jea n Genet ne me ditplus rien. Ce nestpas que je na pas apprs de lu des choses que je noublera

jamas :1r lo : l au oujours mu rahr,2e leon : la poltque est seuelle, et le see poltque.

lpoqu, jadoras la scod par d larmao urvlaton et un tel plasr de are de la poltque en asantlamour , mas aujourdhu la premre me semble la plusrssa parc qu la mos obl. Chosr so camp parcquil nous ait mieu bander. Cest dailleurs une chose que jaitendance reprocher Genet : ne pas avor assum jusquaubout lg-noble de son dscours. Quand l dt qul se placedu ct des Nors et des Palestnens cause de la lourdeurde leurs coulles ou un truc du genre, l transgresse la bonneps, mas mo sulm car l rs du bo c d laconscience occidentale (et surtout de lantismitisme gnralisde la gauche ranase), mme s pour des rasons g-nobles.

J sus du c ds Israls caus d la spldur d lurssourrs s u phras qu jauras prr lr.Donc, le temps a pass et Genet sest lentement dssous,

comme un sucre dun ancien pays de lEst qui mettait des heures s dsspr das l ca mas ssa quad mm lu auss pardsparar. Ss lrs produsa plus auss b ls choss :quad ou da a, possbl grc au phrass, goagrce au phrases. Javas habt comme un obsd la vbra-o roqu d so urs maa r rmplac d


32/133

62 63Ren de Ceccatty

Genet,labsent de soi

Quand ja commenc lre Jean Genet, au tout dbut desannes soante-d, je ne me demandas pas ce qul tatdu. J saas qul a pas mor, b du. Mas jpensas que, ayant cess de publer depus longtemps, l avatdcd d s rrr du mod.

Certes, ses pces, plus t ardves que ses tetes autobogra-phques et que ses romans, demeuraent etrmement vvan-tes et ortes. Mme s elles avaent t crtes dans les annescinquante pour la plupart, elles saccordaient paraitement aveclesprt des annes soante-d. De nombreu metteurs enscne sen emparaent, en asa ent des happenngs. Mas onaurait certainement voulu Jean Genet plus prsent, plus visible.ouos o rspca so rra, so absc, s coorm sa passo ds ams, d la mor, d lombr.

Et pus, de temps autre, sa vo se asat entendre. JeanGenet crivait parois dans les journau, dans des revues de lue.LHumanitet Zoom. Des dazibaos et du papier glac. I l plaisaitau modas l draga ls mlas. Il cra ds sddabls sur l rrorsm ds s admrabls sur l ar sur l dsspor. Mas so corps apparassa pas.

Un jour, ja reu la vste dun photographe, trs jeune,trs malngre, un peu malad, qu ma montr son traval.Des photos de ous, dcrvans et de quarters de vande. Il

Marc Trivier, Jean Genet, Rabat, 1985


33/133

64 65

C phoo crcula baucoup aprs la mor d G. Csmaintenant une des plus connues de lcrivain. Elle est une ecel-l marqu rprsa d lur d lhomm. U lhomm das u lu publc du pays arab. Sur u bac. Vudhabits pauvres et ngligs. El le eprime, cette photo, linvisibi-l du g. E l passag d lspr sur la rr ds homms.

Quelques mos aprs que ce clch a t prs et quelquessemaines avant la mort de Genet, je lai aperu dans un ca dela Bastille. Au Drapeau ranais, boulevard Voltaire. Jattendaisun ami. Et jai vu passer devant moi Jean Genet, avec, la main,

un manuscrit dans une chemise cartonne rouge. Ctait, sansle mondre doute, lu. Il est all sasseor au ond de ce cado l om parassa cocrr ou lambgu d lcr-a, obsd par c Frac qul hassa, qul ra, qulcospua, qul aaqua, mas do la dchac l rassaen mme temps, comme on le sat par certans de ses tetespolqus aasmaqus.

Il avat, prcsment, beson du drapeau pour le dchrer,du moum pour labar. D la mm mar qul aabesoin du grand style classique pour le dv ier, Genet avaitbesoin des institutions pour les daire. Aussi, r ien dtonnantque ce sot au Drapeau ranasque jae aperu Jean Genet,ou plu l corps rl symbolqu d Ja G. Rl, carctat ben lu, ce pett homme vot, au gestes lents et las.Symbolqu, pusqul aa la ma so mauscr.

Rtrospectvement, quelques semanes plus tard, quand ls mor qu ja su qul aa, jus aa d mourr, dposchez Gallmard les preuves corrges de son derner lvre(Un capti amoureux), do j das publr, grc la compl-cit dOdette Laigle, secrtaire de Claude Gallimard, qui mavaitdonn un jeu de ces preuves, le tout premier compte-rendu (dansLa uinzaine littraire), j m sus d qu ca sas dou clvre-l (en manuscrt ou en preuves) que cachat la chemseroug caro.

oula m phoographr ac so apparl r qul ade son pre, mort de mort v iolente. Ctait un engin artisanal,luueu, ancien, proessionnel. Il disait quil voulait surprendrechz so suj la u d la mor. Il asa posr logumclu qul alla phoographr. Il saa, , capr ls-tant de la reddition, quand la volont, la rserve, la contention,la conscence quttent le regard et quun vole dabsence, unsgal d d sy sall, l rda prsqu mbcl, mashab du allac dro dabado.

Il avat soums ces sances de torture pluseurs ous et

plusieurs crivains. Avec les ous, la tche principale tait certai-nement de les mmoblser. Avec les crvans, el le consstat are ur du regard lntellgence conscente. Il photogra-phiait donc labsence de soi. Son appareil tait, ses yeu, magi-qu, porur d mor. Il aa phoograph Mchl Foucaul,Tomas Brhard, Samul Bck, Fracs Baco, Jorg LusBorgs, Hcor Baco.

Il vnt chez mo. La sance ne ut pas auss longue que jelavais craint. Habitu tre mitraill au petit bonheur la chancepar la plupart des photographes que je recevais, je us surpris dele voir se contenter de deu ou trois clichs. Je ne crois pas plus.Quand je vis le rsultat, je constatai quil mavait considrable-ment rajeuni. Javais lair dun enant pui s, comme dune nuitqu lu aura appor somml apasm.

Il avat poursuv Jean Genet Rabat. Jean Genet avat

accp d posr comm u clochard hb sur l bac dujardn publc. Cest une trs belle photo, de gne redevenuhomme ordinaire, dsabus, disponible, mais distrait. Il regardem lobjc (ous rgardos ous m lobjc),mais il nest pas l. Ce photographe, Marc rivier, avait photo-graph, en eet, comme l lavat souhat, labsence de JeanGenet. On sentat leaspraton que lcrvan prouvat dor accpr qu c corps d llard malad rprs lom d Ja G.


34/133

66 67Fadwa Islah

rois

1.J mappll Khadja. La jour, j sus bo das ls bauquartiers. Une bonne marocaine, Paris, a a u ne connotationrs pos ; ls paros raol. J sas pas rs bpourquo o a aua la co. Mas cs a mu.

Le sor, aprs le traval, je reos des hommes dans monstudo de Pantn. Pour arrondr mes ns de mos, mettre delarg d c, adr ls ms au pays u jour mor mapropre aaire. Une tlboutique ou un restaurant. Et pour rali-sr mo r, j raall dur. ous ls moys so bos.

J ros ous sors dhomms. la cha. Ds Paksa-nas, des urcs, des Franas Je les clne, je les cajole, je lescarss, j ls cou auss paros. Ils ador m racor lur ! J comprds pas oujours c quls ds mas j assmbla. E quad o bas j gms, j smul, j m cambr.

J jou l ju jusquau bou. E ls rdmad. J ls lassm ar ou c quls ul, ous lurs aasms, ous lsposos E a ls rd ous ! Mas, aa d m ouchr, lsdoivent se laver dabord. On ne sait jamais. Et puis je les oblige respecter certaines rgles : je nembrasse pas, cest trop intime, j accp pas la sodom. Cs corar ma o. J mprsr, car j r du jour o j pourra m marr, aor dsenants. Ce jour-l, ls me manqueront peut-tre. Srement,mme. Mais je serai en pai avec moi-mme et avec le bon Dieu.

On mavait dit que Jean Genet repoussait avec agacement lesmporus qu r lcda plus qu dr rpllpar un inconnu qui le reconnaissait et linterrogeait ou mme secoa dprmr so admrao. J aas aucu de subir une rebuade en mapprochant de lui. Je ne voulais pasgardr d c cra qu jamas a u mprsso dpla-sa. J m sus doc rsg so absc.

Jgnoras ce jour-l, au Drapeau ranas, qul avat crtUn capti amoureuxet que ce livre allait paratre chez Gallimard.Je pensais lamiti passionne et contrarie quil avait suscite

chez Violette Leduc. Je pensais au trouble quil avait ait natreen moi quand, tudiant, javais dcouvert son thtre sur scne(Haute Sureillance), pus ss lrs.

Mais nous tions en 1986. Je ntais plus un tudiant. Javaismo-mme publ dj un bon nombre de lvres et dartcles.J ps qu j coassas plu b so ur. Il s docmor arl, u jour aprs Smo d Bauor. E ja lu lsprus dUn capti amoureux.

Je ntais pas surpris par le sujet, car je savais, comme toutle monde, qul tat obsd par le combat des Nors et desPalss. Jaas lu, comm ou l mod, uatre heures Chatila, ss commars ds phoos d day prss pa rBruno Barbey, sa prace au Frres de Soledadde GeorgeJackson, ses prises de position sur le terrorisme. Mais Un captiamoureuxntait pas un pamphlet politique. Ctait un livre

sur la vie des spectres. I l poursuivait travers le monde tous lessignes des eistences antomatiques, il eprimait sa solidaritavec tous ceu que lon contrant ou qu ont chos de vvre abss : dm-mors qul a clbrs das so hr, dsBonnes au Paraents, ds Ngres Elle .

E au od du Drapau raas, ca u dm-mor quposat une man nerte sur le lvre des morts et clbrat, parso absc mm, l mod ds sbls.


35/133

68 69

et des bjou ; des belles, pas comme celles quon trouve at, Barbs. Non, une robe comme celles que je vos chezMme Abtbol. Celles des Galeres Laayette. Ou de lavenueMontagne. Il mouvrra mme un magasn ou un c yberca.O ra ar la omra smbl. La grad .

E ada, l a u umro du os par sma das ucabaret Montreul. Il est magnque. Jadore aller lcouter.Surou quad l cha Matjebdoulich. chaqu os, a rapas, j a ls larms au yu. J ps Khald, mo hommmar. Sad auss, mon premer amour. Celu de mes 17 ans.

O aa llm d projs smbl Mas quad l s parraallr ac so rr Ial, Mla, l s ru au oladune Mercedes Cawcawa dernier modle, avec beaucoup dargent,et compltement chang Sa amille a alors jug que je ntais plus la hauteur. Ils lui ont choisi une pouse de circonstance. Fatiha,la lle du mokkadem. Et il na pas bronch, il ne ma pas dendue.Dans notre derb, tout le monde tat choqu. Personne nma-gnat quun jour l me dlasserat. On tat nsparables. Jena u l cur brs. Ja cru qu jallas prdr la , qu jallasmourr, qu ca d la mag, du shour, quo laa sorcl.Jai t voir des marabouts, des magiciens Jai travers le Marocpour l dsor. Pour l ramr mo. Ja ou ssay. Lsqhs souss, les Sngalas, les jus mme. Fnalement, nayantpas susamment dargent pour raliser tous ces travau occultes,ja par allr or El Hajja Rabaa, la maqurll d la ru ds

Habous. Sur ls cosls d Fama, ma os. Ja u alors oularg qu j oulas. Mas pas Sad. Jamas plus.Dans le quartier, les gens ont commenc parler. Un peu trop.

Ja dcd d parr. J aas plus r ar l. Ja ach ucontrat, et me voil en Europe. Aprs quelque temps en Espagne,je suis venue en France tenter ma chance. Et je ne suis plus repar-. Cla a plus d hu as. J raall, jo d larg aupays. Ma amil le est re de moi. Ils ne savent pas ce que je ais, oune veulent pas savoir. Ils sont contents de rcuprer leur mandat

E j ra hour ma amll. mo quarr. DH, DouarEl Hajja.

E ada, ls aars o b. Il y a ds jours o moportable sonne tellement, o ja tellement de clents, que jedos rusr cra

Jean Genet, un saint marocain

Documents

Transcript of Jean Genet, un saint marocain