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Expériences du présent

ARMAND COLIN

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Collection Prépas

Série Histoire dirigée par Fabrice Abbad F. ABBAD, La France de 1919 à 1939.

B. BRUNETEAU, Histoire de l'unification européenne. F. MARCARD, La France de 1870 à 1918. B. PHAN, La France de 1940 à 1958. J. PORTES, Les États-Unis au XX siècle. J.-L. VAN REGEMORTER, La Russie et l'URSS au XX siècle.

Série Géographie dirigée par Robert Cheize N. BADIA-LLOVERAS, Le Tiers Monde.

L. CARROUÉ et V. OTH, L'Europe médiane. R. CHEIZE, La France. R. CHEIZE et J.-P ROUSSEAU, Le Monde en cartes.

R. D'ANGIO et J. MAUDUY, Les Rivages asiatiques du Pacifique. J. MARCADON, É. AUPHAN, A. BARRÉ et M. CHESNAIS, Les Transports. J. MAUDUY, Les États-Unis. H. NÉANT, La France de 1958 à nos jours. P. PELLETIER, Le Japon.

Série Philosophie dirigée par Jacqueline Russ

F. BRAUNSTEIN et J.-F. PÉPIN, L'Héritage de la pensée grecque et latine. J. LEFRANC, L'Esprit des Lumières et leur destin. F. DAGOGNET, L'Essor des Lumières et leur destin.

R. MISRAHI, Les Figures du moi et la question du sujet depuis la Renaissance.

Série Économie dirigée par Bernard Simler

A. BEITONE et al., Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, tomes 1 et 2.

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Avant-propos et mode d'emploi

Les pages qui suivent entendent fournir des éléments de réflexion sur le thème du

programme : « Expériences du présent ». L'intitulé même de ce thème peut suggérer que les « expériences du présent » sont des expériences dont nous aurions une connais- sance immédiate et évidente et dont il suffirait de dresser un catalogue. Il y aurait ainsi une façon bergsonienne de faire l'expérience du présent, une autre sur le mode de Giono, une autre sur celui de Camus, des Épicuriens, des Stoïciens, etc. Cette façon de comprendre le sujet n'est pas dénuée de sens, mais elle peut être approfondie si l'on réfléchit au préa- lable sur les deux notions qui sont ici reliées : l'expérience et le présent. Que doit-on entendre par ces mots ? Quelle peut être leur articulation ? En quels termes peut-on penser une pluralité d'expériences du présent ? Peut-on enfin faire l'hypothèse d'une unité profonde de ces expériences ? Afin de tracer des axes de réponse à ces questions, nous étudierons donc :

1 ° Le sens et l'articulation des deux notions du thème : expérience et présent (I)

a. Le présent : doit-on entendre par ce mot un instant, coupure abstraite d'une ligne temporelle, ou une durée, contenant donc un peu de passé et de futur proches ? Répondre à cette question, qui engage le sens que l'on peut donner à l'idée d'expé- rience du présent, conduira à examiner notamment les analyses d'Aristote, de Zénon d'Élée, de saint Augustin et de Merleau-Ponty sur la définition du présent.

b. L'expérience : en quoi celle-ci est-elle intrinsèquement temporelle ? Répondre à cette seconde question nous amènera à distinguer l'expérimentation de l'expérience vécue et à réfléchir, avec notamment Kant, Paul Ricœur ou Louis Lavelle, sur notre

relation au monde et à nous-mêmes : qu'est-ce que ce présent dont nous faisons l'ex- périence ? De quoi ou de qui est-il la présence ?

2° Le sens à donner à la pluralité problématique des expériences du présent (II)

a. Pourquoi donc cette pluralité serait-elle problématique ? Parce que nous pouvons faire l'hypothèse d'une unité originaire de notre relation au présent (III) ; mais il faut, au préalable, porter notre enquête sur les divers modes de notre expérience du présent.

b. Cette enquête nous entraînera tout d'abord vers les diverses conceptions grecques du présent, vers les leçons de l'anthropologie culturelle, et notamment sur la distinction d'un présent sacré et d'un présent profane avant de revenir vers la question de savoir si la philosophie de Kant n'est pas celle qui nous force à saisir le temps et le présent d'une façon radicalement nouvelle et hétérogène.

4 ● EXPÉRIENCES D U PRÉSENT

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c. Dans un second temps, nous examinerons de nouveaux modes de la pluralité des expériences du présent : l'hétérogénéité des expériences du présent induite par la société, avec les analyses de Max Weber et de Marx; l'hétérogénéité du discours de la science, notamment celui de la physique, sur le présent en regard de notre expérience vécue quotidienne du présent.

3° L'hypothèse de l'unité originaire de nos expériences du présent (III)

a. Afin de bien mesurer le caractère problématique de cette hypothèse, nous reparti- rons encore de la pluralité des expérimentations philosophiques du présent, c'est-à- dire de quelques grandes leçons philosophiques sur la façon dont nous devons vivre de façon heureuse le temps présent : Épicure, les Stoïciens, Plotin, Spinoza face au christianisme.

b. Par-delà leurs divergences, nous examinerons la possibilité d'une unité de toutes nos expériences du présent avec la phénoménologie, courant philosophique créé par Husserl, puis développé par Heidegger, dont nous étudierons les doctrines du présent.

c. Un ultime développement critique sur la pensée de Heidegger, celui du philosophe français contemporain Jacques Derrida, nous permettra de relier directement nos réflexions philosophiques avec la question de l'écriture littéraire du présent, préparant ainsi un enrichissement possible de la lecture des œuvres de Jean Giono et d'Albert Camus, alors que la mise en place précise des problématiques clas- siques de la philosophie sur le temps dans la première partie prépare à l'étude du texte de Bergson.

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Chapitre 1 Etude du thème Pluralité et unité des expériences du présent

1. Expérience et présent 9

1.1. Le présent comme instant ou comme durée ? 10

1.1.1. Le point et l'instant 10

1.1.2. Le présent selon Aristote 12

1.1.3. La perception du temps selon Merleau-Ponty : l'évidence d'un écoulement

réel du temps est aporétique 14

1.1.4. L'être du temps selon Aristote 15

1.1.5. Le présent selon saint Augustin 17

1.2. L'expérience comme instant et comme durée 19

1.2.1. L'expérimentation et le temps 19

1.2.2. L'expérience vécue et le temps 20

1.2.3. Expérience du temps et expérience de soi : l'ipséité 21

1.2.4. Le caractère intrinsèquement temporel de l'expérience 21

1.2.5. Peut-on parler d'expériences du présent ? 23

1.3. L'expérience du présent entre la présence et l'absence 23

1.3.1. Penser le paradoxe de la présence avec Louis Lavelle : une présence-absence 23

1.3.2. Le temps de la re-présentation selon Kant 25

2. La plural i té problémat ique des expériences d u présent 27

2.1. Peut-on penser une pluralité des expériences vécues du présent ? 27

2.1.1. Le présent a-t-il des âges ? 27

2.1.2. Les occupations du présent 28

2.1.3. L'ennui dans le présent 28

2.2. La pluralité des préconceptions du présent 30

2.2.1. Faire l'expérience du présent avec autrui de façon plurielle 30

2.2.2. La pluralité apparemment invincible des expériences du présent 31

2.2.3. La pluralité des approches du présent dans la culture grecque 32

2.2.4. Kairos et chronos dans la culture grecque : le temps spatial et le temps

temporel (kairos) 32

2.2.5. La transformation du présent par le temps continu chez les Grecs 34

2.2.6. Le présent et l'Éternel retour 35

2.2.7. Le présent entre Héraclite et Parménide 36

2.2.8. Le présent et la pluralité des pratiques grecques du temps 38

2.2.9. Le présent pris dans la pluralité culturelle des approches du temps 39

2.2.10. Présent sacré et présent profane 40

2.2.11. Une hétérogénéité radicale entre deux visions du présent et du temps 43

2.3. La pluralité sociale des présents 46

2.3.1. La configuration sociale du temps selon Max Weber 46

2.3.2. La configuration économique du présent selon Karl Marx : le présent du

capitaliste et le présent du travailleur 48

2.3.3. Marx et Bergson 48

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2.4. La pluralité des présents en sciences 50 2.4.1. Bergson et Einstein 50 2.4.2. Le présent éternel du temps absolu 52 2.4.3. Le présent dans la flèche du temps 54 2.4.4. Le présent absolument complexe de la physique quantique 56

3. La pluralité des expérimentations du présent et la question de l'unité originaire 59

3.1. L'expérimentation épicurienne du présent 61

3.2. L'expérimentation stoïcienne du présent 63

3.3. Présent et présence selon Plotin : l'expérimentation de l'éternité dans le présent ...... 65

3.4. Les expérimentations de l'éternité dans le présent : Spinoza face à la théologie chrétienne 66

3.5. L'expérimentation husserlienne de l'originaire : le présent vivant 68

3.6. L'expérimentation heideggerienne du présent originaire 74

3.7. Lexpérimentation du présent comme différance et l'écriture comme expérience originaire du temps 79

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Pluralité et unité des expériences du présent

« Alors l'esprit ne regarde ni en avant ni en arrière. Le présent seul est notre bonheur. » Ces vers du Second Faust de Goethe expriment sans aucun doute pour tout homme la « quête de la plus haute existence » : qui donc voudrait placer son bonheur tout entier dans le passé ou dans le futur, au prix d'abandonner son présent au malheur, ou du moins au morne ennui d'un bonheur absent ? La plus haute existence n'est-elle pas tout simplement la plus réelle, parce que la seule réelle ? Je ne suis plus celui que je fus il y a un instant, je ne suis pas encore celui que je serai dans un autre instant : entre ces deux néants, mon seul être est le présent.

Mais si cette plénitude d'existence dans le présent était immédiatement réelle, son exigence ne serait pas posée par Goethe comme la forme la plus achevée de sagesse. C'est que l'impérieux désir de se tenir dans le présent semble bien inversement proportionnel à la possibilité même de s'en tenir au présent. L'expérience du présent est ainsi prônée par Goethe, à la suite de la philosophie grecque antique, comme un sommet de l'exis- tence, et non pas énoncée comme une donnée immédiate et banale de notre existence. D'où ce paradoxe : je n'existe apparemment qu'au présent, puisque aussi bien le moment précédent de mon existence n'existe plus et que le moment à venir n'existe pas encore, mais dans le même temps je peux poser comme idéal pour mon existence de vivre dans le seul présent ! N'est-ce pas que je sens confusément que le présent m'échappe ? À défaut de vivre immédiatement et pleinement mon seul présent, je me consume en nostalgie ou en espérance, en rétention du passé dans le souvenir ou en anticipation de l'avenir dans l'imaginaire. Le présent m'est alors un objet idéal et problématique : je l'expéri- mente, je tente de le vivre plutôt que je ne le vis.

Entre le présent évident mais insuffisant ou intangible du simple fait que je ne vis qu'au présent et le présent absolu mais problématique que je vise comme une plénitude d'être, il semble qu'un écart demeure que je peux nommer l'expérience du présent. Lors- qu'en effet j'évoque les expériences que je fais du présent, je convoque sans doute ces divers sens contradictoires que j'aimerais enfin réunir dans une synthèse qui serait la forme la plus haute et la plus heureuse de mon existence : je semble supposer que le présent m'est donné comme une évidence immédiate, mais dans le même instant j'avoue tacitement le contraire puisque le mot même d'expérience contient tout à la fois l'idée d'une certitude vécue (j'en ai l'expérience) et celle d'une tentative (je dois faire l'expé- rience, expérimenter). Évoquer l'expérience du présent revient dès lors à formuler ce paradoxe que nous tenterons ici d'éclaircir : un présent pur serait par définition hors du temps, arraché à tout devenir, là où toute expérience implique d'une certaine manière le temps. L'expérience du présent est-elle en ce sens l'expérience par excellence impos- sible ? N'est-elle pas l'expérience du temps lui-même, au sens de l'expérimentation que nous avons sans cesse d'être temporels ? Mais rien ne dit encore que cette expérience

1. Vers 9381.

2. Vers 4685.

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problématique du présent est une : n'y a-t-il pas de multiples manières de vivre le présent, au sens le plus banal de l'expression ? Je puis bien vivre mon présent comme nostalgie ou comme attente, de contemplation ou d'action, dans la solitude ou dans le désir de fusion avec autrui, etc. : la liste des formes diverses ou contradictoires de ce que je peux nommer une « expérience du présent » semble infinie comme celle des formes de la vie humaine elle-même.

Faut-il parler d'une pluralité d'expériences du présent ? Cette pluralité est-elle vraiment infinie, ou peut-elle être rapportée à quelques grandes formes de conception et de vécu du temps ? Et si l'expérience même du présent est bien celle, problématique, d'une impossibilité visée comme un idéal, ne faut-il pas poser l'hypothèse que la pluralité apparente des expériences du présent doit nous renvoyer à une unique expérience origi- naire du temps ? Avant de tenter d'approfondir ces questions il faut tout d'abord nous entendre sur ce que nous pouvons désigner avec précision comme le « présent » et comme « l'expérience » : l'articulation une ou plurielle de ces termes dépend étroitement du sens que nous leur assignons.

1. Expérience et présent

Tâchons de démêler les relations croisées de l'expérience et du présent. Il est nécessaire de nuancer ce que nous avons déjà avancé : que le présent est une négation du temps, et que l'expérience implique le temps. Entre ces deux hypothèses extrêmes que nous allons examiner se nouent des relations plus complexes entre les deux notions. Dès que la question du temps est en jeu, notre réflexion commence par se perdre : la complexité est première. Saint Augustin le souligna en un passage devenu célèbre du livre XI des Confessions : « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. Pourtant, je le déclare hardiment, je sais que si rien ne se passait, il n'y aurait pas de temps passé; que si rien n'arrivait, il n'y aurait pas de temps à venir ; que si rien n'était, il n'y aurait pas de temps présent. » À l'instar d'Augustin, nous pouvons déclarer hardiment que nous savons spontanément que l'expérience du présent doit bien exister, puisque son inexis- tence absolue serait du coup la nôtre : nous ne serions plus. Mais nous savons aussi qu'une difficulté interne semble habiter, sinon ruiner, l'idée d'expérience du présent : être, c'est être présent ; mais être présent, c'est alors ne pas être si le présent est un instant sans épaisseur arraché au temps. Le présent doit donc être non une limite, mais un passage : en ce sens, il prend du temps, il se temporalise. Et l'expérience, elle, qui est un processus que l'on réalise dans le temps, vise de son côté une évidence immédiate et un affranchissement hors de la temporalité.

Qu'entendons-nous, en effet, par le « présent » ? Répondre à cette question n'est pas une chose aisée. Mais l'analyse de la notion de présent nous permet de désigner deux grands types de compréhension de celle-ci : le présent comme instant, et le présent comme durée.

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1.1.1. Le point et l'instant ►

Que pourrait être un présent pur ? Du point de vue implacable, mais peut-être impra- ticable, de la logique, il devrait être un point exempt de toute contamination par le passé et par l'avenir : un point sans épaisseur, sans surface, bref, une pure limite. La méta- phore spatiale est ici très emblématique : nous pensons bien ici le temps sur le modèle de l'espace. En ce sens, le présent, c'est l'instant. On peut donc se représenter l'instant de façon spatiale (en dépit de ce que cette représentation spatiale peut avoir de falla- cieux, comme nous le verrons ultérieurement) comme un point sur une ligne droite. Mais quel peut être le statut de ce point ?

Songeons à ce que notait le mathématicien Dedekind dans son mémoire sur la conti- nuité : soit ce point est rattaché au segment de droite situé à la gauche du point, soit à celui situé à sa droite. Le point n'est donc qu'une limite, ce qui implique paradoxale- ment qu'il ne puisse exister qu'en relation : à sa « droite » et à sa « gauche ». Le point pose donc la nature contradictoire de la limite à l'intérieur d'un continu. Temporelle- ment, le problème est le même, quoique plus abstrait : l'instant semble posséder une existence singulière, mais ne se soutient comme tel qu'en relation à un passé et un avenir. La conception du présent comme instant affirme donc moins l'existence singulière de l'instant que la possibilité du discontinu et de l'indivisibilité de l'instant. Par ailleurs, si l'on veut affirmer l'existence d'un indivisible à l'intérieur d'un continu, il entraînera l'existence de deux parties séparées, chacune possédant un terme distinct. Dès lors, dans une suite temporelle, il faudra admettre une distinction entre deux « points temporels », un x qui sera le dernier instant du passé et un y qui sera le premier instant du futur. Cette idée est au fondement des prétendues preuves de la thèse selon laquelle le monde aurait un commencement et une fin dans le temps. La « preuve » de cette thèse, nous dit Kant, consiste en effet à poser que dans l'instant présent « la série des événements d u m o n d e » e s t « é c o u l é e », a u t r e m e n t d i t q u e le p a s s é se p r é s e n t e c o m m e u n e « t o t a l i t é »

achevée. Hegel analysant ce raisonnement écrira donc dans sa Logique que « la preuve présuppose donc "qu'un instant donné du temps constitue" une limite effective », puis- qu'en cet instant le temps passé est achevé. Or, c'est poser une limite dans le continu, une limite « réelle » dans le temps : ce qu'il fallait prouver.

► La composition du continu à partir d'éléments affirmés comme indivisibles et discon- tinus a donné lieu à toute une série d'étonnants raisonnements logiques depuis l'Anti- quité : les premiers furent les paradoxes de Zénon d'Élée. Chacun connaît la course paradoxale d'Achille et de la tortue, ou encore l'argument de la flèche : si l'on admet qu'une flèche en mouvement est à chaque instant dans un espace strictement égal à son

3. Continuité et nombres irrationnels, (3) le problème de la continuité de la ligne droite ; cité par M. Gourinat, De la philosophie, t. II, Hachette, 1969, p. 522.

4. Kant, Critique de la raison pure. Premier conflit des idées transcendantales. 5. Hegel, Logique, t. I. L'antinomie kantienne de la limitation et de l 'illimitation du monde dans l' espace et dans le temps; cité d'après Gourinat, op. cit., p. 523.

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volume il faut dès lors admettre qu'elle est à chaque instant en repos puisqu'elle est comprise à chaque instant dans un espace égal à son volume. Le problème posé est certes de forme mathématique : il s'agit de savoir si un instant doit être compris comme une pure position temporelle sans durée, comparable en cela à un point sans surface, ou à une durée infinitésimale, plus petite que toute durée assignable, mais non pas nulle stricto sensu. La forme du problème est celle de la constitution mathématique du continu (temporel ou spatial), comme dans la représentation d'une droite réelle R. Les para- doxes de cette constitution du continu à partir du discontinu vont susciter de nombreuses réponses depuis Zénon jusqu'à l'Analyse non-standard en mathématiques et la théorie de la constitution topologique du temps physique Accordons-nous ici la facilité d'une présentation non-technique de ces questions, celle, par exemple, de Jorge Luis Borges dans sa Conférence sur le temps : supposons, écrit Borges, que le point n'ait aucune extension ; si nous prenons une infinité de points, nous obtiendrons une ligne, puis en prenant une infinité de lignes, nous obtiendrons une surface, et enfin en prenant une infinité de surfaces, nous obtiendrons le volume. « Je ne sais pas, note Borges, dans quelle mesure nous pouvons admettre cela, car si le point n'a pas d'étendue, je ne vois pas de quelle façon une somme, même infinie, de points qui n'ont aucune étendue, peuvent nous donner une ligne qui s'étend dans l'espace. En disant une ligne, je ne pense pas à une ligne qui irait de ce point-ci à la lune. Je pense, par exemple, à cette ligne : le bord de la table que je touche. Il est fait d'un nombre infini de points. »

Ce paradoxe entraîne une double lecture : mathématique et appliquée à la conscience du temps. Le tout est de savoir si la compréhension mathématique du paradoxe est satis- faisante pour notre compréhension de la conscience vécue du temps. Ainsi, rappelle Borges, « à tout ceci on a cru trouver une solution » : celle, par exemple, du philosophe et logicien anglais Bertrand Russell : « [...] il y a des nombres finis (la série des nombres naturels 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et ainsi de suite à l'infini). Mais considérons ensuite une autre série et cette autre série aurait exactement la moitié de l'extension de la première. Elle est faite de tous les nombres pairs. Ainsi au 1 correspondra le 2, au 2 correspondra le 4, au 3 correspondra le 6... Puis une autre série encore. Nous prendrons n'importe quel nombre. Par exemple, 365. À 1 correspondra le 365, au 2 correspondra le 365

6. Ces paradoxes ont donné lieu à une quantité impressionnante de littérature philosophique, logique et mathématique depuis l'Antiquité. Un amateur de logique se divertira à la lecture du Gödel, Escher, Bach de D. Hofstadter, qui joue avec dextérité du paradoxe d'Achille et de la tortue de Zénon à K. Gödel (InterÉ- ditions, 1985 pour la traduction française). D'un point de vue plus classiquement mathématique, on pourra lire : W. MacLaughlin, « La Résolution des paradoxes de Zénon », dans la revue Pour la science, n° 207, janvier 1995, qui fait le point sur l'utilisation des nombres non standards pour résoudre les paradoxes éléates ; en anglais : W. MacLaughin et S. Miller, « An Epistemological Use of Nonstandard Analysis to Answer Zeno's Objections Against Motion », in Synthese, vol. 92, n° 3, p. 371-384, septembre 1992. Mais ces analyses prêtent implicitement à Zénon un souci scientifique comme « précurseur » du calcul infinitésimal, par exemple, sans doute anachronique et infidèle à l'esprit de ses arguments, ce que notait déjà, au début du siècle, Bergson.

7. Borges, Conférences, traduites de l'espagnol (Argentine) par F. Rosset, Gallimard, coll. « Folio », 1985, p. 208-211 ; sur les paradoxes de Zénon, on peut lire également la plaisante présentation par Borges de « La course perpétuelle d'Achille et de la tortue » dans Discussion, trad. C. Staub, Gallimard, coll. « La croix du Sud », 1966, p. 104 et sq.

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multiplié par lui-même, au 3 correspondra le 365 élevé à la puissance trois. Nous aurions ainsi différentes séries de nombres qui seraient toutes infinies. C'est-à-dire que dans les nombres transfinis les parties ne sont pas moins nombreuses que le tout. Je crois que ceci a été admis par les mathématiciens. Mais je ne sais pas jusqu'à quel point notre imagination peut l'accepter. » Qu'en est-il de la composition d'éléments indivisibles et discontinus dans notre conscience du temps ? « Prenons l'instant présent », propose Borges. « Qu'est-ce que l'instant présent ? C'est le moment qui comporte un peu de passé et un peu d'avenir. Le présent en soi est comme le point en géométrie. Le présent en soi n'existe pas. Ce n'est pas une donnée immédiate de notre conscience. Nous avons donc ce présent et nous voyons qu'il est graduellement en train de devenir du passé, en train de devenir de l'avenir. » Il y a sans doute un hiatus entre la conscience que je peux avoir de l'instant, comme passage entre deux « points », donc, temporellement, deux instants, et la compréhension logico-mathématique de cette formation du continu à partir du discontinu. « Je ne sais pas, conclut Borges, si ce concept des nombres trans- finis que j'expliquais il y a un instant peut nous aider. Je ne sais pas si mon imagination accepte cette idée. Je ne sais pas si la vôtre peut l'accepter. [...] Il semble très difficile d'accepter qu'entre [...] deux instants il y ait un nombre infini ou transfini d'instants. » Le problème soulevé par Borges est donc double : d'une part, c'est celui de savoir si l'instant doit être conçu comme une pure limite entre des entités indivisibles et discon- tinues ou bien comme un passage (donc : une durée) qui relie le passé et l'avenir, d'autre part, c'est aussi celui du mode de compréhension de cette alternative, entre une compré- hension logico-mathématique et une analyse qui aurait pour ambition de rendre compte avant tout du vécu préréflexif dans la conscience de ce que nous appelons le présent (problématique qui fut celle d'Augustin, puis de Husserl ou de Bergson). La fascina- tion séculaire pour les paradoxes de Zénon d'Élée tient vraisemblablement à cette double difficulté qu'ils recèlent

1.1.2. Le présent selon Aristote

Le présent est-il un instant sans durée ? Est-il doté d'une certaine durée ? Dans l'Anti- quité, ce fut notamment Aristote qui construisit, dans le livre IV de sa Physique, une

8. Pour la précision, il faut savoir que l'on peut distinguer deux groupes dans les paradoxes de Zénon d'Élée. Les deux premiers arguments (la « dichotomie » et l'« Achille ») sont liés au paradoxe qui naît lorsqu'à une structure continue de l'espace s'oppose une structure corpusculaire, donc discontinue, du temps : il faut alors des moments indéfiniment répétés pour franchir une distance comme celle qui sépare Achille et la tortue. Les deux derniers arguments (la « flèche » et le « stade ») portent plus spécifiquement sur le temps et sont fondés sur un procédé contraire, le temps étant alors spatialisé comme le notera Bergson. L'instant est considéré comme une partie du temps, comme le point serait une partie de l'espace, ce qui est faux dans les deux cas, puisqu'un élément constituant n'est pas une partie additive, comme l'a montré la théorie des ensembles. « C'est en usant d'une telle confusion que Zénon peut dire de la flèche qu'elle est à tout instant immobile. [...] Dans le dernier argument, la durée est identifiée à l'espace parcouru, indépendamment des différences relatives de vitesse : à deux longueurs correspondent alors quatre longueurs, et la moitié, dit Zénon, est égale à son double. L'argument n'est recevable que dans l'hypothèse de parties minimales de l'espace et du temps, dont on montre qu'elles sont néanmoins divisibles. C'est pourquoi il est possible que Zénon se soit placé, en énonçant ses deux derniers arguments, dans l'hypothèse d'une discontinuité radicale (parties minimales et indivisibles) de l'espace et du temps, comme le suggère Aristote. » (Encyclopédie Univer- salis, article « Zénon d'Élée »).

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réponse complexe et durable aux questions des Éléates. Aristote refusait que le temps soit composé d'instants et entendit soutenir contre Zénon que le temps n'est fait que d'intervalles entre des instants « qui découpent ces intervalles "en puissance" seulement, puisque ces instants frontières appartiennent aux deux intervalles adjacents ». Livrons- nous ici à une première et brève lecture de la position d'Aristote, sans prétendre rendre compte du détail d'une argumentation qui s'étend tout au long des cinq derniers chapitres du livre IV de la Physique. Aristote, fidèle à sa méthode d'analyse des positions adverses ou précédentes, commence par passer en revue les thèses qui lui sont antérieures quant à la nature du temps. Il mentionne donc puis rejette successivement trois conceptions du temps qui identifient celui-ci : 1/ au mouvement de l'univers, 2/ à la sphère céleste elle-même, 3/ à une sorte de mouvement ou de changement. De cet examen, retenons ici ceci : il faut associer, dit Aristote, l'idée de temps à celle de mouvement ou de chan- gement, et ceci hors de toute considération de la vitesse ou de la lenteur (le changement ou le mouvement peuvent être rapides ou lents, mais le temps lui-même ne le peut pas, puisqu'il est clair que la rapidité et la lenteur sont elles-mêmes définies par le temps). À cet égard, et c'est une remarque essentielle, Aristote souligne que lorsque notre état d'esprit ne change pas (ou que nous ne nous apercevons pas qu'il change), nous sommes dans l'impossibilité de reconnaître que le temps s'est écoulé. C'est donc en reconnais- sant de quelque manière un « avant » et un « après » que nous percevons le temps.

► Le temps et le nombre du mouvement

Le temps et le changement se croisent donc : le changement ne peut pas se produire sans le temps, et le temps ne peut pas être reconnu sans le changement. D'où la fameuse définition aristotélicienne : « Le temps est le nombre du mouvement relativement à l'avant et à l'après. » Pourquoi le temps est-il « relativement à l'avant et à l'après » ? Parce que, précisément, nous ne percevons le temps que lorsque nous faisons des distinctions dans le mouvement, et nous ne pouvons réaliser ces dernières qu'en reconnaissant un avant et un après. Pourquoi le temps est-il le nombre du mouvement ? Ceci est plus délicat à saisir : ce nombre du mouvement n'est pas un nombre abstrait (celui au moyen duquel nous comptons, par exemple), mais ce qui est nombré. Le temps est donc ce qui, dans le mouvement, est nombré ou ce en vertu de quoi le mouvement est nombrable. Le temps n'est pas le mouvement lui-même : il n'est que quelque chose du mouvement : le « nombre », « l'aspect nombrable du mouvement ».

Il faut bien saisir l'importance de cette thèse : le temps est lié au mouvement. Elle veut dire, entre autres, que le temps n'est ni dans le monde (au sens où il serait contenu tout entier dans le mouvement des choses) ni dans la conscience (au sens où il ne serait qu'une façon qu'aurait ma conscience de percevoir le monde). Le temps existe pour Aristote, mais non pas de façon absolue : de façon relative donc. Il existe relativement au monde et à ma conscience, relativement au mouvement et à ma perception du mouvement. Car il est clair, pour Aristote, que le temps ne suppose pas seulement un mouvement dans les choses, mais encore une âme capable de percevoir ce mouvement : une âme

9. H. Barreau, Le Temps, PUF, p.93.

10. V. Goldschmidt, Le Système stoïcien et l'idée de temps, Vrin, 1953, p. 31.

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« nombrante ». Et l'être qui possède une telle âme est, de toute évidence aussi, l'homme, qu'Aristote définit dans son Traité de l'âme (III, 10, 433b) comme un être pourvu de l' « aisthésis chronou », c'est-à-dire de la faculté de percevoir le temps (ou de percevoir temporellement). Entrons un peu plus avant dans cette thèse afin de mieux saisir tout d'abord l'originalité d'Aristote puis sa théorie de l'instant. La question qui est posée ici est celle de l'existence du temps : existe-t-il ? Et si tel est le cas, quel type d'être est-il ? Posons cette question dans les termes plus modernes et peut-être plus parlants d'une proposition théologique du XIII siècle : le temps existe-t-il « in re », autrement dit réel- lement, en tant que tel dans le monde, ou « in apprehensione », c'est-à-dire simple- ment dans l'appréhension que nous avons du monde, bref dans la conscience que nous en a v o n s L'alternative est, si l'on y réfléchit un peu, très embarrassante, ou, comme le dit le vocabulaire philosophique, aporétique. Au XVII siècle, Pascal prendra d'ailleurs le temps comme exemple, dans De l'esprit géométrique, de ces termes « qu'il est impos- sible et inutile de définir », ajoutant qu'entreprendre une telle définition est d'autant plus vain que tous « les hommes conçoivent ce qu'on veut dire en parlant du temps ». Il y a donc un embarras dans l'évidence même du temps et de son existence, celui même que prétendit lever Aristote. Cet embarras n'est pas extérieur à l'évidence du temps, cette évidence de la compréhension commune mais informulée du temps dont parle Pascal. Il est lié au fait même que nous avons à penser une évidence : « il y a » du temps, comme tout semble ne cesser de l'attester. Les choses et les êtres autour de moi m'ap- paraissent comme évidemment affectés par le temps : à des degrés divers, c'est-à-dire des vitesses diverses, les choses et les êtres vieillissent, voire disparaissent. L'évidence de ce mouvement est même l'une des préoccupations les plus constantes de l'humanité, et il n'est guère difficile de constater à quel point le thème du « tempus fugit », du temps qui fuit, est une obsession de la littérature universelle, des chansons, du folklore, et sans doute, de façon plus générale, de toute activité humaine. Le temps s'écoule, dit-on, en entendant par là un processus de changement universel et irréversible des choses et des êtres vivants. Il nous est évident que cette mutation permanente, ressentie le plus souvent comme une dégradation permanente, n'est en rien produite par notre conscience qui la perçoit, mais existe bien « réellement ». Mais l'embarras naît de cette apparente évidence, puisqu'il faut bien un observateur à cet écoulement, une conscience de ce processus, bref une « apprehensio ». Or, cet observateur est lui-même inscrit dans le processus qu'il observe, et s'il y a bien du temps, ce n'est, en définitive, que pour lui.

1.1.3. La perception du temps selon Merleau-Ponty : l'évidence d 'un écoulement réel du temps est aporétique

Expliquons cette dernière assertion, en reprenant un exemple proposé par Maurice Merleau-Ponty dans sa Phénoménologie de la perception : lorsque je dis qu 'avant-hier

11. Littéralement : le sens du temps (la faculté de le percevoir).

12. Littéralement : « in apprehensione », selon l'appréhension d'une chose par la conscience; « in re », « dans la chose », c'est-à-dire comme une propriété réelle de la chose.

13. En 1277, une proposition théologique selon laquelle le temps n'existerait qu 'in apprehensione fut taxée d'hérésie et mise à l'index par l'évêque de Paris sur l'invitation du pape Jean XXI.

14. 1657, cité dans l'édition du Seuil, p. 360.

15. Dans le chapitre consacré à l'analyse de la temporalité.

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il y avait ici un glacier qui a fondu et qui a produit par sa fonte l'eau qui passe à présent devant moi, je ne fais que constater un changement. Mais ce changement suppose un référentiel, qui est le poste d'où je me place. « À considérer les choses elles-mêmes, la fonte des neiges et ce qui en résulte ne sont pas des événements successifs, ou plutôt la notion même d'événement n'a pas de place dans le monde objectif. » Le temps semble supposer absolument l'observateur. Autrement dit : le temps suppose toujours une vue sur le temps, il n'est pas un processus réel, une « succession effective que je me borne- rais à enregistrer. Il naît de mon rapport aux choses. » L'évidence d'un « écoulement réel » du temps est aporétique : elle renvoie concurremment au monde et à la conscience que nous avons du monde. Car, à bien considérer cet exemple tant de fois repris de l'écoulement de l'eau et du temps, il apparaît que « l'eau qui passera demain est en ce moment à sa source, l'eau qui vient de passer est maintenant un peu plus bas, dans la vallée. Ce qui est passé ou futur pour moi est présent dans le monde. » L'« âme nombrante » d'Aristote, c'est cette conscience pour laquelle et par laquelle il y a du temps. Les fleurs se fânent, mais il n'y a pas de temps pour une fleur ! Elles ne se fânent que pour nous, et, dans une certaine mesure, par nous. Mais dans une certaine mesure seulement! Car il serait absurde ou présomptueux de notre part de prétendre que c'est notre perception des fleurs qui les fait se fâner ! Le processus est aussi réel : la fleur se fâne in re. Le réaliste Aristote était très sensible à ce genre d'évidence empirique. De ce fait, il faut saisir que le propre de la théorie du temps d'Aristote est de privilégier la relation du temps aux choses du monde plutôt que celle du temps à la conscience que nous avons du monde. Il faut tenter de comprendre ceci avec nuances (nous reprenons sur ce point l'analyse de la théorie aristotélicienne du temps proposée par Paul R i c œ u r : le temps est, avons- nous dit, un être relatif; c'est cette idée d'une existence relative que nous devons préciser à la lumière de ce que nous venons d'examiner avec Merleau-Ponty. Quel type d'être est le temps ?

1.1.4. L'être du temps selon Aristote

► Le temps a une existence imparfaite et relative

À cette question, Aristote répond donc dans sa Physique (IV, 10, 217b) : « Que d'abord il n'existe absolument pas, ou qu'il n'a qu'une existence imparfaite et obscure, on peut le supposer d'après ce qui suit : pour une part il a été et n'est plus, pour l'autre il va être et n'est pas encore [...] or, ce qui est composé de non-être semble ne pas pouvoir parti- ciper à la substance ou à l'être. » Le temps ne peut pas exister pleinement ; mais il ne peut pas non plus ne pas exister du tout ! Car comment, en ce cas, y aurait-il mouve- ment et changement ? Bref, le temps ne peut pas exister absolument, ni n'exister abso- lument pas : il n'existe bien que relativement. Relativement à quoi ? Au changement : « Puisque nous ne prenons pas conscience du temps quand nous ne distinguons aucun changement mais que l'âme semble demeurer dans un état un et indivisible, et qu'au contraire quand nous percevons et distinguons un changement, alors nous disons qu'il s'est passé du temps, il est clair qu'il n'y a pas de temps sans mouvement ni change- m e n t » Nous avons déjà évoqué ce passage capital : Aristote ne nie en rien que l'âme soit nécessaire à la perception, puis la mesure, en dernière instance à l'être du temps.

16. P. Ricœur, Temps et Récit, t. III, Le Seuil, 1985, chap. 1, « L'aporétique de la temporalité ».

17. Physique, trad. C. Collobert, éd. Kimé, 1995, liv. IV, 218 b 9.

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Mais le t e m p s n' est pas dans l 'âme, d u moins pas en elle seule. Il est avant tou t dans le

m o n d e : il n'est pas le mouvemen t , mais ne va pas sans mouvement . Cet te double relation

d u t emps , à l 'âme et au m o n d e , va accorder u n e priori té au m o n d e . L'âme « n o m b r e » :

or, nombre r , cela ne signifie pas être en m ê m e temps que les choses que je n o m b r e . L'ab-

sence d ' â m e ne saurai t en a u c u n cas, pa r exemple, supp r imer les fleurs d ' u n jard in sous

le fallacieux prétexte qu' i l n 'y aurai t plus d ' â m e p o u r les compter . Il en va de m ê m e p o u r

le m o u v e m e n t c o m m e p o u r le temps , n o m b r e d u m o u v e m e n t : ils existent dans une

cer taine mesure sans l ' âme qui va les nombre r . Pour tan t , t o u t ceci est difficile à saisir et

à accepter : le t e m p s n 'est pas u n ja rd in d o n t les ins tants seraient les fleurs. D a n s le

j a rd in , les fleurs coexis tent , f o r m e n t u n n o m b r e , q u e je les c o m p t e o u pas. D a n s le

temps , en revanche, lorsque le présent est là, le passé n 'y est plus : les instants ne font

jamais n o m b r e , puisqu ' i l n 'en existe jamais q u ' u n seul à la fois. Sans l 'âme, il n 'y aurait

que d u présent , mais s'il n 'y avait que d u présent , il n 'y aurai t pas de temps. Par l 'âme

s ' i n t rodu i t le n o m b r e , et l 'avant et l 'après dans le m o u v e m e n t : ce qu i p e r m e t la mesure

de l 'écart qu i sépare deux instants. L'âme est indispensable à l 'être d u temps, mais de

façon seconde : le m o u v e m e n t et le m o n d e son t premiers.

► A r i s t o t e : l ' e s sence d u t e m p s e s t d a n s l ' i n s t a n t

Ces remarques sur la théorie générale d u t emps chez Aristote doivent permet t re à présent

de c o m p r e n d r e l ' impor t ance d u s ta tu t de l ' ins tant dans la pensée d u Stagirite : c'est que

l 'essence d u t emps est dans l ' instant. « L' instant a en effet toutes les caractéristiques para-

doxales d u t e m p s : (1) c h a c u n est le même que les p récéden t s et il est autre, (2) par

ailleurs, il sépare et il u n i t ce qui précède et ce qui suit, (3) enfin, il renvoie aux choses

qu i se p rodu i sen t , il est d o n c de na tu re objective et cosmique et p o u r t a n t il est ce en

q u o i p e u t être logé le m a i n t e n a n t d ' u n espr i t », r e m a r q u e u n e analyse récente de la

théor ie ar is totél ic ienne que nous allons reprendre et citer u n p e u l o n g u e m e n t i c i tan t

elle éclaire à no t r e sens l ' idée de présent que nous d o n n e à penser Aristote. Ces trois

po in ts m é r i t e n t en effet explication. Il nous faut t o u t d ' abo rd (1) c o m p r e n d r e que l'ins-

t an t est à la fois toujours le m ê m e et jamais le m ê m e : « Toujours, parce que nous sommes

tou jours dans l ' ins tant p résen t ; c'est d o n c la caractérist ique de l ' ins tant réel que d 'être

tou jours p résen t pu i sque l ' ins tan t an té r i eur n 'est plus. Et jamais , parce q u ' a u c u n des

ins tants que nous avons p u d is t inguer pa r une singulari té n'est resté présent et donc,

p résen tement , il y en a nécessa i rement u n autre. » L' instant présent est donc par essence

paradoxal et duel : le m ê m e et l 'autre. Pour prendre u n exemple banal, la tentative récur-

rente de cap ture de l ' ins tant présent dans la l i t térature, qui est souvent belle parce que

désespérée, n 'est r ien d ' au t re que cette mise en scène de l ' impossible coïncidence à lui-

m ê m e de l ' ins tant : Carpe D i e m ! 0 temps, suspends ton vol! Pour que ces proposi t ions

a ient u n sens logique, il f audra i t que l ' ins tan t présent suspendu soit en l u i - m ê m e iden-

t ique à l u i - m ê m e ; or l ' ins tant est voué à s 'échapper de l ' ins tantanéi té : il po r t e d u m ê m e

vers l 'autre. Il nous faut ensui te (2) t en te r de saisir l 'idée d u continu : « [ . . . ] pu i sque le

m a i n t e n a n t con t inue , il est la con t inu i t é d u temps, mais p o u r t a n t c'est lui qui divise le

t e m p s en passé et fu tur , et cet te c o u p u r e qu' i l opère r e n d d i scon t inu , "discrétise" le

temps . Il est à la fois ce qui sépare et ce qu i relie le passé et le futur. Il fait l 'uni té d u

t e m p s : il n 'y a b ien q u ' u n seul t emps et ses divisions n ' i m p l i q u e n t aucune plurali té de

18. B. Bachelet, Sur quelques figures du temps, Vrin, 1996, p. 240.

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temps. Mais au moment même où le maintenant fait cette unité, il casse le temps, car, dit Aristote, alors seuls le passé et le futur sont le temps, puisque le maintenant présent est tout simplement l' être en acte. »

Enfin, il faut souligner encore ici la priorité aristotélicienne de la relation du temps au monde sur celle du temps à l'âme : « L'instant cosmologique, objectif, a une antériorité logique sur le maintenant par lequel il se découvre à un sujet qui y vit (qui le v i t ) » La richesse de la doctrine d'Aristote réside ici dans sa complexité : il faut penser le présent comme un instant continu. Les critiques ultérieures de la pensée d'Aristote au cours de l'histoire de la philosophie devront donc se défier d'une méprise possible : critiquer non la position d'Aristote, mais sa caricature. En ce sens, nous verrons que dès l'Antiquité, les positions adverses des Épicuriens et des Stoïciens tendront à disjoindre ce qu'Aris- tote avait voulu nous obliger à penser ensemble : le présent comme instant et comme durée.

1.1.5. Le présent selon saint Augustin

Dans le livre XI des Confessions, saint Augustin reprendra lui aussi la problématique de l'instant, avec la double caractéristique de réaliser une analyse très « moderne » de la conscience de temps, quasi phénoménologique, et de donner immédiatement une porté ontologique à cette analyse. Le temps, pour la conscience, c'est d'abord la succession du passé, du présent et de l'avenir, dit Augustin. Or, le passé n'est pas, comme nous l'avons vu, ni l'avenir. Voici donc deux néants : deux « êtres » qui ne sont pas. Quant au présent, ou bien il se divise lui-même, et sans doute à l'infini, en un passé et un avenir, qui donc ne sont pas, et est ainsi un pur néant, ou bien il n'est qu'un point dans le temps, une étendue sans durée. Cette difficulté théorique, entre le présent-durée, mais néant, et le présent-instant, mais insaisissable, a une portée immédiatement ontologique chez Augustin : un néant entre deux néants, voici ce que serait l'être du présent!

Lisons l'argumentation augustinienne : « Comment donc, ces deux temps, le passé et l'avenir, sont-ils, puisque le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent, s'il n'allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait éternité. Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu'il est, lui qui ne peut être qu'en cessant d'être ? Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c'est qu'il tend à n'être plus. » Le temps est donc en tendant à n'être plus : la fuite du temps, n'est pas un avatar du temps, c'est le temps même. Voici un étrange et fascinant paradoxe logique et ontolo- gique : le temps est une abolition de tout qui semble s'abolir elle-même. Il y a un drame ontologique à l'œuvre dans cette auto-abolition : celui de la finitude où se trouve l'homme, face à l'infinitude divine qui est Éternité. Que le temps contienne sa propre abolition est le mystère insurmontable de la finitude. Soit le temps est un Néant, et il s'abolit, mais comment comprendre dès lors un Néant qui s'abolit, c'est-à-dire qui se néantise ?

19. Pour toutes ces citations : op. cit., p. 240-241.

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Pour qu'il s'abolisse, il faudrait qu'il contienne un peu d'être à anéantir : ce ne serait donc pas un néant absolu, mais un néant relatif, proposition quasi-impensable. Soit le temps, c'est de l'Être et non du néant, mais alors sa logique est d'aller non pas vers « plus » d'être mais vers « moins » d'être en tendant au non-être, et ceci n'est guère plus aisé à penser. C'est l'être, cette fois, et non plus le néant, qui deviendrait « relatif ».

Le temps est pourtant à penser entre un Être absolu, l'Éternité, et un néant absolu : il est bien un être relatif, Être relatif et Néant relatif, deux versions jumelles d'une même insondable finitude. Car il faut bien qu'il existe ! Comment n'existerait-il pas, lui qui contient tout ce qui existe ? Or ce temps qui contient tout, puisque être, c'est être dans le temps, n'a pas d'être absolu : n'est-il pas, pour Augustin, contenu lui-même dans l'Éternité ? Paradoxe ontologique du temps, mais paradoxe logique aussi, duquel tout découle : comment mesurer le temps, c'est-à-dire comment mesurer ce qui n'est pas, du moins n'est pas absolument ? Le temps est pris dans la distension de l'âme, entre le passé et le futur : la distensio a n i m i . Finalement, le temps n'est pas autre chose que cette distensio animi. D'où la durée du présent, puisque celui-ci est la distension entre le passé et le futur, et cette doctrine stupéfiante d'Augustin, qui ouvre la voie aux réflexions bien ultérieures de Bergson, ou de Husserl, Heidegger et Merleau-Ponty au XX siècle, celle du « triple présent », pour reprendre la formule de Paul R i c œ u r : « Peut-être, écrit Augustin, pourrait-on dire au sens propre : il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur. Il y a en effet dans l'âme, d'une certaine façon, ces trois modes de temps, et je ne les vois pas a i l leurs »

Ce sens propre du présent (contre l'impropre qui le distingue abusivement et absur- dement de tout passé et de tout futur) prend appui sur une triple équivalence : « Le présent du passé, c'est la mémoire, le présent du présent, c'est la vision, le présent du futur, c'est l'attente. » Le « lieu » donc du temps, c'est l'âme. C'est en elle que sont présentes comme signes des choses absentes : images vestigiales et images anticipantes. Lieu distendu d'un « être » distendu qu'est le temps. On s'interrogera sans doute sur le sens de ce « présent du présent » qu'est la vision (contuitus) : c'est l'exact opposé de la distensio animi, point idéal à partir duquel il y a distension. Car dans le « présent » sont passé et futur : on peu songer à ce passage assez augustinien (ou bergsonien) de La Recherche de Proust, dans lequel le narrateur parle d'un « temps incorporé », et des profondeurs de temps induites en lui par le tintement d'une sonnette : « Pour tâcher de l'entendre de plus près, c'est en moi-même que j'étais obligé de redescendre. C'est donc que ce tintement y était toujours, et aussi, entre lui et l'instant présent, tout ce passé infini- ment déroulé que je ne savais que je portais. Quand elle avait tinté, j'existais déjà, et depuis, pour que j'entendisse encore ce tintement, il fallait qu'il n'y eût pas eu discon- tinuité, que je n'eusse pas un instant cessé d'exister, de penser, d'avoir conscience de moi, que je pouvais encore retourner jusqu'à lui, rien qu'en descendant plus profondé- ment en m o i »

20. Littéralement : distension de l' âme.

21. P. Ricœur, Temps et Récit, t. I, chap. 1 : « Les apories de l'expérience du temps », Le Seuil, 1983, p. 23.

22. Saint Augustin, Confessions, liv. XI, 20.

23 M. Proust, Le Temps retrouvé, (1927).

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Le présent (admettons : le point temporel lui-même pourvu d'une durée à partir duquel je perçois le tintement d'une sonnette) est parcouru de passé et de futur : on peut interpréter la distensio augustinienne comme l'idée d'une durée où se télescopent le présent du passé, celui du présent et celui du futur, et non comme le lieu d'un paisible glissement continu de couches de temporalité qui se succéderaient. Le passage du temps dans le présent est une coexistence complexe du passé, du futur et du présent : c'est ce que dira Bergson

Contre toute abstraction de l'instant-point, en un thème qui relie, dans une certaine mesure, Augustin et Bergson, c'est dans le passage même qu'il faut chercher la multi- plicité du présent, et, chez Augustin, son déchirement. Quelle forme donner à ce passage ? L'idée de « passage » risque d'induire une notion de linéarité, de glissement serein du passé au présent puis au futur. Or, ce passage est un télescopage, une juxtaposition, un « déchirement » : un philosophe allemand des années 1930, Walter Benjamin, proche, du moins sur ce point, de la pensée de Bergson, proposera, en commentant Proust, l'image à notre sens heureuse des arabesques. Les trois catégories du présent, du passé et du futur se donnent dans une durée entrelacée et tissent d'inextricables arabesques

Tournons-nous à présent vers l'idée même d'expérience et vers son articulation avec la question du présent. Lorsque nous parlons d'« expériences du présent », la première question qui se pose à notre réflexion est celle de la pluralité de ces expériences. Certes, cette pluralité, nous pouvons la rechercher dans des formes diverses d'expérience du présent au sens des façons dont nous désirons remplir cette expérience (viser l'instan- tanéité, la durée, une éternité transcendante à travers l'instant présent, ou, au contraire, une sempiternité immanente au monde lui-même, etc.), mais nous pouvons aussi la lire dans la notion même d'expérience. La langue française opère peu de distinctions : tout au plus avons-nous « expérience » et « expérimentation », ce dernier mot impliquant tout à la fois l'idée d'un processus temporel et un rattachement au domaine des sciences. L'expérience — ou les expériences — du présent nous renvoie avant tout à une expérience vécue, ou, comme l'on dit, « existentielle ».

1.2.1. L'expérimentation et le temps

La langue allemande peut nous éclairer ici : elle distingue peut-être plus précisément que l'usage français (qui emploie « expérience » indifféremment pour expérience vécue et pour expérimentation) les deux sens. Lexpérience comme Erfahren, c'est globalement ce que nous pourrions traduire par l'expérimentation. Mais, comme nous demande de

24. L'état complet de coexistence du passé, du présent et du futur sera représenté par la métaphore du cône chez Bergson ; on lira sur l'analyse bergsonienne le chapitre consacré à La Pensée et le Mouvant, et on pourra se reporter à un éclairant passage de G. Deleuze dans Le Bergsonisme, PUF, 1966, p. 52.

25. D'après F. Proust, L'Histoire à contretemps, le Temps historique chez Walter Benjamin, Le Cerf, 1994, p. 26- 27 ; on peut également songer à une « complication » originaire du temps, expression néo-platonicienne reprise cette fois par G. Deleuze dans Proust et les signes, PUF, 1964, p. 58.

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français et de philosophie

Les auteurs Jean-Cassien Billier, agrégé de philosophie, enseigne en classes préparatoires au lycée Sainte-Geneviève, à Versailles. Gisèle Souchon, agrégée de philosophie, enseigne en classes prépartoires au lycée du Parc, à Lyon.

Cet ouvrage, par son approche à la fois didactique et attrayante des trois oeuvres au programme, est l'outil indispensable à la préparation au concours. Il est composé de trois parties : ● L'étude de la problématique. Les « Expériences du présent » développe les éléments fondamentaux du sujet : Que faut-il entendre par présent ? un instant ou une durée ? Qu'est-ce que le présent dont nous faisons l'expérience ? L'éternité n'est-elle pas dans l'instant ? Ces questions décisives mèneront à l'idée d'un présent qui dure : le temps présent fait accéder au secret du monde et de l'homme. ● Une analyse approfondie des trois œuvres permet d'en appréhender l'approche par un commentaire complet enrichi d'un éclairage sur des points particuliers et d'un parallèle avec d'autres œuvres, l'époque ou les courants de pensée. Elle est complétée par une bibliographie renvoyant aux ouvrages, articles ou études invitant à parfaire la connaissance de chacune des œuvres. ● La partie méthodologie donne des conseils de préparation aux concours. Les techniques nécessaires pour aborder au mieux la dissertation, le résumé et l'oral sont complétées par des sujets de devoirs et des exercices corrigés. Un tableau général des écoles fournit toutes les informations concernant les épreuves.

Page 22: JEAN-CASSIEN BILLIER GISÈLE SOUCHON

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.