JCB - Compagnies de chasseurs

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Dott. JEAN CERINO BADONE LES COMPAGNIES DE CHASSEURS DES REGIMENTS D’INFANTERIE D’ORDONNANCE NATIONALE DU ROYAUME DE SARDAIGNE Recrutement – Equipement – Tactique Mon grand-père était gendarme, Mon père était lieutenant. J’ai deux frères dans l’avant-garde, Les deux autres sont au Piémont ; Et moi qui me nomme La Tempête, Je suis chasseur de renom. “La Tempête”, chanson militaire CONTRIBUTION AU COLLOQUE SUR LES TROUPES LEGERES PENDANT LA GUERRE DES ALPES FENESTRELLE, 5 JUIN 2004

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French article about the light troops in Kingdom of Sardinia's service during the War of the Alps (1792-1796)

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Dott. JEAN CERINO BADONE

LES COMPAGNIES DE CHASSEURS DES REGIMENTS D’INFANTERIE D’ORDONNANCE NATIONALE DU ROYAUME DE SARDAIGNE

Recrutement – Equipement – Tactique

Mon grand-père était gendarme,

Mon père était lieutenant.

J’ai deux frères dans l’avant-garde,

Les deux autres sont au Piémont ;

Et moi qui me nomme La Tempête,

Je suis chasseur de renom.

“La Tempête”, chanson militaire

CONTRIBUTION AU COLLOQUE SUR LES TROUPES LEGERES PENDANT LA GUERRE DES ALPES

FENESTRELLE, 5 JUIN 2004

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

SOMMAIRE

1. LA FORMATION DES COMPAGNIES DE CHASSEURS 11. LES MILICES VAUDOISES 12. UNE PREMIERE EXPERIENCE : LA LEGION DES TROUPES LEGERES 13. VICTOR AMEDEE III ET LA MISE SUR PIED DES COMPAGNIES DE

CHASSEURS

2. LES COMPAGNIES DE CHASSEURS DES REGIMENTS D’INFANTERIE D’ORDONNANCE NATIONALE : ORGANISATION, EFFECTIFS, RECRUTEMENT, ENTRAINEMENT 21. ORGANISATION ET EFFECTIFS DES COMPAGNIES 22. RECRUTEMENT ET ENTRAINEMENT DES CADRES ET DES SOLDATS

3. L’EQUIPEMENT 31. LA HACHE 32. LA SABRE 33. ARMES A FEU : POURQUOI ADOPTA T’ON LE FUSIL Mle 1782

PLUTOT QUE DES CARABINES A CANON RAYÉ

4. LA TACTIQUE 41. DE 1786 A 1792 42. LA GUERRE DES ALPES ET LES NOUVEAUX SCENARI

OPERATIONNELS 43. DE 1794 A 1795 : LES CHASSEURS COMME TROUPE D’ASSAUT 44. LE REGIMENT DE CHASSEURS

5. L’ARMEE SARDE DE VICTOR AMÉDÉE III ETAIT-ELLE PLUTOT CONÇUE POUR UNE GUERRE CONTRE L’EMPIRE, DANS LA PLAINE PADANE, QUE CONTRE LA FRANCE, DANS LES ALPES, ?

REMERCIEMENTS

ANNEXES Jean Baptiste ROUZIER Gabriel PICTET Luigi Leonardo COLLI RICCI, Marquis de FELIZZANO

BIBLIOGRAPHIE

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1. LA FORMATION DES COMPAGNIES DE CHASSEURS

11. LES MILICES VAUDOISES

A la fin de la guerre de succession d’Espagne, les frontières occidentales du Royaume

de Sardaigne coïncidaient avec la ligne alpine de partage des eaux. Mais si l’un des

objectifs stratégiques de Victor Amédée II était de la sorte atteint, c’est-à-dire

l’élimination des enclaves ou têtes de pont françaises "de ce côté-ci des Alpes", un

débat s’ouvrait par ailleurs à propos de la manière de défendre les nouvelles

frontières.

Un réseau de nouvelles forteresses fut érigé aux verrous des principales percées

valléennes, procurant d’excellentes bases logistiques aux forces qui auraient du agir

dans ce complexe et difficile théâtre d’opérations. Restait toutefois à déterminer

comment mener efficacement une bataille dans les Alpes.

L’armée sarde était familiarisée avec le combat en montagne : depuis le XVIIème

siècle, elle s’était confrontée aux troupes du Royaume de France en Savoie, dans les

vallées de Suse, du Chisone et de la Varaita, accumulant une série d’expériences

pratiques qui ne furent jamais oubliées, spécialement en ce qui concerne le choix du

matériel d’artillerie et de l’armement individuel. Dès 1685, par exemple, les

régiments du Duc de Savoie avaient abandonné la pique pour adopter intégralement

le mousquet : les opérations de contre guérilla conduites contre les communautés

vaudoises du Val Luserna avaient démontré l’inutilité pratique des longues lances,

inutilisables de fait sur les sentiers étroits et dans les fourrés épais.

De manière identique, s’agissant du matériel d’artillerie, les arsenaux piémontais

développèrent avec un soin particulier des pièces de petit calibre transportables

même à une altitude élevée, ou jusqu’à des positions fortifiées médiocrement

desservies en itinéraires praticables1.

Les campagnes alpines qui suivirent la bataille de Turin (7 septembre 1706) avaient

mis en évidence la capacité de l’Infanterie piémontaise à opérer efficacement sur le

front alpin, comme pendant l’offensive parfaitement organisée de 1708, ou encore

lors de la bataille du Grand vallon, livrée dans la vallée de Suse le 16 septembre

1711, à plus de 2.400 mètres d’altitude.

A l’occasion de ces opérations, l’emploi de la Milice Vaudoise en tant qu’Infanterie

légère – affranchie des tactiques linéaires des unités régulières – s’était révélé des

plus efficaces.

1 Avant 1702, François Hamonet, "Premier fondeur" à Tours, avait réalisé des "pièces courtes disjointes" aux calibres de 12

et 18 livres, avec un tube constitué de deux sections réunies par un système de clavettes en fer. Ce projet fut repris ensuite en 1744 par l’Ingénieur piémontais Ignazio Bertola pour réaliser ses "canons démontables" (Sterrantino, 1993, p. 246).

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Les vaudois, réconciliés avec la Couronne, avaient donné beaucoup de fil à retordre

dans le Val Chisone aux forces d’occupation du Duc de la Feuillade, dès 1704,

contraignant ses forces à s’enfermer dans de complexes camps retranchés2 ou à se

retirer dans les fonds de vallée, et en les empêchant d’occuper de manière stable les

vallées de la Germanasque et de Luserna, futur sanctuaire des faibles forces Ducales

de Victor Amédée II après la sortie de Turin assiégée. Les miliciens attaquaient les

colonnes de ravitaillement, les troupes isolées et fournissaient d’excellents résultats

dans la reconnaissance ou l’éclairage.

Les bandes vaudoises, constituées en général d’une cinquantaine d’hommes, étaient

extrêmement bien organisées. Elles prenaient le nom du Capitaine qui les

commandait et avaient souvent dans leur effectif un Capitaine en second, un

Lieutenant, un Enseigne, plusieurs Sergents et Caporaux, des tambours et enfin des

soldats, à l’instar des unités d’Infanterie régulière3.

Tant que l’adversaire principal était le Royaume de France, il semble qu’en Piémont

le concept de troupe légère ait coïncidé avec l’idée de troupe de montagne et, par

voie de conséquence, avec la Milice Vaudoise.

Victor Amédée II, à l’exception de la courte guerre de 1718 livrée contre l’Espagne

en Sicile, n’eut plus à faire combattre son armée. Son fils Charles Emmanuel III prit

part à la guerre de succession de Pologne (1733-1735) mais, menant dans la plaine

padane une guerre offensive au-delà des frontières du Royaume, il décida de ne pas

lever les Milices, à commencer par les vaudoises.

Il en fut tout différemment pendant la guerre de succession d’Autriche (1741-1748),

au cours de laquelle les Milices furent activement mises en œuvre. Ce type de troupe

démontra son indéniable intérêt, en particulier pendant la campagne de 1744,

lorsque l’armée du Prince de Conti assiégeait Cuneo : les forces irrégulières sardes

surent intercepter les convois français et les détruire, incendier les hôpitaux, les

dépôts, les fourrages, anéantir les postes de garde isolés, et compliquèrent

gravement la logistique de l’armée Franco-Espagnole impliquée dans ce siège

difficile.

Dans les Alpes, de manière identique, un corps constitué d’environ 2.000 miliciens

vaudois commandés par le Capitaine Jean-Baptiste Rouzier4 se distingua dans une

série d’incursions dans la profondeur du territoire ennemi. Cet Officier et ses

hommes, en partie armés de carabines rayées5, fournirent à l’armée sarde une

excellente troupe légère, notamment pendant les campagnes de 1743, 1744, 1745 et

1747.

2 Le plus important de ces complexes fortifiés fut le camp retranché de Laz Ará, établi sur le col qui fait communiquer une

vallée secondaire du Val Chisone, le vallon de Pramollo, avec la vallée de la Germanasque, un des sanctuaires de la guérilla vaudoise. Ces fortifications ne furent pas abattues ultérieurement, comme d’ordinaire, et ce camp dit "du Duc de la Feuillade" subsiste intégralement, rare exemple de fortification de campagne du début du XVIIIème siècle (Ponzio, 2003, pp. 93-151).

3 Pour une description des compagnies des Milices Vaudoises pendant la guerre de succession d'Espagne, voir ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 10, Etat des Compagnies Vaudoises du 17 avril 1705.

4 Voir en annexe une biographie du Cne Jean-Baptiste Rouzier. 5 L’Arsenal de Turin fournit, tout spécialement pendant la campagne de 1744, une quantité significative d'armes rayées aux

milices vaudoises (ASTO, "Sections réunies", Azienda Generale d’Artiglieria, Regi Biglietti e Dispacci, 3, 1730-1746, pp. 179, 186, 188, 198, 206, 208).

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Toutefois, en dépit de ces bonnes prestations, la Milice présentait de nombreuses

carences en tant que force combattante rattachée à l’Armée :

� Défaut de coordination avec les troupes régulières

Coordonner les mouvements des Milices avec ceux du gros des troupes

régulières s’avéra beaucoup complexe que ce qu’on imaginait. C’est

probablement dès la retraite de Savoie, en janvier 1743, que l’on comprit ce

phénomène.

Les Miquelets Espagnols, déployés en ordre dispersé dans les bois qui

s’étendaient sur les flancs des sillons valléens de l’Arc et de l’Isère, à Moutiers,

à St Jean de Maurienne et à St-André, attaquèrent les éléments d’arrière-garde

de la colonne sarde commandée par le Lieutenant Général Baron de Lornay. Les

Vaudois, environ 1.500 hommes commandés par le Major Vaudenet, brillèrent

par leur absence, obligeant Lornay à détacher trois compagnies de grenadiers

(les deux du Régiment Gardes et une du Régiment Mondovi) pour déloger les

Miquelets de leurs positions6.

Par la suite, d’un point de vue tactique, on préféra employer les troupes légères

comme force de harcèlement sur les arrières ennemis ou bien, lors de phases de

déploiement, dans des fortifications de campagne comme ce fut le cas le 7

octobre 1743 sur le versant nord de Pietralunga, pendant la bataille de

Casteldelfino, ou encore à l’Assiette le 19 juillet 1747.

� Lacunes tactiques dans la guerre en plaine

La campagne de 1745, dont le point culminant fut la bataille de Bassignana (27

septembre), fut marqué par une nette supériorité des Miquelets Espagnols sur

la Milice Vaudoise. L’Infanterie légère Espagnole parvint en pratique à encercler

la Brigade Piémont7, qui n’échappa à l’anéantissement que grâce à la fermeté de

son commandant, Alexandre Guibert de Sayssac8, à la discipline des troupes et

à l’intervention de renforts qui vinrent l’appuyer depuis l’extérieur de la poche.

Leur équipement partiel en armes a canon rayé, qui rallongeait sensiblement les

temps de rechargement, et leur faible connaissance des lieux firent que les

éléments Vaudois ne furent que d’une médiocre utilité dans les collines et la

plaine qui s’étendait à l’est des Etats de terre ferme du Royaume de Sardaigne.

A Bassignana toujours, notamment pendant la phase finale de l’affrontement,

un élément d’Infanterie légère faillit complètement à sa mission, qui était de

couvrir le retrait de l’aile droite sarde, qui subit de ce fait des pertes sévères.

6 D. Minutoli, Relation des Campagnes faites par S.M. et par ses Généraux avec des Corps Séparés dans les années 1742

et 1748, BRT, Ms. Mil. 111, Vol. I, p. 214. 7 Composée de deux bataillons du Rgt Piémont et des 1er et 2ème bataillons du Rgt Guibert. 8 Alexandre Guibert de Sayssac (1677-1746), s'était déjà distingué à la bataille de Pietralunga les 7 et 8 octobre 1743 dans

la défense de la ligne Mt Pietralunga – Pte de la Battagliola – Pte del Cavallo. A la tête de son régiment, le 27 septembre 1745, sur les hauteurs de Montecastello entre Bassignana et Alessandria, tandis qu'il tenait le centre de la ligne Piémontaise, il fut atteint par un coup de fusil au fémur, qui lui brisa la jambe. Incapable de marcher, il fut fait prisonnier. La blessure était plutôt grave, à tel point que l'officier Savoisien fut peu de temps après libéré sur parole. Il mourut l'année suivante à Turin, des suites de sa blessure (Cerino Badone, 1998, pp. 33-51).

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La guerre de succession d’Autriche démontra clairement qu’il fallait disposer sur le

champ de bataille d’un corps d’Infanterie légère parfaitement encadré, au sein des

troupes de lignes, discipliné comme elles, en mesure d’intervenir rapidement et en

parfaite coordination avec les autres forces engagées.

Témoin de la bataille de Bassignana, événement qui influença particulièrement les

développements ultérieurs de l’armée sarde, le Prince de Piémont Victor Amédée

n’oublia pas cette lacune tactique dans ce qui devait être plus tard "son" armée.

12. UNE PREMIERE EXPERIENCE : LA LEGION DES TROUPES LEGERES

En 1773, Victor Amédée III devenait Roi de Sardaigne. Il n’avait pas oublié ce dont il

avait été témoin 27 ans auparavant à Bassignana, et chargea le Lieutenant-Colonel

du régiment Saluces, Gabriel Pictet, de lever une Légion des Troupes Légères. Il

s’agissait d’une expérimentation : quoique conçue comme un corps militaire destiné

à agir en tant que troupe légère, c’est-à-dire affranchi des rigides évolutions de

l’Infanterie de ligne, c’était en réalité une véritable garde-frontière destinée à mettre

un frein à la plaie de la contrebande.

De fait, la nécessité en était bien réelle : depuis ses bases en Savoie, entre le 2

janvier et le 26 décembre 1754, le célèbre hors-la-loi Louis Mandrin et ses 77

compagnons ne commirent pas moins de six véritables "campagnes" en territoire

français, en Franche-Comté, Bourgogne, Auvergne, Forez, Velay et Rouergue, sans

que les troupes sardes pussent (ou voulussent) l’arrêter. Mandrin fut finalement

arrêté en territoire savoyard le 11 mai 1755 après que les forces françaises eussent

franchi la frontière, violant la souveraineté du Royaume de Sardaigne sans

complications excessives.

Sinon en raison de l’humiliation subie, il convenait au moins de porter remède aux

allées et venues des contrebandiers, hors-la-loi et déserteurs qui vivaient en tirant

parti des mailles lâches du contrôle frontalier. Pendant le règne de Charles-

Emmanuel III, périodiquement, on envoyait des détachements militaires, notamment

des grenadiers, pour contrôler les postes frontière et éliminer les hors-la-loi de zones

particulièrement sensibles, telles que la Savoie ou les confins de la République de

Genève, mais on ne retint pas l’idée de créer un corps adapté pour lutter contre la

plaie de la contrebande.

Le 5 octobre 1774, Gabriel Pictet fut officiellement chargé d’organiser la Légion des

Troupes Légères. Promu Colonel de la Légion dès le 20 octobre de la même année,

Pictet constitua cette Légion en appliquant des critères de sélection qui furent

retenus par la suite pour la mise sur pied des compagnies de chasseurs. Il choisit

parmi les Officiers ceux qui étaient les mieux préparés militairement et

culturellement, qui sillonnèrent ensuite les provinces du Royaume à la recherche de

la ressource humaine adéquate. Les Sous-officiers et les soldats devaient savoir lire,

écrire, compter, être forts, et en même temps agiles et résistants à la fatigue.

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Qu’il n’ait pas été aisé de recruter les soldats réunissant de telles qualités physiques

et humaines ressort clairement de ce que la 1ère compagnie ne fut passée en revue

que le 7 mai 1776, sur la place d’armes de Casale. Douze jours plus tard, le 19 mai,

la 2ème compagnie était formée dans les quartiers de la citadelle de Turin. Le 25

décembre 1776, la Légion des Troupes Légères était constituée, forte de deux

bataillons de 4 compagnies chacun. Satisfait du travail entrepris jusque là, Victor

Amédée III nommait Gabriel Pictet Brigadier Général.

Le décret royal du 20 avril 1779 porta à douze les compagnies du Corps, outre la

mise sur pied à Voghera d’une compagnie de réserve pour le recrutement et

l’instruction des recrues. Mais il faut souligner que l’on considérait alors la Légion

des Troupes Légères plutôt comme une force de police que comme une force militaire

à proprement parler ; le Décret Royal du 19 juillet 1781 vint dissoudre les bataillons

tandis que les compagnies voyaient confirmer leur indépendance, à telle fin qu’elles

puissent exercer dans les meilleures conditions leurs fonctions de surveillance de la

frontière et de police fiscale.

Chaque compagnie était formée d'un Capitaine, un Capitaine-Lieutenant, un

Lieutenant, un Sous-lieutenant effectif et un Sous-lieutenant surnuméraire9, un

Sergent de compagnie, trois Sergents d'escouade, un Sergent surnuméraire, deux

caporaux d'escouade, trois premiers Caporaux de chambrée, trois seconds Caporaux

de chambrée, six Appointés, un Cadet10, un Volontaire, deux Tambours11, un Fifre12,

un vivandier, un infirmier, 73 soldats.

Toutefois, par le décret royal du 22 juin 1786, la Légion fut réorganisée en tant que

brigade, forte de 4 bataillons à 4 compagnies de fusiliers chacun, outre deux

compagnies de grenadiers et une de chasseurs, plus une compagnie de réserve13.

Depuis 1776 il était également prévu de lever un détachement à cheval, en recourant

à du personnel et à des montures du régiment Dragons de Sardaigne.

Après de multiples renvois et retards, en août 1792, ce projet était finalement repris

et en partie actualisé, pour être à nouveau suspendu au commencement de la guerre

contre la France en septembre de cette année-là. Les faibles détachements organisés

jusque là furent employés en tant qu'estafettes et comme éléments de

reconnaissance.

13. VICTOR AMEDEE III ET LA MISE SUR PIED DES COMPAGNIES DE CHASSEURS

La Légion des Troupes Légères, créée comme un corps d'Infanterie légère, fut

détournée dès sa création vers des missions fiscales et de garde aux frontières. Il

s'agissait sans aucun doute d'une nécessité affirmée qu'il n'était pas possible de

remettre à plus tard, et la Légion assuma ces tâches avec bonheur.

9 Présent seulement dans la 12ème compagnie. 10 Présent dans les 1ère, 2ème et 3ème compagnies. 11 Trois dans les 5ème, 6ème, 9ème, 10ème et 11ème compagnies. 12 Le fifre n'était présent que dans les 4ème, 5ème, 6ème et 7ème compagnies. 13 Le 7 avril 1795, la Légion fut divisée en deux régiments, les 1er et 2ème Régiments de la Légion des Troupes Légères,

chacun formé de deux bataillons à cinq compagnies. Voir en annexe la biographie de Gabriel Pictet.

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Cependant, le problème se posait toujours de fournir aux bataillons d'Infanterie de

ligne un écran d'Infanterie légère.

La guerre d'indépendance Américaine (1775-1783) avait prouvé l'efficacité des

formations légères qui opéraient en appui des formations de ligne. Le corps des

Jaeger de l'Assia du Capitaine Johann Ewald, en particulier, inspira de nombreuses

unités semblables dans toute l'Europe. Ewald comprit toutes les difficultés liées au

commandement unique de la formation entière qu'il avait sous ses ordres : en 1777,

à peine débarqué dans les Indes occidentales, il disposait de cinq compagnies à pied

et une à cheval, représentant un total d'environ 500 hommes. Il préféra pourtant

opérer habituellement avec une seule compagnie d'environ 80 hommes, et parfois

même moins, afin de garder étroitement le contrôle de l'unité engagée dans un

combat donné14.

La masse d'hommes que la Légion des troupes Légères pouvait mettre en œuvre

s'adaptait mal à de tels procédés, et la mise sur pied des compagnies de grenadiers

et de chasseurs, en 1786, s’apparentait davantage à la création d’unités de ligne

qu’à celle de troupes légères à proprement parler. Mais, bien plus que les analyses

de la guerre d'indépendance Américaine, ce fut l'expérience que l'armée sarde

développa en 1782 qui fut déterminante.

La Cour de Turin, afin de tourner l'isolement diplomatique qui se prolongeait depuis

la fin de la guerre de succession d'Autriche, avait accepté d'entrer de manière

durable dans le pacte de sécurité bourbonien, dénommé "Pacte de famille"15, et de

coordonner sa propre politique italienne avec la politique française. Ce retournement

pris corps avec les triples noces, voulues par Louis XV et célébrées en 1771, 1773 et

1775, des Princesses sardes et du Prince de Piémont avec deux frères et une sœur

du futur Louis XVI. Elles furent suivies par une alliance secrète formelle signée à

Versailles le 8 avril 1775, par laquelle le Royaume de Sardaigne se plaça de fait dans

la sphère d’influence française16.

C’est dans ce contexte qu’en juillet 1782 un corps de 3.000 soldats piémontais prit

part, aux côtés de 3.000 bernois et de 5.000 français, à la force multinationale

dirigée par le Général von Lentulus intervenue à Genève pour rétablir le

gouvernement bourgeois. Commandés par le Comte Francesco Ferrero della

Marmora, les piémontais et les autres forces d'occupation restèrent en garnison dans

la cité helvétique jusqu'en mai 178317.

Cette opération militaire, la première d'une certaine ampleur pour l'armée sarde

depuis 1748, mit directement en contact les militaires piémontais avec les troupes de

l'allié français. L'armée aux Lys n'était plus celle de l'Assiette et, après l'analyse des

graves manquements qui s'étaient fait jour pendant la guerre de 7 ans (1756-1762),

elle avait été réorganisée et transformée en une machine de guerre efficace et

disciplinée, comme elle eut l'occasion de le démontrer pendant la guerre contre

l'Angleterre, qui touchait alors à sa fin.

14 A propos des procédés tactiques mis en œuvre par le Capitaine Ewald, voir Diary of the American War, 1979. 15 Signé à Paris le 16 août 1761. 16 Ilari-Paoletti-Crociani, pp. 81-83. 17 Guerrini, 1902, p. 532.

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Les régiments transalpins, depuis le 25 mars 1762 (Ordonnance du Comte de St-

Germain), étaient formés de deux bataillons forts chacun de quatre compagnies de

116 fusiliers et de deux autres compagnies de 101 hommes18, l'une de grenadiers,

l'autre de chasseurs. Chaque corps disposait ainsi de sa propre formation de troupes

légères sans avoir à rechercher le soutien d'autres formations détachées.

Il n'est pas à exclure que, dans la mise en œuvre de la réforme de 1786, les rapports

de l'expédition militaire de Genève aient incité Victor Amédée III à adopter une

formule similaire. Qui plus est, en procédant de la sorte, il alignait ses propres forces

armées sur le modèle de ce qui se faisait chez son allié majeur, précisément le

Royaume de France.

Par décret royal du 22 juin 1786, par l'intermédiaire de son ministre de la Guerre le

Général Giuseppe Ruffinoto Coconito di Montiglio, Victor Amédée III décida la mise

sur pied des compagnies de chasseurs dans les régiments d'Infanterie d'ordonnance

nationale19.

18 Susane, 1874, I, p. 284. 19 Les compagnies de chasseurs furent également mises sur pied dans les régiments d'Infanterie Suisse (Valais, Bernois,

Grisons), Allemande (Royal Allemand) et Etrangère (Chablais). Reste à savoir si de telles compagnies furent aussi levées dans les régiments d'Infanterie Suisse nouvellement formés (Bachmann, Zimmermann, Peyer-Im-Hoff).

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2. LES COMPAGNIES DE CHASSEURS DES REGIMENTS D'INFANTERIE D'ORDONNANCE NATIONALE : ORGANISATION, EFFECTIFS, RECRUTEMENT, ENTRAINEMENT.

21. ORGANISATION ET EFFECTIFS DES COMPAGNIES

Le décret royal du 22 juin 178620 organisait les régiments d'Infanterie d'ordonnance

nationale piémontais de manière analogue, au moins sur le papier, à leurs

équivalents français. Chaque corps, fort – sur le pied de guerre – de 1.090

hommes21, était aligné sur la base de deux bataillons : chacun d’eux était à son tour

formé de quatre compagnies (Capitaine-Colonelle, Capitaine-Major, Capitaine-Lt-

Colonelle, Capitaine-major), regroupées en deux "centuries".

En complément, dans chaque bataillon, on trouvait une compagnie de grenadiers et –

élément tout à fait nouveau – une compagnie de chasseurs ou, comme ils étaient

définis, de "chasseurs-carabiniers".

Les soldats, reprise de ce qui avait été décidé en 1735 et en 1737 lors de la

constitution des compagnies de carabiniers au sein des régiments de Cavalerie et de

Dragons, ne furent pas regroupés en unités autonomes, mais répartis dans les

différentes compagnies de fusiliers. Chaque compagnie disposait cependant d'un petit

état-major :

• Compagnie du 1er bataillon. Etat-major : 1 Capitaine ou Capitaine-Lieutenant,

un Sous-lieutenant, 1 Trabant, 1 fourrier, 1 sergent de compagnie, de peloton

ou surnuméraire, 1 cor de chasse.

– 1ère centurie, Cie Capitaine : 1 Caporal et 5 chasseurs

– 1ère centurie, Cie Colonelle : 6 chasseurs

– 2ème centurie, Cie Capitaine : 1 Caporal et 5 chasseurs

– 2ème centurie, Cie Major : 1 Caporal et 5 chasseurs.

• Compagnie du 2ème bataillon. Etat-major : 1 Lieutenant, 1 trabant ou Fourrier, 2

sergents de compagnie, 1 cor de chasse.

– 1ère centurie, Cie Capitaine : 1 Caporal et 5 chasseurs

– 1ère centurie, Cie Lt-Colonelle :6 chasseurs

– 2ème centurie, Cie Capitaine : 1 Caporal et 5 chasseurs

– 2ème centurie, Cie Major : 1 Caporal et 5 chasseurs.

Au total, les deux petites compagnies étaient formées de 59 hommes : 1 Capitaine, 1

Lieutenant, 1 Sous-lieutenant, 3 Trabants et Fourriers, 3 Sergents de compagnie, 6

Caporaux, 2 cors de chasse, 42 chasseurs.

20 ASTO, "Sections réunies", Carte Antiche d’Artiglieria, Vol. 21, p. 474. Le texte intégral est également publié dans Amato-

Duboin, 1865, Tome 27, Volume 29, pp. 1647-1654. 21 Le détail et les chiffres des effectifs des régiments d'Infanterie d'ordonnance nationale sont extraits de l'Etat d’un Regiment

d’Ordonnance de la Nation, le 5 juin 1790, ASTO, Azienda generale d’artiglieria, Carte antiche d’Artiglieria, Volume XVI.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Au lieu d'un tambour ou d'un fifre, on préféra doter les chasseurs d'un cor. Cet

instrument à vent permettait une meilleure transmission des ordres à la troupe

déployée en ordre dispersé que ce que pouvaient assurer une flûte ou un tambour. A

chaque commandement correspondait une courte séquence de notes, qui indiquait à

chaque soldat ce qu'il devait exécuter, même s'il n'entendait pas directement la voix

de son supérieur.

Qu'on ait affaire à une compagnie d'élite, à l'égal des grenadiers, la chose se

comprend à raison de l'entraînement particulier auquel les soldats étaient soumis,

mais aussi à partir de l'équipement et des particularités de l'uniforme.

Les compagnies de chasseurs et de grenadiers étaient les seules des régiments

d'infanterie piémontais, que ce soit dans les régiments d'ordonnance nationale,

provinciale ou étrangers, à arborer le sabre au côté, la courte épée courbe

d'Infanterie. Comme les grenadiers, les chasseurs auront en outre le signe distintif

de leur grade, un gallon ondulé sur la manche, sous les revers22. La seule différence

entre les grenadiers et les chasseurs résidait dans le fait que les grenadiers portaient

ce galon distinctif sur le revers de la manche, et les chasseurs au dessus, c'est-à-

dire sur l'avant-bras.

La paye annuelle (78 lires) était supérieure à celle d'un simple fusilier (69 lires),mais

inférieure à celle d'un grenadier (87 lires)23.

22. RECRUTEMENT ET ENTRAINEMENT DES CADRES ET DES SOLDATS

Dans la définition des critères de sélection des cadres, on retint ce qui avait été fait,

avec de bons résultats, lors de la mise sur pied de la Légion des troupes Légères. Le

décret royal du 22 juin 1786 disposait de fait que les officiers de chasseurs seront

proposés par le Colonel, qui prendra soin de choisir pour ce service ceux qu'il croira

présenter les meilleures dispositions, sans prendre en compte l'ancienneté24.

Les officiers de chasseurs devaient être au nombre de trois par régiment: un

Capitaine ou un Capitaine-Lieutenant, un Lieutenant et un sous-lieutenant. Leur

sélection devait être la plus avisée possible, dans la mesure où ceux-ci devaient à

leur tour choisir, entraîner et commander des fantassins appelés à combattre aussi

bien en ligne qu'en ordre dispersé, capables de marcher rapidement, de s'abriter

derrière des retranchements de campagne dressés par leurs propres soins, tout

autant que d'entretenir des feux intenses et précis.

On voulait une compagnie constituée de sujets lestes et robustes, à la fidélité

avérée, et les postes de chasseurs seront attribués en récompense de l'intelligence

et des actions.

22 Supra note 20. 23 Amato-Duboin, 1865, Tome 27, Volume 29, p. 1672. Stato delle paghe fissate da S.M. per li bass’ufficiali e soldati del

reggimento di fanteria di Ciablese. Les mêmes différences se retrouvent dans les soldes des officiers : un Capitaine de chasseurs gagnait 1.283 lires par an, contre 1.394 pour un Capitaine de grenadiers, et 1.172 pour un Capitaine de fusiliers. La solde annuelle d'un Capitaine d'Infanterie provinciale se limitait à 383 lires.

24 Les parties de texte de ce chapitre en caractères italiques, à défaut de toute autre spécification, proviennent du document indiqué en note de bas de page n° 20.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

L’entraînement des soldats – qui pouvaient être renvoyés dans leurs compagnies

d’origine s’ils se révélaient inaptes à servir dans les compagnies de chasseurs – était

plutôt intense. En premier lieu, ils devaient s’habituer à entretenir leur propre arme,

puis on les entraînait à la marche mais surtout pour le pas de vitesse, et pour se

rallier promptement. Le pas de vitesse, ou pas accéléré, prévoyait des enjambées de

69 centimètres à la cadence de 120 pas à la minute.

Mais le travail principal résidait dans l’entraînement du chasseur au tir : On tachera

ancore d’en faire autant que possible d’excellens tireurs, en les dressant à tirer au

blanc. L’on commencera pour cet objet à leur apprendre à tirer à balle à misure

qu’on les jugera capables, suivant les maximes ci-après.

L’on dressera un bût soit cible, de largeur de 12 à 14 onces, et de la hauteur de 42 à

4825 ; il sera teint en noire à l’hauteur de l’éstomac d’un homme, l’on enteindra en

blanc une partie de 6 à 8 onces en quarré, au milieu du quel on fera un noir en rond

d’environ un peu plus d’une once de diamètre, et à son milieu il y aura ancore un

petit blanc de la grandeur environ d’une pièce de trente sols pour pouvoir mieux fixer

la justesse du coup, et décider avec plus de fondament de l’habilité du tireur.

On plantera ensuit le bût à la demi porte du fusil pour commencer à tirer depuis-là.

Pour empêcher que les coups ne s’écartent, on expliquera à ceux qui doivent tirer la

manière de mirer sans bayonette et l’effet de la porte de l’arme quand on est plus ou

moins éloigné, on fera fair plusieurs essais pour savoir s’ils comprennent, leur faisant

observer que pour peu que le canon ne soit pas tout dans la juste direction, le coups

s’écartent à droite et à gauche, et que pour mirer juste il faut qu’ayant l’oeil gauche

fermé, l’oeil droit parcourant toute la longueur du canon (sans qu’il soit panche ni à

droite, ni à gauche) doit voir le point de mire précisement vis-àvis du bût.

Après avoir montré au chasseur comment tenir son arme en vue du tir de précision,

on enseignait au soldat comment toucher la cible. Il importait de faire comprendre à

la troupe comment relever plus ou moins le canon du fusil en fonction de la

distance : On fera successivement comprendre au chasseur que tirant de près, cet-à-

dire à la distance d’une 20.ne de trabucs, avant que le poids de la balle l’aye faite

décliner sensiblement, si tire sans bayonette il faut mirer un peu au dessous du bût,

et qu’avec la bayonette il faut mirer un peu au dessous, et que plus on s’eloigne,

plus il faut élever le bout du fusil.

Les tirs étaient effectués à une distance de 30 trabucs (92 mètres). On enseignait au

chasseur comment charger convenablement l’arme, comment disposer au mieux la

poudre, la bourre et la balle de plomb, comment tirer et, surtout, viser avec ou sans

baïonnette. La principale lacune, dans cette véritable école de tir, résidait dans le

fait qu’on n’enseignait pas au soldat comment atteindre un but en mouvement26.

25 C’est-à-dire en utilisant la largeur et la hauteur maximale permise de 14 x 18 onces, soit 60 x 200 cm. Une once

piémontaise équivalait à 42,8846 mm. 26 Contrairement à ce qui était le cas dans d’autres armées. Voir par exemple Zhmodikov, 2003, vol. 1, p. 14, pour l’armée

russe du Tsar Paul 1er .

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Les exercices de tir duraient trois jours consécutifs et devaient avoir lieu un mois par

an, avec une dotation de 11 ou – au maximum – de 13 cartouches. Le décret royal

prévoyait également que pour engager les chasseurs à y faire des progrès, S.M.

accorde les prix ci-après qui seront distribués de la manière suivante, et remboursés

par l’officier général de solde sur la déclaration de l’officier de chasseurs, qui aura

dirigé l’école, visée par le colonel, ou le commandant du corps. L’officier des

chasseurs fera faire cette école sous ses yeux, tiendra une note de tous ceux qui

tireront, annotant ceux qui auront méritè quelque prix et l’éspece des prix.

Des récompenses pécuniaires progressives étaient prévues, en fonction de la qualité

des tirs : Celui qui […] atteindra trois fois de suite la cible, aura deux sols et demi.

Celui qui donnera dans le grand blanc aura cinq sols. Celui qui donnera dans le noir

du milieu aura quinze sols. Celui qui donnera dans le petit blanc du milieu aura

trente sols. Celui qui dans le cours de l’école donnera trois fois dans le petit noir, et

trois fois dans le cible, aura le prix de six livres outre celui qui lui sera adjugé pour

chaque coup, et sera déclaré tireur, et en portera les distinctions.

Cet attribut distinctif s’ajoutait au galon spécifique des chasseurs : Les chasseurs

auront, outre les distinctions de leurs grades, un galon en serpentau sur les manches

au dessous des paremens, et ceux qui se distingueront par quelque action d’eclat, ou

seront déclarés tireurs comme cy-après, seront aussi distingués par un double

serpenteau sur la rélation que l’officier en fera au colonel, la quelle sera envoyée au

bureau de guerre.

Parmi les armes attribuées aux chasseurs, il y avait le sabre à lame courte

d’Infanterie. Loin d’être une simple arme décorative, ou de parade, le sabre fut

employé assez souvent pendant la guerre des Alpes, spécialement pendant les

innombrables coups de main, assauts nocturnes et incursions en territoire ennemi

dans lesquels les unités de chasseurs furent engagés.

Une arme blanche dans les mains d’un soldat inexpérimenté devenait plus un fardeau

inutile qu’un instrument efficace dans l’assaut. Dans la mesure où seules quatre

compagnies – les deux de grenadiers et les deux de chasseurs – disposaient d’un tel

équipement, il n’est pas à exclure qu’il y ait eu un minimum d’entraînement à l’usage

du sabre. Des maîtres d’escrime, dont on sait qu’ils assuraient l’entraînement dans

les régiments de Cavalerie, ont très bien pu, de la même manière, enseigner aux

soldats des unités d’Infanterie un certain nombre de coups, nécessairement les plus

simples et les plus létaux possibles.

Le 24 août 1786, le secrétariat royal décidait du recrutement de musiciens pour

jouer du cor de chasse dans les compagnies de chasseurs27 et, le 19 septembre,

publiait les critères de sélection de ces personnels. Il était spécifié qu’on

n’accepterait que ceux qui ont de bonnes notions de musique, présentent de bonnes

dispositions pour l’apprendre, fassent un service de qualité, soient robustes, bien

faits, d’agréable figure et bons à la marche28.

27 Amato-Duboin, 1863, tome 27, volume 29, pp. 1659-1660, Décret royal du 24 août 1786. 28 Amato-Duboin 1863, tome 26, volume 28, pp. 2324-2325. Lettre du Secrétariat royal à la Guerre pour la détermination du

service des cors de chasse.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Jusque dans la sélection des musiciens, le secrétariat royal se préoccupait donc de

n’affecter aux compagnies de chasseurs que des instrumentistes physiquement bien

portants et aptes aux longues marches. Musicalement parlant, l’examen des

candidats devait être assuré par Gaetano Pugnani, premier violon de l’orchestre

royal, et directeur de la musique militaire par lettres patentes du 17 août 1786.

Il était enfin souligné que lorsque l’instrumentiste avait eu une conduite excellente et

irréprochable, et s’il avait présenté de bonnes capacités musicales, il pouvait aspirer

à un poste de trompette dans une unité de Cavalerie.

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3. L’EQUIPEMENT

31. LA HACHE

La bandoulière des chasseurs permettait de loger une petite hache à un seul

tranchant, comme en étaient équipées les compagnies de grenadiers. Cet outil,

sensiblement moins volumineux et encombrant que celui utilisé par les sapeurs,

prenait place dans une gaine de cuir cousu à hauteur du flanc gauche et servait à

abattre des obstacles passifs, tels que palissades, portes, chevaux de frise, etc. mais

également, comme on le verra plus loin, pour édifier des fortifications de campagne à

l’improviste.

32. LE SABRE

En 1774, il y avait trois principaux modèles de sabres dans l’armée royale sarde :

– le sabre de Sergent ;

– le sabre de Grenadier ;

– le sabre de Sergent du Régiment Gardes.

Le premier modèle, également attribué aux Sergents Majors, aux Caporaux-chefs et

Caporaux, possédait une garde de laiton à deux branches ornées d’un liseré, une

poignée en bois revêtue de cuir lié par un fil de laiton entrecroisé, une lame cannelée

enrichie de la devise Vive le Roi de Sardaigne gravée au recto, et un aigle couronné

au verso.

Le deuxième modèle, en dotation pour tous les chasseurs, fifres, tambours et

fusiliers du seul Régiment Gardes ainsi qu’aux volontaires des unités provinciales,

différait du premier seulement par une lame plus large.

Le troisième modèle, destiné aux Sergents du seul Régiment Gardes possédait un

pommeau en forme de tête d’aigle et la poignée recouverte de fil argenté.

La dragonne, constituée d’un double lacet de cuir, était nouée à la garde du sabre.

Elle était de laine turquoise pour les grenadiers, les chasseurs, les musiciens et les

compagnie de la Légion des campements.

Le sabre piémontais était une impressionnante arme blanche d’Infanterie : constituée

d’une courbe extrêmement aiguisée à un seul fil d’une longueur de 62 cm, sa poignée

de laiton protégeait largement la main du fantassin.

Le sabre adopté par l’armée sarde pour les compagnies de chasseurs était une arme

excellente pour le combat au corps à corps. Toutefois, elle se révéla trop lourde et

encombrante pendant les marches effectuées sur les difficiles fronts montagneux de

la guerre des Alpes. Une autre gêne provenait de la forme de la ceinture qui, serrée

à la taille, supportait également le porte sabre et la baïonnette : cet élément de

buffleterie alourdissait la charge sur les côtés, la rendant plutôt incommode dans les

mouvements.

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Pendant les deux dernières années de la guerre, il n’était pas rare de rencontrer des

soldats sardes, surtout ceux qui appartenaient à l’Artillerie, aux "corps spéciaux",

aux unités provinciales et à la Milice, qui avaient abandonné la vieille ceinture porte

sabre pour adopter le modèle français plus commode, avec une bandoulière de cuir

en travers du corps29.

33. ARMES A FEU : POURQUOI ADOPTA T’ON LE FUSIL Mle 1782 PLUTOT QUE DES CARABINES A CANON RAYE

Le Décret royal du 22 juin 1786 stipulait que les chasseurs auront provisoirement

l'armement des autres soldats ; S.M. se réservant de déterminer le modèle de

carabine qui devra leur être distribué ensuite.

On distribua donc aux compagnies le fusil modèle 1752 à âme lisse, déjà en dotation

dans toute l’Infanterie d’ordonnance nationale, tandis que les officiers recevaient

l’élégant – mais coûteux – fusil modèle 1774.

Construit à plus de 95.000 exemplaires, le fusil Mle 1752 était une des meilleures

armes du XVIIIème siècle, soutenant la comparaison avec le Brown Bess britannique

contemporain, plus célèbre. Admiré et envié à l’étranger, le fusil piémontais fut pris

pour modèle par diverses armées étrangères, et surtout par la France où il servit de

base au Fusil d’Infanterie Modèle 1754.

Pendant les cinquante ans de sa vie opérationnelle, seule la forme de la crosse fut

modifiée, comme on le verra plus loin. 39.546 fusils de ce modèle, à section

tronconique ou circulaire, étaient disponibles en 1792 au début des hostilités.

Bien qu’il s’agisse d’une arme robuste excellente pour l’Infanterie, elle était mal

adaptée aux besoins des chasseurs, qui devaient tous être d’excellents tireurs. Le 29

juin 1786, un rapport officiel relevait que : La hauteur et l’épaisseur de la côte de

bois qui s’élève à la partie supérieure de ladite culasse empêche le soldat d’appliquer

l’œil à la mire et ne lui permet pas d’ajuster le coup sur la cible qu'il conviendrait de

fixer, d'où il convient de proposer, afin de remédier à pareil inconvénient, et nous

sommes entrés dans cette détermination, de faire modifier ladite monture de sorte

qu'elle soit effectivement supprimée30.

La chambre des fusils fut modifiée et le volume de la crosse réduit. Les compagnies

de chasseurs furent les premières à bénéficier de cette amélioration : Vous

commencerez par conséquent dès maintenant à faire réaliser ladite modification sur

le nombre de fusils dont devront être équipées les compagnies de chasseurs de

chaque régiment31.

Après une laborieuse phase de projet, le fusil Mle 1782 commença à être distribué

aux unités : la première unité à en être équipée fut le régiment d’Infanterie Suisse

Rochmondet, le 19 mars 1789.

29 A propos des sabres Piémontais, voir Gobetti-Dondi, 2001, pp. 15-45. Sur les modifications des buffleteries : Ritratto del

conte Birago di Borgaro, Musée historique national d'Artillerie ; Milicien Volontaire de la Ville de Turin, 1793-1796, Ales, 1989, p. 220.

30 ASTO, "Sections réunies", Regi Viglietti e Dispacci, Décret royal du 29 juin 1786. 31 Supra note 30.

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La livraison de cette nouvelle arme fut achevée juste à la veille de la guerre des

Alpes, avec la distribution du fusil M le 1782 aux régiments d’Infanterie d’ordonnance

nationale La Marine et Sardaigne, le 19 mai 1792.

Destiné à remplacer l’armement antérieur, cette arme n’était guère plus, en dépit de

nombreux essais et expérimentations, qu’un développement du fusil M le 1752. La

baïonnette et la baguette avaient été améliorées, le chien renforcé, mais la platine

n’avait pas la même robustesse que les modèles antérieurs. La culasse, les

garnitures et les méthodes de production étaient identiques.

Le fusil M le 1782 pouvait être comparé au prussien Mle 1782 et à l’autrichien Mle

1784, mais il était totalement surclassé par son adversaire direct, le fusil français Mle

1777, arme nouvelle et en évolution continue, ainsi que par les fusils britannique M le

1792 et autrichien M le 1798.

En septembre 1792, les chasseurs affrontèrent l’ennemi armés du fusil M le 1782 avec

sa baïonnette adaptée, c’est-à-dire avec seulement une amélioration de l’arme qui

leur avait été distribuée provisoirement. On avait de toute façon décidé,

probablement dès les mois suivant la mise sur pied des compagnies de chasseurs, de

ne fournir aux soldats de ces unités aucune carabine à âme rayée.

Les raisons de ce choix furent plutôt complexes, en partie dictées par des

considérations d’ordre tactique, et en partie pour des raisons d’ordre politico-

stratégiques.

En outre, chez les militaires sardes, les tragiques et sanglants combats livrés par les

compagnies de carabiniers des Régiments de Cavalerie et de Dragons pendant la

guerre de succession d’Autriche restaient dans les mémoires32.

Avant cette guerre, cinquante hommes sélectionnés dans chacun des corps montés

avaient dès le 27 décembre 1737 été équipés de carabines rayées. Après des débuts

médiocres à la bataille de Camposanto (8 février 1743) ces carabiniers regroupés au

sein d’une formation de 300 hommes furent activement employés dans les Alpes : le

16 juillet 1744 commença la bataille de Pietralunga, dans la vallée de la Varaita.

L’affrontement, entre une colonne française de diversion et le gros de l’armée sarde,

se poursuivit pendant deux jours, avec des pertes plutôt élevées. L’action fut

caractérisée par de nombreux engagements ponctuels, le plus sanglant ayant lieu à

la redoute de Monte Cavallo.

Les premiers engagements se produisirent le 17 juillet, à six heures quarante-cinq du

matin, quand le détachement du Brigadier Général François Chevert, descendant du

campement de Ceyol, prit contact avec le détachement du Lt-Colonel Charles Antoine

Roi, du régiment d’Infanterie Suisse Roquin.

32 En 1735 existaient en premier lieu les régiments de Cavalerie Royal Piémont et Savoie Cavalerie. Venaient ensuite les

régiments de Dragons : Dragons de Piémont, Dragons de S.M., Dragons du Genevois et, après le 28 novembre 1736, le régiment Dragons de la Reine. Chaque corps comptait, en temps de guerre, 622 hommes répartis en un état-major et 10 compagnies regroupées à leur tour en 5 escadrons d’un effectif moyen de 130 cavaliers. En Sardaigne stationnait le petit Corps des Dragons de Sardaigne, fort de 3 compagnies seulement. Pour le Royaume de Sardaigne, la difficulté majeure à maintenir opérationnelles ces unités ne tenait pas tant à l’équipement qu’aux montures, faute d’une structure efficace de remonte sur le territoire du Royaume.

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600 grenadiers de divers régiments, et la totalité des 300 hommes des compagnies

de carabiniers envoyées en renfort le matin même depuis leur position du col de

Bondormir, étaient retranchés dans les cabanes du hameau de La Gardette de

Sant’Anna.

A La Gardette, les piémontais avaient transformé en fortins une dizaine de cabanes,

ouvrant dans les murs les meurtrières nécessaires pour pouvoir utiliser les armes

individuelles. Les maisons se couvraient l’une l’autre et interdisaient le passage vers

le fond de la vallée et vers le col de Bondormir, objectif des assaillants.

Les 1.500 hommes de Chevert (un bataillon du Régiment Brie et quatre compagnies

de grenadiers des Régiments Poitou, Conti et Provence) donnèrent immédiatement

l’assaut aux positions sardes et enlevèrent une première cabane, mais il en restait

encore une dizaine à prendre, d’où les piémontais entretenaient un intense feu

d’interdiction.

Chevert recula un instant pour réorganiser son dispositif et se préparer à la reprise

de l’assaut à une autre cabane lorsqu’il fut rejoint par le Comte de Danois à la tête

de la Brigade Poitou (trois bataillons du Régiment Poitou). François Chevert transmit

le combat à ce deuxième échelon et se porta sur la droite de la vallée pour tourner la

position et couper toute issue à l’ennemi.

Le Lieutenant-Colonel Roi ordonna immédiatement le repli, laissant en arrière-garde

les 300 carabiniers. L’intention de cet officier était d’engager l’ennemi du plus loin,

en tirant parti de la longue portée des carabines, afin de tenir à distance la colonne

adverse. Malheureusement pour les carabiniers, le mouvement tournant du Brigadier

Chevert avait en pratique coupé l’arrière-garde du gros des troupes qui se

repliaient : Ces carabiniers, quoique tous gens choisis dans les régiments de Dragons

et de Cavalerie, se trouvant serrés de près par les ennemis, et ne pouvant se servir

de leurs carabines parce qu’ils n’étaient pas pourvus de balles volantes [sous-calibrées]

mais seulement de grosses balles à introduire de force dans les canons de leurs

armes à feu, ce qui prenait beaucoup de temps, après avoir au début soutenu en bon

ordre le repli, au cours duquel ils avaient perdus 30 à 40 tués, finirent par s’enfuir

précipitamment lorsqu’ils virent leur liaison coupée du gros par la colonne

susmentionnée ; chacun ne chercha plus qu’à s’échapper, qui d’un côté, qui de

l’autre, et abandonnèrent ces rochers, et ils rejoignirent en partie Bellino, en laissant

environ 80 des leurs, parmi lesquels de nombreux prisonniers, dans les mains de

l’ennemi33.

A l’issue de la bataille, le 19 juillet 1744, la ligne piémontaise à Casteldelfino était

pratiquement enfoncée, masquant l’effort principal de l’offensive du Prince de Conti

qui avait réussi à forcer le barrage piémontais dans la vallée de la Stura di Demonte,

et entreprenait l’investissement de la forteresse de Demonte et de la place forte de

Cuneo.

33 Le combat, qui dura de six heures quarante-cinq le matin jusqu’à midi, coûta une centaine de tués et de blessés aux

Français, contre environ 250 aux Piémontais. Deux cents de ceux-ci furent prisonniers, au nombre desquels un Major et douze Capitaines et Lieutenants (Galleani d’Agliano, 1840, P. 129. Voir également St-Simon, 1770).

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Le procédé tactique consistant à employer des carabiniers en arrière-garde s’avéra

effectivement très coûteux. L’idée de couvrir une masse d’hommes en cours de repli

avec un élément équipé d’armes à âme rayée, quoique bien plus longues à recharger

que des armes à âme lisse, était pourtant bien ancrée dans l’esprit du

Commandement sarde : on y tenait la portée accrue pour plus avantageuse que la

rapidité du tir, sans tenir compte du faible effectif – trois cents hommes – de la

troupe devant opérer ainsi en arrière-garde.

La défaite de Bassignana, le 27 septembre, en dehors d’avoir été le moment le plus

sombre pour les armes du Royaume de Sardaigne pendant la campagne de 1745,

marqua le chant du cygne des armes rayées piémontaises.

A l’aile gauche du dispositif piémontais la Cavalerie du Chevalier Della Manta fut

obligée de se replier face à la pression des éléments espagnols qui passaient à gué le

Tanaro. Pour protéger le repli, on envoya le Lt-Colonel Della Villa avec ces mêmes

300 carabiniers. Della Villa, manœuvrant plutôt habilement et s’appuyant sur les

vallons qui coupent la plaine de Bassignana, parvint à retarder le plus longtemps

possible la progression de l’ennemi jusqu’à ce que ses carabiniers, aux abords de

Cascina Grossa, assaillis de flanc et de front par une masse de l’ordre de 20.000

espagnols, fussent anéantis et lui-même fait prisonnier.

Sur ce, les attaquants purent s’en prendre à l’escadron de queue de la colonne

piémontaise, l’un des cinq du régiment Dragons de Piémont, qui fut littéralement mis

en pièces, perdant 160 hommes et 2 étendards. Les pertes en hommes des

compagnies de carabiniers furent alors une des plus élevées de toute l’armée Sarde,

de presque 100%.

Les graves revers subis par les troupes montées équipées de carabines rayées

conditionna défavorablement le développement de ces armes en Piémont, où leur

emploi resta extrêmement impopulaire

Une fois gagnée la guerre de succession d’Autriche, l’armée du Roi de Sardaigne

parut oublier les problèmes tactiques et techniques auxquels les armes rayées

avaient donné lieu et les carabines furent de nouveau distribuées aux Carabiniers qui

continuèrent d’être répartis au sein des compagnies de Cavalerie.

En 1751, Charles-Emmanuel III décida de renouveler l’armement de l’Armée et les

carabines rayées furent retirées dans les régiments de Dragons, et remplacées par le

fusil à âme lisse M le 1751.

On ne parla plus de carabines rayées pendant plusieurs décennies : l’affectation des

armes rayées fut limitée à de rares unités de Cavalerie et aux troupes de forteresse,

tandis que partout en Europe on développait les premières expérimentations d’unités

intégralement armées de carabines rayées.

Quelles furent les raisons d’un tel choix ? Avant tout, le souvenir pesait encore des

médiocres prestations des carabiniers au cours de la guerre de succession d’Autriche.

Victor Amédée III – à l’époque Prince de Piémont – avait alors personnellement

commandé en diverses occasions, dont la bataille de Bassignana en septembre 1745,

le régiment Dragons du Genevois, surnommé pour cette raison Dragons de S.A.R.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Il avait parfaitement en mémoire, par conséquent, les pertes qu’avaient subies les

compagnies armées de carabines rayées. Les compagnies de chasseurs, levées au

sein des régiments d’Infanterie d’ordonnance nationale dans le but de procurer une

unité de tireurs d’élite aux troupes de ligne, ne furent donc jamais équipées de

carabines rayées, nonobstant leur dénomination de Chasseurs-Carabiniers.

Si elles avaient été employées dans les conditions appropriées, les armes rayées

auraient pourtant pu constituer pour l’armée du Royaume de Sardaigne une

excellente arme pour la guerre de montagne : un tireur posté sur un rocher ou une

éminence pouvait tenir sous son feu un vaste champ de tir, grâce à la longue portée

d’une arme rayée. La lenteur du rechargement, qui constituait en plaine un grave

handicap, n’en était plus un en montagne en raison de la difficulté du terrain. Avant

de parvenir au contact du tireur, n’importe quel attaquant devait progresser en

terrain accidenté, souvent en montée, et se trouver de fait à sa merci.

Or, compte tenu de la situation géographique des Etats Sardes, une guerre livrée en

montagne aurait nécessairement été une guerre contre la France : telle n’était pas

l’opinions qui prévalait à la Cour de Turin, qui privilégiait l’hypothèse d’un conflit

dans la péninsule. Comme on pensait qu’on devrait livrer une guerre dans la plaine

padane, on décida à juste titre de mettre l’accent sur la puissance et le volume de

feu des bataillons d’Infanterie, au détriment de la portée et de la précision du tir.

C’est pour cette raison que les carabines rayées, dans l’armée sarde, ne connurent

qu’un développement proche du minimum pendant le dernier quart du XVIIIème siècle.

Les techniciens piémontais n’ignoraient pas pour autant ce qui se passait à

l’étranger, s’agissant du développement des armes à feu à canon rayée : le Chevalier

Napione avait effectué de nombreux voyages en Allemagne et en Autriche, visité les

arsenaux et les manufactures, manipulé personnellement les excellentes carabines

en dotation chez les Jäger impériaux. Les Chevaliers de Robilant et de Salmour en

avaient fait autant. Simplement, ces techniciens et académiciens pourtant

intelligents avaient écarté de leurs programmes – ou on leur avait fait écarter – les

armes rayées.

Au cours de la guerre des Alpes, les chasseurs des régiments de l’armée sarde et les

formations de chasseurs volontaires n’utilisèrent jamais les belles carabines rayées,

courtes et maniables, puissantes et précises, munies de hausses réglables, dont

disposaient les Jäger impériaux depuis 175934.

34 Parmi les nombreuses unités de troupes légères mises sur pied par le Royaume de Sardaigne pendant la guerre des

Alpes, une seule, la Centurie des Chasseurs Carabiniers de Canale, fut dotée en novembre 1792 de carabines rayées. Il s’agissait de carabines de Cavalerie Mle 1743. Le chargement de cette arme était tout sauf aisé, et elle était dépourvue des plus élémentaires dispositifs de visée pour le tir de précision. De fait, la troupe n’apprécia pas les médiocres performances de cette arme et, le 15 mars 1794, le Secrétariat à la Guerre décida de son remplacement par 423 fusils de Dragon. En août 1794, à en juger d’après les plaintes des soldats, la substitution complète n’était pas encore achevée (Sterrantino, 2002, p. 247).

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

4. LA TACTIQUE

41. DE 1786 A 1792

Une fois constituées les compagnies de chasseurs, encore convenait-il de déterminer

comment employer avantageusement ces nouvelles unités d'élite sur le champ de

bataille. On ne rédigea pourtant aucun traité à ce sujet, pas plus qu'on ne diffusa

d'ordres à propos de l'emploi tactique des chasseurs. L'organisation et la répartition

des hommes au sein des compagnies d'Infanterie de ligne laisse présumer qu'on

pensa alors employer les chasseurs à l'instar des carabiniers dans les unités à

cheval.

Les missions des compagnies de chasseurs, par conséquent, peuvent être

schématisées en :

� Actions isolées ou regroupées de tir de précision à grande distance en vue de

désorganiser les rangs des avant-gardes ennemies ;

� Actions isolées ou regroupées de tir rapide pour la défense rapprochée d’un

secteur donné.

… le tout en prenant soin d’éviter les erreurs commises à la veille de la guerre de

succession d’Autriche. Les carabiniers des unités montées n’étaient pas initialement

réunis au sein de compagnies ou de corps autonomes, avec pour résultat – à la

bataille de Camposanto par exemple – qu’après avoir mis pied à terre et commencé

leur tir d’accompagnement, ils ne purent jamais exécuter de défense ou de repli

organisés et furent finalement coupés du gros par le retour offensif de la Cavalerie

Espagnole, et presque entièrement détruits.

Simultanément, dans le souvenir de ce qui était arrivé à Pietralunga en 1744 et à

Bassignana en 1745, on préféra doter les hommes d’un fusil à canon lisse, dont la

vitesse de rechargement et la qualité des munitions ne créeraient pas les mêmes

problèmes que des carabines rayées.

Dans la mesure où l’unité tactique élémentaire était le bataillon, il est possible de

présumer que chacune des deux compagnies de chasseurs en service dans les

régiments devait être déployées en éventail en avant de son propre bataillon. En

disposant un homme tous les 4 mètres, on couvrait ainsi un front de 100 mètres,

plus que suffisant pour couvrir l’unité d’Infanterie déployée plus en arrière.

La décision de doter une telle formation d’un instrument à vent comme le cor de

chasse afin de transmettre les ordres apparaît alors clairvoyante. La voix de l’officier

et des sous-officiers, installés en arrière de la ligne des chasseurs n’aurait jamais pu

être entendue par tous les hommes, séparés par de larges intervalles au milieu du

fracas du combat.

Il fallait donc des hommes bien entraînés, aptes à saisir la réalité du combat dans

lequel ils étaient engagés et, surtout, capables de maintenir un alignement en rangs

largement ouverts.

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Une fois terminée la préparation de l'Infanterie légère, la compagnie pouvait

reprendre un emplacement le dispositif du bataillon et combattre comme une

compagnie ordinaire de fusiliers, à moins que les soldats ne soient individuellement

réincorporés par les compagnies ou les centuries d’origine.

En revanche, on n’a aucune certitude à propos de l’époque à laquelle il fut envisagé

de regrouper les compagnies de chasseurs en bataillons autonomes, ni si une

expérimentation tactique fut mise en pratique au cours d’un quelconque exercice35. Il

y a tout lieu de penser que la décision avait été prise bien avant l’ouverture des

hostilités contre la France, et qu’on avait déjà pu vérifier le bien-fondé du

regroupement des compagnies de chasseurs des différents régiments en vue de

former un corps complètement autonome.

En tout état de cause, entre 1786 et 1792, on ne détermina aucun procédé tactique

particulier pour ces formations qui, au contraire, semblaient destinées à soutenir les

bataillons ordinaires d’Infanterie de ligne par leurs tirs de précision, plutôt

qu’appelées à opérer en tant que bataillons formant corps. Le seul point attesté

réside dans les dispositions du décret royal du 22 juin 1786 : Ils [les chasseurs]

serviront pour les détachemens extraordinaires qui seront accordés pour le

rétablissement, et maintien de la tranquillité publique (…).

Avec un sens remarquable de l’à-propos, dès le 26 octobre 178636, le directeur du

bureau de l’Intendance Générale du Duché de Savoie, Giuseppe Enrico Fava,

informait les communautés "au-delà des Alpes" que, dussent-elles solliciter

l’intervention des compagnies de chasseurs afin d’y rétablir la tranquilité publique

dans le cas de desordre, il leur appartiendrait de garantir le supplément de solde que

le Roi accordait à ses soldats pour de telles opérations de maintien de l’ordre... Il

s’agissait d’un complément de deux sous et demi pour un sergent, d’un sou un quart

pour les caporaux et les soldats, indépendamment du logement, et autres fornitures

auxquelles elles [les communautés] sont déjà tenues (…). Ce n’était que dans l’hypothèse

où ces unités auraient été envoyés par ordre supérieur pour le service du roi ou du

public, [qu’] elle [elles resteraient] à la charge du bureau général de la solde.

42. LA GUERRE DES ALPES ET LES NOUVEAUX SCENARI OPERATIONNELS

Au commencement de la guerre des Alpes, les compagnies de chasseurs étaient donc

employées, dans le meilleur des cas, en tant qu’unités spécialisées dans le tir de

précision en appui des bataillons ordinaires ou, au minimum, comme force de police

militaire.

En septembre 1792, les chasseurs durent combattre un ennemi tout à fait inattendu,

sur un théâtre d’opérations qui n’avait pas envisagé : les alpes occidentales.

35 La mention la plus ancienne de ces bataillons l’est dans Pinelli, 1854, pp.48 et 127. 36 Amato-Duboin, 1865, tome 27, volume 29, PP. 621-622.

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Les régiments d’Infanterie, entraînés depuis des années à manœuvrer en formations

linéaires, furent obligés de se fractionner non seulement en bataillons, mais même

en centuries, sinon en compagnies, comme l’écrit le Chevalier de Quinto à propos de

l’offensive malheureuse contre Gilette en 1793 : d’ordre de S.E. le Général de Vins,

le 16 8brel’armée se porta au col du Vial pour l’expédition de Gilette, où les troupes

Piémontaises divisées en un grand nombre de petits corps, tant le Comte di Rinco

que le Chev. di Quinto se retrouvèrent à la tête d’une seule centurie du Régiment

Gardes, ce dont S.A.R. même fut le témoin oculaire, qui la vit marcher pour soutenir

la retraite, après quoi elle rejoignit au bout de quelques jours son régiment cantonné

à Tournefort, vu son inutilité au camp de Tourettes37.

Après la désastreuse campagne de 1792, un certain nombre de décisions

pragmatiques furent prises l’années suivante en ce qui concerne l’organisation des

compagnies de chasseurs : elles furent en février 1793 extraites de leurs régiments

d’origine et regroupées en deux bataillons formant corps, dénommés les 1er et 2nd

Bataillons de Chasseurs, constitués comme suit :

� 1er Bataillon de Chasseurs : 2 Cies du Rgt d’Infanterie d’ordonnance nationale

Aoste38, 2 Cies du Rgt d’Infanterie Suisse De Courten, 2 Cies du Rgt d’Infanterie

d’ordonnance nationale La Reine, 2 Cies du Rgt d’Infanterie Suisse Christ, 2 Cies

du Rgt d’Infanterie d’ordonnance nationale Sardaigne, 2 Cies du Rgt d’Infanterie

d’ordonnance nationale Lombardie. En avril 1793, l’unité fut renforcée par les

deux compagnies de chasseurs respectives des régiments d’Infanterie

d’ordonnance nationale Gardes et Saluces. Le Lieutenant-Colonel Lucerna di

Campiglione, secondé par le Major Chevalier Incisa di S. Stefano, se vit confier

le commandement du Bataillon.

� 2nd Bataillon de Chasseurs : 2 Cies du Rgt d’Infanterie d’ordonnance nationale

Savoie, 2 Cies du Rgt d’Infanterie d’ordonnance nationale Montferrat, 2 Cies du Rgt

d’Infanterie d’ordonnance nationale Piémont, 2 Cies du Rgt d’Infanterie

Allemande Royal Allemand, 2 Cies du Rgt d’Infanterie d’ordonnance nationale La

Marine, 2 Cies du Rgt d’Infanterie Etrangère Chablais39, 2 Cies du Rgt d’Infanterie

Suisse Rochmondet. Le 11 novembre 1793, le bataillon incorpora les

compagnies de chasseurs du Régiment d’Infanterie provinciale Maurienne40. En

Mai 1795 on y ajouta les deux compagnies du Régiment d’Infanterie

d’ordonnance nationale Oneille41, mais les deux compagnies issues de

Maurienne furent détachées ailleurs. Le Bataillon était commandé par le Colonel

Chevalier Fatio, secondé par le Major Comte Colleoni.

37 ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 10 da inventariare, Supplica del cavalier di Quinto. 38 Il s’agit de l’ancien Régiment d’Infanterie d’ordonnance nationale Fusiliers. Le 16 septembre 1774, il fut renommé

Régiment d’Infanterie d’ordonnance nationale Aoste, en l’honneur de son Colonel, S.A. Victor Emmanuel, Duc d’Aoste (Brancaccio, 1922, PP 72-78).

39 Le Régiment d’Infanterie Etrangère Sury, (ex-Audibert, puis Montfort) fut renommé Chablais le 18 octobre, en l’honneur de son colonel, S.A. Benoit Marie Maurice, Duc de Chablais. Le 30 janvier 1794, il fut classé Régiment d’Infanterie d’ordonnance nationale (Brancaccio, 1922, PP. 91-97).

40 Le régiment d’Infanterie provinciale Tarentaise fut renommé Maurienne, en l’honneur de son nouveau commandant, S.A. Joseph Placide, Comte de Maurienne (Brancaccio, 1922, pp 165-166).

41 Le 28 février 1792, on leva une Centurie de la Marine, à laquelle s’ajoutèrent, le 20 mars puis le 8 août suivants, une 3ème et une 4ème compagnie, pour former ainsi, le 23 janvier 1793, le régiment Nouvelle Marine, renommé Oneille le 8 février. La 1ère compagnie de chasseurs fut levée le 14 mars 1794, et la 2nde le 8 février 1795 (Brancaccio, 1922, P. 357).

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Au début du printemps 1793, les deux formations comptaient respectivement 472 et

413 hommes, soit un effectif total de 885. Employés au sein de bataillons de plein

exercice, les chasseurs auraient pu combattre en mettant à profit l’intense

entraînement auquel ils avaient été soumis au cours des années antérieures, sans

être rattachés aux bataillons de l’Infanterie de ligne.

A partir de la campagne de 1793, les deux bataillons, en même temps que les

nombreuses compagnies autonomes de chasseurs, développèrent peu à leur propres

procédés de combat.

Il est possible d’en identifier trois principaux à partir des opérations dans lesquelles

les bataillons de chasseurs furent mis en œuvre pendant les premiers temps du

conflit :

� Actions de reconnaissance et de liaison

En raison de leur manière de combattre plutôt agile, on pensa d’abord à utiliser

ces formations en tant qu’unité de reconnaissance et de liaison.

Le 1er Bataillon en particulier connut une activité opérationnelle soutenue sur le

front de l’Authion au printemps 1793. En mai, le bataillon fut engagé dans de

difficiles opérations derrière les lignes françaises dans le haut Var et en

Vésubie. Il s’agissait de combats presque quotidiens, dans la perspective de la

grande offensive française qui devait être déclenchée en juin : les français

entendaient occuper ces vallées pour assurer une liaison entre le front de

l’Authion et la place de Tournoux.

Les chasseurs, commandés par le Major du régiment d’Infanterie provinciale

Mondovi Luigi Leonardo Colli Ricci di Felizzano, parvinrent à réoccuper la

Vésubie et le haut Var après une première attaque française. En août, les

combats redoublèrent d’intensité dans le haut Var.

Colli Ricci et ses chasseurs eurent finalement raison de toutes les tentatives

françaises de les déloger de cette ligne de défense : celui-ci, associant une

grande intelligence à une extraordinaire bravoure, maintint continuellement les

postes ennemis dans l’insécurité. Nombreux furent les accrochages entre ces

fantassins légers et les postes français, dont j’évoquerai seulement les deux

plus sérieux. Le premier eut lieu au Mt Cuson (…) où les français avaient

construit une petite redoute pour tenir le col qui permettait la communication

des troupes stationnées dans la vallée de la Stura avec celles de la vallée de la

Tinée ; Colli attaqua ce fortin et, après un bref engagement en délogea les

défenseurs. Il attaqua le lendemain un autre poste installé à Cognets-Durand,

petit sommet entre Colla Lunga et la Tinée ; là encore il réussit à en chasser

l’ennemi, ce qui lui permit, le 26 septembre d’entreprendre une incursion de

plus grande ampleur dans le comté de Beuil42.

42 Pinelli, 1854, p. 175. Voir en annexe la biographie de Colli Ricci.

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� Occupation de points clefs.

Rapidité de manœuvre, équipement adapté à la réalisation de fortifications de

campagne, excellente qualité du tir, bonne puissance de feu : ces

caractéristiques faisaient des compagnies de chasseurs les unités les plus aptes

à exécuter tous mouvements sur le champ de bataille et à occuper des points

d’une importance tactique particulière.

Un bon exemple est fourni par l’action entreprise sur le front de l’Authion entre

le 7 et le 12 juin 1793 par les chasseurs (la 1ère et la 2ème du Régiment Gardes)

du Capitaine de La Motte. Envoyé pour renforcer la position de Moulinet, de La

Motte se trouve sous le feu de l’ennemi dès le matin du 7 : Je vis bientôt que le

Molinet était attaque je fis faire halte à ma troupe pour faire charger les armes

et nous remimes en marche ma compe défila sous le feu des français qui

redoubla a notre approche43.

En dépit du feu intense de l’adversaire, les chasseurs de La Motte parviennent

aux cassasa en avant du Moulinet, où je trouvai Monsieur le Chevalier de Canale

qui commandait. En même qu’un détachement du régiment Verceil et que le

Corps Franc, les chasseurs se retirèrent, prenant position sur la crête du vallon

dit de la Giandola. Sur cette ligne défensive, de La Motte et ses hommes

occupèrent le sommet de la foret du coté du Molinet. D'après l'avis qu'il [Le Comte

de Canale] m'en donna je fis faire des abatis d'arbres que je fis recouper en forme

de flèche pour en cas d'attaque avoir un abri pour resister

Les mouvements de la compagnie ne s'arrêtent pas là : l’assaut français contre

le camp retranché de l’Authion est désormais imminent et le 11, nous croions

d'etre attaque (…) la journée fut employée à faire un parapet en forme de

retranchement sur une hauteur nommée Buffabren et qui devait [être] du point

d’attaque des Ennemis. Des le matin nous avoient fait couper par ordre de Mr de

Reinbach les arbre les plus pres de retranchement qui pouvaient servir d’abri

aux ennemi. J’amploya a cette besogne mes chasseurs qui quoique avec de

petites haches, en couperent ancore un grand nombre.

Bien équipés pour de telles actions, les chasseurs étaient donc en mesure

d’occuper une position qui leur avait été désignée, et de la tenir efficacement en

construisant des fortifications de campagne improvisées, au moyen des haches

qu’ils avaient en dotation. Une fois attaquée par l’ennemi, la compagnie de La

Motte parvint à soutenir l’assaut grâce à sa combativité, à son entraînement au

tir de précision, et aux fortifications de campagne qu’elle avait elle-même

édifiées : J’aurais voulu, Monsieur, que vous fussiez témoin de la conduite de la

troupe en général (…) Je vous parlerai de ma compagnie. Le feu fut toujours

conduit avec calme. J’ai vu parmi d’autres le Caporal Roya, la tête et la poitrine

en dehors de la tranchée, choisir sa cible, la coucher en joue et la mettre à

terre (…). Le Chevalier Caccia ne cessait de l’admirer (…). Je notai un français

qui rechargeait avec sang froid son fusil, et se postait derrière un arbre pour

mieux nous viser, et il avait répété ce geste plusieurs fois. Je le montrai au

chasseur Rovera ;

43 ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 11 d’addizione, Lettre du Capitaine de La Motte sur les opérations d'un

corps de chasseurs sur le front de l'Authion, 19 juin 1793.

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et à peine lui eus-je parlé que le français fut certainement touché, car je le vis

reculer et s’asseoir derrière un rocher, mais avec toute la tête découverte.

Rovera lui tira dessus, et il disparut (…). Après le combat, nous trouvâmes cet

homme mort avec une énorme blessure à la tête. Rovera expliqua qu’il avait

mis sans s’en rendre compte deux cartouches dans son fusil (…). Presque au

même moment, le chasseur Marcorengo fut tué à mes côtés (…) Même le

Sergent Ferrero reçut une balle dans l’oreille droite (…) mais rien de dangereux

et j’en suis bien content, car il a montré bien de l’intrépidité et du

discernement, c’est un excellent élément. Le chasseur Cerutti fut tué à quatre

pas de moi ; c’est une grande perte, parce que cet homme, d’une conduite

exemplaire, aurait pu devenir un remarquable bas officier. Les autres chasseurs

blessés sont Doná, qui a reçu une balle à la cuisse en allant avec des

volontaires à la poursuite de l’ennemi. Sa blessure, très douloureuse, l’a

empêché de descendre à Fontan à cheval (…). Castelán, blessé à la hanche, est

le plus gravement touché, Vignal a eu le bras traversé. Voilà, Monsieur, la

relation exacte que vous me demandez.

[Nota : cette partie du récit du Cne de La Motte est traduite de l’italien après une première

retranscription, et n’est pas le texte original, contrairement aux quatre citations précédentes]

� Opérations de couverture

Après les batailles victorieuses de l’Authion, l’armée sarde lança des offensives,

mais mal coordonnées et portant sur des objectifs limités, en Savoie et sur le

front Niçois. Sur ces théâtres d’opération, les chasseurs furent pour la première

fois appelés à appuyer des actions offensives.

L’habileté au tir et la remarquable mobilité de ces troupes furent la clef du

succès lors de la prise de la redoute de Détroit de ciel, aux portes de Moutiers,

le matin du 19 août 1793. Tandis que le gros des troupes sardes se déployait en

vue d’une attaque frontale des positions tenues par les français des 4ème et 6ème

bataillons de volontaires de l’Ain (1.613 hommes), les compagnies de chasseurs

présentes sur le champ de bataille prirent position sur les hauteurs qui

dominaient les fortifications de l’adversaire, enserrées dans le fond de la vallée,

pour frapper les défenseurs à l’intérieur même de leurs retranchements.

Les chasseurs du régiment Piémont furent les premiers à entrer en action, suivis

des volontaires savoyards : le chasseur piémontais Ariano, avec deux hommes,

grimpa sur un rocher voisin et commença à faire feu sur l’intérieur du fortin ;

toutefois, trois tireurs n’auraient pu faire grand chose si Charrière, suivi des

plus agiles, n’avait déniché un itinéraire emprunté jusque là par les seuls

chamois et, apparu sur le piton, n’avait semé la mort avec ses infaillibles

mousquets44.

44 Pinelli, 1854, pp. 240-241.

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43. DE 1794 A 1795 : LES CHASSEURS EN TANT QUE TROUPE D’ASSAUT

Au cours de la campagne de 1793, les bataillons de chasseurs furent encore

employés, somme toute, comme simple force d’appui aux autres unités. Certains

entendaient toutefois employer ces unités en tant que troupe d’assaut parfaitement

autonome, un peu comme cela avait le cas l’été précédent pendant la campagne de

Savoie.

Le Major Colli Ricci fut l’un des promoteurs de l’emploi des compagnies de chasseurs

en tant que troupe d’assaut. Après avoir commandé un élément du régiment

d’Infanterie provinciale Mondovi aux combats de Lantosque le 6 avril 1793, cet

officier fut détaché auprès du 1er Bataillon de chasseurs. A la tête de ce corps, il put

bientôt en apprécier pleinement les qualités et les possibilités tactiques pendant les

opérations qui suivirent la bataille de l’Authion.

Le 16 avril 1794, il fut porté au commandement du 2ème Bataillon de chasseurs ; à

partir de ce moment, après avoir brillamment assuré la couverture des forces sardes

qui se retiraient des zones stratégiques de la Tanarde et du Tanarello, Colli Ricci fut

en mesure d’assigner des procédés tactiques précis au corps qu’il commandait et, au

contact d’autres officiers de troupes légères, à les transmettre aux autres formations

en compagnie desquelles il se trouvait devoir combattre. Après deux années

d’expérience, les compagnies de chasseurs opéraient selon les modalités suivantes :

A. OPERATIONS OFFENSIVES

� Marche de nuit

Les troupes devaient se déplacer de nuit pour être en mesure de se trouver aux

abords de la position ennemie un peu avant l’aube, moment le plus propice pour

l’attaque.

Par la force des choses, progresser dans ces conditions n’était pas chose facile.

Les problèmes de cohésion, au sein d’une même colonne, ressortent

fréquemment des rapports officiels. Le Capitaine Chevalier Costa, des chasseurs

du régiment Genevois, en rend compte ainsi à ses supérieurs : je partis, hier au

soir à sept heures, avec ce renfort ; la compagnie des chasseurs d’Ivrea, la

mienne, et les Milices ; nous fumes obligés de passer par des sentiers si

mauvais que pendant la nuit la colonne s’est rompue. La moitié de notre

colonne s’est perdue sans qu’il fut possible de nous retrouver45.

Pour pallier ces difficultés, une reconnaissance attentive du terrain devait être

opérée par l’officier commandant, ou par un subalterne disposant de toute sa

confiance, et l’aide de guides capables et fidèles. Le Chevalier Costa, par

exemple, confie la tâche à un de ses sous-officiers : Ensuite du project dont

j’avois eu l’honneur de vous parler, Monsieur, je fis reconnoitre hïer dans la nuit

toutes les avenues de la coche et la force de ce poste par un caporal

intelligent46.

45 ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 11 d’addizione, Copie de la relation du Chevalier Costa capitaine de

Chasseurs du Regiment de Genevois, et commandant à Oulx à M. le Chevalier de Revel du 21 juin 1795. 46 Supra note 45.

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Colli Ricci lui-même n’hésitait pas à écouter ses subordonnés, notamment

lorsque leurs indications en ce qui concerne le relief du site où devait avoir lieu

la marche et le terrain étaient meilleures que les siennes : le Chevalier du

Vaché, capitaine des chasseurs de Piémont, et qui connaît toutes ces montagnes

bien mieux que moi (quoique pour ma part je n’aie point été négligent pour les

connaître), me suggéra les mesures que je pris47.

Des précautions accrues furent encore prises par les forces sardes engagées

dans le combat de la Spinarda (27 juin 1795), quand la colonne du centre (…)

eut étudié avec grand soin le chemin qu’elle devait emprunter, et grâce à l’aide

d’excellents guides elle eut le temps de se mettre en position, attendit une

heure dissimulée dans les bois et se mit en mouvement au premier coup de

fusil48.

Une situation analogue se présenta également dans la vallée de la Stura di

Demonte, où le commandant du régiment Oneille, le Major d’Albion, employa

des guides locaux : D'après vos ordres je suis parti hier au soir de Vinay [Vinadio]

avec 250 hommes pour attaquer la camp de S.te Anne; apres 9 heure d'une

marche pénible, et très fatigante par le vallon de Tesine, je suis arrivé à l'aube

du jour tout près le poste avancé de l'Ennemi avec le secours de quelques

guides49.

� Exploitation du terrain pour couvrir les mouvements

On exploita les vallons, les bois, les crêtes pour couvrir les mouvements

offensifs. Le cas le mieux connu est celui de la colonne centrale piémontaise

chargée de l’attaque de la Spinarda. La marche d’approche se déroula en bonne

partie à l’abri de la crête montagneuse et des bois épais qui fermaient les vues

des défenseurs.

� Choix des conditions météorologiques et de l’heure de l’attaque

Opérant fréquemment à une altitude élevée, les combattants de la guerre des

Alpes se trouvèrent plus d’une fois obligés d’effectuer leurs mouvements

tactiques au milieu d’épais bancs de brume.

Si le brouillard masquait les vues et gênait la prise de contact avec le dispositif

ennemi, il pouvait par ailleurs dissimuler jusqu’au dernier moment l’approche de

l’objectif, comme ce fut le cas à la Spinarda pour la compagnie de chasseurs du

régiment Oneille : Nous partîmes de la Sotta une demi-heure après minuit sur

deux colonnes. J’étais avec celle de gauche commandée par le Major Costea [?],

constituée du 2ème bataillon de chasseurs, d’une compagnie de [chasseurs] Niçois,

d’une centurie de Stettler, et des Croates. Notre marche fut protégée par la

brume qui nous permit d’arriver jusqu’à une demi portée de fusil des gardes

avancées de l’ennemi où, sans même crier "Qui vive", on fit feu sur nous50.

47 Krebs & Moris, 1895, Vol. II, p. 293. 48 ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 11 d’addizione, Precis des Attaques faites le 25, et le 27 juin 1795 par les

Troupes aux ordres de S.M. le Lieutenant Général Baron Colli. 49 ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 11 d’addizione, Copie du Rapport de M.r d’Albion, Major du Régiment

d’Oneille à Mons. le Baron Streng Commandant les Troupes dans la Vallée de Sture de l’expedition du 29 au 30 juillet faite contre l’Ennemi au Camp de S.te Anne. Datée Vinay le 30 juillet 1795.

50 Merla 1988, pp. 256-258.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Les attaques étaient la plupart du temps déclenchées aux premières lueurs de

l'aube, quand on pensait que les sentinelles étaient les plus lasses et éprouvées

par la veille nocturne. Il pouvait arriver qu'on attaque les positions ennemies

précisément pendant la relève de la garde.

Quand tout se passait bien, les assaillants disposaient de plusieurs heures avant

que le gros de l'ennemi puisse déclencher une contre-attaque, ce qui donnait le

temps nécessaire pour se retirer dans une relative tranquillité avec les

prisonniers : Nous avons été assez heureux pour trouver la Garde descendante,

et la montantes reünies. Nous les avons attaquées en meme tems de trois

côtes, et les français n’ont eu d’autre ressource que de se replier sur le rocher

de la Coche, où ils ont fait une vive resistence, cependant M. de Boringe, et M.

Hudry avec leur contingent les y ont été attaquer en suivant l’arrete de ce

rocher, et ils y ont été forcés au bout d’une heure de resistence. Nous y avons

fait un lieutenant, un sergent, 4 caporaux et 49 chasseurs prisonniers51.

L’assaut nocturne permettait en outre de dissimuler à l’ennemi sa propre force,

de le désorienter et de l’intimider. Ce n’était pas pour autant un exercice simple

que de s'emparer du matériel et des armes dans un campement noyé dans

l’obscurité, quand tout autour résonnait encore la fusillade de l’ennemi.

Devant un jour attaquer une position ennemie trois fois plus forte que son

propre élément, Colli Ricci écrit dans un de ses rapports : je pris mes

dispositions pour attaquer encore à la nuit, ou au moins à l’aube52.

� Assaut en plusieurs colonnes convergentes

Le procédé d’attaque de l’ennemi en plusieurs colonnes séparées n’était pas

inconnu de l’armée sarde. Les soldats piémontais l’avaient expérimenté à leurs

dépens à l’occasion lors de l’offensive réussie des autrichiens sur le fleuve

Secchia, pendant la guerre de succession de Pologne. La nuit du 15 septembre

1734, six colonnes autrichiennes (24 bataillons d’Infanterie, 24 compagnies de

grenadiers et 6 régiments de Cavalerie, représentant un total de 20.000

hommes) engagèrent le combat contre 40.000 franco-piémontais et leur

infligèrent une perte de 7.100 hommes (400 tués et 6.700 prisonniers), contre

900 dans leurs propres rangs.

La technique autrichienne de l’assaut en colonnes dispersées exigeait une

excellente synchronisation des mouvements et une coordination impeccable des

éléments, capacité que l’armée impériale parvint de nouveau à déployer sur le

champ de bataille pendant la guerre de Sept ans, à Hochkirch (14 octobre 1758)

et à Maxen (20 novembre 1759), où elle infligea deux sérieuses défaites à

l’armée de Frédéric II de Prusse, alors la meilleure armée du XVIIIème siècle.

A une échelle bien plus réduite, les compagnies de chasseurs furent préparées à

appliquer ce procédé de combat.

51 Supra note 45. 52 Supra note 47.

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L’attaque en plusieurs colonnes était plutôt compliquée : plus une force d’assaut

était fractionnée, plus grande était la probabilité qu’une partie fasse défaut lors

du commencement de l’action. Il importait dans ces conditions de coordonner

attentivement les mouvements de chaque unité engagée.

Néanmoins, en abordant un objectif sur plusieurs faces, on interdisait à

l’ennemi de renforcer un secteur déterminé de son dispositif et on le

contraignait à laisser au moins un point faible dans son périmètre défensif. Tout

au long de 1794 et 1795, ce fut le procédé tactique le plus employé par les

troupes légères sardes, dans la mesure où il paraissait être le plus productif

dans cette guerre d’usure qui se menait alors, fondée sur l’attaque de redoutes

et de campements fortifiés isolés, occupés par des effectifs somme toute

limités.

La malheureuse incursion du 2ème bataillon de chasseurs sur le col de

Fremmamorte en août 1794, quand 600 chasseurs sardes furent engagés contre

une redoute défendue par 1.372 adversaires, fut plus une exception qu’une

règle et, la plupart du temps, les objectifs furent choisis avec grand soin et

attaqués avec une extrême détermination.

La marche d’approche était généralement effectuée tous éléments réunis, étant

donné qu’il fallait souvent progresser, comme on l’a vu, par nuit noire. Après

quoi, à faible distance de l’ennemi, la troupe d’assaut était fractionnée en un

nombre variable de colonnes, de deux jusqu’à cinq.

Le Capitaine Costa, des chasseurs du régiment Genevois, bien que la moitié de

ses hommes se soit perdue pendant la marche nocturne, n’hésita à fractionner

ses effectifs et à les engager contre l’ennemi : j ai détaché M. de Boringe Capne

Lieutenant de Genevois, et M. Hudry Lieutenant du même corps avec 60

hommes dudit Régiment pour prendre ces postes à dos, pendant que nous les

avons attaques par le flanc droit avec les chasseurs et quelques milices53.

En juin 1795, ce procédé tactique devint d’usage courant dans toutes les unités

"légères". La première colonne avancée avait généralement pour mission

d’éliminer les sentinelles et les gardes avancées aux abords de l’objectifs, si

possible à l’arme blanche pour ne pas faire de bruit, ou de les capturer.

Le 30 juillet 1795, une attaque menée par les chasseurs du régiment Oneille

contre un campement français dans les environs de Sant’Anna di Vinadio, dans

la vallée de la Stura di Demonte, fut couronnée de succès grâce à la mise hors

de combat des sentinelles ennemies : J’ai aussitôt ordonné à Mr Garin Sous

lieutenant des Chasseurs de prendre la hauteur de la gauche avec un

détachement composé d'Oneille, et Chasseurs, ou je supposoit qu'il n'y eut

qu'une garde. Dans cet entrefait l'avangarde composée des dits Corps

commandé par Mr Mussi Porte Enseigne du Regiment Oneille, et Mr Falchi l'Ainé

Lieutenant des Chasseurs qui grimpoit le rocher a attaqué ladite garde tuant la

Sentinelle et faisant quelques prisonniers.

53 Supra note 45.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Allors toute la troupe sous mes ordres precedee par les Chasseurs a fondu sur

le camp ennemi qui après une resistance de plus d'une heure a été force

d'abbandoner le camp et de céder aux armes de S.M. nous laissant les tentes,

munitions de guerre, plusieurs fusils, sabres, magasins de vivres et une brigade

de 13 mullets54.

Dans le Val de Suse, le 27 août 1795, ce même Capitaine Costa, au moyen

également de l’élimination des sentinelles, put prendre un piquet avancé

français : hier matin un corps de 50 hommes, envoyé par M. le Chevalier Costa

Capne des chasseurs de Genevois et commandant à Oulx, sous les ordres de MM.

Depollúr et Dorlier, officiers dudit régiment, surprit une garde française au col

de Pelouse composée de 20 hommes. La sentinelle fut tuée, le Capne trouvé

absent, et 18 faits prisonniers, sans que les nôtres aient eu le moindre mal.

Dimanche lesdits prisonniers arriveront dans ladite capitale55.

L’attaque était déclenchée dès qu’on entendait le premier coup de fusil : pour

tous les éléments impliqués dans l’action, c’était le signal de l’assaut. Bien

entendu, on déterminait préalablement laquelle des colonnes devait la première

se lancer sur les positions adverses.

L’opération la plus complexe mise en œuvre pendant cette période par les

troupes sardes, renforcées par des éléments autrichiens, fut sans conteste

l’attaque de la redoute de la Spinarda, le 27juin 1795, à l’occasion de laquelle

pas moins de cinq colonnes furent engagées : Elle étoit faite par 5 colonnes

dans l’objet d’envelopper de toutes parts la butte principale de la Spinarda. La

premiere colonne gauche composée de deux Bataillons de Belgiojoso, et de deux

Compagnies de Croates (A Cette colonne etoit commandée par le Colonel du

Regiment de Belgiojoso) devoit attaquer par le bas du coté de la Bormida au

dessous de Calissan [Calizzano], de passer cette butte et l’assalir par derriere. La

2nd colonne (B Cette colonne etoit commandée par le Colonel C.te Saluggia Et

conduite par le Cap.ne de l’état général de Brès) du même coté etoit formée du

premier bataillon de chasseurs, et d’un bataillon et demi d’Acqui, elle devoit

descendre dans la Vallée de Vetria et arriver à la Spinarda par une arete boisée

qui domine tout au long le petite rivière de la Vetria. Sur la droite de l’attaque

et dans le flanc de la montagne, qui regarde le Tanaro, devoit passer une 3me

colonne composée d’un bataillon de la Legion Legere, et de deux compagnie de

Chasseurs de Nice (Cette colonne etait commandée parle Colonel Chevalier

Leotardi) elle devoit depasser le poste et l’attaqué aussi par derriere pour faire

à droite ce que Belgiojoso devoit faire a gauche. Une 4me colonne composée du

Bataillon de Stetler (Cette colonne etoit commandée par le Colonel Stetler)

devoit monter sur le flanc par la crête ou est la Colma. Ces colonnes devoient

toutes deboucher ensemble avant jour et commencer immediatement l’attaque ;

54 Supra note 49. 55 ASTO, "Cour", Materie Militari, Mazzo 11 d’addizione, Copia della relazione del Sig. Marchese di Sommaria in data di

Susa li 27 agosto 1795.

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Une 5me colonne (Cette colonne etoit commandée par le Lieutenant Colonel

Colli) composée des Chasseurs du 2nd Bataillon, d’une compagnie de Croates,

d’une centurie de Stetler, d’une compagnie de chasseurs de Nice et une autre

de Chasseurs d’Oneille devoit marcher de front et tomber sur le poste le sabre à

la main, des que les quattre autres auroient engagé l’attaque56.

Le plan prévu pour la prise de la Spinarda était plutôt complexe et trois des cinq

colonnes ne prirent pas part au combat. La 1ère (1er et 2ème bataillons de

Belgiojoso, 180 Croates) et la 3ème colonne (1er bataillon du 2ème régiment de la

Légion légère et deux compagnies de chasseurs de Nice) se trompèrent

d’itinéraire, tandis que la 2ème colonne (1er bataillon de chasseurs et 6

compagnies d’Acqui) ne rejoignait la redoute qu’après qu’elle ait été prise.

On comprend que la clef du succès de cette attaque résidait dans la surprise : la

marche de nuit, le camouflage 57 l’assaut aux premières heures de l’aube étaient

autant de procédés destinés à désorienter l’ennemi au maximum. Une fois au

contact, il fallait parvenir à forcer les défenses adverses le plus rapidement

possible, sabre à la main, en évitant de s’attarder en un long – et souvent peu

concluant – échange de coups de feu.

L’assaut était un moment confus. L’un des officiers piémontais présents au

combat de la Spinarda écrit à ce sujet : A peine nous nous fumes un peu

ordonnés – car nous avions du marcher en file – nous avançâmes sans tirer un

coup et avec le sabre dégainé, sans cesser de lancer de grands cris de Vive le

Roi ! Grenadiers à l’assaut ! Chasseurs à l’assaut ! et autres, pour en imposer à

l’ennemi ; de telle manière que celui-ci abandonna son premier retranchement

pour se replier sur le second, d’où il nous accueillit par une fusillade ; mais en y

entrant le premier avec un valeureux sergent de Nice, j’eus la douleur de le voir

tomber mort à mon côté. Moi, plus heureux, je m’en sortis avec une balle qui

m’arracha mon insigne de chasseur au bras gauche, me déchira la veste et, en

effleurant la peau me causa une petite perte de sang. Vous pouvez être certain,

mon cher oncle, qu’à cet instant je ne pensai pas à la blessure, mais sans

perdre de temps je me jetai sur l’officier qui se rendit immédiatement (…)

comme d’ailleurs les autres soldats français (…). Afin de mettre mes prisonniers

en lieu sûr et les garantir d’un coup de main de l’ennemi, les fit descendre en

bas du retranchement et là, les confiai à la garde de quelques uns de mes

chasseurs. Nous forçâmes l’ennemi à abandonner deux retranchements, puis

tout le camp. Nous les aurions même poursuivi, si la brume s’était un peu

dissipée. Mais ne connaissant pas les lieux, nous nous limitâmes à occuper les

retranchements français, à envoyer des patrouilles et à envoyer des gens sur

notre droite pour secourir le Second bataillon de chasseurs en cas de besoin :

mais nous le vîmes bientôt qui venait vers nous. Les cris de joie réciproques,

les accolades fraternelles que nous échangeâmes, les Vive le Marquis Colli ! qui

a si bien su les mériter, auraient attendri même un cœur de pierre.

56 Supra note 48. 57 Dans les Alpes les soldats – tant français que piémontais – avaient l’habitude de retourner leur justaucorps, souvent de

couleur turquoise, pour ne présenter à l’extérieur que la doublure blanche, moins visible sur la neige (Pinelli, 1854, Vol. 1, p. 502).

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Le Premier bataillon de chasseurs et Acqui, qui devaient arriver avant nous,

n’arrivèrent qu’une bonne heure après que tout soit fini, de telle sorte que la

gloire d’avoir conquis la position sabre au poing revient entièrement au Second

bataillon de chasseurs, en partie à Stettler, aux Croates, aux Niçois et, pour ne

pas l’oublier, à ma compagnie. L’après-midi, toujours dans le brouillard,

l’ennemi revint à l’attaque, mais fut repoussé et ce fut alors que le premier

bataillon de Belgiojoso échangea quelques coups58.

Une fois enlevé le premier retranchement, il ne fallait pas s’arrêter : la

technique d’irruption dans les ouvrages de campagne en montagne, souvent

dotés de deux lignes de défense, prévoyait que la colonne qui effectuait la

percée continuait d’avancer, jusqu’à atteindre le sommet ou le centre de la

redoute.

A ce moment, les défenseurs, se voyant pris à revers, se débandaient et

prenaient la fuite précipitamment. C’est ce qui arriva à la Spinarda : une fois

entré dans la redoute, Colli Ricci ne perdit pas de temps à déloger les français

sur les palissades, mais s’enfonça vers le centre de l’ouvrage français, au point

le plus élevé. De fait, le succès fut dû à la décision du Marquis Colli de porter la

totalité de ses forces sur le point le plus haut de la Spinarda59.

Toute résistance ultérieure faiblit donc, et en descendant sur l’autre versant, les

hommes du 2ème Bataillon de chasseurs rencontrèrent leurs camarades des

autres colonnes. L’enthousiasme était plus que justifié : il s’agissait de la

première grande victoire sarde depuis l’époque de l’Authion.

B. OPERATIONS DEFENSIVES

� Actions retardatrices et d’arrière-garde

L’attaque des positions ennemies pouvait toutefois échouer, et les chasseurs

pouvaient se voir contraints à organiser leur repli en bon ordre. Un bon exemple

d’une telle situation est fourni par le repli en échelons successifs du 2ème

bataillon de chasseurs, le 15 août 1794, lorsqu'il eut échoué à prendre les

fortifications françaises du col de Fremmamorte, en tête de la vallée du Gesso.

Le 14 août, Lieutenant Général Colli-Marchini avait donné ordre d’occuper le col

de Fremmamorte au commandant de ce bataillon, le Major Colli Ricci. Bien que

celui-ci ait objecté que les forces à sa disposition – moins de six cents

chasseurs du 2ème bataillon de chasseurs, et un certain nombre de Chasseurs de

Nice – allaient devoir affronter plus de 1.200 adversaires pourvus de pièces

d’artillerie, l’ordre fut cependant confirmé : si vous vous emparez du poste, je

vous ordonnerai ensuite ce que vous devrez faire ; si vous êtes repoussé, vous

retournerez à vos positions de départ60…

58 Supra note 50. 59 Supra note 48. 60 Le rapport du Major Colli Ricci, dont sont extraites ces citations, est intégralement reproduit dans Krebs & Moris, 1895, vol.

2, pp. 292-294. L’épisode est également rapporté par Pinelli, 1854, pp. 467-469. Toutefois, les divergences entre les deux versions sont importantes. Le présent essai a par conséquent retenu la sobre version de Colli Ricci, acteur principal de l’opération.

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Bien conscient que l’action échouerait très probablement, l’officier piémontais

prépara avec le plus grand soin tant l’attaque, menée sur deux colonnes, que la

retraite éventuelle. Un corps de chasseurs Niçois fut envoyé prendre position

sur les sentiers de Pian di Valasco, pour interdire d’éventuelles infiltrations

françaises en direction des Thermes de Valdieri, en arrière de la colonne qui

devrait peut-être se replier si, contrairement à ce qu’espérait le haut

commandement, elle ne parvenait pas à s’emparer du col de Fremmamorte.

Les précautions de Colli Ricci ne s’arrêtèrent pas là : j’envoyai ensuite un petit

corps de chasseurs au col de la Cerise, pour nous avertir dans le cas que

l’ennemi tentat de nous envelloper venant de là, je fis passer les chasseurs de

Nice par le Vallon de Vallasc, commandés par le Comte de Tournefort et S-

Antonin afin d’attaquer Fremma Morta par le flanc gauche, je montai avec le

Battaillon de front laissant la compagnie des chasseurs de Novare sur une petite

élévation qui est dans le vallon des Bains précisément au pied de la rampe raide

qui conduit à Fremma Morta affin que dans le cas que je prévoyais immanquable

que nous fussions repoussés elle put non seulement soutenir la retraite mais y

donner de l’ordre ralliant et rammassant les soldats éparpillés, car je voyais

bien que devant me retirer par une descente aussi rapide il était que la retraite

se fit avec cet ordre qu’on ne saurait trop désirer.

La compagnie des chasseurs du régiment Novare61 fut donc laissée en arrière-

garde, installée sur une butte au pied du col de Fremmamorte, en mesure par

conséquent d’appuyer par son feu les compagnies qui devraient se replier. Cette

compagnie avait en outre pour mission d’assurer le recueil des unités qui

redescendraient le vallon. Comme on le verra plus loin, cette couverture fut

exécutée de manière différente de ce qui était prévu, de manière improvisée sur

le moment.

Face à l’attaquant, bien retranchés dans des fortifications de campagne, il y

avait 1.372 français, soldats du 3ème bataillon de grenadiers et fusiliers du 1er

bataillon de la 84ème ½ brigade.

A six heures du matin, Colli Ricci disposa les forces sous son commandement en

deux colonnes ; la colonne principale, formée par son 2ème bataillon de

chasseurs attaqua la position ennemie de face, du bas vers le haut, tandis que

la colonne "Tournefort", constituée des Chasseurs de Nice, attaquait le flanc

gauche.

Après deux heures d’un feu intense, les chasseurs piémontais n’étaient toujours

pas parvenus à forcer la défense ennemie et les pertes s’élevaient déjà à 7 tués

et à 13 blessés. Colli Ricci décida alors de se replier : et réfléchissant que la

retraite ne se pouvait absolument faire en bon ordre, je jugeai à demmander

des volontaires qui resteraient avec moi, et ordonnai au reste d’allier se rallier

et se ranger en bataille à la butte où j’avais placé la compagnie de Novare, c’est

ce que je fis.

61 Les deux compagnies de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Novare, levées le 30 septembre 1793, ne faisaient pas

partie du 2ème Bataillon de chasseurs. Il est probable que, employées en tant que compagnies autonomes, elles aient momentanément été agrégées au corps commandé par Colli Ricci pour l’action contre Fremmamorte.

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Toutte la compagnie de Savoye resta avec moi volontaire ainsi que presque

toutte celle de Maurienne et plusieurs individus des autres compagnies de façon

qu’il me resta environ 70 hommes avec lesquelles je continuai à fusiller sans

reculer d’un pas jusqu’à ce que je vis que tout mon battaillon était rangé près

de la compagnie de Novare, alors je commençai moi même ma retraitte avec le

plus d’ordre et de lenteur possible par une descente aussi rapide. Les français

qui jusqu’alors n’avaient pas bougé de leurs retranchements s’en élancèrent en

foule dès qu’ils virent que je me retirai et ils nous suivirent.

La distance entre les retranchements français et la butte où étaient déployés les

chasseurs de Novare était donc telle qu’elle obligeait un groupe de volontaires à

rester au contact de l’ennemi afin de conduire un feu de couverture. L’altitude

du col étant plus élevée que celle du point de regroupement des troupes

piémontaises, le Major Colli Ricci pouvait juger du moment où, son bataillon en

sûreté, il pourrait se replier à son tour : alors ayant remarqué, la voyant par

devant, qu’il y avait plus bas une position beaucoup meilleure que celle de la

butte, je priai le Baron Patmo, de La Marine, qui ne m’avait pas quitté, d’aller la

faire prendre au reste du Bataillon, il y alla et le rangeat en battaille en travers

de la vallée à cheval sur le ruisseau, au dessous du bois de la Cá et plaça la

compagnie de Chablaix dans le bois même sur les hauteurs à gauche du

ruisseau. J’allai donc joindre mon Battaillon, toujours fusillant et fusillé.

En fractionnant le bataillon en plusieurs éléments, en mesure de s’appuyer

réciproquement, Colli Ricci réussit finalement à gagner une position plus

avantageuse que la précédente, qui lui permettrait de stopper la contre-attaque

française. Il organisa le déploiement de sa troupe de manière à attirer l’ennemi

dans une tenaille : une ligne de chasseurs déployée en fond de vallée, ayant la

tâche de l’arrêter, et un élément camouflé dans le bois même sur les hauteurs à

gauche du ruisseau, destiné à prendre sous son feu son flanc comme il

descendrait le vallon.

Mais les français ne tombèrent pas dans le piège : là je fis cesser mon feu

espérant que les Français s’approcheraient davantage, mais ils avaient plus

d’esprit que moi, ils s’arrêtèrent et tirant avantage des grosses pierres et des

rochers que des arbres qui leur servaient de retranchements ils craignaient très

peu mon feu réglé.

Bien évidemment, Colli Ricci avait ordonné à ses chasseurs déployés en ligne de

tirer des salves régulières. Cependant, l’ennemi ne se comportait pas comme

espéré et s’abritait derrière les arbres et les rochers. La constance des

piémontais dura encore un moment, après quoi réfléchissant donc que nous

n’avions là brulé inutilement beaucoup de poudre je fis mettre sabre à la main

aux chasseurs et marchai aux Français. Dès qu’ils virent que nous nous

ébranlions ils prirent précipitamment la fuitte et gagnèrent leurs hauteurs, je

les fis suivre par quelques volontaires et dès que je les eu perdus de vue j’allai

avec ma trouppe me regrouper aux Bains où je restai jusqu’au soir.

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Les pertes subies par le 2ème Bataillon de chasseurs et les Chasseurs Niçois

furent sévères : Nous avons eu dans cette affaire 19 morts c’est à dire Mr le

Capitaine de Savoye Chr Bienvenu, Monsr le lieutenant des Chasseurs de Nice

Cartier, un Sergent et 17 caporaux ou soldats et environ 30 blessés parmi

lesquels Monsr le Chr Tibaldi Capitaine de La Marine et Mr du Tille sous

lieutenant de Savoye62.

� Défense de positions fortifiées

Troupe bien entraînée au tir, les compagnies de chasseurs pouvaient s’avérer

très utiles pour la défense d’une position de résistance, appuyée sur des

fortifications de campagne. Toutefois, on préférait souvent prendre l’ennemi à

partie de l’extérieur des retranchements, quitte à utiliser ceux-ci en dernier

recours, avant d’abandonner éventuellement la position ;

Lors des combats du 21 novembre 1795 au col de San Bernardo, dans les

environs de Garessio, les chasseurs piémontais du 2ème Bataillon, aux ordres du

Lt-Colonel Colli Ricci de Felizzano, se portèrent au devant de l’ennemi plutôt

que de l’attendre dans la redoute.

L’Infanterie française, au total 3.401 hommes déployés en trois colonnes avait

repoussé les 600 Croates du corps franc Giulay. Colli Ricci tenta alors de

recueillir les fantassins impériaux et des les réunir à ses maigres forces63 : Le

Lieutenant-Colonel marquis Colli commandant des avant-postes fit tout de suite

occuper la redoute de droite par les trois dernières et avec les deux compagnies

du centre marcha contre l’ennemi. Son intention était d’arrêter l’assaut, de

rassembler les Croates et de donner à tous le moyen de se reconnaître ; Il

avança jusqu’à Costa Minuta, petit escarpement entre l’Appenin [le Mte Pennino, alt.

127, 2 kms SW du col San Bernardo] et la redoute. Malgré tous ses efforts, il ne put

arrêter les fugitifs et craignit d’être lui-même pris à revers. Déjà deux colonnes

sur ses cotés l’avaient dépassé et en grand péril il put se porter sous la

protection de la fusillade de la redoute, il décida de s’arrêter, renonçant son

premier projet qui était ne manœuvrer entre les points de résistance64.

Aussitôt retranché dans la redoute, les chasseurs déclenchèrent un feu

d’interdiction intense et précis, au point que les français furent contraints

d’exploiter tous les défilements qui s’offraient à eux. L’un des glacis de la

redoute leur parut moins battu par le feu des défenseurs, mais même sur cette

face le feu fut intense : une compagnie de chasseurs [piémontais] qui s’y était

campée avait fait beaucoup de trous et d’abris avec les débris du barracon. A la

faveur de ces faibles abris, l’ennemi parut vouloir tenter un assaut. Le Général

Sérurier qui était sur place avec un grand nombre d’officiers encouragea les

soldats et les poussa de ces trous vers le sommet du glacis. Ceux qui y

entrèrent ne voulurent plus en sortir et furent pris sous des jets de pierre65.

62 En relisant Colli attentivement, ce ne sont pas 19 mais bien 20 tués qu’il faut compter. Avec les 30 blessés, les pertes

totales s’élèvent donc à 50 hommes. 63 Elles étaient constituées du 2ème Bataillon de chasseurs (379 hommes), des compagnies du Rgt Oneille (42 hommes) d’une

compagnie de Pionnier aux ordres du Cne Govone (73 hommes) et de 11 artilleurs qui servaient deux pièces. 64 Rapport du Cne Chevalier Maistre, cité dans Barberis-Bertolotto, 1995, P. 84. 65 Supra note 64.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Agrégés aux chasseurs, il y avait une compagnie de 73 pionniers sous les ordres

du Capitaine Govone. Ces sapeurs s’avérèrent extrêmement utiles pour le

renforcement des ouvrages de campagne que les chasseurs devaient occuper,

voire pour leur construction même.

De manière générale, les retranchements que les piémontais réalisèrent ne

pouvaient, par la force des choses, être immédiatement en parfait état

opérationnel : c’étaient les sapeurs qui pourvoyaient au renforcement des

structures, à l’érection de palissades, etc. propres à la défense des positions,

aidés par les chasseurs qui ne disposaient que d’outils de campement légers,

comme indiqué plus haut.

Comment se diffusaient, entre officiers des troupes légères, les procédés tactiques

liés aux attaques ou à la défensive ? Pendant la guerre des Alpes, aucun règlement

tactique consacré aux compagnies de chasseurs, et en règle générale aux troupes

légères, ne fut rédigé et a fortiori publié.

La lecture des rapports officiels pouvait être le principal vecteur de diffusion des

nouveaux procédés. Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte de ce que les officiers de

chasseurs appartenaient à une élite restreinte : opérant au sein de bataillons

constitués, ils se connaissaient et pouvaient certainement échanger quasi

quotidiennement leurs expériences et leurs réflexions à propos de la conduite des

troupes au combat, sur la meilleure manière d’attaquer l’ennemi ou de s’en défendre.

Libérés du conditionnement en vigueur dans les formations de ligne, souvent dotés

d’un bon bagage intellectuel, affranchis de surcroît de toute représentation mentale

de caste, les officiers de chasseurs furent de la sorte en mesure d’expérimenter sur

le terrain le bien-fondé de leurs théories. En tout état de cause, ils apprirent vite et

firent des Bataillons de chasseurs deux des formations des plus efficaces et

opérationnelles de l’armée piémontaise.

44. LE REGIMENT DE CHASSEURS

Au cours du conflit, les régiments d’Infanterie provinciale également mirent sur pied

leurs propres compagnies de chasseurs66.

On ignore si elles furent affectées aux deux bataillons de chasseurs qui avaient été

formés en février 1793 : seules les deux compagnies de Maurienne furent affectées

au 2ème bataillon. Il semble, d’après les rapports de leurs commandants, que ces

compagnies opéraient en tant qu’unités autonomes, détachées par le commandement

dans les secteurs où l’on estimait nécessaire la présence de telles troupes.

66 Le Corps des Grenadiers Royaux également comportait dans son organigramme deux compagnies de chasseurs

(Brancaccio, 1922, P. 190).

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Ces nouvelles unités furent les suivantes67 :

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Corps de Grenadiers Royaux, 21 janvier 1793 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Novare, 30

septembre 1793 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Mondovi, 11 janvier

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Pignerol, 28 février

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Casale, 28 février

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Suse, 28 février

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Acqui, 28 février

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Nice, 28 février

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Aoste, 19 mars

1794 ;

• 1ère Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Asti, 21 mars 1794 ; 2ème

Cie, 15 avril 1796 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Turin, 24 mars

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Verceil, 24 mars

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Genevois68, 27 mars

1794 ;

• 1ère et 2ème Cie de chasseurs du Rgt d’Infanterie provinciale Maurienne, 11

novembre 1794.

En 1796, le front recula jusqu’en Piémont : l’armée sarde s’était retranchée sur les

hauteurs de Ceva. Le 20 mars il fut décidé de former le Régiment de chasseurs, placé

sous les ordres du Colonel Colli Ricci di Felizzano. Le régiment était constitué des 1er

et 2ème Bataillons de chasseurs, réunis en un corps unique sous le même

commandement. Quelles furent les raisons de ce choix, et pourquoi ne fut-il pas

effectué plus tôt ?

Le terrain des affrontements à venir, partie sur les collines des Langhe et de

Monregale, partie dans la plaine de Cuneo, était bien moins difficile que celui des

Alpes maritimes et des Apennins où l’on avait combattu les années précédentes. La

perspective de devoir affronter l’ennemi dans une grande bataille en terrain ouvert

fit sans doute son chemin dans l’esprit des chefs piémontais.

67 Ces détails sont extraits de Brancaccio, 1922, pp. 163-192. 68 Le Rgt d’Infanterie provinciale Chablais fut renommé Genevois le 16 septembre 1774, en l’honneur de son Colonel Charles

Félix, Duc de Genevois (Brancaccio, 1922, pp. 163-164).

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Pendant les campagnes de 1794 et de 1795, la géographie avait favorisé le

fractionnement des forces adverses, éparpillant les combats principaux en autant de

petites actions qui se produisaient au besoin à plusieurs kilomètres les unes des

autres. Des formations réunissant plus de 5.000 fantassins étaient chose rare et, en

tout état de cause, les deux corps de chasseurs existants suffisaient largement pour

assurer efficacement les missions de reconnaissance ou de flanc-garde de tels

regroupements de troupes.

En descendant sur les collines des Langhe et dans la plaine piémontaise, les

formations à la disposition du commandement sarde devaient nécessairement être

tôt ou tard réunies en un élément unique en vue de la bataille : le Lieutenant

Général Colli-Marchini commandait une armée d’environ 18.000 hommes et pour

couvrir l’avance ou le repli de tels effectifs, un bataillon de chasseurs n’aurait

certainement pas suffi. C’est ainsi qu’on décida de former un Régiment de chasseurs

en mesure d’agir au profit de l’armée entière.

Quelques jours après sa constitution, la nouvelle formation fut vite durement

engagée dans l’action : le 13 avril, le régiment prit part à la tentative infructueuse

de rupture de l’encerclement de la poche de Cosseria, et se heurta à la brigade

Beyrand69. Trois jours plus tard, il défendit la redoute du Bric Giorgino, attaquée par

la 2ème division d’avant-garde Meynier. Enfin, le 21 avril, il couvrit la retraite de

l’armée sarde lourdement défaite à Brichetto, en stoppant la poursuite entreprise par

cette même 2ème division d’avant-garde.

A la fin du conflit, le régiment contrôlait les gués de Sant’Albano, sur la Stura, à

faible distance de Fossano. Le sac de la ville, attribué aux chasseurs de Colli Ricci,

fut au contraire le fait de soldats débandés du Corps Franc : dans la soirée, on veilla

à armer un bon nombre de citoyens pour se défendre des soldats du Corps Franc,

déserteurs et isolés, lesquels nonobstant ces mesures ne manquèrent pas de

commettre de très graves méfaits aux dépens des habitants des campagnes et dans

le ghetto des juifs, comme ils l’avaient fait la nuit précédente70.

Le Régiment de chasseurs, en arrière-garde, combattit jusqu’au dernier jour de la

guerre. Le 26 avril encore, le Lieutenant Général Colli-Marchini écrivait dans son

rapport :

Bra, ce 26 avril 1796, deux heures après minuit, au Comte d’Hauteville.

L’ennemi, plus que jamais ardent à convaincre le Roi à faire la paix, après l’offre qui

lui a été faite d’un armistice, a attaqué Cherasco, qu’Il a abandonné pour sauver la

troupe. Il a fait passer quelques pelotons sur la gauche de la Stura, protégé par des

pièces d’artillerie.

J’ai d’abord ordonné la retraite sur les hauteurs de San Fré. J’ai ordonné au marquis

Colli de soutenir les hauteurs de Fossano pour retarder le passage de la colonne

ennemie [Sérurier] qui essaye de percer à Fossano. A sept heures Colli a été attaqué,

et a repoussé l’assaut, mais demain il sera forcé de se retirer à Savigliano puis à

Carignano.

69 Cette brigade appartenait à la 3ème division du Gal Augereau. 70Rapporto amministrazione di Fossano, MERLA 1988, p. 364.

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Le Général Beaulieu n’arrivera pas à temps, retardé par les mauvaises routes, ses

soldats sont gênés par la forte pluie. Il faut, en l’attendant, faire prendre position à

côté de Carmagnola à une partie des troupes qui sont à Turin, et me désigner les

positions qu’elles pourraient occuper avec le meilleur avantage.

Colli

L’armistice de Cherasco était signé le 28 avril 1796, mettant fin à la guerre des

Alpes.

Le Régiment des chasseurs et ses bataillons furent dissous, et les compagnies

rejoignirent leurs anciens régiments.

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5. L’ARMEE SARDE DE VICTOR AMÉDÉE III ETAIT-ELLE PLUTOT CONÇUE POUR UNE GUERRE CONTRE L’EMPIRE, DANS LA PLAINE PADANE, QUE CONTRE LA FRANCE, DANS LES ALPES ?

L'activité des compagnies de chasseurs est l’un des aspects les moins connus de

l’armée piémontaise du XVIIIème siècle. Leur formation, leur volume, leurs faits

d’armes sont enveloppés de ce flou indélébile qui semble affecter toute l’histoire de

la guerre des Alpes.

Il s’agissait sans aucun doute d’un corps d’élite très efficace, dont les soldats furent

scrupuleusement sélectionnés et entraînés, avec une régularité et une continuité

sans équivalent dans l’histoire militaire sarde. La troupe était commandée par des

officiers experts, parmi les meilleurs de l’armée, tant pour leur courage que pour

leurs qualités intellectuelles. Il suffit pour s’en persuader de constater qu’ils

conçurent, expérimentèrent et codifièrent seuls des procédés tactiques inédits.

La prise du col de la Spinarda et la défense de la redoute du col de San Bernardo

constituent des épisodes dignes d’être célébrés, à l’égal des combats pour la demi-

lune du Soccorso à la citadelle de Turin en 1706, ou de la bataille de l’Assiette en

1747.

Mais l’Assiette portait le sceau d’une guerre victorieuse, tandis que la Spinarda

n’était qu’un épisode d’une défaite annoncée : c’est ainsi que les Grenadiers de San

Sebastiano sont encore honorés, mais que les Chasseurs de Colli Ricci ne sont plus

que le souvenir éteint d’une armée vaincue.

L’armée de Victor Amédée III avait été pensée, organisée et équipée pour une guerre

dans la plaine du Pô, une guerre à livrer aux côtés du Royaume de France. Tel était

le propos de Victor Amédée III qui, dès la première année de son règne, avait conclu

un traité d’alliance défensive avec la France en entrant, comme il a été souligné plus

haut, dans la sphère d’influence de ce que l’on a appelé le "Pacte de famille".

Il va de soi que l’ennemi "naturel" devenait l’empire habsbourgeois. Ce n’est pas par

hasard qu’après des années d’une ardeur fortificatrice soutenue, qui s’était

manifestée par d’imposants barrages fortifiés au seuil des passages alpins, que

Victor Amédée III ordonnait la construction du nouveau fort de San Vittorio à Tortona

– technologiquement le plus avancé des forteresses sardes du XVIIIème siècle –

précisément à la frontière orientale du Royaume avec l’Empire et la chancelante

République de Gênes. Bien avant 1785, deux grands centres logistiques, Alessandria

et Tortona, étaient parfaitement opérationnels et en mesure de soutenir les

manœuvres de l’armée royale sur les frontières orientales et dans le Plaisancin.

Les grands théoriciens militaires de Turin, au premier rang desquels Alessandro

Vittorio Papacino d’Antoni, auteur extrêmement lucide et presque prophétique de

Réfléxions préliminaires pour dresser un projet de difensive pour les Etats du Roi, qui

confinent avec La Savoie, Le Dauphiné, La Provence, et la Riviére de Genes, depuis

Ormée jusqu’à Novi71, dans lequel il théorisait la stratégie d’une guerre contre la

France, furent chargés de planifier la guerre contre l’Empire.

71 ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 10 d’addizione. Le document est daté de 1770.

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Papacino d’Antoni se vit obligé de reprendre des rapports vieux désormais de

cinquante ans, qui remontaient à la guerre de succession de Pologne, et de proposer

un plan d’invasion de la Lombardie calqué sur celui de Charles Emmanuel III en

173372.

Pour un affrontement dans la plaine, on pensait avoir raison de l’ennemi en entamant

son dispositif par le feu : ces coups d’estoc devaient être assurés par la puissance de

feu des bataillons.

A la fin des années quatre-vingt du XVIIIème siècle, l'équipement de chaque unité de

l’armée sarde illustrait au plus haut point ce dessein : les officiers et les Sous-

officiers mêmes étaient armés de fusils, comme le reste de la troupe, tandis que les

corps se voyaient dotés d’une artillerie régimentaire avec les pièces de 4 livres "à la

saxonne", conçues par le Grand Maître de l'Artillerie Casimiro Gabaleone di Salmour.

Ces canons avaient une cadence de feu théorique supérieure à dix coups à la minute,

grâce à l'emploi de projectiles sous-calibrés73.

Les compagnies de chasseurs furent pensées pour "préparer" par leur feu la ligne

ennemie aux salves dévastatrices que les bataillons d'Infanterie devaient ensuite

déclencher. Un conflit dans la plaine padane, fondé sur la puissance de feu, sur la

manœuvre ordonnée de brigades entières déployées en ligne et sur l'appui d'une

Cavalerie nombreuse : telle était la guerre que la cour de Turin aurait voulu livrer.

Tout projet, ou modification, concernant l’armement et destiné au combat en

montagne fut invariablement rejeté74.

Mais le Royaume de Sardaigne se trouva devoir mener une guerre contre l’ex-allié,

diplomatiquement isolé, sur le mauvais front. La stratégie de défense linéaire

adoptée pendant la guerre des Alpes est l’aspect le plus manifeste de cette

impréparation technologique et stratégique totale.

Les compagnies de chasseurs, en raison de leur nature même, de leur souplesse

tactique et de la capacité de leurs chefs, furent les unités qui surent le mieux

s’adapter aux nouvelles exigences opérationnelles.

72 ASTO, "Cour", Materie Militari, Imprese, Mazzo 10 d’addizione, Conoissances pour faire la guerre en Lombardie avec des

Remarques Politico-militaires sur la Guerre de 1733 faites par le Commandeur Papacin d’Antony Major General d’Infanterie, Adjutant General de l’Armée et Directeur General des Ecoles d’artillerie et de Fortification. Turin l’an 1782.

73 Cette technique de tir rapide surchauffait le canon en quelques minutes et il fallait baisser la cadence. Le vent entre le calibre du canon et la munition avait pour effet d’accroître notablement la déflagration et surchauffait rapidement les parois du fût. Dans ces conditions, le rechargement en cartouches de papier, de parchemin ou de toile devenait des plus dangereux compte tenu du risque d’auto-inflammation de la charge. Le Baron de Vins, début 1793, ordonna de vernir les charges pour atténuer l’effet de la chaleur, mais les artilleurs piémontais furent vite obligés de recharger ces pièces de manière traditionnelle, en nettoyant l’âme avec de l’eau et du vinaigre et en passant l’écouvillon pour éliminer tout débris incandescent demeuré à l’intérieur. La vitesse de tir, raison d’être des canons "à la saxonne" de Salmour, redescendait alors à la cadence normale d'un à deux coups à la minute.

74 Toutes les innovations et les armes conçues particulièrement en vue de la guerre en montagne, qui auraient pu se révéler des plus utiles dans un tel théâtre d'opérations, furent toujours rejetées par le commandement sarde. Les démêlés liés au rejet du "canon-obusier" de Buttet, ou aux armes expérimentales à "rétro-chargement" du soldat Turina, sont pleins d'enseignements à cet égard (Voir Sterrantino, 1994, pp. 33-64, et Sterrantino, 1995, pp. 7-21).

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REMERCIEMENTS

Je remercie particulièrement le Commandant Roberto Simoncini et le Chef de

Bataillon [H - TDM/SEM] Bruno Pauvert, le Dr. Alberto Di Candia et le Pr. Roberto

Sconfienza. Les thèses formulées dans cet essai leur reviennent en partie, ou sont

issues de mes conversations avec eux.

Mes sincères remerciements s’adressent également à tous les officiers, sous-officiers,

soldats, cantinières de la 1ère compagnie de chasseurs du Régiment d’Infanterie

d’ordonnance nationale Savoie, pour les précieuses journées consacrées à "revivre"

l’Histoire, en leur compagnie.

Je salue enfin affectueusement le Pr. Manlio Calegari sans qui, aujourd'hui, je ne

rédigerais pas d’études sur l'Histoire.

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ANNEXE

Jean Baptiste Rouzier

Jean Baptiste Rouzier est né en 1708 en Languedoc. Il était donc sujet du Roi de

France. On ne sait pas vraiment comment il arriva sur les terres du Roi de Sardaigne,

ni s'il fut soldat ailleurs auparavant. On n’est pas davantage certain si ce nom est

véritablement le sien ou s'il s'agit d'un nom de guerre75. En vieux français, Routier /

Rouzier désigne le mercenaire, le brigand, ou encore l'homme rusé à la longue

expérience, autant de surnoms qui correspondent bien au caractère de ce

personnage.

En 1733, on retrouve Jean Baptiste au régiment d'Infanterie étrangère Desportes.

Dans la mesure où l'armée du Roi de Sardaigne combattait en Lombardie contre

l'Empire Habsbourgeois pendant la guerre de succession de Pologne, aux côtés de

l'armée française, il est possible que Rouzier ait déserté pour rejoindre une unité

piémontaise. Avec le grade de Capitaine, toujours dans ce même régiment

d'Infanterie étrangère76, il prit part à la guerre de succession d'Autriche.

Peut-être protestant, et probablement déjà renommé pour ses talents d'organisateur,

Rouzier fut chargé du commandement d'un corps d'au moins 2.000 miliciens Vaudois

sur le front des alpes occidentales.

Pendant l'été 1742, le Capitaine Rouzier effectua de soigneuses reconnaissances

dans la vallée de la Varaita et, l'année suivante, dans le Val de Suse. Sa

connaissance de ce théâtre d'opérations s'avéra extrêmement utile en 1743 lors des

combats d'octobre à Casteldelfino.

En 1744, le Capitaine Rouzier et ses Vaudois se battent de nouveau en vallée de la

Varaita. Après la défaite de Pietralunga (19 juillet 1744) l'armée de Charles

Emmanuel III redescend dans la plaine de Pignerol, mais la milice Vaudoise de

Rouzier, forte de 1.200 hommes, reste dans le secteur et s'en prend aux arrières de

l'ennemi. Le Capitaine français avec sa troupe pénètre même dans le Queyras,

ravage les villages et rançonne les communautés frontalières : du 20 au 27 juillet

1744, il ne leur extorque pas moins de 13.595 lires. Revenu en Piémont, il est l’un

des commandants de Milice chargés de frapper les lignes de ravitaillement des

français qui assiègent Coni. En coopération avec d’autres bandes de miliciens, ses

incursions ne contribuèrent pas peu à fragiliser les approvisionnements destinés aux

assiégeants de la place forte.

En 1745, il retourne dans le Val de Suse à l’occasion de ce qu’on a appelé la

diversion de Lautrec. Ensuite, pendant la phase initiale de l’offensive française de

1747, Jean-Baptiste Rouzier et ses Vaudois servent de force de reconnaissance et

d’écran de protection pour les troupes Austro-Piémontaises qui rejoignaient le camp

retranché de l’Assiette. L’une des causes des médiocres résultats des

reconnaissances ordonnées par le Chevalier de Belle-Isle est précisément dû à

l’activité des miliciens vaudois dans cette zone.

75 Dans les sources piémontaises, son nom est du reste souvent retranscrit en De Roussier, Rousier, Rozeir, Rosier… 76 Ce régiment fut renommé Audibert le 10 mars 1739, et prit ensuite le nom de Montfort le 6 avril 1746 ; Voir note n° 38.

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Le Capitaine Jean-Baptiste Rouzier acquit une remarquable expérience du combat en

montagne. En raison de sa profonde connaissance du front alpin il fut chargé, à la fin

du conflit, de rédiger une description des itinéraires praticables du territoire

montagneux confinant au Royaume de France, dans l’esprit de constituer un mémoire

en vue d’un éventuel conflit ultérieur. Ce document est intitulé Descripsion des

passages qui se trouvent dans les Alpes qui séparent le Piémont de la France, divise

en deux traittés, dont le premier renferme le cols par lesquels on va en France et le

second contient les passages par lesquels les vallés de Piémont communiquent

entr’elles et avec la Provence et le Dauphiné, par Jean Baptiste Rouzier, capitaine au

Régiment de Monfort, 174977.

Après cette date, on perd la trace de Jean-Baptiste Rouzier.

Gabriel Pictet

Gabriel Pictet naquit à Genève le 8 octobre 1708. Les Pictet étaient l’un des plus

vieilles et plus importantes de la cité. Calviniste de confession, Gabriel suivit les

cours de lettres et de philosophie auprès du collège Calvin de Genève, après

lesquelles, comme nombre des siens, il embrassa la carrière militaire.

Il entra en 1733 dans le régiment genevois de milice Pont levé, avec le grade de

cadet. Son rang social lui permit, en moins d’un an, d’obtenir le grade d’Aspirant,

puis Lieutenant, et enfin commandant de l’unité. En 1734 il rejoignit l’armée sarde,

auprès de l’état-major du Roi Charles Emmanuel III ; il participa à la bataille de

Parme (29 juin 1734) avec le grade de Lieutenant, atteint de plusieurs blessures. A

la fin du conflit, il fut congédié avec le grade de… Lieutenant-Colonel.

Il revint dans l’armée sarde en 1742, lorsque éclata la guerre de succession

d’Autriche, en tant qu’Adjudant Major du Roi et Capitaine au régiment Saluces.

A l’issue, en 1761, il écrivit un traité de tactique de l’Infanterie, sur la base de son

expérience de la guerre. L’ouvrage fut publié à Genève.

Fort bien introduit à la cour, il fut promu en 1764 au grade de Capitaine des

grenadiers du régiment Saluces. La même année, une fois converti au catholicisme, il

fut fait chevalier dans l’ordre des Saints Maurice et Lazare. Le 10 avril 1766, il fut

promu Premier Major puis, le 12 mai 1771, nommé Lieutenant-Colonel du régiment

Saluces.

L’officier genevois jouissait la sympathie du nouveau souverain, Victor Amédée III,

au point de se voir chargé, dès le 5 octobre 1774, de la mission de former la

nouvelle Légion des troupes légères, dont il exerça le commandement quinze jours

plus tard, le 20, avec le grade de Colonel.

En 1778, il était promu Brigadier Général mais, à présent âgé, il demandait au

souverain à être mis à la retraite. Le 24 novembre, Victor Amédée III accordait son

congé à Gabriel Pictet, qui se retira à Genève. Il s’y éteignit quatre ans plus tard, le

2 octobre 178278.

77 ASTO, "Cour", Carte dell’Archivio Segreto, 7 F I ; Gasca Queirazza, 2000, pp. 153-172. 78 A propos de Gabriel Pictet, voir Novello, 1991, pp. 105-112.

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Colloque de Fenestrelle – 5 juin 2004 "Les troupes légères pendant la guerre des Alpes' – Traduction Bruno Pauvert, Grasse le 26 août 2004

Luigi Leonardo Colli Ricci, marquis di Felizzano

Fils de Giacomo Antonio et d’Elisabetta Beccaria, fille de Teresa Ricci – dont il ajouta

le nom au sien – de la lignée des comtes de Solbrito, le marquis Leonardo Antonio

Giuseppe Gaspare Venanzio Colli di Felizzano naquit à Alessandria le 23 mars 1757.

La famille des Colli était une vieille famille alexandrine, dont certains membres

avaient fait partie du Collège des Jurisconsultes de la ville, mais qui n’avait été

anoblie que le 3 septembre 1753, du fait de l’acquisition du fief de Felizzano auprès

du marquis Evasio Sibaldi.

Luigi Leonardo fut destiné très jeune à la carrière militaire : le 10 juin 1773, à seize

ans, il fut enrôlé dans le régiment d’Infanterie d’ordonnance nationale Montferrat

avec le grade d’Aspirant. L’année suivante, le 10 juin 1774, il fut nommé Second

Lieutenant-Aide Major, Lieutenant le 20 juillet 1775, et Capitaine-Lieutenant le 2 mai

1781.

La carrière dans l’armée sarde du jeune marquis, dont la noblesse était plutôt

récente, connut à ce stade un coup d’arrêt et il devint un militaire en demi-solde

avec son transfert dans l’Infanterie provinciale : de fait, il fut le 8 mai 1782 "promu"

Capitaine au régiment d'Infanterie provinciale Pignerol. Quatre ans plus tard, à la

suite des réformes de 1786, il fut muté au régiment Acqui, toujours avec le grade de

Capitaine.

En tant qu'Officier de l'Infanterie provinciale, sa carrière n'aurait sans doute pas

progressé beaucoup, jusqu'à la l'âge de la retraite, si la guerre des Alpes n'avait pas

éclaté, en septembre 1792.

Affecté sur le front de l'Authion, Colli Ricci se révéla être l'un des meilleurs officiers

subalternes de l'armée Sarde. Promu Premier Major au régiment d'Infanterie

provinciale Mondovi le 13 mars 1793, il en exerça le commandement tactique de fait

à Lantosque, le 6 avril 1793, où il repoussa une attaque française.

Après avoir longtemps opéré avec les troupes du 1er bataillon de chasseurs, Colli

Ricci couvrit avec adresse le repli piémontais à la suite de la perte des points

stratégiques de la Tanarda et du Tanarello, en empruntant les cols de Raus et de

Fenestre. Il fut pour ces actions décoré de la Croix des Saints Maurice et Lazare, le 6

avril 1794. Quatre jours plus tard, il recevait le commandement du 2ème bataillon de

chasseurs, l'une des formations les plus efficaces de l'armée sarde. A la tête de ce

corps, il se distingua notamment à la prise du col de la Spinarda, le 27 juin 1795, et

fut cité dans son rapport par le Commandant des troupes piémontaises, le Lieutenant

Général Colli-Marchini. Le 2 mars 1795, il fut promu Lieutenant-Colonel.

A la tête de ses chasseurs, il combattit pendant la seconde bataille de Loano (22-27

novembre 1795), à la défense des redoutes du col de San Bernardo près de Garessio,

et de la Spinarda. Au cours de la retraite sur Ceva, il fut grièvement blessé le 30

novembre à Ronchini. Le 5 décembre 1795, il était promu au grade de Colonel et, le

20 mars 1796, recevait le commandement du Régiment de chasseurs.

A la fin des hostilités, Colli Ricci fit partie des négociateurs de la paix de Leoben (18

avril 1797), à la suite de quoi le nouveau Roi de Sardaigne Charles Emmanuel IV le

plaça à la tête de l'état-major de la Division auxiliaire destinée à intervenir sur le

front lombardo-vénète aux côtés de l'armée française.

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Muté à la place forte d'Alessandria, il prit part aux combats au sein des forces de la

République Ligure en commandant les troupes légères, expulsant l'ennemi de

Carrosio (9 juin 1798). Le 7 décembre 1798, tandis que les français occupaient la

citadelle de Turin, cantonné au parc du Valentino avec les compagnies régimentaires

de chasseurs, il demanda en vain l'autorisation de monter à l'assaut des

fortifications.

Connu et apprécié des chefs français, il lui fut accordé de demeurer dans l'armée

sarde, désormais intégrée dans l'armée française, avec le grade d'Adjudant Général.

Son oncle, Vittorio Alfieri, critiqua vivement ce choix et l'invita à se libérer du lien

qu'il avait contracté avec des esclaves parlant de liberté.

L'année suivante, le 5 mai 1799, il était nommé Général de Brigade, suivant Joubert

et Moreau au sein de la nouvelle Armée d'Italie. Il se distingua à la bataille de

Bassignana (12 mai), à la première bataille de Marengo (16-20 mai), et à Novi le 15

août. Commandant de la retraite de Novi vers Pasturana, il fut blessé et fait

prisonnier par les autrichiens, qui l'internèrent d'abord à Graz, puis en Hongrie.

L'amitié personnelle de Moreau, de Deselles, de Grouchy et de Grenier lui valut

d'être échangé, et il reprit le service le 18 décembre 1800 au sein de la Division

Loison. A nouveau au combat, il se signala en 1801 à Salionze, sur le Mincio.

Chef d'état-major de la 27ème division militaire (administration du Piémont), il sut

mettre fin à une insurrection militaire à Turin. C'est pour cette raison que Napoléon

Bonaparte, Premier Consul, l'appela à Paris où, le 14 septembre 1802, il fut promu

Général de Division et nommé à la tête de la 23ème division militaire (Corse) ; il se vit

attribuer une récompense de 300.00 francs en terres nationales.

Ses liens d'amitié avec Moreau l'obligèrent à s'éloigner du service actif, et il se retira

officiellement le 31 mars 1806. Il s'éteignit le 31 mars 1809 à Alessandria.

Il s'agit sans aucun doute de l'un des plus adroits et courageux soldats piémontais

du XVIIIème siècle. Une des casernes d'Asti porte son nom, qui est gravé sur la face

sud de l'Arc de Triomphe à Paris.

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BIBLIOGRAPHIE

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sols par lesquels on va en France et le second contient les passages par

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Provence et le Dauphiné, par Jean Baptiste Rouzier, capitaine au Régiment

de Monfort, 1749, Carte dell’Archivio Segreto, 7 F I ;

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– Precis des Attaques faites le 25, et le 27 juin 1795 par les Troupes aux

ordres de S.M. le Lieutenant Général Baron Colli, Materie Militari, Imprese,

Mazzo 11 d’addizione.

– Copie du Rapport de M.r d’Albion, Major du Régiment d’Oneille à Mons. le

Baron Streng Commandant les Troupes dans la Vallée de Sture de

l’expedition du 29 au 30 juillet faite contre l’Ennemi au Camp de S.te

Anne. Datée Vinay le 30 juillet 1795, Materie Militari, Imprese, Mazzo 11

d’addizione.

– Precis des Attaques faites le 25, et le 27 juin 1795 par les Troupes aux

ordres de S.M. le Lieutenant Général Baron Colli, Materie Militari, Imprese,

Mazzo 11 d’addizione.

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– Copie de Rapport de M.r d’Albion, Major du Régiment d’Oneille à Mons. le

Baron Streng Commandant les Troupes dans la Vallée de Sture de

l’expedition du 29 au 30 juillet faite contre l’Ennemi au Camp de S.te

Anne. Datée Vinay le 30 juillet 1795, Materie Militari, Imprese, Mazzo 11

d’addizione.

– Copia della relazione del Sig. Marchese di Sommaria in data di Susa li 27

agosto 1795, Materie Militari, Imprese, Mazzo 11 d’addizione.

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compilata dagli Avvocati Felice Amato e Camillo Duboin proseguita dall’Avvocato

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� AMATO-DUBOIN 1865 : Raccolta per ordine di Materie delle Leggi cioè Editti,

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1798 dai Sovrani della Real Casa di Savoia dai loro Ministri, Magistrati, Ecc.

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