JAMIE OU LA VRAIE VIE

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CLAIRE TARIEL WALKER

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récit romanesque des déboires amoureux d’une jeune femme enrôlée dans l’armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale

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Claire Tariel Walker

«lorsque Jamie arriva devant la maison, elle s’arrêta. Ainsi c’était là que vivait Jason? Enfin, s’il n’y avait pas d’erreur. Elle pressa ses deux mains sur son cœur qui bat-tait à tout rompre et se força à respirer calmement. Ce Jason C. Mac Douglas était-il bien le Jason qu’elle cher-chait maintenant depuis deux ans? Tous les renseigne-ments qu’elle avait pu obtenir correspondaient bien. Ar-rivait-elle enfin au bout de sa quête? Pour le savoir, il lui suffisait de traverser la rue et de frapper à la porte.»Le récit romanesque des déboires amoureux d’une jeu-ne femme enrôlée dans l’armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale. Sa descente dans l’enfer de la drogue et son retour à la «vraie vie»…

Claire Tariel Walker est mariée et mère de trois enfants. Mi-crobiologiste de formation, elle a travaillé douze ans dans la recherche agro-alimentaire avant d’être mère au foyer. Elle si-gne un deuxième ouvrage après avoir publié iliora ou la vraie liberté.

CHF 19.90 / € 15.00ISBN 978-2-940335-45-9

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Table des matières

1. Sauvetage ..........................................................................9

2. Engagement ...................................................................15

3. Auxiliaire ........................................................................25

4. Nouvelle-Guinée ...........................................................33

5. Rencontre .......................................................................45

6. Guerre .............................................................................57

7. Epreuve ...........................................................................69

8. Disparition .....................................................................79

9. Retour..............................................................................87

10. Février 1946 ..............................................................101

11. Recherches .................................................................111

12. Retrouvailles ............................................................. 121

13. Descente aux enfers ................................................ 129

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14. Rédemption .............................................................. 137

15. L’espérance ............................................................... 153

16. Une nouvelle vie ...................................................... 163

Remerciements ............................................................... 173

Annexe .............................................................................. 175

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Sauvetage

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Lorsque David pénétra dans la cave, il fut assailli par une odeur nauséabonde. Un relent d’ urine parvint à ses narines et il ne put réprimer une grimace de dégoût.

Une faible clarté pénétrait dans la pièce à travers une lucarne couverte de poussière. C’ était une cave, comme beaucoup d’ immeubles en avaient à Chicago. Enterrées à mi-hauteur, elles possédaient des lucarnes qui s’ ouvraient au ras des trottoirs de la ville.

Cependant, la lumière du jour n’ y entrait pas suffisam-ment et David dut allumer sa lampe torche qu’ il avait tou-jours avec lui lorsqu’ il était en mission.

Le faisceau de lumière fit fuir un rat et un long frisson parcourut le dos de David. Décidément, il ne s’ y habituerait jamais.

La lumière de sa lampe révéla un mobilier des plus som-maires. Une caisse retournée servait de table et une bougie enfoncée dans le goulot d’ une bouteille en était l’ ornement. Une boîte de gâteaux à moitié entamée traînait par terre. Des détritus jonchaient le sol et une odeur de pourriture

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stagnait dans la pièce. Les murs suintaient l’ humidité et l’ endroit était lugubre.

David continua son inspection et il découvrit un grabat dans le coin le plus reculé de la pièce. Il s’ en approcha ra-pidement et s’ agenouilla auprès de la forme allongée qu’ il devinait sous les couvertures.

– Oh mon Dieu, murmura-t-il, le cœur serré.Son regard fit le tour du matelas et il trouva ce qu’ il cher-

chait. Tout le matériel nécessaire pour se droguer traînait à terre.

Avec des gestes empreints de douceur, il écarta les che-veux sales et poisseux qui couvraient la figure de la loque humaine qui gisait là, inconsciente. Le visage d’ une jeune femme apparut. Marquée par le masque tragique des pré-mices de la mort; les yeux enfoncés dans les orbites auréo-lés de larges cernes violets, le visage exsangue et les nari-nes pincées.

– Pourvu qu’ il ne soit pas trop tard, pensa David.Il prit le pouls de la jeune femme d’ un geste profession-

nel et poussa un soupir de soulagement. Il percevait un fai-ble battement.

Il se redressa et appela son collègue à l’ aide de son talkie-walkie. Willy était resté en haut dans la rue, auprès de leur véhicule de secours, en attendant l’ appel de David.

– Viens vite avec le brancard, il y a quelqu’ un en bas, dit-il brièvement.

Il se pencha de nouveau sur la forme recroquevillée et essaya d’ évaluer l’ âge de la jeune femme qui gisait là.

Elle devait avoir entre 20 et 30 ans. C’ était difficile d’ être plus précis vu l’ état dans lequel elle se trouvait.

D’ une maigreur extrême, elle flottait dans de vieux vê-tements sales. David releva une des manches du pull-over qu’ elle portait et hocha la tête tristement. Vu le nombre d’ hématomes qui couvraient ses bras, elle devait se droguer depuis pas mal de temps, pensa-t-il en son for intérieur.

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Sauvetage

Il ôta la couverture qui la couvrait et c’est alors qu’ il aper-çut un cadre que la jeune femme tenait contre elle. David l’ attrapa et dirigea le faisceau de sa lampe sur la photo qu’ il contenait. Un couple en uniforme militaire se tenait tendre-ment enlacé devant un avion de combat.

Ses regards se portèrent sur la jeune femme qui souriait à l’ objectif. Se pouvait-il que ce soit la même que celle qu’ il avait devant lui? Cela semblait difficile à imaginer. Un sou-rire éclatant de bonheur faisait resplendir de joie un visage fin aux traits réguliers. Elle portait l’ uniforme du corps d’ armée féminin et son calot posé sur des cheveux bruns coupés courts, lui donnait un air mutin. David poussa un soupir.

– Encore cette fichue guerre! ne put-il s’ empêcher de penser.

Elle devait être fiancée au jeune pilote qui l’ entourait de son bras protecteur et, très certainement, il avait dû mourir au combat, comme tant d’ autres. Elle n’ avait pas dû sup-porter sa mort et sa vie avait basculé. Recherchant l’ oubli illusoire dans la drogue, elle s’ était fait piéger comme tous les autres. Des histoires dramatiques comme celle-là, il en entendait à longueur de journée au centre dans lequel il travaillait.

Il porta alors son attention sur le jeune pilote et détailla son visage. Il fronça les sourcils et regarda plus attentive-ment en braquant la lumière de sa lampe sur la photogra-phie. Il lui semblait reconnaître le jeune homme.

– ça alors! Il ressemble à Jason Mac Douglas, pensa-t-il.Mais non, ce ne pouvait pas être lui. Ils avaient été à

l’ université ensemble avant la guerre, alors qu’ ils faisaient tous deux de brillantes études. David devait certainement être victime d’ une troublante ressemblance. Quoique, en y réfléchissant bien, cela faisait longtemps qu’ il n’ avait pas eu de nouvelles de Mac Douglas. Il avait été appelé à la guerre, comme tous, et justement… David réfléchissait. Cela lui re-

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venait maintenant, Jason n’ avait-il pas été pilote? C’ est alors que les yeux de David se posèrent à nouveau sur la photo-graphie et qu’ il remarqua ce qu’ il n’ avait pas vu au premier abord, trop occupé à détailler les visages.

En bas à droite de la photo, il y avait une dédicace écrite à la main.

De Jason à Jamie - décembre 1944 -

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il devait s’ agir de Jason Mac Douglas. Mais qui donc était Jamie?

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Engagement

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Jamie n’ en pouvait plus. Elle était au bord de l’ épuise-ment. Des étoiles dansaient devant ses yeux, la sueur dé-goulinait sur son visage et sur le reste de son corps, sa bouche était desséchée, ses poumons étaient en feu et son cœur battait à tout rompre. Mais elle ne s’ écroulerait pas, elle tiendrait bon, foi de Jamie! Elle serra les dents et s’ es-suya le visage avec sa manche. Ce faisant, elle y laissa une traînée de boue supplémentaire.

Allongée à plat ventre, elle évalua le chemin qui lui res-tait à parcourir: se faufiler sous les fils de fer barbelés, cou-rir dans une mare d’ eau, puis monter sur un mur à l’ aide d’ une échelle de corde puis sauter de l’ autre côté. Alors seu-lement elle serait arrivée au bout de ses peines… enfin, pour aujourd’ hui. Où allait-elle puiser l’ énergie nécessaire pour effectuer tout ça? Se demanda-t-elle.

Elle tourna la tête et aperçut une de ses compagnes à ses côtés. Ce qu’ elle vit lui donna envie de rire. Elle devait ressembler à peu près à la même chose! Cheveux collés par la sueur, face maculée de boue, traits tirés par la souffrance,

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mais dans leurs regards on pouvait lire la même détermina-tion, la même rage qui les faisait tenir.

Le sergent chargé de leur entraînement, congestionné sous le soleil implacable de ce mois d’ août, continuait de hurler ses ordres.

– Allez, plus vite, dépêchez-vous, bande de fainéantes! Je vous avais bien dit que vous étiez des incapables! Rentrez chez vous mesdemoiselles, l’ armée n’ a pas besoin de vous!

Le pauvre sergent commençait à en avoir par-dessus la tête de former toutes ces femmes. Cela faisait maintenant un an qu’ il était affecté à Fort-des-Moines, en fait depuis le premier recrutement des Women’ s Army Auxiliary Corps en juillet 1942. Lorsqu’ en juillet 1943, les auxiliaires fu-rent intégrées officiellement au corps d’ armée américain, le nombre des auxiliaires ne cessait d’ augmenter et les jeunes femmes s’ étaient réengagées massivement.

Il pouvait bien s’ époumoner autant qu’ il le voulait, ses paroles n’ affectaient pas les plus déterminées, dont faisait partie Jamie. Oh, c’est sûr que le soir même, certaines plie-raient bagages. Mais pas Jamie, elle en avait décidé autre-ment. Alors, s’ encourageant mutuellement d’ un clin d’ œil, Suzan et elle repartirent en rampant afin d’ en finir avec ce parcours. Elle rêva à la bonne douche qui l’ attendait et sur-tout à son lit! Elles avaient beau être 35 par chambrée, son lit et son armoire, c’était son coin à elle!

Exténuée mais heureuse d’ arriver au bout et surtout de prouver au sergent qu’ elle en était capable, Jamie se rangea dans les rangs. Il fallut attendre que les autres filles aient fini pour qu’ enfin elles reçoivent l’ ordre tant attendu.

– Compagnie! Garde à vous! Hurla le sergent. Au rapport à 19 h 00. Et je vous préviens, gare à celles qui seront mal notées! Rompez les rangs!

Il n’ en fallait pas plus aux auxiliaires pour se diriger vers le baraquement qui leur était attribué.

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Engagement

La plupart traînaient les pieds, celles au bord de l’ épuise-ment étaient soutenues par d’ autres plus robustes, mais pas une seule n’ avait la force de courir.

Jamie fut une des premières à arriver aux douches. L’eau chaude faisait du bien à ses muscles endoloris, mais elle ne s’ attarda pas afin d’ en laisser un peu aux autres!

Par contre elle souffrait de ses pieds meurtris. En effet ses chaussures n’ étaient pas à sa taille, elles avaient deux pointures de plus! Et c’était la plus petite paire qu’ on ait trouvée. En fait, les WAC portaient des uniformes d’ hom-mes, l’ intendance de l’ armée n’ arrivant pas à faire face, vu le nombre de jeunes femmes engagées. Les vestes étant taillées pour des hommes, les femmes avaient bien du mal à y rentrer leurs rondeurs! Sans parler des pantalons! Heureusement Jamie était mince et avec son 1,60 m elle n’ était pas la plus mal lotie.

Revigorée par la douche, Jamie retourna au dortoir dans l’ espoir de se reposer un peu. Ce qui n’ était pas évident parmi les 35 auxiliaires qui s’ agitaient dans tous les sens.

Il y avait celles trop fatiguées qui s’ étaient affalées sur leur lit, d’ autres qui pleuraient, soit d’ épuisement, soit de déception d’ avoir échoué au test de la journée, d’ autres qui avaient des sujets de conversation inépuisables, et celles qui s’ empressaient d’ écrire. Jamie quant à elle, s’ allongea sur son lit en grimaçant de douleur. Elle ferma les yeux et se laissa bercer par le brouhaha environnant, et laissa ses pensées vagabonder.

Cela faisait tout juste deux semaines qu’ elle était arrivée au centre de formation des Women’ s Auxiliary Corps. Elle ne regrettait pas sa décision de s’ engager. C’ est sûr qu’ elle ne s’ attendait pas à ce que cela soit facile; c’était pire même que ce qu’ elle avait imaginé! Mais elle tiendrait bon, elle se l’ était promis, tout d’ abord pour elle-même, mais aussi pour prouver à ses parents qu’ elle ne s’ était pas trompée.

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Une chaude tendresse l’ envahit en pensant à eux. Pourtant ils avaient tout fait pour la dissuader de s’ enga-ger. Ils étaient effrayés à l’ idée de perdre leur fille. Vivian Bauer avait toujours soutenu et encouragé sa fille dans ses projets, mais cette fois-ci, c’était au-delà de ses forces. John, son père, ou plus exactement son beau-père, professeur de mathématiques à l’ université, était toujours un peu perdu dans ses pensées, mais il redescendait sur terre lorsqu’ il était question de Jamie. Bien qu’ il ne soit pas son vrai père, il l’ aimait comme si elle était sa propre fille. Il l’ avait adop-tée lorsqu’ il avait épousé Vivian. Jamie avait alors 3 ans et depuis, il avait toujours été là, attentif à ses côtés. Jamie le revoyait, assis auprès du feu, une pipe vissée au coin de la bouche, ses lunettes en équilibre sur le bout du nez. Et toujours la même petite phrase qu’ il lui lançait quand elle rentrait à la maison le soir:

– Alors ma fille, qu’ as-tu fait aujourd’ hui?Du plus loin qu’ elle se souvenait, c’était toujours le même

cérémonial après sa journée d’ école. Et lorsque plus tard elle devint étudiante, le rituel fut identique. Et si, petit fille, elle racontait ses malheurs de la journée, avec le temps, cela prit des allures de grandes discussions. Jamie savait qu’ elle pouvait aborder tous les sujets qui lui tenaient à cœur, les grandes questions sur la vie, la religion, la politique, tout y passait. Et c’est ainsi qu’ au fil du temps John et Jamie avaient tissé ces liens d’ amour, plus profonds peut-être qu’ entre un père et sa fille.

Avec sa mère, la complicité qui régnait entre les deux femmes de la maison était d’ un tout autre ordre. Vivian avait tout naturellement partagé ses secrets de cuisine et autres, qu’ elle tenait elle-même de sa mère et qui se trans-mettaient ainsi de génération en génération, de mère en fille. Jamie se souvenait avec délectation des scones, muf-fins et autres cookies que sa mère préparait à son inten-tion et qu’ elle dégustait encore tièdes, avec application. Elle

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Engagement

crut en sentir la bonne odeur lui chatouiller les narines. Elle ouvrit un œil et elle constata que l’ agitation qui régnait dans le dortoir n’ avait pas cessé, aussi le referma-t-elle bien vite. C’ était bien ce qu’ elle pensait, elle était le jouet de son imagination!

Si Jamie était une jeune fille bien élevée aujourd’ hui, c’était bien grâce à Vivian. Outre le fait qu’ elle cuisinait très bien, elle savait dresser une table comme il convenait et elle était capable de recevoir les professeurs émérites ainsi que le doyen de l’ université. Elle savait tenir une conversation et connaissait les bonnes manières, bref elle serait une épouse parfaite, Vivian n’ en doutait pas. Vive et curieuse de tout, Jamie avait toujours le mot gentil ou plein d’ humour qui faisait son charme. Les Bauer pouvaient être fiers de leur fille.

Aussi lorsqu’ elle leur annonça son intention de s’ enga-ger, ses parents restèrent pétrifiés. Ils ne la comprenaient plus.

– Avec ton diplôme d’ enseignement auprès des enfants, tu pourrais travailler tout de suite, argumenta John.

– Tu risques de te faire tuer, ne put se retenir de s’ ex-clamer sa mère en essuyant une larme avec le coin de son tablier.

– Tu es une fille, cela ne te concerne pas, laisse la guerre aux hommes, renchérit John.

– Mais vous ne comprenez donc pas que nous sommes tous engagés dans ce conflit mondial? Je ne peux pas res-ter là les bras croisés alors que mes amis sont peut-être en train de se faire tuer!

– Mais que peux-tu faire Jamie, tu ne peux pas régler cette affaire à toi toute seule!

– Je sais Pa’, mais je peux au moins me rendre utile en m’engageant parmi les auxiliaires. Tu sais elles accomplis-sent un travail extraordinaire, dit-elle avec toute sa fougue habituelle.

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Mais rien n’ y fit, ses parents restèrent hostiles à sa déci-sion et pour la première fois, un mur d’ incompréhension se dressa entre eux. Mais Jamie demeura intraitable quant à sa décision. Depuis l’ attaque sur Pearl Harbor le 7 décem-bre 1941 qui avait traumatisé la population américaine qui croyait son armée invincible, puis l’ entrée en guerre des Etats-Unis impliquant la conscription de tous les jeunes hommes, rien n’ était plus pareil, tout avait été chamboulé.

Comment expliquer à ses parents qu’ elle n’ en pouvait plus de cette petite vie bien à l’ abri, bien ordonnée alors que le monde autour d’ eux était en plein chaos? Qu’ espéraient ses parents? Que Paul, son ami d’ enfance, revienne de la guerre et qu’ ils se marient?

Oh, elle savait très bien que ses parents avaient déjà tout organisé dans leur tête. Paul et Jamie se marieraient, ils ha-biteraient une petite maison, auraient des enfants et Jamie arrêterait d’ enseigner pour se consacrer à sa famille. C’ était leur idée, mais ce n’ était pas son plan à elle! Comment leur faire comprendre sans les blesser?

En pensant à Paul, elle fut agacée. Après tout, il ne s’ était jamais déclaré, n’ avait jamais eu le moindre geste équivo-que envers elle et il ne lui avait pas demandé de l’ attendre lorsqu’ il était parti rejoindre son régiment. Il était juste pré-venant et attentif lorsqu’ ils passaient une soirée ensemble. Ils fréquentaient les mêmes amis et se voyaient souvent et tous, d’ un accord tacite, laissaient toujours une place pour Paul à côté de Jamie, rien de plus. Mais ses parents aimaient bien Paul et ils auraient voulu qu’ il devienne leur gendre. Elle avait beaucoup d’ affection pour lui, il était posé et ré-fléchi et elle aimait bien parler avec lui. Mais est-ce que cela suffisait pour passer toute une vie ensemble? Jamie rêvait d’ une vie un peu plus mouvementée, plus aventureuse, aux côtés d’ un mari qui lui ferait palpiter le cœur, ou n’ était-ce que dans les romans que cela arrivait? D’ où lui venait cette passion qu’ elle sentait bouillonner en elle?