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Rach 3 Jacques Peltier

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Rach 3

Jacques Peltier

17.54 634154

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 222 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 17.54----------------------------------------------------------------------------

Rach 3

Jacques Peltier

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À Sergueï Rachmaninov, pour les moments magnifiques passés en sa compagnie, Aux Chers Disparus.

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Remerciements

Un immense merci à Manida, Florent, Pierre et Josiane, Bernard, Marc et Carine, Patrice et Sylvie, pour leurs remarques et leurs encouragements.

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« La musique suffit à une vie tout entière, mais une seule vie ne suffit pas à la musique. »

Sergueï Rachmaninov

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I

Maxime s’enfonçait lentement dans l’abîme obscur et silencieux. Il glissait sans effort, sans un geste, planant comme une raie dans cette froide immensité. Tout autour, des ombres terrifiantes tendaient vers lui leurs bras macabres et torturés. L’appelaient-elles à l’aide ? Tentaient-elles de l’agripper pour le retenir, ou l’entraîner davantage encore ? Il percevait peu à peu le tourment de ces âmes éperdues, entendait leurs gémissements sinistres. Pourtant il ne les craignait pas ; bientôt, leurs misérables suppliques berceraient son sommeil immortel et mêleraient au sien leur terrible désespoir.

Au loin, un clavier entonna une mélodie familière et mélancolique. Le jeune homme se retourna ; là-bas, le chant de la vie voulait le retenir. Il hésita. À quoi bon prolonger ses souffrances et tant de frustration ? Ce piano qui l’appelait n’était-il pas la cause de son malheur, le terreau de son désir funeste ?

Dans un soupir, il décida de franchir les portes

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du temps. Son corps se relâcha, sa vie l’abandonna ; ses souvenirs, délaissant cette vacuité, quittèrent peu à peu leur hôte charnel, lui susurrant dans un dernier hommage des bribes de son histoire.

« As-tu un piano à la maison, Maxime ? » Redevenu enfant, il fut paniqué par ces mots

anodins. Fallait-il avouer à ce professeur la triste vérité ? Révéler que, des années durant, il avait demandé à devenir pianiste ? Qu’il n’envisageait pas d’autre carrière ? Que le temps qui s’écoulait irrémédiablement l’avait chaque jour éloigné de cette espérance et le mettait au martyre ?

Pour son premier cours, il craignit que sa réponse ne différât le moment tant attendu ; il ressentit la détresse du naufragé qui, apercevant un navire à portée de la main, devine qu’il ne s’arrêtera pas. Alors il s’inventa un piano et commença dans un mensonge l’apprentissage de la musique.

Comme le vent répand dans l’air la délicate fragrance du printemps, sa mémoire évanescente souffla sur lui les moments merveilleux où, prenant ses leçons, ses mains et ses doigts se mettaient à produire des sons. Son âme frissonna de plaisir et se remplit de l’amour qui l’avait envahie chaque fois.

« Maxime, ne t’enfuis pas ! Ta vie ici-bas n’est pas terminée ; ton rêve peut encore s’accomplir… »

Il s’efforça d’écarter ce mystérieux murmure et préféra se bercer des douces images que la mort, en s’installant, lui procurait. Dans un halo diaphane, il se

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vit à cinq ans, jouant une sonate. À cet âge, la rambarde du balcon, la table du salon et même le rebord de son lit se muaient par magie en claviers imaginaires que ses doigts parcouraient avec vélocité.

« Maxime, écoute-moi ! Le suicide est un leurre qui ne t’apaisera pas.

– Pourquoi me torturer, toi qui t’adresses à moi ? Sais-tu seulement ce qu’a été ma vie ?

– Je vois un enfant devant ses partitions, qui s’exerce en silence sur une table de cuisine. »

Tout à coup, de subtiles odeurs de soupes, d’épices et de grillades se mêlèrent à des tintements de casseroles et d’ustensiles en tout genre. Dans cette voluptueuse réminiscence, Maxime entendit à nouveau la frappe de ses doigts sur la toile cirée, les sonorités secrètes que son jeu silencieux dévoilait à son imagination. Il y reconnut les premiers morceaux qu’il avait étudiés, ouvrit avec émotion les Classiques favoris du piano, relut avec délice les annotations faites au crayon par son professeur : « crescendo », « plus vite », « bravo ! »…

Son professeur ! Qu’était-il devenu ? Se souviendrait-il seulement de lui aujourd’hui ? Dire que pendant près d’un an il ne s’était douté de rien !

« J’étais doué, je crois… – Tu avais du talent, un don musical exceptionnel. – Et pourtant, que suis-je maintenant ? L’esquisse

d’un cadavre anonyme que la dépression va perdre dans l’oubli.

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– Maxime, reviens ; ton rêve peut encore s’accomplir…

– De quel rêve parles-tu ? Qui me rendra ces années perdues, le piano que je n’ai jamais eu, le succès que j’aurais dû connaître ?

– Écoute ces notes sublimes, laisse-les doucement te soustraire au néant. Cette mélodie ne t’est pas inconnue ; elle qui fut une fin, laisse-la te conduire vers le renouveau. »

La musique se fit plus nette, plus pressante aussi. « Chopin, sa Valse en si mineur… Quel souvenir

pathétique ! Qui es-tu, compagnon de mon infortune ? Qui t’a raconté cette pénible histoire ?

– Je suis… » Maxime sentit une douleur atroce ; il semblait que

son cœur glacé, reconnaissant ces vibrations, puisait dans leur intensité une énergie nouvelle, refusait le sort auquel on voulait le soumettre et versait dans un dernier sursaut, une ultime bataille, les rares gouttes de vie qui lui restaient encore. Malgré lui, le jeune homme se sentit aspiré par un grain de lumière dont l’éclat éblouissant grossissait à vue d’œil. Ses tympans se remplirent de l’afflux de son sang, de violents battements martelèrent sa poitrine, une intense chaleur submergea tous ses membres.

« Dis-moi ton nom, je t’en supplie… » Pour toute réponse, il fut saisi par un geste brutal,

entendit les grognements d’une foule rampante. Des voix de suppliciés poussèrent des cris de bêtes ; des ailes

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maléfiques frôlèrent son visage dans un bruissement lugubre tandis qu’un chant funèbre résonnait dans la nuit. Il tenta de se débattre, horrifié par ces êtres qu’il devinait maudits, mais une force implacable le maintint sous son joug.

« Est-ce là le sort des suicidés ? – Non, c’est celui de ceux qui n’ont pas de

pardon. Retourne d’où tu viens, Maxime ; une chance t’est offerte d’échapper à ce monde et d’accomplir ton rêve. Ne la laisse pas passer.

– Ô messager des ténèbres, dis-moi seulement ton nom, que je prie pour celui qui va sauver ma vie !

– Va, ne t’égare pas, préserve ton âme de ce lieu de tourments… »

Le son d’un souffle s’évanouit dans l’obscurité. L’étreinte se desserra. Tout redevint paisible.

Les paupières toujours closes, le jeune homme tenta de rassembler ses idées. La confusion dans laquelle son coma l’avait plongé engendrait un flot de questions énigmatiques et angoissantes qui se fracassaient sans relâche comme des vagues sur la grève. Était-il mort ou bien vivant ? Son âme errait-elle toujours dans ces limbes effroyables où des créatures à l’affût l’observaient sans un bruit ?

La chaleur de sa respiration réchauffa son visage. Cela le rassura.

Pendant un long moment, son esprit flâna mollement dans le songe qui l’avait habité ; les mots qui l’avaient écarté des rives du trépas lui chantaient

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un refrain réconfortant. L’espérance d’une vie meilleure emplissait ses pensées. Elle lui redonnait le goût de l’existence.

Pourtant, bien des choses lui échappaient encore. Que faisait son âme dans ces contrées hostiles ? Pourquoi devait-il « échapper à ce monde » ? Qui avait bien pu lui porter secours ?

Un chuchotement furtif l’arracha de sa torpeur. « Maxime, pardonne-moi, je dois te sauver. » Un frisson d’épouvante parcourut son échine. Il

voulut se redresser, mais en vain. Il ouvrit les yeux. Étrangement, il ne distingua rien. Scrutant

intensément le noir qui l’enveloppait, il y chercha des formes, des lueurs, des repères. Sa vue se perdit dans un gouffre insondable ; il lui sembla baigner dans une encre opaque, dense, étouffante. La moiteur de son souffle devint insupportable. Il suffoqua.

Croyant qu’il se noyait, il agita les bras et sentit qu’un tissu entravait ses mouvements. Quoi ? Un linceul l’enserrait-il déjà ? L’aurait-on enterré sans qu’il s’en rendît compte ?

D’un geste désespéré, il parvint à se libérer. Un courant d’air glacé pénétra ses poumons.

À travers une fenêtre ouverte, la lune pleine irradiait de son ventre laiteux le froid polaire qu’il faisait dans la pièce. Maxime la contempla comme un condamné qui vient d’être gracié. Entièrement nu, grelottant, il décida de se mettre sur pied. Il se leva prudemment, referma la

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fenêtre et se drapa de nouveau de l’étoffe qui l’avait recouvert.

Épuisé par ce qu’il venait de vivre, il s’allongea dans le canapé et s’endormit profondément.

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II

Maxime ouvrit les yeux. Un soleil généreux baignait de ses rayons le living

où il s’était assoupi, procurant une tiédeur inhabituelle pour un mois de janvier.

Lové sur le canapé, bien au chaud dans sa couverture, le jeune homme contempla cette lueur intense dont l’éclat pénétrant le réconfortait des épreuves qu’il avait endurées.

Il hésitait à se lever ; d’un côté, son corps tout entier souhaitait prolonger ce moment de bien-être. Mais son esprit, attisé par des souvenirs qui refaisaient surface, lui ordonnait de se mettre debout.

Il décida de s’asseoir. Le murmure discret qu’il avait entendu lui revint

en mémoire. Maintenant qu’il était éveillé, il venait à douter des sensations qu’il avait éprouvées et des mots qu’on avait pu lui dire. Pourtant, sa poitrine douloureuse semblait témoigner qu’il n’avait pas rêvé.

« Tu m’as dit que j’allais vivre mon rêve… N’étais-tu qu’un écho de mon délire morbide ? Ou sinon, comment dois-je m’y prendre ? »

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Il parla à voix basse, regardant alentour, ne sachant plus s’il s’adressait à lui-même ou à l’impalpable créature qui avait formulé ce merveilleux présage.

Quelques accords jaillirent dans ses pensés. Il reconnut la mélodie qui, dans la nuit, s’était évertuée à lui sauver la vie.

« Elle qui fut une fin, laisse-la te conduire vers le renouveau… »

En prononçant ces mots venus d’un autre monde, Maxime ne put réprimer une amère grimace ; comment cette valse maudite pourrait-elle un jour le combler de bonheur ?

Des images anciennes l’inondèrent soudain ; il entendit la voix de son professeur de piano, comme s’il s’était trouvé juste à côté de lui.

« Eh bien, Maxime, je crois que tu es prêt pour ta première valse de Chopin… »

Se laissant glisser dans ce passé lointain, il frémit à nouveau de fierté et de joie. Jouer Chopin ! C’était le graal du débutant, l’admission au cercle des vrais pianistes !

Chopin… Un nom admirable que même ses parents connaissaient ; une évocation dont la magie provoquerait enfin la venue d’un piano ! Car depuis près d’un an qu’il répétait en silence, qu’il tentait de faire comprendre à quel point cet achat s’avérait impérieux, il obtenait la même réponse :

« C’est trop tôt, Maxime, tu dois attendre encore un peu. »

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Pour pallier cette cruelle absence, il avait mis au point une méthode infaillible. Il commençait par mémoriser la partition en débutant par la main droite ; puis il poussait sa concentration à visualiser le clavier, de façon à ce que chaque note, chaque accord qu’il venait d’apprendre y trouve mentalement sa place. Il soumettait ensuite à la même discipline le travail de sa main gauche.

La table de cuisine, dont la toile cirée rendait le toucher moelleux et rebondi, accueillait les mouvements de ses doigts, produisant des sons mats et monocordes, comme des gouttes d’eau sur un bout de carton. Maxime le savait : ces notes en gestation s’envoleraient bientôt, un enchantement leur donnerait une âme. Il suffisait d’attendre le prochain cours…

C’est ainsi qu’il avait jusque-là franchi toutes les difficultés sous l’œil intransigeant de son professeur. Sans jamais rien révéler de son stratagème.

Pour cette valse dont la complexité surpassait tout ce qu’il avait jamais tenté, des complications survinrent lorsqu’il voulut marier les deux mains. Des contraintes techniques inattendues s’amplifièrent d’un engagement mental qu’il avait sous-estimé. Il eut beau s’investir dans chaque répétition jusqu’à l’épuisement, s’isoler aussi dans un endroit plus calme, il dut se rendre à l’évidence : il ne dominerait plus cet exercice qu’il avait jusque-là parfaitement maîtrisé.

Au bout de quelque temps, l’inéluctable se produisit ; la mélodie qu’il présenta fut trop imparfaite

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pour recevoir l’approbation habituelle. Dans un sanglot désespéré, il s’entendit avouer l’impensable.

Après l’avoir fait répéter pour être certain d’avoir bien compris, son professeur dit simplement :

« Demande à ta maman de t’accompagner la semaine prochaine. »

La conversation fut chaleureuse. Le professeur expliqua que Maxime avait un don et une maturité qu’il n’avait jamais rencontrés. Il lui demanda de jouer et évoqua la possibilité de faire carrière. Il insista pour qu’un piano fût trouvé au plus vite et proposa même son aide.

Le soir, alors que Maxime tentait de trouver le sommeil dans le tohu-bohu de ses réflexions, son père entra doucement dans sa chambre et s’assit sur le bord de son lit.

« Maman m’a touché deux mots de cette conversation avec ton professeur de musique. Tu sais, je n’aurais jamais pensé que cette affaire irait aussi loin… »

Il avait la mine grave et ses phrases s’entrecoupaient de longs silences. Le nez sous ses couvertures, Maxime le regardait fixement, retenant sa respiration.

« D’un autre côté j’ai moi aussi un point de vue. Sur ta carrière, je veux dire. Enfin… Je ne sais pas exactement à quoi tu dois te destiner, mais je sais que la musique et le piano en particulier ne sont pas des domaines dans lesquels je souhaiterais te voir trop t’investir… Il y a plein de bonnes raisons à cela. Tout d’abord, tu as débuté trop tard, c’est un fait. »