Jacques Delors, hier et aujourd’huiJacques Delors fait partie de ceux qui n’apprécient guère...

JacquesDelors,hieretaujourd’hui

StéphanieBaz-Hatem–NadègeChambon

JacquesDelors,hieretaujourd’hui

S’affranchird’unmondedésenchanté

PréfacedupèreHenriMadelin

DescléedeBrouwer

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sansrelâche,parfoismêmebourreaudetravail,soncabinetàlaCommission serad’ailleurs longtemps surnommé le«bagne».Eneffet,pendantdenombreusesannées, JacquesDelorsest lepremier arrivé et le dernier parti du bureau. Refusant lafainéantise,sadeviseest:«Travaillerbeaucouppoursereposerunpeu.»

Employédès l’âgede19ansà laBanquedeFrance, il faitpreuve d’une grande soif d’actualité, de débat intellectuel etn’est jamais en situation d’ignorer un fait marquant ou unetendance de fond. Féru de lecture, il dévore chaquematin lestitres depresse, en commençant par l’Équipe, et rares sont lesarticles marquants dont il n’a pas connaissance. Impatient deconnaître les choses qui l’entourent, il ne veut rien laisserpasser.Cettecaractéristiques’accompagned’unereconnaissancesincèreenversceuxqu’ilapprécie:JacquesDelorsnesetarguejamaisd’avoiraccompliquelquechoses’iln’enestpasl’auteur,etmettoujoursenlumièreceuxquil’ontaidé.

Ladévotionpourlacollectivité,ledésintérêtpourlagloirepersonnelle

Fin stratège etmeneur d’hommes lorsqu’il s’agit demettreenœuvreundesseinpour la collectivité, il est récalcitrant auxcalculs politiques à des fins purement personnelles, commeenattestesonrefusd’êtrePremierministre.Cedésintérêtpoursonstatut et sa carrière lui offrent une liberté de pensée et uneauthenticité certaines. Il endosse d’ailleurs aisément, voirerevendique qu’il n’a jamais été un véritable homme politique(« Il y a de nombreux aspects dans la politique que je n’aimepas6»),ilsepréfère«hommeutile»àlasociété.Danslefilmdocumentaire de la collection « Empreintes », que Valérie

Manns et Antoine Roux lui ont consacré, il confie que lesannéespost-Commissionluirendentl’existenceparfoisdifficilecar il est hanté par la nécessité de se rendre utile à la sociétémaisn’enapluslesmoyensconcrets.

Jacques Delors fait partie de ceux qui n’apprécient guèred’entrerdansunesallebondéeprêteàl’acclamer,faitplutôtrareen politique. Il raconte souvent une anecdote : lorsqu’il étaitenfant,undimancheenbaladeavecsonpère,ilcroiseunhommesoi-disant « très important » de sa région qui se fait appeler«Monsieur leministre»et sevexequ’on l’appelle autrement.Plustard,lejeuneDelorsréalisequecethommen’ajamaisétéministremaissimpleconseilleretseramarquéàvieparcetyped’attitude.Acontrario,JacquesDelors,àplusde88ans,douteencoredesescapacités,augranddamdesescollaborateurs.

ÀNotreEurope–InstitutJacquesDelors,depuisplusieursannées, il s’intéresse à chaquemembre de l’équipe, y comprislorsqu’il ne travaille pas directement avec eux. Il fait cas desautresavantdes’attaquerauxdossierseuropéensplusépineuxavecconsidération.Lorsdesdéjeunersde travail, il préfère lesrencontres avec les petits patrons de bistrot plutôt que lesrelationsmondainesavecletout-Paris.

Lafoi:unerevendicationsansostentation

Jetiensabsolumentàgardermesconvictionspourmoimême,pourmafamille.Jedemeureallergiqueàtouteaffirmationpubliquedemesconvictionsreligieusesetàtoutlienaveccequejepenseetceque

jefaisdansledomainepolitique.

EntretienavecPanoramaMagazine,2004.

La religion façonne le garçon qu’il est avant de devenirl’homme politique que l’on connaît. Catholique pratiquant, ilest dans la continuité d’un courant peu présent sur la scènepolitiquefrançaise:lecatholicismedegauche.Indissociabledesa foi, il est l’avocatde la laïcité–en témoigne sonactionenfaveur de la déconfessionnalisation de la CFTC. Bien que sareligion inspire certainsde ses combatspolitiques : savolontédeluttercontrel’inégalitédeschancesetlapauvretéouencore,ses efforts pour relancer une réflexion sur la dimensionspirituelledelaconstructioneuropéenne.AlorsPrésidentdelaCommissionildéclareainsi:«Sidanslesdixansnousn’avonspasréussiàdonneruneâme,unespiritualité,unesignificationà l’Europe, nous aurons perdu la partie. » Jacques Delorss’attache à la dimension spirituelle dupolitiquemaisn’en faitpourtantpassamarquedefabrique,lapresses’enoccupemalgrélui.Commeill’exprimeàDominiqueWoltondansL’Unitéd’unhomme7 :«Jesuisagacépar le faitque les journalistesm’ontaffublé de ce titre catholique. Encore une fois, je n’ai aucunepratiqueostentatoiredelareligion.»Dansunrécentportraitdelui,onpeutlire:«S’iln’ajamaisniésonidentitécatholique,lafoideJacquesDelorsestabsentedesapersonnalitépublique:jamaisiln’interviendrasurlesquestionsreligieuses8.»Ilmetunpoint d’honneur à séparer ses croyances religieuses de sonactionpolitique.LafoideJacquesDelorsdevientpalpablepourceuxqui lecôtoientou l’interrogent lorsque lessujetsabordéseffleurentsonintimité.Ainsi,faceàlamortdel’ancienPremier

L’enfancedeJacquesDelorsestprivilégiéeparrapportàsescamaradesquiquittentl’écolepourrejoindrelemondedutravailmalgréeux.Marquéparcequ’ilobserve, sonobjectifconstantdepuis est de faire de sa propre utilité une priorité. Sa plusgrandecrainteestd’êtreinutileàlasociété,commes’ilavaitlasensationpermanented’avoirunedetteàrembourser.Àprèsde90 ans, il affirme d’ailleurs qu’il « envie » les personnes quisaventserendreutilesauquotidien.

Négociationenpolitiqueetdialoguepermanent

Jacques Delors, homme d’écoute, prend toujours enconsidérationl’avisdeceuxquil’entourentavantdesedécider.Il défend fermement ce qu’il estime juste mais en homme dedialogue, sa recherche du consensus a ponctué sa carrière,particulièrement lorsqu’il était à la tête de la Commissioneuropéenne. Pour Alain Duhamel, « Delors recherche leconsensus,avanceempiriquementmaissansrelâche,imaginelesmécanismes ingénieux qui permettent de progresser sanschoquer ni heurter ». Depuis 1996, il entend faire passer sesidées par des entretiens accordés aux médias européens, sesinterventionspubliques,oulesactivitésdesonthinktanketlesdifférentes fonctions qu’il a assurées. Contourner sesinterlocuteursoudéciderautoritairementn’estpas saméthode.Ses armes sont l’explication, l’argumentation et les formulesaudacieuses. Il réalise ce dialogue permanent en discutant,écoutant, comparant mais aussi, en laissant la porte de sonbureauouverte.AupouvoirpendantlesdixannéesàlatêtedelaCommission,l’ancienprésidents’estdistinguéparsavolontédefaire jouer la négociation dans de nombreuses situations,notamment avec les représentants des trois religions

monothéistes.ÀBruxelles,ilorganiseàdenombreusesreprisesdes rencontres entre leurs représentants avec pour objectif defaire de l’appartenance religieuse un atout pour la paix, ledialogueetleprogrès.

LepessimismeactifdeJacquesDelors

Jesuistropsocialistepourladroiteettroppragmatiquepourlagauche.Jesuisaussicequel’onappelleunpessimisteactif.Lepessimismem’empêched’êtrecontentdemoi-même,maisactifcarriennepeutmedécourager.

Extraitdufilmdocumentaire«Empreintes»

JacquesDelors se définit comme étant un pessimiste actif.L’expression « pessimiste actif » signifie que la solution setrouve dans l’action. Reste simplement à savoir comment etquandagir,etsurtoutàavoirlesmoyensd’agir.Lorsqu’ildécèleun dysfonctionnement, plutôt que de se précipiter dans lacritique et le dénigrement, il recherche des solutions et lemomentopportunpours’exprimer.Danslecontextedelacrisedelazoneeuro,ilpréfèreainsiproposerdesremèdesplutôtquede seriner « je vous l’avais bien dit », ne voulant pas sepositionnerendonneurdeleçons.

Lafoidanslavie

Ils’agitderepartirtouslesmatinssanssefaired’illusionsurlaconditionhumainetoutenayantpourbutprincipald’essayerdel’améliorer.

EntretienavecPanorama,2004.Qu’est-cequifaitdoncencorecourirJacquesDelorsàprès

de90ans?LafoienDieuetlafoidanslaviequiluipermettentd’arpenter lescheminsparfois sinueuxduquotidien.Lavaleurtravail est finalement celle qui le façonne depuis son enfancepuisqu’il travaille depuis 67 ans. « Si jem’arrête, jemeurs »,dit-il souvent, sur conseil de sonmédecin traitant. Également,unevolontépermanented’apprendretoutaulongdelavie.

Malgré une vision lucide du monde qui l’entoure et sansvouloir atténuer la gravité des crises à répétition que traversel’Europe, il garde au fond de lui un optimisme qui lui permetd’avancer au quotidien et de garder espoir pour le monde dedemain : « J’aimerais d’abord que les Français soient plusoptimistes.Nousdevonsavoirconfianceenl’avenir25.»

Outre l’ouvrage écrit conjointement avec son collaborateur duCERC, Michel Dollé, Jacques Delors cite régulièrement cesdeuxauteursdanslaluttecontrelesinégalitéssocialesetdelaréforme de l’éducation. « Le dernier élément sur lequel jevoudrais insister c’est la notion proposée parAmartya Sen, la“capabilité”.Celaveutdirequel’angoissedeséducateursetdesresponsables de la scolarité, est de rendre chacun capabled’affronter les problèmes de la vie. Et cette “capabilité” ne sejuge pas uniquement par le diplôme ; elle ne se juge pasuniquementpardesexpériencesorales,nimêmeparlapremièreexpérienceprofessionnelle ; elle impliqueuneconceptionpluslarge.Cen’estpassimplementlarencontred’uncursusavecladescriptiond’unjob.C’estbeaucoupplusquecela36.»

En2012, JacquesDelors affirme ainsi : «L’autrequestioncentrale,cellede l’égalitédeschances,estégalementaucentredetouteréforme.J’yaiadjointlanotionde«capabilité»[…]cette notion m’a beaucoup aidé ces dernières années, chaquefois que j’étais sollicité sur des questions d’éducation, parcequ’ilme semblait que ces réflexions conduisaient à considérerd’une autre manière les questions liées au marché du travail,d’équilibreentrel’offreetlademanded’emploi37.»

Repenserl’égalitéparlaformationpourtous

Lebutessentieldelapolitiqueestdedonneràchacunlacapacitéderéussirsavie,decomprendrelasociété,deprogresseretd’entretenirsa

connaissance.Plusvousêtescapables,plusonvousdonnelesmoyens,plusvousêtesresponsables,c’estçalebutdelapolitique.Celaprovientdemonexpériencedejeunegarçon.

Premièresactionsenfaveurdel’égalitédeschancesavecleprojetde«Nouvellesociété»:changerlasociétéfrançaise

Àforcedetravail,JacquesDelorsfaitévoluersacarrièreàlaBanquedeFrancejusqu’en1962,engravissantleséchelonsunàun, etdevientmembreduConseil économiqueet socialpuischef du service des affaires sociales auCommissariat auPlan,jusqu’en1969oùilestnommésecrétairegénéralàlaFormationpermanente et à la Promotion sociale. Membre du cabinet duPremierministregaullisteJacquesChaban-Delmas,ilparvientàtravailler avec ladroitedans lamesureoù il peutdéfendre sesidées d’homme de gauche. Dans la France post-soixante-huitarde,c’estl’époquedesgrandschangementsetdelamiseenœuvre de nouvelles idées. À la marge de ses missions, ilcontinuesesactivitéssyndicales,avecsonépousequiatoujourspartagé son sens du collectif. On lui confie les affaireséconomiquesetsociales,notammentparcequ’ilneromptjamaisavecleterrain.

Au début des années 1970, Jacques Delors a 45 ans et laFranceserenouvelledansdenombreuxdomaines,surtoutdansles affaires sociales.Dans l’aprèsmai 1968, l’envie d’acquérirdenouveauxdroitsetdebalayer l’ordreétablivoisineavec lesgrèves des travailleurs non qualifiés et la remise en cause du

systèmeéducatif.C’estaussi lesoulagementdans lemondedel’emploi avec unniveaude chômagemoins important.Mais letaux de scolarisation ne se porte pas aumieux : on compte àl’époquecentmilledécrocheursdel’enseignementsecondaireetsoixante mille étudiants qui ne terminent pas leur premièreannéeàl’université.JacquesChaban-Delmas,quisouhaitetisserun réseau efficient de relations industrielles – aujourd’huinommées«dialoguesocial»–,demandealorsàJacquesDelors,de trouver des propositions concrètes pour améliorer cettesituationd’inégalitéauseindelanouvellesociété.L’éducationdevientainsil’objetderéflexiondufuturministre.

«J’avaisderrièremoilesouvenirdel’écolecommunale,del’inégalité des chances entremoi, qui pouvait aller au lycée etceuxqui étaient contraints d’entrer dans la vie professionnellesansbagagesuffisant. Jedis«contraints»nonpasparméprismaisparcequ’ilsavaient,euxaussi,desenviesd’allerplusloin,d’apprendre plus, et par conséquent, je retrouvais là unepréoccupationquiatoujoursétélamienne:commentdonneràchacunl’égalitédeschances38?»

JacquesDelorsestalorsconseilléparBertrandSchwartz39,qui lui apprend tout ce qu’il sait sur la formationprofessionnelle.Ilestaussiinspiréparlaloide1966deMichelDebrésurlaformationpermanenteetparcelled’EdgardFaure,ministre de l’Éducation nationale, en 1968, qui marque unerupture dans l’enseignement français. Il intègre ainsi lesrevendicationsdumoisdeMai1968,notammentlaparticipationà la gestion des établissements de tous les acteurs del’enseignementetlafacilitationdel’interdisciplinarité.JacquesDelors demande un accord interprofessionnel avant la loi, quidatédu9juillet1970aboutitunanplustardàla loide1971,dite « loi Delors ». Elle consacre un « droit à la formation

IV

L’éducation,unvéritabletrésorcaché

Monobjectifestprécisémentdemontrerqu’ilyaau-delàdesconceptionspolitiquesetphilosophiquesdel’existence,quelquesprincipesgénérauxsanslesquelsl’éducationnepeutpasexercerpleinementsamissionauservicedeshommesetdelasociété.

Depuisunevingtained’années,JacquesDelorsestl’undesporte-parole,mondialementreconnu,despolitiquesd’éducation.L’hommeaconsidéré tout au longde savieprofessionnelle cedomaine d’action comme valeur fondamentale, valeur refuge,essentielleaufonctionnementd’unesociétééquilibréeetjuste.

Lerapportdel’Unescopourl’éducation:unemissionuniverselle

Unengagementprécocedanslesmouvementsd’éducation

Dèssonplus jeuneâge, JacquesDelorsdéveloppeungoût

prononcé pour la transmission du savoir. Enfant, sans être lepremierdesaclasse, iladebonsrésultatsà l’écoleet franchitles étapes scolaires avec succès et enthousiasme. Il s’intéressebeaucoupàl’apprentissage:petit,ilasoifd’apprendre,adulte,ilaenvied’améliorersanscessesesconnaissances.DurantsesjeunesannéesàlaBanquedeFrance,enl’espacedetroisans,ilpassedesconcoursetatteintunstatutassezenviablepoursonâge. Il comble ainsi l’absence d’études supérieures dans saformation initialepar lescoursdusoir.La loi sur la formationpermanente en 1971, est l’un de ses plus grandsaccomplissementspolitiques.

JacquesDelorspassedel’autrecôtédelabarrière,enétantprofesseurd’économieà l’universitéDauphinedans lesannées1970etenusantdesestalentsdepédagogue.Danssavieprivée,avec ses enfants, il a le souhait de leur donner la meilleureéducation possible et demande à sa femme de s’en charger àpleintemps,enquittantsonemploiàlaBanquedeFrance.Deson côté, même s’il n’est pas très présent physiquement, ils’attache à donner une éducation stricte et la plus complètepossible.C’estainsiqu’ildéclareen2010ausujetdeMartineAubry:«Mafille,jeluiaitransmisavecsévéritétoutcequ’elledevait savoir entre 0 et 20 ans48. » C’est enfin le présidentDelors,en1987,quifaitnaîtreleprogrammeeuropéenErasmusconsistant en la possibilité pour les étudiants de faire deséchanges universitaires en Europe. « La culture cela se vit. Jesuis content d’avoir créé le programme d’échanges d’étudiantslorsquej’étaisprésidentdelaCommission49»,dit-ilaujournalLaCroixen2010.

Leprogrammeeuropéen,immortalisédanslefilmL’aubergeespagnole de CédricKlapish (2002), a récemment fêté ses 25ansetprouvésonsuccès:depuissacréation,ilarévolutionnéle

systèmeéducatifenEuropeenpermettantàplusde1,5milliond’étudiantsd’effectuerunepartiedeleurdiplômedansunautrepays que le leur. Avec le recul, l’ancien président de laCommission affirme : « Le succès indiscutable du programmeErasmusconstitueunedescontributionsessentiellesàl’Europedescitoyenspourlaquelleilyatantàfaire.[…]EnpremierlieuErasmuscontribueàlapolitiquedel’emploienouvrantdepluslargespossibilitésauxétudiantsquiontsuiviceprogramme.Ensecondlieu,Erasmusrappellelerôle–unpeutropoublié–desuniversités, leurs responsabilités politiques et sociétales, leurcontribution au débat d’idées et à la recherche du biencommun50.»

Lerapportpourl’Unesco

Nommé rapporteur, expert et porte-parole du rapport surl’éducation

À la fin de la décennie passée à la tête de laCommissioneuropéenne, Jacques Delors est nommé président de laCommission internationale sur l’éducationpour leXXIe sièclepar le directeur général de l’Unesco, FredericoMayor, qui luiconfie le soin de réfléchir sur ce sujet. L’Unesco s’interrogealorssurlacapacitédessystèmeséducatifsauseindessociétésmodernes et sur leur capacité à assurer leur développement.L’objectifdurapportestdoncd’apporterdesréponsesclairesàcesquestionnementsetdespropositionsconcrètespourl’avenir.L’éducationyestconçuecommeunvecteurdedialogueentrelespeuples pour essayer « non pas d’unifier le mondemais d’enrapprocherlesdifférentespartiesdansleursdiversités».

JacquesDelorsremplitavec intérêtetefficacitésamission.

V

Àlarecherchedeladémocratiesociale

J’aifaitbeaucouppourledialoguesocialetpourladimensionsocialeenEurope.Etjesuisauregretdeconstaterqueledialoguesocialestaujourd’huiabsentetsansconsistance.Etpourquoicelamecontrarie-t-il?Nonpasparcequec’estcontraireàcequej’aiessayédefaire,maisparcequeledialoguesocialest,àcôtédusystèmeparlementaire,undesfondementsdeladémocratie.

«PourunrenouveauenEurope»,2012

Danslesannées1950,lesréflexionsdeJacquesDelorssurles relations industrielles sont remarquées alors qu’il estanimateurduclubCitoyen60etmembredelaCFTC.Influencépar les penseurs de la société industrielle et le personnalismed’EmmanuelMounier, il observe les blocages qui entravent laliberté et la dignité de l’homme contemporain, pour beaucoupliés au système économique. Pour lui, la société ne se résumepasàtroisgrandspiliers«gouvernement–opinionpublique–marché », mais comprend également une myriade de corps

intermédiairesincluantlessyndicats.Afindenepaslaisserunvideentregouvernantsetgouvernés

dangereuxpour ladémocratie, il encouragecesorganisationsàjouerunrôlepivotenexprimantauxresponsablespolitiqueslesaspirationsdescitoyensd’unepart,enexpliquantauxcitoyensles options proposées puis les décisions prises par lesgouvernants d’autre part. Les réflexions du jeune Delorsl’amènent à proposer une réinvention du rôle à l’État dans lesrelations sociales qui inspirent laNouvelleSociété de JacquesChaban Delmas. Dans le droit fil des sociaux-démocratesallemands et scandinaves, ses propositions ont pour ambitiond’impliquerlestravailleursetleursreprésentantssyndicauxdanslesévolutionssociales,économiquesetpolitiques.

À ses yeux, l’urgence intellectuelle et politique de notreépoque est de réconcilier l’économique et le social. Pour laFondationFriedrichEbert(2009),ladémocratiesocialeveilleàs’assurer que les « structures démocratiques et les droitsfondamentaux sont effectivement à la disposition de tout unchacun59 » ; en bref, elle ne se contente pas d’une définitionthéoriquede ladémocratie.Lesdroitsde l’hommedoiventêtreconcrétisés,danslaréalitééconomique,socialeetpolitique.

La démocratie sociale reconnaît également qu’il existe unetension entre démocratie et capitalisme : « Le capitalisme demarchécontientdesforcesdiffusesquifavorisentlesinégalitésetlesinsécurités;ellespeuventdoncainsimettreendangerlesbasesdelalégitimitéetdelastabilitédémocratiques.»

Pourrégulerlesrelationsentreloidumarchéetdémocratie,la négociation entre les acteurs sociaux joue donc un rôleessentiel. Il s’agit d’assurer les conditions réelles d’existencedesvaleursfondamentales:liberté,égalité,fraternité(synonymede « solidarité »). C’est une démarche pour concrétiser des

valeurs,nonuneidéologie.L’Étatsevoitdoncdansl’obligationdedevenir legarantactifdecesdroits,essentiellementpardesinfrastructures, la protection pour tous ; la créationd’opportunités grâce à la redistribution ; l’assurance que lesintérêtsdes travailleursetque les«structuresdémocratiques»soientreprésentéesetintégréesdansl’économiedemarché.

L’une de ses premières actions en tant que président de laCommission européenne consiste à relancer le dialogue socialavec les entretiens de Val-Duchesse, qui réunissent laConfédération européenne des syndicats et deux syndicatspatronaux(CEEP,UNICE).

Ladémocratiesocialeaucœurdudelorisme

Connaissez-vousl’histoiredelapoulequirencontreuncochonetluidit,lesyeuxdanslesyeux:«Sais-tuquenouspourrions,touslesdeux,fairedegrandeschosesensemble?–Ah,ditlecochonquin’yavaitpaspensé,maisquoiencore?–Ehbien,ditlapoule,desœufsaujambon,parexemple…»–etle«Oui«ducochonqui,unefoisrentréàlamaison,comprend,maisunpeutard,queluivafinirentranches.

dans laquelle elle va sur les plans économique, social etpolitique,siellecontinuecommeellelefait.

Après1995, ilmanifesteparfoisundésaveumarquédevantl’oublidel’espritdesolidaritésurleplaneuropéen.C’estlecaslorsque la Cour de Justice de l’Union européenne prend lesarrêtsVikingetLaval, trèsdébattus,relatifsauxrelationsentrele marché intérieur (liberté de fournir des services et libertéd’établissement) et les droits syndicaux fondamentaux (actioncollective et accords collectifs) : « À la place d’une décisionpolitique, il est possible aux partenaires sociaux d’avoir unaccordquiensuiteauraforcedeloi.Jediscelaparcequ’ilyaeudesarrêtsdelaCourdeJusticesurlesaffairessocialesenSuèdequinesontpasdanscetesprit.»Ilexprimeaussiunregretfaceà la panne du dialogue social européen : « Vous, lesgouvernements, nous n’avons pas réussi à faire prendreconfiance à l’opinion publique des formidables mutations quiaffectentnotresociété.»Lorsquel’agendacommunautaireluienoffre l’opportunité, il dessine de nouveaux horizons pour larelanced’undialoguesocialenEurope,commeàl’occasiondurapportMonti-Barnier,«Unactepour lemarchéunique» : lareconnaissance des qualifications professionnelles, lacertification européenne des compétences, la portabilité despensions, la mobilité transfrontalière, mais aussi ledéveloppement des entreprises de l’économie sociale, lanécessité de clarifier la référence au contenu de la cohésionsociale78.

Ladémocratiesocialefaceauxmutations

contemporaines

L’offensiveultralibéralecontinueetvoudraitnousinviternonseulementànousréformermaisàabandonnernosvaleurs[…]quiontfaitlagrandeurdusocialismedémocratiqueetdumouvementouvrier,toutenaffrontantvictorieusementlesdéfisquiseprésententànous[…]j’ail’habitudedelesrésumersousletermedela“grandemutation.”»

JacquesDELORS,«Lapolitiquesocialecommefacteurdecroissance»,conférencesur

«Lesperspectivesdel’Europeenl’an2000»,Athènes,30juin1997

Sousl’effetdesmutationséconomiquescontemporaines,leséquilibres sociaux nés précédemment subissent de nombreusesévolutions. Les contours de ce nouveau paysage sont dessinéspar la mondialisation, le passage d’une société fordiste à unesociété post-industrielle, ou encore l’emprise croissante desobjectifs financiers sur la vie des entreprises…Les équilibresd’autrefoiscèdentlaplaceàunesociétéetuneéconomiemisesen opposition frontalement. Jacques Delors voit croître latensionentrecapitalismeetdémocratieaufildesannées1990et2000 et s’y oppose : « L’économie ne peut pas être mise enconduite automatique sous la seule régulationdesmarchés.La

recherche d’une nouvelle synthèse entre l’économique et lesocialimpliquedoncuneréflexionquimetencauselapolitiqueetlerôledesinstitutionséluesparlesuffrageuniversel.»Pourconjurer le malaise qui gagne l’Europe, il analyse ceschangementsetdégagedespistesàlarecherched’unenouvellesynthèseentrel’économiqueetlesocial.

Lescompromisdeladémocratiesocialemenacés

Les acquis sociaux défendus depuis cent cinquante ans setrouventmenacéspartroisdéfis:laglobalisation,l’accélérationdu progrès technique qui bouleverse les conditions deproductionetrejettelestravailleurslesmoinsqualifiéshorsdusystème de production et les questionnements autour de l’Étatprovidence.

Lamondialisation

Faceàlamondialisation,lasociétéfrançaiseetsesvoisineseuropéennescraignentunnivellementdessalairespar lebasetlecreusementdesinégalités.C’esteffectivementceversquoilesEuropéenstendentinexorablements’ilschoisissentdedéfendrelacompétitivitédesbassalairesfaceàcelledelamain-d’œuvredes pays en développement. «Nos sociétés sont confrontées àunrisquecroissantde fracturesocialeentreceuxqui reçoiventune bonne éducation, obtiennent des emplois de qualité,bénéficient des gains offerts par lamondialisation et ceux quimanquentdequalifications, n’ontpasd’emploi, sont exclus etluttentpours’ensortir.C’estlacohésiondenossociétésquiestenjeu79.»Pouréchapperàcettefatalité,c’estlemodèlesocialetlesstratégiesdesfirmesqu’ilfautrepenser.

mettreànotreservice,toutça,cen’estrien.Lepaysansaitcela.Mon grand-père cultivait le blé, du blé noir. Il voyait que larécolte ne serait pas bonne, presque nulle, après huitmauvaisjours et disait : “Mon garçon, on recommencera l’annéeprochaine.”Cetteécolede laconfrontationavec lanature,à lafoisriche,généreuseethostile,difficileàmaîtriser,jecroisquec’est un élément essentiel de l’humanisme. » C’est ainsi qu’ils’érige en adversaire des apôtres d’un développement « tout-urbain»etqu’ilplaideenfaveurd’undéveloppementterritorialdans lequel le monde rural et l’agriculture jouent un rôleéquilibrant et moteur, y compris dans les sociétéscontemporaines.

Lapolitiqueéconomiqueauserviced’unnouveaumodèlededéveloppement

Quandj’entendsnoschefsdegouvernementaujourd’huiparlerdecroissance,j’ail’impressionqu’ilsontoubliécequ’ilsontfaitdepuisvingtans.

«Pourunrenouveaudel’Europe»,JacquesDelors,Tribune,NotreEurope,11avril2012.

En quête de solutions pour trouver une issue à unecroissance économique anémiée, caractérisée par une sous-exploitation de la main-d’œuvre (chômage) et unesurexploitation des ressources naturelles, Jacques Delorspropose, avec le Livre blanc de 1993, la mise en œuvre d’un

nouveau modèle de développement pour passer de « lacroissance quantitative desGoldensixties à un développementdurable et plus harmonieux94 ». En 1997, il dessine plusprécisément pour la France les contours et les leviers de cenouveaumodèlededéveloppement.Nonsuividanslesfaits,en2012cenouveaumodèlededéveloppementgardesapertinencemais n’inspire pas encore de politique publique. Pour JacquesDelors, la politique économique est dominée par la doctrine« budget-monnaie » qui se borne à évaluer les performances àl’aune des chiffres. Cette position l’amènera au moment desnégociationsdescritèresdeMaastrichtàplaiderenfaveurd’unedistinction entre des niveaux d’endettement équivalents selonqu’ils traduisentuninvestissementdansdesbienscollectifsounon, d’après la vision keynésienne de la dépense publique. Ildénonceégalementledogmedelacompétitivité,lorsqu’elleestenvisagée comme une fin en soi, considérant que les gains deproductivité, redistribués judicieusement, assurent lesconditions d’une société solidaire. Cette manière de penserl’activitéetlarichesseausenslargel’amèneàporterdel’intérêtàdessujetspeudébattusdanslesforumsinternationauxtelsquel’aménagement du territoire, la recherche et la technologie, lapolitique culturelle, plus particulièrement le monde rural, lacroissanceendogèneouencorel’économiesociale.

Troischantiersdepolitiqueéconomiquenondogmatiques

Lemonderuraletlesagriculteurstropoubliés

PourJacquesDelors,lemonderural,lanature,l’agricultureetleterritoiresontessentielsàl’équilibredessociétés.Dansle

mondedu«viteavalé,vitedigéré,viteoublié»,«lanaturetapeàlaporteetditnon.C’estbeaucouppluscompliquéquecelaetpourconstruiredeshommesetdesfemmes.[…]L’imageruraleresurgit dans ce monde des apparences et des médias95 ».Porteurs de « petits signes d’un autre modèle dedéveloppement » les territoires ruraux sont vecteurs de valeursquiredonnentsensàunemodernitéquienaperdu.L’agriculturesynthétisecequenotremondeendéclinrecherche:àlafoislasécuritéetlastimulation,entrelaresponsabilitéetlasolidarité,que l’on retrouvait dans les villages. C’est ainsi que JacquesDelors intervient fréquemment pour rappeler que l’ordreéconomiquemoderne oublie trop souvent les agriculteurs et lemonde rural, pourtant essentiels aux équilibres économiques,sociaux et sociétaux. Il fait même de l’agriculture la colonnevertébrale de notre civilisation, parrain de l’association fondéeparRaymondLacombe,SoletCivilisation:«Leterritoireestlamatrice des relations humaines. La pleine conscience desinteractionshomme-milieuseperçoitdansleterritoire.Doncleterritoireestappeléàdevenir,sinousnedevenonspasfous,unélément essentiel de la reconstruction d’une société où le liensocial reprendrait de l’importance96. » Son attention àl’agriculture se manifeste également dans son intérêt pour lapolitique agricole commune, qu’il considère inclue dans le«contratdemariage»qui lie lesEuropéens,etderappeler,en2010, qu’elle a fait l’objet « d’un transfert de souverainetéconsidérable : plus de 70 % des dépenses agricoles sontassuréesparlebudgetcommun».

Croissanceendogèneetinitiativeslocalesauservicedudéveloppement

indirectement aidés par les États et les citoyens pour lesauvetagedesbanquespuissurledevantdelascènepouréleverlestauxd’intérêtsdelaGrèce,duPortugaletdel’Espagnesousprétexted’unendettementtropélevé.

L’appelàl’audacecontrelelaisser-faire

Lesautversunemonnaieeuropéenneestplusradicalqueceluid’avoirchoisilemarchéuniqueoubiend’autreschoses.C’estunsautradicalavecsesexigencesparticulièresetpeut-êtreque,depuis15ans,nousnel’avonspasassezcompris108.

JacquesDELORS,DiscoursauParlementeuropéen,2002.

PourJacquesDelors,parletruchementdel’euro,c’esttoutel’aventurecollectiveeuropéennequiestmenacée.Àl’originedecette situation, la frilosité desÉtats à adopter les solutions decoopération,demutualisationetd’intégrationquipermettraientd’endiguer durablement la crise. Face aux réticences, JacquesDelorsappelleleschefsd’Étatetdegouvernementàfairepreuved’audacegénéraliséepourpérenniserlevivre-ensembleeuropéenetsauverl’UEM.

Leschantierspourparacheverl’euro,lavision

deloristedel’UEM

Réduirel’hétérogénéitédezoneeuro

La majorité des économistes allemands ne partage pas lavision deloriste de l’UEM car ces derniers « restent sur uneposition très dogmatique fondée sur l’indépendance de laBanque centrale et sur un réflexe deméfiance qui assimile laFrance à la planification et à l’intervention de l’État109 ».Néanmoins,Helmut Schmidt, chancelier de la RFA de 1974 à1982,qui fait figurede sageoutre-Rhin,partage savolontédeparacheverlazoneeuro.Lesdeuxdémocratessociauxrappellentconjointement l’historique de l’UEM née inachevée dans lerapport«Paracheverl’euro110»en2012.

L’objectif ultime du parachèvement de l’euro pour JacquesDelorsdevient son leitmotiv : il faut impérativement réduire latrop grande hétérogénéité des économies et des politiqueséconomiqueseuropéennesensedotantd’outilsquifacilitentlaconvergence. Il préconise de renforcer la coopération despolitiqueséconomiquesnationales,qui«n’enestencorequ’austade de la surveillance multilatérale. Mais elle doits’approfondirpouréviterleschocsasymétriquesàl’intérieurdel’Union et pour maximiser les chances d’un développementdurable111».

Lechantierpourparacheverl’euroesttriple:économique,techniqueetinstitutionnel

Trois recommandations sont formulées par Jacques Delorsdès les années 1990 pour achever l’UEM. D’abord, la

coordination des politiques économiques nationales éviteraitqu’une évolution trop dissemblable des économies de la zonerendeimpossibletoutepolitiquemonétaire.Ensuite,lacréationd’unfondseuropéenderégulationconjoncturellepallieraitauxralentissements temporaires de pays privés de dévaluationcompte tenu de leur appartenance à la zone euro. Enfin, uneharmonisationminimaledelafiscalitéempêcheraitquelespaysrecourent au dumping social et fiscal pour devenir pluscompétitifs. Cette harmonisation concernerait notammentl’assiettede l’impôtsur lesentrepriseset l’impôtsur le revenudesvaleursmobilièresetautresplacements.

Pour éviter de nouvelles crises, des propositions sontavancéesparJacquesDelors,cettefoisbaséessurl’intégration,donc sur des délégations de souveraineté. C’est le cas de laproposition d’euro-obligations et d’union bonds112, lesobligations européennes. Tandis que les premiers doteraientl’UE de ressources financières supplémentaires, les secondesfinanceraientdesinvestissementsd’avenirquelesEuropéensontgelé depuis une vingtaine d’années. Certains, comme lachancelièreallemande,yvoientunrisquefortdefairebaisserlagardedesÉtatsendettésetd’encouragerlescomportementsnonvertueux. Mais Jacques Delors s’oppose à cette conception :«Les euro-bonds, cen’est pas lapompeà incendie, lancéedemanière inconsidérée pour effacer les erreurs des uns et desautres.Leseuro-bonds–proposésparRomanoProdi–doiventse faire selon des règles, ils seraient fondés sur le partage desresponsabilités.Leseuro-bonds,c’est lapossibilitédecréerunmarchéfinancierdel’euroquiestlesupportindispensablepourpermettreàl’eurod’êtreunemonnaieàlafoisquinousdéfend,mais aussi une monnaie internationale113. » Dans la gravetempêtetraverséeparlazoneeuro,lethinktankNotreEurope–

coopération.Toutefois,ilsedémarquedecesvisionnairesparsavolontéd’impliquerdavantagelescitoyensqueparlepassé.

Unmilitanteuropéenémancipédesespères

La fréquence de ses références aux fondateurs –Schuman,Monnet, De Gaasperi, Spaak… – ne peut mettre en doute safidélité aux pères de l’Europe. Attaché à faire « fructifierl’héritage»durantsaprésidence,illefaitsansidéaliserlepassé.Savolontédemieuximpliquerlescitoyensdanslaconstructionde l’Europe l’amène à prendre une relative distance avec laméthode passée. La question européenne longtemps limitée àdes cercles restreints, s’est construite dans le manqued’informationdescitoyensaffirme-t-il.Or,pourluilalégitimitéde l’UEpasse par la compréhension de son fonctionnement etpar l’acceptation de ses finalités par les peuples. À partir desannées précédant son mandat – avec l’élection au suffrageuniverseldirectdesparlementaireseuropéensàpartirde1979–s’opèreunrapprochemententrel’Europeetlescitoyens,quisepoursuitconstammentaprèssondépart.

Toutefois,lafindesannées1990l’inquiètecarsil’UEoffreune transparencequ’aucungouvernementnationaln’offreàsescitoyens(exceptionfaiteduConseileuropéen),lajuxtapositionde structures et la complexité croissante des procéduresempêchentdecomprendrequidécideensonsein.Deplusavecl’extension confuse des prérogatives de l’UE, les citoyenspeuventavoirlesentimentquel’UEsepréoccupedecequinelaregardepas.Pourlui,lescausesdecettedériveprennentracinedans laméthode dite « de l’engrenage » adoptée par lesPèresfondateurs,quiconsisteàlancerparunprocessusd’intégrationsectoriel (par exemple, le charbon et l’acier) une dynamique

d’intégration plus vaste et politique. Cette méthode a pourinconvénient de ne plus afficher explicitement, une fois leprocessus sectoriel enclenché, quelles compétences serontultimement exercées au niveau supranational et celles quidemeurerontdelacompétencedesÉtats.Ilnes’agitpaspourluide rejeter la méthode de l’engrenage économique, la seuleréalisteetpolitiquementacceptable–luiaussiadûs’yrésoudrepour faire avancer l’intégration – mais de reconnaître sesinsuffisances.«L’Europepolitique,quiétaitl’objectifinitial,aéchouétroisfoisaveclerejetdelaCommunautéeuropéennededéfense, de la fédération européenne et du plan Fouchet.L’Europes’estdoncrabattuesurl’économietoutengardantdesinstitutionsdifficilesàcomprendre.»

L’exigencedémocratique,l’implicationdescitoyens

JacquesDelorssedistanciedesfondateursayantlaissétroplongtempsleprojeteuropéenéloignédescitoyens–lecontexted’après-Guerreétaitlargementhostileàl’idéed’intégration–,ilnecèdepourautantrienauxanti-Européensetauxdémagoguesqui taxent l’UEde projet antidémocratique. «La dénonciationdudéficitdémocratiqueestaujourd’huidevenueundespassagesobligés du débat européen.Et il est vrai que l’Union est loin,trop loin, de ses citoyens. Il est évident que nous pouvons etdevonsfairemieuxentermesdetransparenceetdelisibilité.»

S’opposant à la réécriture du passé, il rappelle la réalitéhistorique:«Ilestévidentqueleprojeteuropéenaété,dèssesorigines, et reste toujours aujourd’hui, intimement lié à l’idéaldémocratique.Puisantsesracinesspirituellesdanslarésistanceà tous les totalitarismes, iln’acesséderenforcersavocationà

promouvoirladémocratieetlerespectdelarèglededroit.»Pour Jacques Delors, les institutions communautaires sont

insuffisantes et il est impératif de renforcer l’implication descitoyenspourbâtiruneuniondenaturepolitiquequidépasselegrand marché. Cette conception exigeante du projet européenvisantàcréerunedémocratieeuropéenneluiad’ailleursvalulefruste«UpyoursDelors»destabloïdsbritanniquesen1990.

Son souhait de voir la démocratie de l’UE se développerl’amène à livrer de multiples combats contre les préjugés. Lepremier préjugé consiste à nier l’existence d’une démocratieeuropéenne. Bien qu’elle soit imparfaite, l’UE est pourtant laseule organisation internationale à disposer d’une Assembléedirectementélueparsescitoyens.«LeParlementeuropéenestle moteur de la vie européenne, la preuve du caractèreindispensable, vital de la démocratie représentative. Alors quecertains, semblant ignorer cette réalité démocratique,préconisaient que, comme dans l’Agora grecque, nous soyonsdescentainesdemillionsàdébattrede l’avenirde l’Europeaumêmemoment,aumêmeendroit132.»

Ilcombatensuitel’idéequeladémocratieeuropéenne,plusquelesnationales,seraitencrise;enrefusantdefairedel’UEleboucémissairedenotre«mélancoliedémocratique»,lacriseconcernant toutes les démocraties : « Au moment où lestotalitarismesreculentetque ladémocratie formelles’étend, lavivacitédenosvieillesdémocratiessembles’étioler.[…]levicedémocratique dont souffre aujourd’hui l’Europe réside avanttout dans le défaut d’implication des peuples et de leursreprésentants,danslesprocessusdiplomatiquesetnormatifstantauniveaunationalqu’auniveaueuropéen133.»Outrelabatailledes idées, il promeut de nouveaux instruments et de nouvellesméthodes. Tout d’abord, il encourage à rendre les débats

tolérance, d’égalité, de liberté) et des objectifs (la paix, laprospérité). C’est une identité politique démocratique qui, enréférenceau«patriotismeconstitutionnel»deJürgenHabermas,reposesurl’autonomieetlaresponsabilité.L’Europec’estaussiune identité culturelle composée par une diversité qui est le«fermentconstantdedynamismedessociétéseuropéennes153».Ellepuisesesinfluencesdansunehistoireculturellerichefaitedeladémocratiegrecque,dudroitromain,desLumièresetdesreligions,«Biensûr, l’Europe,c’estenpartie lechristianisme.Mais,c’estaussilelibre-examen,l’agnosticismeoul’athéisme.Et j’ajouterais, n’en déplaise à certains : désormais, l’Europec’est aussi un peu l’Islam », mais également d’influencesagnostiques,delalibre-pensée,ouencorepaïennes:«PensonsàlapassiondelaRenaissancepourl’Antiquitéouàl’obsessionromantique de la Nature154. » Non seulement le pluralismes’imposemaisl’UEenafaitsadevisepuisqu’elleseveut«uniedansladiversité».

Réunirlafamilleeuropéenne,lesélargissements

Lespaysdel’estdel’Europeétaientfascinéspardeuxréformes:l’Otanetlanormelibérale.Ilsallaientpasserd’unrégimedirigisteàl’économiedemarchéquilibéraittout.L’Unionn’apassumontrersaspécificitéquiestcelled’uneéconomiesocialedemarché.

EntretienavecMarcelGAUCHET

Pour JacquesDelors, la réunificationde l’Europedoit êtreun idéal. Ainsi, l’élargissement de 2004, qui réunit la familleeuropéenneavecl’entréededouzeÉtatsayantvécusouslejougcommuniste, représente « un grand bonheur politique et unechancehistorique155».

MaiscepassagedelachuteduMuràlaGrandeEurope,unefête non célébrée, est éraillé de plusieurs regrets pour lePrésident de la Commission en 1989. D’abord il regrette quel’approfondissement de l’intégration européenne n’ait pasprécédéle«grandélargissement»qu’ilproposaitdepuis1992.Ensuite, il regrette que les représentants desÉtats de l’UE 15n’aient pas expliqué à leur population « la grandeur du gestehistoriquequiconsistaitàaccepterlesancienspaysdublocdel’Estdansnotre famille156 », car cet élargissement représentaitunvéritableapportentermesdecivilisationetdevaleurs:«Lesapports de ces pays, sont tout d’abord ceux de leur proprehistoire. Beaucoup de ces pays ont été non seulement lesvictimes du communisme mais, pendant plus de cent ans, lesjouetsdesgrandespuissancesautraversdetraitésquifaisaient,refaisaientoudéfaisaientdesnations.Ensecond lieu, ilya lamentalitédesnombreuses“petitesnations"157.»Ilconstatedèslorslemalaiseéprouvédepuislaréunificationetappelleàposerles questions difficiles pour que l’élargissement ne soit pasl’additiondenosfaiblesses,maislaconjugaisondenosforces:« L’arrivée de nouveaux pays nous contraint à une difficileréflexion sur la signification que nous entendons donner àl’“européanité”. Qui est européen ? Qui peut prétendre àl’adhésion ? Allons plus loin : qu’est-ce qu’une communautépolitique ? Un club ? Une grande famille ? Uneassociation158?»Poursurmontercemalaisefamilial,ilproposede reconnaître également qu’il « faut du temps et cela, on ne

veutpasl’admettre,ycomprischezlesnouveauxadhérents[…]ilfautcréerunminimumd’espritdefamille,decompréhensiondes autres, de connaissance de leur psychologie et de leurstraditionsnationales159».

L’Europesurlascèneinternationale

Fairevivreensemble500millionsd’Européens,c’estleprojetquitoucheleplusenréalitéàcettetentativedemaîtrisedelamondialisationquetoutlemondevoudraitpouvoirréaliser.Sinousréussissons[…]leshistoriensdironten2020quel’Europearéussilasynthèseentrelejeudumarché-lacompétition,lalibreconcurrence-,d’uncôté,lesrèglesnécessairesdel’autre,entreunecertaineuniformisationinévitableetlapréservationdesidentitésetdestalents160.

JacquesDELORS,2002.

Lepositionnementinternationaldel’UEs’inscritdanscettetendance de long terme marquée par le risque de déclindémographique : « Nous représentions au début du siècledernier15%delapopulationmondiale,aujourd’hui6%eten2050, 3%161. »Audébut duXXIe siècle, lesEuropéens sont

personnalistequandjevoislesprogrèsdel’individualisme.»

PESSIMISTE-ACTIF:JacquesDelorssequalifieainsicarlepessimisme l’empêche de se contenter de lui-même ou de sesactions,ilnel’immobilisepas,aucontraire,illepropulsedansl’actionpourallerplusloin.«Lepessimismem’empêched’êtrecontent de moi-même mais actif car rien ne peut medécourager.»

PRAGMATIQUE : Jacques Delors est plus soucieux del’actionetdesrésultatsainsiobtenusquepardesconsidérationsthéoriquesou idéologiques. Il s’affranchitet il luttecontredesdogmatismes, quels qu’ils soient (ex. pensée unique) et d’oùqu’ils viennent, y compris au sein de con camp. (Voir aussi«démocratesocial»et«Fédérationd’Étatnation»)

RÉFORMISTE : Lorsqu’il quitte ses principaux postes, illaisse l’empreinte d’un architecte et d’un bâtisseur infatigable,son obsession est de préparer un meilleur avenir. Ainsi lesCommissions Delors conduisent de nombreux chantiers :relance du dialogue social européen (1985) et de l’intégrationavec l’Acte Unique (1986) ; programme Erasmus (1987) ;rapportsurl’Unionéconomiqueetmonétaire(1989)quidonnenaissance à l’euro ; traité de Maastricht (1992) ; Livre blancpour une meilleure coordination des politiques économiques,«PaquetsDelors»pourlebudgeteuropéen,créationduComitédesRégions(1993-1994).

RESPONSABILITÉ : Pour Jacques Delors la solidaritécollective ne peut exister si chacun ne s’implique paspersonnellement pour la créer dans ses différentes formes :solidaritédevoisinage,solidaritémutuelle,solidariténationale.

Si l’on peut se féliciter qu’en cas de crise, des mécanismespermettent de garantir entre 20 % et 30 % des revenus, lesystèmede protection sociale « a pourtant son talon d’Achillecarilcréeunesortedeculturedeladépendance,[…]réduisantla volonté ou la capacité de nombreux individus à rechercherune solution à leurs problèmes. » Il s’alerte du manque depréoccupationpourlesdevoirsquiincombentàchacun,entantque membre d’une collectivité. Face à l’érosion de laresponsabilité individuelle, ilenappelleà«unesociétéactive,quifaitappelàtouteslesinitiativesindividuelles,permettantdecréerdesinstitutionsfondéessurlasolidarité».Proposantuneplus grande participation des citoyens dans les politiques del’UE (bottom-up) et confiant des responsabilités aux acteurslocaux (ex. Leader), il rappelle que l’« on ne peut pas toutattendrede l’État. […]Nousdevonschacunassurernotrepart.Le socialisme de demain est un socialisme d’initiative et deresponsabilitéindividuelle».

SYNDICALISTE : Proche d’une vision scandinave ourhénanedudialoguesocial,JacquesDelorsdénotedansunpayscaractériséparunmonopoled’État sur les relationssocialesetleconflitsocial.Ilattribueuneimportancecardinaleausystèmede relations sociales en France puis en Europe. En effet, lesmodèles sociaux européens reposent sur trois compromis quicanalisent les tensionsentreéconomiqueetsocial :compromisentre État et marché ; compromis entre capital et travail – enpériodedeplein-emploi–;compromisentreÉtatprovidenceetliberté individuelle– reposant sur la sécurité sociale, lesbienscollectifs.Lespartenairessociauxnégocientcescompromisavecle patronat et l’État. En participant aux conquêtes sociales ilscontribuent à la fois au progrès individuel et au progrèscollectif, il encourage donc leur développement et leur

implicationdans lavieéconomique.Mais il s’opposeàcequelesrevendicationsse limitentà ladéfensed’uncorporatismeetinciteàcequ’ellesbénéficientà l’ensembledes travailleursenévitantdecréerdesrigiditéssupplémentairespourl’économie.

TYRANNIE OU CULTE DE L’INSTANTANÉ : Constat parJacques Delors que les sociétés contemporaines imposentpresque systématiquement des réactions immédiates voireinstantanéesauxévénementsquifontl’actualité: ils’agitd’unvicepourl’ancienprésidentdelaCommissionqui,plutôtquederéagiràchaudauxaléasduquotidien,mèneuneréflexionàlongterme.

sécurité,lesconditionsdetravail,l’informationconsultationdessalariés,l’égalitéhommes-femmesetl’intégrationdespersonnesexcluesdumarchédutravail.SelonClaudeDIDRY,«L’émergencedudialoguesocialenEurope:retoursuruneinnovationinstitutionnelleméconnue»,art.cit.

76.Ibid.

77.Jean-LouisARNAUD,Ladimensionsocialeestl’undescinqobjectifsprioritairesdel’acteunique,NotreEurope,séminairen°3.

78.JacquesDELORS,18mai2011.Cf.note72.

79.JacquesDELORS,«Affronterlesmutations»,discoursauCongrèsdelaConfédérationeuropéennedessyndicats,«Tempsnouveaux,nouveauxsyndicats»,Bruxelles,5-7février1998.

80.PoulNyrupRASMUSSEN,JacquesDELORS,LanouvelleEuropesociale,PartiSocialisteEuropéen,2007.

81.Conférenceinternationalepourlaréformedespactessociaux,1999,op.cit.

82.JacquesDELORS,5-7février1998.Cf.note79.

83.Conférenceinternationalepourlaréformedespactessociaux,1999,op.cit.

ChapitreVI

84.«Ilfautmenerlabataillecontrel’ultralibéralisme»,entretienavecJacquesDELORS,proposrecueillisparGuillaumeDUVALetPhilippeFRÉMEAUX,Alternativeséconomiques,n°146,mars1997.

85.«Jesuistellementirritéparlapenséeuniquequej’endevienstrèscritique»,entretienavecJacquesDELORS,proposrecueillisparDenisCLERCetGuillaumeDUVAL,Alternativeséconomiques,n°223,mars2004.

86.«Lapolitiquesocialecommefacteurdecroissance»,conférencesur«Lesperspectivesdel’Europedel’an2000»,Athènes,30juin1997.

87.«Danslesannées1980et1990,touteslesdiscussionspolitiquessurlarépartitiondesrichessesetdeschancesontétéconduitessansquel’onprenneencomptelajeunesse.J’aimisengardecontrelesrisquesencourus,maisonapréférérecouriràl’emprunt[…].Aujourd’hui,lesÉtatseuropéenssontplombésparleurdette,etcesontlesjeunesquipaieront.»JacquesDelorsdéploreuneFrance«politiquementconservatrice»,inBenoîtFLOC’H,LeMonde.fr,25novembre2011.

88.COMMISSIONEUROPÉENNE,LivreblancCompétitivité,croissanceetemploi,1993.

89.«Avons-noustrahileprojetéconomiqueetsocialdel’Europe?»,interventiondeJacquesDELORS,SemainessocialesdeFrance,1996.

90.«Lapauvretéetl’appauvrissementenEuropeentrecriseéconomiqueetsujetssociaux»,Interventiondujeudi11

novembre2010,ACLI.

91.Ibid.

92.Alternativeséconomiques,mars1997.

93.JacquesDELORSetMichelDOLLÉ,Investirdanslesocial,op.cit.

94.«Croissance,compétitivité,emploi.LesdéfisetlespistespourentrerdansleXXIesiècle»,COM(93)700final.Bruxelles,Commissioneuropéenne,5décembre1993.

95.JacquesDELORS,«Réflexionsetpropositionspourunnouveaumodèlededéveloppement»,mai1997.

96.JacquesDELORS,Discoursdeclôture,20eAssisesdeSoletCivilisation,29septembre2011.

97.Ibid.

98.PréfacedeJacquesDelorsàl’ouvrageRegardscroiséssurlapolitiquedecohésionéconomique,socialeetterritorialedel’UE:quelbilan25ansaprèslepaquetDelorsIetquelleperspectiveau-delàde2013?,L’ENA,2012.

99.MarjorieJOUEN,«LedéveloppementlocalenEurope:bilanetperspectivesaprèslacrise»,Bref,n°21,NotreEurope,2011.

100.JacquesDELORS,«Réflexionsurlapolitiquedecohésion»,Panorama,automne2012.

101.JacquesDELORS,L’économiesocialeetsolidairemeten

socialL'EuropeprisedecourtparlaglobalisationLemalchroniqueduchômageL'érosiondel'ÉtatprovidenceL'environnementsurexploitédessociétésurbaines

Lapolitiqueéconomiqueauserviced'unnouveaumodèlededéveloppementTroischantiersdepolitiqueéconomiquenondogmatiquesLenouveaumodèlededéveloppement

L'euroauborddugouffreLevicedeconstructiondel'euroL'UEMsanspilote

Laresponsabilitémoraleetpolitiquedeschefsd'ÉtatetdegouvernementL'EurogroupemoralementetpolitiquementresponsabledelacriseLepoisondel'idéologiefinancière

L'appelàl'audacecontrelelaisser-faireLeschantierspourparacheverl'euro,lavisiondeloristedel'UEMAppelàunepolitiquedecroissanceeuropéenneAu-delàdel'Europe:lapropositiond'unConseildesécuritééconomiqueauG20

VII

LESARCHITECTESAUSERVICEDEL'EUROPE

UnevisionpourleprojetLemilitanteuropéenaprèslaCommissionLestroisdialectiquesdelaconstructioneuropéenneUneréflexionétayéeparl'étude

LaméthodedeconstructionetseslimitesUnmilitanteuropéenémancipédesespèresL'exigencedémocratique,l'implicationdescitoyensUnvisionnairepragmatiqueCompétition,coopération,solidarité:principesindissociablespourleprojeteuropéen

Saletempspourl'ouvrageMalaiseinstitutionnel:laméthodecommunautaireenpanneL'espriteuropéens'étiole

Unlegsinachevé,leschantiersdelarelanceL'Europepolitiqueetlesinstitutions:l'exigenced'efficacitéAu-delàdesinstitutions,uneEuropedechairetd'âmeRéunirlafamilleeuropéenne,lesélargissementsL'Europesurlascèneinternationale

Conclusion:«N'ayezpaspeur,nousyarriverons!»GlossairedesexpressionsdeloriennesIndexdesnomspropresNotesdefind'ouvrageBibliographie

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Jacques Delors, hier et aujourd’huiJacques Delors fait partie de ceux qui n’apprécient guère...

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