Jacob Riis - novembre 09

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Les dossiers pédagogiques du service éducatif Jacob Riis Collection du Museum of the City of New York 12 novembre 2009 – 25 janvier 2010 Dossier réalisé par le service des publics et les professeurs-relais du service éducatif : Bruno di Palma (arts plastiques), Karine Guihard (lettres), Françoise Guitard (histoire-géographie et histoire des arts), Brigitte Hébert (1 er degré) Disciplines concernées : lettres, histoire des arts, arts plastiques Niveaux : primaire - collège - lycée

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Les dossiers pédagogiques du service éducatif

Jacob Riis Collection du Museum of the City of New York

12 novembre 2009 – 25 janvier 2010

Dossier réalisé par le service des publics et les professeurs-relais du service éducatif : Bruno di Palma (arts plastiques), Karine Guihard (lettres), Françoise Guitard (histoire-géographie et histoire des arts), Brigitte Hébert (1er degré) Disciplines concernées : lettres, histoire des arts, arts plastiques Niveaux : primaire - collège - lycée

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Dossier pédagogique

Jacob Riis

Collection du Museum of the City of New York

1. Présentation de l'exposition p.3 2. Pistes d'exploitation pour le 1 er degré p.4 2.1 La photographie, arme d'un homme engagé p.4 2.2 Commentaires de quelques photographies p.4 2.3 Proposition d'activités pour les élèves p.5 3. Pistes d'exploitation en lettres (2 nd degré) p.7 4. Pistes d'exploitation en histoire (2 nd degré) p.9 4.1 Les photographies de Jacob Riis, un document pour l’historien p.9 4.2 New York et l’immigration p.9 4.3 La misère des immigrés p.10 5. Pistes d'exploitation en histoire des arts (2 nd degré) : la photographie p.11 5.1 La photographie vers 1890 : état des lieux p.11 5.2 Jacob Riis, artiste, photo-reporter ou militant ? p.11 5.3 Prolongements possibles avec les élèves p.11 6. Pistes d'exploitation en arts plastiques p.12 6.1 La photographie de reportage 1950-1980 p.12 6.2 Art-Photographie-Contemporanéité p.12 6.3 Pistes en arts plastiques

p.13

7. Bibliographie / webographie

p.14

8. Visiter l'exposition avec sa classe

p.15

9. Informations pratiques et activités autour de l' exposition

p.16

10. Annexes p.17

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1. Présentation de l'exposition

En partenariat avec le festival Les Boréales* 2009 consacré au Danemark, le musée des Beaux-Arts présente les photographies de Jacob A. Riis (1849-1914). Photographe, journaliste et activiste social, Riis migra du Danemark vers New York en 1873, à l'âge de 21 ans. Vite déçu et scandalisé par la grande pauvreté de la population de migrants, il commença à utiliser son appareil photo comme un catalyseur des conditions de vie dans les bidonvilles de New York. Grâce à son travail sur les sans-abris, le photographe développa une amitié avec Theodore Roosevelt, alors chef du Conseil de la police new-yorkaise. Quand Roosevelt devint président, leur amitié fut un instrument de la mise en application des réformes sociales tant sur le plan national qu'international. Pionnier de la photographie sociale, Riis a confronté les new-yorkais aux conditions misérables de vie et de travail dans le Lower East Side à Manhattan. Ses photographies ont réussi à toucher l'opinion publique et le monde politique. Cette exposition est la première en France à proposer un aperçu aussi complet de l'œuvre de Riis. *www.crlbn.fr © Museum of the City of New York

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2. Pistes d'exploitation pour le 1 er degré

L’exposition permet d’aborder en histoire des arts le XIXe siècle en montrant des photographies d’époque, et aussi de travailler les compétences sociales et civiques, en abordant le sujet de la dignité humaine (cf. « l’élève est capable d’avoir conscience de la dignité de la personne humaine et d’en tirer les conséquences au quotidien »). 2.1 La photographie, arme d'un homme engagé

> Un journaliste et écrivain engagé en faveur des d éshérités Au début de la photographie, cette technique est surtout utilisée pour le portrait. Jacob Riis est un des premiers à la fin du XIXe siècle à exploiter le pouvoir de cette nouvelle technique à des fins sociales. Ses reportages sur le New York de l’immigration sont exceptionnels et bouleversants. Ce sont les seuls témoignages dont on dispose sur les populations qui quittèrent l’Italie et l’Europe de l’Est dans les années 1880-1890. > La photographie comme moyen de parvenir à ses fin s Jacob Riis utilise la photographie comme un outil qui lui rend service, mais se définit lui-même comme un piètre photographe. Aucune prétention artistique n’anime son œuvre. Il veut éveiller l’attention et mobiliser la conscience d’un vaste public : la classe moyenne, face à une situation urgente. Il donne sans répit des conférences qu’il illustre au moyen de la lanterne magique : « Les auditeurs gémissaient, frissonnaient, s’évanouissaient et même interpellaient les clichés qu’il projetait, réagissant face à une réalité virtuelle qui introduisait les bas-fonds de New York dans la salle de conférence. », Jacob A. Riis, collection Photo Poche. La lanterne magique est apparue en 1659 aux Pays-Bas.En faisant glisser une plaque de verre devant l’objectif, on voit apparaître sur un écran blanc successivement les différents dessins qui y sont représentés. Les plaques peintes à la main peuvent révéler une foule de détails. Avec une triple lanterne de projection, on peut réaliser des fondus enchaînés. (Voir l’exposition Lanterne magique et film peint du 14 octobre 2009 au 28 mars 2010 à la cinémathèque française www.cinematheque.fr) En 1887, la technique du flash est inventée en Allemagne. Riis s'empare de cette invention qui lui permet de photographier les recoins les plus obscurs et de rendre encore plus saisissant son propos. La photographie témoigne d'une réalité qui semble plus incontestable qu'un dessin ou qu'un croquis. Enfin, en 1890, une nouvelle technique, la simili gravure (report d'une photo sur une plaque métallique, laquelle peut ensuite être imprimée sur une page), permet aux livres de Riis d'être illustrés de la même iconographie que ses conférences et de toucher un plus vaste public. > Un homme qui propose des remèdes et obtient des s olutions Grâce à ses livres, Jacob Riis noue une longue amitié avec Théodore Roosevelt qui le qualifiait de « citoyen le plus utile de New York ». Leur action conjointe permit le démantèlement des asiles de nuit de la police, la réhabilitation des logements insalubres, l'amélioration des conditions sanitaires, la création de jardins publics et des terrains de jeu, la rénovation des écoles. 2.2 Commentaires de quelques photographies Jacob Riis de Bonnie Yochelson, collection 55, Phaidon, 2001

« J’récure » Katie, maîtresse de maison, 49e Rue Ouest, New York, 1892 Katie a neuf ans, depuis le décès de sa mère et le remariage de son père, elle vit avec ses trois frères et sœurs plus âgés dans un logement. Les aînés travaillent dans une fabrique de hamacs et Katie tient la maison.

La petite Susie au travail, New York, 1892 Susie a des journées bien remplies. Chaque jour, pour un salaire de 60 cents, elle garnit de tissu deux cents couvercles de flasques en fer blanc. Ses mains sont si adroites, si vives, que même le flash est impuissant à figer le geste de son bras et l’abandonne au flou. Avant le travail, elle fait des courses contre quelques pièces et le soir, elle se rend à l’école.

Le clochard, New York, 1887 Ce clochard a demandé dix cents pour se faire photographier. Ayant ensuite retiré sa pipe de sa bouche, il a fait monter le tarif à vingt-cinq cents pour la reprendre.

Cours du soir dans une pension du West Side ; Edward, le petit colporteur assoupi ; New York, 1892 Edward, un orphelin de neuf ans, travaille toute la journée comme crieur pour un camelot. Il a refusé de se laisser photographier au travail, Riis le surprend un soir dans une pension où il est hébergé, alors qu’il s’est endormi pendant une leçon d’orthographe.

Un abri d’Italiens sous une décharge, New York, 1892 Sous le dépotoir, une colonie d’hommes et de jeunes garçons vivent du ramassage des chiffons et des os parmi les ordures de la ville. La photo montre la cabane d’un chiffonnier. Ce sujet est toujours d’actualité. On peut parcourir l’exposition à la recherche des jeux mis en place par les enfants dans un contexte où les lois interdisent de jouer au ballon dans les rues ou encore au cerf-volant sur les toits. Les enfants détournent alors leur environnement et trouvent des jeux inattendus, ainsi certaines portes de caves se transforment en toboggans.

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2.3 Proposition d'activités pour les élèves Promène-toi dans l’exposition et observe les enfants. Tu trouveras sans doute ces petites filles, choisis une des deux photos et redessine pour elles un univers où elles peuvent être heureuses et s’amuser.

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Un photographe français, Robert Doisneau, a pris cette photo vers les années 1950. Retrouve dans l’exposition une photo qui lui ressemble.

En 1890-1895, Paul Cézanne peint : Les joueurs de cartes, cherche dans l’exposition un personnage qui a aussi une pipe puis dessine-le .

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3. Pistes d'exploitation en lettres (2 nd degré)

Jacob Riis a utilisé la photographie comme illustration de ses écrits et conférences contre la pauvreté, à la force des mots il voulait ajouter celle des photos. Il s'agissait pour lui de dénoncer la misère sociale des Américains, notamment des immigrés, en cette fin de XIXe siècle. En lettres, la visite de l'exposition peut être liée à une séquence sur la critique sociale, la dénonciation de la misère, que ce soit pour l'étude du récit ou celle de l'argumentation. > Pistes en 4 ème et 2nde : récit et critique sociale Objet d'étude 4ème : le récit au XIXe siècle Objet d'étude 2nde : le récit

Dans les deux cas, on peut s'appuyer sur l'étude d'un roman ou d'extraits de Victor Hugo, Les Misérables (1869) ; Émile Zola, L'Assommoir (1877) ou Germinal (1885). > Piste en 2 nde : la dénonciation de la misère sociale Objet d'étude : l'argumentation, démontrer, convaincre, persuader

Groupement de textes dénonçant la misère sociale : • Jonathan Swift, Modeste proposition pour empêcher les enfants pauvres d'être à la charge de leurs parents ou

de leur pays et pour les rendre utiles au public, 1726. Ce texte permet de retravailler les types d’arguments et le plan du texte argumentatif, ainsi que l’ironie.

• Hugo, « Melancholia », Les Contemplations, 1856 : dénonciation du travail des enfants • Hugo, Les Misérables, 1869 : Fantine obligée de se vendre (cf. annexe) • Hugo, « À ceux qu'on foule aux pieds », L'Année terrible, XII, 1872 • Hugo, Discours sur la misère, 9 juillet 1849 • Prévert, « La grasse matinée », Paroles, 1945 • Rimbaud, « Les Effarés », Cahiers de Douai, 1870 • Chanson de Léo Ferré, « Madame la Misère », Poète, Vos papiers !, 1967

> Piste en 1 ère : le roman social Objet d'étude : le roman et ses personnages, visions de l'homme et du monde

• Zola, préface à L'Assommoir, 1877 (« C'est une œuvre de vérité, le premier roman sur le peuple qui ne mente pas et qui ait l'odeur du peuple »)

• Zola, L'Assommoir, chapitre X : la déchéance de Gervaise • Zola, Germinal, chapitre VII, partie 4 : discours de Lantier aux mineurs • Zola, Germinal, chapitre VII, partie 6 (« le travail grondait partout » à « faire bientôt éclater la terre »)

D'autres références pour approfondir :

• Jean Richepin, « la Chanson des gueux », 1876 • Hugo, « Melancholia , Les Contemplations, 1856 • Hugo, Les Misérables, 1862 Première partie : Fantine, livre cinquième : La Descente, fin du chapitre X « Suite du succès » qui décrit Fantine dans son galetas : « Le pauvre ne peut aller au fond de sa chambre comme au fond de sa destinée qu’en se courbant de plus en plus. » ; chapitre XI : « Christus nos liberavit ». « Qu’est-ce que cette histoire de Fantine ? C’est la société achetant une esclave. À qui ? À la misère. » • Hugo, Choses vues, 1846 (cf. annexes) • Hugo, Discours sur les caves de Lille, 1851 (http://www.rfi.fr/lffr/articles/072/article_359.asp) • Hugo, L'Homme qui rit, 1869 Le long discours de Gwynplaine (II, 8, VII) : « - Alors, cria-t-il, vous insultez la misère. Silence, pairs d’Angleterre ! Juges, écoutez la plaidoirie. Oh ! je vous en conjure, ayez pitié ! (...) Si vous saviez ce qui se passe, aucun de vous n’oserait être heureux. Qui est-ce qui est allé à Newcastle-on-Tyne ? Il y a dans les mines des hommes qui mâchent du charbon pour s’emplir l’estomac et tromper la faim. » • Arthur Rimbaud, « les Effarés », Cahiers de Douai, 1870 • Maupassant, « Le Gueux », 1884 • Zola, L'Assommoir, 1877 Le personnage de Gervaise • Zola, Germinal, 1885 • Charles Dickens, David Copperfield, 1849 Chapitre X : « je commence à voler de mes propres ailes » • Jack London, Le Peuple d'en bas, 1902 London, déguisé en clochard, se perd pendant trois mois dans les bas-fonds de Londres, et en rapporte ce témoignage terrifiant. • Upton Sinclair, La Jungle, 1906 En 1906, la parution de La Jungle provoqua un scandale sans précédent : Upton Sinclair dévoilait l'horreur de la condition ouvrière dans les abattoirs de Chicago aux mains des trusts de la viande. La Jungle fut bientôt traduit en dix-sept langues tandis qu'Upton Sinclair, poursuivi par les menaces et les promesses des cartels mais porté par le mécontentement populaire, était reçu à la Maison-Blanche par le président Theodore Roosevelt. • George Orwell, Dans la dèche à Paris et à Londres, 1933

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• Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932 Bardamu à New York : chapitre 15, chapitre 16 (les latrines dans le métro), chapitre 17 (au restaurant populaire), chapitre 19 (chez Ford) • Henry Roth, L'or de la terre promise, 1936 David Schearl, petit garçon débarqué à New York avec ses parents juifs d'Europe centrale, est plongé dans la vie sinistre des bas quartiers de la métropole. • Steinbeck, Their blood is strong, 1938 Reportage sur les travailleurs immigrants • Steinbeck, Les Raisins de la colère, 1939 • Léo Ferré, chanson « Madame la Misère », Poète, Vos papiers !, 1967 • Manuel Français littérature 2nde Magnard 2004, groupement de textes 4 « Grandeur et misères de la condition ouvrière » (pp. 320-335)

Œuvres en lien dans les collections permanentes du musée des Beaux-Arts [salles 11 et 12 du rez-de-jardin] Octave TASSAERT (1825-1894), La Ramasseuse de fagots, 1855 Armand GAUTIER (1825-1894), La Repasseuse Philippe-Auguste JEANRON (1809-1877), Les Petits patriotes

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4. Pistes d'exploitation en histoire (2 nd degré)

Programme d’histoire des classes de 1ère et de 4ème autour de la question de l’âge industriel aux États-Unis et en Europe occidentale. La statue de la liberté, œuvre de Bartholdi, offerte par la France aux États-Unis, est inaugurée en 1886. Cette image des États-Unis qui accueille les immigrants débarquant à Ellis Island après leur traversée de l’Atlantique est contemporaine des photographies de Riis, contemporaine mais ô combien différente. Les photographies de Riis témoignent de l'envers du rêve américain. 4.1 Les photographies de Jacob Riis, un document po ur l’historien

L’exposition offre un matériau riche pour l’historien, une source rare qui doit toutefois être méthodiquement analysée avant toute exploitation. Ces clichés se présentent avec une neutralité toute documentaire mais on sait que Riis n’hésitait pas faire poser ces modèles, les rétribuant au besoin (épisode du clochard à la pipe, enfants apparaissant sur plusieurs clichés). Certaines prises de vue sont effectuées alors que Riis accompagne les forces de police, ce qui peut renforcer la contrainte des sujets et leur terreur. Mais surtout le propos de Riis est un propos militant. Il photographie « à charge » en quelque sorte, pour convaincre son auditoire ou ses lecteurs. Ces photographies illustrent en effet ses conférences et ses ouvrages qui dénoncent la misère des immigrants. Il a recours à la photographie dans la mesure où il estime qu’il s’agit du média le plus efficace et surtout le plus « incontestable ». L’objectivité supposée de la photographie a pu faire recette dans ses premières décennies d’existence mais n'est évidemment plus de mise aujourd’hui. Les clichés exposés sont des retirages réalisés à partir des négatifs et des plaques de verre conservés par le musée de la ville de New York. 4.2 New York et l’immigration

La croissance urbaine Entre 1820 et 1890, plus de dix millions d'immigrants s'installent dans la métropole américaine, fuyant les difficultés économiques et les persécutions qui ont lieu en Europe. En 1910, 40% de la population était née à l‘étranger. Les photographies de Riis sont contemporaines de l’ouverture des services d'immigration d’Ellis Island (1892).

La population de New York (source Wikipédia)

1800 79 200 habitants 1850 696100 1890 2507400 1900 3437200

Face à cette croissance démographique, les autorités municipales étendirent à l'ensemble de l'île de Manhattan le plan d'urbanisation (cf. plans ci-dessous). En 1900, Manhattan est entièrement lotie. Avec l'essor démographique, l'offre de logement devient vite insuffisante. Les populations pauvres s'entassent dans des appartements étroits et insalubres appelés tenements. Une loi de 1879 exige toutefois que chaque pièce ait au moins une fenêtre pour améliorer la ventilation et la luminosité. Les clichés exposés témoignent de l’existence d’une autre réalité. Pour l’essentiel les photographies exposées ont été prises dans le Lower East Side, à proximité de la rue Mulberry.

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Origines des populations immigrées Les migrants les plus nombreux sont d'abord les Allemands et les Irlandais : les premiers quittent leur pays à la suite des Révolutions de 1848 et les seconds à cause de la grande famine. Des quartiers « ethniques » se constituent à Manhattan : par exemple, les Allemands, les européens de l’Est notamment de confession juive se concentrent dans le Lower East Side, largement documenté par Riis. Les inscriptions en yiddish sur certains clichés témoignent de l’immigration juive d’Europe centrale. Les titres donnés à certains clichés mais que l’absence de cartel ne permet d’identifier ici, traduisent l’immigration italienne (par exemple la mère et son nourrisson emmailloté, Jersey street, mère italienne et son bébé, 1890). L’envers de la ville lumière : l’urbanisme Les élèves seront surpris par l’absence de gratte-ciel. On découvre une autre vision de New York, celle des quartiers populaires, des constructions relativement basses et parfois de fortune, des tenements. Les photographies de terrains vagues témoignent soit de la démolition de quartiers insalubres ou de création de parcs urbains pour lesquels milite J Riis. 4.3 La misère des immigrés

Il convient d’emblée d’éviter toute confusion dans l’esprit des élèves. On ne traite pas ici, des conditions de vie difficiles des ouvriers mais bien de celles des immigrés débarqués à New York, ouvriers ou non. Les différents clichés exposés permettent de mener une étude détaillée des conditions de logement des populations immigrées du Lower East Side : caves (Quatre ans que je dors dans cette cave, 1892), sous-sol, densité d’occupation (Occupants d’un logement social surpeuplé de Bayer Street, 1889), dortoirs collectifs de fortune (Couchettes dans une pension à 7 cents, Pell Street, 1887). D’autres témoignent de l’absence de tout logement : tente improvisée, enfants des rues (Un camion en guise de terrain de jeux, 1892), abris de fortune sous les pontons du port (Les rats des docks dans leur repaire, 1887). Riis souligne également la pénibilité du travail pour ces immigrés : ateliers domestiques et parfois clandestins encombrés et surchargés (Culottes à 45 cents la douzaine, Ludlow Street, 1890 ; Famille de bohémiens fabriquant des cigares à domicile, 1890), travail des jeunes enfants (La petite Susie au travail, 1892)... Les clichés prenant les enfants pour sujet témoignent du propos misérabiliste de Riis : enfants au travail, fillettes condamnées très jeunes à assumer les charges d’une famille (Katie J’récure, 49e Rue Ouest, 1892), enfants des rues... La touche finale est apportée par La fosse de Porter street, 1891, fosse commune où sont enterrés ceux qui meurent dans l’anonymat et le dénuement. Bien que Riis montre également les initiatives charitables (écoles de la Children Aid society, cours du soir) et quelques améliorations comme les démolitions (Vieille maison en cours de démolition sur Bleeker street, 1890) ou les créations de parcs urbains (Jeux d’enfants à Poverty Gap, Coney Island, 1892), la plupart des clichés mettent à mal le rêve américain, l’espoir qui a nourri le départ de nombreux européens. Jacob Riis a connu lui-même le sort des immigrés, débarquant un jour de 1870 sur les quais de New York en provenance du Danemark. Cette expérience explique à la fois son empathie pour les populations qu’il photographie et son obstination à dénoncer la misère qui les frappe.

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5. Pistes d'exploitation en histoire des arts (2 nd degré) : la photographie

Pistes en histoire des arts , programme de 1ère spécialité. Deux entrées possibles : arts et innovations industrielles (ici la photographie), ou les centres artistiques majeurs (ici New York). Il s’agit de proposer aux élèves une réflexion sur le statut des photographies exposées, entre œuvre d’art, documentaire ou « pièce à conviction ». Au-delà de l’œuvre de Riis, ces interrogations ont traversé le monde de la photographie naissante. 5.1 La photographie vers 1890 : état des lieux

Média né de l’industrialisation, la photographie va s’attacher plus que les autres supports visuels à la réalité du monde industriel et particulièrement aux univers urbains (architecture, lumières, transports…). Les photos de Riis s’inscrivent dans cette démarche tout en offrant l’originalité de sujets nouveaux : les populations misérables, les exclus. Devant un public d’élèves ne connaissant de la photographie que sa version numérique récente, l’exposition Riis est l’occasion de traiter des origines de ce media. À l’époque où Riis achète son premier appareil, en 1888, la photographie est une technique déjà bien établie. On fait habituellement remonter à 1826/27, l’invention de la photographie alors nommée « héliographie » (N. Niepce, Paysage à Saint Loup de Varennes, paysage vu d‘une fenêtre et qui nécessita plus de 8 h de temps de pose). En 1839, le daguerréotype prolonge les possibilités du procédé. La photographie est née. Il faudra encore de nombreux perfectionnements (premier Kodak en 1888, invention de la pellicule en rouleau...) pour que la photographie se vulgarise. La mise au point en 1887 d’un flash rudimentaire, immédiatement adopté par Riis, lui permet de photographier les recoins sombres où les immigrés trouvent refuge, ce qui, jusque-là, était techniquement impossible et ce qui constitue le premier intérêt des prises de vues de Riis. Certains clichés témoignent des balbutiements de cette technique nouvelle (violents contrastes, flou qui entoure les personnages en mouvement). Ici la photographie joue réellement un rôle de révélateur. 5.2 Jacob Riis, artiste, photo-reporter ou militant ?

Les photographies de Jacob Riis sont aujourd’hui exposées sur les cimaises du musée des Beaux-Arts de Caen. Il en aurait vraisemblablement été fort surpris, lui qui se considérait comme « un piètre photographe ». Loin des démarches contemporaines des pictorialistes, sa préoccupation n’est en effet pas esthétique. Il n’hésite pas à recadrer, à découper dans ses prises de vues, à les retoucher (démarche qui pourrait, elle, le rapprocher du pictorialisme mais dont le but est différent). Certains des clichés exposés n’ont pas été pris par Riis lui-même mais par des photographes professionnels auxquels il avait parfois recours. La notion d’œuvre et d’original est ici hors de propos.

Faut-il alors considérer Jacob Riis comme un des premiers photo-reporters ? En 1946, lors de la première exposition consacrée à Riis, le musée de la ville de New York célèbre « le premier vrai journaliste photographe de l’Amérique ». Journaliste il le fut incontestablement d’abord au New York Herald Tribune en 1877, puis au New York Evening Sun en 1890. Mais ses clichés ne sont pas ceux d’un journaliste qui prend sur le vif ce que ses yeux découvrent au fur et à mesure de son reportage. Certaines de ces prises de vue sont mises en scène, les sujets devenant modèles que l’on retrouve sur plusieurs clichés. Les compositions misérabilistes traduisent un vrai travail de construction.

La démarche de Riis est celle d’un militant de la cause sociale et la photographie est pour lui « un outil », outil qu’il considère comme le plus efficace car le moins sujet à caution. La photographie comme preuve, comme pièce à conviction dans un procès à charge dénonçant la misère des populations immigrées à New York. Cette obstination lui permit de rencontrer Théodore Roosevelt, futur président des États-Unis, et de le rallier à sa cause. Devenu un temps conseiller de Roosevelt alors chef de la police new-yorkaise, il put participer concrètement à la rénovation des quartiers défavorisés préconisant entre autre la démolition des îlots insalubres et la création de parcs urbains, d’aires de jeux pour les enfants, préoccupations déjà sensibles dans les photographies exposées. 5.3 Prolongements possibles avec les élèves

New York vu par d’autres photographes contemporains de Riis comme Alfred Stieglitz ou Edward Steichen La comparaison permettrait de souligner l’originalité du propos de Riis. Steichen et Stieglitz s’emparent d’un nouveau media, la photographie, pour le hisser au nombre des formes d’expression artistique reconnues. Leur démarche, marquée par le pictorialisme, les conduit à représenter un autre New York, « l’endroit » du rêve américain et de la ville lumière en quelque sorte, notamment sa modernité (Flat Iron par exemple).

D’autres villes vues par les photographes contempor ains de Riis, le Paris d’Eugène Atget par exemple La démarche d’inventaire d’Atget peut être comparée à celle de Riis mais le propos, moins militant, est davantage empreint de nostalgie. Atget entreprend de recenser le vieux Paris qui selon lui est menacé de disparition devant les progrès de la modernité industrielle. Cette quête l’amène néanmoins à photographier certains métiers ou certains quartiers insalubres que l’ont peut aisément rapprocher des clichés de Riis, par exemple le chiffonnier devant sa « Villa » (La villa du chiffonnier, boulevard Masséna 1910 ; Intérieur d‘un chiffonnier, boulevard Masséna, 1912) ou les cours de quartiers populaires (Cour, rue de Broca, 1912 ; Cour, rue Mazarine, 1911 par exemple). L’entrée de la cour, 9 rue Thouin à Paris, vers 1910 est très proche dans son sujet comme dans le choix de la prise de vue et dans sa construction d’une ruelle étroite de Riis présentée dans l’exposition. L’impression produite est la même : étouffement, absence de lumière, sentiment de danger.

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6. Pistes d’exploitation en arts plastiques L’exposition peut servir de point de départ à l’étude de la photographie de reportage. 6.1 La photographie de reportage 1950-1980

La mise en question du reportage traditionnel « Une photographie est pour moi la reconnaissance simultanée, dans une fraction de seconde, d’une part, de la signification d’un fait et, de l’autre, d’une organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment ce fait. » Cette définition d’Henri Cartier-Bresson rend compte de l’inévitable relation de la photographie avec le monde extérieur comme elle rend compte de la maîtrise plastique nécessaire pour rendre ce monde visible aux autres. Il y a dans la réalité des significations qui attendent d’être exprimées. Même si ces significations réunissent de larges consensus, la voie propre de la photographie est de nous révéler une réalité encore impolluée par nos préjugés et nos routines de pensée.

En 1958 le photographe suisse Robert Frank dans Les Américains cherche les moments non significatifs, moments où les choses et les gens sont pris en flagrant délit, par l’objectif, de n’avoir aucun sens. Ces images de moments extérieurs absurdes, au-delà de l’attendu, sont des aveux sur des moments très intimes de vie intérieure. Le livre de Robert Frank exprimait aussi le désabusement de la beat generation devant la société américaine de consommation. Déjà Walker Evans avait su exprimer le désespoir nu devant la détresse moderne.

Pour sa part Lee Friedlander casse tous les codes de la réalité hiérarchisée par les conventions photographiques. Par exemple il renonce à la vieille « tricherie » d’éviter l’ombre et ou le reflet du photographe dans sa photo.

Pour Garry Winogrand les photos sont « des natures mortes » malgré la présence de tant de personnages bien vivants, parce que l’image une fois fixée au 1/50ème de seconde est irrémédiablement coupée de flot de la vie et du sens où elle a été prélevée si brutalement. Elle ne connaîtra désormais que sa vie d’image, objet de contemplation figé à jamais. L’individu devant la crise de l’humain Une grave tension traverse la photographie entre 1950 et 1980 d’où la chaleur et le fait humain se trouvent souvent absents. Dans les rues des banlieues les passants n’ont pas plus d’importance que les poteaux électriques. L’œuvre de Diane Arbus s’affronte à la présence de l’individu, si les modèles d’Auguste Sander se définissaient par rapport à une condition sociale assumée, ceux de Diane Arbus sont cernés par une solitude sans recours. Elle présente souvent des « monstres » nains ou géants ou des marginaux mais montre surtout que les gens dits normaux sont tout aussi monstrueux. La société moderne n’est plus qu’une galerie de détraqués que plus rien ne relie. Un des moyens techniques de Diane Arbus est la netteté détaillée de l’image qui ne laisse rien échapper de ses constats implacables. Ce n’est pas ici un lyrisme romantique mais un excès d’angoisse qui se déverse à travers déformations, violents contrastes de noir et de blanc, exagération du grain. Les ombres constitutives de l’image photographique se tordent.

William Klein s’est mesuré à la dureté et à la violence des villes modernes (New York, Tokyo).

Josef Koudelka met d’abord dans ses images son amour pour les gens. Durant des années il a partagé la vie des nomades dans une enquête qui doit bien moins à l’ethnologie qu’à une volonté de compréhension et de communion. Sa composition est plusieurs fois baroque, par son système d’espaces différents encastrés par son grouillement de formes pourtant harmonieuses. 6.2 Art-Photographie-Contemporanéité

Il est proposé de recourir à la notion d’empreinte pour distinguer, en nature, la photographie du dessin qui, lui, ressortirait plutôt à l’icône. D’un côté, la représentation, l’icône, l’imitation ; de l’autre, l’enregistrement, l’indice, l’empreinte ; l’originalité et l’unicité de l’œuvre contre la similarité et la multiplicité des épreuves. Or la photographie fut-elle documentaire, ne représente pas automatiquement le réel, et ne tient pas lieu d’une chose extérieure. Il importe d’explorer comment l’image produit du réel. Car en soi, au singulier, « la » photographie n’existe pas. Dans le monde réel, on a toujours affaire à des pratiques et des œuvres particulières dans des contextes, des territoires et des conditions, et avec des acteurs et des enjeux déterminés. En décrivant les mécanismes du « vrai photographique » puis « la crise de la photographie-document », on a insisté sur cette évidence : la photographie n’est pas en soi un document, elle est seulement dotée d’une valeur documentaire variable selon les circonstances.

Au cours des années 1980, l’évolution de la presse illustrée et des agences a conduit le photoreportage dans une nouvelle direction : la scénarisation . Soit que les reporters préparent et montent un sujet, soit que, dans le feu de l’actualité, ils cherchent à donner plus d’éloquence à leurs clichés en « arrangeant » les situations. Il s’agit en fait d’une véritable révolution, d’une inversion complète de posture et d’éthique. Après avoir, pendant près d’un siècle, proclamé la totale dépendance du reportage vis-à-vis du réel, sa soumission absolue à l’actualité ; après avoir revendiqué le face-à-face direct et abrupt avec l’événement, et proclamé les vertus de « l’instant décisif » et de l’instantané ; après avoir érigé l’action et le contact immédiat avec les choses en critère absolu de vérité, de plus en plus de reporters adoptent aujourd’hui une attitude inverse. Ce revirement radical est d’abord dû à une lassitude des lecteurs de magazines devant les images de guerre, de détresse et de violence, comme si le voyeurisme pervers, les scènes d’apocalypse, la surenchère morbide ne faisaient plus recette. Ce revirement s’explique à l’inverse par un accroissement de la concurrence qui conduit les photographes d’actualité à ne pas hésit er à travestir le fait pour le mieux vendre. Nombre de reporters ont donc choisi de ne plus sillonner le monde en quête de scoops, mais de construire leurs images ; de ne plus suivre l’actualité, mais d’anticiper ou de la commenter ; de ne plus vouer un culte exclusif à l’instantané, mais de s’accorder le droit de faire poser leurs personnage s ; de ne plus affronter la réalité brute, mais de la mettre en scène.

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6.3 Pistes en arts plastiques

> En 4ème À travers des réalisations, les élèves seront sensibilisés à la réception des images, aux codes qui régissent un style documentaire et plus généralement aux rapports qu'elles entretiennent avec la réalité. À travers ses différents supports, l'image sera abordée du point de vue culturel, comme trace ou indice d'un fait, d'un événement ou d'une présence, dont elle témoigne ou qu'elle simule. Seront abordées plus particulièrement la reconnaissance et la réception des images. On pourra comme point de départ sensibiliser les élèves « au sujet » des photographies exposées ; puis les amener à réfléchir aux notions de représentation et de réalité et ainsi définir la fonction des images présentées (classification). Ensuite dans un travail de groupe, les élèves réaliseront une série de clichés sur un thème se référant à la photographie documentaire. Cette série fera référence à la fois au travail photographique de Jacob Riis et à celui de photographes contemporains comme Martin Parr, William Klein , Diane Arbus ou Bruce Davidson, Bernd et Hilla Becher. > En 4ème - Développer un point de vue analytique et critique sur les images qui les entourent ; - Utiliser des images à des fins d’argumentation. Les situations permettent aux élèves de réaliser des images dans leur rapport au réel. Ils sont amenés à prendre en compte les points de vue du regardeur et de l’auteur, de l’acteur. Dans une observation attentive des photographies exposées les élèves sont amenés à s’interroger sur la composition, la technique, le cadrage, la mise en scène. À partir d’une verbalisation collective on cherchera à déterminer ce qui justifie telle ou telle approche technique, les choix sémantiques du photographe, et à les confronter avec leur point de vue de spectateur. Amener les élèves à se questionner sur l’artifice, l’illusion, le faux-semblant, l’imprévu, le spontané, l’instantané ; et donc sur la qualité d’une image et sa signification. En pratique plastique les élèves sont amenés à expérimenter le point de vue du cliché instantané (argentique par exemple avec le travail de la prise de vue, de la lumière et de la vitesse) et celui du cliché modifiable (numérique par retouche et modification de la photographie). > En 2nde L’élève travaille en deux et trois dimensions, en variant les supports et les techniques et en attachant une importance toute particulière aux ressources offertes par les technologies contemporaines (photographie, vidéo, infographie, etc.), en diversifiant les matériaux, les formats et les modes de présentation. Il s’engage dans des réalisations individuelles ou collectives, en fonction de projets personnels ou de projets partagés au sein de la classe. En fonction des questions abordées dans la pratique, les exemples sont empruntés à la peinture, à la sculpture, à l’architecture, à la photographie , mais aussi aux productions, notamment contemporaines, qui se sont affranchies de ces classifications. Fondée sur des confrontations et des rapprochements , l’analyse comparative met en évidence les caractères propres de chaque création et ceux qu’elle partage avec l’époque et l’espace dans laquelle elle s’inscrit. L’élève abordera les questions posées par l’évolution de la photographie de presse ou de reportage telles qu’elle se manifeste dans les œuvres de photographes contemporains cités ci-dessus en les comparant avec les clichés de Jacob Riis . Parmi ces questions on notera celle touchant à la réalité du sujet photographié et au rapport qu’elle entretient avec la vérité : détournement de l’image, scénarisation (Robert Capa ). La question de la photographie comme acte créatif et non plus comme seul élément d’une vérité. Qu’est-ce qui exprime la beauté, l’objet photographique ou le sujet ; qu’en est-il de la laideur ? (cf. Sebastiao Salgado, Une Certaine Grâce). L’élève peut être mis en situation de comparer et d’interpréter deux images photographiques appartenant à des genres apparemment identiques et en dégager les composants plastiques, ainsi un cliché de Jacob Riis et un d’Henri Cartier-Bresson par exemple.

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7. Bibliographie > Sur l'exposition

- Jacob Riis, collection 55, Phaidon, 2001 - Jacob A. Riis, collection Photo Poche, 1997 - Bonnie Yochelson et Daniel Czitrom, Rediscovering Jacob Riis, The New Press, 2007 > Sur la photographie

- TDC n°805, décembre 2000, L’historien face aux photographies, éditions du scérén-CNDP - TDC n°976,15 mai 2009, Photographier la ville, éditions du scérén-CNDP - André Rouillé, La Photographie, Paris, Gallimard, collection Folio essais, 2005 - Jean-Claude Lemagny, La Photographie, tendances des années 1950-1980, CNDP, actualités des arts plastiques - Christian Gattinoni, Yannick Vigouroux, La Photographie contemporaine, éditions Scala, Paris, 2002 - Nick Yapp, 150 ans de Photos de Presse, Gründ, Paris, 1995 - Quentin Bajac, La photographie, l'époque moderne 1880-1960, découvertes Gallimard, 2005 - Michel Poivert, La Photographie contemporaine, Flammarion, 2002

Pour les plus jeunes - Isabelle Le Fèvre-Stassart, Objectif photographie !, Autrement junior, 2003 - Dada n°122, La Photographie, Mango presse, octobre 2006 > Monographies

- Eugène Atget, collection 55, Phaidon, 2001 - Sebastiao Salgado, Une Certaine Grâce, textes d’Edouardo Galeano et Fred Ritchin, La Martinière, Paris, 2002 Webographie

> Histoire de New York et de l’immigration http://www.tenement.org/ : le site du musée de Lower East Side qui présente l’intérieur d’un tenement (nombreux documents pour les scolaires) http://www.ellisisland.org/ : le site du musée d’Ellis Island > Iconographie sur New York http://www.mcny.org/museum-collections/berenice-abbott/lespage.htm : Lower East Side par Berenice Abbott http://www.mcny.org/museum-collections/ : la collection Byron en ligne

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8. Visiter l'exposition avec sa classe

Le service des publics et le service éducatif ont pour mission de faciliter l'accès des scolaires aux nombreuses ressources du musée. Des professeurs-relais, des conférenciers, des plasticiens et des médiateurs culturels sont à votre service pour vous accueillir, vous familiariser avec les collections et expositions, vous aider à construire votre projet et vous fournir l'aide dont vous avez besoin. Les visites en autonomie L’enseignant organise sa venue au musée avec ses élèves et assure lui-même la visite. Merci de préciser la durée de votre présence dans les salles lors de votre réservation. Gratuit Les visites commentées 3/4 d’heure ou 1 heure selon les niveaux Gratuit Les visites croquis (à partir du CE2) La visite croquis est une visite commentée ponctuée de moments de croquis (matériel fourni). Elle a pour objectif de faire découvrir l’exposition et de développer le sens de l'observation des élèves en les incitant à regarder les détails des œuvres afin de les reproduire. > Contact Pour réserver une visite, prendre un rendez-vous avec les conférenciers, professeurs-relais ou médiateurs, s’inscrire à la présentation d’une exposition, obtenir une information sur l’actualité du musée ou des pistes et dossiers pédagogiques, contacter Mme Ghislaine Lenogue (secrétariat du musée) / 02 31 30 47 73 (le matin) - [email protected] > Horaires Ouvert tous les jours de 9h30 à 18h, sauf le mardi. Fermé les 1er janvier, lundi de Pâques, 1 er mai, Ascension, 1 er novembre, 25 décembre. > Accès Parking libre au sein du château Tramway et bus : arrêt Saint-Pierre (centre-ville) > Les bons réflexes Pour un plus grand confort de visite, voici quelques règles de base à connaître et à transmettre.

…pour les enseignants - Toute visite, libre ou commentée, doit faire l’objet d’une réservation préalable auprès du secrétariat, de préférence 15 jours avant la date souhaitée. Les groupes se présentant sans réservation ne pourront avoir accès aux salles. Pour les ateliers, réservation par mail uniquement à l’aide du bulletin disponible sur le site Internet du musée à partir du 7 décembre 9h. - La visite se fait sous la conduite de l’enseignant qui doit obligatoirement rester avec son groupe et veiller à son bon comportement dans les salles mais aussi dans les espaces d’accueil. En cas d’incident, l’établissement scolaire sera tenu pour responsable. - Il est souhaitable que le groupe ne dépasse pas 30 élèves. Prévoir un accompagnateur pour 10 élèves. - En cas d’annulation merci de prévenir le musée. - Se présenter 10 minutes avant le début de la visite de façon à remplir les différentes formalités à l’accueil. - Merci d’être ponctuel. Une visite commencée en retard sera écourtée d’autant. - Pour que la visite prenne tout son sens, la préparation des élèves, avant la venue au musée est essentielle. …pour les élèves Pour la sécurité de tous les visiteurs, pour le confort de visite de chacun et pour la conservation des œuvres, Il est interdit de : - courir dans le musée, - crier ou se comporter bruyamment, - toucher les œuvres ou s’appuyer contre les murs, - manger et boire dans le musée. Merci de : - laisser sacs, cartables et manteaux au vestiaire, - utiliser exclusivement le crayon à papier, - photographier sans flash et sans pied.

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9. Informations pratiques Exposition ouverte du 12 novembre 2009 au 25 janvier 2010 tous les jours de 9h30 à 18h (sauf mardi et 25 décembre et 1er janvier) Accès libre Musée des Beaux-Arts - Le Château 02 31 30 47 70 - www.mba.caen.fr Pour consulter le programme des Boréales : www.crlbn.fr Autour de l’exposition Visites pour les individuels Jeudi 26 novembre à 18h30, gratuit dans la limite des places disponibles Dimanche 24 janvier à 16h, 4 € Jeudi 7 janvier à 12h30, 16 € (visite + déjeuner), réservation au 02 31 30 40 85 (le matin)

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10. Annexes Victor Hugo, Les Misérables , 1862 [Dans ce roman, Fantine, modeste couturière à domicile, rencontre de plus en plus de difficultés financières pour nourrir sa fille Cosette, qu’elle a été obligée de confier à un couple de gens malhonnêtes et rusés, les Thénardier. Pour payer les frais d’une maladie inventée par ces derniers, Fantine doit vendre ses cheveux, puis deux dents. C’est ainsi que Marguerite, une collègue de travail, la découvre un matin.] Fantine depuis la veille avait vieilli de dix ans. - Jésus ! fit Marguerite, qu’est-ce que vous avez Fantine ? - Je n’ai rien, répondit Fantine. Au contraire. Mon enfant ne mourra pas de cette affreuse maladie, faute de secours. Je suis contente. En parlant ainsi, elle montrait à la vieille fille deux napoléons1 qui brillaient sur la table. - Ah, Jésus Dieu ! dit Marguerite. Mais c’est une fortune ! Où avez-vous eu ces louis d’or ? - Je les ai eus, répondit Fantine. En même temps elle sourit. La chandelle éclairait son visage. C’était un sourire sanglant. Une salive rougeâtre lui souillait le coin des lèvres, et elle avait un trou noir dans la bouche. Les deux dents étaient arrachées. Elle envoya les quarante francs à Montfermeil2. Du reste c’était une ruse des Thénardier pour avoir de l’argent. Cosette n’était pas malade. Fantine jeta son miroir par la fenêtre. Depuis longtemps elle avait quitté sa cellule3 du second pour une mansarde fermée d’un loquet sous le toit ; un de ces galetas4 dont le plafond fait angle avec le plancher et vous heurte à chaque instant la tête. Le pauvre ne peut aller au fond de sa chambre comme au fond de sa destinée qu’en se courbant de plus en plus. Elle n’avait plus de lit, il lui restait une loque qu’elle appelait sa couverture, un matelas à terre et une chaise dépaillée. Un petit rosier qu’elle avait s’était desséché dans un coin, oublié. Dans l’autre coin, il y avait un pot à beurre à mettre l’eau, qui gelait l’hiver, et où les différents niveaux de l’eau restaient longtemps marqués par des cercles de glace. Elle avait perdu la honte, elle perdit la coquetterie. Dernier signe. Elle sortait avec des bonnets sales. Soit faute de temps, soit indifférence, elle ne raccommodait plus son linge. A mesure que les talons s’usaient, elle tirait ses bas dans ses souliers. Cela se voyait à de certains plis perpendiculaires. Elle rapiéçait son corset5, vieux et usé, avec des morceaux de calicot6 qui se déchiraient au moindre mouvement. Les gens auxquels elle devait7 lui faisaient « des scènes », et ne lui laissaient aucun repos. Elle les trouvait dans la rue, elle les retrouvait dans son escalier. Elle passait des nuits à pleurer et à songer. Elle avait les yeux très brillants et elle sentait une douleur fixe dans l’épaule, vers le haut de l’omoplate gauche. Elle toussait beaucoup. Elle haïssait profondément le père Madeleine8, et ne se plaignait pas. Elle cousait dix-sept heures par jour ; mais un entrepreneur du travail des prisons, qui faisait travailler les prisonnières au rabais, fit tout à coup baisser les prix, ce qui réduisit la journée des ouvrières libres à neuf sous. Dix-sept heures de travail, et neuf sous par jour ! Ses créanciers étaient plus impitoyables que jamais. Le fripier, qui avait repris presque tous les meubles, lui disait sans cesse : Quand me payeras-tu coquine ? Que voulait-on d’elle, bon Dieu ! Elle se sentait traquée et il se développait en elle quelque chose de la bête farouche. Vers le même temps, le Thénardier lui écrivit que décidément il avait attendu avec beaucoup trop de bonté, et qu’il lui fallait cent francs, tout de suite ; sinon qu’il mettrait à la porte la petite Cosette, toute convalescente de sa grande maladie, par le froid, par les chemins, et qu’elle deviendrait ce qu’elle pourrait, et qu’elle crèverait, si elle voulait. - Cent francs, songea Fantine ! Mais où y a-t-il un état9 à gagner cent sous par jour ? - Allons ! dit-elle, vendons le reste. L’infortunée se fit fille publique10. 1. deux napoléons : pièces d’or 2. Montfermeil : village où habitent les Thénardier avec Cosette 3. cellule : petite chambre 4. galetas : logement misérable et sordide sous les toits 5. corset : gaine lacée en tissu résistant, qui serre la taille et le ventre des femmes 6. calicot : toile de coton assez grossière 7. devait : devait de l’argent 8. père Madeleine : monsieur Madeleine, riche industriel, ancien employeur de Fantine qu’elle rend, à tort, responsable de la perte de son emploi précédent 9. état : métier 10. fille publique : prostituée

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Victor Hugo, Choses vues, 1846 Hier, 22 février1, j'allais à la Chambre des Pairs2. Il faisait beau et très froid, malgré le soleil de midi. Je vis venir rue de Tournon un homme que deux soldats emmenaient. Cet homme était blond, pâle, maigre, hagard ; trente ans à peu près, un pantalon de grosse toile, les pieds nus et écorchés dans des sabots avec des linges sanglants roulés autour des chevilles pour tenir lieu de bas ; une blouse courte, souillée de boue derrière le dos, ce qui indiquait qu'il couchait habituellement sur le pavé ; la tête nue et hérissée. Il avait sous le bras un pain. Le peuple disait autour de lui qu'il avait volé ce pain et que c'était à cause de cela qu'on l'emmenait. En passant devant la caserne de gendarmerie, un des soldats y entra, et l'homme resta à la porte, gardé par l'autre soldat. Une voiture était arrêtée devant la porte de la caserne. C'était une berline armoriée3 portant aux lanternes une couronne ducale4, attelée de deux chevaux gris, deux laquais en guêtres derrière. Les glaces étaient levées, mais on distinguait l'intérieur tapissé de damas bouton d'or5. Le regard de l'homme fixé sur cette voiture attira le mien. Il y avait dans la voiture une femme en chapeau rose, en robe de velours noir, fraîche, blanche, belle, éblouissante, qui riait et jouait avec un charmant petit enfant de seize mois enfoui sous les rubans, les dentelles et les fourrures. Cette femme ne voyait pas l'homme terrible qui la regardait. Je demeurai pensif. Cet homme n'était plus pour moi un homme, c'était le spectre de la misère, c'était l'apparition, difforme, lugubre, en plein jour, en plein soleil, d'une révolution encore plongée dans les ténèbres, mais qui vient. Autrefois, le pauvre coudoyait6 le riche, ce spectre rencontrait cette gloire : mais on ne se regardait pas. On passait. Cela pouvait durer ainsi longtemps. Du moment où cet homme s'aperçoit que cette femme existe, tandis que cette femme ne s'aperçoit pas que cet homme est là, la catastrophe est inévitable. 1. 22 février 1846, deux ans avant les émeutes de 1848 qui entraîneront l'abdication du roi Louis-Philippe 2. Chambre des Pairs : désigne la Haute Assemblée législative dont Victor Hugo était membre 3. Berline armoriée : voiture à chevaux sur laquelle sont peints les emblèmes d'une famille noble 4. Couronne ducale : cet emblème signale que la passagère est une duchesse 5. Damas bouton d'or : étoffe précieuse de couleur jaune 6. Coudoyer : côtoyer