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REVUE INTER-TEXTUAL

Revue semestrielle en ligne des Lettres et Sciences Humaines du Département

d’Anglais adossée au Groupe de recherches en Littérature et Linguistique anglaise

(GRELLA)

Université Alassane Ouattara

République de Côte d’Ivoire

Directeur de Publication: M. Pierre KRAMOKO, Maitre de Conférences

Adresse postale: 01 BP V 18 Bouaké 01

Téléphone: (225) 01782284/(225) 01018143

Courriel: [email protected]

Numéro ISSN:

Lien de la Revue: http://inter-textual.univ-ao.edu.ci

Typewritten text
2663-239X
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ADMINISTRATION DE LA REVUE

DIRECTEUR DE PUBLICATION

M. Pierre KRAMOKO, Maître de Conférences

COMITÉ DE RÉDACTION

- Professeur Guézé Habraham Aimé DAHIGO, Professeur Titulaire

- Dr Vamara KONÉ, Maître de Conférences

- Dr Kouamé ADOU, Maître de Conférences

- Dr Kouamé SAYNI, Maître de Conférences

- Dr Koffi Eugène N’GUESSAN, Maître de Conférences

- Dr Gossouhon SÉKONGO, Maître de Conférences

- Dr Philippe Zorobi TOH, Maître de Conférences

- Dr Jérome Koffi KRA, Maître de Conférences

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Prof. Azoumana Ouattara, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

Prof. Coulibaly Daouda, PhD,Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

Prof. Djako Arsène, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

Prof. Francis Akindès, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

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Prof. Léa N’Goran-Poamé, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

Prof. Mamadou Kandji, Université Ckeick Anta Diop, Sénégal

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Prof. Kenneth Cohen, St Mary’s College of Maryland, USA

Prof. Nubukpo Komlan Messan, Université de Lomé, Togo

Prof. Séry Bailly, Université Félix Houphouët Boigny, Abidjan

Prof. Zigui Koléa Paulin, Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

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Inter-Textual No 2

TABLE DES MATIERES

1. Aliy Abdulwahid ADEBISI: The Translatability of Adam Abdullah Al-Ilory's

Poetry….............................................................................................................................1 – 17

2. Munseu Alida HOUMEGA et YEO Kanabein Oumar: Démarcation verbes / noms :

un cas de flexibilité catégorielle en Yacouba…………………………………………17 – 32

3. Amenan Jeanne Eunide KONAN : The Perception of English Vowels by Baule

Kode-English Bilinguals……………………………………………………..………33 – 45

4. Kouadio Lambert N’GUESSAN : Triumphing from Evils and Changing

Perspectives: an Examination of Blacks’ Dilemma in Zakes Mda’s The Heart of

Redness………………………………………………………………………..………...46 – 64

5. Koffi Jules KOUAKOU: Reading Feminism in Chinua Achebe’s Anthills of The

Savannah………………………………………………………………………..………65 – 86

6. Abib SENE: The Corporeality of Silence: Dispossession of Person-and-Selfhood in

Yvonne Vera’s Butterfly Burning…………………………………………….……….87 – 97

7. Afou DEMBÉLÉ : Regard sur l’autre : une lecture des rapports entre l’Occident et

l’Afrique dans l’œuvre de Fatou Diome……………………………………..………98 – 114

8. Kamondan Vincent DIDE et Pedro Kennedy GNAGNY: Araignée et grenouille ou la

confiscation de la liberté d’expression……………………………………...……...115 – 130

9. Justin Kwaku Oduro ADINKRA: Le Discours littéraire d’Aminata Sow Fall et

l’insertion sociale des jeunes : une lecture de Festins de la détresse………...........131 – 145

10. Pierre KRAMOKO : The Other Woman Beyond Feminism………………...146 – 159

11. Jean-Joël BAHI : Pauvreté et inégalités sociales en Afrique subsaharienne à la

lumière des théories philosophiques de Rawls et Sen……………………………..160 – 173

12. Fatou GUEYE : Procédés d’écriture et stratégies de persuasion dans les écrits

fonctionnels. Cas des annonces et slogans commerciaux au Sénégal………..........174 - 191

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DEMARCATION VERBES / NOMS : UN CAS DE FLEXIBILITE CATEGORIELLE EN

YACOUBA

HOUMEGA Munseu Alida

[email protected]

YEO Kanabein Oumar

[email protected]

Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire

Résumé

La langue Yacouba compte des unités qui dans certains emplois peuvent fonctionner comme nom

et dans d’autres comme verbe. Ce double usage pose problème au niveau de la démarcation de la

classe des verbes de celle des noms. L’objectif du présent article est de voir dans quelle mesure la

nominalisation peut permettre cette démarcation. Dans un premier temps nous montrons que la

nominalisation affecte aussi bien les noms que les verbes. Dans un second temps, nous mettons en

évidence le fait que lorsqu’une même unité peut appartenir à la classe de nom ou à celle de verbe,

il y a la possibilité pour un certain nombre de suffixes de se postposer à la base verbale pour donner

une base nominale. Il s’agit de cas de nominalisation qui au plan sémantique, intervient pour

exprimer la qualité ou l’action traduite par le verbe dont est issu ce nom.

Mots clés : nom, verbe, suffixe, nominalisation, base, sémantique

Abstract:

Yacouba language has units that in some usages are nouns and in others, verbs.

This double usage poses a problem of demarcation between the class of verbs and the one of nouns.

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The goal of this article is to see to what extent the nominalization can allow this demarcation. On

the one hand, we show that nominalization affects both nouns and verbs. On the other hand, we

highlight the fact that when the same unit can function as noun or verb there is the possibility for a

certain number of suffixes to be placed after the verbal root to give a nominal root .These are cases

of derivation which semantically occur to express the quality or the action translated by the verb

from which this name is derived.

Keywords: noun, verb, derivative, nominalization, root, semantic

INTRODUCTION

Dans les descriptions des langues, il arrive qu’une même notion soit rendue par des mots de

classes différentes mais de formes apparentées. Les cas en français de ‘compter/ (un) compte’,

‘porter / (un) port’ en sont une illustration : ‘compter et porter’ étant des verbes tandis que ‘compte

et port’ sont des noms. Le yacouba à travers ses lexèmes ‘verbo-nominaux’ connaît cette sorte de

confusion entre les formes des mots et leurs distributions. Indiquons au passage que cette

langue Mandé sud de l’ouest montagneux ivoirien est également parlée au Liberia, et

minoritairement en Guinée. L’objectif de cette étude est de voir dans quelle mesure la

nominalisation peut permettre une démarcation de classes dans cette langue. La question que cela

suscite est de savoir si parler de ‘verbo-nominaux’ n’est qu’un jeu de mots pour désigner la

‘nominalisation verbale’. Autrement dit, les termes de ‘verbo-nominaux’ et ‘nominalisation

verbale’ renvoient-ils à la même notion ? Nous y répondons tout de suite par la négative. Car devant

cette sorte de chiasme1, l’ambiguïté est vite levée par les définitions respectives de ces termes.

A ce propos, retenons brièvement que la nominalisation est un procédé, et parler de

nominalisation verbale consiste à voir comment ce procédé affecte le verbe. Par contre les verbo-

nominaux sont, non pas des procédés, mais des mots qui fonctionnent comme des noms et des

verbes.

1 Figure de style définie comme étant le fait que deux expressions se suivent, mais la deuxième adopte l’ordre

inverse (A – B / B’ – A’)

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Approche théorique et démarche méthodologique

En nous référant à Chomsky (1965) et Harris (1989), nous relevons que dans la grammaire

d’une langue:

la composante de base est constituée d'un système de règles syntagmatiques (règles de

composition syntaxique), et d'un lexique, fournissant les mots à insérer dans les structures.

Le lexique est conçu comme un ensemble d'items dont chacun est accompagné d'au moins

trois séries d'instructions : (a) catégorie syntaxique (Nom, Verbe, Adjectif, etc.) (b)

restrictions de sous-catégorisation, spécifiant dans quel(s) type (s) de structures l'item peut

être inséré (…) (c) restrictions de sélection, spécifiant quelles sous-classes sémantiques

d'éléments l'item sélectionne.2

Dans ces trois séries d’instructions, le même item peut apparaitre dans deux catégories syntaxiques.

C’est le cas des ‘verbo-nominaux’ en yacouba. Nous tenterons donc, à partir de la théorie

transformationnelle de Harris et la théorie lexicaliste de Chomsky, de cerner ces formes en nous

appuyant sur l’énoncé qui est l’unité élémentaire d’énonciation.

La démarche que nous adoptons est de présenter d’une part les particularités

morphologiques des unités verbales et verbo-nominales. D’autre part, nous les observerons à travers

le procédé syntaxique de nominalisation.

1. IDENTIFICATION DU VERBE

En guise de démarche d’identification, nous convenons avec Creissels (1995) qui dit

que pour dégager la notion de verbe il faut partir de l’observation d’énoncés reconnaissables

comme unités phrastiques de base. La réduction de ces énoncés à l’expression prédicative qui les

structure permet alors d’isoler l’unité verbale, notamment en mettant à part tous les fragments de

ces énoncés qu’il est possible de considérer comme des constituants nominaux. L’on désignera

donc comme base verbale, une base spécialisée à fournir directement (ou avec des marques) des

expressions prédicatives dans des énoncés à prédicat verbal.

2 Zribi-Hertz A (1980). P.10

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C’est le lieu de souligner que l’observation des formes verbales du yacouba nous a permis3

d’identifier des bases lexématiques4 et ce sont elles qui retiennent notre attention pour la présente

étude puisqu’étant des formes de base, elles se prêtent mieux aux analyses des paradigmes. Nous

sommes motivés en cela par un choix communicatif car une base complexe comme dés

« épouser une femme » ne permet pas de préciser par exemple de quelle femme il s’agit, tandis

qu’un verbe simple comme s ‘prendre’ permet de préciser un complément comme « elle a pris

un balai ».

Soit les unités lexématiques ci-après :

3 Houméga 2009 4 Cette langue présente également des bases non lèxématiques parmi lesquelles des dérivées, des locutions verbales, des séries verbales et des bases complexes à 2 bases verbales.

Unité glose

1- mà « frapper »

2- ka « couper »

3- ta « fermer »

4- s « prendre »

5- z « piler »

6- tomà « gifler »

7- kɔ « être sec, sécher »

8- ku « être chaud »

9- jiɤɓo « rêver »

10- fwʌ « s’évanouir »

11- dɔ zʌ « tousser »

12- kisu ɓo « éternuer »

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Tableau 1: unités lexematiques

L’observation de ce tableau permet d’effectuer des regroupements tels que :

13- pe « vomissure »,

14- pe « vomir »

15- fja « paresse »,

16- sw « peur »,

Regroupement 1 Regroupement 2 Regroupement 3

unités gloses unités gloses unités gloses

kɔ être sec, sécher mà frapper fja

paresse, paresser

sɔ être étroit dɔ zʌ tousser pe vomissure, vomir

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Tableau 2: regroupements d’unités lexematiques

On observe dans ce tableau que les regroupements 1, 2 et 3 correspondent respectivement à des

verbes statifs, des verbes de processus et des verbo-nominaux.

- Cas des verbes statifs :

Ce sont des verbes qui signifient un état sans référence au processus duquel cet état découle.

Creissels (2018 :10) indique à ce propos que «les lexèmes appartenant à la classe des verbes statifs

occupent la position V dans une construction prédicative dont la structure est celle de la prédication

verbale intransitive ». C’est le cas des items du regroupement1 :

(1) 1- kɔ « être sec, sécher »

2- sɔ « être étroit »

3- ku « être chaud »

Dans des énoncés on aura :

(2) a- sɔ jà kɔ

linge acc sécher

Le linge a séché.

b- Ji jà ku

eau acc être chaud

L’eau est chaude

Les verbes statifs dans ces énoncés 2a et 2b sont respectivement kɔ et ku .

- Cas des verbes de processus :

A l’instar du regroupement 2, il s’agit d’unités purement verbales, de lexèmes assumant

exclusivement la fonction prédicative. Il s’agit d’un type de verbes renvoyant à un procès.

Rappelons que selon le schéma actanciel de Lucien Tesnière (1965), on distingue parmi les verbes

renvoyant à un procès d’une part les verbes d’action. Ils font, comme leur nom l’indique, référence

à une action et se caractérisent par le fait que le procès est déclenché volontairement par un acteur :

(3)

ku être chaud kisu ɓo éternuer sw peur, avoir peur

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1- mà « frapper » 4- s « prendre »

2-ka« couper » 5- z« piler »

3- ta« fermer » 6- tomà « gifler »

Leur emploi donne des énoncés tels que :

(4) a- zé jɤ jéé ka

Zé inacc fil couper

Zé coupe le fil.

b- ɡono jɤ sàkpa sɯ

Gono inacc chaussure prendre

Gono prend une chaussure.

Les verbes d’action dans ces énoncés 4a et 4b sont respectivement ka et sɯ.

D’autre part, dans ce même groupe de verbes renvoyant à un procès on a les verbes de

processus. A la différence des verbes d’action, le sujet agent n'est pas le déclencheur volontaire du

procès. C’est le cas de :

(5)

Leurs emplois donnent des énoncés tels que :

(6) a- zé jɤ jizʌ pja

Zé inacc dormir dehors

Zé dort (s’endort) dehors.

b- ɡono jɤ kisu ɓo

Gono inacc éternuer

Gono éternue.

Zé et Gono sont respectivement les sujets agents des énoncés 6a) et 6b). Leur sémantisme indique

qu’ils ne sont pas déclencheur volontaire du procès.

- Cas des verbo-nominaux :

jizʌ « dormir »

jiɤɓo « rêver »

fwʌ « s’évanouir »

kisu ɓo « éternuer »

dɔ zʌ « tousser »

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Ce sont les lexèmes du regroupement 3. Ils constituent une classe d’unités aptes à répondre aussi

bien à la définition de nom qu’à celle de verbe. Nous y reviendrons dans la section 3.

2. NOMINALISATION DES VERBES

La question que l’on pourrait se poser en entamant cette section est de savoir à quelle dénomination

correspond le phénomène décrit ici. S’agit-il de nominalisation, de substantivation ou de

dérivation ?

2.1. Précisions d’ordre terminologique

Dans cette diversité de terminologies évoquées en 2, on note que le terme de Nominalisation est

parfois employé pour désigner la relation entre un groupe nominal et une construction verbale reliés

morphologiquement et syntaxiquement. Ainsi dans la théorie transformationnelle qui met en

relation un nom et une phrase, on a par exemple :

(7) La saison sèche persiste. → Persistance de la saison sèche.

Dans ce type d’approche, le phénomène qui consiste à transformer en nom (ou substantif) un verbe,

un adjectif, un adverbe, une préposition, etc. doit être appelé substantivation et non nominalisation.

C’est le cas dans : le manger et le boire (substantivation de verbes), les jeunes (substantivation

d’adjectif), le bien et le mal (substantivation d’adverbes), le pour et le contre (substantivation de

prépositions).

Face à cette conception, on pourrait dénommer dérivation, l’opération consistant à l’adjonction d’un

affixe à une unité.

Chomsky (1965) propose un modèle auquel nous adhérons dans le cadre de la théorie lexicaliste

pour relier un verbe et un nom déverbal. Par exemple avec ‘create’ dans « Flora creates a joy », et

‘creation’ dans « this joy is Flora’s creation », on a une seule entrée dans le lexique. Par

conséquent, l’attribution de la catégorie verbe ou nom est liée à la position de l’item dans la structure

syntaxique de la phrase.

Cela dit, lorsque nous parlons de nominalisation verbale en yacouba deux faits syntaxiques sont

pris en compte : le passage du verbe au nom déverbal et la nominalisation avec présence

d’arguments postverbaux.

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2.2. Nominalisation avec -

A travers cette sous-section nous présentons le passage du verbe au nom déverbal.

Observons les couples verbes/noms déverbaux dans les énoncés ci-après :

(8) a- wɔ j zɤ

singe bondir ici

Le singe bondit ici.

b- wɔ j -

singe bondir + suf ici

Le singe bondissant est ici.

c- dasɔ

sembler camisole grossir elle sur

La camisole semble grossit sur elle.

d- dasɔ -

sembler camisole grossir + suf elle sur

La camisole semble grossissant sur elle.

e- asi bj

militaire ramper boue dans

Le militaire rampe dans la boue.

f- asi - bj

militaire ramper + suf broussaille dans

Le militaire rampant est dans la boue.

Dans les énoncés 8 a) c) e) les verbes sont respectivement « bondir », « grossir»,

« ramper ».

Les énoncés 8 b), d) et f) indiquent qu’avec l’adjonction de - à chacun de ces verbes, on

obtient un déverbal précisément un adjectif - « bondissant », - « grossissant»,

- « rampant ». Tout comme dans la forme de base5 ces adjectifs apparaissent

immédiatement après le nom qu’ils qualifient.

5 Cf. énoncés 8a),c),e)

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2.3. Nominalisation avec ɗé

Nous partons des énoncés ci-après :

(9) a- jɤ pʌ ɓɤ zɤ

Kpan il+inacc manger ici

Kpan mange ici.

b- pʌ ɓɤɗé jɤ zɤ

le manger il+inacc ici

Le manger est ici. (L’action de manger se déroule ici.)

c- zé jɤ pʌ ɓɤ pjɤsa ka

Zé elle + inacc manger cuillère à

Zé mange à la cuillère.

d- pʌ ɓɤ ɗé jɤ pjɤsa ka

le manger il + inacc cuillère à

Le manger est à la cuillère. (L’action de manger se déroule à la cuillère.)

e- Mawa jɤ ɓjɤ gbé

Mawa elle + inacc réveille difficilement

Mawa se réveille difficilement.

f- ɓjɤɗé jɤ gbé

Le réveil il + inacc difficile

Le réveil est difficile.

Dans les énoncés 9a), c), e), les verbes sont respectivement pʌ ɓɤ « manger », ɓjɤ « réveiller ».

En passant aux énoncés 9b), d), f), il convient de relever qu’avec l’adjonction du suffixe ɗé, le

verbe peut s’employer dans la position de tête du groupe nominal. De plus, ces verbes gardent lors

de la nominalisation les mêmes compléments postverbaux. Ainsi les verbes nominalisés en 9 b), d),

f) apparaissent respectivement dans le même paradigme que les noms propres Kpan, Zé et Mawa

en 9 a), c), e).

(10) a- jɤ zɤ

Kpan il+inacc ici.

Kpan mange ici.

b- pʌ ɓɤɗé jɤ zɤ

Le manger il+inacc ici.

Le manger est ici. (L’action de manger se déroule ici.)

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c- zé jɤ pjɤsa ka

Zé elle+inacc cuillère à

Zé est à la cuillère.

d- pʌ ɓɤ ɗé jɤ pjɤsa ka

Le manger il+ inacc cuillère à

Le manger est à la cuillère. (L’action de manger se déroule à la cuillère.)

e- zé jɤ gbé

Zé elle + inacc difficile.

Zé est difficile (de caractère).

f- ɓjɤɗé jɤ gbé

Le réveil il + inacc difficile.

Le réveil est difficile.

A la différence de la nominalisation avec en 2.2 où le verbe nominalisé conserve sa position,

avec ɗé le verbe nominalisé se retrouve en tête d’énoncé. Ainsi seront erronés des emplois tels que :

(11)

a- * jɤ pʌ ɓɤ ɗé zɤ

b- *zé jɤ pʌ ɓɤ ɗé pjɤsa ka

c- *zé jɤ ɓjɤ ɗé gbé

Soulignons à ce stade de notre réflexion que variablement pour un même verbe, le suffixe employé

sera ɗé ou , selon qu’on veuille exprimer un qualificatif ou nominaliser le verbe.

A/ Verbes B/ Nominalisés avec ɗé C/ Nominalisés avec

a « toucher » a ɗé « le toucher » a « touchant »

ga « regarder » ga ɗé « le regard » ga « regardant »

to « rire » to ɗé «le rire » to « riant »

« chuter » « la chute » « chutant »

gɔ « lutter » gɔ « la lutte » gɔ « luttant »

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« bondir »

ɗé «le bond » « bondissant »

pʌ ɓɤ « manger » pʌ ɓɤɗé « le manger» pʌ ɓɤ « gourmant »

ɔ « descendre » ɔ ɗé « la descente » ɔ « descendant »

da « monter » da ɗé « la montée » da « montant »

wé « parler » wé ɗé « le parler » wé « parlant »

Tableau 3 : items avec les suffixes ɗé et

A la suite de ce tableau 3, soulignons que malgré la similitude de la glose des items de la colonne

C avec le gérondif, ceux-ci sont bien sont des adjectifs.

3. CAS DES VERBO-NOMINAUX

Parler de ‘verbo nominaux’ c’est évoquer « la possibilité qu’ont certains lexèmes (…) d’être

utilisés à la fois comme noms se référant à des instruments et comme verbes se référant aux actions

que ces instruments permettent d’effectuer »6. Ce sont en effet des bases lexématiques qui se

présentent comme une classe d’unités aptes à répondre aussi bien à la définition de nom qu’à celle

de verbe. Cette flexibilité catégorielle doit être prise en compte dans la systématique des parties du

discours du Yacouba. Ainsi, en consacrant une section à ces unités listées dans le regroupement 3

du tableau 2, nous voulons montrer leurs particularités en soulignant qu’il s’agit, non pas de verbes

nominalisés, mais d’un type de verbes, au même titre que les verbes statifs et les verbes de processus

(cf1).

C’est le cas d’unités telles que :

(12) 1- pe « vomissure », pe « vomir »

2- fja « paresse », fja « paresser »

3- sw « peur », sw « avoir peur »

Leur emploi donne les énoncés ci-après :

(13) a - sw a nu jk ta

Peur elle+acc venir Yok sur

6 CREISSELS D, SAMBOU P 2013 :99

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La peur a envahi Yok.

b - jk sw joo

Yok il+inacc avoir peur mer de

Yok a peur de la mer.

c - jk sw -

Yok il+inacc peur+ suf

Yok est peureux.

d - fja

paresser elle avec

Quelle paresse !

e - zlapjé a fja

Zlampié elle + acc paresser hier

Zlampié a paressé hier.

f - zlapjé fja -

Zlampié elle+inacc paresser+ suf

Zlampié est paresseuse.

Les énoncés 13 a) et d) illustrent l’emploi nominal des verbo-nominaux. Dans cet emploi, ils

apparaissent en début d’énoncé.

S’agissant des exemples 13 c) et f), ils sont une illustration de la nominalisation des verbo-

nominaux, procédé au cours duquel ils se situent en fin d’énoncé.

Quant aux énoncés 13 b) et e), on y voit leur emploi verbal. Pour attester ce dernier emploi, nous

indiquions7 l’existence en yacouba de prédicatifs qui ne s’associent qu’à des bases lexicales aptes

à assumer la fonction prédicative dans un énoncé à prédicat verbal.

En insérant dans ces énoncés le prédicatif du futur on aura :

(14) a - jk sw joo

Yok fut avoir peur mer de

Yok aura peur de la mer.

7 HOUMEGA 2009

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b - zlapjé fja

Zlampié fut paresser

Zlampié paressera.

La position de nous indique que dans ces énoncés sw et fja sont verbes car

ne peut qu’apparaître dans ce paradigme. En effet en 14 a) il ne peut apparaître ni avant

Yok, encore moins devant, ou après joo. De même, en 14 b) il ne peut apparaître ni avant zlapjé,

encore moins après fja .

Avec le prédicatif na, marque du progressif, on aura :

(15) a - jk sw -na joo

Yok avoir peur+ prog mer de

Yok aura peur de la mer.

b - zlapjé fja -na

Zlampié paresser+ prog

Zlampié est en train de paresser.

On observe que –nā marque les verbes sw et fja . L’usage de la langue ne permet pas

qu’il marque jk encore moins joo ou zlapjé.

Les bases lexicales sw et fja sont donc nécessairement des bases verbales. Les

prédicatifs et nā dans ces énoncés en 14 et 15 l’attestent bien.

CONCLUSION

Nous avons relevé en yacouba 2 suffixes qui sélectionnent des bases verbales pour les

nominaliser: - et ɗɛ. Si dans la nominalisation avec le verbe nominalisé conserve sa

position, ce n’est pas le cas avec ɗɛ qui se retrouve en tête d’énoncé avec le verbe auquel il se

postpose. De plus, cette langue, à travers ses lexèmes verbo-nominaux, semble connaitre une

confusion entre les formes des mots et leurs distributions. Mais l’usage de la langue et les faits

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syntaxiques permettent de déterminer s’il s’agit d’un emploi nominal ou d’un emploi verbal. Nous

avons tenté de démontrer que ce sont des unités dont il faut tenir compte dans la systématique des

parties du discours du yacouba car il s’agit d’unités à part entière et non des verbes nominalisés.

D’ailleurs ils sont eux-mêmes aptes à la nominalisation tout comme les verbes de processus et les

verbes statifs.

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Verlag: Editions universitaires européennes EUE, 404 p.

Zribi-Hertz A (1980) : La démarche explicative en grammaire générative : autour du concept de

transformation. In: Langue française, n°46. L'explication en grammaire. pp. 8-31