Iorga-histoire Des Roumains

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N. JORGA Professeur lquote Universit de BucarestMembre de lAcadmie Roumaine Ancien Prsident de la Chambre des DputsHistoirer desROUMAINSfs60 et de leur Civilisation1920

a560 Histoire des RoumainsetDE LEUR CIVILISATIONVersiune electronic3f de Scriptorium.ro http://www.scriptorium.ro field ar Base territoriale de la Nation roumaineEntre le centre de lEurope et la steppe russe , entre les rgions brumeuses du Nord et le Midi ensoleill quest la Pninsule des Balkans, stend toute une rgion dont lunit gographique nexiste pas quant aux caractres positifs de la nature. Elle prsente, au contraire, des contrastes frappants : les rudes hivers, riches en neige, de la Moldavie sep tentrionale ne ressemblent point au climat tempr de la Valachie, o, pendant ces moi s, quelques bourrasques seulement venues du Nord-Est donnent un aspect glac aux r iches campagnes, et o, le lendemain, dans la chaleur moite du dgel, fvrier ressembl e plutt un souriant dbut de printemps.Les valles, dune o rientation tout fait spciale, de lOltnie ont une atmosphre mditerranenne par rapport cette plaine valaque, si sujette aux brusques rafales que rien narrte dans leur assaut. Il neige souvent Jassy lpoque o quelques gouttes de pluie tide tombent peine du ciel rose, travers les nuages couvrant le riant Buca rest.Ces diffrences ne tiennent pas quau voisinage des montagnes et de la plaine dans chacune des rgions composant un pays si vari dote aspect et cependant si unitaire. Car, si la Transylvanie ne prsente gure que d es valles troites entre les cimes des Carpathes et les lignes des collines qui en sillonnent dans tous les sens ltendue, si le terrain arable nest reprsent que par les lunci , par les valles assez larges des rivires, comme lOlt, les Trnave, le Somes; la Valachie, comprenant aussi lOltnie et la Mol davie, telle quelle tait avant les dmembrements de 1755 et de 1812, prsente tous les aspects possibles dun territoire complet, et ces provinces for ment comme un muse artificiel des aspects divers que peut avoir une riche nature tenant en mme temps du froid Occident aux brumes frquentes, aux prairies verdoyant es et de lOrient au ciel bleu, au soleil brlant et aux moissons fabuleuse s. En quelques heures de marche, on passe, en Valachie, des rochers nus, des fort s de pins, des ruisseaux qui jaillissent des hautes sources pour sengouffrer, bruissantes, au milieu des gorges, aux collines o stayent les riches vergers semblables ceux de lAngleterre, jusqu la blanche maison ancienne aux boiseries noircies par les ans. Un peu plus bas encore et lon se trouvera, sous les rayons ardents, dans une plaine o, en quelques semaines, le brin de bl qui perait peine en avril, ploie vers le milieu de juin sous le poi ds de lpi dor, alors que dans la montagne les premires fleurs du printemps ne sont pas encore fltries et que, devant les fentres des huttes, dans les hameaux , le lilas continue de fleurir. Puis, tout au bout, un monde spcial remplit dote ton-nement le voyageur. Cest la zone du Danube, aux forts de saules no ueux, impntrables au premier aspect, qui cachent cependant les clairires o le pcheur nettoie et raccommode ses engins, o il prpare le produit de ses filets. Dans la Do brogea, cette zone franchit le fleuve, stend sur la rive droite, travers un pays sans matre ayant un pass plus recul, jusquaux grands lacs, linextricable delta du Danube et la mer. L, une autre rgion de pche attend lindigne aussi bien que ltranger, qui, depuis des sicles, accourt du Nord e t du Sud pour exploiter ces richesses infinies.Mme spectacle d ans la Moldavie: on descend des cimes nues du Ceahlau pour se trouver bientt parm i les vergers des riants villages et des couvents antiques, dont les coupoles srquote lvent limproviste au-dessus des immenses forts. Un peu plus loin, la large rivire du Sreth droule majestueusement ses eaux claires parsemes dles nombreuses; l, les coteaux baigns de soleil se recouvrent chaque anne de splen-dide s moissons ; entre les pturages qui nourrissaient jadis une des plus nobles races de btail de lEurope, celle des bufs au large front et aux puiss antes cornes droites, miroitent les tangs crs par les anciens boars pour nourrir, pe ndant les longs mois du carme orthodoxe, leur cour et leurs paysans. Au del du Pru th aux eaux lentes, enfin, quenserrent de hauts rivages argileux qui le cachent presque aux regards, se droule la plaine de la Bessarabie, avec ses ondul ations douces, propices au pacage. Cette rgion peu peuple, qui conserve partout le mme caractre de la steppe et le souvenir de lancien dsert , conduit aux gra nds lacs du Danube, pareils ceux de la Dobrogea voisine, et au liman du Dniester ; l se termine la principaut que les matres du pays au XIV sicle senorgueill issaient, dans leur titre mme, davoir mene de la montagne la mer .ql LOltnie, tant dgards pareille la Serbie voisine et ayant des similitudes avec les territoires qui tendent, non plus vers la mer de Byzan ce, mais bien vers celle de Venise, offre de nouveau cette douce succession de t ous les climats, de tous les aspects et de tous les produits, depuis les hauteur s solitaires de Parang jusquaux belles collines des districts de Mehedin ti, de Gorj et de Valca, aux riches plaines du Dolj et du Romanati, et ces pcherie s du Danube, qui, autour de Celeui, aujourdhui chelle danubienne de secon d ordre, taient au XIIIe sicle dj clbres.Semblables par cette harmo nie de nuances, les diverses zones des rgions gographiques qui sont lOltnie , la Valachie, la Moldavie et la Transylvanie avec ses annexes, sont cependant sp ares par de profondes diffrences qui font de chacune delles un tout distin ct et particulier. Nous avons dj dit que lOltnie se rapproche de la Serbie, lOlt, dont elle porte le nom, tant une Morava de la rive gauche du Danub e. Mais, si entre la Valachie et la Moldavie il y a llment commun de cette steppe qui, comprenant tout le Sud bessarabien, stend en de du Pruth dans la rgion de Galatz pour descendre vers Braila et se dvelopper librement dans lote ancien dsert de lIalomita, pareil locan des riches herbes phmr de la Russie mridionale, on ne retrouvera point en Moldavie cette molle plaine no urricire ouverte tous les courants de lair comme ceux des immigrations hu maines, invasions dvastatrices et transformatrices. Les collines se poursuivent, senchevtrent, mlant les lignes capricieuses de leurs vieilles forts aux tap is multicolores des cultures varies. Si le Sreth, le Pruth, le Dniester ont la bel le ligne droite des rivires valaques, de toutes les rivires val aques, la Vedea, lArgess, la Dmbovita, la Prahova, lIalomita, le Buzau, descendant des montages occidentales du pays, ne vont pas directement au Danube; elles traversent la rgion haute du pays pour confondre leurs vagues avec celles du Sreth, qui forme une des grandes artres moldaves. Sur la rive gauche, la mme rivire ne reoit que les eaux mal assures du Brlad qui, aprs un circuit disgracieux travers des valles tourmentes, paraissent devoir sengloutir dans leur te rre jaune et friable. Le Pruth reoit seulement les eaux parallles de la Jijia, sur la rive droite, alors que, seuls, deux cours deau plus importants sillo nnent la Bessarabie pour se jeter dans le Dniester.Pour la Tr ansylvanie, le systme des eaux, dterminant, quant au caractre dun pays, est encore plus diffrent. Malgr la sparation des Carpathes, il est vident que la partie mridionale de ,la province, avec son Pays de lOlt , son Pays de la Brsa , s on district de Sibiiu, appartient la Valachie, o se trouve la source de ses rivire s; les princes valaques ont russi maintes fois lavoir, de mme que ceux de la Moldavie ont cherch, par la Bucovine et la Pocutie, atteindre les sources mmes du Sreth, du Pruth et du Dniester. Les autres grandes rivires cependant, le Muras, le Somes, les trois branches du Cris, les cours deau du Banat de Temesv ar, vont, du ct de lOuest, se jeter dans ce grand canal collecteur de la T heiss, qui enrichira le Danube de toutes ces eaux confondues.A travers cette diversit apparente, rgne pourtant une large unit. Il serait diffici le, mme pour le gologue qui fixe les lments constitutifs dune chane de montag nes, de dterminer, non pas le point o commence la ligne mme des Carpathes, mais cel ui o elle arrive dominer le paysage, ce qui est essentiel au point de vue de la go graphie humaine , et surtout de la gographie historique. On ne le trouverait certa inement pas en Galicie, o les hauteurs se succdent sans toutefois que le pays tout entier leur appartienne, tant au point de vue de laspect de la nature q ue des conditions humaines dans les domaines conomiques, sociaux et politiques de la vie. Le pays et lhomme sappuient bien la montagne qui borne lOuest la grande plaine marcageuse de la Pologne, dont le nom signifie pa ys de la plaine , mais ce nest pas la montagne qui cre des limites et qui donne une physionomie tout ce qui se trouve dans son ombre, protectrice et inspi ratrice en mme temps.Il en est autrement ds que les Carpathes a tteignent ces rgions qui reprsentent la patrie ancienne, traditionnelle, de la rac e roumaine, autochtone dans ses rochers aussi bien que dans, les profondes valles qui se creusent entre les dernires ramifications boises de la montagne. Observez dabord leurs noms: la citadelle des Carpathes, qui recouvre toute la rgio n de ses lignes, qui sont comme les circonvolutions fcondes de pense et di mpulsion, sappelait jadis pour les Magyars, envahisseurs tardifs et inca pables de coloniser eux seuls la fort, la fort du roi ; elle correspond en Orient la grande fort de la Serbie, allant de Belgrade jusqu Niche et qui dvora, p ar tous les dangers quelle recelait, un si grand nombre de croiss, ou bie n encore ces grandes forts de lOccident, la Hercynia de Csar et de Tacite, la fort des Ardennes du moyen ge, qui recouvrent le plus souvent les replis monta gneux. Ce qui se trouvait au del fut pour la latinit mdivale une Transylvanie , terme qui se gnralisa ensuite, comprenant la province tout entire. De ce pays au del des forts , on descend dans la Transalpina , la Hava-salfld des Magyares, le pays au del des Alpes . Pour les Roumains de la Moldavie voisine, de cration plus rcente, cote est la Muntenia , le pays de la Montagne , o habitent les Montagnards , les M eni . Lorsque le patriarche de Byzance cra au XIVe sicle un archevch pour les Roumain s de cette Valachie, le nouveau sige reut le titre de Hongrovalachie et des platea ux montagneux (u965?, roum: plaiuri). Le Nord , riche en forts, de cette Moldavie elle-mme, la future Bucovine de lusurp ation autrichienne en 1775, apparat pour la premire fois dans la chronique polonai se sous le nom de Planyany , les montagnes .Les bergers, dont l activit errante travers les vallons commence lhistoire du peuple roumain, sont le produit de la montagne tout aussi rellement que ses pins et ses mlzes. Les premires formations politiques ont t cres par les Vovodes lombre hautes cimes, proximit des dfils, non point dans le but de pouvoir senfuir par cette porte ouverte du ct de ltranger, mais bien pour arrter len vahisseur aux premiers pas quil pourrait tenter contre les dfenses nature lles de la frontire. L, slevrent les premires glises en pierre et les premiers chteaux autour desquels se rassemblrent les habitations des marchands. Mme en ce q ui concerne lagriculture, il est prouv aujourdhui quaprs l interruption de luvre civilisatrice des Roumains, ellereprit son activit sur les hauts plateaux labri des invasions.Cette terre roumaine, la montagne lentoure, lembrasse de tous cts. Trois grands boulevards de rochers la surplombent, et chacun de ntre eux sera le berceau dun Etat. Il parat bien que lancien Vovodat roumain indpendant, antrieur linvasion hongroise de la Transylvanie, a vait son centre et son point dappui dans ce massif du Bihor qui domine l a province louest. Ce fut dArges et des montagnes du Jiu que par tit la vie politique de la principaut va-laque. Enfin, sans la Bucovine et mme san s ce comt montagneux du Maramoros qui en est la continuation occidentale et au dfa ut duquel il ny aurait pas eu la dynastie moldave, condition dterminante pour la cration du pays lui-mme, la Moldavie naurait pas form le second des Etats roumains, celui qui fut pendant longtemps le plus vigoureux. Jusque dans la Bessarabie, qui nest que la moiti orientale, dtache en 1812 seulement, d e lancienne Moldavie unitaire, sil ny avait pas ces lign es de collines qui, par la protection de leurs forts et par la fracheur de leurs v allons arross de lentes rivires entretiennent la fcondit du sol, tout ce territoire serait rest un simple coin nglig et dsert de la grande steppe vide.4 La montagne est tellement familire au Roumain quelle na pas de nom distinctif. Peut-tre sappelait-elle jadis le Caucase , mais ce nom mme ne signifie pas plus que celui des Alpes , car il vaut autant que le terme commun de rocher . Cest dans les livres dcole que les jeunes Roumains ap prennent le nom des Carpathes; pour le peuple, cest tout simplement: Mun tele .Pour avoir le sens complet de lunit gographique de ces rgions, il faut tenir compte dun autre lment qui est la rivire, le Danu be, car cest de la runion de cette montagne et de cette rivire que drive le caractre unitaire dune rgion dont les apparences sont si varies.l Il ny a pas quun seul Danube: il y en a plusieurs, au m oins trois. Le rapide cours deau qui jaillit des profondeurs de la Fort-N oire garde pendant longtemps le caractre romantique dune rivire allemande. Mme lorsquil porte des vaisseaux, de grandes dimensions sur ses ondes ac crues par les torrents des montagnes, il na pas encore laspect i mposant dun fleuve. A Vienne, il ne domine pas encore la grande ville, q ui, malgr ses ondes bleues , nen tire aucun caractre. Entre lancien ne Bude historique des rois magyars et des pachas turcs, leurs successeurs, le P esth moderne, la ville parvenue, aux maisons de pierre dnues de style, il est dj sou verain; ses ponts gigantesques sont le principal ornement et la plus grande !?uvre technique de la capitale hongroise. Malgr ces dimensions qui font dj du D anube une des principales artres fluviales de lEurope, il lui manque enco re cette envergure, cette vitalit envahissante laquelle il doit dtre, non seulement une des grandes voies du commerce europen, mais, en mme temps, limmense canal qui recueille les riches eaux de toute une grande rgion gographique, llment le plus actif de la vie entire dun pays, la dfense et lte appui, la suprme beaut et le plus grand orgueil dune race qui voit dans ce fleuve majestueux comme une figure lgendaire danctre et comme un symbo le davenir dans lesquels viennent se fondre tous les souvenirs dun pass vhment, les apports dnergie dun prsent agit, pour shar moniser, enfin, pour sapaiser dans le sort mme de la nation. Ce caractre, le Danube ne la pas mme au moment o, travers la 24 puszta hongroise, il risque hardiment sa grande cascade vers le Sud. Sur les deux rives, ce nest pas la plaine qui est dtermine par le fleuve, mais bien le fleuve lui-mme qui se perd, malgr ses larges proportions et la riche constance de son cours, dans limmensit dune rgion que rien ne vien t dfinir. Pour tre le Danube clbr avec enthousiasme par les potes et profondment aim lhrosme des peuples naissants, il lui faut le voisinage de la montagne qu i, aussitt aprs lembouchure de la Theiss, doit ltreindre dans les df ils sombres des Portes-de-Fer.A ce point l, une relation ininte rrompue stablit entre le grand fleuve et la montagne dans la profondeur d e laquelle jaillissent les rivires qui viennent sy jeter. De leur jonctio n, sur toute ltendue du territoire habit par la race roumaine, rsulte lote unit mme, quil ne faut pas chercher ailleurs, de ce territoire. Par ces rivires aussi, les Carpathes se mettent en contact continuel avec le Danube, et le Danube souligne de son cours les dernires lignes des collines quils p rojettent vers le Sud. Jadis le fleuve suivait, pour se jeter la mer, cette dpres sion de terrain que marque aujourdhui la voie ferre de Cernavoda Constanz a. La Dobrogea entire tait comprise dans la mme formation gographique que la Valachi e et la Moldavie aussi, avec laquelle elle tend se runir encore par les haulcurs des environs de Galatz. Aujourdhui, le nouveau cours vite les anciens pla teaux, dun caractre tout particulier, de cette Dobrogea pour suivre la dpr ession de la plaine, les bords de la steppe et les dernires prolongations des cha mps fertiles qui stendent aux pieds des ramifications de la montagne.r Si la rive droite du Danube panonnien, celle qui appartient, rega rdant la steppe, la race magyare, manque presque compltement daffluents, comme si lempire du fleuve ne devait pas stendre dans cette rgion de vastes plaines la rive droite, balcanique, ne reoit que quelques rivires dte une importance secondaire, qui ne peuvent tre compares la Theiss, avec tout ce quelle charrie, ni lapport, tout fait exceptionnel, de la Valach ie et de la Moldavie. Plus rapprochs du fleuve, en ce qui concerne leurs cimes et leurs collines, les Balcans ne prsentent pas cette troite communion qui distingue les relations entre les Carpathes et le fleuve, la lisire de la plaine qui sote intercale entre la ligne danubienne et les hauteurs est de beaucoup moins ten due et incomparablement moins fertile. Si le Danube joue un rle important dans la posie pique des Serbes, il nest pas pour les Bulgares le grand fleuve tutl aire; leur folklore le mentionne plus rarement et dune manire plus fugiti ve que celui des Russes eux-mmes. Les Etats roumains, partant de la montagne, se sont empresss datteindre ces rives et, par des efforts rapides et heureux , ils sont arrivs sen saisir au bout de quelques dizaines dannes s eulement; la Bulgarie politique au contraire, partie de la steppe russe pour arr iver au delta danubien, na pas tard quitter ces rgions dsertes, incapables de fournir aux guerriers leur proie journalire, pour chercher travers la pninsule la voie de limpriale Byzance. Le Balcan lui-mme reste seulement un rduit in accessible pour abriter les bandes en qute de pillage; quant au fleuve, il ne sig nifiait pour lambition des khagans bulgares et de leurs successeurs, les Tzars de langue slave et de religion orthodoxe, quun point de dpart bien tt nglig et oubli mme par ceux qui ne rvaient que de la conqute du Bosphore.Ce fleuve, les Grecs lappelaient Istros, do le nom de la ville dIstria prs des embouchures; les Roumans Dunre nom quils ont emprunt leurs plus lointains anctres, autochtones de ses rives. Parmi les rivires que clbrent les chants populaires, il ny en a pas une qui puisse lui tre co mpare dans la vnration profonde dont lentoure la race. Sans le Danube, on n e pourrait pas simaginer les destines du peuple roumain, pas plus que san s les Carpathes eux-mmes. Si la montagne a abrit les gnrations menaces par de continu elles invasions, le Danube a rassembl les lments ethniques qui devaient produire pa r leur mlange la nationalit roumaine. Sans ce qua fourni le fleuve, les Ca rpathes auraient, comme les Alpes en Suisse, offert seulement labri assu r de leurs valles aux groupes de races diffrentes qui auraient cohabit sans se confo ndre, alors que, sans les Carpathes, il y aurait bien eu un mlange, comme dans le s Pays-Bas aux bouches du Rhin, mais sans que la nouvelle formation nationale et pu trouver ds le dbut les contours fermes et permanents dune fondation pol itique.Formation du Peuple RoumainPopulations primitives. Des recherches faites plutt au hasard, sans plan densemble et, jusque hier encore, sans une tude approfondie des rsultats obtenus, nous renseign ent sur les caractres de la premire civilisation roumaine. On a trouv des poteries grises et rouges, parfois dune facture assez dlicate et daspect v ari, il y en a de peintes, des statuettes reprsentant grossir ement des idoles, des ustensiles en mtal, des armes de bronze dune forme lg ante, trs semblables celles mises au jour dans les fouilles pratiques tout au fond de lOccident. Des ornements, qui montrent une grande habilet de la part de ces artisans antrieurs lpoque historique, compliquent le pommeau des pes, alors que les vases offrent dj ces lignes biseautes qui caractrisent toute une poquede lart prhistorique. De riches matriaux, conservs aujourdhui luote universit de Jassy, moins ceux quon a eu limprudence de prter Berlin, ont t trouvs Cucuteni, prs de ce mme Jassy, dont lemplacement par voir t entour de tout un groupe dtablissements assez peupls, violemment dtruit s au cours dincursions, dont lhistoire na pas gard le sou venir, car cest le feu qui a mis fin ces plus anciens foyers de la civil isation naissante. Nous nous souvenons davoir vu toute une belle collect ion particulire venant des montagnes moldaves, de la rgion de Neamt, prs de Piatra. Dans le district de Prahova, prs de Valenii-de-Munte, on a t surpris de se trouver , presqu fleur de terre, grce peut-tre une uvre dexcavatio n antrieure, devant le plus riche trsor darmes de bronze quon ait dterr jusqu aujourdhui. Ailleurs aussi, des amateurs ont recueilli des pices isoles, comme celles (qui formaient, vers la moiti du sicle dernier, les c ollections fort mlanges et pleines dobjets faux, dun Bolliac ou drquote un Papazoglu, et qui furent runies plus tard au muse archologique de Bucares t.En gnral, le peuple na pas perdu le souvenir des plac es o ont vcu les prcurseurs de la vie roumaine actuelle. Il les signale en parlant des traces laisses par les gants (uriasi), par les Latins paens (Letini) et par les Juifs (Jidov), ce qui p arat dsigner plutt les Khazares de la steppe russe, peuplade de race ouralo-altaque, comme on sait, mais de religion juive. Ces villages prhistoriques se trouvent le plus souvent sur les hauteurs, occupes plus tard par des monastres et des citadel les du moyen ge historique (que le langage populaire dsigne par le terme emprunt au latin populaire, de cetatui (citadelle). Quant aux nombreux tumuli visiblement artificiels, ils correspondent souvent aux kourgans russes; ils contiennent, ave c de la poterie, des armes, des restes danimaux sacrifis, de la cendre et des squelettes de rois et de chefs barbares; certains recouvrent dancie nnes habitations ; dautres paraissent navoir servi que pour sign aler par des feux davertissement le passage des hordes qui, jusquau VIe sicle envahissaient pres-quannuellement le pays.4 Les restes humains trouvs ventuellement dans les anciens foyers prhistoriques nquote ont pas encore t soumis une tude attentive; lanthropologie na pas fix dune manire tant soit peu prcise les caractres physiques de cette r ace thrace, dont nous parlerons bientt, la civilisation trs avance de laquelle on a rattach les tmoignages dart trouvs leurs cts. Etaient-ils, ces anctres, pare ls ou non aux hommes qui habitaient la mme poque les valles de la Pninsule Balcaniqu e et qui stendaient sur toute la vaste rgion comprise entre lAdria tique, le Pont Euxin et lArchipel? Tout ce quon peut dire, cote est quil y a de srieuses raisons de croire que cette civilisation pri mitive est thrace; dautre part, il est certain que dun bout luote autre de la rgion carpatho-danubienne formant le territoire unitaire sur leq uel se dveloppa plus tard la race roumaine, il y et, lpoque nolithique, une civilisation primitive dun caractre parfaitement unitaire1 1 M. Jean Andriesesco, dans un excellent o uvrage intitul Contributie la Dacia nainte de Romani (Jassy 191 2), va mme plus loin: il parle dans sa prface de lunit nolithique carpatho-b alcanique;il constate que ses caractres sont les mmes dans la Moldavie orientale e t en Transylvanie (cf.ibid., p. 73).. Dans la co uleur, les ornements et la forme des vases, dans la nature des ustensiles, dans laspect des armes de bronze, dans la construction des tombeaux, dans le caractre et le groupement des habitations, il ny a aucune diffrence entre les objets trouvs sur le rebord des Carpathes moldaves ou sur les collines de la Prahova.A lunit de la terre correspond ainsi lunit de la premire race manifestement autochtone, du moins en ce qui concerne ses premires manifestations artistiques. Influences scythiques. Si la montagne pouvait servir de refuge aux habitants dj tablis sur cette terre, les rivires fournissaient, en commenant par le Danube lui-mme, des voies naturelles dinvasion, car elles amenaient, attirs par le voisinage des riches contres o fleurissent tour tour la civilisation grecque et celle des R omains, des trangers en qute de nouveaux sjours ou des exploits nouveaux.l Ils devaient venir du Nord et de lOuest; le Sud ne pouvait four nir que des paysans en qute de terres vierges, ou bien des fuyards chasss par quel que invasion. A lEst, il y avait la steppe infinie, qui appartenait aux Scythes.On peut affirmer aujourdhui que ce peuple, dcr it par Hrodote dans son aspect et dans sa lgende, ntaient quune con fdration phmre de peuplades, runies pour la gloire et le butin sous la conduite de que lques familles iraniennes, qui taient parvenues fonder des dynasties royales au d ire des Grecs. Les guerriers taient pour la plupart des Touraniens au teint fonc e t au corps trapu, pareils aux Turcomans de lAsie centrale et aux Tartars dune poque postrieure, qui, aprs avoir dvor le fruit de leurs incursions dvas tatrices et du tribut fourni par les peuples soumis leur autorit, se nourrissaien t du produit de leurs troupeaux. Leurs dplacements continuels sexpliquent par ce besoin de transhumance, perptuelle oscillation entre les demeures de hiver et les champs traverss, toujours sur la mme ligne des puits et des citerne s pendant lt, qui forme le caractre distinctif des peuples pasteurs. Dans ces conditions, ils purent bien donner aux grandes rivires de la steppe, des noms emprunts la langue touranienne. Nous noserions affirmer que le nom dIstros est thrace et que celui du Danube , la Donau des Germains, la Douna des Turc o-Tartares, vient des anciens Scythes bien quils en aient domin pendant l ongtemps les embouchures. Mais lancien nom du Dniester, le Da nastris grec, est Tyras et dans cette forme hellnique on reconnat la Tourla ouralo-altaque, qui sest conserve, du reste, dans le langage des Tartares et des Turcs dune poque plus rcente. Le Py retos dHrodote est pour les Roumains le Pruth, que les Turco-Tart ares prononcent Brout; le caractre asiatique du nom est incontestable. On peut ad mettre une mme origine pour le Tiarantos mentionn dans les text es grecs du VIe sicle et qui est, parat-il bien, le Siretiu roumain, le Sreth des S laves. On se demande enfin sil ne faut pas mettre dans la mme catgorie deu x des grandes rivires de la Vala-chie, lArges, auquel on a voulu chercher un correspondant armnien inadmissible, et lOlt, le grand Olt, qui spare l a Grande Valachie des cinq districts de son Oltnie.A la fin du VIe sicle, le grand roi perse, aux desseins hardis, Darius, fils dHistas ps, conduisit une expdition destine dtruire la masse toujours menaante des barbares d anubiens; combine avec le concours des Grecs, cette attaque se perdit dans la ste ppe sablonneuse dpourvue deau et de pturages. Elle ne dlogea pas mme les mul titudes scythes de leurs tablissements au-dessus du Danube, o se trouvait un de ce s points stratgiques fortifis qui sont dans la tradition de la race. Car, au-del mme de la steppe qui tait la Scythie proprement dite, sur ce territoire de la Dobrog ea, particulirement propice aux pturages tardifs, elles arrivrent fonder une nouvel le Scythie, une Scythia Minor, dpendance durable de leur ancie n empire22 Ces distinction de Grande et Petite entre les provinces sest transmise, du reste, aux Ru sses et aux peuples des Carpathes et du Balcan (Grande et Petite Russie, Grande et Petite Valachie, dans le Pinde).. On y retrouve plus tard, vers le VIesicle avant lre chrtienne, des rois qui portent les noms pittoresques de Charasps, de Kanyts, de Tanoussa et dont les monnaies dargent, frappes par les Grecs, portent les insignes des monnaies hellniques elles-mmes et les figu res caractristiques des dieux de lOlympe. Pauvres rois sans annales et sa ns victoires, dont le rle, invariable et monotone, consistait se faire payer par les htes grecs de la cte et par les marchands de passage la tranquillit laquelle il s astreignaient leurs quelques milliers de pas-leurs guerriers et bandits! Une collection de peuplades qui narrive pas constituer un peuple ayant une vraie patrie ne peut exercer aucune influence. Si le nom des gr andes rivires sest conserv sur ce territoire roumain aussi bien quen Russie, dans le langage des nations stables qui y habitrent plus tard, il faut attribuer ce fait seulement ces tablissements, dimportance plutt militair e, ces camps de rsidence temporaire des rois aux allures de khagans qui gardaient les gus de ces rivires, gus dune importance exceptionnelle pour toute nati on migratoire vivant de ses troupeaux. La population primitive dut leur abandonner ces rgions o ils empchrent tout tablissement de concurrents et toute infiltration des vassaux qui venaient y prsenter leurs offrandes et leur hommage. Influence sarmate. Entre la confdration des Scythes et celle des Sarmates, avec leurs rameaux, les Roxolanes et les Jazyges, lE st et lOuest, il ny a aucune diffrence essentielle. Ces mmes masse s touraniennes se grouprent sous une autre classe dominante, probablement iranien ne aussi, pour enrichir lhistoire des migrations et des invasions dte un nouveau nom. Celui de marha, sauv par Ammien Marcellin, est videmment turc, dans lancien sens du mot.On retrou ve ces Sarmates dans les sources antiques sur lemplacement occup prcdemment par lexpansion scythique, quils maintenaient sans pouvoirla con tinuer, puisquelle avait atteint ses dernires limites. Mais une poque plus rcente, il est vident que des peuplades diffrentes, dune origine plus nobl e, vinrent grossir leurs rangs, de mme que, plus tard, des Germains, en grand nom bre, vinrent se ranger sous les drapeaux dAttila, devenant des Huns au mm e titre que les guerriers de pure race asiatique du terrible khagan. Nous croyon s que les Slaves, qui ds lors taient un peuple essentiellement agricole, parurent pour la premire fois dans lhistoire comme un des lments de la confdration sar mate. On ne pourrait pas sexpliquer autrement le caractre slave, trs ancie n et tout fait particulier, de la nomenclature gographique en Transylvanie, car i l est certain, que cette nomenclature ne peut tre rattache au passage, plutt rapide , de linvasion slave du VIe sicle de lre chrtienne. Nous nous deman dons mme si le nom de Sarmisagethusa, la Capitale des Daces, qui leur succdrent dan s cette mme Transylvanie, ne conserve pas dans sa racine le souvenir de ces Sarma tes, premire couche superpose aux autochtones.Influence gaulo ise. Ce territoire carpatho-danubien ne fut pas inconnu la ra ce puissante et nergique, toujours en qute daventures guerrires, travers le s terres lointaines, qui est celle des Gaulois. Leurs peuplades taient depuis lon gtemps matresses des Alpes italiennes, mme aprs avoir perdu la valle du P, leur Gaule cisalpine, que leur prirent les Romains, Elles durent donc, un moment donn, dbouc her sur la Pannonie, avant quun chef entreprenant ne les jette la conqute de la Pninsule des Balcans, quils traversrent jusquaux Thermopyle s et mme tout au bout, jusquaux sommets du Tnare, pour aller se perdre par mi les populations thraces de lAsie Mineure, dans cette Galat ia qui conserve encore leur nom. Alors que les Scythes et les Sarmates n e connaissaient que les camps pareils aux rings ultrieurs des Huns, ils taient, comme reprsentajits dune ancienne civilisation suprieure, influence ds le dbut par la colonisation grecque de la Mditerrane occidentale, des f ondateurs de cits , groupant des villages autour dune ville fortifie, capit ale de la rgion. On peut suivre les migrations de ces nouveaux htes du Danube, seu l cependant, et non de ses affluents, la trace des noms de localits, videmment dquote origine celtique, comme le Singidunum, qui devint la ci t blanche , la Belgrade des Slaves, comme le Noviodunum du delt a danubien, lIsaccea daujourdhui, correspondant au Noyon franais, comme Durostorum, la Silistrie des Grecs, dont la ra cine se rattache aussi au Dun, caractristique de la civilisati on gauloise.Influence grecque. A ct de ces influences barbares, qui contriburent peu la formation de la nation roumaine, vi nt sajouter une grande influence civilisatrice , celle des Grecs, Ionien s et Doriens; anciens compagnons des Perses de Darius, colons venus dAsi e Mineure, ils vinrent chercher dans ces froides rgions septentrionales les peaux , les poissons, les fourrures, les grains, surtout les grains, le vin, la laine, le miel, la cire, lor et largent des mines de la Transylvanie, le bois des rgions intrieures; l les attendaient les Scythes qui, grce ce voisinage, devinrent des clients, peut-tre mme des imitateurs de lart grec, et parfo is aussi, dans les belles et riches cits tablies par les civilisateurs sur les ctes de la Mer Noire, de leur Pont Euxin, des mi-Grecs , des Mixhellnes . De Byzance la lisire caucasienne, leurs cits rpublicaines dtenaient tout le co mmerce de cette Scy-thie abondante en matires premires. Le territoire qui nous occ upe vit stablir, sur des emplacements favorables la navigation, des centres comme Dionysopolis(prs de Balcic), comme Kallat is la dorienne (prs de Mangalia), comme lionienne Tomi (prs de Constanza, comme Halmyris, prs des grands lacs comme limportante cit du Danube, lIstria du d elta, comme Tijras, la cit du Dniester, sur le liman , sans com pter des tablissements dune importance secondaire qui suivaient le mme cou rs du Danube, tel Axiopolis, prs de Cernavoda.24 Mais ce monde grec nouveau, resta toujours, par la religion aussi bien que pa r le mpris naturel de lHellne lgard de toute espce de barabares, tran ger lindigne de linfrieur. Pour les marchands, ctaient de s imples clients, plus ou moins incertains, menaants ou avides, ces ptres qui les no urrissaient du produit de leurs troupeaux, ces agriculteurs scy-thes , vassaux de la race dominante, qui cultivaient les lgumes et les crales, ces routiers aux gran ds bufs lents et aux petits chevaux agiles, poilus comme ceux des Cosaq ues et des paysans roumains eux-mmes, ces Agathyrses transylvains, qui tiraient l or des anciennes mines primitives et vendaient la cire et le miel de leu rs abeilles. Mais aucun contact intime nexistait entre eux. Entre les ngo ciants du littoral, qui vivaient sous leurs chefs rpublicains, leurs hel-lnarques , les prtres, serviteurs des dieux tut-laires, et les rois de la steppe, les relati ons ressemblaient celles qui existrent, des sicles plus tard, entre les Portugais de Goa et les rajahs de lInde autochtone. Lart grec seul, en squote accommodant aux besoins de la vie scythique, gagna ce voisinage un aspect particulier et original, o des conceptions toutes neuves se mlangent dune manire intressante linspiration premire, souvent sans en fausser le caractre essentiel. Il faut ajouter aussi que le marchand grec ne par at pas avoir jamais visit lui-mme les repaires des barbares. Il les attendait son c omptoir, au milieu des temples et des monuments de sa civilisation imposante. Au trement, il y aurait dans Hrodote dautres renseignements plus rels et plus prcis, moins fabuleux sur ces peuples que quelques centaines de lieues seulement sparaient de leurs tablissements. Nulle trace, sur ce territoire, de linf luence transformatrice qui, partant de Marseille, de Nice, dAgde, dte Hyres, introduisit en Gaule des ides politiques suprieures.Les illyro-thraces. Jadis, non seulement le territoire carpath o-danubien, mais aussi la Pninsule des Balcans entire et ses annexes, qui sont les les de lArchipel et les valles de lAsie Mineure, furent la patrie des Thraces et de leurs frres, les Illyriens; ces derniers, situs aussi sur le li ttoral italien, avec des ramifications qui, travers les Vntes illyriens, st endaient jusque dans le Tyrol, bordaient le pourtour entier de la Mer Adriatique dont, comme pirates, ils furent pendant longtemps les vrais matres. Les deux nat ions taient troitement apparentes; les quelques noms communs qui nous ont t transmis et la nomenclature gographiques, montrent une grande similitude entre les deux la ngages; il fut donc possible aux Albanais, descendants authentiques des Illyres, dadopter le dialecte thrace quils parlent encore.fs24 Mais leur manire de vivre tait diffrente. Quand il ne gagnait pas sa vie en cum eur de mer, ce qui amena des conflits avec la marine naissante des Romains et fi nalement la conqute par eux de ce littoral adriatique, lIllyre tait pasteu r dans la montagne, tout comme lAlbanais ou Skiptare3r 3 Falk et skip, scopulus, rocher, sont les racines des deux noms, dont le dernier seul est port par l e peuple., qui continue, avec le mme sang et sur le mme territoire, l a tradition des Dardanes, des Taulantii et des autres clans de lantiquit illyrienne. Au contraire, le Thrace, qui ne dominait que rarement la cte, cde volon tiers aux Grecs entreprenants et utiles, ne borna pas son activit au pturage de se s troupeaux. Ds le dbut, il apparat comme ayant dpass la phase de la transhumance; crquote est un peuple solidement tabli sur la terre qui est devenue, dans le vrai et le grand sens du mot, sa patrie. Les traces du clan pastoral subsistent encor e, et lon parle des groupements forms par les Odryses, les Gtes, les Daces , les Crobyses, les Tri-balles, les Sabirs, etc; mais le clan sest largi j usqu devenir une section territoriale bien dtermine et ces sections se conf ondent de plus en plus, non seulement dans une unit conomique, mais aussi dans lquote unit nouvelle dune vie politique commune. Pour fortifier encore ces liens, une religion nouvelle surgit lpoque historique, ayant son prophte, Zalmoxis, ses grands prtres, comme Dcne, ses autels sans doute, ses crmonies qui runi saient les rameaux du mme arbre national; cette religion enseigne lme immo rtelle, pratique le culte fanatique de la mort, du rve inassouvi des sacrifices s uprmes; elle demande aux hros leur vie pour sauver le peuple des malheurs qui le m enacent, et ils meurent en souriant sur la pointe des lances qui les reoivent aprs quils ont t projets vers le ciel invoqu par les prtres. On sest dlivr du culte barbare des anctres, qui fut transmis aux Hellnes, et une purification gnra le a cr comme une nouvelle me la nation qui attend dj de lnergie dace un chef un roi, la manire de ces rois macdoniens, de sang illyrien, qui donnrent au monde linoubliable figure lgendaire dAlexandre-le-Grand. fs24 Alexandre lui-mme, suivant partout, dans son dsir de royaut universelle, les t races des rois perses, avait trouv sur le Danube les Gto-Thraces, dj matres du cours entier du fleuve; il cra une province macdonienne de la Thrace, les Illyriens de M acdoine devenant ainsi les suzerains de leurs frres. Aprs sa mort, un royaume thrac e sen dtacha, ayant son centre sur la rive droite. Lysimaque, un de ces r ois qui se proposrent dinviter Alexandre et les anciens monarques perses, dut combattre contre Droumichte, chef des Gtes, et il fut vaincu par les guerrier s de ce dernier. Il tait de plus en plus vident que les Macdoniens grciss ntai ent pas capables de raliser cette unit politique vers laquelle tendaient les Thraces de plus en plus unifis sous le rapport national. On peut dcouvrir un autre mot if de cette faillite de lide macdonienne dans un fait dordre gograp hique: il tait impossible de rattacher une organisation politique fonde sur la riv e droite du Danube, ces rgions au Nord du fleuve qui formaient, ainsi que nous lrquote avons dj dit, un territoire parfaitement individualis.Les Gtes indpendants occupaient, ds le IVe sicle, les deux rives du Danube ; ils avaien t leurs tablissements plus importants sur celle qui est domine par les Carpathes. Ce sont, en dfinitive, ces Thraces laboureurs qui taient dsigns par les Grecs du lit toral comme leurs fournisseurs scythes en fait de grains. Si les sources hellniqu es rattachent aux mmes Scythes les Massagtes, les Tyrigtes, les Tys-sagtes, il faut voir dans les populations dsignes par ces vocables, non pas un rsultat d au mlange en tre tes pasteurs de la steppe et les agriculteurs de la riche plaine nourricire, mais bien des Gtes de race presque pure, dont les coutumes et les croyances les d istinguaient si nettement des nations voisines.Cest l e contact des Scythes probablement qui vint ajouter les connaissances militaires leurs vertus guerrires. Lide politique macdonienne, emprunte elle aussi aux Perses les rois des Scythes, du reste, ntaient pas da utre provenance, contribua essentiellement faire progresser le groupe ment naturel des diffrents lments de leur race; les Gtes devinrent eux aussi dsireux dtablir une royaut conqurante, capable, non seulement de les dfendre, mais a ussi dtendre le territoire de la race.Un Dromichte, un Orole, un Zyraxs, de mme que leur prdcesseur avant lpoque macdonienne, le gran d Sitalks, qui rgnait de la Transylvanie jusqu la Mer, furent donc des rois thraces indignes, correspondant parfaitement aux rois scythes de la Dobrogea, phmre s comme eux, malgr leur rapide passage travers les pages de lhistoire. Il s purent se rendre compte bientt que cette nouvelle royaut, ayant encore, bien que des places fortes comme G-nukla dfendissent le Danube, son centre dans les Balcan s, ne peut ni dominer le Danube, ni sappuyer sur les Carpathes, seules c onditions pour pouvoir se maintenir. Il fallait, en plus, une autre nergie que ce lle de ces cultivateurs plutt paisibles, qui avaient senti depuis longtemps le got amollissant des richesses. Les rois de la conqute devaient surgir pour les Thrac es dans la montagne de Transylvanie, de mme que dans la montagne du Pinde avaient surgi pour les Illyriens, leurs frres, les rois de la conqute macdonienne. Dans ces valles des Carpathes, il y avait dj eu un peuple thrace floriss ant, celui des Agathyrses, dont le nom porte une empreinte aussi peu scythe que la manire de vivre de cette peuplade. Il recueillait le miel et la cire de ses ab eilles, exploitait les mines qui ont rendu clbre toutes les poques leur province; l eur luxe est vant par Hrodote; tous ces traits sont trangers aux occupations patria rcales, dune si rude simplicit, des Scythes, mme une poque o leurs rois, protecteurs et clients des cits grecques du littoral, transformaient en beaux vases artistiques, reprsentant leurs exploits de chasseurs et de guerriers, lor fourni par les tributaires agathyrses des montagnes. Mais il parat bien que cett e peuplade, consacre un labeur spcial, tait trs peu nombreuse; elle ne pouvait pas a voir les aptitudes ncessaires pour reprendre dans les Carpathes lfuvre de conqute, glorieuse et rmunratrice, dAlexandre-le-Grand. l Ce rle tait rserv aux ptres de la montagne, dont le centre fortifi se trouvai t dans langle Sud-Ouest de la Transylvanie, aux Daces, que les Romains a ppelaient Davi, Daii. Il faut rapprocher sans doute cette app ellation du mot davae qui sert dsigner leurs villages. On en i gnore la signification, mais cest probablement comme tous les noms des c onfdrations scythes, sarmates et germaniques, un nom de guerre, servant dsigner un moment donn de lactivit militaire dune nation. On pourrait aussi i nterprter le mot Daces , comme spcifiant: habitants des villages, paysans, par oppo sition aux Gtes qui possdaient des tablissements plutt semblables, bien qu un degr infrieur, aux cits des Gaulois. Les Pannoniens taient aussi des villageois.ar Ds le dbut, il y a chez les Daces des rois; ce sont, du reste, le roi et sa caste de guerriers ; les pileati, portant le bonnet de commandement (pileus), ce bonnet phrygien dAsie, perptu sur le Danube par lhumble caciula, ou bonnet de peau du paysan roumain, qui fondrent la nation. Un de ces anciens tablissements ag athyrses ou sarmates, Sarmisagethusa, sise entre les montagnes, au milieu du plu s admirable des cirques forms par les Carpathes, devint leur capitale, ce st--dire le lieu o ils sabritaient lhiver et o ils dposaient le buti n enlev pendant les mois du printemps et de lt aux paisibles habitants des villes danubiennes. Les villages qui en dpendaient se cachaient dans les valles tr ansylvaines; ils descendaient mme vers la plaine, mais plutt du ct occidental, vers le Banat actuel, o ils taient protgs par la ligne de montagnes qui borde la frontire roumaine de 1914 pour aboutir aux Portes-de-Fer, o le Danube est facile traverser .Le plus grand des rois daces, celui qui russit remplacer sur la rive droite la royaut macdonienne de la Thrace, fut Boirbista, nom qui rappelle peut-tre la ligne dace des Bures qui habitaient le Banat. Il rgnait en matre sur tou t le cours infrieur du Danube jusquau delta, o des Bastarnes germaniques s taient nichs dans les les, au milieu des marcages, Peuce (aujourdhui Ile des Serpents) et ailleurs. Une inscription grecque de Marcianopolis nous mo ntre que les villages grecs dpendaient de son autorit suzeraine et que des dlgus des Hellnes allaient prendre les ordres du grand roi barbare de la montagne. Ayant do nc gagn le droit de disposer des forces gtes, le nom mme des Gtes disparat ce moment, il avait hrit des rois scythes, non seulement sur la cte occ identale de la Mer Noire, mais aussi au Nord o Olbia, dont le dieu, le Jupiter olbiapolitanus, tait le patron de toutes ces communauts hellniques , reconnaissait sa tutelle protectrice. Une nouvelle unit politique stait forme sur les ruines de la suzerainet scythe, au Nord du Danube, grce au caractre mme de la rgion, qui favorisait, qui appelait mme une pareille fondation; et, comme l e peuple qui lavait cre tait lhritier dune civilisation auto chtone plus que millnaire, Boirebista paraissait promettre ce monde carpatho-danu bien une longue et prospre stabilit sous le sceptre dune dynastie nergique. Les Daces rencontrrent cependant sur cette voie de conqutes o il s taient entrs triomphalement, une civilisation suprieure, des imitateurs plus heur eux de la royaut dAlexandre-le-Grand : le peuple romain et lactiv it conqurante des Csars.Lexpansion et la conqute romain es. Ds les derniers temps de la Rpublique, les classes populaire s, qui avaient form jusqualors la force mme de lEtat, commencrent mi grer. LItalie victorieuse et conqurante recevait des approvisionnements d e lEgypte, de lAfrique et de la Grce; les villes accroissaient sa ns cesse leur territoire; les riches propritaires, les anciens patriciens, les ch evaliers et jusquaux publicains heureux se taillaient dans la campagne d e larges domaines, avec des villes, des jardins, des terrains de chasse; le trav ail servile remplaa celui de lancien agriculteur libre. Il se produisit a lors une forte migration rurale, lEst, vers lIllyrie et aussi, par les Alpes orientales et les valles de la Save et de la Drave, vers l a Pannonie, aussi bien qu lOuest, vers la Gaule mridion ale. Les sources historiques, il est vrai, ne mentionnent pas cette expansion, a ucune inscription na marqu la trace sur la terre de ces pauvres gens en q ute dun champ et dun abri; une infiltration lente, mais profonde, a donc seule pu transformer, en une population romaine, parlant le latin vulgai re, les Illyriens et ces Thraces que la conqute politique, si phmre en Dacie, nte aurait pu quentamer. Le ptre de Dalmatie, dj habitu ces trangers par les ci ts purement romaines cres sur la rive de lAdriatique, puis son voisin du Pi nde, Illyrien ou Thrace, et enfin les laboureurs des valles balcaniques furent le ntement submergs par ce flux incessant dune population qui apportait des vertus ethniques suprieures, et une langue faite pour servir de communication uni verselle entre ces peuples, car on adopte une langue aussi pour ses qualits et se s avantages.Lapparition des armes romaines devait tard er encore, mme aprs que la Thrace eut t annexe (an 46 de notre re). Les lments romani ransmettant dun groupe lautre linfluence trangre, taient ar rivs dj jusquau Danube, o lon a constat que la ville romaine de Drube tis est antrieure la conqute officielle; dj des marchands latins traversaient ces rgi ons, rpandant, ct de la monnaie grecque dont la circulation diminuait rapidement, l a monnaie romaine dargent et de bronze, quon rencontre par monce aux sur tout le territoire carpatho-danubien, avant que le besoin de dfendre les nouveaux centres fonds au milieu des Thraces balcaniques dfinitivement vaincus, eu t rendu ncessaire lintervention des lgions.Sous Auguste , la Dacie vit les aigles romaines. Les nations pannoniennes, mlanges de sang celt ique, les Scordisques et leurs voisins, furent compltement soumises; la grande vo ie de Tibre runit le Danube moyen aux rgions de son cours infrieur; Aquineum devint un des centres importants de lEmpire en Orient; enfin, sous Domitien, le s armes impriales, commandes par Oppius Sabinus, par Cornlius Fuscus et par Julien, furent vaincues par un roi dun talent suprieur, Dcbale, dfenseur indomptable du sol ancestral et de lindpendance de sa race, qui, tout en reconnaissa nt nominalement la suzerainet de lEmpire, se fit livrer des artisans et d es ingnieurs appels consolider sa puissance. LEmpire rsolut alors de soumet tre sa domination les rudes barbares de la rive gauche. Si Trajan, le successeur de Domitien, consacra cette uvre la plus grande partie de son rgne et t oute sa tnacit de vieux soldat espagnol, cest que lenjeu dpassait l e prix de la Dacie elle-mme; elle possdait sans doute des mines dor et dquote argent, allchantes pour les aventuriers qui fourmillaient dans lEmp ire; des mines de sel, dont le produit tait indispensable, bien quon et au ssi les marais salants dAnchiale, aux Balcans conquis. Valait-elle tout de mme la peine dtre occupe une fois pour tre dfendue chaque moment contre le s autres barbares qui rdaient aux alentours? Oui, car sans la possession de cette forteresse des Carpathes, on naurait pu trouver la solution du grand pr oblme germanique contre lequel staient uses les forces militaires dAuguste et de Tibre. Du Rhin, ce problme stait transport dans les montagnes des Qua-des et des Marcomans; dj les mouvements des Goths au Nord et lEst du territoire thrace faisaient prvoir une autre phase du grand conflit entre le i nonde romain et le monde germanique. Trajan, en attaquant Dcbale, crut pouvoir dtru ire dans son germe ce nouveau danger. Dans une premire campagn e prpare dans la Msie suprieure (101 aprs J.-C.), les Romains employrent le facile pas sage des Portes-de-Fer pour envahir le Banat, le territoire des Bures, et cherch er par lOuest la voie de Sarmisagethusa; Tapae, ils remportrent une victo ire chrement achete. Confiant dans la fortune de ses armes, Dcbale ngocia dab ord. Pendant toute une anne, il tendit des embuscades lennemi; mais les R omains taient rsolus pousser lentreprise jusquau bout; brisant lquote unit politique du territoire carpatho-danubien, ils occuprent la bande de te rritoire qui leur paraissait tre ncessaire pour garantir la Msie contre toute incur sion future. La capitale elle-mme reut une garnison romaine. Si cette situation srquote tait maintenue, le rle de Dcbale aurait t celui dun prisonnier renferm t espionn dans ses montagnes ; sa nation, empche dsormais de ranonner des voisins vic torieux et mme de mener ses troupeaux dans la plaine, o lattendaient le soldat, le fonctionnaire et le colon romain, se serait puise dans la misre et le dcour agement. Le roi dace tenta de nouveau le sort des armes. Cette fois, ce fut luimme qui choisit le moment de la lutte. Il sadressa ses allis, Sarmates et Germains, qui comprenaient limportance, pour lindpendance de tous les Barbares au nord du Danube, de la crise qui allait se rouvrir. Dans la Scythie Mineure se formrent des bandes sarmates dont les guerriers, revtus de cuirass es dcaills, sont grossirement figurs sur le pesant monument du Tro-paeum Tra jani, rig par le vainqueur lendroit o se forma plus tard lamas de c abanes tatares appel Adam-Klissi (lglise de lhomme). Mais la campa gne fut dcide sous les murs mmes de la capitale dace. Trajan attaqua cette fois, en 105, par les valles du Jiiu et de lOlt. Il avait fait construire par Apo llodore, de Damas, un pont de pierre en face de Drubetis pour empcher, du n ct, les relations entre Dcbale et ses confdrs de la steppe et pouvoir, en mme temps il en tait besoin, poursuivre une guerre dextermination pendant l es automnes pluvieux et les rudes hivers danubiens. Cette fois, il ny eu t pas de bataille dans la plaine; le barbare rsista dans ses montagnes, avec un a charnement sans pareil, que tout son peuple partagea avec lui; mme les femmes allr ent porter lincendie travers les davae abandonnes et f irent subir le martyre aux blesss qui tombaient entre leurs mains. Sarmisagethusa elle-mme fut consume par les flammes, mais seulement aprs que, dans un dernier ban quet, les chefs des daces eussent bu le poison et que Dcbale et ses fils se fussen t suicids dans leur dernier refuge.Luvre ro maine(106-279). Trajan, vainqueur, fit lever Rome, en souvenir de cette campagne difficile, une colonne triomphale plus haute et plus belle qu e celle de Marc-Aurle et il colonisa la Dacie dsormais soumise. Il ne tenta pas la tche, dailleurs impossible, de dtruire la race mme de ces vaillants Thrace s de la montagne. Si certains Daces migrs ne perdirent jamais lespoir de c hasser les Romains usurpateurs et de revenir leurs foyers dtruits, un grand nombr e de Thraces, surtout les descendants paisibles des Gtes dautrefois, dure nt rester dans leur patrie; et noublions pas les rgions o la romanisation antrieure avait cr dj, sur le long de la rive, la population mixte do devaient sortir les Roumains. Un texte latin, tir des Vies des Csars, q ui passa dans la brve compilation dEutrope, assure que des colons vinrent de tout le monde romain (ex toto orbe roinano). On a t jusququote dire quils vinrent en premire ligne de lItalie elle-mme, opi nion professe avec orgueil par les partisans dune descendance romaine pur e et exclusive. Il ne faut pas accorder une trop grande autorit un texte secondai re, rdig dans un cabinet de rhteur et de matre dcole, compltement tranger aux aisons politiques et au sens des ralits. LItalie navait plus gure d e Latins exporter; ses nouveaux Romains , citoyens crs par la rforme de Cara-calla, nauraient gure apport avec eux les vertus ethniques du Latium. Ils ne auraient pas mieux valu que les aventuriers accourus pour exploiter les mines de Transylvanie, que cette foule de fonctionnaires, laspect divers et lrquote me incertaine, qui furent chargs dinitier aux formes suprieures de l a vie urbaine un peuple chez qui la vie rurale tait plusieurs fois millnaire. Le b on sang latin pouvait tre accru plutt par certains de ces lgionnaires qui passaient une partie de leur vie dans les camps du Danube et des Carpa-thes et qui, aprs l eur cong dfinitif, y restrent souvent auprs de leurs femmes daces et des enfants ns d e leurs relations. Il y eut, en effet, un caractre militaire, de mme quun caractre rural, dans le latin vulgaire qui devint, aprs nombre de mlanges ultrieurs, la langue roumaine : le vieillard, ce nest pas habituellement le fs24 senex 4 4 M. Giu glea a relev dans les anciens textes siurec, qui viendrait de senecus. , mot qui dailleurs a disparu dans to utes les langues romanes, ni le vetelus, car vechiu sappli que seulement aux choses, mais, cas rare, le veteranus, btrn 5 5 Si au lieu de terra on a employ le mot pmnt, de pavimentum, ce qui signifierait une prpondrance de la vie urbaine, il faut tenir compte de ce fait que terra ayant donn, en roumain seulement teara pour lepays, la patrie (le correspondant de paese, pays, manque), i l a fallu trouver un autre terme pour le sol nourricier. Il est intressant que lucrum, le gain, a le sens gnral de chose ..ql La Dacie, qui fut partage en trois provinces runies sous la main de un lgat imprial, gagna, par la conqute romaine, un caractre nouveau. Deux civilisa tions coexistrent sans se mlanger, la langue seule constituant entre elles un lien commun. Si les lments ruraux dj romaniss de la Pninsule balcanique purent dsormais p r librement dans les champs abandonns par les barbares vaincus, tus ou mis en fuit e et si les davae: Sucidava, Carpidava, Buridava, etc., reuren t un accroissement de population, leur aspect nen fut pas essentiellemen t chang. Dans ces vici, ces pagi, dans ces territoires quon peut trs bien tudier dans la Dobrogea actuelle, o les monu ments les concernant sont plus nombreux, lancienne vie fut perptue dans un e forme de plus en plus romaine. Mais, de mme que la cte maritime avait abrit depui s des sicles la civilisation hellnique, qui put se maintenir sans vouloir fconder, il y eut, le long des routes qui suivaient le coursdes rivires de Transylvanie, d es villes bien peuples et richement ornes, avec leurs temples, leurs basiliques, l eurs amphithtres, leurs prtoires; on a dterr, Ulpia Trajana, qui avait remplac la roy le misre de Sarmisagethusa, des mosaques dignes des pays dancienne civilis ation qui faisaient partie de lEtat romain, de mme qu Tomi et Istr ia des colonnes de marbre aux lgants chapiteaux surgissent des ruines amonceles du pass hellnique. Mais tout cela ntait ni un lment durable ni un lment ncessair unit territoriale des Carpathes et du Danube. On le vit bien quand, aprs d e longs combats malheureux contre les Goths envahissants, lempereur Aurli en dut ordonner, vers 271, peine un sicle et demi aprs la conqute de Trajan, la ret raite des lgions et des fonctionnaires sur la rive droite qui, pour sauver les ap parences, devint une nouvelle Dacie. En quelques annes, les voies ntant pl us sres sans la protection des soldats, les villes furent abandonnes; les paysans du voisinage sen partagrent les ruines aprs le dpart de lennemi. Av ec ladministration disparut tout ce qui servait lexploitation con omique du territoire et qui en formait le dcor. N10344Domination des peuples de la steppeAurlien avait retir ses troupes de la Dacie sous la menace des invasi ons incessantes des Goths qui avaient dtruit larme de Dcius et quav ait arrts Niche, au fond de la Msie Suprieure, la seule victoire de Claude. Dj, sous a pression des Quades et des Mar-comans, les Vandales Astinges staient tab lis dans la Pannonie et sur la lisire de la Dacie, poussant devant eux les tribus daces des Costoboques, des Bures et des Cotins, qui vinrent accrotre dans la rgio n des Car-pathes limportance de lancien lment thrace, reprsent aussi sur le Danube infrieur par lindpendance, toujours agite, des Carpes. Les R omains eux-mmes y tablirent, semble-t-il, en qualit de peuples fdrs, des bandes gothes , juthunges, puis de celles des Gpides aussi, des Tafales et des Vandales; mais on ne saurait leur attribuer Je rle qui revint sur le Rhin aux Francs et aux Burgon des. Dans les rgions carpatho-danubienraes, il ny a aucune trace dune vritable expansion germanique; cest un nouveau chapitre, exactement semblable ceux qui lavaient prcds, de la domination scythe dans lEu rope orientale.Il se produisit certainement, ds le IIIe sicle, un mouvement dans le sein de ces peuplades touranien-nes qui avaient chapp vers le commencement de lre chrtienne au rgime de laristocratie guerrire de s Iraniens. Les vassaux germaniques, qui taient retenus depuis des sicles dans les formations belliqueuses des Scythes et des Sarmates et qui pratiquaient, dans l a Mer Noire, une piraterie pareille celle des Cosaques lpoque moderne, dur ent migrer vers lOccident, non pour y trouver des terres cultiver, mais p our y former des camps do ils fussent en tat dentreprendre de nouv eaux raids, la manire des contemporains dHrodote. On les trouve sur deux p oints seulement: le Boudschak ou Bessarabie mridionale (angulus 4 pour les Romains, ongl pour les Slaves), et la Pannonie cen trale. Les Goths stablirent sur le Danube infrieur, prs des embouchures, al ors que le Danube moyen restait le domaine des Vandales, leurs frres. Pour eux, l a Dacie vacue par les Romains et o toute vie urbaine fut bientt compltement ruine, nquote offrait aucun attrait; le territoire lui-mme, avec les forts de la Moldavie actuelle et de la Grande Valachie, avec les marcages du Danube, ne leur disait ri en, surtout aprs que les envahisseurs eurent dvast les rgions dj colonises de lOltnie et des valles transylvaines. Ils ne voyaient que le chemin , cest--di re surtout les routes qui, travers les les du Delta ou les gus du Danube infrieur, conduisaient Noviodunum-Isaccea, travers les Portes-de-Fer, dans le Banat, et, t ravers les cours deau tributaires du Danube moyen, Sirmium et Singidunum , en Pannonie. Cest par l quils firent leurs nouvelles irruptions , sous les empereurs Probus et Carus; cest l que les Romains vinrent les chercher lpoque de Constantin-le-Garand, qui restaura les fortifications des frontires, surtout de celles de la Scythie Mineure, de Tomi aux bouches du Da nube, et de ses fils, de ses successeurs, jusqu Valens qui devait succomb er une invasion dun caractre nouveau, venue de ces rgions septentrionales o les vicissitudes des dominations barbares menaaient continuellement lEmp ire66 On a attribu sans aucu ne preuve Constantin ltablissement dun nouveau pont sur le Danube , Celeiu. Anciennement dj, il y avait eu, ce quil parat, un autre pont Hrso a..Une autre cause empcha la cration de formes pol itiques et mme ethniques nouvelles de ce ct de lOrient, et conserva intact aux descendants des Thra-ces romaniss leur ancien caractre. Tandis qu lote Occident la religion chrtienme cimenta lunion des barbares avec les g allo-romains, le conqurant passa sur notre territoire sans exercer aucune influen ce sur la vie de lEtat, sur les murs, sur la langue il ny a pas en roumain un seul terme dorigine gothe ; au contraire, le descendant des bergers daces et des migrs paysans de lIta lie resta un homo romanus . un Romn, de mme que, dans les Alpes, le Romanche, qui ne fut jamais soumis une domination barbare, ou que, lhabitant de la Campagna, indissolublement lie lide et l autorit de Rome.Le christianisme avait pntr en Dacie avec la conqute romaine; les inscriptions attestent que le pays avait reu, par les col ons originaires de lOrient, lempreinte des cultes asiatiques qui prcdrent et prparrent le christianisme. Leur uvre fut poursuivie pendant to ute la dure de la domination impriale, qui amenait sans cesse des htes venus des pa ys o la grande transformation de lme humaine stait accomplie plus r apidement et dune manire plus complte. La propagation de lEvangile par les communauts religieuses qui envoyaient des visiteurs dun groupe l autre ne pouvait pas manquer de porter ses fruits sur le Danube. Les termes se rapportant la religion montrent dune manire trs c laire les conditions, et par consquent lpoque o le nouveau culte fut adopt p ar la population. Sans doute des termes tels que Dum-nezeu qui vient du latin Domine deus; Snt 77 de la liturgie slave : sfnt , qui signifie saint; cruce , qui signifie croix; icoa-na , qui reprsente le grco-romain icon (`?) ; altar , tmpla , rugaciune , nchinaciune , o louve les mots latins altar, templa, rogatio-nem, inclinationem; cumnecatur a , qui vient de communicare, communion; marturisire , de marty-risare , qui signifie confesser; blastam , qui vient de blasphmas, et preot , qui vient de presbyter 8 8 Les Pques sappellent Pasti , et, si pour Nol on a le tout de mmelati n de Crciun, il y a aussi le synonyme Nscut. , ne portent aucune marque chronologique, aucun cachet historique; mais le terme de biserica (basilica) sest entirement substitu au mot i ecclesia (glise en franais), na pu sintroduire dans no s rgions avant lpoque constantinienne, o le culte chrtien commena dtre pratiqu dans les basiliques, destines jusqualors aux affaires de justice et aux runions publiques. Il faut tenir compte aussi du fait, trs important, que l a religion est seulement la loi, lege , et que pendant longtemps ce terme fut emp loy presque uniquement dans le sens religieux, tant remplac en ce qui concerne le d roit par obiceiu, coutume, tradition (obiceiul pamntului, coutume d e la terre). Si la liturgie latine a conserv en Occident le Credo , la langue roumaine seule donne un terme populaire driv de ce mot latin: crez.Lorsque les Goths arrivrent sur le Danube, ils taient paens. Cest se ulement sur la rive droite quils adoptrent la religion de Constantinople au IIIe sicle, lhrsie arienne; ces gens desprit simple, mus par une logique enfantine, ne pouvaient admettre lunit divine dans la Trinit. Qua nt lhomme romain , le Romn, parlant le roumain (romneste ), il demeura avec ses vques (episcopi, le terme grco-latin est rest intact, pour les prlats latins, on emploie la forme: piscup) 24 sur cette terre qui tait pour lui la patrie, tara, dans ces villages, sate, lancien nom latin (sata, semailles, champs labours). Il nentra pas dans une nouvelle forma tion politique laquelle il aurait fallu prter serment le roumain a con serv jurare, juramentumdans lancien sens, non corromp u, de ces termes et dans larme de laquelleile aurait d servir u8212? car pour lui aussi larme, oaste, vient du mo t latin qui indique lennemi, hostis. Les notions de s eigneur, de vassal, de fief, de service, introduites par le rgime germanique en O ccident, lui sont restes absolument trangres. Il na pas mme, pour dsigner le Germain, un mot tir directement de sa langue: cest le Neamt, daprs le slave Nimetz. Si, pour ses coutumes pop ulaires, pour ses superstitions, pour ses ftes illgales, dfendues par lEgli se, pour son habitation et son systme de culture, pour ses ustensiles et pour les ornements de sa casa, de sa cabane (car la mansio , dont vient maison, a disparu, pour ne point parler de la do musclassique), il a conserv tout lancien trsor de la civilisation thrace primitive; si lesprit thrace vit dans la syntaxe, commencer par la juxtaposition de larticle la suite du nom (omul, c orrespondant au latin homo ille), pour tout ce qui concerne la vie politique, Rome seule tait reste linspiratrice. Il nte y a pas dautre autorit que la domnie (dominio), du domn (do minus) qui est lempereur, appel aussi Imparat, comme lalbanais ne connat pas non plus lautre souverain que le mbret (imperator). La notion de la royaut est aussi trangre au Rou main que celle de principal germanique, avec ses ducs et ses comtes; ces t aux Slaves quil empruntera plus tard les termes qui les dsignent: craiu (de kral, driv du nom mme de Charlemagne, Carolus), cneaz, Vovod. Le centre de groupement est la cit , cetate, 24 ncessairement fortifie. Le trne de ses matres sera le scaun, scamnum (chaise) ; la Capitale est donc dans la cetate de Scaun . Le citoyen , le cetatean, ennemi de tout ce qui est tranger, strain (extraneus) vit encore par la pense dans lordre romain, dont aucu ne ralit ne peut le dtacher. Il attend, sous Dio-cltien, sous Constantin, de mme ququote il attendra sous les empereurs byzantins, le retour des drapeaux. Isol de R ome par le malheur des temps, il lui appartient encore par lme.l Les barbares de la steppe purent prendre bientt la place de leurs vassau x germaniques. Les Huns, chassant, dans les Balcans, les Goths dAthanari c et de Fridigern, stablirent en Pannonie; ils fondrent lempire drquote Attila qui ne dura pas mme un sicle; la population indigne, augmente de colon s quils transportrent de force dans les territoires doutre Danube , leur paya la dme, envoya des prsents la cour du Khagan, et neut plus rie n craindre deux. Les Avares, aprs avoir sjourne dans la Bessarabie mridional e, suivirent les Huns dans cette mme Pannonie; ils ne prsentent, au VIe sicle, ququote une autre forme de la domination scythique purement extrieure; a et l, on voi t apparatre les aborignes, rests intacts sous la protection de ces matres qui nte avaient dautre intrt que celui de se maintenir.Sla ves et roumains. A ce moment, se produisit dans la seule rgion du Danube, et non dans celle des montagnes, le grand passage des Slaves vers les Balcans et le littoral adriatique.Linfluence considra ble quon leur a attribue nest pas justifie par lexamen des sources historiques, ou bien par ltude des murs et de la langue. Nest-on pas all, au gr des intrts politiques, jusquau point de con fondre notre peuple, si manifestement latin pour tout ce qui concerne le ssentiel de la pense, du sentiment, de la vie individuelle et sociale avec la gra nde masse slave dont il est entour? Or, lanthropologie et lethnog raphie ne constatent pas le type slave chez les Roumains, mais bien le type thra ce, brun, court de taille, vif de physionomie et de figure ouverte. Les emprunts faits aux Slaves par le langage nont fait que nuancer, souvent mme simpl ement doubler, le fond primitif servant exprimer les ides et les sentiments ( ct du verbe a iubi, par exemple, aimer, on a lancien sens d u verbe : a placea; chez les Roumains balcaniques: a vrea, vouloir). Si les termes concernant lagriculture sont sl aves, les noms des animaux sont tous sans exception dorigine latine: sla ves sont les mots dsignant, non les oprations fondamentales du labour, mais seulem ent les oprations drives, et surtout les ustensiles; et lhistoire montre qu e le commerce danubien, dabord latin et grec, puis devenu slave au VIe s icle, a fort bien pu fournir, par les achats dans les villes du rivage et dans le s foires (nedei, mot slave), ces termes nouveaux. La nomencla ture gographique, si elle est manifestement slave en Transylvanie, a une ancienne origine sarmate. Ainsi limite, on peut dire cependant que cette influence fut la seule relle et profonde. Mais la steppe continuait envoyer se s peuplades vers ce grand chemin du Danube qui menait aux splendeurs de Byzance. Les nouveaux envahisseurs navaient plus cependant la force dont avaient dispos tour tour les confdrations barbares des Scythes, des Sarmates, des Huns et des Avares. Ils ne formaient plus que de petites bandes qui avaient sjourn long-te mps proximit du territoire de la Rome orientale et staient dj mls, peut-tre, s lments ethniques trangers, surtout slaves. Abandonnant la steppe primitive, les B ulgares, dont le nom parat signifier les nobles , les lus 99 De mme que le terme de boiars (en grec: bolades; ar est le suffixe du pluriel dans les langues ouralo-altaques). , vinrent, sous Asparouk, occuper le Boudschak, sans oser se risquer au del du cercle montagneux des Carpathes. A la premire occasion favorable (vers 670), ils franchirent le Danube et envahirent la Scythie Mineure, laissant de ct l es marcages des fleuves et les valles habites par les sept tribus des Slaves agricu lteurs; ces raids les menrent, sous le rgne de Khagan Croum, par des voies sanglan tes, sous les murs mme de la Capitale romaine de lOrient. Leurs nouveaux sujets taient Slaves; ils leur imposrent leur langue et ainsi ils abandonnrent peu peu leurs anciennes coutumes; la religion seule resta, jusque sous le rgne de Bor is-Michel, au IXe sicle, plutt comme un reste de lancien crmonial de la Cour et de lancienne lgitimation de la dynastie. Puis vinrent dautres barbares, soudoys par les Impriaux: les Magyars, mtins de sang finnois, quittrent la Bessarabie mridionale pour descendre dans la Pannonie, dsertant pour toujours leu rs anciens quartiers, qui avaient t ravags par un nouveau concurrent turc, les Pets chngues, venus de Sarkel dans la steppe. Dans cette Pannonie, quils arrachr ent aux Moraves, hritiers des ducs francs, ils purent garder leur langue, mais no n la puret de leur race, leurs coutumes et leur religion.Au li eu de lancienne unit scythique forme par les grandis rois de la haute anti quit et de lempire hun dAttila ou de ses successeurs avares, il y eut donc trois fondations scythiques: celle des Bulgares, appuye au commencement sur la Scythie Mineure, celle des Magyares, sur le Danube moyen, et celle des P etschngues. Ces derniers seuls restrent compltement isols dans leurs camps au milieu du dsert et de la steppe; ce fut aussi le sort des Coumans de mme sang, qui leur s uccdrent au XIe sicle, lorsque Byzance eut cras les bandes qui avaient pntr profondm ur son territoire. Deux cents ans plus tard vint le tour des Tatars.Il rsulta de tout cela que les Slaves de la Msie, tout en gardant leur lang ue, perdirent pour toujours leur indpendance politique, que leurs frres pannoniens disparurent sous lafflux violent des Magyars, mais que les Roumains, nrquote ayant pas de matres chez eux, chapprent ce sort, lexception des lment latins qui, ayant donn mme des rois la Bulgarie naissante, un Sabinus et un Pagan us, finirent par se confondre dans le milieu slave domin par la classe militaire des Bulgares. La grande masse de la nation, se trouvant sur la rive gauche, retenue dans lunit naturelle de la rgion qui lencadrait, qui lappuyait et lui fournissait tous les moyens dune circulation intrieure, p articulirement intense, neut, avec les nouveaux khagans comme avec les an ciens, que les relations dhommage, de tribut, de dme, de douanes que avaient eues jadis les Gto-Daces ou les Agathyrses avec leurs matres scytho-sarm ates.Dans la pninsule mme des Balcans, si les Slaves avaient co mpltement colonis les deux Msies, sarrtant seulement sur le rivage, au point o commenait la lisire grecque que rien navait pu entamer; si la Dalmatie r iveraine leur appartenait, avec ses anciennes cits romaines compltement dnationalise s, lenvahissement navait pas gagn la montagne, toute cette montag ne qui, des Portes-de-Fer, en passant par le nud qui la relie aux Balca ns, savance sous le nom de Pinde jusqu listhme de Corinth e et au plein milieu de la Grce. Le berger roumain tait le matre incontestable de t outes ces hauteurs et les valles riantes recelaient les abris dhiver de l eurs familles et de leurs troupeaux. Les sources byzantines de montrent ds le VIe sicle dans cette rgion de la Msie Suprieure o apparaissent des villages roumains, drquote un caractre manifestement pastoral, pareil celui des localits macdoniennes d aujourdhui: Gmello-munte , la montagne jumelle ; Trdtitilious , ente tilleuls ; Skeptkasas , les sept maisons , etc. Dans la montagne du Pinde, du ct de la Dalmatie, on trouve au IXe sicle dj, des bergers qui sappellent Neag ul, Dracul. Ces Roumains allaient vendre leurs fromages aux citoyens de Raguse, et leurs noms caractristiques se conservrent dans les documents de cette Rpublique adriatique jusque bien tard dans le moyen ge. Des lments avancs menaient leurs troup eaux dans les valles de lHerzgovine et de la Bosnie, centre do part irent, une poque qui nest pas trs recule, les Roumains de Croatie, qui, sou s le nom de Frincul, le Franc , sont mentionns encore au XVIe s icle, lorsquils staient dj slaviss. Des Morlaques10l 10 Ce nom signifie, selon les uns, Valaques n oirs (Mau-rovlaques) ; suivant les autres, et leur opinion est la plus probable, Valaques de la Mer (Morevlacchi) ; cf. la More, ou territoire maritime pour les Slaves entrs dans lancien Ploponse . (Voy. V. Ginffrida-Ruggeri, / 4 Valachi dellAdria-tico, dans la Rivista italiana di sociologi a , tome XX, p. 288., formaient la transition entre les clients vala ques des riches Ragusains et ces lments qui vinrent stablir en Istrie, du ct de Castel-Nuovo et dAlbona, et qui conservent dans leurs derniers refuge s tous les lments fondamentaux de leur ancien langage, de plus en plus accabl et dna tur par linvasion des termes slaves.Leurs centres plus importants se trouvaient cependant plus bas dans la pninsule balcanique. Entre V allona et Durazzo et en face de Corfou, ils occupent le rivage, qui est abrupt e t inapte lagriculture, quils connaissaient bien cependant par un e ancienne tradition, sans la pratiquer de prfrence. A lintrieur, on les re trouve en Epire, sur le cours suprieur de la Vooussa. Mais la chane du Pinde est en core en grande partie aussi nettement valaque que les Car-pathes. Des milliers d e ptres menaient lautomne leurs brebis vers le large cirque montagneux de la Thessalie; ils y possdaient, au Xe sicle, ces riches villages domins par des ch efs, des primats (f), des celnici (du slave ceata, bande), que dcrit le biographe anonyme dun des plus puissants et des plus influents parmi eux, le Vlaque Nicolita. Lempire byzantin leur cra une s ituation spciale, quil nosa jamais dtruire et quand il essaya de l branler dans le dtail, ils se rvoltrent. Dans un conflit avec leurs caravane s, prit aux Beaux Arbres ( ), vers lan 1000, David, un des chefs du mouv ement qui, appuy cependant sur les Albanais et les Vlaques, essaya de reconstitue r, lEmpire des Bulgares, que les Byzantins de Jean Tzimiscs avaient renve rs peu auparavant sur les rivages de la Mer Noire, Preslav. Mcontents de lanarchie romaine , qui les pressurait contre la coutume, ils soutinrent toute cet te pope du Tzar Samuel et de ses hritiers du XIe sicle, commencer par le fils mme Samuel, Gabriel-Romain, dont la mre, une Thessa-lienne, tait probablement dorigine valaque. Plus tard, vers 1200, quand lEmpire dIsaac lquote Auge, menac dun ct par les Turcs dAsie Mineure et, de le autre, par les croiss accourus dOccident pour les combattre rassemblait ses derniers moyens de dfense en hommes et en argent, les celnics fs24 Pierre et Asen se soulevrent, probablement dans le Pinde, avec leurs Vlaques , au nom des anciens droits que les administrateurs du basi-leus avaient brutale ment viols. Maintenant, ce fut sous des chefs de leur nation que Iles bergers rou mains, dune agilit sans exemple et dun rare esprit de ressources, reprirent la tradition de leurs coups de main. Il ny eut pas un coin de s Balcans o leurs bandes ne fissent leur apparition dvastatrice contre les Grecs mp riss et contre les Latins du nouvel Empire de Constantinople quils avaien t en horreur. Joannice, le frre du fondateur de cet Etat , fut le grand Rhomoktone, tueur de Rhomes ; lempereur fodal Baudoin de Flandre, vaincu, prit dans ses cachots. Mais celui auquel le Pape parlait de ses origines romaines, sans connatre probablement la langue quil parlait, et auquel il donnait le nom de roi des Bla-ques et des Bulgares , ntait, par la fatali t des choses, quun continuateur des Tzars dautrefois, prtendants d e nuance bulgare lhritage de Constantinople. Dj le grand rgne de son neveu J ean Asan, venu cependant de la rive gauche du Danube, o il stait abrit au m ilieu des gens de sa race, na plus rien de commun avec les Vlaques, ses parents et anctres. Cette romanit mridionale, malgr des migration s qui ntaient quune transhumance strictement dfinie, nentr etenait pas de relations continuelles avec les frres de la rive gauche et devait, par consquent, sur un autre territoire, dans dautres conditions et avec une occupation gnralement diffrente, avoir un autre sort. Cest uniquement s ur le territoire carpatho-danubien que les besoins nouveaux dune activit c onomique plus large et plus active pouvaient crer la vie politique de la nation. Quant aux autres Roumains, le manque de base territoriale propre amena, non seul ement leur morcellement, mais aussi disolement dans un dialecte spcial, r est pauvre et bigarr de termes slaves non assimils et de bizarres termes grecs.r Vie politiq ue des Roumains avant la fondation des PrincipautsOn connat dquote une manire trs circonstancie, jusque dans leurs derniers dtails, ces guerres d ans la Pninsule Balcanique auxquelles les Roumains furent continuellement mls et si souvent dune manire dcisive; les chroniqueurs byzantins racontent longuem ent, dans leur beau style fleuri, emprunt aux modles anciens, tous ces vnements qui tenaient de si prs la vie mme quils reprsentaient dans leurs crits. Au contr aire, dans les Etats qui dominaient dj lOuest et lEst du territoir e roumain et o lhistoire scrivait en latin, un silence presque abs olu recouvre les premiers actes du dveloppement politique de la nouvelle nation ; quant aux documents mans de lancienne chancellerie hongroise et polonaise , ils ont disparu dans la grande tourmente destructrice des Tatars, au XIIIe sicl e.Il y a cependant des faits, transmis plutt par des sources u ltrieures, des similitudes, des principes tirs de la logique de lhistoire qui peuvent servir reconstituer, presque coup sr, cette vie carpathique et danubi enne antrieure la cration des Etats.Lorsque les Magyars descend irent dans la Pannonie, ils y rencontrrent des Slaves et, aussitt aprs leur apparit ion an del de la Theiss, vers la fort qui menait vers le territoire transylvain , d es Roumains autochtones.Les roumains et les etats slaves. Les Roumains ne pouvaient songer crer, comme les Bulgares, leurs voisins, un nouvel Empire romain, de langue barbare, car ils ne faisaient que c ontinuer dans des formes populaires lancienne vie impriale. Sans doute, i ls considraient comme leur chef lgitime lempereur de la Rome constantinopo litaine, dont, pendant cinq cents ans, de Justinien aux Coninne, les armes apparur ent de temps en temps sur la rive gauche pour en chasser les Slaves guerriers ou les Magyars envahisseurs; mais de lancienne organisation, ils navaient conserv que les dtenteurs modestes dune autorit qui stendait seulement sur un territoire , une tara, borne aux limites troit es dune valle. Tout ce qui se rapporte lcriture provenait du vieux fond latin (a srie, crire; pana, plume; condeiu, grco-latin con dylus ; hrtie, chartula ; carte, livre, i negreala, encre, de niger ). Mais le magistrat qui rendait la jus tice sous le vieux chne et jugeait selon lancienne coutume non crite, suote appelait jude (judex). Il devint un agent politique aprs le retrait de lote ordre imprial, de mme que chez les Goths du Danube au IVe sicle, le juge Athani c avait remplac le roi et que la lointaine Sar-daigne eut, pendant le moyen ge, de s chefs indpendants dans ses seuls juges , giudici. Les Slaves avaient emprunt aux Francs les ducs, dont le nom devint dans l eur langue celui de Vovodes, capitaines darme , et, une poque plus ancienne, pour des chefs de moindre envergure, ils avaient, prs Germains le titre de knzes , quon a rattach celui de Konunge , de Knige des migrations gothes. Les Rou ains employrent leur tour des dnominations pour les domni lus ou hrditaires, qui leur rendaient la justice et les conduisaient la guerre mme; Voda devint synonyme du prince, alors que cneaz , qui a en russe le mme sens, en arriva , comme son correspondant roumain jude ou judec , dsigner seulement le paysan libr e.Mais ces Slaves avaient aussi des rois, des krals, forms 12? nous lavons dit limage du roi des Francs, Cha rlemagne, qui avait tendu ses conqutes et fix ses ducs et ses comtes jusqu l a Save, la Drave, au Danube moyen; cest lorigine de cette royaut morave, croate et serbe qui organisa les lments guerriers des Slaves du Sud-Ouest et du Sud. Les Roumains ont aussi connu ce titre nouveau; ils en ont fait leur c raiu , sans penser dailleurs se donner une organisation royale distincte de la tradition impriale. Sous lautorit douce, paternelle de leurs chefs l ocaux, ou domni, les Roumains vivaient dans leurs villages, o, selon la coutume thrace, le sol tait possd en commun, non seulement en ce qui conc erne la fort et ltang, mais aussi les champs de labour, o chacun avait, au lieu dune proprit, seulement une parte (1), mot qui finit par dsigner tout droit la possession de la terre. Ces villages taient de cration plutt rcente; leur n om rappelle en effet celui du fondateur, de lanctre, mos (do vient le nom de mosie , hritage, pour tout bien foncier); satul Albestilor , Negrestilor , dont vient la forme courante: Albesti, Negresti, ne signifie pas autre chose q ue le village des descendants dAlbul, de Negrul . Ils se dfendaient jalous ement contre toute infiltration trangre; le jeune homme venu dun autre de ces microcosmes ruraux, perdait sa personnalit antrieure pour adopter aussitt celle de la grande famille o il entrait; il se sparait nettement de son pass au moment o il pousait sa femme, et le prnom donn aux enfants rappelait toujours celle qui ils devaient leurs droits. Lensemble de ces villages formait une vate Tara-R omaneasca , une Patrie Roumaine , terme imprgn dun profond instinct ethnique , et qui ne comportait lide ni dune forme politique unitaire, ni dun droit de conqute.Les roumains et les magyars.fs24 On ne sait pas exactement comment stablirent en Pannonie ces Magyars qui, vers lan 1100, devaient tendre lautorit nominale de ses chefs, devenus rois apostoliques, sur les forts et les clairires habites de la Transylvanie. Le Notaire anonyme du roi Bla est un compilateur du XIIIe sicle q ui reproduisit dans son rcit, forg laide de chansons populaires et de tymolo-gies locales, un tat de choses ethnographique et politique. Ses 4 Blaques, nommes dans les lettres du pape Innocent au roi des Blaques et des Bulgares (les Magyars nomment les Roumains Olah, daprs le slave Vlac h, do vient Valaque) ; son Empire bulgare, qui est videmment celui des Asni des, appartenait une poque trs postrieure. Il faut donc accepter comme des hros de p ure lgende, fabriqus daprs des noms de lieu, ces Manumorouth (dont le nom e st emprunt celui du Marmoros), ces Gelon (cf. la localit de Gyalu en Transylvanie) , ces Glad valaques, qui, pour rsister la conqute magyare, sallirent, dit-o n, des chefs slaves ou bulgares tels que Kan et Salan. On accordera plus de crance au Notaire anonyme quand il parle dun Tuhutum ou dun Zoltan, fi ls dArpad ; quant Gyula, mentionn dans la Vie de Saint Etienne , roi de Hongrie, on le retrouve chez les crivains contemporains de Byzan ce sous le nom du chef paen Gylas.Or, les premiers chefs hongr ois qui vcurent sous linfluence continuelle de Byzance, transmise plus ta rd aussi indirectement par les Russes de Kiev et de Halitsch (en Galicie), taient aussi des Vovodes, et le nom mme du premier Vovode chrtien qui, aprs le baptme, devint Etienne, roi apostolique des Hongrois, est Vajk, Vok, emprunt aux Slaves et comm un avec les Roumains eux-mmes. Des juges , cest--dire des cnzes, apparaissen t sur la Theiss dans les plus anciens documents qui nous ont t conservs. La griculture, la pense religieuse et lorganisation politique magyare se fon dent entirement sur la transmission slave que rvle chaque pas le langage. Cette nou velle fondation barbare, destine empcher le libre dveloppement de la race roumaine, aprs avoir mis fin la vie slave pannonienne, tait trop dnue dinitiative et doriginalit, trop pauvre dlments civilisateurs pour exercer une srie use influence; on ne pouvait pas attendre deux plus que des Petschngues et des Cumans eux-mmes.Les roumains et les russes de kiev.s24 Un contact politique qui paraissait ne pas devoir tre strile ste tablit vers le mme temps avec les Russes de Kiev, lves dociles de lorthod oxie et de lEmpire oriental.Le premier Tzarat bulgare tait en pleine dcadence, presqu la merci des Byzantins, qui devaient rduire ces derniers empereurs ltat de simples parents pauvres , vivant dans leur clientle, lorsque lempereur Nicphore Phokas soudoya Sviatoslav, le Vovode de Kiev, pour en finir avec les restes dune organisation militaire jadis si redoute. Le vaillant barbare, habitu guerroyer contre les Petschngues, (qui deva ient le tuer au retour, accourat avec ses compagnons darmes et, aprs avoi r vaincu lennemi dsign ses coups, il savisa de prendre la place de ces mmes Bulgares. Preslav devint pour quelques annes la nouvelle capitale dte une Russie qui stendait, comme la Scythie ancienne, dont elle paraissa it vouloir renouveler lhistoire, du Dnieper jusquau rivage occid ental de la Mer Noire. Pour la Rome orientale, celle substitution tait videmment i ntolrable. Les troupes du nouvel empereur byzantin, lArmnien Jean Tzimisks, se dirigrent antre Sviatoslav, qui se renferma dans Silistrie, lancien Du rostorum, pour y rsister pendant quelques mois, jusqu ce que la lamine lquote et contraint abandonner dfinitivement le lieu de ses anciennes victoires.ar Sur le champ de bataille, Tzimisks fit btir la cit de Thodoropolis. Il avait rtabli lancienne frontire du Danube, et la Scythie Mineure entire fut sans doute rattache lEmpire. Les Roumains de la rive gauche furent so umis lautorit du patriarche de Trnovo, tabli pour quelque temps Silistrie. Les Russes ne devaient plus revenir sur le Danube que presque mille ans plus ta rd, attirs par le mme mirage et nourrissant le mme rve de gloire. Sviatos-lav avait rapport cependant de son aventure lgendaire une conception suprieure de la vie poli tique, le titre de boars pour les descendants des anciens Vargues normands et des cnzes slaves, leurs camarades, et le souvenir, clbr pendant des sicles par la chanson populaire, du grand fleuve, aux ondes tour tour dores par le soleil du Midi et f iges par le vent du Nord, qui est le Danube, pre des eaux . Les princes de Galicie y trouvrent, au XIe et au XIIe sicles, un encouragement pour essayer de renouer le s relations brusquement interrompues par Je sige de Silistrie.Mais la place du strict rgime byzantin que lempereur de la victoire avait espr pouvoir maintenir, on eut bientt une vie locale, dorganisation indigne , qui se maintint pendant tout le XIe sicle. A Silistrie et dans les environs, en tre le Danube infrieur et la Mer, les Comnne, ses successeurs, nommrent, dans les c its comme les appelle la princesse Anne, fille et historiographe de lempe reur Alexis, ou mieux dans les bourgs fortifis, des chefs autochtones, aux noms r oumains ou mme slaves, qui continurent lancienne vie locale des territoire s gtes et romains: un Tatul, un Chalis, un Salomon, un Sestlav, un Saktschas ( Sat zas ). Ils avaient des attaches avec les Cumans de