Investisseurs étrangers et business model des clubs de ... · revenus. En effet, selon les...

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1 Juin 2014 Tuteur: Marcel Saucet Etudiants : Olivier Diot et François Sagarzazu Investisseurs étrangers et business model des clubs de football professionnel

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Juin 2014

Tuteur: Marcel Saucet

Etudiants : Olivier Diot et François Sagarzazu

Investisseurs étrangers et business model

des clubs de football professionnel

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TABLE DES MATIERES

Remerciements ..................................................................................................................................... 3

Avant-propos ........................................................................................................................................ 4

Introduction .......................................................................................................................................... 5

I) Business model ................................................................................................................................. 6

A) Entreprise et business model ........................................................................................................ 6

B) Monde du football et business model ......................................................................................... 7

C) Clubs historiques et business model ............................................................................................ 9

II) Investisseurs et attractivité du football européen ................................................................. 16

A) Evolutions des enjeux liés aux clubs de football professionnels ......................................... 16

B) Tour d’horizon des nouveaux investisseurs internationaux ................................................. 23

C) Facteurs d’investissement dans le monde du football .......................................................... 25

D) Changements liés à l’arrivée de ces nouveaux investisseurs ............................................... 29

III) Cas d’étude du business model du Paris Saint Germain ..................................................... 32

A) Histoire ....................................................................................................................................... 32

B) Modèle d’étude RCOV .............................................................................................................. 33

Bibliographie .................................................................................................................................. 55

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Remerciements

Nous tenions en premier lieu à remercie Kedge Business School Marseille pour son

encadrement et en particulier notre professeur suiveur M.Marcel Saucet notre professeur

suiveur pour la confiance qu’il a su nous donner au moment de la présentation de notre sujet

et pour ces précieux conseils qui nous ont permis d’orienter notre travail et de mettre en place

une méthodologie efficace.

Ensuite, nous remercions également les différents professionnels qui nous ont conseillé dans

notre recherche d’informations, notamment au sein du journal de L’Equipe avec une pensée

particulière pour Amine Manni, membre de France Football, qui n’a pas hésité à prendre du

temps et à nous faire part de son expertise dans le domaine de l’économie dans le football.

Enfin, un remerciement plus global à toutes les personnes, nos proches, nos amis, nos

professeurs, qui nous ont soutenu et aidé au quotidien dans la réalisation de notre travail,

allant de sa réalisation à sa correction.

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Avant-propos

Nous sommes deux étudiants passionnés de sport, en particulier de football et tous deux

originaires de la ville de Lyon. Notre objectif pour ce mémoire était de lier notre passion et

nos connaissances développées au sein de Kedge. Ce mémoire doit également nous permettre

de compléter notre projet professionnel qui est de travailler dans le domaine du management

sportif.

C’est donc ces envies communes qui nous ont réunis et après quelques semaines de réflexion,

nous avons décidé de nous orienter vers un sujet qui faisait l’actualité dans le sport.

En tant qu’observateurs attentifs du sport au quotidien, l’évolution des modes de gestion des

clubs professionnels européens et plus particulièrement français ne nous a pas échappé ces

dernières années. Nous désirons analyser les véritables enjeux stratégiques de ces évolutions,

voir les conséquences à court, moyen et long terme, et enfin étudier l’intérêt pour notre

« sport national » d’accepter ces modifications.

Il s’agit également pour nous de dépasser notre vision de simple fan ou de supporter et d’avoir

un véritable regard critique sur la situation actuelle de ce sport et des clubs professionnels

français en particulier.

Pour cela nous désirons nous appuyer sur les différents cours que nous avons suivis pendant

notre scolarité à Kedge, en particulier ceux de Marketing Evénementiel Sportif avec

M.Malthèse et de Marketing des Loisirs avec M.Danglade. Nous voulions également nous

appuyer sur nos expériences personnelles, que ce soit la pratique du sport, qui prend une

place très importante dans la vie d’Olivier, ou associative pour François, qui est membre de

DiambarsMed et qui a ainsi eu l’occasion de travailler en lien avec le milieu du football

professionnel.

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Introduction

Dans la gestion actuelle de la plupart des clubs européens de football, le succès doit être

instantané ou alors la crise s’installe. Cette vision à court terme a pour effet pervers que

chaque crise emporte tout ce qui a été mis en place, bon et moins bon, sans laisser aucune

fondation. Néanmoins, il ne faut pas faire de généralités sur les modes de gestion utilisés

puisque certains clubs aux structures dissemblables sont au sommet depuis plusieurs

décennies en Europe.

Il n’existe pas un modèle « parfait » pour gérer un club de football mais il est possible de

dégager des modèles performants aux vues des résultats des dernières décennies.

Cependant, il est difficile d’affirmer qu’un modèle performant dans un club fonctionnera

aussi bien dans un autre. Un club de football est par conséquent une entreprise à part entière,

avec un grand nombre d’acteurs et des enjeux sportifs et économiques de plus en plus

importants mais pas seulement.

Afin de comprendre la pérennité des différents clubs présents sur la scène européenne, il est

tout d’abord intéressant de chercher des réponses à la source même de l’entreprise : son

business model. L’évolution accélérée de l’organisation d’une partie des grands clubs de

football européens laisse beaucoup de questions en suspens.

Nous allons essayer de répondre à toutes ces questions en posant la problématique suivante :

En quoi l’arrivée d’investisseurs étrangers influence le mode de gestion des clubs de

football européens ?

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I) Business model

A) Entreprise et business model

La notion de business model existe depuis une vingtaine d’années et ne cesse d’évoluer depuis

l’avènement des nouvelles technologies, tout particulièrement internet.

Dans le cadre de sa thèse, Alexander Osterwalder affirme donc que le concept de business

model est directement et presque essentiellement lié à l’arrivée d’internet.

Cette nouvelle technologie a modifié l’approche classique de la création d’entreprise avec

l’émergence des start-up digitales. Ces nouvelles activités ont bouleversé les normes

existantes depuis des décennies en termes d’approches entrepreneuriales.

En effet, il existe depuis l’arrivée d’internet, une multitude de business model possibles pour

mener une activité à bien. Comme la notion de business model est étroitement liée aux

avancées technologiques, cette notion reste aujourd’hui dans le domaine académique assez

floue.

Cependant, l’idée principale qui ressort dans l’ensemble des définitions existantes de business

model, est la notion de création de valeur. Peu importe la configuration utilisée pour gérer

une activité, le business model sert à créer de la valeur.

Alexander Osterwalder a donné une définition du business model qui illustre bien

l’importance de la valeur dans l’un de ses derniers livres « Un modèle économique ou business

model décrit les principes selon lesquels une organisation crée, délivre et capture de la valeur

» (Business Model : Nouvelle génération, Editions Pearsons 2011)

La notion de création de valeur constitue donc le maillon central du mécanisme complexe

que représente le business model. Afin d’appréhender au mieux la place de la création de

valeur dans le business model d’une entreprise, il en va de soi d’analyser l’origine du mot «

valeur ».

Le mot « valeur » vient du latin « valere » qui signifie « fort » puis cette notion s’est généralisée

en économie comme étant une qualité qui se mesure par un prix. En d’autres termes, la «

valeur » exprime l’intérêt que porte un agent pour un bien ou un service.

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La définition conceptuelle du business model de L. Lehmann Ortega exprime parfaitement

cette idée : « Le business model se définit comme l’ensemble des mécanismes permettant à

une entreprise de créer de la valeur à travers la proposition de valeur faite à ses clients et son

architecture de valeur, et de capter cette valeur pour la transformer en profit ».

Par conséquent, le principe de business model implique une évolution perpétuelle du

modèle choisi afin d’être en accord avec la stratégie mise en place, qui évolue elle-aussi.

Il est important de mettre en lumière le fait qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais model de

gestion pour une entreprise. Cependant, afin d’être efficace, le business model doit être en

parfaite adéquation avec la stratégie fixée.

La stratégie d’une entreprise est sa vision alors que le business model est la méthode choisie

pour accomplir cette vision.

Ainsi, le business model est donc un outil permettant aux dirigeants de comprendre la

manière dont les éléments constituant leur entreprise s’organisent pour créer de la valeur.

B) Monde du football et business model

Le monde du football professionnel est une économie qui génère un grand nombre de

revenus. En effet, selon les chiffres du Deloitte Football Money League, le top 20 des clubs

les plus riches d’Europe ont généré, en 2013, 5,4 milliards d’euros ce qui représente une

augmentation de 8% comparé à 2012.

Néanmoins, un grand nombre de personnes ne considère pas les clubs de football comme des

entreprises classiques.

Ces différentes personnes au point de vue divergent sont à la fois des acteurs internes au

monde du football comme l’ancien entraineur de Manchester United Sir Alex Ferguson mais

aussi des auteurs tels que Kuper et Szymanski.

Ils considèrent que ces clubs européens fortunés sont souvent déconnectés de la réalité

économique, c’est à dire que leur gestion est liée aux objectifs sportifs plutôt qu’à la

recherche d’un équilibre financier. En effet, dans bons nombres de clubs européens, l’objectif

de maximisation du profit est assez peu perceptible.

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Concernant l’aspect juridique des clubs de football professionnels en France par exemple,

on peut constater qu’ils ont dans leur grande majorité un statut de société anonyme sportive

professionnelle, c’est à dire une structure de type société anonyme classique avec un accès

au capital libre, le versement des dividendes et la rémunération des dirigeants sont autorisés.

Selon Nadine DERMIT-RICHARD : « l’évolution juridique des clubs de football est

essentiellement liée aux besoins des clubs de se professionnaliser ».

Cependant, cette recherche de professionnalisation, à l’aide des outils juridiques, n’a pas eu

les effets escomptés en terme de rentabilité économique et encore moins financière pour la

grande majorité des clubs.

Avec cette stratégie de professionnalisation, on peut facilement constater que les clubs

s’écartent de plus en plus de leur logique historique d’amateurisme liée à leur origine

d’association loi de 1901. Pour ce qui est des statuts juridiques des clubs européens hors

France, ils sont dans l’ensemble assez comparables à ceux des sociétés commerciales

classiques françaises à quelques exceptions près.

En effet, chaque grand championnat européen a ses spécificités juridiques liées aux lois

nationales du pays. Par conséquent, on constate des modèles propres à chaque championnat

comme l’explique l’économiste du sport Bastien Drut dans son ouvrage, Economie du football

professionnel 2011. Par exemple, il explique qu’en Espagne le statut imposé est celui de la

sociedad anonima deportiva (SAD) ce qui est comparable avec une société anonyme

commerciale.

Enfin, en Angleterre et en Italie, le modèle classique est celui des sociétés par actions tout

comme dans la majorité des pays européens où 58% des clubs professionnels de première

division disposent de ce statut juridique.

La tendance actuelle en Europe est donc à la professionnalisation du monde du football même

si dans certains clubs, le passé associatif reste très présent ce qui parfois peut bloquer la

logique économique du club.

Il y a un grand nombre de facteurs qui rentre en ligne de compte dans l’évolution récente

des business model des clubs de football européens. En effet, il n’y a pas seulement les aspects

juridiques qui influencent les modèles actuels.

Nous verrons par la suite quels impacts ont l’environnement interne et externe dans la

logique économique de tous les clubs.

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C) Clubs historiques et business model

Aujourd’hui, les clubs apparaissent à première vue comme des entreprises à part entière,

cependant, de nombreuses personnes les voient toujours comme des associations. C’est

surtout le poids des clubs de football qui est régulièrement remis en cause. En effet ils n’ont

pas le poids économique équivalent aux passions qu’ils déchainent. Dans leur ouvrage « Les

attaquants les plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus », Kuyper et Szymanski

décrivent les clubs de football comme « des entreprises minuscules mais incroyablement

durables ». Le véritable intérêt de l’analyse de ce type, c’est que nous allons observer que

grâce à son incroyable diversité de système de management, certains clubs disposent de

business model qui sont propres au football. Lorsque nous observons l’état économique

actuel du football professionnel, certains aspects semblent totalement déconnectés du

fonctionnement des entreprises dites « lambda ».

Nous le verrons à travers les exemples que nous allons développer, mais dans certains

championnats, comme en Espagne, la priorité n’est pas d’équilibrer son budget mais d’être

simplement performant sportivement, même si ce type de politique tend à disparaitre avec

l’apparition du fair-play financier.

Autre vision abordée, l’impact des clubs sur la société qui parait exagéré comparé au chiffre

d’affaires généré : une première conclusion apparait, ce ne sont pas seulement les clubs qui

tirent profit de cet impact. La gestion de ces clubs doit donc être revue, trop de clubs semblent

encore gérer avec amateurisme et non comme de véritables sociétés. La compétence

managériale et la connaissance du football sont deux éléments à bien différencier pour diriger

un club, en effet ce ne sont pas obligatoirement d’anciens professionnels qui sont les plus

compétents.

Il est également indispensable d’analyser l’ultra-dépendance des clubs envers certaines

sources de revenus.

Tout d’abord, les droits TV, qui apparaissent aujourd’hui, notamment en France et en

Espagne, comme l’une si ce n’est la source principale de revenus des clubs. L’anticipation de

leur montant a parfois coûté très cher à certaines entités. A noter que leur négociation varie

selon les championnats, alors qu’elle se fait club par club en Espagne, ce qui crée de véritables

disparités ; ce n’est pas le cas en France, où la Ligue est chargée de ces négociations.

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Deuxième source de financement, la plus directe pour les clubs, les spectateurs ; ces revenus

dépendent incontestablement des performances de l’équipe et peuvent donc être très

compliqués à anticiper. Leur présence dépend aussi de l’offre du produit, ce que nous

entendons par là, ce sont les infrastructures mises à disposition par le club. Nous verrons

ensuite que le Bayern Munich a parfaitement su répondre à cette demande avec l’Allianz

Arena, et c’est en ce moment même, le gros projet de l’Olympique Lyonnais avec OL Land. Ce

projet va bien au-delà de la seule enceinte sportive, l’objectif étant de créer un véritable lieu

identitaire aux couleurs de l’équipe, et où le supporter pourra se divertir, manger, dormir,

s’habiller, en deux mots vivre pour son club.

Mais comme le dit très justement Nicolas Hourcade « Le spectateur recherche avant tout un

spectacle footballistique quand la priorité du supporter est la victoire de ses favoris ». L’idée

à retenir est que la fidélité de ses supporters dépendra avant tout des résultats sportifs

malgré tous les efforts du club pour le divertir autour du match. Ça ne sera qu’un plus en cas

de succès de son équipe. Troisième point important : le marketing avec notamment les

sponsors, pierre angulaire des finances des clubs actuellement, en particulier avec la stratégie

de naming de stade, de plus en plus présente. Les subventions, même si elles tendent à avoir

de moins en moins d’importance, sont toujours présentes et prennent une part indéniable

dans les nouveaux projets des différents clubs, les équipes de football ayant un poids dans la

vie sociale d’une ville voir d’un pays.

Pour creuser et voir de façon plus concrète ces différents éléments, nous allons analyser

plusieurs clubs possédant un business model différent, et essayer de tirer des conclusions sur

les manières les plus efficaces d’obtenir une situation financière stable et des politiques

sportive et financière cohérentes.

A noter que toutes les données des clubs que nous allons traiter datent de la fin de la saison

2012-2013.

Débutons par le Bayern Munich qui apparait être un exemple au niveau des résultats sportifs

mais également vis-à-vis de sa politique financière. Les comptes du club sont excédentaires

depuis 20 ans, avec une trésorerie de près de 130 millions d’euros, résultats impressionnants

dans un milieu où les clubs endettés ne se comptent plus. Ce succès qui peut paraître

étonnant, est tout sauf dû au hasard puisque le club a fait des choix et respecte des codes

visant à ne pas dépasser les limites fixées.

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Tout d’abord, le Bayern Munich a fait le choix de l’indépendance financière, ce qui signifie que

son capital est divisé de la manière suivante (données février 2014 source : LeFigaro.fr) :

75% détenu par un actionnariat populaire composé de 187 865 personnes

8.33 % par Adidas

8.33 % par Audi

8.33 % par Allianz

A travers ce type de politique, le Bayern se retrouve obligé de présenter à chaque fin de saison

un bilan équilibré pour pouvoir s’autofinancer. La base de ce type de politique est spécifique

au championnat allemand, qui exige de la part de ses clubs que la majorité des parts de celui-

ci appartiennent à ses membres.

La conséquence directe de ce type d’exigence est l’impossibilité pour un investisseur étranger

de s’emparer du club à l’image de Manchester City par exemple. Les profits servent

exclusivement à investir dans différents projets, notamment les transferts.

Ces derniers représentaient l’année passée moins de 50% de l’argent encaissé, alors que ses

concurrents dépensent souvent plus d’argent dans les transferts que ce qu’ils gagnent. Ce

type de décisions s’inscrit dans l’idée d’orienter les fonds vers le développement des

structures et de la formation. Ces investissements dictent et sont dictés par les types de

recettes enregistrées par le club chaque saison :

Source : Football Money League 2014 - Deloitte

20%

25%

55%

Répartition des revenus - Bayern Munich2012 - 2013

Billetterie Droits TV Merchandising

Revenus du club 2012-2013 :

431,2 M€

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Pour vraiment comprendre cette évolution de politique d’investissement et cette stabilité

financière, il faut remonter quelques années en arrière et plus précisément en 2005 lors de la

mise en place de son stade l’Allianz Arena. Même si celui-ci ne sera remboursé intégralement

qu’en 2020, cette enceinte magnifique (nous avons eu l’occasion de nous y rendre pour une

demi-finale de Ligue des Champions entre le Bayern et l’Olympique Lyonnais) affiche complet

(71 000 places) depuis son inauguration et son naming rapporte 6 millions annuellement au

club. Mais à l’image des projets d’infrastructure de l’Olympique Lyonnais ou du Paris-Saint-

Germain, l’Allianz Arena n’est pas « seulement » un stade de football, il possède également

un espace restauration et une boutique officielle qui rapporte presque autant que la billetterie

en elle-même.

Aujourd’hui, une enceinte de ce type est un véritable outil marketing, et un lieu de

recrutement et de rencontre de partenaires. Ainsi, le dirigeant du club, Karl-Heinz

Rummenigge indique qu’à partir de la mise en place de l’Allianz Arena, « tous les contrats de

sponsoring avaient été revus à la hausse ».

La stratégie pour optimiser les revenus du stade s’organise sous 2 aspects : l’attractivité de

l’offre pour les partenaires et l’amélioration de la relation entre les fans et l’entité.

Vision extérieure de l’Allianz Arena Vision intérieure de l’Allianz Arena

Nous allons rapidement développer quelques points de cette stratégie pour mieux définir et

justifier les choix du club. L’Allianz Arena a été construite pour les partenaires. En effet, l’offre

proposée pour assister aux matchs doit répondre à tous les besoins. Le club propose 106 loges

de 100 000 à 300 000€. Cela peut paraitre élever à première vue, mais encore une fois,

l’efficacité de cette politique est impressionnante, les loges étant toutes utilisées, et une liste

d’attente longue de plusieurs années existe.

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Mais la marque et le stade n’intéressent pas les partenaires seulement pendant les matchs

mais également avant et après. En effet, il n’est pas rare que des séminaires d’entreprise, des

réceptions et des rencontres avec les partenaires soient organisés au sein de l’enceinte. Le

club possède une politique de partenariat utile aussi bien du point vue financier que matériel.

Par exemple, Adidas est l’équipementier historique du club et ce dernier possède également

des parts dans le capital ; Lufthansa, qui est à la base de la confection des bancs de touche,

avec une visibilité non-négligeable notamment lors des diffusions des matchs à la télévision ;

autre exemple évident, Allianz qui en plus d’être un des actionnaires les plus importants du

club, a également conclu un accord de naming pour son stage (90 millions sur 15 ans).

Le club se positionne donc parfaitement entre ses partenaires et ses fans. Pour ces derniers,

le Bayern Munich a décidé d’organiser son stade de façon à satisfaire au maximum toutes ses

catégories de supporters. L’objectif est de créer une véritable ambiance munichoise, et que

les supporters se sentent concernés par celle-ci, quel que soit leur positionnement. L’énergie

dépensée dans la mise en place de cette relation entre les fans et le club fonctionne puisque

100% des billets vendus à domicile sont des abonnements. De plus à chaque match du club

que ce soit à l’extérieur ou à domicile, le stade affiche complet depuis 7 ans.

Après avoir présenté le Bayern Munich qui apparait aujourd’hui comme la référence sportive

et économique au niveau du football européen, nous allons maintenant aborder d’autres

politiques économiques, notamment en Espagne, à travers le FC Barcelone.

Si au niveau sportif, le club n’a rien à envier à l’allemand au niveau des résultats sportifs, ce

n’est pas la même chose au niveau économique car les politiques des clubs semblent bien

différentes.

Pour analyser le club, nous avons étudié des chiffres de la saison passée. Pour débuter, il est

important de noter qu’en Espagne, contrairement aux autres championnats européens, les

règles nationales liées à la finance des clubs sont moins strictes. Ainsi, les dettes ne sont pas

sanctionnées et, de ce fait le Barça était endetté à hauteur de 365 millions d’euros en 2012.

Cependant, avec la menace du fair-play financier, le club a mis en place une opération pour

réduire cette dette depuis quelques années.

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Mais au-delà de ces dettes, la composition du budget du FC Barcelone, tout comme celle du

Réal Madrid est bien différente de celle des autres grands clubs européens notamment grâce

à sa politique de démocratie participative que nous allons développer.

Voici les revenus du club lors de la saison 2012-2013 :

Source : Football Money League 2014 - Deloitte

Débutons tout d’abord par l’aspect du marketing. Les principaux revenus dans ce domaine

comprennent le sponsoring et les produits dérivés. Sur la saison passée, le montant total de

ces actions atteignait près de 150 millions d’euros, en grande partie grâce à deux entités, Nike,

l’équipementier du club et le Qatar, sponsor le plus important.

Sur ce dernier point, la politique du club a changé durant ces dernières années.

En effet, avant, le Barça se démarquait des autres équipes car il ne possédait pas de sponsors

payants mais avait mis en place, à l’image des équipes nationales, un fonctionnement

d’échange de sponsoring.

Autre source de financement du club, les droits TV qui prennent une place trop importante

dans le budget d’un club de cette envergure. En effet, avec un montant atteignant près de 180

24%

39%

37%

Répartition des revenus - FC Barcelone2012 - 2013

Billetterie Droits TV Merchandising

Revenus du club 2012-2013 :

482,6 M€

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millions d’euros, cette source apparait comme la plus importante pour le club de la Catalogne.

Cette politique qui tend à donner une importance surdimensionnée aux droits TV, rappelle les

anciennes stratégies des clubs de football, et dans le cas du Barça, ces chiffres sont gonflés

par les succès du club au niveau sportif, notamment grâce à ses performances lors des

dernières saisons. Tout comme son voisin madrilène, si le club veut arriver à diminuer

l’influence de ces droits TV et ainsi se permettre de présenter une santé financière positive, il

faudra faire en sorte d’axer ses ressources sur les revenus privés.

Au-delà des droits TV, le budget du FC Barcelone compte un deuxième pilier historique, ses

socios, qui ont pendant très longtemps été la principale source de revenus du club catalan.

Même si au fil des années, leur importance semble avoir diminué, notamment face à la part

grandissante du marketing et des produits dérivés, les socios restent néanmoins une source

de revenus non-négligeable, puisqu’elle est calculée à hauteur de 120 millions d’euros. La

saison dernière, le club comptait près de 223 000 socios, quand le stade qui appartient au club

compte 99 000 places. Le club appartient donc à ses socios et non à des actionnaires comme

la majorité de ses concurrents, et sa politique est de développer une image « sociale ». En

effet, même si ce n’est plus le cas actuellement, le club a mis pendant plusieurs années de

côté une grande partie de ses revenus de sponsoring, avec un partenariat avec Unicef, où le

club offrait à l’association une visibilité maillot et lui reversait également une partie de ses

revenus. Tout est fait pour mettre en avant cette proximité entre le club et le peuple,

notamment en misant sur les jeunes de la région ce qui a permis au Barça d’être le meilleur

centre de formation du monde : à l’image du cas Messi dont le club n’a pas hésité à soutenir

sa famille et à financer des soins pour permettre au joueur de s’épanouir. Cette image

« parfaite » s’est légèrement écornée dernièrement avec les histoires sur les montants de

transferts litigieux (cas Neymar) et l’achat de joueurs trop jeunes.

Si nous devons conclure sur ces deux modèles, même si leurs résultats sportifs sont pour

chacun d’entre eux impressionnants sur la dernière décennie, leur santé financière, elle

semble très différente. L’investissement à long terme du Bayern Munich semble donc un

business model qui devrait justement servir d’exemple à bon nombre de ses concurrents.

D’autres clubs choisissent une stratégie à plus court terme : celle de l’accueil d’investisseurs

étrangers qui peut sembler plus simple voir plus efficace. Mais plusieurs questions se posent

sur ce type d’investissements, notamment sur la fiabilité, et surtout l’égalité vis-à-vis des

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autres clubs, en particulier à l’heure du fair-play formation. Nous creuserons plus tard ce

business model avec ce qui semble être le meilleur exemple actuel et le plus médiatisé, le

Paris Saint-Germain.

II) Investisseurs et attractivité du football européen

A) Evolutions des enjeux liés aux clubs de football professionnels

Les récentes évolutions des modèles de gestion, accompagnées par l’évolution de

l’importance de l’image des clubs, ont réellement modifié différents aspects de gestion au

sein des clubs de football.

Pour pouvoir évaluer efficacement ces modifications, nous avons décidé de nous baser en

priorité sur les principaux investissements en Europe, c’est-à-dire la présence de ces

investisseurs à Manchester City, au PSG ou encore à Monaco.

Tout d’abord, les premiers changements et les plus rapides dans chaque club touchent la

structure sportive, avec les modifications des effectifs souvent rapides et impressionnantes.

Mais à travers ces investissements, l’objectif évident est de remporter des titres mais

également l’acquisition de nouveaux joueurs dans le processus marketing qui sera la base de

la reconstruction de ces clubs à long terme. Les premiers clubs à avoir été réellement touchés

par ces investisseurs en Europe ont été Manchester City et l’Anzi Makhachkala. Ce dernier a

tout de suite frappé très fort avec un budget de recrutement de 300 millions d’euros dès la

première année, avec une signature qui a fait grand bruit : celle de Samuel Eto’o. Aujourd’hui,

le club russe n’est plus dans ce cycle puisque son investisseur a décidé de se retirer petit à

petit de cette opération, ne s’intéressant que très peu au football. Les enjeux ne sont donc

pas directement sportifs.

Pour commencer abordons l’aspect marketing : ce que recherchent ces investisseurs en

premier lieu avant des résultats sportifs, c’est de la visibilité. Et si leurs investisseurs

recherchent de la visibilité, ils vont donc faire en sorte d’en créer via le club. C’est le premier

enjeu pour le club, être plus visible, et les transferts rentrent dans cette politique.

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Attirer des stars pour faire parler et faire vendre, c’est une vision un petit peu simpliste de la

chose mais elle semble réaliste.

Samuel Eto’o, malgré son bon niveau européen, est arrivé à l’Anzhi avec un statut de joueur

en fin de carrière avec pour premier objectif de véhiculer une nouvelle image pour le club, de

vendre des produits dérivés, d’attirer des marques, en somme d’offrir un spectacle qui se

vendra plus aisément.

Mais l’exemple le plus marquant de modification marketing à

partir de ce type d’investissements reste le cas Beckham au sein

du Paris-Saint-Germain. Même si à l’époque le club, Leonardo

en tête s’est refusé de le définir comme une finalité marketing

mais comme un réel investissement sportif, il est indéniable

que le club de la capitale a voulu, à travers cette acquisition,

prendre un nouveau virage marketing. L’objectif (caché) de cet

investissement était plus globalement de faire en sorte que le

PSG s’installe dans de nouveaux marchés, qu’aucun n’autres

clubs français touchaient actuellement : les marchés asiatique et anglo-saxon. En effet, il

représente plus qu’un footballeur, c’est un ambassadeur de marque qui rassemble luxe,

élégance, performance et classe. Il a confirmé cette image, et a permis au PSG d’en profiter,

notamment en décidant de verser l’intégralité de son salaire à des associations lors de son

passage parisien. La saison 2012-2013 a marqué un véritable virage pour le club et même si le

public français a beaucoup plus remarqué l’arrivée de Zlatan Ibrahimovic, au niveau mondial,

le vrai fait marquant a été la signature du joueur anglais. Et cette importance se ressent dans

les chiffres pour le club, puisque Virginie Caillet du cabinet Kantar Media (source 20Minutes)

notait justement que « Beckham a généré 5 000 retombées pluri médias dès son arrivée, 38

000 au total de son passage au club. Il a rapidement éclipsé Ibrahimovic ». C’est ce type de

décisions qui a permis au club de la capitale d’être le club français le plus connu en Europe à

la fin de la saison 2012-2013 devant l’Olympique de Marseille. Outre la visibilité, ce coup

marketing est évidemment rentable au niveau des produits dérivés, avec une hausse de

maillots vendus en France mais surtout à l’étranger. De plus, la billetterie n’a pas cessé de

progresser depuis l’arrivée des nouveaux investisseurs. Au-delà des cas des joueurs, Amine

Manni précise que les Qataris considèrent «"Paris" avec ou sans SG (Saint Germain) comme

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une marque à part entière. D'ailleurs le changement du logo du club qui fait la part belle "

Paris" et qui relègue les autres symboles au second plan s'inscrit dans la stratégie

d'exploitation de l'aura et de l'image de la ville. Comme un produit cosmétique ou de

maroquinerie. Avoir Paris et la tour Eiffel sur maillot fait de vous une marque

internationale. »

Autre point marketing lié à l’arrivée de ces nouveaux investisseurs : le sponsoring. Les

différents investisseurs ne se contentent pas d’utiliser leur fortune personnelle pour financer

le club, mais ils misent également sur la mise en place de contrats de sponsoring entre

marques de leur pays d’origine et les clubs. Pour démontrer cet aspect, l’exemple le plus

frappant reste le club de Manchester City. Après son rachat en 2008 par le Sheik Mansour, le

club a littéralement changé de politique sportive, marketing et surtout financière, avec

comme base de ces changements, le sponsoring.

En effet, à partir de la saison 2009/2010, les anciens sponsors disparaissent, et laissent place

à Umbro et des sponsors made in Abu Dhabi : Etihad Airways, Abu Dhabi Tourism, ou encore

Etilsalat. Mais la politique de sponsoring ne s’arrête pas là, puisqu’après avoir « marqué son

territoire » la nouvelle présidence du club décida de s’ouvrir à l’Europe avec l’ajout de

sponsors comme Ferrostall, Amstel ou Jaguar. Mais le seul sponsor qui a réellement impacté

la politique du club suite à l’arrivée du Sheik est Etihad Airways, puisque le club a signé lors de

la saison 2009/2010 un contrat de dix ans d’une valeur de 400 millions de £ avec la compagnie

aérienne. Au-delà du sponsoring maillot, ce contrat inclut également le naming du stade

(l’Etihad Stadium) et à l’image du projet de l’Olympique Lyonnais, le club de Manchester a

développé des activités autour de son stade (l’Etihad Campus).

Etihad Stadium

19

La signature de ce contrat a permis au club d’être celui ayant signé le contrat de sponsoring le

plus prolifique. En effet, il lui a rapporté 40 millions de £ chaque saison en plus des autres

revenus. A titre de comparaison, un de ses concurrents anglais qui a également opté pour le

naming, Arsenal, a signé un contrat avec Emirates à hauteur de 90 millions de £ sur 15 ans,

soit 6 millions de £ par an. Le sponsoring représente donc un des enjeux, si ce n’est le principal

de ces investissements, et également une source de revenus très importante pour les clubs.

Cela nous permet maintenant de faire le lien avec les enjeux financiers liés à ce type d’accord

entre les investisseurs et les clubs. A l’image de la France, un des très grands enjeux financiers

sont les droits TV. Aujourd’hui, quand on pense droits TV dans l’hexagone on pense

directement à la « bataille » actuelle entre Canal + et BeinSport, sachant que cette dernière

est arrivée avec les investisseurs du PSG. La chaine est donc une conséquence directe de la

présence des investisseurs étrangers dans la capitale. En effet, l’arrivée de la filiale du groupe

qatari Al Jazeera, a perturbé fortement la domination du groupe Canal. Cette concurrence

apparait à première vue positive pour les clubs, puisque la mise en place de cette concurrence

a permis de grossir le montant des droits TV et donc les revenus des clubs. Cependant, il serait

réducteur de conclure cela puisque les inégalités entre les clubs perdurent. Avec cette guerre

des diffusions, certaines équipes comme le PSG ou plus récemment Monaco, ont pu profiter

de visibilité quasi-totale aux horaires de choix. Pour avoir une idée de l’évolution des montants

des droits TV voici un schéma qui compare la France aux autres grands championnats

européens :

20

Ce qui ressort de ce schéma est simple, malgré une légère baisse ces dernières saisons du

montant des droits, ceux-ci vont repartir à la hausse à partir de 2016 pour ne cesser

d’augmenter jusqu’à la saison 2020. Cette augmentation est en grande partie explicable par

la concurrence de plus en plus féroce de Canal + et de BeinSport, et l’investissement de ce

dernier traduit la volonté du Qatar de s’installer durablement au sein du sport français. Autre

facteur explicatif, et directement en lien avec les investissements étrangers, l’arrivée de plus

en plus massive de joueurs stars dans notre championnat, qui ne profite donc pas seulement

aux clubs directement concernées comme le PSG ou Monaco mais également aux plus petits

clubs qui vont profiter de cette visibilité plus importante de la Ligue 1 avec des redistributions

plus importantes des droits TV. Même si le retard vis-à-vis des autres championnats

européens est encore important, il tend à se réduire et nous pouvons observer que les Droits

TV les plus importants sont en Angleterre, championnat « préféré » et qui a en premier fait

appel à des investisseurs étrangers.

Ces aspects financiers entrainent évidemment certaines questions au niveau éthique avec les

valeurs véhiculées par ce type d’investisseurs. Chaque club prône des valeurs particulières, et

les changements de direction aussi radicaux que des investisseurs étrangers, qu’ils viennent

du Qatar ou de Russie, peuvent bouleverser ces valeurs.

Premier point, le respect des règles des institutions, avec une actualité très visible aujourd’hui,

le fair-play financier. L’objectif de cette réglementation est d’améliorer la santé financière

générale du football européen (source uefa.com). Depuis 2011, tous les clubs qualifiés pour

les compétitions européennes doivent justifier leur intention financière particulièrement

concernant les mouvements de joueurs. Mais le principe le plus important de ces

réglementations a été mis en place depuis cette saison, le fameux équilibre financier. Pour

résumer, chaque club ne peut dépenser que ce qu’il gagne. A première vue, c’est la fin des

clubs qui s’endettaient pour recruter ou créer des infrastructures (particulièrement dans le

championnat espagnol ou encore les investisseurs qui utilisaient leur fortune personnelle).

Comme dit précédemment, le seul moyen reste donc le sponsoring. Inutile de dire que des

clubs comme l’Anzi, le PSG ou Manchester City deviennent les premières cibles des instances

européennes, et que les sanctions ont d’ores et déjà commencé à leur être signifiées.

21

Outre les investissements qui paraissent irréalistes, certains contrats sont examinés de près

par l’UEFA : pour le Paris Saint Germain, c’est le contrat conclu avec QTA, l’office du tourisme

du Qatar qui est étudié, pour son montant jugé trop élevé (100 millions d’euros) en lien avec

l’échange d’image ; et pour Manchester City c’est le montant surévalué du contrat de naming

que nous avons abordé précédemment, qui est remis en cause. L’identité du club se trouve

donc bafouée à travers ses investisseurs qui n’hésitent plus à « se jouer des règles ».

Cependant, les supporters ne sont que très peu affectés par ce type de comportement,

simplement car c’est ce type de décisions leur permet de voir arriver de véritables top joueurs

comme Cavani, Falcao ou Ibrahimovic.

Les dirigeants, eux considèrent, les sanctions comme trop peu dissuasives pour arrêter d’agir

ainsi. A l’heure actuelle (Mai 2014), les sanctions arrêtées pour le PSG sont une retenue de

20 millions d’euros sur les revenus en droits TV et les résultats en Ligue des Champions. Autre

contrainte, le plafond de la masse salariale devrait rester au niveau actuel, pour les deux

prochaines saisons. Cela va certainement entrainer, surtout après l’arrivée de David Luiz, le

départ de plusieurs gros salaires de l’effectif. Mais face à ces mouvements des instances, les

clubs ne semblent pas vraiment sensibiliser les dirigeants des clubs, puisque le propriétaire du

PSG a déclaré que « rien ne pourrait les arrêter et les empêcher de recruter ». Nous pouvons

traduire après ce type de déclaration que le club préfère payer des sanctions plutôt que

modifier sa politique. Face à de tels comportements, l’image du club risque à terme d’être

écornée. Même si cela semble bien loin des soucis des supporters, les Qataris devaient être

amenés à partir. Le club pourrait alors pâtir de tels affrontements entre les instances et ses

dirigeants.

Mais l’exemple d’investisseur qui incarne le mieux le bouleversement de valeurs associées à

un club, est sans aucun doute Vincent Tran, le propriétaire du club de Cardiff City. Avec une

fortune estimée à près de 1.3 milliards de dollars, le propriétaire à tout d’abord permis au club

de ne pas faire faillite et même à le faire remonter en Premier League à l’issue de la saison

2012-2013. A première vue, les supporters devraient donc apprécier fortement leur dirigeant

cependant, ce n’est pas le cas c’est même l’inverse. La raison de ce désamour vient des

décisions du propriétaire au sujet de l’identité du club. Très attaché à ses valeurs, le club

gallois a vu Vincent Tran changer les couleurs du club, les joueurs évoluent désormais en rouge

et noir à la place de leur historique tunique bleue et blanche.

22

C’est un comble pour une équipe surnommée les « Bluebirds », surnom qui n’a plus beaucoup

d’intérêt aujourd’hui. Autre changement de taille, le logo du club (voir ci-dessous). En

déplaçant l’oiseau (symbole du club) et en mettant en avant un dragon Rouge, certes symbole

important en Asie mais également aux Pays de galles, le propriétaire n’as pas respecté les

valeurs historiques du club.

Les décisions surprenantes de Vincent Tran ne s’arrêtent pas là puisqu’il agit également sur le

staff du club. Il a décidé de renvoyer le recruteur du club pour y installer un jeune (23 ans) ami

de son fils, inexpérimenté dans le domaine. Il a également décidé de licencier l’entraineur

Malcky Mackay, présent au club depuis 2011 et très apprécié par les supporters autant pour

les résultats que pour le jeu proposé. La base de ce renvoi n’est pas sportive mais personnelle,

puisque le propriétaire ne s’entendait pas avec l’entraineur.

Nous avons donc pu observer que les enjeux pour les clubs qui voient arriver de tels

investisseurs sont très importants et très nombreux. Nous avons souvent l’impression que ce

n’est que du positif pour les clubs, notamment au point de vue financier, mais cette image est

trompeuse, surtout avec la dureté des règles actuelles. L’avis des supporters et les valeurs

véhiculées par le club sont souvent mis de côté par ces investisseurs, alors que cela devrait

être leur première inquiétude. Ce phénomène qui tend à se développer de plus en plus

montre encore ses limites. Les investisseurs étrangers doivent respecter les contraintes

actuelles liées au monde du football. La base du sport reste tout de même la passion, et peu

importe leurs revenus et leurs origines, les investisseurs ne doivent pas oublier cet aspect et

s’adapter.

23

Depuis 2008, l’Europe subit une crise importante de son histoire et ses clubs de football n’en

sont pas les derniers touchés.

Cependant, malgré cette période difficile que traverse l’Europe, certains clubs n’ont jamais

généré autant de revenus qu’aujourd’hui. Il existe plusieurs raisons à l’expansion du football

européen et nous allons nous intéresser à l’une d’entre elles : les investisseurs étrangers.

Au fur et à mesure que les années passent, de plus en plus de grandes fortunes mondiales

sont attirées par le business du football.

B) Tour d’horizon des nouveaux investisseurs internationaux

Le football professionnel européen a beaucoup évolué ces dernières décennies. Son

attractivité avec l’arrivée de nouveaux enjeux pour les investisseurs a explosé ces 10 dernières

années.

En effet, les enjeux liés au football en Europe attirent de plus en plus d’investisseurs fortunés

originaires de tout le globe. Le pionnier en la matière fut le russe Roman Abramovitch qui

racheta le club de Chelsea en Angleterre en 2003. Un peu plus de dix ans plus tard, ils sont

bon nombre à s’être exilés pour investir dans les clubs du « vieux continent »

Aujourd’hui, on constate qu’il existe plus d’une quinzaine de clubs dont le propriétaire n’est

plus originaire du pays du championnat. Néanmoins, ces investisseurs fortunés n’investissent

pas par hasard dans un pays. Par exemple, en Angleterre, on décompte 11 clubs dont le

propriétaire n’est pas du pays, grâce à des structures dans leur majorité cotées en bourse. Ces

structures plus hospitalières incitent donc les investisseurs à jeter leur dévolu sur ces clubs.

Comme exprimé précédemment, l’abondance de nouveaux enjeux dans le football

professionnel européen attire aussi des nouveaux investisseurs dans d’autres pays comme la

France, l’Italie ou l’Espagne.

En France, la situation financière des clubs est l’une des meilleures d’Europe grâce à une

gestion plus saine. C’est un avantage concurrentiel afin de faire venir des investisseurs

étrangers.

Pour ce qui de l’Italie et l’Espagne, l’émergence d’investisseurs étrangers est un peu moins

forte car les clubs sont très endettés ce qui constitue un frein majeur. Cependant, ces

24

championnats disposent d’une attractivité bien plus forte qu’en France ce qui leur permet

tout de même d’attirer certains investisseurs étrangers fortunés.

Concernant l’Allemagne, les investisseurs étrangers sont très peu présents puisque la loi

interdit aux investisseurs privés d’obtenir plus de 49% des parts des clubs donc il ne peut y

avoir un club dont le propriétaire soit étranger.

25

C) Facteurs d’investissement dans le monde du football

Des objectifs différents selon les investisseurs

Il est surprenant de constater que des investisseurs internationaux, dont le football n’est en

aucun cas une priorité où bien même une passion, s’intéressent de plus en plus au marché du

football européen.

De surcroit, la situation financière de ces clubs est dans la majorité des cas très mauvaise ce

qui pourrait constituer un frein à l’envie d’investir. Par exemple, en 2010, le déficit cumulé

de l’ensemble des clubs du championnat anglais représentait 445 millions de livres (environ

525 millions d’euros)

Nous allons donc nous intéresser aux réelles motivations de ces milliardaires qui viennent

investir dans le monde du football européen. Elles sont parfois bien plus extra-financières que

financières.

Chaque investisseur a ses propres motivations pour investir dans l’industrie du football

européen. Durant des années, le gain financier a été la priorité de ces propriétaires.

Cependant aujourd’hui comme les fonds injectés ne sont que très rarement récupérés, il est

impossible de négliger le fait que pour la majorité d’entre eux les motivations sont ailleurs.

Tous les investisseurs étrangers ne peuvent pas être mis dans la même catégorie puisqu’ils

n’ont pas tous les mêmes objectifs à terme.

En effet, afin de bien comprendre les divergences d’objectifs entre ces différents

investisseurs, il est donc important de les classer en fonction de ces objectifs.

Pour commencer, il y a ceux qui achètent un club seulement par opportunité de

divertissement. Ils investissent de gigantesques sommes pour faire venir dans leur club des

étoiles du football tout en sachant qu’ils n’auront jamais les retours espérés financièrement

parlant. C’est en grande partie le cas du milliardaire russe Dmitry Rybolovlev avec le rachat de

Monaco en Décembre 2011. Cela pourrait être défini comme « un caprice de milliardaire »

26

Ensuite, pour d’autres investisseurs, le rachat d’un club de football est une opportunité

d’améliorer leur image auprès d’une population locale grâce à la popularité du football dans

ce pays. Ce biais permet à ces investisseurs fortunés soit de s’implanter dans un pays, soit d’y

être accepté dans le cas où il serait déjà présent pour d’autres raisons. L’acquisition d’un club

peut donc permettre en quelque sorte de parvenir à ses fins de manière politique, quitte à

changer l’identité du club dans lequel ils investissent.

Enfin, concernant les investisseurs ayant pour but des objectifs extra-financiers, il y a le cas

particulier du Qatar. En effet, il est difficile de les regrouper avec d’autres investisseurs dans

le sens où ils ont racheté le club du PSG de manière à promouvoir leur petit pays du Moyen-

Orient méconnu du monde. La puissance financière du Qatar leur permet d’investir non

seulement dans le club du PSG mais aussi dans des sponsoring maillot avec « la Qatar

Foundation » dans le club du FC Barcelone qui dispose d’une aura mondiale.

Une influence politique

Conscient du pouvoir de séduction que représente le football pour les populations

européennes, les investisseurs ne ciblent pas le football par hasard. Le football permet d’être

la vitrine de leur pays, leur entreprise ou même leur pouvoir politique auprès des populations.

En Europe, le football est le « sport-roi » depuis des décennies et la tendance va en

s’accentuant lorsqu’on observe l’explosion des revenus liés aux retransmissions TV.

Investir dans le football européen permet à ces milliardaires d’obtenir une dimension

planétaire qu’ils ne pourraient pas obtenir d’une autre manière. Certes, ils dépensent des

centaines de millions d’euros dans les clubs dont ils sont les propriétaires cependant, il ne faut

pas perdre d’esprit que pour la majorité d’entre eux l’investissement est raisonné.

En effet, de manière purement économique, le jeu n’en vaut pas la chandelle mais il faut aller

plus loin pour comprendre de tels investissements.

Par exemple, cette année a vu l’arrivée d’un nouveau sponsor pour la plus prestigieuse des

coupes d’Europe de football, le géant du pétrole et du gaz russe « Gazprom » qui est déjà

propriétaire du club russe du Zénith Saint-Pétersbourg. .

En effet, son directeur général M. Alexey Miller a clairement expliqué publiquement l’objectif

d’un tel investissement dans le football : accroitre la notoriété de la marque à l’échelle

mondiale. Ne cherchez pas le rapport entre le gaz ou le pétrole et le football, il n’y en a pas.

27

Cependant, c’est une occasion parfaite pour ce géant d’améliorer son image en s’associant à

la prestigieuse ligue des champions.

Pour James Appel, un journaliste anglais spécialiste du football russe, ce choix n’est en rien

une surprise et encore moins un investissement irrationnel car il explique : « Gazprom et par

extension le gouvernement russe, utilise le football comme une soft power. Pour Gazprom, le

football représente une sorte de panneau d’affichage géant destiné à communiquer en

direction de ses nouveaux marchés et d’adoucir son image auprès des opinions publiques des

pays de l’Ouest. »

Cet investissement est donc économique mais aussi clairement politique. Aujourd’hui, les

investisseurs ne recherchent pas forcément avant tout un retour sur investissement

financier. Le football étant dorénavant une vitrine extraordinaire, il offre des opportunités

bien plus importante qu’auparavant.

Une bonne publicité

Comme nous l’avons expliqué précédemment, le football est une vitrine pour ces

milliardaires souhaitant communiquer autour de leur entreprise. Comme pour Gazprom, les

investisseurs du Qatar ont besoin d’une bonne publicité et ont donc choisi d’investir dans un

club de football.

En effet, un grand nombre de riches Qataris investissent dans le football européen

notamment le PSG, Barcelone, Malaga ou bien encore Manchester City.

Ces riches milliardaires, vivant dans un pays en pleine expansion économique grâce au gaz et

au pétrole, ont besoin de se diversifier afin de continuer à grandir. Par exemple, le Qatar

compte beaucoup sur l’activité touristique de son pays cependant, il souffre d’une mauvaise

image ce qui freine leur attractivité. Pour remédier à ce problème d’image, les qataris

investissent donc massivement dans les clubs de football.

A partir du sondage que nous avons réalisé, on constate que l’image des qataris à Paris est

différente selon le degré d’intérêt des personnes au football professionnel. En effet, les

personnes interrogées, étant peu ou pas du tout intéressé par le football, considèrent dans

leur majorité ces investisseurs comme des milliardaires souhaitant s’enrichir encore plus.

Pour 75% d’entre eux, leur arrivée est néfaste à la fois pour le football français voir même

pour l’économie française en général pour certains d’entre eux. De leur côté, les passionnés

28

de football voient, pour 70% d’entre eux, l’arrivée des qataris comme une opportunité pour

le football français. De plus, la quasi totalité d’entre eux pensent que les investisseurs

étrangers sont bons pour l’économie française à différents degrés.

Par conséquent, plus la connaissance des qataris par la population est haute, meilleure est

l’image qu’ils ont de ces investisseurs. Pour aller plus loin, 90% des personnes n’étant pas ou

peu intéressé par le football ne savent pas que les qataris ont investi aussi dans l’immobilier,

l’hôtellerie etc.

Le football est donc bien un moyen d’influencer l’image que peut avoir une population

concernant des investissements.

Comme si cela ne suffisait pas à redorer leur image, ils ont même mis en place un réseau

télévisé du nom d’Al Jazeera Sports en France rebaptisé sous le nom de Bein Sports encore

une fois pour une raison d’image.

Cette nouvelle chaine fait beaucoup d’ombre aux chaines sportives historiques françaises

que sont Canal Plus ou Eurosport France. Ce groupe Qatari achète de plus en plus de droits

télévisuels afin de s’implanter massivement en Europe et devient la référence en matière de

retransmission télévisuelle en Europe.

Dans le cas de ces investisseurs à la recherche d’une bonne publicité, l’utilisation d’un club de

football ou d’une chaine de télévision représente un outil de communication et donc une

mise en lumière de l’entreprise propriétaire voir même du pays.

Le paradoxe dans ces investissements réside dans le fait que l’objectif principal est

l’accroissement de la visibilité de l’entreprise au détriment d’une rentabilité de

l’investissement. Par exemple, pour les Qataris, c’est l’augmentation de l’activité tourisme

dans leur pays dans les années à venir. De ce fait, on pourrait qualifier ces riches investisseurs

de « mécènes intéressés ».

Toujours grâce au sondage réalisé, on s’aperçoit facilement que la majorité des personnes

interrogées pensent que leurs objectifs principaux sont la visibilité et la notoriété. Cependant,

si l’on se réfère seulement aux personnes peu ou pas intéressées par le football, elles

considèrent que l’objectif principal est bel et bien économique pour ces investisseurs

étrangers. Seulement 23% de la population interrogée pense que l’objectif principal de ces

investisseurs est le côté sportif.

29

Ce chiffre est en partie dû au fait que la médiatisation de ces investisseurs, notamment

l’influence des qataris sur la ville de Paris, est de plus en plus faite de manière massive.

Les investisseurs étrangers cherchent donc à communiquer positivement autour de leur

entreprise cependant, il existe des cas où l’homme d’affaires cherche à redorer son image

personnelle et non celle de l’entreprise.

C’est le cas du Thaïlandais Thaksin Shinawatra, ancien premier ministre de la Thaïlande qui a

racheté Manchester City en 2007 dans le but d’améliorer sa réputation. En effet, au moment

où il investit dans le club du Nord de l’Angleterre, il est soupçonné de corruption ce qui lui a

valu d’être écarté du pouvoir dans son pays cette année-là. Cependant, cette opération de

communication n’aura pas eu les effets escomptés puisqu’il sera tout de même condamné à

aller en prison et il vendra le club 1 an plus tard.

Même si les motivations de ces riches investisseurs étrangers sont totalement extra

financières, les millions d’euros dépensés dans le marché du football européen influencent

fortement l’économie de cette industrie.

Cependant, il y a quand même certains exemples d’investisseurs étrangers dont la réussite

n’est pas à démontrer. En effet, l’exemple le plus flagrant est celui de l’égyptien Mohamed

Al-Fayed qui s’est approprié le club de Fulham en 1997 en déboursant la somme de 30 millions

de livres.

A cette époque, ce club historique de Londres figurait en 3ème division anglaise. Avec les fonds

injectés, Mohamed Al-Fayed a permis en 2000 au club de remonter dans l’élite en Première

League et de rendre à ce club sa valeur réelle.

D) Changements liés à l’arrivée de ces nouveaux investisseurs

Dans les clubs de football professionnel, différentes parties prenantes fonctionnent avec des

niveaux d’influence différents. Le marché européen du football professionnel évolue et se

transforme sur la base d’une valorisation de trois actifs immatériels.

En effet, le premier d’entre eux est le « capital humain » qui est constitué par l’ensemble des

joueurs et entraineurs des clubs. Ensuite, le second est le « capital marque » c’est à dire la

notoriété et l’image du club. Enfin, le troisième est le « capital client » que représente

l’ensemble des spectateurs, téléspectateurs, abonnés, supporters. Ce capital est valorisé par

30

le biais des diffuseurs et des sponsors. Avec l’arrivée de nouveaux investisseurs, ces trois actifs

des clubs sont fortement bouleversés puisque qu’ils sont directement liés à la nouvelle

stratégie des propriétaires.

Une nouvelle stratégie influence donc le business model des clubs à des degrés différents

selon les cas. En Angleterre, où les clubs de football ont une vraie histoire et des traditions

avec la ville, certains nouveaux investisseurs ont modifié l’environnement de manière

radicale. Par exemple, Assem Allam propriétaire du club de Hull City depuis Décembre 2010

souhaite rendre à la communauté ce qu’elle lui a donné. Après avoir accédé à la première

league, il affirme vouloir changer le nom du club « Hull City AFC » pour le transformer en Hull

Tigers. Il considère que le mot City rend l’identité du club trop ordinaire et que la

dénomination complète est trop longue. Selon lui, il s’agit d’un moyen d’augmenter les

ressources du club mais surtout de développer la notoriété du club en Asie. Cependant, en

réalité ce changement d’identité brutal est dû à une vexation personnelle à la suite d’un

refus du conseil municipal de lui vendre le Stade (KC Stadium)

Cette stratégie marketing visant à changer l’identité historique du club entraine une révolte

des supporters. Afin de montrer leur mécontentement, ils organisent une marche avec des

banderoles où il est écrit « Hull City est un club, pas une marque »

Une nouvelle stratégie liée à l’arrivée d’un nouvel investisseur étranger influence donc

l’ensemble des parties prenantes d’un club. Cela crée aussi de nouveaux conflits et entraine

des situations parfois complexes à gérer. En effet, le manager du club Steve Bruce se retrouve

face à un dilemme puisque qu’il estime que son propriétaire ne comprend pas l’importance

que représente le nom du club pour les supporters. Cependant, il est obligé de soutenir son

propriétaire en expliquant qu’il a le droit de faire ce qu’il veut en tant que patron du club.

Comme exprimé précédemment, le propriétaire malaisien du club de Cardiff Vincent Tan a

lui de son côté changé la couleur bleue historique du club en rouge, couleur qui n’est autre

que celle du rival historique Swansea. Là-encore, il a déclenché de vives contestations de la

part des supporters.

Un grand nombre de supporters en Angleterre ont tourné le dos à leur club de cœur puisqu’ils

ne se reconnaissent plus dans l’évolution que donnent ces nouveaux propriétaires étrangers

aux clubs.

31

Grâce à ces deux exemples, on peut voir comment le football professionnel devient de plus

en plus du football business. Ce genre de cas laisse à penser que l’on se dirige vers une

transformation complète des clubs, de leur origine d’association jusqu’à peut être arriver au

model de franchise comme en Amérique du Nord.

Le rachat d’un club par un investisseur étranger implique donc des changements à tous les

niveaux du business model de l’entreprise et non pas seulement au niveau des ressources.

La nouvelle stratégie découlant de ce rachat entraine des changements à la fois internes et

externes.

Au niveau de l’environnement interne, cela peut modifier l’organisation salariale, les valeurs

du club c’est à dire, le maillot ou bien même le logo. Cela peut aussi faire évoluer la culture du

club avec la mise en place de nouvelles règles. L’image du club peut en être affectée puisque

ces changements peuvent être considérés comme marquants dans l’histoire du club.

Au niveau de l’environnement externe, cela a aussi une incidence importante sur le marché

des transferts. En effet, il est fortement influencé dans le sens où les prix pour acheter des

joueurs ou des entraineurs peuvent être hors réalité économique.

Comme ces nouveaux dirigeants achètent des joueurs à forte valeur, parfois surcotés, cela

implique directement que la valeur des championnats augmente elle-aussi. En conséquences,

la valeur du championnat explose par le biais des droits autour de celui-ci.

Cela pose aussi des questions concernant les relations historiques qu’ont les dirigeants de

clubs entre eux mais aussi avec les fédérations nationales et internationales.

32

III) Cas d’étude du business model du Paris Saint

Germain

A) Histoire

Créé en 1970, le Paris Saint Germain Football club ou couramment appelé PSG est un club

de football professionnel français né de la fusion entre le Stade Saint Germain et le Paris

FC. Depuis les années 70, le PSG s’est installé petit à petit comme une référence du football

français. Il a d’abord été détenu par Daniel Hechter puis Francis Borelli au cours des

années 80.

En 1991, il est racheté par le groupe Canal +. Grâce à ce nouveau propriétaire, le club entre

dans une nouvelle dimension sportive et économique ce qui va lui permettre d’atteindre

les sommets européens au cours des années 90 avec une finale de coupe d’Europe en

1997.

Vient alors l’année 2006, le club est racheté par un fonds de pension américain Colony

Capital. A partir de ce rachat, le club de la capitale continue à être performant au niveau

national mais il perd de sa renommé en Europe.

33

Lors du rachat du club par Colony Capital, l’objectif principal de ses investisseurs était à

l’époque l’atteinte de rendements financiers. Cependant, les résultats espérés ne seront

pas au rendez-vous puisque le club n’enregistrera pas un seul résultat net positif de la

période Colony Capital. Le club éprouvant des difficultés financières de plus en plus

importantes, les propriétaires américains ont cherché à vendre le club.

En 2011, ils ont trouvé un acheteur avec le fonds d’investissement Qatar Investment

Authority (QIA) disposant de moyens financiers très élevés. Ce rachat soulève à l’époque

un grand nombre de questions notamment autour des objectifs réels de ces investisseurs

étrangers. A force d’entendre les spécialistes du monde du football voir même les hommes

politiques spéculer autour des raisons de ce rachat par le QIA, le président du PSG Nasser

al-Khelaifi a tenu à répondre lui-même à ces questions dans une interview parue dans le

journal quotidien l’Equipe le 1er Avril 2013. En effet, lors de cette interview, il dément la

thèse que le QIA est venu à Paris avec des objectifs politiques dissimulés. Il explique aussi

que les gens n’ont pas une image correcte de ce qu’est réellement le Qatar aujourd’hui.

Par le biais de cette interview, on peut facilement constater la stratégie de « soft power »

dont fait preuve le QIA.

En effet, ils souhaitent gagner du pouvoir par le divertissement, la culture mais surtout le

sport plutôt que par la force. Les possibilités financières dont ils disposent leur ont donc

permis d’acheter le club de la capitale pour faire de Paris une capitale du sport qu’elle

n’était plus depuis très longtemps faute de moyens financiers. En rachetant le club du PSG,

les qataris vont obtenir des opportunités de développement, que seule la ville de Paris de

par son attractivité dans le monde, pouvait leur apporter.

Après avoir mis en lumière l’histoire du club, à l’aide du modèle d’étude RCOV, nous allons

voir comment le rachat d’un club comme le PSG par des investisseurs étrangers peut faire

évoluer le business model de celui-ci.

B) Modèle d’étude RCOV

Afin de comprendre l’influence que peut avoir l’arrivée d’un nouvel investisseur dans

l’organisation d’un club professionnel, nous allons utiliser le modèle théorique d’étude

34

RCOV que l’on va appliquer à un cas concret en l’occurrence le club du Paris Saint

Germain.

Nous avons fait le choix de cet outil car il permet de mettre en lumière les différentes

composantes d’un business model. De plus, il va nous permettre de mesurer l’impact d’un

nouvel investisseur et les changements que cela implique aux différents niveaux du club.

Ce modèle développé par Benoît Demil et Xavier Lecoq (2010) rend possible l’étude de

l’organisation de l’activité d’une entreprise sous 2 approches. D’une part, elle permet une

approche statique afin de comprendre comment fonctionnent les différentes

composantes séparément. D’autre part, elle permet une approche dynamique en

étudiant l’interaction des différentes composantes entre elles.

Le modèle RCOV est constitué de trois composantes : les ressources et compétences (RC),

l’organisation (O) et les propositions de valeur faites à l’entreprise (V)

http://www.businessmodelcommunity.com

Benoît Demil et Xavier Lecoq définissent les différentes composantes du modèle d’étude

comme suit :

35

Composante 1 : Les ressources et compétences

« Les ressources sont l’ensemble des actifs tangibles ou intangibles, permanents ou non à

disposition de l’entreprise »

« Les compétences sont l’ensemble des savoirs faire et expériences à la fois du personnel

mais aussi de l’entreprise dans son ensemble qui vont être mobilisés afin d’intégrer ces

ressources ».

Il n’est pas possible de lister l’ensemble des ressources et compétences existantes dans une

entreprise. Cependant, au sein d’un club de football professionnel, les ressources et

compétences sont souvent spécifiques au monde du football.

Grâce à cet outil, il va être possible de les lister et analyser la place qu’elles représentent au

sein du club. On peut distinguer des ressources et compétences dites « clefs », «secondaires »

ou bien même « distinctives ».

Composante 2 : Les propositions de valeur

« La proposition de valeur est un concept plus large que celui d’offre qui tend à réduire la

créativité à la seule innovation en termes de produits ou services que propose une

entreprise sur son marché ». Nous verrons comment il est possible pour un club d’innover

par le biais de cette composante notamment au niveau de son positionnement et des

cibles

Composante 3 : L’organisation

« L’organisation de l’activité comprend deux dimensions qui sont l’organisation interne

et externe, c’est à dire le réseau de valeur constitué avec les partenaires».

L’organisation constitue donc la structure des différentes activités qu’elles soient au sein

de l’entreprise ou à l’extérieur de celle-ci. Cette composante diffère parfois beaucoup d’un

club à un autre en fonction des choix réalisés en la matière. Au sein d’un club de football,

les choix d’internaliser ou non les activités dépendent fortement des autres composantes.

36

Ressources

La composante principale du RCOV du club de Paris est le R de ressources. En effet, le

fonds d’investissement qatari a amené au PSG des ressources financières très

importantes. L’apport massif de ressources financières tient au fait qu’ils veulent se

donner le plus de chance possible d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. L’objectif

principal avoué étant de devenir l’un des plus grands clubs d’Europe sur les années à

venir.

Comme décrit ci-dessus, la composante « ressources » est clef dans leur stratégie par

conséquent, ces ressources représentent l’élément central du business model depuis

l’arrivée des qataris à la tête du club.

Afin d’évaluer la place que représente la composante ressources dans le business model

du club depuis le changement de propriétaire, nous avons réalisé à la fois une analyse

dynamique de la structure financière ainsi qu’une étude comparative avec deux autres

grands clubs européens aux ressources quasi illimitées.

L’objectif du club étant d’atteindre les sommets européens, l’étude comparative visera le

Bayern Munich et le Réal de Madrid qui représentent ce qu’il se fait de mieux à l’heure

actuelle au niveau sportif et économique en Europe.

Lorsque l’on parle des grands clubs de football européen, le budget annuel permet

facilement de connaître la dimension du club. Pour ce qui est du PSG, les chiffres

concernant le budget sont assez frappants tant l’évolution sur ces dernières années

montre le changement de dimension qu’a connu le club avec l’arrivée des qataris.

Tableau comparatif des budgets du PSG, Bayern et R. Madrid sur les trois dernières

années

2013/2014 2012/2013 2011/2012

Club Budget

annuel Club Budget annuel Club Budget annuel

PSG 399 M€* PSG 300 M€ PSG 150 M€

Bayern 431 M€ Bayern 400 M€ Bayern 373 M€

37

R. Madrid 519 M€ R. Madrid 517 M€ R. Madrid 500 M€

*Chiffres en millions d’euros Sources : Sportune

A l’aide de ce tableau comparatif des budgets, nous pouvons faire plusieurs bilans.

Premièrement, depuis l’arrivée des qataris à la tête du PSG, on peut voir qu’en trois ans

le budget du club a presque triplé passant de 150M€ au cours de la saison 2011/2012 à

presque 400M€ pour la saison actuelle 2013/2014.

Ensuite, on peut aussi constater que l’écart de budget entre les tops clubs européens et

celui du PSG se réduit d’années en années compte tenu des ressources dont les

investisseurs du PSG disposent.

A titre d’exemple, le second budget du championnat de France de ligue 1 pour la saison

2013/2014 était l’AS Monaco lui aussi détenu par un nouveau propriétaire étranger dont

le budget était de 130M€. Par conséquent, on peut voir que le PSG dispose d’un budget

plus de trois fois supérieur à celui de son dauphin.

Cette étude financière des budgets permet de montrer comment le club du PSG ces

dernières années a changé de dimension au niveau européen. Si l’on remonte à la saison

2010/2011, le budget du club du PSG était seulement de 80 M€ avant l’arrivée des qataris.

Ce changement radical est en grande partie due à l’arrivée de ces nouveaux investisseurs

qataris. La rapidité dont a fait preuve le club pour rejoindre les grands d’Europe au niveau

financier ne laisse planer aucun doute sur l’ambition des nouveaux propriétaires du club.

Après avoir comparé et analysé le budget du club, il est pertinent d’observer la place et

l’évolution des salaires au sein du club. Afin d’obtenir une comparaison simple de la

situation au niveau salarial, nous prenons en compte seulement les salaires bruts

mensuels sans tenir compte des contrats annexes de type publicitaire ou autre.

Tout d’abord, nous allons faire une analyse dynamique pour montrer l’évolution des

salaires de l’équipe sur les trois dernières années comme pour le budget.

38

Salaires bruts mensuels des 6 joueurs les mieux payés du PSG sur les trois dernières

années

2013/2014 2012/2013 2011/2012

Nom Salaires Nom Salaires Nom Salaires

Ibrahimovic 1 375 000 € Ibrahimovic 1 375 000 € Lugano 340 000 €

Thiago Silva 1 000 000 € Thiago Silva 780 000 € Alex 340 000 €

Cavani 830 000 € Lavezzi 415 000 € Sakho 333 000 €

Lavezzi 415 000 € Lugano 340 000 € Motta 333 000 €

Alex 340 000 € Alex 340 000 € Sissoko 325 000 €

Motta 333 000 € Sakho 333 000 € Nene 320 000 €

Total 4 293 000 € Total 3 583 000 € Total 1 991 000 €

Source : actusport

Au cours des trois dernières saisons, les salaires ont augmenté de manière significative

concernant les joueurs les mieux payés du club. En effet, seulement en l’espace de 3 ans,

les salaires des 6 joueurs les mieux payés ont augmenté de 115%. L’augmentation a

d’abord été de 79% entre 2012 et 2013 puis de 20% entre 2013 et 2014. Ces

augmentations significatives sont en grande partie due à l’arrivée de grands joueurs

comme Zlatan Ibrahimovic qui à lui seul gagne plus de 4 fois ce que gagne la quasi totalité

des joueurs de l’équipe.

Une nouvelle fois à titre d’exemple, la saison précédant l’arrivée des qataris à la tête du

club 2010/2011, les salaires mensuels des 6 joueurs les mieux payés atteignaient 1 355

000€ c’est à dire moins que ce que touche Zlatan Ibrahimovic tout seul en un mois.

39

Chaque année de nouveaux joueurs aux salaires mirobolants rentrent dans l’effectif

parisien à la demande du fonds d’investissement qatari. Cela a commencé avec l’arrivée

du jeune argentin Javier Pastore au mercato estival de la saison 2011/2012 pour

terminer cette saison 2013/2014 avec la venue de l’uruguayen Edinson Cavani. Cette

volonté des propriétaires d’améliorer leur effectif en attirant les meilleurs joueurs du

monde montre leur ambition sur le plan sportif.

A l’aide de ce tableau des salaires, on s’aperçoit immédiatement de la stratégie des qataris

vis à vis des salaires du club. Cependant, il faut aussi comparer cela avec les autres grands

clubs européens pour avoir une image réelle de leur place actuelle en Europe sur cet

élément des ressources.

Tableau comparatif des salaires mensuels bruts mensuels des 6 joueurs les mieux payés

Saison 2013/2014

PSG Real Madrid Bayern Munich

Nom Salaires Nom Salaires Nom Salaires

Ibrahimovic 1 375 000 € Ronaldo 1 420 000 € Ribery 994 000 €

Thiago Silva 1 000 000 € Bale 592 000 € Robben 832 000 €

Cavani 830 000 € Casillas 516 000 € Schweinsteiger 607 000 €

Lavezzi 415 000 € Benzema 375 000 € Lahm 540 000 €

Alex 340 000 € Ramos 375 000 € Gotze 517 000 €

Motta 333 000 € Modric 375 000 € Neuer 472 000 €

Total 4 293 000 € Total 3 653 000 € Total 3 962 000 €

Source : actusport

40

A l’aide de ce tableau comparatif des salaires des joueurs les mieux payés des plus grands

clubs d’Europe, on constate que pour la première saison le PSG rivalise en terme de

salaires.

Ce tableau montre comment le PSG est entré depuis la prise de pouvoir des qataris dans

le gotha européen au niveau des salaires. De plus, la structure des salaires ne fait

qu’augmenter chaque année et la question se pose de savoir où vont-ils s’arrêter compte

tenu des rumeurs de gros transferts pour le prochain mercato estival.

Il est clair que les qataris ont fait le choix de s’installer au plus au niveau en achetant des

joueurs très chers parfois trop. Cependant, cela leur permet d’obtenir la visibilité et la

notoriété qu’ils souhaitent obtenir le plus rapidement possible.

Si l’on s’attache à comparer les salaires des joueurs avec les plus grands clubs d’Europe, il

est intéressant de le faire aussi à une échelle nationale. En effet, si l’on compare ce

nouveau PSG des qataris avec l’OL de Jean Michel Aulas qui a tout gagné au cours des

années 2000, il est flagrant de voir qu’aucune comparaison financière n’est possible. Le

club de l’Olympique Lyonnais de son côté réduit chaque année depuis 3 ans sa masse

salariale. A titre d’exemple, au 1er février 2013 selon le rapport financier semestriel de

l’OL, le club est passé de 30 joueurs à 24 joueurs sous contrat professionnel en seulement

l’espace de 6 mois. En France, la quasi totalité des clubs, à l’exception de Monaco et

Marseille, réduisent leur masse salariale ce qui paraît paradoxal lorsque l’on voit

l’évolution de celle-ci au PSG. Il est difficile d’ignorer l’origine et les ressources dont

disposent les investisseurs du PSG pour analyser ce paradoxe. En quelques sortes, on peut

dire que le championnat de France s’internationalise et crée un championnat à double

vitesse au niveau des salaires des joueurs.

Au sein d’un club de football professionnel, la structure des revenus de celui-ci doit être

analysée minutieusement. En effet, cette structure des revenus peut être considérée

comme le pilier du busines model dans le sens où elle donne des tendances sur la stratégie

d’un club comparé à un autre.

41

Comme pour le budget et les salaires, nous allons analyser l’évolution de cette répartition

des revenus et la comparer toujours avec les grands clubs d’Europe que sont le Real

Madrid et le Bayern Munich. Afin de montrer l’évolution de la structure des revenus entre

avant et après l’arrivée des qataris à la tête du club, nous avons choisi d’analyser la saison

2010/2011 et 2011/2012. Par soucis de précision, nous choisissons de nous baser sur

les chiffres de la DNCG( Direction Nationale du Contrôle de gestion) qui est une

commission indépendante qui surveille les finances des clubs de football professionnels

français.

Total Revenus : 220 Millions d’euros

67%

11%

21%

Structure des revenus du PSG 2011/2012

Merchandising

Billeterie

Droits TV

42

Total Revenus 100 Millions d’euros

Source : Rapport DNCG 2011/2012

Ces deux graphiques illustrent l’évolution de la structure des revenus du PSG. Le premier

étant la situation après investissement et le second avant investissement.

A l’aide de ces deux graphiques, on peut réaliser deux constats :

Le total des revenus est passé de 100 millions d’euros à 222 millions d’euros en

seulement un an par conséquent il a plus que doublé. On peut expliquer cela par le fait

que le merchandising est devenue la clef des revenus du club. L’explosion des ventes de

produits dérivés entre les deux saisons a complètement changé la structure des revenus.

Toujours selon le rapport de la DNCG, le chiffre d’affaires dégagé par la vente de produits

dérivés est passé de 17 à 125 millions d’euros en un an avec l’arrivée des qataris.

Même si la vente de produits dérivés a explosé, c’est toute la structure qui a profondément

évolué entre la saison 2010/2011 et la saison 2011/2012.

En 2010/2011, elle reposait essentiellement sur les droits TV à hauteur de 44% avec tout

de même 38% venant du merchandising. Avec l’arrivée des qataris, la part du

merchandising dans la répartition des revenus est passée à 67%. L’explosion des produits

dérivés montre combien le club est en train de changer de dimension avec l’injection de

fons permettant l’arrivée de grands joueurs. A titre d’exemple, lors du passage de David

Beckham au PSG, chaque jour 350 maillots floqués à son nom se vendaient dans le monde

38%

18%

44%

Structure des revenus du PSG 2010/2011

Merchandising

Billeterie

Droits TV

43

ce qui représentaient 75% des ventes de maillot par jour à l’époque. Selon le célèbre

quotidien anglais « Daily Mail », le PSG a empoché la somme de 17 millions d’euros en

l’espace de seulement 5 mois grâce à la venue au club de David Beckham.

Le poids du merchandising dans la nouvelle structure des revenus du club depuis 2012

témoigne de l’envie des nouveaux propriétaires étrangers de développer leur visibilité et

leur notoriété via la marque Paris Saint Germain. Enfin, le poids financier du club de la

capitale est passé de 68 à 267 millions d’euros c’est à dire qu’il a plus de quadruplé en 1

an avec l’arrivée des qataris. Cette explosion du bilan du club est en grande partie due à

l’augmentation des contrats des joueurs et des entraineurs qui sont des immobilisations

incorporelles.

Si l’on rentre dans le détail de la structure financière du club, on s’aperçoit que

l’actionnariat du club a profondément changé puisque le mécène que constitue le QIA a

massivement injecté des fonds à son arrivée au mercato estival de 2011.

Les nouveaux propriétaires souhaitant rivaliser avec les plus grands d’Europe, il est

nécessaire de comparer la structure financière du club avec ces adversaires que sont le

Real Madrid et le Bayern Munich juste après leur investissement.

44

Graphique de la structure des revenus des grands clubs d’Europe saison 2011/2012

Source : Football Money League 2013 - Deloitte

Tout d’abord, attachons nous à la comparer avec le club qui dégage le plus de revenus en

Europe : le Real Madrid.

Au cours de la saison 2011/2012, la barre historique des 500 millions d’euros de revenus

a été dépassée par le club madrilène. Selon les rapports Deloitte, ces revenus ne font

qu’augmenter passant de 365 millions d’euros en 2008 à 512 millions d’euros en 2012.

De plus, compte tenu de la crise économique que traverse l’Espagne depuis quelques

années, l’augmentation constante des revenus annuels du club madrilène est étonnante.

Certes, le club madrilène constitue la référence européenne sur le plan de la génération

de revenus annuels cependant, il ne faut pas en tirer des conclusions trop hâtives quand

à la stabilité financière du club.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

ParisMadrid

Munich

67%

39%55%

11%

25%

23%

21%

36%22%

Droits TV

Billeterie

Merchandising

45

Etant propriétaire du stade Santiago Bernabeu, cela leur permet d’équilibrer leur

structure de revenus comparée à celle du PSG. Toutefois, ils dépendent beaucoup plus

des droits TV dans leur structure que le PSG ou même le Bayern Munich. L’ensemble de

postes de revenus sont en augmentation annuelle comparée à la saison 2010 / 2011 ce

qui témoigne tout de même d’une certaine stabilité des revenus.

Le Real Madrid dispose d’une notoriété non négligeable à l’étranger particulièrement en

Asie. Le club entretient son image de marque depuis plusieurs décennies afin d’attirer des

sponsors prestigieux tels que Emirates Airlines par exemple. Il ne faut cependant pas

oublier que les clubs espagnols sont les plus endettés à travers le monde. Le fait est

qu’actuellement le Real Madrid dépense plus qu’il ne gagne malgré les efforts consentis à

diminuer la dette du club. Cette situation est d’autant plus complexe que le club va devoir

se plier aux règles du fair-play financier ce qui pourrait ralentir leur activité dans les

années à venir.

Concernant le Bayern Munich, on peut noter que le club dépend fortement du

merchandising pour générer des revenus tout comme le PSG. En effet, 55% des revenus

dégagés au cours de la saison 2011 / 2012 viennent de ce poste. La différence notable

avec le PSG réside dans la part de la billetterie dans cette structure. La billetterie génère

environ 23% des revenus sur une année alors que pour le PSG cela représente seulement

11%.

Contrairement au Real Madrid, les finances du club bavarois sont de leur coté très saines.

En effet, cela fait plus de 20 ans que le club n’est pas déficitaire et à ce titre le Bayern

Munich constitue une référence en Europe à ce niveau là. Comme au Real Madrid,

l’ensemble des postes de revenus a augmenté particulièrement les produits dérivés de

30% environ cette saison là selon le rapport Deloitte 2013. Toujours selon ce rapport, le

club bavarois a dégagé plus de 360 millions d’euros de revenus au cours de la saison

2011/2012.

46

Compétences

Afin d’analyser la composante compétences du modèle d’étude, revenons sur le rachat du

club par le QIA. Lorsqu’ils rachètent le club en Mai 2011, les qataris souhaitent utiliser

une stratégie de « soft power » pour développer leur visibilité et leur notoriété.

Acheter le club de la capitale aux américains de Colony Capital n’est pas seulement une

opportunité économique. Cela rentre dans une stratégie plus globale à long terme de

promouvoir leur pays méconnu du monde, le Qatar par le biais du sport numéro 1 en

Europe, le football. Pour s’y faire, le club a donc mis les moyens qu’il faut pour faire partie

des grands clubs d’Europe dans l’optique de gagner la ligue des champions dans les

années à venir.

Cependant, on n’arrive pas au sommet d’une compétition européenne seulement en

injectant des fonds. Ne disposant pas d’une connaissance précise du monde du football,

ils ont donc décidé de miser sur l’expérience de certaines personnes pour atteindre les

sommets. En effet, dans cette stratégie de développement rapide basée sur des hommes

d’expérience, ils ont nommé l’ancien footballeur et entraineur Leonardo directeur sportif

du club parisien. S’en est suivie l’arrivée d’un des plus grands entraineurs au monde, Carlo

Ancelotti, à la tête de l’équipe. Enfin, ils ont engagé Jean Claude Blanc qui a été président

du célèbre club Turinois afin d’être directeur adjoint du club. Avec la venue de ces grands

noms du monde du football européen, les dirigeants qataris souhaitent miser sur leur

expérience et leur savoir faire pour convaincre des grands joueurs de les rejoindre dans

ce grand projet.

47

L’ensemble de ces arrivées qu’elles soient dans la direction, le banc de touche ou bien

même le terrain, fait partie d’un projet global bien plus grand que celui de gagner des

matchs de football. Amine Manni considère que l’apport des Qataris au niveau sportif est

« Colossal, les montants injectés dans les clubs de foot ont permis une professionnalisation

qui s'est accompagnée d'une élévation du niveau de jeu. Avoir les moyens de recruter les

meilleurs joueurs pour son club, augmente les chances de bien jouer, de gagner des titres et

avoir une place importante dans l'histoire de ce sport ».

Par le biais de ces arrivées, le club a donc développé de nouvelles compétences

nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Aujourd’hui, les compétences sont une

composante clef du succès d’un projet et les propriétaires du club parisien l’ont bien

compris. Ils ont déboursé des sommes astronomiques notamment sur le marché des

transferts pour s’attacher les services de joueurs de renommée mondiale. Afin d’illustrer

l’ampleur de ces investissements massifs, il faut savoir que le PSG a dépensé 147 millions

d’euros au cours du mercato d’été 2012 tout en sachant que les 19 autres clubs français

ont déboursé 88 millions d’euros tous ensemble. (Chiffres du républicain-lorrain du

06/09/2012)

L’acquisition de compétences externes est une priorité pour les qataris. Ils ont fait le pari

de les obtenir en s’attachant les services d’un staff et de joueurs expérimentés.

Cependant, les compétences dans un club ne peuvent être seulement assimilées aux

joueurs et au staff. Il faut avoir une bonne gestion en lien avec sa stratégie d’augmenter

ses revenus par différents moyens tels que la construction d’un nouveau stade ou bien

développer son image à l’international. Puisque les qataris ne pourront pas à l’avenir

jouer au Stade de France, la rénovation du Parc des Princes, dont la fin des travaux est

prévue pour l’Euro 2016, constitue un axe de développement important.

Le club parisien souhaite donc atteindre les sommets au niveau sportif tout en générant

des revenus supplémentaires chaque année à l’aide des compétences clefs qu’ils sont en

train d’acquérir au fil des années.

48

Organisation

Depuis l’arrivée des Qataris, l’organisation interne du club du Paris-Saint-Germain a été

bouleversée. Si nous devions résumer celle-ci, il faudrait la décrire comme pyramidale,

car nous allons le voir, les directeurs sportifs et entraineurs se sont succédés mais peu

importe les personnes et peu importe le type de décisions à prendre, le choix final est

toujours revenu au Cheikh Al Thani. Même si c’est Nasser qui gère les décisions au

quotidien, aucun changement radical comme le changement d’entraineur ne pourra être

pris par lui seul.

A première vue il est donc difficile d’établir le rôle de chacun, notamment du président

Nasser Al-Khelaïfi, mais le rôle de ce dernier est réellement primordial. En effet c’est un

intime du Prince, et le représente au quotidien au sein du club. Il est le lien pour prendre

les grandes décisions stratégiques telles que le choix des entraineurs, le projet du stade

et le développement des infrastructures d’entrainement. Encore une fois, pour montrer le

caractère pyramidal du mode de décisions, aucune de ces dernières ne peut être prise

sans l’aval du président du PSG. Cependant, dès son arrivée Nasser a pris la décision de

s’entourer de personnes très compétentes et avec beaucoup d’expérience dans le milieu

du football, avec les recrutements de Leonardo et de Jean-Claude Blanc.

Nous allons rapidement aborder le cas de Leonardo, qui n’est plus présent au sein du club

aujourd’hui, mais qui était lors de l’arrivée des Qataris une des priorités pour installer le

projet de renouveau. Son rôle était principalement sportif, et son apport était basé sur le

relationnel et ses contacts développés en Italie notamment. En effet, le brésilien paraissait

indispensable à l’installation du projet plus qu’à son développement. Sans lui, des

personnalités comme Ibrahimovic, Ancelotti, ou Thiago Silva qui ont ou font partie à part

entière du projet d’évolution du PSG ne seraient sans aucun doute pas venus. Son apport

a donc été considérable, mais le souci est survenu lorsque Leonardo a voulu prendre plus

de place que ce que les Qataris voulaient bien lui donner, et encore une fois c’est l’émirat

qui a fait part de son mécontentement et qui a demandé à Nasser de s’en séparer après

une collaboration de qualité.

Nous allons maintenant aborder les deux hommes qui aujourd’hui gèrent au quotidien les

questions principalement sportives et stratégiques liées au club, deux hommes que nous

pourrions nommer le clan des « Blanc », Jean-Claude Blanc et Laurent Blanc. Débutons par

49

analyser la place du directeur général délégué, véritable bras droit de Nasser Al-Kalaifi.

Ce choix est apparu comme une évidence pour les investisseurs lors de leur arrivée au

Paris-Saint-Germain.

C’est tout d’abord un homme d’expérience, qui a tout connu ou presque dans le milieu du

sport : le Tour de France, les JO d’hiver, le Dakar, ou encore la Fédération Française de

Tennis. Jean-Claude avait à l’époque était pressenti pour s’occuper de l’organisation des

JO à Paris, si la capitale française emportait le dossier, mais face à cet échec, il décida de

rejoindre l’Italie et plus précisément la Juventus de Turin. Il est arrivé au moment où le

club rencontrait la pire crise de son histoire sur base de scandales et de descente du club

en deuxième division. La mission confiée à Blanc a été de remettre le club sur deux rails

en lui assurant une stabilité financière et une image digne de son passé. Il est également

avec Michel Platini à l’origine du projet de la mise en place de finances surveillées auprès

des clubs de football. Après avoir réussi son pari auprès de la Vieille Dame, il a décidé

d’accepter le défi du PSG pour exporter et installer son modèle dans l’hexagone.

Depuis son arrivée, son rôle va plus loin que celui de simple conseillé ou adjoint du

président, sur certains dossiers il prend complétement la casquette de président quand

Nasser est « simplement » un représentant de l’actionnaire.

Les deux hommes forts du PSG : Jean-Claude Blanc et Nasser Al-Khelaifi

Jean-Claude Blanc est donc en charge des gros dossiers du moment en particulier le

nouveau parc des Princes, et toute la partie marketing du club avec les relations avec les

entreprises et la billetterie. Mais au-delà de cette image de dirigeant droit et exigeant qui

va dans la continuité des Qataris, c’est quelqu’un qui connait vraiment le domaine dans

lequel il évolue et qui n’hésite pas à prendre ses responsabilités quand l’image du club est

écornée, comme ça a pu être le cas la saison passée lors des débordements au Trocadéro

50

suite au titre de champion de France du club parisien. A l’image des investisseurs dans le

football moderne, c’est un véritable homme d’affaires qui veut acter dans le sport, avec

comme seul mot d’ordre la réussite financière.

Abordons désormais, celui qui apparait comme l’échelon le plus proche du terrain de cette

pyramide, Laurent Blanc. Présenté au début de la saison comme un choix par défaut, après

les refus de très nombreux coachs suite au départ de Carlo Ancelotti, il s’est brillamment

imposé au fil de la saison, et pas seulement au niveau sportif.

Sur ce point, avec trois titres acquis et malgré le goût amer de l’élimination en quart de

finale de la Ligue des Champions face à Chelsea, le bilan semble positif et les objectifs

remplis, à tel point que le contrat du coach a été prolongé en fin de saison. Et au-delà des

titres, c’est pour la qualité du jeu proposé que le PSG a été plébiscité cette saison. Souvent

critiqué sur ce point la saison dernière sous la houlette de Carlo Ancelotti, le schéma

offensif choisi par l’entraineur français a beaucoup plu à ses dirigeants et au public.

Outre l’aspect sportif, Laurent Blanc a également pris sa place humainement et a su

imposer ses idées, cela a été particulièrement caractérisé par le transfert de Yohann

Cabaye lors du mercato d’hiver. Ce n’était pas un choix forcément soutenu ni par ses

dirigeants ni par le vestiaire mais Laurent Blanc a fait le forcing pour aller au bout du

dossier et il a finalement eu gain de cause.

Signature de Yohann Cabaye : choix imposé par Laurent Blanc

51

L’organisation du Paris-Saint-Germain parait donc assez claire malgré les différents

intervenants. Si nous devons mettre un aspect en avant, c’est la rapidité des prises de

décisions, aussi bien pour le choix des joueurs, des entraineurs que pour les décisions

stratégiques. Deux facteurs nous paraissent évidents pour justifier cela : comme expliquer

précédemment la structure pyramidale, mais surtout le budget du club. Ce dernier a été

multiplié par quatre depuis l’arrivée des Qataris, et il est évidemment plus facile de

prendre des décisions lorsque les financements sont à disposition. Les résultats sportifs

suivants, et les ambitions des dirigeants étant de plus en plus importantes, les

investissements risquent de s’accélérer dans les prochaines saisons.

Valeurs

Tout d’abord il faut se demander ce que recherchent les investisseurs lorsqu’ils prennent

la décision d’acheter un club de football. Et déjà c’est un point intéressant, puisque la

finalité de ces investissements n’est pas du tout la même pour Abramovitch à Chelsea que

pour le Cheikh au Paris-Saint-Germain. Ils ont un point commun, c’est que les deux

recherchent une valorisation d’image, mais si pour le dirigeant de Chelsea cette

valorisation le concerne lui et sa fortune, pour le Cheikh c’est une recherche de

valorisation pour l’image de son pays, le Qatar. Amine Manni considère ces derniers

comme « des communicants qui au-delà de leur passion et soif de titres, profitent pour se

faire connaitre, faire connaître leur pays (Qatar, Emirats Arabes Unis) et augmenter leur

influence l’échiquier économique et politique ».

Au-delà de leur présence dans le monde du football, leur arrivée dans le sport en générale

doit à terme permettre au pays de modifier son image de pays ne respectant pas les droits

de l’homme et non-égalitaire, avec en point d’orgue l’organisation de la Coupe du Monde

chez eux en 2022. Le sport représente pour eux une possibilité d’investissements

supplémentaire, décision qui s’inscrit dans la stratégie à long terme du pays qui tend à

toucher un maximum de secteurs différents. Le choix de la France n’est pas un hasard,

c’est un pays où les secteurs d’investissements pouvant intéresser les qataris sont

nombreux, et où leur côte de popularité semble au plus bas.

52

Voici quelques secteurs au sein desquelles on peut noter la présence du Qatar :

Hôtellerie : Hôtel du Louvre, Carlton Cannes, Martinez Cannes,…

Immobilier

Entreprises : Total, LVMH, Le Printemps,…

Sport : PSG (handball et football), Prix de l’Arc de Triomphe,…

Médias : Bein Sport

Ce dernier point, la chaîne Bein Sport, est un aspect très important de la stratégie du

changement d’image. Depuis l’arrivée des Qataris, la politique vis-à-vis des médias s’est

complexifiée, et toutes les déclarations sont minutieusement calculées et prévues. Bein

Sport qui appartient au Qatar et qui a longtemps était dirigé par Nasser lui-même a permis

au club de la capitale d’avoir la « main mise » sur l’image retransmise sur le PSG par un

des diffuseurs de la Ligue 1. Cette chaine est également un moyen de pression sur les

autres médias, puisque le club peut choisir de ne communiquer que sur ce média et ainsi

boycotter les autres, ainsi la direction du club de la capitale s’assure de se faire entendre

selon la façon qu’il désire. Les médias dépendent donc du bon vouloir des dirigeants

parisiens. La relation avec les médias est donc bien muselée et la « conquête » d’une image

positive commence par ce moyen pour QIA.

Autre aspect indispensable pour acquérir une image positive, la relation avec le public.

Ces dernières années, et bien avant l’arrivée des nouveaux investisseurs, le club parisien

a mis en place une politique qui tend à dissoudre la majorité des associations de

supporters dans le but d’assainir les tribunes bien avant les objectifs de renouveau sportif.

La relation avec les supporters historiques s’est donc refroidie, et nous allons voir que dès

leur arrivée les Qataris ont poursuivi la démarche.

Ils possèdent une vision bien particulière de l’image à donner aux matchs du Paris-Saint-

Germain : ils veulent mettre en place beaucoup plus qu’une simple performance sportive,

en effet ils désirent proposer un véritable spectacle. Les dirigeants ne s’adressent plus

simplement aux supporters du PSG, ni même aux fans de football, mais aux gens désirant

voir un spectacle et des stars jouer au football. L’objectif est de venir au stade comme nous

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allons au théâtre, au cinéma, ou à un concert, on paie pour voir des gens faire une

performance et voilà.

La limite de ce modèle est le sentiment d’appartenance aux couleurs du club des

supporters cependant, en ce qui concerne les ventes de billets, elles n’ont cessé

d’augmenter depuis 2011, ce qui montre que les gens préfèrent voir des stars gagner dans

une ambiance moins festive, que des joueurs moins performants dans un stade qui chante.

Même si conclure cela peut être considéré comme un raccourci, les chiffres vont dans ce

sens.

Cependant, il serait difficile de ne pas remarquer le mécontentement de certains groupes

de supporters. Cette révolte est mise en avant lors des matchs à l’extérieur du club (dans

les endroits où les déplacements des supporters parisiens sont autorisés) ou de manière

plus virulente l’année passée lors de la remise du titre de champion de France au

Trocadéro. Nous avons eu l’opportunité d’assister à des entrainements du Paris-Saint-

Germain durant cette saison 2013-2014 et il est indéniable que de l’image du club, même

si la majorité se satisfait amplement de ce renouveau et de l’arrivée des nombreuses stars

au sein de l’effectif.

Nous avons pu observer que l’arrivée des Qataris a donc sensiblement modifié toutes les

composantes du modèle RCOV. Les revenus évidemment ont évolué grâce à la fortune du

Cheikh, dans le but de remporter des titres et de s’installer dans le sport, et évidemment

en premier lieu le recrutement de très bons joueurs et de stars. Pour fructifier ces

ressources financières, le recrutement de compétences dignes de ce nom a été

indispensable. Comme nous le disions précédemment, des personnes comme Leonardo,

Carlo Ancelotti, ou Jean-Claude Blanc ont permis de bâtir l’équipe telle qu’elle est

aujourd’hui. Les stars ne sont pas donc que sur le terrain mais également dans les bureaux

et la direction. Troisième point, l’organisation est très différente comparée à de

nombreux autres clubs, et ce système est favorisé par la richesse du club, avec les pleins

pouvoirs pour le Cheikh. Comme vu juste au-dessus, indéniablement les valeurs du club

ont été impactées, et ceux pas toujours de façon positive pour le public.

Avec les résultats que nous avons récoltés lors de notre sondage, on s’aperçoit que les

personnes contrent l’arrivée d’investisseurs étrangers dans le football le sont car selon

eux, cela tue l’esprit du football et ses valeurs historiques. Cependant, 76% des sondés

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considèrent que ces investisseurs représentent l’avenir du football européen à des

conditions pour certains d’entre eux. Cela démontre bien comment les qataris ont changé

les valeurs du club tout en gardant une image positive auprès de la population excepté

concernant les supporters historiques des clubs.

Pour conclure et pour rappel, l’objectif de ces investisseurs n’est pas la maximisation de

profits. Ils veulent montrer aux yeux du grand public leur professionnalisme et leur sens

des affaires pour servir l’image de leur pays. Force est de constater que cette stratégie

fonctionne à merveille dans la capitale pour le moment. A l’image des cas Beckham ou

Ibrahimovic, tous les investissements sont calculés et possèdent des objectifs bien précis

de retombés pour le club, qu’ils soient marketing ou sportifs. Les ressources tendent donc

à être valorisées par les compétences et à l’organisation qui vont elles influencées sur les

valeurs recherchées par le club.

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Conclusion

Après avoir étudié les différents business model qui existent dans le monde du football,

et mis en avant que les nouveaux investisseurs sont de plus en plus fréquents, nous

pouvons ressortir plusieurs points.

Tout d’abord, il est difficile de mettre en avant un seul business model mis en place par

ces investisseurs. En effet, nous avons choisi le cas du PSG pour des raisons particulières,

car le modèle choisi par les Qataris ne correspond pas aux modèles prédéfinis par les

investisseurs étrangers. Le cheikh a décidé de construire un modèle proche des standards

de ceux développés habituellement dans le football.

La maximisation du profit n’est pas le premier objectif des investisseurs, ils recherchent

plutôt des performances sportives, et la construction d’une équipe compétitive à travers

l’acquisition de grands joueurs. Mais la différence des Qataris est la vitesse et l’ampleur

mise en place pour mener ce projet à bien. La stratégie est simple : des ressources

financières toujours plus importantes, pour l’acquisition de compétences qui seront

difficiles à égaler pour la concurrence. A première vue, ce type d’investissement semble

plus fiable que ceux opérer à l’Anzhi ou encore à Chelsea, même si chez ce dernier cela a

finalement porté ses fruits.

Pour finir, une question reste cependant sans réponse, c’est l’avenir et la réussite de ces

business model. Il est indéniable qu’ils influencent le football européen à court et moyen

terme, mais l’évaluation réelle se fera à la fin de ces investissements. Ces investissements

sont-ils durables et serviront-ils au football ? Les qataris vont-ils permettre de raviver la

compétitivité dans le football français ou au contraire vont-ils accélérer sa chute ? Les

gros investissements semblent accélérer les succès sportifs, mais il faudra montrer que

c’est de façon pérenne d’ici quelques années.

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Bibliographie

- Articles de journaux sportifs

- Français (L’équipe, France football) - Etrangers (Marca, The Sun)

- Articules de journaux économiques

- Français (Le monde, Les échos, républicain-lorrain, leprogrès)

- Sites Internet sportifs et économiques

- So Foot - Lequipe.fr - LFP.fr - Eurosport - Deloitte - Sportune - Actusport - PSG.fr - Lefigaro.fr - Sportstratégies.fr - Lexpress.fr - Bfmtv.com - Lenouveléconomiste.fr

- Quelques ouvrages

- L'économie du football européen, vers le "fair-play financier"? 2010 (Dermit-

Richard Nadine)

- Economie du football professionnel 2011( Bastien Drut )

- Business Model : Nouvelle génération, Editions Pearsons 2011 (Osterwalder)

- Rapport DNCG 2011 – 2012 – 2013

- Les attaquants els plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus (Kuper S ;

Szymanqki S.)

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Annexes Questions du sondage réalisé auprès de 135 personnes Partie 1/2

58

Questions du sondage réalisé auprès de 135 personnes Partie 2/2

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Synthèse des réponses du sondage réalisé auprès de 135 personnes Partie 1/3

60

Synthèse des réponses du sondage réalisé auprès de 135 personnes Partie 2/3

61

Synthèse des réponses du sondage réalisé auprès de 135 personnes Partie 3/3

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Interview d’Amine Manni, responsable FranceFootball.fr :

1) Quelle image avez-vous de l’arrivée de ce type d’investisseurs dans le milieu du football ? (au point de vue sportif, culturel, financier)

Tout au long du 20è siècle, la majeure partie des investisseurs dans les clubs de foot étaient des fortunes locales. La magne financière était beaucoup plus réduite et les retours sur investissement limités. A quelques exceptions, les clubs se reposaient essentiellement sur la formation des jeunes joueurs locaux pour en faire des stars européennes et planétaires. Le Réal des années 50/60, le Bayern de Munich et L'Ajax d'Amsterdam durant les années 70 témoignent de cette politique qui leur a permis d'atteindre des sommets et devenir des modèles de gestion et de formation des jeunes qui servent d'exemple même de nos jours.

Le Changement de cap s'opère durant les années 90, plus exactement en 1995 avec l'arrêt Bosman qui met fin aux restrictions à trois joueurs étrangers ressortissants de l'Union européenne. Les clubs qui avaient une assise financière importante n'étaient plus obligés de se consacrer à la formation des joueurs locaux. Acheter les meilleurs joueurs du continent aux clubs moins riches permettait à tout le monde de trouver son compte même si cela a accentuer l'écart qu'il y avait entre les "grands" et les "petits" clubs (en termes de palmarès).

Cette révolution s'accompagna d'une explosion des droits de retransmission des matchs, à titre d'exemple les droits de retransmission de la L1 sont passés de 4 millions d'euros en 1986 à 122 M en 1999. Pour l'ensemble des clubs, les montants perçus de ces droits deviennent la première ressource financière. Le football européen est passé au niveau supérieur. Dès lors, les grandes fortunes, personnes morales ou physiques, passionnés par le foot ou par le retour sur investissement se sont massivement dirigées vers ce nouvel eldorado financier. Ils ont apporté une spéculation massive sur les salaires et la valeur marchande des joueurs qui sont devenus une marchandise ou matière première ou encore un produit financier. Comment peut-on justifier que la valeur d'un joueur, aussi performant soit-il, est de 100 millions d'euros ? Se base-t-on sur ses performances sportives ou sur la vente de maillots et les sponsors qu'il va apporter au club? C'est certainement un peu des deux, mais ce qui est certain c'est que ces investissements ont accentué le fossé qui existait entre les clubs riches et ceux qui le sont moins.

L'impact culturel est quant à lui moins important. Je ne pense pas qu'un Abramovitch ou encore Cheikh Mansour agissent sur la manière de penser ou les habitudes culturelles des joueurs de leurs clubs. Ce qui détermine la culture d'un club et son histoire et surtout ses supporteurs. C'est eux les garants des valeurs initiales et culturelles des clubs. Le seul qui a essayé de le faire est le propriétaire malaisien de Cardiff City. Hélas pour lui les supporteurs se sont mobilisés pour avorter plusieurs de ses tentatives. Par contre cela constitue pour eux une vitrine et une exposition mondiale.

Sur le plan sportif, l'impact de ces investissements est colossal. Les montants injectés dans les clubs de foot ont permis une professionnalisation qui s'est accompagnée d'une élévation du niveau de jeu. Avoir les moyens de recruter les meilleurs joueurs pour son club, augmente les chances de bien jouer, de gagner des titres et avoir une place importante dans l'histoire de ce sport.

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2) Selon vous, quels sont les principaux objectifs de leur investissement dans le milieu du sport ? Pour vous, vont-ils en profiter pour investir dans d’autres domaines ?

Pour moi il y a deux types d'investisseurs étrangers:

- Les passionnés par foot et les trophées qui dépensent sans limites pour atteindre les sommets et le prestige qui va avec (Abramovitch ou Glazer). Chose difficile à attenidre avec les clubs de leurs pays.

- Les communicants qui au-delà de leur passion et soif de titres, profitent pour se faire connaitre, faire connaître leur pays (Qatar, Emirats Arabes Unis) et augmenter leur influence l’échiquier économique et politique.

D'ailleurs on désigne rarement les investissements d'Abramovitch comme "russes", a contrario au Paris-SG on ne parle que des investissements Qataris.

Tous ces investisseurs ont bâti leurs fortunes dans d'autres secteurs économiques (gaz, pétrole, métallurgie, agro-alimentaire...) avant d'investir le foot. Selon leur stratégie ils se sont positionnés sur d'autres projets et ont réussi avec leur puissance financière à s'imposer en rachetant des hôtels de luxe (Qatar), des complexes immobiliers (Di Benedetto), secteur automobile (Abramovitch). Pour certains le foot n'est qu'un tremplin pour investir d’autres pans de l'économie et de la politique.

3) Penchons-nous sur le cas du PSG, les qataris expliquent vouloir s’inscrire à Paris sur le long terme, qu’en penses-tu ? Est-ce que cet investissement ira au-delà du mondial au Qatar en 2022 ?

Je ne suis pas un proche des Qataris, mais si j'ai bien compris leur stratégie, ils ont une vision sur le long terme qui atteindra son sommet durant le mondial 2022 (si celui-ci résiste aux scandales qui entourent la désignation du pays hôte). Cet objectif ne les empêche pas d'avoir une vision court terme pour faire du PSG (et par conséquent Qatar) l'un des clubs les plus riches du monde. Les stars ramènent les titres qui ramènent de l'argent.

Pour les Qataris et contrairement à Chelsea ou Manchester City, "Paris" avec ou sans SG (Saint Germain) est une marque à part entière. D'ailleurs le changement du logo du club qui fait la part belle " Paris" et qui relègue les autres symboles au second plan s'inscrit dans la stratégie d'exploitation de l'aura et de l'image de la ville. Comme un produit cosmétique ou de maroquinerie. Avoir Paris et la tour Eiffel sur maillot fait de vous une marque internationale. Les Qataris l'ont bien compris et y tirent un maximum de profit. Ne reste plus qu'à mettre en place une stratégie marketing pour en tirer les plus grands bénéfices. Merchandising, partenariat avec des marques de luxe, sponsoring, un futur parc des princes plus VIP...

Personnellement je pense qu'ils sont là pour quelques décennies, le mondial 2022 n'est qu'une étape pour installer ce petit pays (2 M d'habitant et aussi grand que la gironde) dans la cour des grands. Pas seulement au niveau sportif, mais surtout sur le plan économique et

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politique. Leur puissance leur permet d'être un acteur majeur du monde arabe et au moyen orient qui reste une zone géopolitique très instable ou le Qatar est devenu l'un des interlocuteurs privilégiés des grandes nations occidentales. En résumé on n'est pas prêt d'arrêter d'entendre parler du Qatar.

4) Au niveau purement sportif, l’arrivée de ces investisseurs a permis au club de

la capitale d’attirer de grands noms (comme à Monaco également), est-ce

réellement une bonne chose pour le football français ? Pour quelles raisons ?

Si on dresse un premier bilan sur les trois dernières années et l'arrivée des Qataris à Paris

puis Rybolovlev à Monaco, il y a plus de choses positives que négatives. Avoir dans les

différents stades du pays tous les week-ends des joueurs comme Zlatan, Silva, Falcao,

Rodriguez... garanti un spectacle de qualité. Il n'y a qu’à voir l'affluence des stades quand

Paris ou Monaco (Marseille ou Saint-Etienne pour d'autres raisons) jouent à l’extérieur de

leurs stades. Toutes les équipes jouent le match de l'année face à ces grands noms et arrivent

à hausser leur niveau de jeu. Certes c'est sur des périodes courtes mais ça démontre l'effet

positif sur les petites équipes d'avoir des noms prestigieux face à eux. Si en plus de ça, ces

gros budgets dépensent une partie de leur investissement en recrutant des joueurs formés

en France, les "petits" clubs peuvent réinvestir cet argent dans le développement des

infrastructures, la formation des jeunes, recrutement de joueurs à votre valeur ajoutée...

dans le but de gagner des titres et titiller les grands.

L'autre effet positif que je constate, c'est la nouvelle exposition de la Ligue 1. Sans QSI (Qatar

Sports Investments) Zlatan ou Thigo Silva n'auraient pas foulé la pelouse de Guinguamp ou

d'Ajaccio. La promesse de jouer les premiers rôles en Europe avec des

investissements importants, même si le championnat est moins prestigieux suffit à les attirer.

Encore plus quand leur salaires dépassent les 10 M € net par an (hors contrats personnels).

D'autres grands joueurs auront envie de participer à ce projet et augmenter l'attractivité et

le niveau du Championnat de France. Ces grands joueurs sont des gagneurs et cette culture

peut rejaillir sur les autres équipes et joueurs de la Ligue 1.