Intérêt de l’échographie dans la goutte

5
Revue du rhumatisme 79 (2012) 301–305 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Intérêt de l’échographie dans la goutte Sébastien Ottaviani a,, Thomas Bardin b,c , Pascal Richette b,c a Service de rhumatologie, UFR médicale, université Paris 7, hôpital Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France b UFR de médecine, université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité, 75205 Paris, France c Service de rhumatologie, pôle appareil locomoteur, hôpital Lariboisière, AP–HP, 75475 Paris, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 19 janvier 2012 Disponible sur Internet le 12 avril 2012 Mots clés : Goutte Échographie r é s u m é La goutte est une arthrite fréquente causée par la précipitation de crystaux d’urate monosodique (UMS) dans des articulations, secondaire à une hyperuricémie chronique. Des dommages articulaires peuvent survenir au cours de l’évolution de la maladie. L’identification de cristaux d’UMS dans le liquide synovial constitue l’étalon or du diagnostic de la goutte. Cependant, le diagnostic est parfois difficile, particu- lièrement dans les présentations cliniques atypiques ou lorsque de petites articulations sont atteintes. La radiographie est souvent normale à un stade précoce de la goutte. L’IRM et la tomodensitométrie sont coûteuses et la disponibilité de ces techniques d’imagerie peut se révéler problématique en pra- tique clinique. L’échographie apparaît utile au diagnostic et à la prise en charge de la maladie. Plusieurs caractéristiques échographiques évoquant la goutte ont été décrites avec des niveaux de sensibilité et de spécificité variables. Nous avons effectué une revue de la littérature à la recherche de preuves de la performance et de l’utilité de l’échographie dans le diagnostic de la goutte au stade précoce et au stade avéré. © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction La goutte est une arthrite fréquente causée par la précipita- tion de crystaux d’urate monosodique (UMS) dans les articulations, secondaire à une hyperuricémie chronique. Elle affecte 1 % à 2 % des adultes dans les pays développés sa prévalence augmente [1]. L’identification de cristaux d’UMS dans le liquide synovial consti- tue l’étalon or du diagnostic de la goutte [2]. Ponctionner du liquide synovial est réalisable [3], mais se révèle parfois difficile pour les petites articulations, en particulier les articulations métatar- sophalangiennes (MTPs) et tarsiennes. De plus, certains patients goutteux peuvent présenter des caractéristiques cliniques aiguës inhabituelles, telles qu’une tendinite des membres inférieurs ou une polyarthrite. Donc, en l’absence d’analyse du liquide synovial ou de preuve clinique de tophus, le diagnostic de la goutte repré- sente parfois un défi. L’identification des dépôts d’urate dans des articulations peut être d’une grande aide pour le médecin. À un stade précoce de la goutte, la radiographie n’est pas utile au diagnostic parce que, hormis un gonflement non spécifique des tissus mous recouvrant l’articulation inflammatoire, en général les anomalies n’apparaissent pas avant plusieurs années. Au contraire, dans le cas de la goutte chronique, les caractéristiques typiques de DOI de l’article original : 10.1016/j.jbspin.2012.01.012. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais la réfé- rence anglaise de Joint Bone Spine ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Ottaviani). la radiographie standard incluent la présence d’un tophus, visible comme une opacité des tissus mous ou péri-osseuse. Les érosions osseuses sont des signes clés et sont extra-articulaires au début de la maladie. Elles sont typiquement visualisées comme des coups de poinc ¸ on, le long de l’axe longitudinal de l’os, avec des rebords surélevés et des marges sclérosées. L’interligne articulaire est bien préservé jusque tardivement dans le cours de la maladie [4–7]. La radiographie présente donc un intérêt modéré pour le diagnostic de la goutte à un stade précoce. La tomodensitométrie (CT) et l’IRM sont plus sensibles que la radiographie simple pour la détection des dépôts d’urate [4], mais sont moins accessibles en pratique quoti- dienne et sont coûteuses. L’échographie est apparue récemment comme un outil utile pour détecter les dépôts d’urate. Nous avons effectué une revue de la littérature à la recherche de preuves des performances et de l’utilité de l’échographie dans le diagnostic de la goutte au stade précoce et de la goutte avérée. Les recherches ont été menées sur les bases de données Scirus, MEDLINE via Pub- Med, Science Direct et Ovid avec les mots-clés suivants : « goutte », « échographie », « hyperuricémie » et « ultrasons », pour les articles relatifs à l’utilisation de l’échographie dans la goutte, publiés de 1980 jusqu’à maintenant, à la fois en anglais et en franc ¸ ais. 2. Caractéristiques échographiques de la goutte 2.1. Signes non spécifiques La goutte est une maladie inflammatoire se manifestant par des épisodes d’arthrite aiguë. Pendant l’évolution de la maladie, 1169-8330/$ see front matter © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2012.01.018

Transcript of Intérêt de l’échographie dans la goutte

Page 1: Intérêt de l’échographie dans la goutte

M

I

Sa

b

c

i

HAD

MGÉ

1

tsaLtslsgiuosa

atad

r

1d

Revue du rhumatisme 79 (2012) 301–305

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ise au point

ntérêt de l’échographie dans la goutte�

ébastien Ottaviania,∗, Thomas Bardinb,c, Pascal Richetteb,c

Service de rhumatologie, UFR médicale, université Paris 7, hôpital Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, FranceUFR de médecine, université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité, 75205 Paris, FranceService de rhumatologie, pôle appareil locomoteur, hôpital Lariboisière, AP–HP, 75475 Paris, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 19 janvier 2012isponible sur Internet le 12 avril 2012

ots clés :outtechographie

r é s u m é

La goutte est une arthrite fréquente causée par la précipitation de crystaux d’urate monosodique (UMS)dans des articulations, secondaire à une hyperuricémie chronique. Des dommages articulaires peuventsurvenir au cours de l’évolution de la maladie. L’identification de cristaux d’UMS dans le liquide synovialconstitue l’étalon or du diagnostic de la goutte. Cependant, le diagnostic est parfois difficile, particu-lièrement dans les présentations cliniques atypiques ou lorsque de petites articulations sont atteintes.La radiographie est souvent normale à un stade précoce de la goutte. L’IRM et la tomodensitométrie

sont coûteuses et la disponibilité de ces techniques d’imagerie peut se révéler problématique en pra-tique clinique. L’échographie apparaît utile au diagnostic et à la prise en charge de la maladie. Plusieurscaractéristiques échographiques évoquant la goutte ont été décrites avec des niveaux de sensibilité etde spécificité variables. Nous avons effectué une revue de la littérature à la recherche de preuves de laperformance et de l’utilité de l’échographie dans le diagnostic de la goutte au stade précoce et au stade

ançai

avéré.

© 2012 Société Fr

. Introduction

La goutte est une arthrite fréquente causée par la précipita-ion de crystaux d’urate monosodique (UMS) dans les articulations,econdaire à une hyperuricémie chronique. Elle affecte 1 % à 2 % desdultes dans les pays développés où sa prévalence augmente [1].’identification de cristaux d’UMS dans le liquide synovial consti-ue l’étalon or du diagnostic de la goutte [2]. Ponctionner du liquideynovial est réalisable [3], mais se révèle parfois difficile poures petites articulations, en particulier les articulations métatar-ophalangiennes (MTPs) et tarsiennes. De plus, certains patientsoutteux peuvent présenter des caractéristiques cliniques aiguësnhabituelles, telles qu’une tendinite des membres inférieurs oune polyarthrite. Donc, en l’absence d’analyse du liquide synovialu de preuve clinique de tophus, le diagnostic de la goutte repré-ente parfois un défi. L’identification des dépôts d’urate dans desrticulations peut être d’une grande aide pour le médecin.

À un stade précoce de la goutte, la radiographie n’est pas utileu diagnostic parce que, hormis un gonflement non spécifique des

issus mous recouvrant l’articulation inflammatoire, en général lesnomalies n’apparaissent pas avant plusieurs années. Au contraire,ans le cas de la goutte chronique, les caractéristiques typiques de

DOI de l’article original : 10.1016/j.jbspin.2012.01.012.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc aise de cet article, mais la réfé-ence anglaise de Joint Bone Spine ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (S. Ottaviani).

169-8330/$ – see front matter © 2012 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsoi:10.1016/j.rhum.2012.01.018

se de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

la radiographie standard incluent la présence d’un tophus, visiblecomme une opacité des tissus mous ou péri-osseuse. Les érosionsosseuses sont des signes clés et sont extra-articulaires au début dela maladie. Elles sont typiquement visualisées comme des coupsde poinc on, le long de l’axe longitudinal de l’os, avec des rebordssurélevés et des marges sclérosées. L’interligne articulaire est bienpréservé jusque tardivement dans le cours de la maladie [4–7]. Laradiographie présente donc un intérêt modéré pour le diagnosticde la goutte à un stade précoce. La tomodensitométrie (CT) et l’IRMsont plus sensibles que la radiographie simple pour la détection desdépôts d’urate [4], mais sont moins accessibles en pratique quoti-dienne et sont coûteuses. L’échographie est apparue récemmentcomme un outil utile pour détecter les dépôts d’urate. Nous avonseffectué une revue de la littérature à la recherche de preuves desperformances et de l’utilité de l’échographie dans le diagnostic dela goutte au stade précoce et de la goutte avérée. Les recherchesont été menées sur les bases de données Scirus, MEDLINE via Pub-Med, Science Direct et Ovid avec les mots-clés suivants : « goutte »,« échographie », « hyperuricémie » et « ultrasons », pour les articlesrelatifs à l’utilisation de l’échographie dans la goutte, publiés de1980 jusqu’à maintenant, à la fois en anglais et en franc ais.

2. Caractéristiques échographiques de la goutte

2.1. Signes non spécifiques

La goutte est une maladie inflammatoire se manifestant pardes épisodes d’arthrite aiguë. Pendant l’évolution de la maladie,

evier Masson SAS. Tous droits réservés.

Page 2: Intérêt de l’échographie dans la goutte

302 S. Ottaviani et al. / Revue du rhumatisme 79 (2012) 301–305

Fig. 1. Échographie d’un épanchement articulaire et microscopie du liquide syno-vTc

pmléscadgéfitfvlapgil

2

l

hpgd

FimcC(c(

Fig. 3. Dissolution des dépôts d’urate dans un cas de goutte sous thérapie hypo-uricémiante. A. Cartilage trochléen avant initiation de la thérapie hypo-uricémiante :signe du double contour (pointes de flèches). B. Même articulation six mois aprèsle début de la thérapie hypo-uricémiante : disparition du signe du double contour(Esaote Technos MP).

ial dans la goutte. A. Articulation de la cheville : épanchement articulaire (Esaoteechnos MP). B. Cristaux d’urate monosodique en microscopie optique polarisanteompensée.

eut survenir une arthropathie uratique accompagnée de dom-ages articulaires. On peut donc trouver, comme au cours de

a polyarthrite rhumatoïde et d’autres rhumatismes érosifs, unpanchement articulaire, une hypertrophie synoviale et des éro-ions osseuses, non spécifiques. L’épanchement articulaire apparaîtomme un matériel anormal intra-articulaire, hypo-échogène ounéchogène, déplac able et compressible, mais ne produisant pase signal Doppler [8] (Fig. 1). La présence de spots hyperécho-ènes (image en « tempête de neige ») dans le liquide synovialvoque une pathologie cristalline [9], mais n’est pas spéci-que à la goutte. L’hypertrophie synoviale apparaît comme unissu intra-articulaire anormal hypoéchogène, non déplac able etaiblement compressible, pouvant ou non montrer une hyper-ascularisation avec signal Doppler [8]. L’hypertrophie synoviale et’hypervascularisation ne sont pas spécifiques à la goutte, mais leurssociation à des spots hyperéchogènes (foyers brillants d’aspectonctué) dans la synoviale (Fig. 2D) est fortement évocatrice deoutte [9]. L’érosion osseuse est caractérisée par une discontinuiténtra-articulaire de la surface osseuse dans deux plans perpendicu-aires [8].

.2. Caractéristiques échographiques évocatrices de goutte

Plusieurs caractéristiques échographiques ont été décrites dansa goutte [4] et certaines semblent être hautement spécifiques.

Tophus : l’échographie décèle un tophus sous forme d’une masseétérogène hypoéchogène à hyperéchogène, entourée par une

etite bordure anéchogène (Fig. 2 A, B et C). L’aspect hyperécho-ène est dû à la proportion de spots hyperéchogènes. L’association’une atténuation postérieure des ultrasons ou une ombre

ig. 2. Caractéristiques échographiques de la goutte. A. Échographie d’un tophusntra-articulaire au niveau de l’articulation métatarso-phalangienne 1 (MTP1) :

asse isoéchogène (astérisque) avec atténuation postérieure et petite bordure ané-hogène (flèches). B. Tophus de la bourse olécranienne avec spots hyperéchogènes.. Métatarso-phalangienne 1 : érosion (flèches) secondaire à un tophus isoéchogèneastérisque). D. Métatarso-phalangienne 2 (MTP2) : présence d’un signe du doubleontour (pointes de flèches) avec spots hyperéchogènes au niveau de la synovialeflèches). (Esaote Technos MP).

acoustique totale dépend de la densité du tophus. Ainsi, une massetrouble dans une articulation, avec des spots hyperéchogènes et unpetit liseré anéchogène évoque fortement une goutte. Nous utili-sons l’échographie pour visualiser les tophus dans les articulationssymptomatiques, MTP1 s (plan dorsal et latéral), genou (ligamentsquadricipital, patellaire et latéral) et tendons de la cheville (ten-don d’Achille, tendon du tibial antérieur). Aux petites articulations,les tophus intra-articulaires sont souvent associés aux érosionsosseuses. Effectivement, dans la goutte, les érosions osseuses sontdues aux tophus [10].

Spots hyperéchogènes (Fig. 2 B, D) : ceux-ci apparaissent commedes foyers brillants d’aspect ponctué dans le liquide synovial (non-spécifique à la goutte) ou dans la synoviale et le tophus (fortementsuggestif d’une goutte). Diminuer le gain à la réception peut amé-liorer la capacité de détection des structures hyperéchogènes.

Signe du double contour (DC) : cela correspond à une bandehyperéchogène irrégulière au-dessus de la marge superficielle ducartilage anéchogène (Fig. 2D, Fig. 3A) et ce signe est très spéci-fique de la goutte [11–15]. De même que pour le tophus, le signedu DC doit être recherché dans les articulations symptomatiques,MTP1 (plan dorsal et palmaire) et cartilage trochléen des genoux(plan suprapatellaire en flexion maximale). Le signe du DC peutêtre moins bien visualisé dans un cartilage mince (articulationstarsiennes) ou un cartilage endommagé, comme dans l’arthrose.En outre, certaines caractéristiques échographiques peuvent êtreconfondues avec un signe du DC. Ces résultats faussement positifssont dus aux éléments suivants :

• l’aspect hyperéchogène normal de la synoviale. La bande hyper-échogène est régulière, comme tracée avec un stylo. Par ailleurs,un « vrai » DC adhère au cartilage dans les mouvements dyna-miques ;

• la présence d’un épanchement articulaire, qui induit un renfor-cement de l’écho de la paroi postérieure (augmentation de lapropagation des ultrasons) et peut accentuer l’aspect hyperécho-gène normal de la synoviale ;

• un cartilage mince (petites articulations et/ou arthrose associée)avec chondrocalcinose et dépôts de calcium souvent localisés

dans la couche intermédiaire du cartilage.
Page 3: Intérêt de l’échographie dans la goutte

rhum

3

3

lat(

3

fid

3

dtaelcgnamuuLMufipsctcs[dlfdlc

3

rtptdpduaDddepp

S. Ottaviani et al. / Revue du

. Impact sur le diagnostic

.1. Localisation de l’inflammation articulaire

La visualisation des cristaux d’UMS dans la synoviale constitue’étalon or dans le diagnostic de la goutte [16]. L’échographie peutider le clinicien à localiser le liquide synovial dans les articula-ions symptomatiques ou asymptomatiques en vue d’une ponctionFig. 1).

.2. Diagnostic positif

Certaines caractéristiques échographiques semblent être spéci-ques à la goutte, et leur présence peut être influencée par le stadee la maladie (Tableau 1).

.2.1. Hyperuricémie asymptomatiqueQuatre études portant sur l’échographie ont mis en évidence

es dépôts d’urate associés à une hyperuricémie asymptoma-ique (Tableau 1) [17–20]. La première étude impliquait 35 patientsvec HUA, sans groupe témoin [18]. Une échographie des genouxt des chevilles (tendons) a révélé un tophus chez 12 patients,e plus souvent au genou [18]. La seconde étude a analysé lesaractéristiques échographiques des dépôts d’urate, au niveau desenoux et des MTP1 s chez 50 patients avec HUA et 52 patientsormo-uricémiques [17]. Parmi les patients HUA, un signe du DC

été trouvé au niveau des genoux et des MTP1 s, respective-ent 17 % et 25 % de ces articulations. L’échographie a objectivé

n tophus chez 36 % des patients HUA. Aucun des patients normo-ricémiques ne présentait de dépôts d’urate à l’échographie [17].a troisième étude comparait une échographie des genoux etTP1 s chez 17 patients HUA et 19 témoins. Un signe du DC et/ou

n tophus ont été découverts chez 29 % des patients [20]. Pournir, la dernière étude analysait la prévalence des dépôts d’uratearmi 26 patients asymptomatiques hyper-uricémiques. Le liquideynovial a été ponctionné chez tous les patients présentant desaractéristiques de goutte objectivées par l’échographie. Des airesroubles hyperéchogènes suggérant un tophus ont été observéeshez neuf patients (35 %) et un signe du DC chez sept (27 %). Laensibilité de la technique était de 100 % et la spécificité de 88 %19]. Ces données suggèrent la spécificité des caractéristiques desépôts d’urate à l’échographie et la présence d’un continuum entre

’hyperuricémie asymptomatique et la goutte avérée avec mani-estations cliniques. Des études prospectives sont nécessaires pouréterminer si la goutte symptomatique se développe plus tôt chez

es patients HUA avec dépôts d’urate observés à l’échographie quehez ceux n’en présentant pas.

.2.2. Goutte à un stade précoceSelon les recommandations de la Ligue Européenne contre les

humatismes, l’European League Against Rheumatism (EULAR), leshérapies hypo-uricémiantes ne devraient pas être initiées chez lesatients goutteux ne présentant pas une arthropathie uratique, unophus ou des crises récurrentes [2]. L’échographie peut aider àétecter les dépôts d’urate chez les patients goutteux à un staderécoce. Lors d’une étude récente chez 15 patients ne requérant pas’hypo-uricémiants selon les recommandations de l’EULAR [21],ne échographie des MCP2/3 s, MTP1/2 s et des genoux a été faitefin de trouver deux signes de goutte, soit signe du DC et tophus. LesC et les tophus ont été trouvés respectivement chez 60 % et 47 %es patients. Seuls les genoux et les MTP1 s présentaient des dépôts

’urate, et une corrélation a été mise en évidence entre l’uricémiet la présence d’un signe du DC [21]. Les dépôts d’urate sont doncrésents chez plus de la moitié des patients goutteux ne nécessitantas d’hypo-uricémiants selon les recommandations de l’EULAR.

atisme 79 (2012) 301–305 303

3.2.3. Goutte avéréeLa prévalence du signe du DC révélé par échographie lors

des gouttes avérées varie de 22 % à 92 % des articulations, tandisque celle du tophus est de 48 % à 80 % des patients (Tableau 1)[11–13,15,20]. Ces prévalences différentes peuvent s’expliquer enpartie par les différences dans le type d’appareil d’échographie uti-lisé, la procédure d’examen et le stade de la maladie. Ces étudesont démontré une spécificité élevée de la technique (98 % à 100 %)quant aux signes du DC et aux tophus. Une étude a mis en évi-dence une corrélation entre la présence d’un signe du DC, le tauxd’uricémie et la présence d’une arthropathie uratique, ce qui sug-gère que le DC pourrait être un marqueur de la sévérité [12].La pertinence de l’échographie dans le diagnostic de la goutteavérée est faible. Cependant, l’échographie peut être utile pourvisualiser la diminution des dépôts d’urate des articulations pourles patients sous hypo-uricémiants. Selon les recommandationsinternationales [2], le traitement préventif des poussées d’arthritegoutteuse par colchicine ou faibles doses d’AINS doit être poursuivijusqu’à la disparition des dépôts d’urate. La surveillance des dépôtsd’urate peut aider le clinicien à ajuster la durée du traitement, enobjectivant la dissolution complète des tophus ou la disparition dessignes du DC (Fig. 3) [22,23] (Tableau 2).

3.3. Diagnostic différentiel

L’échographie peut aider au diagnostic différentiel. Chez unpatient atteint d’arthrite du genou, un signe DC suggérera unegoutte, tandis que des calcifications du ménisque associées à unearthrite sont dues à des dépôts de cristaux de pyrophosphate decalcium. Une tendinite inflammatoire douloureuse associée à uneenthésite évoque une spondylarthrite, et une masse tophacée évo-quera une goutte.

4. Comparaison avec les autres techniques d’imagerie

4.1. Radiographie simple

Des lésions radiologiquement prouvées sont visibles au stadetardif de goutte chronique, typiquement plusieurs années aprèsle début de la maladie [7]. Pour les autres rhumatismes érosifs,l’échographie est plus sensible que la radiographie conventionnellepour détecter les érosions [24]. En comparaison avec la radiogra-phie, l’échographie permet de détecter des érosions dans la goutteà un stade plus précoce et a plus de sensibilité dans la détec-tion de petites érosions (inférieure à 2 mm) [25]. Lors d’une étudesur 78 MTP1 s, l’échographie a pu démontrer davantage d’érosions(66 % vs 28 %) et de tophus (50 % vs 4 %) que la radiographie conven-tionnelle [13]. Au final, la radiographie et l’échographie montrentrespectivement une sensibilité dans la goutte de 31 % et 96 % [9].L’échographie apparaît donc plus sensible que la radiographie clas-sique pour la détection des dépôts d’urate et des lésions qui endécoulent.

4.2. Tomodensitométrie

Comparé à la radiographie, la tomodensitométrie peut détecterdavantage d’érosions [26]. Cette technique permet une excel-lente visualisation des tophus présentant des densités de 150 à

200 unités Hounsfield [27–29]. Le scanner à double énergie peutaider le clinicien à diagnostiquer la goutte et évaluer les dépôtsd’urate tels que les tophus [30,31]. À notre connaissance, aucuneétude n’a comparé l’échographie et le CT scan dans la goutte.
Page 4: Intérêt de l’échographie dans la goutte

304

S. O

ttaviani et

al. /

Revue

du rhum

atisme

79 (2012)

301–305

Tableau 1Études sur l’échographie dans la goutte.

Stade de la maladie Référence Nombre depatients(articulations)

Tophus (%) Uricémiemoyenne(�moL/L)

Échographe Site articulaire Évaluationéchographique

Prévalence(spécificité) dusigne DC

Prévalence destophus àl’échographie

Hyperuricémieasymptomatique

Puig et al., 2008[18]

35 HUA 0 510 Non communiqué GenouxChevilles

Non communiqué Non communiqué 34 % des patients

Pineda et al., 2011[17]

50 HUA(300)/52 contrôles(312)

0 486 Esaote MyLab25 GenouxChevillesMTP1s

SuprapatellaireDorsaleDorsale

Genoux : 17 %MTP1s : 25 %

36 % des patients

Howard et al., 2011[20]

17 HUA(68)/19 contrôles(76)

0 480 Esaote MyLab25 Genoux MTP1s SuprapatellaireDorsale

DC et/ou tophus :29 %

De Miguel et al.,2011 [19]

26 HUA 0 510 Non communiqué Genoux MTP1s Non communiqué 27 % des patients 35 % des patients

Goutte précoce Ottaviani et al.,2011 [12]

15 (150) 0 636 Esaote Technos MP MTP 1/2MCP 2/3Genoux

DorsaleDorsaleSuprapatellaire

60 % des patients 47 % des patients

Goutte avérée Filippucci et al.,2009 [15]

32 (64)/52 (104)contrôles

Noncommuniqué

Noncommuniqué

Esaote MyLab70XVG

Genoux Dorsalesuprapatellaire

44 % des patients(Sp : 99 %)

Non communiqué

Wright et al., 2007[13]

39 (78)/22 (44)contrôles

Noncommuniqué

410 Siemens Sonoline MTP1s Dorsale/palmaire 22 % desarticulations (Sp :100 %)

48 % desarticulations

Thiele et al., 2007[11]

23 (37)/23 (33)contrôles

39 672 GE Logic 3 Coudes MTP1sMCP 2/3Genoux

PalmaireDorsale/palmaireDorsale/palmaireSuprapatellaire

92 % desarticulations (Sp :100 %)

Non communiqué

Howard et al., 2011[20]

14 (56)/19 (76)contrôles

0 486 Esaote MyLab25 Genoux MTP1s SuprapatellaireDorsale

Genoux : 18 % MTP1s : 25 %

Ottaviani et al.,2011 [12]

53 (530)/50 (500)contrôles

44 657 Esaote Technos MP MTP 1/2MCP 2/3Genoux

DorsaleDorsaleSuprapatellaire

78 % des patients(Sp : 98 %)

79 % des patients

HUA : hyperuricémie asymptomatique ; NC : non communiqué ; DC : double contour ; MTP : métatarso-phalangienne ; MCP : métacarpo-phalangienne ; Sp : spécificité.

Page 5: Intérêt de l’échographie dans la goutte

S. Ottaviani et al. / Revue du rhum

Tableau 2Intérêt de l’échographie dans la goutte.

Localisation et ponction de l’épanchement articulaire

Diagnostic positifDouble contour +++Tophus +++Spots hyperéchogènes

Érosions

Diagnostic différentiel (chondrocalcinose ++)

Stratégie thérapeutique

4

dLcsnmp

tflse

D

t

R

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

Introduction de la thérapie hypo-uricémianteQuantification des dépôts d’urate et suivi

Durée du traitement préventif des poussées aiguës

.3. IRM

Bien que les résultats ne soient pas spécifiques pour le diagnostice la goutte, l’IRM permet une détection précoce des tophus [32].es résultats de l’échographie et de l’IRM sont bien corrélés en ce quioncerne leur détection [22], mais l’IRM semble avoir une meilleureensibilité pour détecter les érosions [33]. En outre, les cristauxe sont pas bien visibles en IRM contrairement à l’échographie. Leanque relatif de spécificité de l’IRM et le coût de cette technique

euvent donc limiter son rôle en pratique clinique.L’échographie apparaît utile dans le diagnostic de la goutte, par-

iculièrement à un stade précoce. L’échographie est abordable etacile à mettre en œuvre. Les signes spécifiques de la goutte sonte signe du DC et la présence d’un tophus. De nouvelles étudesont requises pour définir la place de l’échographie dans la prisen charge de la goutte par traitements hypo-uricémiants.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

[1] Richette P, Bardin T. Gout. Lancet 2009;375:318–28.[2] Zhang W, Doherty M, Bardin T, et al. EULAR evidence based recommendations

for gout. Part II: management. Report of a task force of the EULAR StandingCommittee for International Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT).Ann Rheum Dis 2006;65:1312–24.

[3] Pascual E, Doherty M. Aspiration of normal or asymptomatic pathological jointsfor diagnosis and research: indications, technique and success rate. Ann RheumDis 2009;68:3–7.

[4] Perez-Ruiz F, Dalbeth N, Urresola A, et al. Gout. Imaging of gout: findings andutility. Arthritis Res Ther 2009;11:232.

[5] Watt I, Middlemiss H. The radiology of gout. Review article. Clin Radiol1975;26:27–36.

[6] Barthelemy CR, Nakayama DA, Carrera GF, et al. Gouty arthritis: a pros-pective radiographic evaluation of sixty patients. Skeletal Radiol 1984;11:1–8.

[7] Nakayama DA, Barthelemy C, Carrera G, et al. Tophaceous gout: a clinical andradiographic assessment. Arthritis Rheum 1984;27:468–71.

[

[

atisme 79 (2012) 301–305 305

[8] Wakefield RJ, Balint PV, Szkudlarek M, et al. Musculoskeletal ultrasound inclu-ding definitions for ultrasonographic pathology. J Rheumatol 2005;32:2485–7.

[9] Rettenbacher T, Ennemoser S, Weirich H, et al. Diagnostic imaging of gout:comparison of high-resolution US versus conventional X-ray. Eur Radiol2008;18:621–30.

10] Schlesinger N, Thiele RG. The pathogenesis of bone erosions in gouty arthritis.Ann Rheum Dis 2010;69:1907–12.

11] Thiele RG, Schlesinger N. Diagnosis of gout by ultrasound. Rheumatology(Oxford) 2007;46:1116–21.

12] Ottaviani S, Allard A, Ora J, et al. Ultrasonography findings in gouty patients: acase-control study (Abstract OP0109). Ann Rheum Dis 2011;70:104.

13] Wright SA, Filippucci E, McVeigh C, et al. High-resolution ultrasonography ofthe first metatarsal phalangeal joint in gout: a controlled study. Ann RheumDis 2007;66:859–64.

14] Filippucci E, Scire CA, Delle Sedie A, et al. Ultrasound imaging for the rheuma-tologist. XXV. Sonographic assessment of the knee in patients with gout andcalcium pyrophosphate deposition disease. Clin Exp Rheumatol 2010;28:2–5.

15] Filippucci E, Riveros MG, Georgescu D, et al. Hyaline cartilage involvement inpatients with gout and calcium pyrophosphate deposition disease. An ultra-sound study. Osteoarthritis Cartilage 2009;17:178–81.

16] Zhang W, Doherty M, Pascual E, et al. EULAR evidence based recommendationsfor gout. Part I: diagnosis. Report of a task force of the Standing Committee forInternational Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT). Ann Rheum Dis2006;65:1301–11.

17] Pineda C, Amezcua-Guerra LM, Solano C, et al. Joint and tendon subclinicalinvolvement suggestive of gouty arthritis in asymptomatic hyperuricemia: anultrasound controlled study. Arthritis Res Ther 2011;13:R4.

18] Puig JG, de Miguel E, Castillo MC, et al. Asymptomatic hyperuricemia: impactof ultrasonography. Nucleosides Nucleotides Nucleic Acids 2008;27:592–5.

19] De Miguel E, Puig JG, Castillo C, et al. Diagnosis of gout in patients withasymptomatic hyperuricaemia: a pilot ultrasound study. Ann Rheum Dis2012;71:157–8.

20] Howard RG, Pillinger MH, Gyftopoulos S, et al. Reproducibility of musculoske-letal ultrasound for determining monosodium urate deposition: concordancebetween readers. Arthritis Care Res (Hoboken) 2011;63:1456–62.

21] Ottaviani S, Allard A, Bardin T, et al. Ultrasonography findings in early gout. ClinExp Rheumatol 2011;29:816–21 [Epub 2011 Oct 31].

22] Perez-Ruiz F, Martin I, Canteli B. Ultrasonographic measurement of tophi as anoutcome measure for chronic gout. J Rheumatol 2007;34:1888–93.

23] Thiele RG, Schlesinger N. Ultrasonography shows disappearance of mono-sodium urate crystal deposition on hyaline cartilage after sustainednormouricemia is achieved. Rheumatol Int 2010;30:495–503.

24] Wakefield RJ, Gibbon WW, Conaghan PG, et al. The value of sonography in thedetection of bone erosions in patients with rheumatoid arthritis: a comparisonwith conventional radiography. Arthritis Rheum 2000;43:2762–70.

25] Schueller-Weidekamm C, Schueller G, Aringer M, et al. Impact of sonographyin gouty arthritis: comparison with conventional radiography, clinical exami-nation, and laboratory findings. Eur J Radiol 2007;62:437–43.

26] Dalbeth N, Clark B, Gregory K, et al. Mechanisms of bone erosion in gout: aquantitative analysis using plain radiography and computed tomography. AnnRheum Dis 2009;68:1290–5.

27] Gerster JC, Landry M, Duvoisin B, et al. Computed tomography of the knee jointas an indicator of intraarticular tophi in gout. Arthritis Rheum 1996;39:1406–9.

28] Gerster JC, Landry M, Rappoport G, et al. Enthesopathy and tendinopathy ingout: computed tomographic assessment. Ann Rheum Dis 1996;55:921–3.

29] Gerster JC, Landry M, Rivier G. Computed tomographic imaging of subcutaneousgouty tophi. Clin Rheumatol 1998;17:62–4.

30] Desai MA, Peterson JJ, Garner HW, et al. Clinical utility of dual-energy CT forevaluation of tophaceous gout. Radiographics 2011;31:1365–75.

31] Nicolaou S, Yong-Hing CJ, Galea-Soler S, et al. Dual-energy CT as a potentialnew diagnostic tool in the management of gout in the acute setting. AJR Am JRoentgenol 2010;194:1072–8.

32] Perez-Ruiz F, Naredo E. Imaging modalities and monitoring measures of gout.Curr Opin Rheumatol 2007;19:128–33.

33] Carter JD, Kedar RP, Anderson SR, et al. An analysis of MRI and ultrasound ima-ging in patients with gout who have normal plain radiographs. Rheumatology(Oxford) 2009;48:1442–6.