INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO -------------- FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE ---------------------------------------- DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE --------------- Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d’Etudes Approfondies en Sociologie INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE Cas des couples malgacho-étrangers à Antananarivo Présenté par RAZAFINDRAVELO Sabrina ( N° matricule : 13.13.2DES) Date de soutenance : Mercredi 22 Janvier 2014 Membres du Jury : Président : Monsieur RAJAOSON François, Professeur émérite Juge : Madame ANDRIANAIVO Victorine, Maître de Conférences Directeur de recherche : Monsieur RANDRIAMASITIANA Gil Dany, Professeur titulaire Année universitaire : 2012 - 2013

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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

-------------- FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE

----------------------------------------

DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE ---------------

Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d’Etudes Approfondies en Sociologie

INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

Cas des couples malgacho-étrangers à Antananarivo

Présenté par RAZAFINDRAVELO Sabrina (N° matricule : 13.13.2DES)

Date de soutenance : Mercredi 22 Janvier 2014

Membres du Jury :

Président : Monsieur RAJAOSON François, Professeur émérite

Juge : Madame ANDRIANAIVO Victorine, Maître de Conférences

Directeur de recherche : Monsieur RANDRIAMASITIANA Gil Dany, Professeur titulaire

Année universitaire : 2012 - 2013

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« Le jour viendra peut-être où le mariage mixte sera

l'une des contributions les plus efficaces et les plus belles

à la grande communion des peuples en une seule

humanité ». Albert Memmi

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INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

Cas des couples malgacho-étrangers à Antananarivo

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Remerciements

Tout d’abord, je rends grâce au Seigneur de ce qu’il m’ait

soutenue durant cette année universitaire.

Ensuite, je me tourne vers mon encadreur pédagogique, le

Professeur Gil Dany RANDRIAMASITIANA, pour les conseils qu’il a

prodigués.

Enfin, successivement, je remercie tous les enseignants au sein

du Département de Sociologie, les participants qui ont bien voulu

me partager leurs expériences, ma famille et tous ceux qui ont

contribué à la réalisation de ce mémoire.

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Liste des acronymes

CUA : Commune Urbaine d’Antananarivo

ORTANA : Office Régional du Tourisme d’Analamanga

VD : Variable dépendante

VI : Variable indépendante

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Liste des tableaux

Tableau n°1 : Nombre de mariages civils mixtes (Arrondissement II)

Tableau n°2 : Tableau synoptique des enquêtés

Tableau n°3 : Tableau quantitatif des réponses

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Liste des schémas, des graphes

Figure n°1 : Schéma des variables

Figure n°2 : Les justifications de l’attitude favorable aux unions mixtes

Figure n°3 : Les raisons pour s’opposer aux unions mixtes

Figure n°4 : Nouveau schéma des variables

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SOMMAIRE

- Remerciements

- Liste des acronymes

- Liste des tableaux

- Liste des schémas, des graphes

- Sommaire

- Introduction générale

- Partie I : Considérations générales

Chapitre 1 : Cadrage théorique

Chapitre 2 : Contexte d’émergence des couples malgacho-étrangers

Chapitre 3 : Parcours méthodologique

- Partie II : Le rapport à l’Autre : vers une optimalisation du quotidien

Chapitre 4 : L’ambivalence de la mixité conjugale

Chapitre 5 : Les étapes cruciales de la mixité conjugale

Chapitre 6 : Le versant positif de la mixité conjugale

- Partie III : Vision prospective

Chapitre 7 : Reconsidération de la mixité conjugale

Chapitre 8 : La mixité conjugale comme parcours vers un bouleversement axiologique

Chapitre 9 : L’impact de la multiplication des mariages mixtes sur la société malgache

- Conclusion générale

- Bibliographie

- Table des matières

- Annexe

- Résumé

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Contexte

La mondialisation a décuplé les possibilités de mobilité internationale. Les occasions de

rencontre et d’échange entre des personnes issues de pays différents deviennent de plus en

plus fréquentes. Les mouvements migratoires s’effectuent désormais dans toutes les

directions. De par le développement sans précédent des nouvelles technologies de

l’information et de la communication, nous assistons à l’abolition des frontières liées au

temps et à la distance. La proximité avec l’étranger se vit désormais au quotidien.

L’interculturel est un dispositif et une dynamique mis en place par le multiculturel. Il ne

saurait être appréhendé sans une confrontation, un contact permanent et direct entre les

cultures. Les vagues successives de migration vers les Etats-Unis lors de la colonisation, de la

traite des Noirs et du nazisme ont fait de ce pays une société multiculturelle et plurilingue. Les

études interculturelles ont alors puisé leur origine dans les rapports entre les diverses

communautés socio-ethniques présentes sur le territoire américain. Sur le plan régional,

l’interculturel s’est élargi vers les domaines de l’éducation, du travail et du management

(Cf. Le Colloque International sur la Construction identitaire et interculturalité dans le monde

indo-océanique, 2008). A Madagascar, les étrangers affluent pour la simple raison que le visa

de séjour leur est facilement octroyé. De plus, la nature hospitalière des habitants de l’île les

encourage davantage. La plupart des Malgaches se montrent particulièrement accueillants

envers les étrangers et aspirent même à les côtoyer. Il arrive alors que cette idéalisation de

l’Autre et de sa culture se transforme en affinité.

Motif de choix du sujet

Dans le cadre de ce travail, notre intérêt s’est porté sur les contacts interculturels au sein des

couples mixtes à Antananarivo. Nous désignons comme étant des couples mixtes, les couples

binationaux dont l’un des conjoints doit être de nationalité malgache. A ce critère se sont

ajoutés d’autres que nous n’omettrons pas de mentionner dans la partie théorique de ce

mémoire. Le choix de ce sujet a été motivé par l’émergence du thème de l’interculturalité

parmi les préoccupations actuelles des sciences sociales à telle enseigne qu’il a fait l’objet

d’un autre Colloque international au sein du Département de Sociologie durant le 06 au 07

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Décembre 2012. L’étude de la mixité conjugale nous a permis d’aborder ce thème dans un

cadre intime et, par conséquent, plus rebondissant.

Choix du terrain

La ville d’Antananarivo a constitué le terrain adéquat pour cette recherche non seulement

pour sa proximité mais surtout parce qu’elle regorge de couples mixtes.

Problématique

La mixité conjugale a fait l’objet de nombreuses théorisations par des chercheurs relevant de

disciplines diverses telles que la psychologie, la psychanalyse, l’anthropologie et la

sociologie. Les premières théories avaient tendance à expliquer les mariages mixtes à partir

des facteurs sociologiques et des structures macrosociales tandis que les perspectives récentes

accordent la place centrale à l’individu en tant que sujet et acteur (C. Therrien, J. Le Gall,

2012). Etant donné que le soi et la construction identitaire sont au cœur de la problématique

de notre époque, nous avons choisi d’abonder dans le sens des théoriciens qui placent

l’individu au cœur de leur analyse. Par ailleurs, l’approche interculturelle, telle que

développée par Martine A. Pretceille (1999), a influencé notre posture dans la mesure où elle

met en garde contre la vision simpliste de la réalité. Cette approche se distingue des approches

culturalistes en demeurant pluridimensionnelle : elle refuse d’expliquer tout conflit à partir

d’une variable culturelle mais prend d’abord en compte l’environnement social, économique

et politique des acteurs en situation d’interculturalité. C’est pourquoi, nous avons considéré

chaque couple mixte dans son contexte propre, c’est-à-dire en lien avec le genre, le groupe

socioéconomique, la situation matrimoniale et l’entourage. Les couples mixtes sont en proie à

un plus grand défi par rapport aux autres couples étant donné qu’«ils négocient leur quotidien

au croisement de références culturelles différentes » (C. Therrien, 2009 : 89). Face à ce

constat, quelles stratégies les acteurs engagés dans une expérience de mixité développent-ils

en vue d’une harmonie culturelle ?

Hypothèse

Nous avançons l’hypothèse selon laquelle la mixité conjugale devient extrêmement bénéfique

lorsque les individus font preuve d’ouverture d’esprit, de flexibilité, d’acceptation, de respect

et surtout de créativité. En bref, c’est l’interculturalité en tant que synonyme d’échange et

d’enrichissement culturel qui est fortement valorisée.

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Objectifs

Cette recherche vise, d’une part, à expliquer le rôle des individus, engagés dans une

expérience de mixité, dans la construction de leur quotidien et, d’autre part, à montrer les

avantages que recèle la mixité conjugale. Ces objectifs spécifiques contribueront à atteindre

l’objectif général qui est de déterminer la particularité des couples mixtes par rapport aux

autres couples.

Aperçu sur la méthodologie

Nous avons combiné trois techniques de recueil d’informations : la documentation, le récit

d’expérience et le sondage d’opinion. Durant la phase exploratoire, les lectures ont été

bénéfiques dans la mesure où nous avons pu approfondir notre savoir sur l’approche

interculturelle développée par Martine A. Pretceille et découvrir les différentes perspectives

théoriques autour de la mixité conjugale. Lors de la descente sur le terrain, le récit

d’expérience a été privilégié étant donné qu’il s’agissait avant tout d’encourager les couples

malgacho-étrangers à parler de leurs trajectoires de mixité. Le récit d’expérience est une

forme d’entretien semi-directif durant lequel l’animateur, après avoir explicité au préalable les

objectifs de l’entretien, est le moins actif possible et laisse le maximum de latitude aux

interviewés pour exprimer leurs positions. A titre indicatif, la durée moyenne d’une interview

a été de 45 minutes, pour un nombre total de 20 entretiens. Notre premier constat a été que les

couples n’appréciaient pas être désignés par le qualificatif "mixte".

Limites de la recherche entreprise

A défaut de mobilisation de la technique d’observation participante, la vie quotidienne des

couples mixtes n’a été saisie qu’à travers leurs récits. Nous n’avons passé aucun moment avec

eux en dehors des interviews. De plus, nous n’avons pas récolté les versions des faits de leurs

enfants alors qu’ils se trouvent au cœur des dynamiques conjugales depuis leur naissance

jusqu’à l’âge adulte.

Annonce du plan

Ce mémoire sera constitué de trois grandes parties, à savoir les considérations générales, le

traitement et l’analyse des données de terrain et enfin, la vision prospective.

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PARTIE I : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Les couples mixtes sont de plus en plus nombreux. Partout, ils circulent

main dans la main sans plus se soucier des regards et des préjugés. Quelles sont les

caractéristiques propres aux couples mixtes ? La différence culturelle est-elle réellement un

obstacle ou, au contraire, source d’enrichissement ? Quels rôles jouent les acteurs dans la

bonne marche de la vie de couple ? Enfin, quels avantages tirent- ils de leur expérience de

mixité ? Tels sont les questionnements qui ont alimenté notre réflexion sur le sujet. Cette

première partie s’organisera en trois volets : le cadrage théorique, le contexte d’émergence

des couples malgacho-étrangers et la démarche méthodologique.

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Chapitre I : Cadrage théorique

D’après Jean-Michel Berthelot : « Il ne peut y avoir, en sciences sociales, de

constatation fructueuse sans construction d’un cadre théorique de référence » (1990 : 39). Ce

chapitre va être ainsi consacré à la construction d’un cadre théorique de référence, laquelle se

fera en trois étapes : la délimitation de l’objet d’étude, la considération des diverses approches

du problème et le choix d’une problématique théorique sachant que « la problématique est

l’approche ou la perspective théorique qu’on décide d’adopter pour traiter le problème posé

par la question de départ » (Quivy, Campenhoudt, 1995 : 85) qui est la suivante : quelles

stratégies les acteurs engagés dans une expérience de mixité développent- ils en vue d’une

harmonie culturelle ?

Section 1 : Questions de terminologie

Afin de délimiter notre objet d’étude, il convient d’apporter un éclairage sur les termes

récurrents suivants : couple mixte, culture, interculturel, acteur et identité.

A- Couple mixte :

Le terme « couple mixte » a un caractère polysémique. Il appartient au chercheur d’en

attribuer une signification qui lui semble pertinente par rapport à l’objectif de sa

recherche. D’une manière générale, la mixité conjugale est le résultat d’une

exogamie1. L’exogamie peut être sociale (mariage avec une personne issue d’une autre

classe sociale), culturelle (mariage avec une personne issue d’un autre groupe culturel)

ou nationale (mariage avec une personne de nationalité autre). Exogamie culturelle et

exogamie nationale peuvent coïncider et c’est sur ce cas de figure que nous avons

déterminé les critères de notre échantillon d’enquête. Tout d’abord, il s’agit d’un

couple binational dont l’un des conjoints, femme ou homme, doit être de nationalité

malgache. Ensuite, nous nous attendons à ce que le conjoint étranger, quelle que soit

sa nationalité, soit né dans son pays d‘origine et y ait vécu au moins son enfance et son

1 D’après le Dictionnaire de la Langue française (1993), l ’exogamie est l’obligation ou la tendance qu’ont les

membres de cer tains groupes de se marier hors de leur groupe (exemple : mariage interethnique).

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adolescence. Enfin, il faut que le couple, marié ou non, ait cohabité au moins durant

trois années.

B- Culture :

Face à l’impossibilité de déterminer de manière univoque et consensuelle ce qu’est la

culture, retenons les deux définitions suivantes :

- « La culture ou la civilisation est cet ensemble complexe incluant les savoirs, les

croyances religieuses, l’art, la morale, les coutumes ainsi que toute disposition ou

usage acquis par l’homme vivant en société » (E. B. Tylor, 1874).

- « La culture est un système universel d’orientation de l’homme, typique de chaque

société, organisation ou groupe de personnes. Ce système est constitué de

symboles spécifiques qui font l’objet d’une tradition au sein d’une même société.

Ce système culturel influe sur les processus de connaissance (perception, pensée,

évaluation) et d’action de tous les ressortissants d’une même culture et définit ainsi

leur appartenance » (Professeur Alexander Thomas, 1963).

A titre de synthèse, le système culturel englobe de façon complexe les manières de

faire et de sentir propres aux membres d’une société donnée, et qui sont conformes au

contexte dans lequel ils vivent. Dans cette optique, la culture détient deux fonctions

essentielles : une fonction ontologique qui assigne une identité à la fois personnelle et

sociale à son détenteur, et une fonction instrumentale qui facilite l’adaptation aux

conditions de l’environnement. De ce fait, la culture n’est pas une entité figée et

homogène mais elle est susceptible d’adaptation et d’évolution en fonction de

l’apparition de nouvelles circonstances (Martine A. Pretceille, 1999).

C- Interculturel :

« Le préfixe "inter" du terme "interculturel" indique une mise en relation et une prise

en considération des interactions entre des groupes, des individus, des identités »

(Martine A. Pretceille, 1999 : 49). L’interculturel se met donc en place lorsque des

individus ou groupes d’individus, représentants de leurs cultures respectives, entrent

en contact permanent. En fonction des conditions socioéconomiques et du cadre

politique d’accueil des groupes en présence, les dynamiques de rencontre peuvent soit

donner lieu à des échanges ou à des transferts culturels, soit entraîner des replis et des

affrontements. Dans le premier cas, il s’agit notamment de l’acculturation qui se

définit par « l’ensemble des phénomènes qui résultent de ce que des groupes

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d’individus de cultures différentes entrent en contact, continu et direct, avec les

changements qui surviennent dans les patrons de l’un ou des deux groupes »

(Redfield, Linton, 1936 in op.cit., 1999 : 11). Dans le cadre de la mixité conjugale,

nous postulons que les partenaires ont la capacité de s’arranger entre eux et font

preuve d’imagination et de créativité pour que les deux cultures donnent naissance à

une culture hybride et originale : « Connaissant les règles et normes des deux sociétés

respectives, ils intègrent dans leur couple des références aux deux cultures dont ils

sont détenteurs. C’est ainsi qu’à partir de deux cultures distinctes, le couple mixte en

construit une nouvelle : une culture conjugale unique » (Debroise, 1998 : 60).

D- Acteur :

La notion d’« acteur » est primordiale dans les relations interculturelles. L’individu est

considéré comme un acteur à part entière lorsqu’il s’adapte à la présence de l’Autre en

agissant sur sa propre culture : « Du fait de l’internationalisation du quotidien,

l’individu est de moins en moins déterminé par sa culture d’appartenance. Il n’est pas

seulement le produit de sa culture, il en est au contraire, l’acteur » (Martine A.

Pretceille, 1999 : 54). Pour ce faire, il ajuste certains items ou traits culturels, intègre

de nouvelles références et se construit de nouveaux repères. Les perspectives

théoriques récentes sur la mixité conjugale tendent à mettre l’accent sur le rôle de

l’individu en tant que sujet et acteur. N’étant plus enfermé dans sa propre culture,

l’individu peut apprendre celle de l’Autre et dépasser les barrières culturelles.

E- Identité :

L’identité est devenue un prisme à travers lequel tous les aspects de la vie

contemporaine sont étudiés. D’une manière générale, l’identité est le sentiment

d’appartenance qui permet une reconnaissance mutuelle entre les membres du groupe.

Les appartenances étant multiples, l’individu doit perpétuellement se forger une

identité, celle qui le définit le mieux. De plus, les individus ne s’imaginent pas

toujours en termes d’identité collective mais se construisent en tant que sujet

individuel (Meintel, 2008). L’identité n’est donc jamais acquise une bonne fois pour

toutes, elle se caractérise par une reconstruction permanente.

Pour revenir à notre étude, les modèles sociologiques tendent à démontrer que les

individus issus d’union mixte vont adopter une identité ethnique unique par un

processus d’assimilation ou de sélection (Stephan et Stephan, 2000).

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Section 2 : Les assises théoriques de la mixité conjugale (inspirées de C. Therrien et J. Le

Gall, 2012)

Comme nous l’avions mentionné à l’introduction, les théories entourant la mixité conjugale se

répartissent en deux tendances : d’une part, les anciens cadres d’analyse qui apportent un

éclairage à partir des facteurs sociologiques et des structures macrosociales et, d’autre part, les

perspectives récentes qui placent l’individu au centre de l’analyse.

A- Les anciens cadres d’analyse qui font référence aux facteurs sociologiques explicatifs :

« Les divers cadres théoriques qui ont longtemps dominé les études sur les couples

mixtes ont en commun de ne pas mettre l’accent sur l’identité personnelle et les

trajectoires individuelles, mais sur d’autres dimensions, comme des structures

macrosociales, des définitions basées sur des critères objectivables ou encore des

facteurs sociologiques explicatifs. Parmi ces théories, nous en distinguons quatre

types : la théorie de l’échange compensatoire, la perspective assimilationniste, les

théories qui font des unions interculturelles un laboratoire social et les théories qui

placent les structures macrosociales au cœur de leur analyse » (Therrien, Le Gall,

2012 : 4).

1- La théorie de l’échange compensatoire :

La théorie de l’échange compensatoire, en qualité de première théorie sur les

unions mixtes, postule que le mariage est avant tout un système d’échange. Les

partenaires se choisissent en fonction des ressources de chacun de sorte que le

déficit de l’un se trouve compensé par l’avoir de l’autre et inversement. « Cette

perspective théorique, par exemple, explique les raisons de l’union d’un homme

noir et riche avec une femme blanche de classe moyenne par un système

d’échange par lequel l’un des conjoints acquiert un capital social tandis que l’autre

augmente son statut économique » (op.cit, 2012 : 4).

Cette conception purement matérialiste du mariage laisse de côté le sentiment

amoureux en tant que motivation autre des individus. Malgré les critiques dressées

contre cette théorie, qualifiée à juste titre de raciste et de sexiste (Spickard, 1989),

celle-ci peut être vérifiée sur le terrain malgache en déterminant si, au fil des

années, une corrélation existe entre l’évolution des ratios de pauvreté et celle du

nombre de mariages mixtes.

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2- La perspective assimilationniste :

« Cette perspective sociologique analyse les mariages mixtes comme des

indications du degré d’assimilation des immigrants dans une société donnée : plus

il y aurait de mariages avec des individus de la société majoritaire, plus élevé serait

le degré d’assimilation des migrants » (op.cit., 2012 : 5). Généralement,

l’assimilation se manifeste par le détachement progressif par les immigrants de

leur groupe d’origine suivi de l’appropriation des repères culturels de la population

d’accueil.

Cette théorie nous semble difficilement généralisable car il arrive qu’un groupe

d’immigrants domine culturellement une population majoritaire sans pour autant

constituer un frein à l’intermariage. L’histoire de chaque nation influe largement

sur sa capacité à se poser en groupe dominant sur son propre territoire. Par

exemple, les séquelles de la colonisation ont fait que les Français soient devenus

un groupe de référence à Madagascar (rabaissement des productions locales "vita

gasy" et valorisation des produits "made in France", usage de la langue française

pour le paraître social, teinture des cheveux en blond, usage des produits

cosmétiques "blanchissants"…) ; cependant, nous assistons encore à la

multiplication des unions franco-malgaches.

3- Les unions interculturelles comme laboratoire social :

Cette perspective, élaborée par Augustin Barbara en 1992, considère les unions

interculturelles comme un laboratoire social. Les couples mixtes constituent un

échantillon représentatif des différentes communautés en présence sur un territoire

donné. Les conclusions tirées de l’analyse des dynamiques d’échanges au niveau

de ces couples peuvent être transposées au niveau macrosocial. « La mixité devient

alors un outil utilisé pour étudier et mesurer les phénomènes d’interaction entre

groupes sociaux (distance sociale, dialogue, communication interculturelle, etc.) »

(2012 : 5). Dans cette optique, les conjoints sont « les ambassadeurs de leur pays et

de leur "culture" respectifs » (2012 : 6).

En 1993, Augustin Barbara reprend l’idée de « laboratoire social en suggérant,

cette fois, que les études sur la mixité conjugale permettent de comprendre la

logique sociale qui existe dans tout couple, la dynamique du couple mixte portant

en condensé, selon lui, l’histoire de tous les couples » (2012, 6). En effet, tous les

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couples doivent faire face à des crises et à des divergences lesquelles sont plus

précoces et saillantes chez les couples mixtes.

4- Les théories qui placent les structures macrosociales au cœur de leur analyse :

D’une manière générale, ces théories tendent à expliquer la montée en nombre des

mariages mixtes à partir des structures macrosociales, à savoir les mouvements

migratoires et la démographie.

Une de ces théories « affirme que les unions mixtes sont une conséquence normale

du brassage de populations. Elles reflètent tout simplement une augmentation de la

mobilité internationale » (2012 : 6).

La théorie nommée "unbalanced sex-ratio", élaborée par Peter Blau au début des

années 70, s’appuie sur des données sociodémographiques pour expliquer les

unions mixtes. Cette perspective postule que dans les endroits où hommes et

femmes sont en nombre inégal, il y a davantage de mariages mixtes. Le surplus

d’hommes ou de femmes seraient alors tentés de tisser des liens avec des

personnes ayant d’autres nationalités.

Jocelyne Streiff-Fenart (1989), quant à elle, a mis l’accent sur le lien entre les

conditions socioéconomiques des couples mixtes et la possibilité de tirer avantage

de leur relation. Elle a avancé que les couples vivant dans des conditions modestes

demeurent stigmatisés tandis que dans les milieux favorisés, la mixité est perçue

comme un plus, une source d’enrichissement par le biais de l’assemblage de

diverses références culturelles.

B- Les perspectives théoriques récentes qui placent l’individu au cœur de l’analyse :

« Ces études récentes permettent de porter un regard tout à fait différent sur la mixité

conjugale en s’attardant aux dynamiques conjugales, à l’intimité et à la vie de tous les

jours, aux rapports avec la parenté, aux modes de formation des couples, aux choix du

conjoint/conjointe, aux trajectoires biographiques, à la transmission des référents

identitaires aux enfants, à la construction identitaire des individus engagés dans des

expériences de mixité ou issus de couples mixtes » (2012 : 7).

Page 19: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

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1- L’identité en mutation :

La famille, en tant qu’institution de socialisation primaire, détient un rôle

important dans la construction identitaire de l’enfant : elle lui fournit une identité

première reposant sur des données objectivables (le nom, le sexe, l’ascendance, la

nationalité…). C’est ce que Claude Dubar (2000) appelle l’« identité pour autrui »,

celle qui permet de se présenter en société. Au fur et à mesure que l’individu

participe à la vie sociale, ses appartenances se diversifient. Il ressent alors le

besoin d’édifier son identité personnelle, de se redéfinir perpétuellement par

rapport à lui-même et par rapport à ce qu’il veut être.

Face à ce constat, les sociologues Beate Collet et Emmanuelle Santelli (2012) ont

montré à travers leurs études sur les trajectoires des descendants d’immigrés que la

contraction d’une union mixte « correspond souvent à une remise en cause des

attributions héritées » (Therrien, Le Gall, 2012 : 8) et à une affiliation à d’autres

références identitaires. Les acteurs concernés passeraient donc de l’identification

sociale à la construction d’une identité personnelle.

2- Les individus en tant qu’acteurs :

Les recherches récentes se sont attachées à mettre l’accent sur l’individu en tant

qu’acteur. Les travaux de Deirdre Meintel (2008, 2002, 1992) montrent que les

individus ne s’imaginent pas toujours en termes d’identité collective, mais qu’ils

se construisent en tant que sujet individuel. L’accent est mis sur les projets

parentaux, c’est-à-dire les projets formulés par les parents pour orienter les

identifications à venir des enfants (Meintel, Le Gall, 2009). Annie Le Blanc insiste

sur la nécessité de rendre compte de la façon dont les individus définissent eux-

mêmes leurs cercles d’appartenance. La thèse de Dan Rodriguez-Garcia (2006)

montre que les individus en couples mixtes ne sont pas dans un conflit entre deux

cultures, mais dans une négociation identitaire construite à partir de localisations et

d’antécédents culturels multiples. Certains écrits sociologiques (Collet, Santelli,

2003 ; Fenoglio, 1999 ; Philippe, 1999 ; Varro, 2003) ouvrent sur une perspective

plus centrée sur l’individu. Ces chercheurs redonnent aux acteurs sociaux leur

pouvoir d’action en explorant les aspects créatif, plastique et pluriel de l’ethnicité

et en replaçant le sujet et l’action humaine au cœur de la recherche.

Page 20: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

12

3- Les aspects positifs de la mixité conjugale :

La mixité est vue comme extrêmement avantageuse et ce, tant pour les partenaires

d’unions mixtes que pour leurs enfants.

- L’incorporation créative :

L’idée d’"incorporation créative", initiée par les anthropologues Rosemary Breger

et Rosanna Hill (1998) aux Etats-Unis, dévoile une vision positive de la mixité

conjugale. En effet, celle-ci est vue comme une source potentielle

d’enrichissement, non seulement pour les conjoints mais également pour leurs

éventuels enfants. Par ailleurs, cette perspective valorise « le rôle actif des acteurs

sociaux dans la création-construction de leur quotidien » (2012 : 9).

- L’amour comme force de changement :

Maria Root (2001), psychologue clinicienne, suggère d’analyser la mixité

conjugale comme une sorte de révolution tranquille. Le pouvoir de l’amour donne

l’espoir que celui-ci peut transcender des barrières que les lois ne transcendent pas.

La mixité conjugale est un défi porteur de découvertes et de modération par

opposition aux fanatismes de tout ordre.

- La mixité comme voyage :

C. Therrien (2012, 2009, 2008) aborde la mixité comme voyage (expérience de

distanciation avec le « home » de l’enfance). Elle souligne le potentiel positif de la

mixité conjugale tout en rendant compte de l’ambivalence dont est empreint ce

voyage.

- La mixité comme reflet d’une société pluraliste :

Meintel et Le Gall suggèrent que la mixité peut être le reflet d’une société

pluraliste. Les unions mixtes ne conduisent pas nécessairement vers une

assimilation mais transmettent un héritage pluraliste. Les parents expriment une

volonté de maximiser les possibilités de ressources symboliques de leurs enfants.

Les parents reconnaissent la multiplicité des appartenances identitaires à

transmettre et mettent de l’avant les potentialités enrichissantes de la mixité.

- La transmission d’une identité multiple :

Meintel et Le Gall ont montré que des efforts sont faits par les parents pour assurer

la transmission des éléments culturels provenant des différents héritages des

parents (école du samedi, vacances au pays d’origne…).

Page 21: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

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- La mixité comme héritage :

Les individus issus d’unions mixtes font souvent face à des choix identitaires que

ne connaissent pas de la même façon les autres enfants. Les tenants de cette théorie

(Breger, Hill, 1998 ; Maxell, 1998 ; Stephan, Stephan, 1989) montrent que la

mixité peut générer plusieurs aspects positifs : estime de soi positive, vision

optimiste de la vie, héritage culturel enrichi, créativité, ouverture… Sultana

Choudhry (2010) indique que les individus mixtes possèdent une « identité

caméléon » qui leur permet de s’adapter aux situations dans lesquelles ils se

retrouvent.

Section 3 : Pour un regard centré sur l’acteur

Afin d’achever la construction de la problématique, nous allons indiquer dans cette section la

posture que nous nous sommes proposés d’adopter pour appréhender la mixité conjugale sur

le terrain. En premier lieu, nous évoquerons les principes du paradigme interculturel énoncés

par Martine A. Pretceille puis, nous justifierons le choix de la thèse de l’incorporation créative

(Breger, Hill, 1998) comme base théorique de cette recherche.

A- Les principes du paradigme interculturel : (inspirés de Martine A. Pretceille)

D’après l’auteur, « l’interculturel peut désormais être défini comme un paradigme au

sens de Kuhn et Raymond Boudon, c’est-à-dire à partir "d’un ensemble de

propositions formant une base d’accord à partir de laquelle se développe une tradition

de recherche" (1999 : 53). Tout au long de la descente sur le terrain et lors de l’analyse

des données récoltées, nous nous sommes efforcée de garder en esprit les principes

épistémologiques et méthodologiques qui vont être énumérés ci-dessous.

1- Axe conceptuel et épistémologique :

« L’approche interculturelle rompt avec le point de vue objectiviste et

structuraliste puisqu’elle s’intéresse à la production de la culture par le sujet lui-

même, aux stratégies qu’il développe sans pour autant postuler qu’il en a toujours

conscience » (1999 : 54).

« Pour le phénoménologue, la culture n’est pas une réalité sociale en soi que l’on

peut appréhender de manière objective, c’est un vécu dont il s’agit de reconstruire

le sens. (…) C’est pourquoi l’interculturel est une ontologie qui se construit au fur

et à mesure de l’observation et de l’élucidation du rapport à autrui » (1999 : 56).

Page 22: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

14

« L’accent est mis sur les relations entre les individus plus que sur les cultures

prises comme des entités homogènes » (1999 : 58).

« L’approche interculturelle pose l’interaction comme fondamentale » (1999 : 59).

2- Axe méthodologique :

« En situation d’hétérogénéité culturelle et conformément aux principes de la

sociologie compréhensive et qualitative, l’objectif est de rendre compte du

fonctionnement instrumental de la culture par opposition à sa valeur de

détermination et de modelage des conduites et des comportements » (1999 : 63).

« Ce positionnement implique une relativisation des différentes formes de

déterminisme (surtout du déterminisme culturel) sans toutefois méconnaitre

l’impact des facteurs structurels (économique, social et politique) sur les conduites

et sur les stratégies individuelles ou groupales » (1999 : 63).

« Le discours interculturel induit un questionnement autant sur les autres cultures,

sur autrui, que sur sa propre culture » (1999 : 64).

« Avant d’interpréter une mésentente, un conflit, comme étant d’origine culturelle,

il convient de s’interroger sur l’environnement, sur les conditions, sur les

circonstances et ne pas focaliser sur la variable culturelle uniquement parce que les

acteurs en présence appartiennent à des cultures différentes » (1999 : 65).

« L’approche interculturelle s’érige à partir d’une pluralité de sens, de causalités et

de points de vue. L’interculturel réfère à plusieurs régions du savoir car ses objets

potentiels peuvent appartenir à plusieurs problématiques différentes » (1999 : 65).

B- Justification du choix de la théorie de l’incorporation créative :

Breger et Hill (1998) ont souligné le caractère enrichissant des expériences de mixité

conjugale. Les acteurs sociaux en interaction feraient du bricolage culturel afin

d’assembler en une culture nouvelle et unique les références culturelles des deux

côtés. En somme, cette théorie englobe deux idées qui rejoignent les points que nous

voulons démontrer à l’issue de cette recherche : la mixité en tant que source

d’enrichissement et les capacités négociatrice, créative et stratégique des individus en

situation d’interculturalité.

En bref, toute démarche qui se veut scientifique doit toujours débuter par un

ensemble de définitions en vue de délimiter l’objet d’étude. Nous avons défini le

Page 23: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

15

couple mixte comme étant un couple à la fois binational et biculturel. Deux grandes

tendances ont alimenté les réflexions sur la mixité conjugale : la première s’est avant

tout attachée à recenser les facteurs déterminants de la multiplicité des mariages

mixtes tandis que la seconde a donné la priorité à la marge de manœuvre des

individus. Conformément à l’objectif global de notre recherche qui est de rendre

compte du rôle des conjoints dans l’harmonisation de leur quotidien, nous nous

sommes tournés vers les théories qui accordent une place centrale à l’individu.

Page 24: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

16

Chapitre II: Le contexte d’émergence des couples malgacho-étrangers

Cette étude porte sur la mixité conjugale dans le contexte spécifique de

Madagascar, c’est-à-dire sur des couples étrangers-malgaches qui ont décidé de s’établir dans

le pays, ou plus précisément à Antananarivo. Le pays est affecté par le problème de la fuite de

cerveaux mais à contre-courant, il attire abondamment les étrangers dont une proportion

considérable réside dans la capitale. Un survol de l’historique du peuplement de Madagascar

par les étrangers tentera d’établir un lien entre la multiplication des mariages mixtes et

l’afflux des étrangers. Ensuite, une revue des écrits sur la mixité conjugale à Madagascar

montrera l’accent mis sur les difficultés que peuvent rencontrer ces couples. Et la dernière

partie de ce chapitre décrira les procédures administratives à suivre pour un mariage civil

mixte.

Section 4 : Historique du peuplement de Madagascar

Située dans la partie occidentale de l’Océan Indien, Madagascar attire depuis très longtemps

des étrangers venant d’horizons divers. L’« île-continent » se présente à leurs yeux comme un

foyer de potentialités et d’opportunités économiques. D’après le Ministère des Affaires

étrangères français, le nombre de Français enregistrés à Madagascar en 2011 est de 19 864.

D’une manière générale, les étrangers viennent s’y établir comme diplomates, gens d’affaires

(le cas des Indo-Pakistanais et des Chinois), étudiants (le cas des Comoriens)... Sans pour

autant négliger la part des motivations personnelles dans le choix du conjoint, nous tenterons

de montrer que l’apparition des couples malgacho-étrangers se trouve favorisée par l’afflux

des étrangers dans le pays.

Au premier millénaire avant Jésus-Christ, Madagascar fut peuplée par les Africains et les

Indonésiens. Puis au Moyen Age, des commerçants musulmans arrivèrent et s’installèrent. Ce

fut après la découverte de l’île par le Portugais Diego Diaz en 1500 que les Européens

(notamment les Français et les Anglais) commencèrent à envahir tout le pays. En 1643, le

Français Jacques Pronis fonda au sud-est Fort-Dauphin et l’île, baptisée île Dauphine, fut

théoriquement annexée sous le nom de France orientale puis en 1804, Sylvain Roux occupa

Tamatave. Entre temps, les royaumes Sakalava et Betsimisaraka furent respectivement créés

par Andriandahifotsy vers 1660 et Ratsimilaho en 1710. En 1810, Radama Ier (fils du roi

Andrianampoinimerina) contracta une alliance avec la Grande-Bretagne en vue de conquérir

Page 25: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

17

toute l’île. Ce fut alors au tour des Anglais de gagner en puissance et d’occuper Tamatave en

1811. La France et la Grande-Bretagne se disputèrent continuellement l’occupation du

territoire malgache jusqu’à la signature du traité du 17 Décembre 1885 imposant le protectorat

français à Madagascar.

Compte tenu de ces évènements, les contacts avec les étrangers existent depuis très

longtemps. L’installation ancienne de la population européenne, composée également de

créoles originaires des îles Maurice et de La Réunion, constituait déjà une occasion favorable

aux unions mixtes : l’un des fils du Premier ministre Rainilaiarivony et une Mauricienne

(Georges-Sully Chapus, Gustave Mondain, 1953 : 302), Clément Laborde, le fils de Jean

Laborde, et une Malgache du nom de Marie-Aimée Rasoamanivo… Par ailleurs, le pays a

connu une importante période coloniale (1896-1960) durant laquelle les couples mixtes ont

continué à se former mais c’étaient surtout les liaisons entre hommes malgaches et femmes

européennes qui entrainèrent des réticences tant dans le clan des colonisateurs que dans celui

des colonisés. Après l’Indépendance de Madagascar, des mariages mixtes ont encore été

enregistrés. Par exemple, le Français Eugène Lechat (feu), Vice-président du gouvernement

de la Première République, épousa Zénaïde Ramampy, maire d’Ambalavao Tsienimparihy de

1995 à 2004.

En bref, ces quelques rappels mettent en évidence que la mixité conjugale n’est pas un fait

nouveau (les couples mixtes cités en exemple se sont formés dans les Hautes Plateaux) et

montrent que celle-ci est quelque peu liée au contact permanent entre étrangers et

autochtones.

Section 5 : Les tendances de la littérature sur la mixité conjugale à Madagascar

Les écrits que nous avons trouvés se sont plutôt inspirés des unions problématiques entre

hommes malgaches et femmes européennes durant l’époque de la colonisation. En effet, les

colonisateurs réprimaient ces unions parce qu’elles menaçaient l’assise du pouvoir colonial du

fait d’une trop grande proximité entre colonisateurs et colonisés.

Dans son article, Violaine Tissaud (2010) tentait d’apporter un éclairage intéressant sur la

société coloniale à partir de l’analyse des réactions des autorités coloniales contre les unions

entre hommes malgaches et femmes européennes. «Les unions entre Malgaches et Européens

prennent en effet des formes diverses plus ou moins tolérées qui sont, par ordre d’acceptation

Page 26: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

18

et en fréquence décroissante, l’union passagère d’un Européen avec une femme malgache,

l’union stable avec la reconnaissance des enfants, le mariage régulier entre Européen et

femme malgache, et enfin le mariage régulier entre un Malgache et une Européenne »

(2010 :7). A la fin, l’auteure est arrivée à la conclusion suivante : « Les femmes, qu’elles

soient européennes, créoles, malgaches, métisses, se trouvent alors au cœur des processus et

stratégies de préservation des groupes, du maintien de l’ordre colonial » (2010 : 38).

Dans le roman de Catherine Missonnier (2006), intitulé Le Goût de la

Mangue, l’intrigue se déroule en 1956. Anna, une jeune bretonne, vit à Antananarivo mais ses

relations avec les Malgaches ne sont pas simples sachant que les Blancs constituent le groupe

dominant dans l'île. Elle essaie pourtant de connaître l'histoire, de saisir la mentalité et la

culture malgache. Dans son lycée pour filles, elle devient amie avec une Malgache ; celle-ci

lui présente à son frère, Léon, dont Anna tombe éperdument amoureuse. Malheureusement,

leur amour se trouve compromis par les tensions indépendantistes qui commencent à se

ressentir. Anna et Léon, les héros du roman, se trouvent alors malmenés tant par les

Européens que par les Malgaches. Les voisins français n’ont pour la jeune Anna que mépris

tandis que la famille de Léon fait tout pour le raisonner en lui rappelant son identité malgache

et ses obligations familiales. L’éviction du tombeau familial semblait alors la menace la plus

efficace pour que Léon s’éloigne de son amie Anna.

A la Belle Flore. Amours malgaches, roman colonial d’Eugène Duliscouet (1935), porte

également sur la liaison amoureuse d’un homme malgache et d’une femme européenne.

L’histoire s’achève sur l’échec de l’union car les références culturelles des deux conjoints

demeuraient incompatibles : la femme européenne n’a pas su s’adapter au mode de vie plutôt

traditionnel de son mari.

Enfin, plusieurs articles publiés sur la toile témoignent d’une certaine opinion péjorative sur

les couples franco-malgaches. A titre d’illustration, nous allons reprendre l’extrait d’un article

trouvé sur le site Madalascar et qui s’intitule les « 75 » :

Page 27: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

19

« Une petite explication du titre abscons et racoleur s’impose. Ne vous méprenez pas, il ne

s’agit pas des parisiens ! On appelle les 75 à Madagascar les couples mixtes franco-

malgaches. Il a 55 ans, elle en a 20. Parfois, lui 60, elle 15. D’ailleurs compte tenu de

l’augmentation des seniors français esseulés et de l’allongement de la durée de vie, on glisse

de plus en plus vers la Vendée, à savoir les « 85 ». Il a 60 ans ou plus, elle a 25 ans ou moins.

(…) Donc ces seniors viennent à Madagascar pour trouver l’âme sœur, qu’ils n’ont pas ou ne

peuvent plus trouver en France pour diverses raisons. Et curieusement, ils se retrouvent

quasiment toujours avec des jeunes femmes de 18 à 25 ans en moyenne. (…) En effet, la

misère ambiante à Madagascar fait que ces demoiselles sont prêtes à tout pour « gagner » un

vazaha comme on dit. Très souvent, la famille les y encourage, d’une part pour « sauver » la

petite, d’autre part pour caser une bouche à nourrir de moins, enfin dans l’espoir de

bénéficier des retombées pécuniaires venant de cette union. Il est pathétique d’observer ces

couples à table où règne un silence parlant. La pauvre fille ne sait pas quoi dire, ne comprend

rien quand il parle de tout et de rien, elle essaie de capter un sens à la discussion avec le

regard inspiré d’une huître en train de perler !».

En résumé, la littérature sur la mixité conjugale à Madagascar est marquée par la rareté de

l’empreinte des auteurs malgaches. De plus, les unions des Malgaches avec des personnes

d’origines autres qu’européenne, même si elles sont plus rares, ont été laissées de côté. Le

point commun de tous les couples malgaches-étrangers réside dans la fragilité des relations,

sans cesse soumises à l’appréciation de l’entourage. Les colonisateurs y voyaient une

déchéance de leur "supériorité" tandis que les familles malgaches considéraient cela comme

une souillure et une trahison à la culture malgache. Actuellement, ce sont les couples formés

de "vieux" Français et de "très jeunes" Malgaches qui suscitent davantage les discussions

vives.

Section 6 : Le mariage civil mixte

Bien qu’une partie des couples que nous avons interrogés vivent en concubinage, il nous a

tout de même semblé opportun d’apporter un minimum d’informations sur le mariage civil

mixte à Madagascar. En premier lieu, nous présenterons les étapes de la démarche

administrative que doivent suivre les futurs mariés. Et en second lieu, nous exposerons des

statistiques relatives au nombre de mariages mixtes enregistrés dans un arrondissement de la

capitale de notre choix.

Page 28: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

20

A- Les étapes de la démarche administrative :

A Madagascar, le mariage civil mixte suit les règles de tous les mariages civils

cependant des dossiers supplémentaires sont à joindre par les futurs mariés. Ils doivent

répondre au profil établi par les deux Etats concernés. La complexité de ce type de

mariage réside dans la composition de deux cultures. En effet, la notion d’union peut

varier d’un pays à l’autre. De même, la célébration et les règles à suivre diffèrent

d’une culture à l’autre.

D’une manière générale, la démarche tient en cinq étapes mais peut varier selon les

circonstances et la nationalité du conjoint étranger :

- les futurs mariés déposent leur dossier de projet de mariage au Consulat du pays

d’origine de l’étranger,

- les futurs mariés seront ensuite convoqués au Consulat, ensemble ou séparément,

afin de répondre à une enquête de moralité,

- dans un délai d’environ deux mois et si il a été prouvé que les candidats ont de

bonnes intentions vis-à-vis du mariage, le Consulat délivre le certificat de capacité

de mariage,

- avec ce certificat de capacité de mariage que les futurs époux doivent joindre à des

dossiers habituels, ils peuvent se marier dans une mairie malgache qui leur

délivrera un livret de famille,

- enfin, ce livret de famille sera ensuite apporté à l’ambassade du pays d’origine du

conjoint étranger qui procèdera à la transcription du mariage.

Lors du dépôt de dossier au Consulat, le conjoint étranger doit fournir les pièces et

justificatifs suivants :

- une copie intégrale de l’acte de naissance antérieure à trois mois à la date du

mariage,

- un document justifiant la nationalité étrangère,

- un justificatif de domicile (exemple : une photocopie de facture du téléphone).

En ce qui concerne la personne de nationalité malgache, elle doit rassembler :

- une copie intégrale et en version traduite de l’acte de naissance de moins de six à

la date du mariage,

- un certificat justifiant le statut de célibataire,

- un certificat de résidence délivré par le fokontany,

- une copie de la carte nationale d’identité.

Page 29: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

21

Au niveau de l’état civil malgache, voici les pièces et justificatifs requis aux futurs

époux :

- un certificat de résidence de moins de trois mois,

- un certificat de célibat,

- une copie de naissance,

- le certificat de capacité de mariage.

Contrairement à l’opinion répandue, les formalités requises pour un mariage civil

mixte à Madagascar se sont avérées simples pour la plupart des couples avec lesquels

nous nous sommes entretenus (environ 90 % d’entre eux l’ont affirmé).

B- Statistiques relatives aux mariages civils mixtes :

Afin de se faire une idée de la fréquence des mariages civils mixtes, indiquons des

chiffres relatifs au nombre de mariages enregistrés au deuxième arrondissement de la

CUA tout au long de l’année 2013.

Nombre des mariages civils mixtes (Arrondissement II)

Unions mixtes Effectifs

Union Français/Malgache 24

Union Mauricien/Malgache 2

Union Comorien/Malgache 1

Union Syrien/Malgache 1

Union Pakistanais/Malgache 1

Union Belge/Malgache 1

Union Anglais/Malgache 1

Union Italien/Malgache 1

Union Allemand/Malgache 1

Union Croate/Malgache 1

Total mariages mixtes 34

Source : IIème arrondissement de la Commune Urbaine d’Antananarivo, 2013.

Madagascar a été une colonie française pendant soixante-quatre ans. Des luttes

indépendantistes durement réprimées par les troupes françaises ont été relatées par l’histoire.

Cependant, les unions franco-malgaches constituent la part la plus importante dans ce tableau.

Nous pouvons en déduire que la mémoire collective a balayé cette époque douloureuse de

Page 30: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

22

l’histoire du pays. Les deux protagonistes peuvent maintenant entretenir des relations comme

si de rien n’était. De plus, la culture française demeure la plus familière à la culture malgache

et les barrières langagières sont moindres. Notons que toutes les personnes de nationalité

malgache inclues dans ce tableau sont de sexe féminin.

L’insularité, l’hospitalité des habitants de l’île, la diversité des richesses

naturelles sont autant de facteurs qui ont poussé et qui poussent encore les étrangers à venir à

Madagascar. Dans la première section de ce chapitre, nous avons essayé de montrer la

corrélation entre l’immigration des étrangers et l’apparition des couples mixtes. Ensuite, une

revue de littérature des écrits sur la mixité conjugale a montré que les unions mixtes, surtout

les unions franco-malgaches, étaient très mal vues pendant la colonisation tant par les

autorités coloniales que par les autochtones. Elles représentaient à la fois une provocation, une

menace, un danger, une souillure et une trahison à la culture d’origine. Actuellement, ces

mêmes couples choquent la société malgache lorsque l’écart d’âges entre les deux partenaires

est trop élevé. La plupart du temps, ce fait demeure un sujet tabou sauf pour quelques

internautes qui n’hésitent pas à dévoiler les motivations pécuniaires qui se cachent derrière ce

type d’union. Dans la dernière section, nous avons résumé les formalités nécessaires pour un

mariage civil mixte dans le pays avant d’achever par la présentation de statistiques relatives

au nombre de mariages mixtes enregistrés dans le deuxième arrondissement de la CUA.

Page 31: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

23

Chapitre 3 : Parcours méthodologique

Ce chapitre s’attachera à relater l’itinéraire que nous avons suivi tout au

long de la période de recherche. Pour ce faire, nous exposerons successivement les étapes de

la recherche, les types de recherche, les situations de recueil des données, la méthode

employée, les variables retenues et le mode d’échantillonnage, les techniques mobilisées pour

la récolte d’informations, la manière dont les données ont été traitées et analysées et le type de

démarche choisi.

Section 7 : Les étapes de la recherche

Nous avons distingué quatre étapes : la phase exploratoire, la préparation de la descente sur le

terrain, la descente sur le terrain et l’analyse des informations récoltées.

A- La phase exploratoire :

La phase exploratoire sert de préalable à toute entreprise de recherche. Elle permet de

tâter le terrain. Les travaux de lecture et la pré-enquête forment la base de

l’exploration. Au départ, nous n’avions qu’une idée vague de la manière dont on allait

aborder le thème de la mixité conjugale à Antananarivo. Les lectures nous ont donc

renseignés sur les diverses possibilités de traiter le sujet. Pour opérer un choix, la pré-

enquête a été d’une grande utilité. Les couples mixtes que nous avons interrogés ont

nié ressentir leurs différences culturelles comme une source permanente

d’antagonismes. Au contraire, ils y trouvent une occasion d’apprendre davantage de

l’Autre et de s’initier à sa culture. C’est pourquoi, nous nous sommes penchés vers les

théories qui soulignent le potentiel positif de la mixité conjugale tout en faisant l’éloge

de la valorisation de l’individu en tant que sujet culturel, acteur et maître de ses

décisions et de ses choix.

B- La préparation de la descente sur le terrain :

Une fois que la problématique a été construite, il nous fallait déterminer les outils

techniques qui allaient servir à la récolte des données. La pré-enquête nous a montré

que l’entretien directif ne convient pas dans la mesure où notre but était de recueillir le

maximum d’informations. Les gens s’étaient pressés de répondre aux questions sans

chercher à argumenter ni à se justifier et parfois, il y avait même eu des silences

Page 32: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

24

gênantes. Nous avons donc opté pour le récit d’expérience, moins directif, qui

permettait aux interviewés de s’épancher. Toutefois, nous avons élaboré un guide

d’entretien dans le cas où les interviewés s’éloigneraient trop du sujet.

En outre, un de nos objectifs a été d’avoir une idée de la position des Malgaches vis-à-

vis des unions mixtes. Nous avons donc prévu un sondage d’opinion auprès de 50

personnes (25 hommes et 25 femmes) sélectionnées au hasard.

C- La descente sur le terrain :

La descente sur le terrain s’est bien passée. Seulement deux couples mixtes ont refusé

notre demande d’entretien même par le biais d’un intermédiaire. En totalité, nous

avons pu aborder 18 couples mixtes et obtenir les confidences de 2 femmes de

nationalité malgache ayant divorcé. La durée de chaque entretien varia it d’une

quarantaine à une soixantaine de minutes en fonction du degré d’ouverture des

interviewés. Nous avons remarqué que c’étaient les couples que nous ne connaissons

pas personnellement qui parlaient davantage que ceux qui nous sont proches. Peut-être

est- il plus facile de se dévoiler devant une inconnue ?

D- L’analyse des informations :

Cette dernière étape consiste à :

- faire le dépouillement des données,

- mesurer les relations entre les variables,

- confronter les hypothèses théoriques avec les données empiriques,

- expliquer les écarts constatés.

Section 8 : Les types de recherche

Il importe de spécifier que notre étude s’inscrit dans une recherche à la fois descriptive, c’est-

à-dire tente de décrire les différentes configurations culturelles que permet la mixité, et

spéculative dans la mesure où elle cherche à bouleverser la façon dont les Malgaches

perçoivent la mixité conjugale. En effet, il est tacitement admis par la société que derrière

toute union mixte se cache quelque intérêt pour au moins l’un des conjoints dont surtout le

Malgache. Certes, cette manière de concevoir la mixité conjugale détient une part de vérité (à

Diégo-Suarez, la bénédiction faite par les parents aux jeunes filles c’est de se trouver un

« Vazaha ») ; cependant, nous soutenons l’idée que le seul intérêt matériel ne suffit pas à

maintenir ce type de relation dans la durée. Nous voulons montrer que les conjoints doivent

Page 33: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

25

développer des aptitudes particulières pour qu’il y ait continuité malgré les réactions de

fermeture de l’entourage, les rapports de force, les incompréhensions et les conflits générés

par la différence culturelle. Les acteurs ne sont pas indéfiniment victimes des difficultés mais

agissent en vue d’optimiser des situations incertaines.

Section 9 : Les situations de recueil des données

Les entretiens d’informations se sont déroulés pour la plupart dans le cadre naturel des

personnes étudiées, c’est-à-dire chez eux. Cela nous a permis en même temps de repérer les

objets de décoration intérieure : les tableaux, les bibelots, les motifs des rideaux… Par

ailleurs, le recueil des données a été marqué par un degré élevé d’inférence, c’est-à-dire que

nous avons attribué des significations particulières à ce qui a été dit et montré.

Section 10 : L’étude de documents

Dans une démarche hypothético-déductive, l’étude de documents est une méthode qui a

énormément servi durant la phase exploratoire mais également tout au long de la période de

recherche. Les objets qui se sont prêtés à l’analyse sont :

- les documents publiés : il s’agit des ouvrages généraux et spécifiques, des articles

scientifiques, des textes de loi sur le mariage, des romans intéressant le sujet de

recherche…

- les objets de décoration intérieure : tableaux, bibelots, photos de famille…

En bref, les lectures ont été bénéfiques dans la mesure où nous avons pu, d’une part,

approfondir notre savoir sur l’approche interculturelle développée par Martine A. Pretceille et,

d’autre part, découvrir les différentes perspectives théoriques autour de la mixité conjugale.

Section 11 : Construction des variables et de l’échantillonnage

En premier lieu, nous allons indiquer les variables explicatives qui sont susceptibles d’être

tenues en compte. Ensuite, nous présenterons la méthode d’échantillonnage que nous avons

employée.

A- Construction des variables :

Nous allons considérer trois types de variables :

- La variable indépendante : c’est celle qui peut avoir des conséquences sur les

autres variables,

Page 34: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

26

- La variable dépendante : celle qui dépend de la valeur des autres variables,

- La variable intervenante ou test variable : celle qui se place après la variable

indépendante et avant la variable dépendante.

Maintenant, nous allons représenter ces trois variables sur un schéma :

D’après cette figure d’emprunt, la mixité conjugale (VI) peut être une source

potentielle d’enrichissement (VD) à condition que les conjoints fassent du bricolage

culturel (variable intervenante). Le bricolage culturel conduit souvent à une

composition harmonieuse et originale de divers éléments culturels.

B- La méthode d’échantillonnage :

En ce qui concerne la méthode d’échantillonnage, nous avons mobilisé la méthode de

la boule de neige ou échantillonnage en cascade. Chaque couple mixte interrogé nous

introduisait à d’autres couples présentant les mêmes caractéristiques. Pour la

constitution du premier échantillon lors de la phase exploratoire, nous avons

commencé avec des cibles que nous connaissons personnellement puis nous nous

sommes rendus à des randonnées organisées par l’ORTANA, lesquelles rassemblent

souvent des couples mixtes. Au départ, nous voulions nous cantonner aux couples

franco-malgaches. Effectivement, ces couples sont particulièrement intéressants

compte tenu des rapports de domination qui peuvent se présenter. Suite à la

colonisation, il va sans dire que la culture malgache porte en elle des traits de la

culture française. A titre d’exemple, le petit déjeuner à la française devient de plus en

plus courant. Les partisans du biculturalisme franco-malgache « sont surtout des

individus issus de la classe sociale aisée dont le pouvoir d’achat et les modes de vie,

les habitudes culinaires et la façon de s’habiller, les pratiques langagières et les

Schéma des variables

Variable indépendante Variable intervenante Variable dépendante

Vivre en couple

mixte

Bricolage culturel Enrichissement

culturel

Page 35: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

27

moyens de communication, les passe-temps en fin de semaine et les réseaux sociaux

élargis nous révèlent une partie intense de la culture française » (Randriamasitiana,

2011 : 111). La situation de mixité ne ferait alors que renforcer le processus

d’assimilation de la culture malgache. Toutefois, dans un souci de diversification des

expériences et d’autant plus que notre analyse est axée sur les aspects positifs de la

mixité, il s’est avéré plus pertinent d’explorer les unions des Malgaches avec des

étrangers issus de toutes les nationalités possibles.

Section 12 : Les techniques de recueil d’informations

Les informations que nous avons recueillies sur le terrain relèvent de deux ordres :

- l’opinion des passants sur les couples malgaches-étrangers,

- les confidences des acteurs concernés par la mixité conjugale.

Les techniques qui ont été utilisées sont respectivement le sondage d’opinion et le récit

d’expérience. Le sondage d’opinion nous a permis d’avoir une idée de ce que les gens qu’on

croisait dans la rue pensent des couples mixtes et de leur multiplication. Les passants qui ont

bien voulu se soumettre au sondage ont été sélectionnés de manière fortuite. En tout, nous

avons récolté 50 réponses à la question : « Etes-vous pour ou contre les unions entre

Malgaches et étrangers ? ». La réponse de chacun était ensuite ponctuée d’un « pourquoi ? ».

En ce qui concerne le récit d’expérience, il portait sur l’épisode vécu par les conjoints dans le

cadre de la mixité allant de la rencontre amoureuse à leur quotidien au sein du foyer en

passant par les premiers moments de leur relation. Chaque enquêté avait la liberté de

s’exprimer sur ce qu’il ressentait. Cette technique a permis de récolter des données riches sur

le plan qualitatif. Lorsque les enquêtés le permettaient, nous avons enregistré leurs discours à

l’aide d’un dictaphone.

Section 13 : Traitement et analyse des données

Pour une authenticité des résultats de la recherche, nous allons privilégier deux types

d’analyse : l’analyse multivariée et l’analyse qualitative au sens donné par Mucchielli (2002).

A- Analyse multivariée :

« Elle permet de prendre en compte la complexité de la réalité en introduisant de

nombreuses variables explicatives » (Randriamasitiana : 2012). C’est la base même de

l’approche interculturelle développée par Martine A. Pretceille.

Page 36: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

28

B- Analyse qualitative :

« L’analyse qualitative est une démarche discursive et signifiante de reformulation,

d’explication ou de théorisation d’un témoignage, d’une expérience ou d’un

phénomène » (Paille, 1996). Ce type d’analyse sera appliqué à l’explication des

propos des interviewés que nous retranscrirons dans la deuxième partie.

Section 14 : Le type de démarche

Nous nous sommes fondés sur la démarche hypothético-déductive pour laquelle l’analyse des

travaux de recherche de référence prime sur l’observation directe de la réalité. Cette démarche

constitue un moyen efficace pour rompre définitivement avec les préjugés et les idées

préconçues, par la prise en compte des régularités qui caractérisent tel ou tel fait social.

En bref, nous venons de présenter en détail notre parcours méthodologique.

Nous avons prévu 4 étapes de recherche, à savoir la phase exploratoire, la préparation de la

descente sur le terrain, la descente sur le terrain et la phase d’analyse des informations. La

démarche hypothético-déductive a servi de point de départ à la construction de notre

problématique et à la détermination des variables explicatives. Sur le terrain, nous avons

combiné deux techniques de recueil d’informations : le sondage d’opinion et le réc it

d’expérience.

Page 37: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

29

Dès le départ, nous avons précisé ce que nous entendons par "couple mixte".

Il s’agit d’un couple binational dont l’un des deux conjoints possède la nationalité malgache.

C’est aussi un couple biculturel car nous insistons sur le fait que chaque individu ait été

socialisé dans son pays d’origine ; cela implique qu’il y ait vécu au moins son enfance et son

adolescence. Avant de clore cette première partie, il importe de rappeler nous nous sommes

proposés d’appréhender la mixité conjugale dans ses aspects positifs tout en identifiant le rôle

des individus dans l’optimalisation de leur situation. C’est la base même de la thèse de

l’incorporation créative de Breger et Hill (1998). Dans le second chapitre, nous avons essayé

de montrer que le contexte d’hétérogénéité culturelle du pays constitue une occasion

favorable à l’émergence des couples mixtes. Dans le dernier chapitre, nous avons clairement

exposé notre parcours méthodologique. Dans la partie suivante, nous nous focaliserons sur les

données recueillies sur le terrain.

Page 38: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

30

PARTIE II : LE RAPPORT À L’AUTRE : VERS UNE OPTIMALISATION DU

QUOTIDIEN

L’interculturel implique un pas vers l’apprentissage de l’Autre et de sa

culture. C’est une ouverture, une flexibilité et une acceptation de ce qu’est l’Autre.

L’interculturel, en tant que synonyme d’échanges et de transferts culturels, se trouve à la base

de l’entente entre les partenaires mixtes. Les couples malgacho-étrangers suscitent des

murmures et des regards circonspects de la part de l’entourage. Pourtant, au-delà des préjugés,

ces couples ont créé un « monde à eux ». Dans cette deuxième partie, nous verrons en quoi la

mixité conjugale est à la fois dérangeante et tentante pour les personnes que nous avons

interrogées, mais également en quoi elle est à la fois porteuse de défis et bénéfique pour ceux

qui l’expérimentent.

Page 39: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

31

Chapitre 4 : L’ambivalence de la mixité conjugale

Les couples mixtes dérangent les habitudes et bouleversent la pratique

endogamique propre à la société traditionnelle malgache. Face à ce constat, nous avons

entrepris de recueillir des éléments de réponse quant à la perception actuelle des unions

malgacho-étrangers par les Malgaches. L’échantillon de 50 personnes dont 25 hommes et 25

femmes est, certes, loin de représenter la population tananarivienne mais ce sondage

d’opinion nous a quand même permis de sonder une partie de la vérité.

Section 15 : Quantification des résultats

La question posée était : « Etes-vous pour ou contre les unions entre Malgaches et étrangers ?

Pourquoi ? ».

Tableau quantitatif des réponses

Sexe le l’enquêté Réponse POUR Réponse CONTRE

Masculin 9 16

Féminin 15 10

Total 24 26

Source : Enquêtes personnelles, 2013.

Les opinions défavorables à l’encontre des unions malgacho-étrangers dépassent de peu les

opinions favorables. Par contre, les femmes affichent une inclination à la mixité conjugale par

opposition à la majorité des hommes.

Section 16 : Typologie des justifications

A la question « pourquoi ? », chacun avait donné son avis personnel qu’il soit pour ou contre.

Afin de mieux représenter ces opinions, nous avons fait appel à la typologie où les réponses

plus ou moins similaires sont regroupées dans une même catégorie.

A- Typologie des justifications pour la réponse « pour » :

Les divers arguments avancés par les enquêtés pour justifier leur choix ont été classés

dans les trois catégories suivantes :

- une fascination pour les « Vazaha » qu’ils associent à des qualités telles que la

beauté, l’intelligence, la politesse, la richesse, la galanterie...

Page 40: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

32

- l’opportunité de vivre des expériences enrichissantes comme les voyages, l’amitié

avec les étrangers, l’initiation à la culture étrangère…

- l’ascension sociale : « Rehefa mahazaka Vazaha dia tsy manana olana ara-bola

intsony » (traduction : en se mettant en couple avec un « Vazaha », l’argent n’est

plus un problème), tels étaient les propos d’une des participantes du sondage.

Source : Enquêtes personnelles.

D’après ce graphique, c’est la fascination pour les étrangers qui tient la première place

parmi les justifications de l’attitude favorable aux unions malgacho-étrangers.

B- Typologie des justifications pour la réponse « contre » :

Les divers arguments avancés par les enquêtés pour justifier leur réserve à l’égard des

unions mixtes ont été également classés dans les catégories suivantes :

- l’incompatibilité des cultures : « Tsy hitovy mihitsy izany Gasy sy Vazaha izany !»

(traduction : Malgaches et étrangers ne sont pas pareils et ne le seront jamais), a

déclaré un jeune homme.

- un risque de perte de l’identité malgache,

- une entrave aux valeurs malgaches,

- des unions sans amour mais seulement motivées par l’intérêt.

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%

Ascension sociale

Occasion de vivre une expérience enrichissante (voyages, initiation à la culture

étrangère, avoir des amis étrangers…)

Fascination pour les "Vazaha" (beaux, riches, polis, intelligents…)

Les justifications de l'attitude favorable aux unions mixtes

Page 41: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

33

Source : Enquêtes personnelles.

D’après ce graphique, nous pouvons déduire que beaucoup pensent que les mariages

entre Français et Malgaches, par exemple, sont uniquement motivés par l’argent. Les

Malgaches feraient tout pour les appâter afin d’assurer une bonne fois pour toutes leur

avenir. Par ailleurs, une partie des enquêtés craignent la perte de l’identité malgache

d’autant plus qu’une autre partie d’entre eux ont affirmé que la culture malgache n’est

pas compatible avec d’autres cultures.

En définitive, le caractère ambivalent de la mixité conjugale à Antananarivo

découle des conceptions opposées dont elle fait l’objet. Pour certains, elle est vue comme une

aubaine mais pour d’autres, elle se traduit par l’abandon de l’identité malgache au profit de la

sécurité matérielle.

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45%

Incompatibilité des cultures

Contraire aux valeurs malgaches

Union sans amour mais seulement par intérêt

Risque de perte de l'identité malgache

Les raisons pour s'opposer aux couples mixtes

Page 42: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

34

Chapitre 5 : Les étapes cruciales de la mixité conjugale

Tous les couples vivent des périodes de crises et d’incertitude. Chez les

couples mixtes, les crises se font sentir à chaque étape décisive de la vie conjugale, à savoir

les premiers moments de la relation, la présentation aux familles respectives, l’officialisation

de l’union, les premières années de cohabitation et enfin, l’arrivée du premier enfant. La

durabilité des relations va alors dépendre de la manière dont les conjoints vont gérer ces

troubles liés aux différences individuelles et culturelles. Le récit d’expérience nous a permis

de prendre connaissance de l’évolution des rapports et des sentiments. Dans ce chapitre, nous

allons survoler les cinq étapes cruciales énumérées ci-dessus mais à titre de préalable, il

convient de présenter un tableau synoptique des interviewés.

Tableau synoptique des interviewés

N° Pseudonyme Nationalité Nombre

d’enfants

Profession Durée de la

cohabitation

Statut civil

1

Christian Français 01 Gérant d’une

société

17 ans Mariés

Mirana Malgache Femme au

foyer

2 Didier Français 02 Enseignant 29 ans Mariés

Arlette Malgache Femme au

foyer

3 Zo Malgache Aucun Photographe 3 ans Non mariés

Claire Française Consultante

4 Tovo Malgache 04 Avocat 21 ans Mariés

Maya Indienne Propriétaire

d’un magasin

5 Auria Malgache Aucun Employé 26 ans Récemment

mariés Marie Chinoise Propriétaire

d’un

restaurant

Page 43: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

35

6 Léon Mauricien 01 Directeur 4 ans Divorcés

Noro Malgache Femme au

foyer

7 Dan

Chinois 02 Propriétaire

d’un magasin

23 ans Mariés

Carine Malgache Magasinière

8 Philippe Français Aucun Gérant d’une

agence

3 ans Mariés

Fenitra Malgache Coiffeuse

9 Dario Italien 02 Transporteur 16 ans Mariés

Gladys Malgache Employée

10 Rija Malgache Aucun Musicien 4 ans Non mariés

Suri Japonaise Comptable

11 Arnaud Français 03 Directeur 24 ans Mariés

Olivia Malgache Femme au

foyer

12 Stéphane Français Un bébé

en cours

Enseignant 4 ans Mariés

Meva Malgache Employée de

bureau

13 Sylvain Malgache 01 Commercial 6 ans Mariés

Raïssa Comorienne Femme au

foyer

14 Raj Indien Aucun Travaillent

ensemble

3 ans Non mariés

Sarah Malgache

15 Naivo Malgache 02 Libérale 7 ans Mariés

Amandine Française Gérante

16 Guillaume Français Aucun Garagiste 04 ans Non mariés

Haingotiana Malgache Journaliste

17 Lee Chinois 03 Magasinier 21 ans Mariés

Elisa Malgache Femme au

foyer

Page 44: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

36

18 Prashant Mauricien Aucun Entrepreneur 8 ans Non mariés

Irina Malgache Employée

19 Lova Malgache 02 Directeur 16 ans Mariés

Krishna Indienne Femme au

foyer

20 Thierry Français Aucun Restaurateur 6 ans En instance

de divorce Nathalie Malgache Mannequin

Source : Enquêtes personnelles.

Nationalités des étrangers :

Les étrangers que nous avons interviewés ont huit nationalités différentes : neuf Français(es),

trois Indiens(es), trois Chinois(es), un Italien, deux Mauriciens, une Comorienne et une

Japonaise. Il convient de noter que nous avons fait abstraction de l’éventuelle possession

d’une seconde nationalité.

Situation matrimoniale :

Comme il est mentionné plus haut, treize couples sur dix-huit sont mariés et cinq vivent en

concubinage. En outre, deux femmes malgaches, l’une divorcée et l’autre en instance de

divorce, ont bien voulu nous partager leurs expériences. En effet, il est également important

d’avoir les points de vue des personnes qui ont connu un échec.

Durée de la cohabitation :

Qu’ils soient mariés ou non, il faut que les couples aient cohabité suffisamment longtemps

pour que les dynamiques interactionnelles soient palpables. La durée minimale de

cohabitation a donc été fixée à trois ans.

Milieux socioéconomiques et professionnels :

En regardant le statut professionnel des trente-huit personnes inscrites sur le tableau, on

constate que neuf d’entre elles ont monté leurs propres affaires, sept évoluent dans la

profession libérale, six sont des cadres dirigeants, deux enseignent dans un lycée francophone,

six sont des employés de bureau et sept femmes s’occupent de leur foyer par choix. La plupart

de ces couples vivent dans des conditions socioéconomiques moyennes, voire aisées.

Page 45: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

37

Section 17 : Les premiers moments de la relation

Les premiers moments de la relation, amorcés par la rencontre amoureuse, conduisent les

acteurs à se découvrir mutuellement dans leurs manières d’être, d’agir et de penser. C’est

l’étape à travers laquelle naissent les premières impressions et surgissent les premiers chocs

de cultures.

A- La rencontre amoureuse :

Quatorze rencontres sur vingt se sont produites à Antananarivo, trois se sont passées

dans les provinces et trois autres dans le pays d’origine du conjoint étranger.

La plupart des rencontres se sont faites professionnellement. A force de se voir,

l’intérêt mutuel finit par prendre de l’ampleur.

Arlette : A ce moment-là, je travaillais à l’accueil d’une banque. Voir des clients

étrangers n’était donc plus nouveau pour moi. Mais Didier, il était différent… Il

me demandait comment j’allais et tout et tout… J’étais plutôt sympa comme

femme alors le courant est vite passé entre nous. Lorsqu’il est revenu plus tard

pour m’inviter à déjeuner, mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. C’était

presque irréel. (Arlette, Malgache, et Didier, Français, mariés, 29 ans de

cohabitation, 2 enfants).

Noro : On travaillait dans la même boîte… Je me souviens bien, tout le monde

jasait sur nous mais on s’en fichait pas mal. La sympathie s’est transformée en

amitié, puis en grande affinité. (Noro, Malgache, et Léon, Mauricien, divorcés, 4

ans de cohabitation, 1 enfant).

Certaines rencontres se sont produites de manière fortuite. Dans ce cas, le

rapprochement s’est fait spontanément grâce à l’attraction réciproque. C’est la

fascination pour l’Autre, l’étranger ou l’altérité culturelle qui dicte, en premier lieu, les

comportements.

Dario : Les femmes exotiques m’ont toujours plu alors quand j’ai vu Gladys, ce

fut le coup de foudre. Elle a accepté de prendre un verre avec moi et depuis, on

est toujours ensemble.

Page 46: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

38

Gladys : Le fait qu’il soit d’origine étrangère a beaucoup joué… Ca m’a rendue

fière qu’il m’ait remarquée, moi, plutôt qu’une autre. (Dario, Italien, et Gladys,

Malgache, mariés, 16 ans de cohabitation, 2 enfants).

D’autres rencontres ont été décidées d’un commun accord après de longues

conversations via Internet. Etant donné que le travail accapare la majorité du temps,

Internet est devenu un moyen courant pour trouver l’« âme sœur». 9 sur les 20 couples

se sont formés de cette manière.

Guillaume : J’étais venu exprès à Tana pour rencontrer Haingotiana. (Guillaume,

Français, et Haingotiana, Malgache, en concubinage, 4 ans de cohabitation).

B- Les premiers chocs culturels :

Les chocs culinaires demeurent les plus flagrants dans les premiers moments des

relations mixtes.

Sarah : Pour me faire découvrir sa culture, il m’a emmenée dans un restaurant

indien. C’était un plat d’agneau bhuna ; déjà l’odeur ne me disait rien mais

quand je l’ai goûté, c’était tellement épicé comme pas possible ! Je ne doutais pas

des bonnes intentions de Raj mais ca a été quand même une torture à mes

papilles. (Sarah, Malgache, et Raj, Indien, en concubinage, 3 ans de cohabitation).

Christian : Lorsque j’ai fait la connaissance de Mirana, je venais d’arriver à

Mada. Je ne connaissais presque rien du pays et c’est elle qui m’a fait découvrir

pas mal de choses. Le "ravitoto" au coco en faisait partie… Je n’ai pas apprécié

du tout. (Christian, Français, et Mirana, Malgache, mariés, 17 ans de cohabitation,

1 enfant).

En outre, la maitrise d’une langue ne consiste pas seulement à connaitre le vocabulaire

et la syntaxe, elle implique aussi une compréhension de la culture qu’elle véhicule et

du mode de pensée qui la caractérise. Parler la même langue ne suffit donc pas ;

parfois les mots ne veulent pas dire la même chose pour les deux parties. Par exemple,

la propension des Français à l’ironie désoriente quelque fois leurs partenaires.

Page 47: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

39

Fenitra : Je me souviens de notre premier rendez-vous. J’étais super en retard. A

mon arrivée, je m’attendais à des reproches genre "tu as mis du temps !" mais ce

qu’il m’a dit m’avait un peu étonnée "dis donc, t’es à l’avance !" avec un sourire

en coin. Je ne savais quoi répondre. Plus tard, j’ai compris que c’était de l’ironie.

J’ai pris du temps à m’habituer mais maintenant, j’en fais presque plus que lui

(rires). (Fenitra, Malgache, et Philippe, Français, mariés, 3 ans de cohabitation).

Section 18 : La présentation aux familles respectives

La décision de s’engager dans une expérience de mixité implique une rencontre avec la

famille du compagnon ou de la compagne. Cette situation rend nerveux les membres des

familles proches parce qu’elle implique pour eux une rencontre avec une personne totalement

étrangère. Si la mixité est un choix pour les couples, elle s’impose aux familles proches qui

n’ont pas toujours ce même emballement à l’égard de l’étranger. Il va sans dire que les

stéréotypes et les préjugés contribuent largement à nourrir les réticences. Les réactions

relatées chez les membres des familles malgaches témoignent précisément de l’existence de

ces stéréotypes.

Didier : J’ai été bien accueilli par ma belle-mère. Etant donné que nous vivions en

concubinage, elle nous a sermonnés qu’il fallait régulariser notre situation en se

mariant à la mairie et à l’église. Quelques semaines plus tard, elle nous a amenés

chez une sorte de devin qui devait indiquer le jour faste pour notre mariage. Ca

m’a fait terriblement peur mais au moins ca prouve qu’elle m’appréciait déjà

beaucoup. (Didier, Français, et Arlette, Malgache, mariés, 29 ans de cohabitation,

2 enfants).

Amandine : La famille de Naivo a été très cool avec moi. Des fois, j’avais droit à

des regards inquisiteurs mais c’était normal puisque j’étais la seule brune aux

yeux verts dans la maison (rires). C’étaient des gens sympas et ils étaient aux

petits soins pour moi. Je me suis tellement régalée au dîner ! (Amandine,

Française, et Naivo, Malgache, mariés, 7 ans de cohabitation, 2 enfants).

Dario : Le père de Gladys parlait très peu mais la mère, par contre, n’arrêtait pas

de me poser des questions et d’émettre des "ah !" à chacune de mes réponses.

Page 48: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

40

C’était marrant, j’ai passé un excellent moment. (Dario, Italien, et Gladys, mariés,

16 ans de cohabitation, 2 enfants).

Raïssa : La réaction de ma belle-famille ? Ils étaient aussi froids que de la glace.

Je crois que Sylvain a fait la bêtise de ne pas parler de moi plus tôt. On m’a

laissée seule dans le salon mais j’ai quand même entendu leurs disputes derrière

sur ma provenance et ma religion. J’ai du rassembler tous mes efforts pour ne pas

prendre mes jambes à mon cou. Je me sentais tellement rabaissée. Même

aujourd’hui, les choses ont peu évolué. Seul l’amour que j’éprouve pour Sylvain

et notre fils m’aide à garder le moral. (Raïssa, Comorienne, et Sylvain,

Malgache, mariés, 6 ans de cohabitation, 1 enfant).

Marie : On ne m’a pas aimée. Les sœurs d’Auria n’ont pas caché qu’elles

auraient voulu quelqu’un d’autre pour lui. Maintenant, lors des fêtes familiales,

c’est à peine si on s’adresse la parole. (Marie, Chinoise, et Auria, Malgache,

récemment mariés, 26 ans de cohabitation).

A partir de ces différents récits, nous pouvons dire que les réactions d’ouverture ou de

fermeture dépendent grandement de la provenance de la personne étrangère. Les

Européens(es) ont fait l’objet d’un accueil chaleureux bien que mêlé à de la curiosité, tandis

que les représentants de l’altérité culturelle d’origine non occidentale ont subi la méfiance, la

froideur, voire le rejet. L’étendue de ces réactions s’explique par le rôle déterminant des

stéréotypes propres à la société malgache : la survalorisation des Blancs européens et le

dénigrement des non-Européens (les Chinois, les Comoriens, Les Indiens…).

Parallèlement, douze Malgaches sur vingt ont été présentés aux familles de leurs partenaires.

Du côté des familles étrangères, il n’y a pas eu d’altercation comme pour le cas de

Sylvain lorsqu’il a présenté une Comorienne musulmane. Nous pouvons supposer que ces

familles sont plus tolérantes et se sont plus ou moins débarrassées du racisme.

Nathalie : S’ils désapprouvaient notre relation, ils ont bien su le cacher en tout

cas. C’étaient des gens très courtois avec le sourire toujours aux lèvres. Quand

j’ai demandé à mon mari ce qu’il en pensait, il a juste dit qu’on s’en était bien

Page 49: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

41

sortis. (Nathalie, Malgache, et Thierry, Français, en instance de divorce, 6 ans de

cohabitation).

Tovo : Je n’ai eu aucun problème avec ma belle-famille. Cela venait peut-être du

fait que ma défunte grand-mère était métisse indienne. Mais de toute façon, ils

n’étaient pas du genre à éviter de se mélanger avec les autres comme le dicte la

loi des castes. De plus, ils se sont bien intégrés à Madagascar. Etant des

musulmans, leur unique condition était que je me convertisse à l’Islam pour

pouvoir épouser Maya. (Tovo, Malgache, et Maya, Indienne, mariés, 21 ans de

cohabitation, 4 enfants).

Zo : J’ai rencontré les parents de Claire lorsqu’on était allés à Lyon pour les

vacs. Je ne sais pas pourquoi mais ils m’ont adoré ! (rires). (Zo, Malgache, et

Claire, Française, en concubinage, 3 ans de cohabitation).

Elisa : La famille de Lee nous a accordé sa bénédiction. La seule chose qui m’a

réellement dérangée à ce moment-là c’était qu’ils n’arrêtaient pas de causer en

mandarin alors qu’ils parlaient assez bien le malgache. Comme si je n’existais

pas. (Elisa, Malgache, et Lee, Chinois, mariés, 21 ans de cohabitation, 3 enfants).

Section 19 : L’officialisation de l’union

Quinze couples sur les vingt participants de cette recherche se sont mariés à l’état civil. Les

procédures administratives pour faire un mariage civil mixte prennent certes du temps mais ne

sont pas compliquées en soi.

Deux cas ont tout de même retenu notre attention :

- l’union d’un Malgache non-musulman avec une Indienne musulmane et,

- l’union d’un Malgache non-musulman avec une Comorienne musulmane.

Selon la loi islamique, le mariage d’un non-musulman avec une musulmane est interdit. Il faut

que celui- là se convertisse tout d’abord. Il doit avoir préalablement signé un acte de

conversion à l’Islam.

Ce projet de mariage impose un tournant dans la vie des acteurs et exige qu’ils perdent une

partie de soi comme le montrent les extraits d’entretien suivants :

Page 50: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

42

Tovo : Au début, je croyais que c’était une blague mais les parents de Maya

m’ont regardé très sérieusement. La religion islamique je ne la connaissais pas

tellement alors… Après mûre réflexion, j’ai fini par accepter de me convertir. De

toute façon, ce n’était qu’une formalité. J’ai fait uniquement cela par amour.

Dans ma vraie vie, aucune religion ne m’importe vraiment et les interdits ne me

concernent pas. Du coup, quand je suis invité quelque part sans ma femme, j’en

profite pour consommer du porc. Mes enfants comme mon épouse sont très

pratiquants, ils se rendent tous les vendredis au mosquée. Je respecte leur

conviction. (Tovo, Malgache, et Maya, Indienne, mariés, 21 ans de cohabitation, 4

enfants).

Sylvain : En fervents chrétiens, mes parents étaient scandalisés. Ils ont essayé de

me convaincre par tous les moyens de ne pas commettre une telle erreur. Moi-

même je n’étais pas très sûr. C’était comme si j’allais trahir quelque chose en

moi. Ca m’a même fait déprimer pendant un temps. Ensuite, j’ai compris que

l’Islam est une religion comme une autre ; malgré certaines bizarreries, elle

exhorte à faire le bien et à se montrer charitable envers autrui. Je me suis résigné

à cette idée alors j’ai fermé les yeux en signant l’acte de conversion. (Sylvain,

Malgache, et Raïssa, Comorienne, mariés, 6 ans de cohabitation, 1 enfant).

Parfois, le mariage mixte exprime une volonté de distanciation par rapport à la communauté

d’origine. Pour l’étranger, le fait de vivre hors de sa patrie constitue déjà un éloignement

puisqu’il a du échanger ses anciens repères contre de nouveaux afin de mieux s’adapter. Pour

le Malgache, la distanciation se manifeste par un délaissement, temporaire ou permanent, des

« affiliations héritées » au profit des « références choisies » (Collet et Santelli, 2012). Ceci

pourrait découler d’une piètre opinion de ce qui est malgache à la suite d’une déception ou

simplement d’une envie de changer de mode de vie. De plus, ayant été mal vus et jugés par

leur entourage, les couples mixtes ont décidé de se marier afin de renforcer leur union et se

constituer un refuge. Les cérémonies de mariage n’ont alors compté que les familles proches

et les témoins.

Arlette : Les gens ont vraiment dit n’importe quoi sur ma relation avec Didier,

genre je n’étais que la maîtresse d’un Vazaha. Du coup, je me suis mariée dans

une discrétion totale. Seuls ma mère, mes frères et quelques amis ont été présents

Page 51: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

43

à la cérémonie. Aujourd’hui je n’ai que très peu de contacts et c’est mieux ainsi.

(Arlette, Malgache, et Didier, Français, mariés, 29 ans de cohabitation, 2 enfants).

Raïssa : Ma vie au côté de mon mari m’a permis de tout reprendre à zéro. Même

si je ne parle plus souvent à ma famille et que ma belle-famille ne m’aime pas, je

me sens épanouie, plus ouverte… Nous sommes très bien dans notre petit cocon.

(Raïssa, Comorienne, et Sylvain, Malgache, mariés, 6 ans de cohabitation, 1

enfant).

Naivo : Je ne participe plus aux trucs de famadihana. (Naivo, Malgache, et

Amandine, Française, mariés, 7 ans de cohabitation, 2 enfants).

Section 20 : Les premières années de cohabitation

La cohabitation dans ses premières années constitue une mise à l’épreuve de la solidité du

couple mixte. C’est là que les deux cultures s’entrechoquent de manière pesante. L’issue de

cette confrontation culturelle va alors dépendre de la façon dont les individus vont s’adapter et

établir un consensus. Le couple mixte doit relever deux défis majeurs : gérer les différences

individuelles qui se perçoivent dans toute relation de couple, et gérer les différences

culturelles. Dans cette nouvelle section, nous continuerons de retranscrire les propos des

interviewés qui sont susceptibles d’illustrer nos allégations.

D’une part, le discours de Noro montre que le couple mixte est avant tout un couple comme

un autre. Au premier degré, les différences individuelles aiguisées par un manque total de

conscience de l’Autre peuvent, à la longue, dégénérer en divorce. Chacun veut se prévaloir de

sa personnalité.

Noro : L’échec des mariages mixtes n’est pas toujours causé par des différences

culturelles flagrantes. Les petits détails de la vie quotidienne peuvent aussi être

source de grandes disputes. Chacun a sa propre manière de cuire tel plat, de

laver le chien, d’arranger le jardin, etc. Ces détails a priori insignifiants peuvent

causer des engueulades incessantes amenant les conjoints à ne plus se supporter.

C’est ainsi que j’explique la raison de notre divorce. On n’a pas su régler les

Page 52: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

44

choses dans le bon sens. (Noro, Malgache, et Léon, Mauricien, divorcés, 4 ans de

cohabitation, 1 enfant).

D’autre part, Carine et Elisa déplorent principalement l’impassibilité et le manque de chaleur

de leurs conjoints chinois, contrairement aux manières d’être des Malgaches. Au second

degré, les différences culturelles flagrantes, liées à la mixité conjugale, peuvent donc générer

des moments de crises.

Carine : Ce n’est qu’après deux ans de mariage que j’ai fini par m’habituer aux

manières d’être de Dan. Quand un problème survenait, j’avais tendance à

m’alarmer et à me plaindre auprès de lui, mais il restait de marbre. Comme si ce

que je ressentais ne l’affectait guère. Les marques de politesse ne comptent pas

non plus pour lui. Il évite de dire bonjour le matin et ne me remercie pas pour des

choses auxquelles on devrait éprouver de la gratitude. Tout ca m’a paru très

étrange, ses longs silences et son impassibilité m’ont complètement déstabilisée

au départ. (Carine, Malgache, et Dan, Chinois, mariés, 23 ans de cohabitation, 2

enfants).

Elisa : Lee est un véritable couche-tôt. Presque tous les soirs, il se met au lit à

vingt heures tapantes et impossible de le dissuader de dormir. Du coup, je mate

souvent des films en solo. Les matins, il est toujours le premier à se lever et à

partir. Il y a longtemps, j’étais très frustrée par cette situation. Maintenant avec

mes enfants, je me sens moins seule. (Elisa, Malgache, Lee, Chinois, mariés, 21

ans de cohabitation, 3 enfants).

Dans d’autres cas, la différence se situe au niveau de l’implication du conjoint dans la vie

domestique. La différence culturelle relèverait plutôt d’une différenciation des rapports

sociaux de sexe.

Claire : Il est très investi dans son travail. Il fait beaucoup d’heures sup’. Et

pendant son temps libre, il sort avec ses potes. Je me tape tout à la

maison (lessive, repassage, cuisine, vaisselle) alors que moi aussi j’ai mon

boulot ! Il a encore cette conception traditionnelle de la femme au foyer qui n’est

Page 53: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

45

jamais fatiguée. Je me demande ce qu’on sera lorsqu’on aura des enfants. (Claire,

Française, et Zo, Malgache, non mariés, 3 ans de cohabitation).

Toutefois, force nous est de noter que certains couples de l’étude ne ressentent pas de

différence culturelle majeure entre eux. Chez quelques-uns, le mode de vie est similaire, la

confession religieuse est partagée ou bien la pratique religieuse est absente, les manières de

penser se rejoignent... Cependant, un fait demeure : ces couples se sont installés à

Antananarivo, un contexte étranger à l’un des partenaires, lequel s’est trouvé dans l’obligation

de se constituer de nouveaux repères afin de s’adapter à l’environnement (climatique,

administratif, conception du temps…).

Christian : Par exemple, ici c’est pas comme en France, les gens conduisent

n’importe comment… Sans parler des bouchons ! Mais puisque je vis

pratiquement ici, je m’en suis habitué depuis bien longtemps. (Christian, Français,

et Mirana, Malgache, mariés, 17 ans, 1 enfant).

Didier : C’est toujours ma femme qui s’occupe des paiements de facture et des

paperasseries de tout genre car je n’en ai vraiment pas la patience ! (Didier,

Français, Arlette, Malgache, mariés, 29 ans de cohabitation, 2 enfants).

Haingotiana : Quand Guillaume est venu ici pour la première fois, je me rappelle

bien son étonnement à la vue des petites maisons en terre. Il m’avait alors

demandé "C’est une maison ? Et ca, c’est aussi une maison ?". (Haingotiana,

Malgache, et Guillaume, Français, en concubinage, 4 ans de cohabitation).

Section 21 : L’arrivée du premier enfant

La venue du premier enfant est une nouvelle étape décisive qui trouble les arrangements et le

consensus déjà établis par les acteurs lorsqu’ils n’étaient que deux. Elle oblige les conjoints à

renégocier et à faire des compromis en ce qui concerne les manières d’éduquer ainsi que sur

les référents culturels à transmettre. Cette situation donne souvent lieu à des rapports de force

entre les partenaires mais également entre les familles respectives. Les négociations vont

porter sur plusieurs détails tels que le choix du prénom, la forme d’éducation, la transmission

Page 54: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

46

d’une religion, la sélection d’une langue de communication, le choix de l’école, la

circoncision…

Une partie des couples ont opté pour la non-intervention, c’est-à-dire qu’ils se sont contentés

de faire découvrir à leurs enfants la richesse des cultures en présence mais ont laissé la liberté

à ceux-ci de s’approprier celles qui les définissent le mieux.

Christian : Notre fille a un prénom malgache et un prénom français. Pour sa

construction personnelle, nous ne lui mettons aucune pression : il lui appartient

de choisir librement dans quel camp elle veut être. Nous nous efforçons juste de

lui faire connaître les deux cultures à la fois. Elle parle le malgache, le français et

l’anglais et elle se lie d’amitié avec des Malgaches et des Français en même

temps.

Question : Dans quelle école elle va ?

Christian : C’est elle-même qui a demandé à ce qu’on l’inscrive au Collège de

France. (Christian, Français, et Mirana, Malgache, mariés, 17 ans de cohabitation,

1 enfant).

Dan : Ils sont plutôt malgaches. Ils parlent couramment la langue et se sont faits

beaucoup d’amis malgaches. Ils vont prier à l’église catholique avec leur mère.

Cependant, je leur ai bien fait connaitre la civilisation chinoise. (Dan, Chinois, et

Carine, mariés, 23 ans de cohabitation, 2 enfants).

2/3 des couples franco-malgaches ont décidé d’un commun accord que l’immersion dans la

culture française est bien plus avantageuse pour leurs enfants.

Arlette : D’un commun accord, nous avons donné une éducation française à nos

deux enfants. Ca ne m’a posé aucun souci. Ils parlent surtout le français mais ils

connaissent quand même un peu le malgache. On leur a appris le savoir-vivre. Ils

ont toujours étudié dans des écoles françaises. Actuellement, l’une vit à Nice et

l’autre enseigne au Lycée français de Tana.

Question : Avez-vous fait circoncire votre fils ?

Arlette : Non, Didier n’a pas voulu. (Arlette, Malgache, et Didier, Français,

mariés, 29 ans de cohabitation, 2 enfants).

Page 55: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

47

Dario : Nos deux filles s’appellent Alexandra et Samantha. Elles parlent le

français et un peu l’italien. Nous les emmenons régulièrement en Italie pour

qu’elles connaissent bien leur autre pays. Là-bas, elles raffolent des spaghettis et

des vraies pizzas italiennes. A Tana, elles suivent la religion catholique et vont

dans un collège français. (Dario, Italien, et Gladys, Malgache, mariés, 16 ans de

cohabitation, 2 enfants).

Certains couples ont mis en valeur la multiplicité des référents culturels afin de transmettre un

héritage pluraliste à leurs enfants (Meintel, 2002).

Tovo : Nos enfants ont eu droit à une éducation composite. Ils parlent en même

temps le français, le malgache, l’anglais et le hindi. Ils apprécient aussi bien la

cuisine indienne que la bouffe rapide. Ils ont tous la nationalité malgache. Côté

religion, ils sont très fidèles à l’Islam.

Question : Dans quelles écoles vont-ils ?

Tovo : Les aînés sont tous allés dans des écoles françaises mais le benjamin est

actuellement inscrit dans une école catholique. (Tovo, Malgache, et Maya,

Indienne, mariés, 21 ans de cohabitation, 4 enfants).

Enfin, d’autres couples se lancent encore dans des affrontements afin d’asseoir une forme

idéale de l’éducation. Dans le cas suivant, nous avons assisté à un véritable débat sur la forme

d’éducation idéale.

Meva : Nous discutons souvent de la manière dont on va élever notre enfant. Moi,

je suis pour l’éducation traditionnelle mais lui, pour l’éducation libérale. Je tiens

vraiment à ce que mon enfant respecte les adultes et ne tende pas à discuter de ce

qu’on lui demande de faire. Stéphane dit que ce n’est plus d’usage et qu’il faut

laisser l’enfant dialoguer avec les parents. Une fois, j’ai vu un film français dans

lequel la fille a osé gifler sa mère ! Je ne tolèrerai jamais que mon enfant me

fasse ca !

Stéphane : L’éducation libérale ne signifie pas que je vais laisser mon enfant me

manquer de respect. Le but est seulement de l’inciter à donner son avis sur

chaque chose et puis c’est tout ! Ca fait partie du développement personnel.

Page 56: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

48

Meva : Un enfant reste un enfant. Ses parents sont les mieux indiqués pour

connaitre ce qui est bien pour lui, il n’a pas à en discuter. (Meva, Malgache, et

Stéphane, Français, mariés, 4 ans de cohabitation, un bébé en cours).

En conclusion à ce chapitre, il importe de rappeler que la particularité des

couples mixtes réside dans le fait qu’ils doivent perpétuellement gérer des différences

culturelles en plus des différences individuelles inhérentes au genre, à l’éducation, à la

personnalité, etc. L’expérience de mixité requiert d’eux des compromis, des négociations et

des concessions. Les couples mixtes font également l’objet de préjugés et d’étiquetage plus ou

moins péjoratifs de la part du milieu environnant. De plus, ils sont victimes des réactions

imprévisibles des familles proches lors de la l’annonce de leurs relations amoureuses. En bref,

nous avons vu que la mixité conjugale est réellement porteuse de défis pour les acteurs

concernés ; dans le chapitre suivant, nous allons l’aborder dans ses aspects positifs.

Page 57: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

49

Chapitre 6 : Le versant positif de la mixité conjugale

Au-delà des difficultés auxquelles elle confronte les acteurs sociaux,

l’expérience de mixité s’avère extrêmement enrichissante. A ce propos, la mise en relief des

aspects positifs de la mixité conjugale constitue désormais la tendance des perspectives

théoriques récentes. Dans ce nouveau chapitre, nous verrons en quoi la mixité conjugale est-

elle source d’enrichissement pour ceux qui l’expérimentent. En premier lieu, nous rendrons

compte des nouvelles dispositions acquises par les individus. Ensuite, nous nous intéresserons

au processus d’enrichissement par la différence. Et en dernier lieu, nous décrirons les

différentes configurations culturelles que permet la mixité.

Section 22 : Les nouvelles dispositions acquises par les individus

Précisément par les défis qu’elle lance, la mixité conjugale suscite des attitudes et des

aptitudes particulières chez les individus au fur et à mesure qu’ils s’impliquent dans la

relation. En effet, l’une des caractéristiques propres aux couples mixtes réside dans leur

capacité à créer un espace vivable, consensuel, harmonieux, optimal et singulier.

A- Du côté des attitudes :

L’expérience de mixité incite les deux conjoints à faire preuve d’ouverture,

d’acceptation, de tolérance et de flexibilité face aux barrières culturelles et

linguistiques qui peuvent se dresser entre eux.

1- L’ouverture :

L’ouverture constitue un pas vers la tolérance. Elle repose sur la reconnaissance

d’une égalité absolue entre toutes les cultures.

Prashant : Je pense que chaque culture a une bonne raison d’exister. Il n’y a pas

lieu de dire que telle culture est retardée par rapport à telle autre. (Prashant,

Mauricien, et Irina, Malgache, non mariés, 8 ans de cohabitation).

Page 58: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

50

Dario : Dans ma vie j’ai beaucoup voyagé et je peux dire qu’on peut apprendre

beaucoup des autres. Il y a une sagesse derrière chaque culture. (Dario, Italien, et

Gladys, Malgache, mariés, 16 ans de cohabitation, 2 enfants).

2- L’acceptation :

L’acceptation est une disposition de l’esprit qui accepte et surtout respecte la

différence de l’Autre.

Christian : La clé d’une relation saine c’est l’acceptation mutuelle. (Christian,

Français, et Mirana, Malgache, mariés, 17 ans de cohabitation, 1 enfant).

3- La tolérance :

La tolérance implique le respect des convictions religieuses et des opinions

politiques des autres sans chercher à se prévaloir de ses propres idées.

Didier : Ma femme se rend régulièrement à l’église et bien que je ne

l’accompagne jamais, je respecte ses convictions. Elle organise aussi une cellule

de prière tous les dimanches à la maison mais ca ne me dérange pas non plus.

(Didier, Français, et Arlette, Malgache, 29 ans de cohabitation, 2 enfants).

4- La flexibilité :

La flexibilité consiste à être en mesure de se plier à des contraintes d’ajustement

lorsque les circonstances l’exigent.

Sarah : J’accepte volontiers de porter un sari à chaque fois que Raj me le

demande. C’est même un honneur pour moi d’en porter à des évènements

auxquels il peut m’emmener. (Sarah, Malgache, et Raj, Indien, non mariés, 3 ans

de cohabitation).

Nathalie : On échoue forcément lorsqu’on n’est pas suffisamment souple.

(Nathalie, Malgache, et Thierry, Français, en instance de d ivorce, 6 ans de

cohabitation).

Page 59: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

51

B- Du côté des aptitudes :

De même, le fait d’avoir à composer avec des différences culturelles oblige les acteurs

sociaux à développer des stratégies et des aptitudes en vue d’une optimalisation du

quotidien. Parmi ces facultés, mettons l’accent sur la créat ivité, la recherche du

consensus et la valorisation du dialogue.

1- La créativité :

La mixité conjugale conduit les acteurs sociaux à se montrer créatifs quant au

bricolage d’un mode de vie original en puisant dans un éventail de repères

culturels.

Gladys : On essaie d’introduire plusieurs cultures dans notre vie. Sur le plan

culinaire surtout, on ne se contente pas de nos spécialités respectives mais on

alterne les recettes mexicaine, chinoise, japonaise, et bien d’autres encore. C’est

notre façon à nous de dépasser nos différences culturelles. (Gladys, Malgache, et

Dario, Italien, mariés, 16 ans de cohabitation, 2 enfants).

2- La recherche du consensus :

Pour d’autres couples, la base de toute entente c’est la recherche permanente du

consensus. L’équilibre entre les cultures en présence doit être respecté pour qu’il

n’y ait pas de rapport dominant/dominé.

Suri : C’est simple, il suffit d’éviter de faire ce que l’autre n’aime pas.

Rija : Dès le départ, on s’est mis d’accord sur le fait de ne pratiquer aucune

religion.

Suri : J’ai donc abandonné les éléments des rites shintos qui m’ont été transmis

au Japon quand j’étais enfant. (Suri, Japonaise, et Rija, Malgache, non mariés, 4

ans de cohabitation).

Sarah : Nous avons une vie plutôt ordinaire… Rien ne nous différencie vraiment

des autres. Vu que je ne parle pas sa langue ni lui la mienne, le français est notre

langue de communication. Et puis généralement nous mangeons européen. C’est

Page 60: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

52

ce qui nous rapproche. (Sarah, Malgache, et Raj, Indien, non mariés, 3 ans de

cohabitation).

3- La valorisation du dialogue :

L’expérience de mixité incite également les individus à pr ivilégier le dialogue au

sein de leur couple. En effet, la communication interculturelle favorise la

transformation et la révision des préjugés par la réalité. Les crises, les

incompréhensions, les malentendus et les divergences générés par la différence

culturelle font que le dialogue demeure un facteur central dans la bonne marche

des relations mixtes. Pour Augustin Barbara (1993), l’effort de communication,

d’imagination et de tolérance est bien plus important chez les couples mixtes bien

qu’ils vivent les mêmes crises que les autres couples. Et pour Catherine Delcroix

(1993), ces couples ont donc un rôle de pionniers du dialogue et de la

confrontation des cultures.

Auria : Nous prenons souvent le temps de discuter des évènements qui se sont

passés afin de tirer les malentendus au clair. Nous faisons tout pour que les

choses ne soient pas compliquées. (Auria, Malgache, et Marie, Chinoise,

récemment mariés, 26 ans de cohabitation).

Haingotiana : Oui, on communique beaucoup… C’est essentiel car chacun a sa

propre vision des choses. (Haingotiana, Malgache, et Guillaume, Français, 4 ans

de cohabitation, non mariés).

Section 23 : L’enrichissement par la différence

A un moment donné des entretiens, la plupart des interviewés ont affirmé que le fait de vivre

avec une personne d’origine culturelle différente constitue un véritable enrichissement au sein

de leur foyer. En effet, l’expérience de mixité les ouvre sur un univers culturel plus vaste et

optionnel. Ils découvrent de nouvelles manières de raisonner, de concevoir le temps et la vie

en général. Dans une dynamique interculturelle, la découverte de l’Autre peut amener

l’individu à remettre en question ses propres schèmes culturels.

Page 61: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

53

Selon les circonstances, le mode de pensée systémique des Malgaches contribue à enrichir le

mode de pensée analytique des Européens.

Didier : Quand un problème grave se pose, ma femme me fait souvent part de

choses auxquelles je n’aurais jamais pensé. Elle m’aide beaucoup, moi j’ai

tendance à prendre des décisions du tac au tac mais elle, elle prend le temps de

considérer tous les recoins du problème. C’est tellement impressionnant ! (Didier,

Français, et Arlette, Malgache, mariés, 29 ans de cohabitation, 2 enfants).

L’enrichissement se manifeste également par l’acquisition de nouvelles habitudes

comportementales du fait de l’influence des manières d’être de l’Autre.

Elisa : Grâce à sa religion, mon mari garde son calme à tout moment. Je me suis

dit que ce serait bien si je le devenais aussi alors il m’a filé quelques conseils. En

fait, j’ai beaucoup appris de lui. (Elisa, Malgache, et Lee, Chinois, mariés, 21 ans

de cohabitation, 3 enfants.

Si la mixité est perçue comme un enrichissement mutuel pour le couple, elle est aussi vue

comme une source de richesse pour les enfants issus de ces unions.

Krishna : Nos enfants ont été élevés au contact de plusieurs cultures à la fois. Je

pense qu’ils peuvent s’adapter à beaucoup de situations. Ils ont beaucoup de

bagages culturels. A l’école, ils obtiennent d’excellentes notes et j’en suis fière.

Question : Dans quelle langue parlez-vous entre vous ?

Krishna : Le français quand le papa est là. Mais entre nous, c’est le hindi.

(Krishna, Indienne, et Lova, Malgache, mariés, 16 ans de cohabitation, 2 enfants).

Carine : Ils connaissent à la fois la tradition malgache et la tradition chinoise. Il

n’y a pas de plus grande richesse à mon avis. (Carine, Malgache, et Dan, Chinois,

mariés, 23 ans de cohabitation, 2 enfants).

Raissa : Notre enfant deviendra quelqu’un de tolérant. (Raïssa, Comorienne, et

Sylvain, Malgache, mariés, 6 ans de cohabitation, 1 enfant).

Page 62: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

54

Section 24 : Les différentes configurations culturelles

A chaque foyer mixte correspond une configuration culturelle spécifique. Les différe ntes

configurations culturelles, obtenues à partir des bricolages effectués par les acteurs sociaux,

ne sont pas seulement des juxtapositions hétérogènes de traits culturels mais au contraire,

elles ouvrent sur un tiers espace qui donne naissance à une réalité entièrement nouvelle :

« une culture conjugale unique » (Debroise, 1998 : 60). Cependant, les configurations

culturelles ne sont pas fixées une bonne fois pour toutes. Il peut toujours apparaitre de

nouveaux éléments qui bouscule et remettent en question ce qui a été construit (Cf. l’arrivée

du premier enfant dans le chapitre précédent). A partir de la reconstitution des récits

d’expérience, nous avons pu déceler quatre configurations culturelles : le mélange biculturel,

la mosaïque culturelle, la valorisation commune d’un schème culturel et la domination d’un

schème culturel.

A- Le mélange biculturel :

Les couples mixtes regroupés sous cette configuration manifestent une volonté

d’intégrer au sein du foyer des apports de leurs deux cultures. Ils savent tirer avantage

de ce qu’il y a de mieux dans les deux côtés. Le mélange obtenu est considéré comme

une richesse qu’il importe de conserver et de transmettre : les enfants issus de ces

unions bénéficient donc d’un héritage double. Par exemple, le mélange biculturel peut

se traduire par l’attribution d’un prénom indien et d’un prénom malgache à un enfant

issu d’une union malgacho- indienne.

Amandine et Naivo sont de toute évidence d’origine culturelle différente, toutefois

leur proximité socioprofessionnelle font d’eux un couple qui se construit dans le

partage d’une culture commune qui leur est propre. Ils élaborent progressivement un

espace de consensus en intégrant des apports de l’un et de l’autre.

Amandine : A quoi bon éduquer si on ne transmet pas nos deux richesses aux

enfants ? En fait nous nous assurons de leur transmettre ce qui est bien dans la

culture malgache et dans la culture française. (Amandine, Française, et Naivo,

Malgache, mariés, 7 ans de cohabitation, 2 enfants).

Page 63: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

55

Raya : Nos enfants se sentent malgaches et indiens. Ils sont plus ouverts. Ils

participent d’emblée aux deux cultures. (Raya, Indienne, et Tovo, Malgache,

mariés, 21 ans de cohabitation, 4 enfants).

B- La mosaïque culturelle :

Dans ce cas de figure, le mode de vie des couples mixtes met en présence des

références culturelles multiples. Cette configuration constitue un moyen de minimiser

les rapports de force entre les cultures des deux conjoints étant donné que plusieurs

cultures sont en interaction. Dans ces foyers, la décoration intérieure se présente

généralement comme un mélange hétéroclite de meubles "Zafimaniry" et européens,

de rideaux, de tableaux et de bibelots de tous les genres (iranien, chinois, malgache,

indien…).

Dario : Nous essayons d’introduire tout ce qui est culture des autres dans notre

famille… C’est une manière d’éduquer les enfants pour qu’elles connaissent le

respect et la tolérance. (Dario, Italien, et Gladys, Malgache, mariés, 16 ans de

cohabitation, 2 enfants).

C- La valorisation commune d’un schème culturel :

Quelques couples franco-malgaches ont choisi d’un commun accord de valoriser un

mode de vie à la française. Les références culturelles malgaches semblent alors être

pratiquement dissoutes. Il est effectivement fréquent de rencontrer à Antananarivo des

couples mixtes dont la configuration du quotidien s’est bricolée à partir d’une grande

majorité de traits de la culture occidentale. Plus rares sont les couples malgacho-

étrangers qui ont opté pour une configuration à dominance malgache. En bref, cette

configuration rompt définitivement avec la perspective assimilationniste selon laquelle

les mariages mixtes sont le résultat de l’assimilation réussie du groupe minoritaire

dans la société d’accueil.

D- La domination d’un schème culturel :

Il serait biaisé de dire que les rapports de domination sont absents chez certains

couples mixtes. A degré moindre ou élevé, il existe toujours un rapport

dominant/dominé. Les deux partenaires ne participent pas de façon égale à

l’élaboration d’un espace de consensus. Mais il arrive que l’un impose totalement son

Page 64: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

56

schème culturel, laissant dans l’ombre celui de son conjoint. Dans ce cas, la

prédominance d’un modèle culturel n’a pas été voulue de concert mais imposée par

l’une des parties seulement. C’est le résultat d’une dynamique de couple où les traits

de la culture de l’un se dissipent au fur et à mesure que l’autre impose sa culture.

Cette dernière configuration a servi d’antithèse à notre postulat sur l’importance des

attitudes d’ouverture et d’acceptation dans la bonne marche des relations

interculturelles. En effet, le terrain a révélé qu’il est tout à fait possible de vivre une

expérience de mixité conjugale sans pour autant être ouvert aux références culturelles

de l’Autre. La rencontre avec la différence ne signifie donc pas nécessairement le

respect de celle-ci.

Olivia : A vrai dire, notre foyer est plus français que malgache… Il n’a jamais

voulu que nos enfants parlent ma langue… Seulement le français. Nos deux

garçons n’ont pas non plus été circoncis. (Olivia, Malgache, et Arnaud, Français,

mariés, 24 ans de cohabitation, 3 enfants).

En résumé, les dynamiques interculturelles occasionnées par la mixité

conjugale sont source d’enrichissement pour les acteurs sociaux. Cet enrichissement se repère

à la fois dans le développement d’attitudes de tolérance et de flexibilité, dans l’acquisition de

nouveaux comportements et dans l’intériorisation de nouvelles manières de penser suite à des

transferts culturels entre les deux partenaires. En outre, la mixité conjugale met en perspective

plusieurs configurations culturelles qui sont le résultat des négociations entreprises par les

individus.

Page 65: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

57

A titre de conclusion à cette deuxième partie, reprenons les idées

essentielles. Actuellement, la mixité conjugale à Antananarivo fait l’objet de points de vue

diamétralement opposés : les uns la perçoivent comme une opportunité à saisir tandis que les

autres la voient comme une menace à l’encontre de la malgachéité suite aux rapports de

domination qui peuvent survenir. Par ailleurs, les couples malgacho-étrangers traversent de

plus grandes crises à chaque nouvelle étape de la relation, à savoir les premières années de

cohabitation, la présentation aux familles respectives, l’officialisation de l’union et l’arrivée

du premier enfant. Cependant, la mixité conjugale demeure une expérience enrichissante

grâce à l’apprentissage interculturel.

Page 66: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

58

PARTIE III : VISION PROSPECTIVE

Chaque couple mixte évolue dans un contexte unique. Les rapports de

genre, les réactions de l’entourage, la situation socioéconomique du couple, la nationalité du

conjoint étranger sont autant de facteurs qui méritent d’être tenus en compte pour une vision

complète de la situation de la mixité conjugale à Antananarivo. Les récits d’expérience

recueillis sur le terrain ont mis en relief un aspect que nous n’avons pas considéré lors de la

détermination de notre hypothèse de départ : la capacité autorégulatrice de la mixité

conjugale. En premier lieu, nous reconsidérerons donc la mixité conjugale. Par la suite, nous

nous pencherons sur le bouleversement axiologique que provoque la mixité sur les individus.

En dernier lieu, nous apporterons quelques réflexions concernant l’impact de la multiplication

des mariages mixtes sur la société malgache.

Page 67: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

59

Chapitre 7 : Reconsidération de la mixité conjugale

Tout travail qui se veut scientifique doit éviter de confondre interprétation et

analyse. L’interprétation consiste à faire parler des données empiriques qui, à première vue,

semblent ne rien exprimer tandis que l’analyse nécessite la déconstruction de ces données en

vue de les expliquer. Les informations fournies par les participants aux entretiens nous ont

montré que la réalité est plus complexe que le postulat de notre hypothèse de départ. D’un

côté, loin de nier le rôle primordial des acteurs sociaux dans l’optimalisation de leur

quotidien, il s’avère néanmoins que leurs aptitudes ont été suscitées par l’expérience de mixité

conjugale, ou plus précisément par les défis que celle-ci lance. La mixité conjugale se

régulerait donc elle-même. D’un autre côté, l’émergence d’une configuration dans laquelle un

schème culturel domine montre que les attitudes d’ouverture et de tolérance, bien

qu’importantes, ne forment pas une condition sine qua non de la durabilité des unions mixtes.

Section 25 : L’autorégulation de la mixité conjugale

En choisissant d’étudier la mixité conjugale à Antananarivo, nous avons voulu découvrir les

stratégies développées par les couples malgacho-étrangers en vue d’une harmonie culturelle.

Dès le départ, nous avons posé l’hypothèse selon laquelle la mixité conjugale devient

extrêmement bénéfique lorsque les individus font preuve d’ouverture d’esprit, de flexibilité,

d’acceptation, de respect et surtout de créativité. Nous n’allons ni valider ni infirmer cette

hypothèse mais nous nous limiterons à apporter plus de précisions à ce postulat.

Au départ, nous avons établi les variables suivantes :

Schéma des variables

Variable indépendante Variable intervenante Variable dépendante

Vivre en couple

mixte

Bricolage culturel Enrichissement

culturel

Page 68: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

60

Mais suite à une meilleure compréhension du processus en œuvre, force nous est d’affiner le

schéma des variables :

Bien que les individus en situation de mixité conjugale soient, dès le début de la relation,

dotés d’une ouverture d’esprit et de créativité, ces dispositions demeurent moindres. C’est

l’expérience de mixité, à travers les difficultés quotidiennes liées à la différence culturelle, qui

suscite ces attitudes et ces aptitudes chez les acteurs. C’est pourquoi, les coup les mixtes sont

plus ouverts, plus tolérants et plus créatifs que les autres couples et il en est de même pour

leurs enfants : « Tout en reconnaissant que la mixité peut être vécue douloureusement par

certaines personnes, notamment en raison de sa réception dans une société donnée, ces aute urs

montrent qu’elle peut générer plusieurs aspects positifs : estime de soi positive, vision

optimiste de la vie, héritage culturel enrichi, aptitude à se faire comprendre dans tous les

milieux, créativité, habileté à accepter les autres, ouverture et cur iosité, sensibilité à la

diversité des valeurs, pratiques et attitudes culturelles (Breger et Hill, 1998 ; Maxell, 1998 ;

Stephan et Stephan, 1989) » (Therrien et Le Gall, 2012 : 11).

Nouveau schéma des variables

Variable antécédente Variable indépendante Variable intervenante

Variables dépendantes Variable modérée

Vivre en couple

mixte

Défis au

quotidien

Flexibilité

Créativité

Enrichissement

culturel

Culture

conjugale

unique

Bricolage

culturel

Page 69: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

61

Section 26 : La prédominance d’un schème culturel

Nous avons décelé la domination d’un schème culturel parmi les configurations culturelles

que permet la mixité conjugale au quotidien. Elle s’observe notamment chez les couples

franco-malgaches. Il s’avère alors que les attitudes d’ouverture, de flexibilité et de tolérance,

bien qu’importantes, ne constituent pas nécessairement les clés de la réussite des unions

mixtes. Un individu peut dominer culturellement son conjoint sans qu’il y ait forcément échec

de l’union. Ce constat va à l’encontre de l’« éthique de l’altérité » de Martine A.

Pretceille selon laquelle : « Toute dissymétrie dans la relation transforme les uns en acteurs,

les autres en agents et entraine une relation de pouvoir, réel ou symbolique, source en retour

de violence, potentielle ou exprimée. Il s’agit d’agir avec et non pas sur autrui » (1999 : 69).

Dans la plupart des cas, les conjoints malgaches ont tendance à se poser en agents et non en

sujets et s’il y a lieu de création des configurations culturelles mettant en valeur les deux

cultures en présence, cela part souvent de l’initiative du conjoint étranger. Cette passivité du

conjoint malgache pourrait s’expliquer :

- soit par les séquelles de la colonisation entraînant un grave complexe d’infériorité,

- soit par une volonté propre de se distancier de sa culture d’origine. Toutefois dans

cette optique, il redevient un acteur puisqu’ « il se construit également par la

subjectivité de ses choix. Désormais, il peut et doit choisir ses appartenances, et les

revendiquer par ses actes pour pouvoir exister. Il se "libère" et s’affirme par ses

choix» (Charton, 2006 : 254). La mixité conjugale devient ainsi une opportunité

d’auto-construction pour le conjoint malgache.

Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent légitimer la domination d’un schème culturel dans le

foyer mixte :

- la position socioéconomique du conjoint étranger,

- le degré de prestige de ses références culturelles,

- le rapport de genre.

En bref, nous venons de voir que la mixité conjugale recèle une capacité

autorégulatrice. Elle génère chez les acteurs sociaux des comportements particuliers pour faire

Page 70: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

62

face aux défis quotidiens liés à la différence culturelle. En second lieu, nous venons de voir

qu’un individu en situation de mixité peut cependant se passer des attitudes d’ouverture et de

tolérance et imposer sa culture à son conjoint sans que cela devienne une source de

séparation. D’autres facteurs tels que la position socioéconomique peut contribuer à mettre en

place les rapports de domination. Dans le chapitre suivant, nous allons aborder l’impact de la

mixité conjugale sur le soi d’origine de chaque individu.

Page 71: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

63

Chapitre 8 : La mixité conjugale comme parcours vers un bouleversement axiologique

L’interculturel n’est pas uniquement synonyme d’établissement d’un espace

de consensus en vue d’un enrichissement culturel, mais implique également des modifications

dans le schème culturel de l’un ou des deux groupes en interaction. Le caractère labile de la

culture rend celle-ci susceptible d’adaptation et de transformation en fonction du contexte, des

circonstances et des individus. A ce propos, nous entendons par bouleversement axiologique,

l’ébranlement du rapport de l’individu à ses valeurs d’origine. Dans le cadre de ce nouveau

chapitre, nous allons nous intéresser spécifiquement aux changements constatés par les

conjoints malgaches dans leur système de valeurs suite à l’expérience de mixité conjugale.

Pour commencer, nous survolerons les valeurs constitutives de la culture ma lgache. Ensuite,

nous reproduirons les récits des interviewés qui ont témoigné des manifestations de ce

bouleversement axiologique.

Section 27 : Les valeurs constitutives de la culture malgache

Bien qu’aucun individu ne puisse contenir toute l’étendue de la culture de son groupe

d’appartenance, certaines valeurs traditionnelles demeurent néanmoins intériorisées dans le

soi. La culture malgache véhicule des valeurs comme la solidarité et l’entraide, le respect des

aînés, la crainte des représailles, le sens de l’égalité et la religiosité. A ces valeurs s’ajoutent

d’autres manières d’être telles que l’hospitalité envers les visiteurs et les étrangers résidents,

la douceur de vivre « mora mora », l’attachement envers la famille élargie…

A- La solidarité et l’entraide ou le "fihavanana" dans les relations sociales :

Le lien du "fihavanana" s’exerce dans les relations de voisinage, de quartier et de

travail. La solidarité se traduit par les échanges de services au niveau de la vie

quotidienne. Elle se manifeste également par le souci de participation aux malheurs

qui frappent les membres de la communauté mais aussi aux joies qui peuvent leur

arriver. Les membres de la communauté se soutiennent mutuellement et peuvent se

compter les uns sur les autres. Concrètement, la manière de vivre le lien sacré du

fihavanana se trouve dans l’expression "mifamangy", c’est-à-dire se rendre visite.

Page 72: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

64

B- Le respect des aînés :

Le respect des aînés se trouve à la base des relations communautaires. Il implique le

silence des cadets en présence des aînés ainsi que l’obéissance à l’égard de leurs

recommandations. Lorsqu’il y a lieu de pénétrer dans un endroit, les cadets doivent

céder le passage aux aînés avant d’entrer à leur tour.

C- La crainte des représailles :

Les Malgaches évitent de faire le mal par crainte des représailles. Ils ont le souci de

bien se comporter avec tout le monde à telle enseigne que même avant de prendre la

parole, ils s’excusent préalablement : « Miala tsiny raha handray ny fitenenana (…) ».

Cette crainte des représailles est manifeste dans les proverbes suivants :

- « Ny tody tsy misy fa ny atao no miverina » que l’on peut traduire par : « On ne

récolte que ce que l’on a semé »

- « Aza ny lohasaha mangina no jerena fa Andriamanitra an-tampon’ny loha » que

l’on peut traduire par : « Ne te fie pas au silence du champ mais fais plutôt

attention à Dieu qui voit tout ».

D- Le sens de l’égalité :

L’égalité fraternelle se trouve également dans la conscience collective des Malgaches.

Le proverbe suivant en est la preuve :

- « Ny olombelona fandrin-drano, ka tsy misy avo sy iva » que l’on peut traduire

par : « Les hommes sont pareils à la surface d’une eau tranquille, il n’y a ni haut ni

bas ».

E- La religiosité :

Les croyances traditionnelles malgaches sont multiples : la croyance en un Dieu

créateur ou « Zanahary », le culte des ancêtres et la vénération des « sampy ». Le

Christianisme a cependant apporté un souffle nouveau aux convictions mais une

constante demeure, les Malgaches sont empreints d’une grande disposition d’esprit

religieuse. Ils ont toujours besoin de vénérer et de croire au sacré.

Page 73: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

65

Section 28 : Les manifestations du bouleversement axiologique

Intégrer certaines valeurs étrangères en les faisant siennes implique un bouleversement

axiologique. Dans ce cas, l’individu s’efforce d’harmoniser ses valeurs d’origine à un autre

système de valeurs.

Plusieurs des récits recueillis réfèrent à une histoire de transformation au contact de l’Autre.

Ils tendent à montrer que les individus qui s’engagent dans une expérience de mixité subissent

forcément une transformation culturelle. Il convient de rappeler que ce sont les modifications

repérées au niveau du système de valeurs des conjoints malgaches qui nous intéressent

particulièrement.

Arlette : J’ai changé je pense. C’aurait été impossible aussi de ne pas avoir

changé après toutes ces années de mariage. (Arlette, Malgache, et Didier, mariés,

29 ans de cohabitation, 2 enfants).

Fenitra : C’est sûr que j’ai changé d’autant plus que je ne fréquente plus les

mêmes personnes qu’avant. (Fenitra, Malgache, et Philippe, mariés, 3 ans de

cohabitation).

Olivia : Je ne pense plus comme avant, j’ai beaucoup changé… Cette expérience

m’a énormément transformée. (Olivia, Malgache, et Arnaud, Français, mariés, 24

ans de cohabitation, 3 enfants).

Les valeurs de la culture malgache accordent une grande importance à la famille. On peut dire

que pour les Malgaches, la maison est ouverte en tout temps à la famille et aux amis. Chacun

peut frapper à la porte sans avertir et s’installer le temps qu’il veut à la maison en étant assuré

d’un accueil généreux. Plusieurs étrangers ont vécu cette façon d’accueillir comme une

menace à leur vie privée, comme un envahissement dérangeant leur tranquillité et leur

intimité. Le résultat en est que certains conjoints malgaches ont peu à peu intériorisé cette

Page 74: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

66

notion de vie privée au point de l’imposer à leur entourage, même en l’absence du conjoint

étranger.

Gladys : J’ai pris un peu d’écart par rapport à ma famille… Quand ils veulent me

rendre visite, ils téléphonent d’abord parce que mon mari n’aime pas qu’ils

viennent à l’improviste comme s’ils étaient chez eux. L’intimité doit être respectée

à tout prix d’après lui. (Gladys, Malgache, et Dario, Français, mariés, 16 ans de

cohabitation, 2 enfants).

En dernier lieu, ce qu’il importe de signaler c’est que ces changements sont parfois voulus par

l’individu à la suite d’une remise en question de son propre système de valeurs.

Mirana : Dans une certaine mesure j’ai changé. Je sors d’une famille très pieuse

mais aujourd’hui j’ai carrément laissé tomber la religion. Je ne vais plus à

l’église. Et je ne cache pas que mon mari est pour grand-chose derrière ce

changement. (Mirana, Malgache, et Christian, Français, mariés, 17 ans de

cohabitation, 1 enfant).

A ce propos, la différence religieuse ne se situe pas toujours entre deux confessions distinctes.

Pour comprendre la dynamique des couples étrangers-malgaches, il apparaît plus fécond de

faire la distinction entre les personnes qui croient ou pratiquent, celles qui n’accordent pas

d’importance à la dimension religieuse dans la vie quotidienne et celles qui se disent

ouvertement athées. Dans la réalité conjugale, ces trois options peuvent se combiner de

multiples manières. Pour les couples dont un conjoint est musulman et l’autre chrétien, ce

n’est pas nécessairement la différence religieuse apparente qui est pertinente. Les deux

conjoints peuvent être croyants et pratiquants dans leurs religions respectives tout en se

retrouvant dans un véritable dialogue islamo-chrétien au sein de leur famille. Le ciment

culturel commun dans le couple est susceptible de se faire à partir du respect et de la

tolérance.

Section 29 : Les mouvements de résistance

Bien qu’un individu se laisse volontairement transformer ou se laisse dominer culturellement

par son conjoint, l’altération ne va jamais sans mouvements de résistance. Il est important de

Page 75: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

67

rappeler que la transformation culturelle entraine toujours préalablement un repli, une attitude

de défense, voire de fermeture. Dans un premier temps, tout changement s’accompagne

inévitablement d’une répulsion défensive.

À un moment donné, le contact permanent avec l’altérité culturelle

provoque un bouleversement axiologique. Certaines valeurs propres à la culture malgache

telles que la religiosité et la solidarité ont été révisées à la suite de l’appropriation de

nouvelles valeurs propres à la culture du conjoint étranger. Ceci montre que ce n’est pas

seulement le partenaire de la culture minoritaire qui ajuste ses valeurs en fonction de la

culture majoritaire. Dans cette optique, la mixité conjugale est ainsi qualifiée d’acculturative,

de transformatrice et d’altérative. Enfin, il importe de rappeler que les acteurs en proie à un

bouleversement axiologique, à une transformation culturelle ou à une domination culturelle,

même s’ils sont réceptifs, éprouvent toujours le besoin de manifester une certaine résistance

avant de se laisser assimiler.

Page 76: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

68

Chapitre 9 : L’impact de la multiplication des mariages mixtes sur la société malgache

Les unions binationales font l’objet de nombreux jugements péjoratifs parce

que leur existence ébranle la pratique endogamique propre à la société traditionnelle

malgache. Force nous est cependant de reconnaitre la multiplication de ces unions,

notamment les unions franco-malgaches. D’une manière ou d’une autre, les couples mixtes

laissent une empreinte sur la société malgache. Dans ce dernier chapitre, deux points vont être

abordés : le flux des métissages puis, la coexistence de la mixophilie et de la mixophobie.

Section 30 : Le flux des métissages

La multiplication des mariages mixtes rime avec le flux des métissages. Ma lgré l’absence de

chiffres, nous pouvons avancer que les enfants métis sont suffisamment nombreux à telle

enseigne que nous en voyons circuler partout dans la capitale. Dans le long terme, la société

malgache pourrait devenir une véritable mosaïque culturelle. I l y aurait également un risque

de diminution des représentants de la "race pure" avec des conséquences sur la pérennité de la

culture malgache et surtout de la langue d’autant plus que la plupart des métis font souvent

appel à des alternances codiques2 pour s’exprimer.

Section 31 : La coexistence de la mixophilie et de la mixophobie

Actuellement, nous assistons à un phénomène d’idéalisation de la mixité et du mélange

culturel. Les stations de télévision, les publicitaires et les réalisateurs de clips font de plus en

plus appel à des étrangers, à des métis et à des couples malgacho-étrangers pour jouer le rôle

de présentateurs et de figurants. C’est le cas de l’émission matinale Nomich news sur la

télévision Record, des clips de la chanteuse Chenevar Playa laissant apparaitre un figurant de

nationalité française pour qui elle témoigne de l’amour, des publicités de produits

agroalimentaires…). Il semble alors que les couples mixtes, les étrangers et les métis sont

devenus un instrument incontournable en marketing.

2 Emploi alterné de deux codes linguistiques différents dans un même énoncé.

Page 77: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

69

D’un autre côté, le flux des métissages mène progressivement à une réalité où la société

malgache ne pourra plus définir, de manière bipartite, des frontières nettes entre étrangers et

autochtones. De l’envahissement des étrangers, de la formation de plus en plus importante des

couples malgacho-étrangers et de l’accroissement des enfants métis, il en résulte

automatiquement le repliement d’une frange de la population sur elle-même, donnant lieu à

des attitudes mixophobes (réactions de fermeture à l’égard de ce qui est étranger, éloge

éxagéré de la culture malgache…). En réponse à la mixophobie, les métis ont constitué une

association dénommée « Association des métis de Madagascar » (AMM) qui a pour but de

défendre les droits des citoyens et des droits de l’homme et plus particulièrement des sangs

mêlés.

En résumé, la multiplication parallèle des unions mixtes et des métis donne

lieu à des réactions opposées de la part de leur entourage. D’une part, un certain engouement

se fait sentir pour les familles mixtes comme si elles représentaient actuellement le modèle-

type de la famille postmoderne. D’autre part, les menaces à l’encontre de l’homogénéité

nationale et de la langue malgache font que les attitudes mixophobes gagnent du terrain.

Page 78: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

70

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le choix d’une personne étrangère comme partenaire repose souvent sur une

double fascination pour l’Autre, c’est-à-dire pour sa personne et pour sa culture. Cette

fascination est une forme d'exotisme et constitue un pôle opposé au racisme. La mixité

conjugale apparaît comme le lieu privilégié du dialogue et des affrontements entre les

cultures. C’est ce qui fait sa particularité. Les acteurs sociaux ont perpétuellement à composer

avec des références culturelles différentes. Les crises les plus saillantes se font sentir à chaque

nouvelle étape vécue par le couple, à savoir les premiers moments de la relation, la

présentation aux familles respectives, les premières années de cohabitation, l’officialisation de

l’union et l’arrivée du premier enfant. Les réactions de l’entourage, l’incompatibilité de

certains éléments culturels font que les couples mixtes traversent de plus grandes épreuves par

rapport aux autres couples. Par conséquent, ils sont plus tolérants, plus ouverts, plus flexibles

et plus enclins à la communication.

Il nous a pris beaucoup de temps de lecture et de réflexion avant de trouver

la manière dont on allait définitivement aborder le thème de la mixité conjugale à

Antananarivo. Au départ, nous voulions l’étudier sous l’angle des facteurs

macrosociologiques ou sociodémographiques qui pourraient influencer sur l’augmentation des

mariages mixtes. Mais étant donné l’insuffisance des statistiques relatives à l’état civil

(évolution annuelle du nombre des mariages mixtes), nous avons préféré changer d’angle

d’attaque. Par ailleurs, les articles scientifiques les plus récents que nous avons lus font tous

l’éloge de la valorisation de l’individu - en tant que sujet culturel, acteur et maître de ses

décisions et de ses choix - dans l’appréhension de la mixité conjugale. Dans la recherche

d’une originalité, nous avons donc adhéré à cette orientation nouvelle. Le choix de la thèse de

l’"incorporation créative" développée par les anthropologues Breger et Hill (1998) comme

base théorique nous a donc permis d’aboutir à des conclusions nouvelles sur les couples

étrangers-malgaches.

Page 79: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

71

Bibliographie

I/- Ouvrages généraux :

1- ANSART (P.), « Les sociologies contemporaines », Edition Seuil 1990.

2- ARON (R.), « Les étapes de la pensée sociologique », Edition Gallimard 1967.

3- BOURDIEU (P.), « Questions de sociologie » (1980), Editions de Minuit 2002.

4- CORCUFF (P.), « Les nouvelles sociologies », Editions Nathan 1995.

5- FERREOL (G.) et NORECK (J-P.), « Introduction à la sociologie », Edition Armand

Colin, Paris, 2000.

6- GURVITCH (G.), « La vocation actuelle de la sociologie », Tome I et II, Editions

I.P.F. 1963.

7- SIMMEL (G.), « Sociologie et épistémologie », PUF, 1981.

II/- Ouvrages spécifiques :

1- BERTHELOT (J-M.), « L’intelligence du social », Paris, PUF, 1990.

2- CEFAÏ (D.), « L’enquête de terrain », Edition La Découverte, Paris, 2003.

3- CHARTON (L.), « Familles contemporaines et temporalités », Paris, L’Harmattan.

4- DUBAR (C.), « La crise des identités. L’interprétation d’une mutation », PUF, 2000.

5- FERRÉOL (G.) et JUCQUOIS (G.), « Dictionnaire de l’altérité et des relations

interculturelles », dir., Paris, A. Colin / VUEF.

6- GAUTHIER (B.) et al, « Recherche sociale : de la problématique à la collecte des

données », Presses Universitaires du Québec, 1984.

7- KAUFMANN (J.-C.), « Sociologie du couple », Paris, PUF, 1993 a.

8- NOUSS (A.), « Plaidoyer pour un monde métis », Les éditions Textuel, 2005.

9- PRETCEILLE (M. A.), « L’éducation interculturelle », PUF, 1999.

10- QUIVY (R.) et CAMPENHOUDT (L-V.), « Manuel de recherche en sciences

sociales », Dunod, Paris, 1995.

III/- Documents et articles scientifiques :

1- DEBROISE (A.), « La construction conjugale dans les couples mixtes », Dialogue.

Recherches cliniques et sociologiques sur le couple et la famille : ces couples qu’on

appelle mixtes, vol.139, p.51-63, 1998.

2- GERARD (S.), « Les enjeux de la transmission chez le couple mixte », Les

Doctoriales 2008.

Page 80: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

72

3- RANDRIAMASITIANA (G.D.), « Repenser l’histoire du biculturalisme franco-

malgache et le processus d’uniformisation culturelle. Entre allégeances et

antagonismes interculturels » in Liens 14, Fastef, UCAD, Novembre 2011, p.96-130.

IV/- Mémoires et thèses :

1- THERRIEN (C.), « Des repères à la construction d’un chez-soi : trajectoires de mixité

conjugale au Maroc », Thèse de Doctorat en Anthropologie, Faculté des Sciences

sociales de l’Université de Montréal, 2009.

V/- Romans :

1- DULISCOUET (E.), « A la Belle Flore. Amours malgaches », Bordeaux, Editions

Delmas, 1935.

2- MISSONNIER (C.), « Le Goût de la Mangue », Paris, Editions Thierry Magnier,

2006.

VI/- Webographie :

1- CIPRUT (M.-A.) et al., « De l’entre-deux à l’interculturalité. Richesses et embûches

de la migration », Institut universitaire d’études du développement, Novembre 2001.

URL : http://www.iued.unige.ch consulté le 28 Août 2013.

2- COLLET (B.) et SANTELLI (E.), « Les descendants d’immigrés en couple mixte au

prisme de l’enquête "Trajectoires et Origines", Enfances, Familles, Générations, n°17,

2012, p.75-97. URL : http://www.efg.inrs.ca consulté le 24 Novembre 2013.

3- COLLET (B.) et SANTELLI (E.), « Comment repenser les mixités conjugales

aujourd’hui ? », Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 19 -

n°1 | 2003, mis en ligne le 18 février 2013, consulté le 19 septembre 2013. URL :

http://remi.revues.org/355

4- DELCROIX (C.), GUYAUX (A.), RAMDANE (A.), RODRIGUEZ (E.), « Mariage

mixte, rencontre de deux cultures tout au cours de la vie », Enquête [En ligne],

5 | 1989, mis en ligne le 27 juin 2013, consulté le 17 août 2013. URL :

http://enquete.revues.org/94

5- ROCHERON (Y.), « Liberté, Egalité, Mixité…conjugales. Une sociologie du couple

mixte », sous la direction de Claudine Philippe, Gabrielle Varro et Gérard Neyrand.

In : Langage et société, n°85, 1998, pp.113-116. URL :

Page 81: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

73

http://www.perse.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-

4095_1998_num_85_1_2829 consulté le 22 Août 2013.

6- THERRIEN (C.) et LE GALL (J.), « Nouvelles perspectives sur la mixité conjugale :

le sujet et l’acteur au cœur de l’analyse », Enfances, Familles, Générations, n°17,

2012, p.1-20. URL : http://www.efg.inrs.ca consulté le 06 Septembre 2013.

7- TISSAUD (V.), « Quand l’intime défie l’ordre colonial - Les couples de Malgaches et

d'Européennes en Imerina (Hautes Terres centrales de Madagascar) de 1896 à 1960. »,

Genre & Histoire [En ligne], 7 | Automne 2010, mis en ligne le 13 janvier 2011,

consulté le 13 novembre 2013. URL : http://genrehistoire.revues.org/1063

8- VARRO (G.), « Les "couples mixtes" à travers le temps : vers une épistémologie de la

mixité », Enfances, Familles, Générations, n°17, 2012, p.21-40. URL :

www.efg.inrs.ca consulté le 01 Décembre 2013.

Page 82: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

74

Table des matières

- Remerciements

- Liste des acronymes

- Liste des tableaux

- Liste des schémas, des graphes

- Sommaire

- Introduction générale………..…………………………………………………………1

- Partie I : Considérations générales…………………………………………………..4

Chapitre I : Cadrage théorique.................................................................................. 5

Section 1 : Questions de terminologie...……………………………………………….5

A- Couple mixte......................................................................................................…...5

B- Culture…………………………………………………….……………………….6

C- Interculturel…………..……………………………………………………………6

D- Acteur……………………………………………………………………………..7

E- Identité……………………………………………………………………………7

Section 2 : Les assises théoriques de la mixité conjugale………..……………………8

A- Les anciens cadres d’analyse qui font référence aux facteurs sociologiques

explicatifs…………………………………………………………………………..8

1- La théorie de l’échange compensatoire………………………………………..8

2- La perspective assimilationniste……………………………………………….9

3- Les unions interculturelles comme laboratoire social…………………………9

4- Les théories qui placent les structures macrosociales au cœur de l’analyse….10

B- Les perspectives théoriques récentes qui placent l’individu au cœur de l’analyse.10

1- L’identité en mutation………………………………………………………...11

2- Les individus en tant qu’acteurs………………………………………………11

3- Les aspects positifs de la mixité conjugale…………………………………...12

Section 3 : Pour un regard centré sur l’acteur……………..……………………….…13

A- Les principes du paradigme interculturel…………………………………………13

1- Axe conceptuel et épistémologique…………………………………………...13

2- Axe méthodologique………………………………………………………….14

B- Justification du choix de la théorie de l’incorporation créative…………………..14

Page 83: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

75

Chapitre II : Le contexte d’émergence des couples malgacho-étrangers………..16

Section 4 : Historique du peuplement de Madagascar………………….……………16

Section 5 : Les tendances de la littérature sur la mixité conjugale à Madagascar……17

Section 6 : Le mariage civil mixte……………………..……………………………..19

A- Les étapes de la démarche administrative………………………………………..20

B- Statistiques relatives aux mariages civils mixtes…………………………………21

Chapitre III : Parcours méthodologique………………………………………….23

Section 7 : Les étapes de la recherche………….…….………………………………23

A- La phase exploratoire…………………………………………………………….23

B- La préparation de la descente sur le terrain………………………………………23

C- La descente sur le terrain…………………………………………………………24

D- L’analyse des informations………………………………………………………24

Section 8 : Les types de recherche…………………………………………………..24

Section 9 : Les situations de recueil des données……………………………………25

Section 10 : L’étude des documents…………………………………………………25

Section 11 : Construction des variables et de l’échantillonnage……………………..25

A- Construction des variables……………………………………………………….25

B- La méthode d’échantillonnage…………………………………………………..26

Section 12: Les techniques de recueil d’informations……………………………….27

Section 13 : Traitement et analyse des données……………………..………………27

A- Analyse multivariée………………………………………………………………26

B- Analyse qualitative……………………………………..………………………..26

Section 14 : Le type de démarche…………………………………………………...27

- Partie II : Le rapport à l’Autre : un apprentissage perpétuel…………………...30

Chapitre 4 : L’ambivalence de la mixité conjugale………………………………31

Section 15 : Quantification des résultats…………………………………………….31

Section 16 : Typologie des justifications…………………………………………….31

A- Typologie des justifications pour la réponse « pour »……………………………31

B- Typologie des justifications pour la réponse « contre »…………………………..32

Chapitre 5 : Les étapes cruciales de la mixité conjugale………………………….34

Section 17 : Les premiers moments de la relation...………………………………….37

A- La rencontre………………………………………………………………………37

B- Les premiers chocs culturels……………………………………………………..38

Page 84: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

76

Section 18 : La présentation aux familles respectives……………………..…………39

Section 19 : L’officialisation de l’union……………………...………………………41

Section 20 : Les premières années de cohabitation………………………………….43

Section 21 : L’arrivée du premier enfant…………………………………………….45

Chapitre 6 : Le versant positif de la mixité conjugale……………………………49

Section 22 : Les nouvelles dispositions acquises par les individus………………….49

A- Du côté des attitudes……………………………………………………………49

1- L’ouverture………………………………………………………………….49

2- L’acceptation………………………………………………………………..50

3- La tolérance…………………………………………………………………50

4- La flexibilité…………………………………………………………………50

B- Du côté des aptitudes……………………………………………………………51

1- La créativité…………………………………………………………………51

2- La recherche du consensus………………………………………………….51

3- La valorisation du dialogue…………………………………………………52

Section 23 : L’enrichissement par la différence…………………………………….52

Section 24 : Les différentes configurations culturelles………………………………54

A- Le mélange biculturel…………………………………………………………….54

B- La mosaïque culturelle……………………………………………………………55

C- La valorisation commune d’un schème culturel………………………………….55

D- La domination d’un schème culturel……………………………………………..55

- Partie III : Vision prospective……………………..……………………………….58

Chapitre 7 : Reconsidération de la mixité conjugale..…………………………….59

Section 25 : L’autorégulation de la mixité conjugale..……………………………….59

Section 26 : La prédominance d’un schème culturel……………………………...….61

Chapitre 8 : La mixité conjugale comme parcours vers un bouleversement

axiologique…………………………………………………………………………...63

Section 27 : Les valeurs constitutives de la culture malgache………………………..63

A- La solidarité………………………………………………………………………63

B- Le respect des aînés………………………………………………………………64

C- La crainte des représailles………………………………………………………...64

D- Le sens de l’égalité……………………………………………………………….64

E- La religiosité………………………………………………………………………64

Section 28 : Les manifestations du bouleversement axiologique…………………….65

Page 85: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

77

Section 29 : Les mouvements de résistance………………………………………….66

Chapitre 9 : L’impact de la multiplication des mariages mixtes sur la société

malgache……………………………………………………………………………..68

Section 30 : Le flux des métissages…….……………………………………………68

Section 31 : La coexistence de la mixophilie et de la mixophobie…………………..68

- Conclusion générale………………………………………………………………….70

- Bibliographie…………………………………………………………………………71

- Table des matières……………………………………………………………………74

- Annexe

- Résumé

Page 86: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

I

ANNEXE

GUIDE THÉMATIQUE POUR LES ENTRETIENS

Entrée en matière

Pour commencer, j’aimerais que vous vous présentiez un peu.

Rencontre du couple

1- Comment vous êtes-vous rencontrés ?

2- Quelles étaient vos premières impressions ?

3- Comment avez-vous convenu de vous revoir ?

4- Aviez-vous déjà envisagé de vous marier avec un étranger ?

Les premiers moments de la relation

5- Pouvez-vous me parler des premières années de votre relation ?

6- Quels étaient vos différences les plus flagrantes ?

7- Depuis combien de temps vivez-vous ensemble ?

Présentation à la famille

8- Comment se sont faites les présentations auprès de vos familles respectives ?

9- Quelles étaient leurs réactions ?

Le mariage

10- Etes-vous mariés ?

11- Si oui, comment se sont passé les démarches administratives, les cérémonies ?

La cohabitation

12- Qui s’occupe de la décoration intérieure de votre maison ?

13- A quoi ressemble votre vie quotidienne ?

14- Quelle est la place de la religion au sein de votre famille ?

Page 87: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

II

L’espace familial

15- Avez-vous des enfants ?

16- Si oui, combien ?

17- Comment s’appellent- ils ?

18- Dans quelles écoles vont-ils ?

19- Quelles nationalités ont- ils ?

20- Quelles langues parlez-vous entre vous ?

21- Avez-vous eu des divergences d’opinions par rapport à l’éducation de vos enfants ?

22- Avez-vous fait circoncire votre (vos) fils ?

Vie de couple

23- À quoi attribuez-vous les difficultés de votre couple ?

24- De quelle manière faites-vous face aux conflits ?

25- Quels avantages trouvez-vous à vivre avec un étranger ?

26- Avez-vous fait des compromis pour votre vie de couple ?

27- L’expérience de mixité a-t-elle développé des attitudes particulières chez vous ?

28- Quelle leçon avez-vous retenu de cette mixité ?

Page 88: INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

RÉSUMÉ

Titre : Intimité interculturelle et mariage mixte

Nombre de pages : 77

Nombre de tableaux : 3

Nombre de graphiques : 2

Rubriques épistémologiques : Sociologie de la mixité – Sociologie du couple – Sociologie de

la famille

Dans le cadre de ce travail, notre intérêt s’est porté sur les couples étrangers-

malgaches qui vivent à Antananarivo. Comment gèrent-ils leurs différences culturelles ?

Comment se présente leur vie quotidienne ? Quelles sont les spécificités des couples mixtes ?

En quoi, la mixité conjugale est-elle enrichissante pour ceux qui l’expérimentent ? Telles ont

été les interrogations qui ont poussé cette recherche. A titre de base théorique, nous nous

sommes référés à la thèse de l’incorporation créative, développée par les anthropo logues

Rosemary Breger et Rosanna Hill en 1998 aux Etats-Unis, selon laquelle les bricolages

culturels qui se font au sein des couples mixtes sont potentiellement source d’enrichissement.

Elles mettent donc l’accent sur le rôle des acteurs sociaux dans la création-construction de

leur quotidien.

A l’issue de la recherche, nous avons abouti à la conclusion suivante :

l’expérience de mixité conjugale, à travers les défis qu’elle lance, éveille chez les conjoints

des qualités particulières - telles que l’ouverture d’esprit et la créativité - qui sont à la base de

la construction d’une configuration culturelle unique au sein du foyer.

Mots-clés : Couple mixte – Acteur – Interculturel – Enrichissement culturel – Bricolage

culturel.

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Nom de l’auteur : RAZAFINDRAVELO Sabrina Email : [email protected]

Nom de l’encadreur : Monsieur RANDRIAMASITIANA Gil Dany, Professeur titulaire