Intégration monétaire et financière dans les modèles

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Frédéric Boissay Pierre Malgrange Intégration monétaire et financière dans les modèles macroéconomiques : bilan et nouvelles pistes In: Revue française d'économie. Volume 12 N°3, 1997. pp. 342. Abstract The paper is devoted to a review of how are taken into account the trans mission chanels to the real sector of monetary policy in traditional macro econometric models, as well as their limits, especially in the case of France. In a second section, more modern theories of monetary transmission mechanisms are examined, more especially those deriving from rigorous foundations of credit rationing (credit chanel) and leading to the notions of flight to quality and financial accelerator. Résumé L'article est consacré à une revue de synthèse de la manière dont ont été et sont encore pris en compte les canaux de transmission à la sphère réelle de la politique monétaire dans les modèles macroéconométriques opérationnels de facture traditionnelle et en montre les limites, à l'étranger et spécialement dans le cas de la France. Il examine dans une deuxième partie les théories plus récentes des mécanismes de transmission, en particulier celles faisant émerger de fondements rigoureux les conséquences macroéconomiques d'un rationnement du crédit (canal du crédit) et conduisant entre autres aux notions de fuite vers la qualité et d'accélérateur financier. Citer ce document / Cite this document : Boissay Frédéric, Malgrange Pierre. Intégration monétaire et financière dans les modèles macroéconomiques : bilan et nouvelles pistes. In: Revue française d'économie. Volume 12 N°3, 1997. pp. 342. doi : 10.3406/rfeco.1997.1025 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1997_num_12_3_1025

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Frédéric BoissayPierre Malgrange

Intégration monétaire et financière dans les modèlesmacro­économiques : bilan et nouvelles pistesIn: Revue française d'économie. Volume 12 N°3, 1997. pp. 3­42.

AbstractThe paper is devoted to a review of how are taken into account the trans­ mission chanels to the real sector of monetary policy intraditional macro­ econometric models, as well as their limits, especially in the case of France. In a second section, more moderntheories of monetary transmission mechanisms are examined, more especially those deriving from rigorous foundations of creditrationing (credit chanel) and leading to the notions of flight to quality and financial accelerator.

RésuméL'article est consacré à une revue de synthèse de la manière dont ont été et sont encore pris en compte les canaux detransmission à la sphère réelle de la politique monétaire dans les modèles macro­économétriques opérationnels de facturetraditionnelle et en montre les limites, à l'étranger et spécialement dans le cas de la France. Il examine dans une deuxième partieles théories plus récentes des mécanismes de transmission, en particulier celles faisant émerger de fondements rigoureux lesconséquences macro­économiques d'un rationnement du crédit (canal du crédit) et conduisant entre autres aux notions de fuitevers la qualité et d'accélérateur financier.

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Boissay Frédéric, Malgrange Pierre. Intégration monétaire et financière dans les modèles macro­économiques : bilan etnouvelles pistes. In: Revue française d'économie. Volume 12 N°3, 1997. pp. 3­42.

doi : 10.3406/rfeco.1997.1025

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1997_num_12_3_1025

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Frederic BOISSAY

Pierre MALGRANGE

Intégration monétaire et

financière dans les modèles

macro-économiques :

bilan et nouvelles pistes

a modélisation macro-économétrique néo-keynésienne, formalisation dynamisée du schéma IS- LM, s'est développée sur une hypothèse d'interdépendance forte entre les mécanismes relevant de la sphère réelle et les

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variables monétaires et financières, remettant en particulier en cause le postulat de neutralité qui prévaudrait dans le cas de marchés parfaits. Les canaux de transmission du nominal vers la sphère réelle ont ainsi été l'objet, aux Etats-Unis, de modélisations macro-économétriques soigneuses dès les années cinquante. La France a suivi ce développement avec un retard d'une vingtaine d'années, adoptant en outre une approche spécifique originale conduisant plus précisément à s'attacher à la description du marché du crédit, de préférence à celui de la monnaie (économie d'endettement). On peut ainsi dénombrer une dizaine de modèles macro-économétriques intégrés élaborés en France dans le tournant des années quatre-vingt, destinés à être opérationnels.

Cependant, à l'usage, le bloc financier de ces modèles s'est révélé jouer un rôle plus décoratif qu'effectif, provoquant par exemple dans le cas du modèle Metric son abandon pur et simple. En caricaturant à peine, la modélisation a donc été réduite à la formalisation de la seule courbe IS. On peut expliquer cette faible intégration apparente, en partie, par la situation de petite économie très ouverte de la France dont l'objectif prioritaire de stabilisation du change exerce une contrainte forte sur son taux d'intérêt. De plus, les importants bouleversements des années quatre-vingt en matière de dérégulation et d'innovations financières ont eu pour conséquence de rendre caduques les théories antérieurement dominantes.

Il n'y a pas eu en France, à notre connaissance, de nouvelles tentatives, à l'exception notable, cependant, de la construction récente par la Banque de France d'un modèle économétrique macro-financier, formalisant de manière résumée mais complète le Т.О. F. trimestriel français. Ce modèle, Méfisto, utilisé couplé à un modèle standard de la sphère réelle, fournit des prévisions intégrées opérationelles.

Ceci dit, les investigations méthodologiques récentes, concernant l'incidence macro-économique de phénomènes monétaires et financiers, tendent à utiliser de plus en plus le cadre de petits modèles d'équilibre général intertemporel, dont la spécification est dérivée de fondements théoriques rigoureux et cohérents.

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Ces modèles sont souvent estimés par des techniques de calibration, et l'analyse quantitative de leurs propriétés emprunte la voie de la simulation numérique. Préalablement, des formes réduites de ces modèles sont estimées sous forme de modèles Var, donnant une base de « faits stylisés » à reproduire par le modèle structurel.

Dans le cadre de cette méthodologie générale, le rôle de la monnaie a été largement exploré. Ces travaux ont permis de beaucoup mieux comprendre dans quelle mesure et pourquoi la monnaie influence la production. Une autre direction de recherche très active s'est développée dans les années quatre-vingt-dix, à partir de la constatation empirique que certains agents étaient contraints sur leur demande de crédit et n'avaient pratiquement pas accès au marché financier. On a mis en avant le rôle essentiel des intermédiaires financiers et de l'asymétrie fondamentale de l'information, dans ces imperfections de marché.

Le présent article est ainsi consacré à un examen synthétique de la manière dont l'interaction entre les phénomènes monétaires et réels a été, et est encore, évaluée au travers des modèles macro-économétriques, ainsi que des pistes de recherches prometteuses. Nous dressons, dans une première partie, un bilan de l'intégration monétaire et financière, telle qu'elle a été pratiquée dans les modèles macro-économétriques intégrés typiques de facture traditionnelle. La deuxième partie est consacrée aux travaux essentiellement théoriques récents concernant la transmission macro-économique de chocs monétaires et financiers par le canal du crédit.

Intégration monétaire et financière dans

les modèles macro-économétriques

II existe un certain nombre de synthèses sur l'état de l'art en matière d'intégration financière dans les modèles macro-économétriques. Citons en deux, reflétant bien l'évolution des idées dans les années récentes :

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- la revue de Chouraki, et alii [1989], plus largement consacrée à un inventaire théorique aussi bien qu'une recension d'une trentaine de modèles nationaux et internationaux, conclut sur la base des résultats de simulation de chocs monétaires, à une extrême diversité des effets. En d'autres termes, les mécanismes de transmission seraient à la fois instables et incertains et reposeraient largement autant sur les schémas de représentation du fonctionnement de l'économie de l'institution modélisatrice (équilibre versus déséquilibre, nature des anticipations... ), que sur des différences institutionnelles ;

— plus récemment, une réunion de modélisateurs des banques centrales de quatorze pays de l'O.C.D.E., tenue à Bâle en 1994 (B.R.L, [1995]) a été consacrée à une étude comparative systématique très approfondie des canaux de transmission de la politique monétaire et de ses rapports avec la structure financière des différents pays. L'approche est plus pragmatique que la précédente, chaque modélisateur est supposé posséder une bonne connaissance du fonctionnement de sa propre économie, et les différences observées dans les résultats des modèles sont alors censées refléter les différences dans les structures des pays participants. Les auteurs du rapport procèdent également à une analyse descriptive comparative et constatent que la structure de bilan des ménages et des entreprises peut être contrastée entre, d'une part les pays de langue anglaise, et d'autre part ceux d'Europe continentale. En particulier, par rapport aux derniers, les premiers exhibent une bien plus forte proportion de leur richesse sensible aux variations de taux d'intérêt, ce qui devrait renforcer l'efficacité de leur politique monétaire. Ces observations sont confirmées par les résultats de simulation des modèles macro-économétriques.

La modélisation intégrée aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, l'intégration de la sphère monétaire dans la modélisation macro-économique a été réalisée assez tôt, dans le but de mettre en pratique quantitativement le schéma IS-LM et

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de construire un outil opérationnel de politique économique. Les réflexions sur les fondements théoriques des mécanismes IS-LM et les tentatives de modélisation macro-dynamique de plus en plus sophistiquée, trouvèrent un aboutissement dans le modèle MPS. Parallèlement Tobin posait, avec ses collègues de Yale, les jalons du cadre théorique d'une formalisation financière rigoureuse, cadre auquel se réfèrent encore actuellement de nombreux modé- lisateurs. On sait que l'activité de modélisation macro-économétrique s'est presque éteinte aux Etats-Unis à l'exception de la modélisation multinationale. De ce point de vue, le modèle Multimod construit par le F.M.I, à la fin des années quatre- vingt, et largement diffusé en particulier en Europe, constitue un prototype d'intégration financière très riche tout en conservant une dimension relativement compacte. Passons en revue ces trois courants.

Le modèle MPS

Le modèle MPS, fortement intégré financièrement, possède des références théoriques très élaborées et par ailleurs n'a, contrairement à une pratique courante en matière de modélisation macro-économétrique, que peu évolué au cours des années (voir Ando, [1974] ; Brayton et Mauskopf, [1985]). Il a servi de référence à de très nombreux groupes de modélisation à travers le monde et est encore utilisé par la Réserve fédérale.

Sans entrer dans les détails de la spécification de ce modèle, le bloc monétaire et financier, qui comprend quatre-vingts équations environ sur un total de quatre cents, détermine fondamentalement les détails d'une courbe LM, c'est à dire d'une part les différentes composantes de la demande d'encaisses réelles, d'autre part les taux d'intérêt. Le motif supposé pour la demande de monnaie est essentiellement celui de transaction pour les composantes de Ml, les composantes de (M2 — Ml) étant quant à elles fondées sur une logique de gestion de portefeuille. Ces composantes sont en pratique expliquées par le niveau des transactions pour Ml (resp. par la richesse réelle pour (M2 - Ml)), et les coûts d'opportunité pertinents (définis comme des fonctions

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logistiques des écarts entre le rendement de l'actif concerné et celui du substitut le plus proche).

Les taux d'intérêt courts, de même que les taux longs, sont donnés par une structure en cascade à partir du taux d'intervention de la Réserve fédérale et de l'inflation anticipée (directement inspirée par les travaux de Modigliani et Shiller, [1973]). Ce taux est exogène en utilisation régulière du modèle, l'offre de monnaie étant implicitement passive, mais, comme dans tous les modèles de ce type, il est possible d'exogénéiser Ml. Le taux de rendement anticipé des actions est égal, à une prime de risque exogène près, au taux d'intérêt anticipé sur les titres longs. Il permet de calculer, à partir du montant des dividendes, la valeur boursière des sociétés.

Les canaux de transmission à la sphère réelle des chocs monétaires et financiers passent essentiellement par les taux d'intérêt -MPS en définit plus de trente. Notons qu'à côté de l'effet traditionnel sur l'investissement (coût du capital), le taux d'intérêt intervient directement sur la formation des stocks, ainsi que sur les arbitrages des consommateurs en matière d'acquisition de logement et de biens durables. Comme dans la plupart des modèles, le canal extérieur peut être activé par endogéïnisation du change (taux de change équilibrant la balance des paiements). Les effets de richesse sont également présents dans la consommation et ceci est un des arguments les plus célèbres de ce modèle (cycle de vie). En revanche, la valeur de marché du capital ne semble pas avoir d'influence sur l'investissement, contrairement à ce que suggère la théorie du q de Tobin. Les auteurs donnent l'argument que cette valeur ne peut pas être calculée de manière simple en raison de la nature générationnelle des équipements dans le modèle. Les conséquences dynamiques d'un choc de cent points de base sur le taux d'intérêt sont présentés plus loin (graphiques nos 1 et 2).

L 'approche de Tobin

La pertinence de cette représentation a été contestée par l'école de Yale. En effet, simultanément à l'élaboration de MPS, Tobin et ses collègues (voir par exemple : Brainard et Tobin, [1968] ;

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Tobin, [1970] ; ou Backus et alii, [1980]) posaient les jalons d'une modélisation des choix monétaires et financiers complètement intégrée et cohérente, en termes de maquettes calibrées, puis estimées sur l'économie américaine. Cette formalisation consiste en un tableau comptable décrivant les flux d'actif et de passif de chaque agent économique sur chaque marché financier en termes d'ajustements dynamiques, vers un équilibre général de portefeuille (approche bien connue dite de « flows of funds »). Cette construction est enfin bouclée sur une description très stylisée des marchés des biens et du travail.

Cette approche de la modélisation des comportements financiers doit prendre en compte l'interdépendance de ces ajustements de position ; donc chaque flux doit dépendre a priori du même ensemble de toutes les variables explicatives pertinentes : les divers taux de rendement, le revenu (ou le rapport revenu/richesse), enfin la richesse nette de l'agent concerné. Les auteurs reconnaissent que cette approche représente une formalisation dynamique extrêmement ambitieuse, impliquant un nombre considérable de contraintes sur les paramètres des relations (voir, en particulier, la description détaillée qu'en donne Bordes, [1988]). Elle est en pratique hors de portée économétrique, sauf à simplifier considérablement la représentation des agents et des actifs. En outre, elle ne s'impose, dans le cadre d'un modèle macro-économique, que dans la mesure où la sophistication de la sphère financière apporte de l'information à la sphère réelle. Ceci est illustré par la controverse entre Ando, Modigliani et Tobin (voir Ando et alii, [1975]). Ce dernier contestait à la fois la stabilité générale de la stucture par terme des taux d'intérêt et le fait que la demande de monnaie ne soit pas fonction de la richesse.

Le modèle Multimod

Le modèle multinational Multimod, construit à partir de la fin des années quatre-vingt par le F.M.I. (Masson et alii, [1990]), est un compromis réussi entre la structure IS-LM-Mundell-Fle- ming des modèles traditionnels et les exigences nouvelles nées de

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la critique de Lucas (modèles de cycles d'équilibre). Les modèles nationaux, fortement gémellaires et intégrés, possèdent en effet une structure de long terme parfaitement bien explicitée et transparente. La dynamique est générée par la conjonction d'hypothèses d'anticipations rationnelles (prix, taux d'intérêt, taux de change et richesses des agents), et de mécanismes de corrections d'erreurs sur les principales équations économétriques. Il contient deux taux d'intérêt. Les ménages consomment une fraction de leur richesse, fraction dépendant du taux d'intérêt réel long. Leur richesse équilibre les encours des autres agents. L'investissement est du type q de Tobin, la valeur des firmes étant calculée par une actualisation au taux réel court augmentée d'une prime de risque. La variation des changes est donnée par la parité des taux d'intérêt non couverts. La demande de monnaie est standard, l'offre consistant en un ajustement du taux d'intérêt de court terme à une cible de taux de change ou de masse monétaire, suivant que le pays fait partie ou non de l'Union monétaire européenne. Le taux de taxation est endogène et permet de satisfaire la contrainte intertemporelle de l'état.

La modélisation intégrée dans les autres pays

La plupart des banques centrales utilisent la modélisation macroéconomique comme outil privilégié dans leurs exercices de prévisions. C'est aussi évidemment dans ces institutions que l'analyse financière est en général la plus poussée. Il n'est pas dans notre propos ici de rendre justice à toutes. Nous nous contenterons de rendre compte brièvement des importants travaux comparatifs du groupe de Bâle, coordonnés par la B.R.I. [1995] et mentionnés dans l'introduction. Certains pays comme le Royaume- Uni et les Pays-Bas sont des modélisateurs très prolifiques et la deuxième section leur est consacrée.

La synthèse de Bâle

La Banque de recouvrements internationaux a réuni en 1994 un groupe de modélisateurs de quatorze banques centrales de l'O.C.D.E., (Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada,

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Espagne, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume- Uni, Suède, Suisse). Ce groupe a, dans un premier temps, fait le point sur les différences statistiques dans la structure financière des pays participants susceptibles d'accentuer tel ou tel canal de transmission de la politique monétaire, puis a analysé si ces éventuelles spécificités se retrouvaient dans les spécifications et les simulations des modèles macro-économétriques nationaux.

Ainsi, une analyse statistique comparée des structures de bilan des agents financiers et non financiers des différents pays, réalisée sur les deux années 1983 et 1993, les a conduits à considérer nettement deux groupes, celui des pays de langue anglaise et celui des pays d'Europe continentale, entre lesquels il ne semble pas s'être réalisé de convergence dans l'intervalle. Par exemple, dans le premier groupe, les consommateurs possèdent des patrimoines ou endettements très sensibles au taux d'intérêt (plus forte proportion d'actions et de propriétés immobilières).

Par ailleurs a été réalisé un protocole commun aux douze modèles nationaux utilisés par le groupe — auxquels fut adjoint le modèle multinational gémellaire du Fed, M. СМ., ainsi qu'un ensemble de modèles Var structurels comprenant trois variables (output réel, prix, taux d'intérêt) -, consistant à simuler les conséquences sur vingt trimestres d'un accroissement de cent points de base du taux d'intérêt d'intervention pertinent, entretenu sur huit trimestres.

L'examen préalable des blocs financiers de ces modèles a mis en évidence le fait que seuls les pays de l'Europe continentale et le Japon y décrivent explicitement, avec plus ou moins de détails, le comportement des institutions financières, donc en particulier les taux débiteurs, révélateurs de l'importance de l'appel au crédit bancaire dans ces pays. Cependant, en général, le spread entre taux débiteur et taux du marché n'est modélisé dans une optique du canal du crédit que dans le cas français (voir plus loin). Par ailleurs, une source de divergence potentiellement importante est le poids relatif, dans les composantes de la demande, de l'influence des taux courts par rapport aux taux longs. En effet, la réponse partielle des taux longs par rapport aux taux courts, en cas de choc temporaire, implique une moindre efficacité de la poli-

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tique monétaire en cas de sensibilité principale aux taux longs (cas du modèle hollandais Morkmon II). Au contraire, les modèles de la banque du Canada et de la banque d'Angleterre font principalement intervenir les taux courts.

Les graphiques n° 1 et n° 2, reproduits du document de la B.R.I, pp 230 et 232, donnent les effets, sur le P.I.B. et son déflateur des pays du G7, de la simulation mentionnée. Ils font de nouveau apparaître le contraste entre les pays d'Europe continentale et les pays anglo-saxons. L'efficacité apparente de la politique monétaire sur les volumes et les prix se montre nettement plus forte dans ces derniers. En revanche, les simulations de M. CM. et des modèles Var conduisent à des résultats non signi- ficativement différents. On retrouve ici un problème bien connu : les différences observées reflètent-elles des spécificités des structures nationales ou des hétérogénéités dans les stratégies de modélisation ?

Le groupe de Bâle s'est également livré à un exercice intéressant de mesure de la contribution relative des divers canaux de transmission dans l'effet sur le P.I.B. du choc sur le taux d'intérêt directeur. La méthodologie a été la suivante : les canaux ont été soigneusement répertoriés et classés en cinq catégories exclusives : canal du taux de change, canal du flux de revenus, canal de richesse, canal de substitution dans la consommation et canal du coût du capital. Puis, pour chaque pays modélisé, des simulations du modèle ont été conduites en exogénéisant tous les canaux, sauf une catégorie. Les résultats montrent clairement que le canal du change apporte une contribution non négligeable dans la transmission des chocs monétaires, en relation directe avec le degré d'ouverture du pays. Le canal du revenu est en général positif, ce qui n'est guère surprenant sachant la nature keynésienne de ces modèles et la position globalement créditrice des consommateurs. L'effet richesse est par contre nul ou très faible, reflétant les choix de spécifications des modèles. On observe enfin que les deux derniers effets, canaux directs du taux d'intérêt sur la consommation et surtout sur l'investissement, piliers de la structure IS-LM, restent une contribution majeure dans la transmission des chocs monétaires, bien que d'ampleurs

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Graphique n° 1 Effets sur le P.I.B. réel de l'accroissement de 100 points de base du taux d'intérêt d'intervention, maintenu sur huit trimestres (pays du G7)

0.5 г

£-1.5 + os о

Pays du G7 Modèles des banques centrales 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Trimestres

-2 •»•

0.50

Pays du G7 Modèle MCM

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Trimestres

1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

Pays du G7 . Modèles SVAR

-2.00 DE

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Trimestres

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Graphique n° 2 Effets sur le déflateur du P.I.B. de l'accroissement de 100 points de base du taux d'intérêt d'intervention, maintenu sur huit trimestres (pays du G7)

LU

1 т 0.5

0 -0.5

-1 -1.5

-2 -2.5

-3 -3.5

-4

0.4

Pays du G7 Modèles des banques centrales

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Trimestres

-1 •»•

DE.CA.FR

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Trimestres

-te я -2.50 + LU -3.00 -L

1

Pays du G7 (Index des prix de consommation) Modèles SVAR

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Trimestres

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très diverses. Le modèle M. СМ., soumis au même exercice, conclut aussi que le canal du coût du capital est de loin le plus important.

Quelques autres expériences récentes

La modélisation macro-économétrique ne constitue plus une activité prioritaire des institutions économiques depuis une dizaine d'années. L'offre à la revue Economie Modelling de modèles nouvellement élaborés, dont une fonction est d'en assurer la publication détaillée, semble s'être tarie depuis le tournant des années quatre-vingt-dix. Parmi les grands offreurs de modèles intégrés, deux pays ont une place de choix, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

• Les Pays-Bas

Les Pays-Bas utilisent régulièrement un nombre respectable de modèles dont celui de la Nederlandsche Bank, Morkmon II (Fase et alii, [1992]) utilisé dans le panel de Baie. Ce modèle a une structure financière flows of funds à la Brainard-Tobin comprenant sept intervenants et dix-neuf opérations. Le bloc réel est spécifié en termes de modèle de déséquilibre à la Malinvaud. La transmission de la politique monétaire se réalise, en dehors du classique canal extérieur du taux de change, par un effet de richesse et la présence directe du taux d'intérêt dans la détermination de la consommation (cycle de vie), le taux d'investisement dépendant entre autres du coût relatif capital-travail et de la richesse nette des entreprises ramenée à la production.

Le modèle Freia-Kompas — 550 équations environ —, du bureau central du Plan hollandais (van der Berg et alii, [1988] ; van Erp et alii, [1989]), a l'honnêteté de se déclarer pragmatique et non dérivé d'une théorie cohérente. Il possède également une structure financière équilibrée, distinguant cinq agents et quatorze opérations de type flows of funds, dans laquelle le taux de change et plusieurs taux d'intérêt sont déterminés implicitement par les conditions d'équilibre du marché concerné. La fonction de consommation, directement inspirée des travaux de Hendry,

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inclut un taux d'intérêt réel, moyenne des taux court et long, ainsi qu'un effet de richesse sophistiqué qui inclut les gains en capital. L'investissement dépend du coût du capital mais la structure générationnelle des équipements affaiblit notablement cette dépendance (la fonction de production est de type clay-clay).

• Le Royaume-Uni

La modélisation britannique est la plus abondante et la plus riche en qualité. On sait que le travail d'analyse comparative systématique de Wallis et de son équipe du Macroeconomic Modelling Bureau (M.M.B.) de l'université de Warwick a entraîné un resserrement de la variabilité des spécifications retenues et un approfondissement des fondements théoriques. Ceci dit, la plupart des modèles britanniques possèdent une intégration financière élaborée. L'équipe du M.M.B. ne s'est malheureusement pas penchée explicitement sur l'analyse comparée de leur structure financière et des canaux de transmision à la sphère réelle qu'ils intègrent.

Cependant, un nouveau courant de modélisation se dessine depuis quelques années, qui rompt avec la tradition de modélisation pragmatique de très grande taille. Ainsi, le modèle M.T.S., utilisé lors de l'exercice de comparaison du groupe de Bale (voir la contribution de Dhar et alii dans B.R.I. [1995]) accorde autant d'attention à l'offre qu'à la demande, aux prix qu'aux quantités, et reste de petite taille. La construction de M.T.S., commencée en 1994, est encore en cours. Ce modèle possède une solution de long terme néo-classique, mais à court terme la viscosité des prix et des salaires donne de l'efficacité à la politique monétaire et rend son comportement keynésien. Les canaux de transmission de la politique monétaire, quoique schématiques, sont les canaux usuels. Le modèle plus traditionnellement keynésien encore en usage à la banque d'Angleterre, (voir Patterson et alii, [1987] ; Harnett et Patterson, [1989]), de très grande taille (plus de 650 équations), comprend un bloc financier de type flows of funds relativement ramassé et une détermination explicite des taux d'intérêts utilisés dans la mise en évidence d'un grand nombre de composantes de la demande

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conjointement à un effet de richesse, surtout dans la consommation et l'investissement logement.

Le modèle H.M.T. du trésor britannique (Melliss, [1988]) est relativement ancien mais apparemment toujours en activité (il fait encore partie du panel du M. M. В., voir par exemple Church et alii, [1995]). Ce modèle trimestriel de 880 équations, possède un bloc financier de 200 équations environ, fournissant divers taux d'intérêt et les éléments de richesse pertinents. En plus des usuels canaux de transmission, on note une variable de liquidité des entreprises qui conditionne le niveau de l'investissement et la demande de stocks. Pour la consommation, le revenu pris en considération est le revenu disponible réel corrigé des moins-values sur les liquidités réelles dues à l'inflation, et le taux d'intérêt à court terme intervient explicitement, en plus d'un effet de richesse, quoique de manière peu significative.

Le National Institute of Economie and Social Research (N.I.E.S.R.), possède également un modèle national, que malheureusement nous n'avons pas pu nous procurer. En revanche, le modèle Nigem, élaboré depuis le début des années quatre-vingt- dix et maintenu au National Institute (voir par exemple Cha- taignault, [1995]) est un modèle multinational de petite taille. Par rapport à Multimod, le créneau de ce modèle, également largement diffusé, est l'analyse économique à relativement court terme et surtout le cadrage international de la prévision. Chaque sous-modèle de pays, de type IS-LM standard, de 60 équations environ, possède une structure financière relativement détaillée, compte tenu de la taille du modèle. Les canaux de transmission de la politique monétaire par les taux d'intérêt courts sur la consommation et le logement, et longs sur l'investissement productif, sont présents dans de nombreux sous-modèles nationaux. La richesse des ménages intervient partout dans les équations de consommation. Elle inclut une partie de la dette publique mais non le capital humain. On note que les taxes futures à payer pour rembourser cette dette ne sont pas prises en compte par les ménages, ce qui est une hypothèse habituelle pour les modèles à anticipations tournées vers le passé, mais forte pour un modèle à anticipations rationnelles.

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Avatars de l'intégration monétaire et financière en France

Comme nous l'avons déjà dit en introduction, la France a vu dans les années soixante-dix et le tournant des années quatre-vingt, se développer un certain nombre de modèles macro-économétriques, financièrement intégrés, fondés sur des idées originales s'écartant de l'approche IS-LM traditionnelle. On sait que cette dernière revient à supposer un marché parfait des capitaux, donc une équivalence entre les différents actifs, ce qui permet de se centrer sur l'analyse du marché de la monnaie avec l'argument de la loi de Walras. Les diverses approches françaises ont été synthétisées par Sterdyniak et Villa [1977], qui, à la lumière des travaux de Brunner et Meltzer [1972], ont montré le rôle du cloisonnement du marché des capitaux et le rationnement du crédit susceptible d'en résulter. D'où l'importance de ne pas se limiter à la description de la monnaie, la structure de bilan n'étant pas neutre. D'où, enfin, la caractérisation de l'économie française comme une économie d'endettement, dans laquelle le montant de la masse monétaire est une variable passive, la Banque centrale ne régulant que le taux d'intérêt. Les nombreuses tentatives ultérieures de modélisation du système financier, en particulier intégré à un modèle macro-économique (Metric, 1981 ; Défi : Villa, [1982]) ont été rendues caduques par les vagues d'innovation et de désintermédiation financières. Mais ce qui a beaucoup plus contribué à l'abandon progressif de l'intégration financière, a été la constatation de la non robustesse économétrique des effets de taux d'intérêt dans les comportements de demande, maintes fois constatée sur données macro-économiques. Strauss- Kahn [1987] dresse ainsi un inventaire très détaillé des effets potentiels de la politique monétaire, tant sur le plan théorique général qu'appliqué au cas de l'économie française, tel qu'ils res- sortent des mécanismes inscrits dans les modèles macro-économiques disponibles à l'époque de la publication, ainsi que dans un certain nombre d'études économétriques. Les conclusions que l'auteur fait émerger de son inventaire sont les suivantes :

— un canal de transmission incontesté très puissant est encore une fois celui du change, mais il est notablement tron-

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que en pratique par le manque d'endogénéisation des mouvements de capitaux ;

— un autre canal majeur est celui des transferts d'intérêts. En revanche, les effets de substitution apparaissent quant à eux négligeables sur la consommation et modestes sur l'investissement ;

- les résultats trouvés reposent sur une vision néo-key- nésienne de l'économie et pourraient être invalidés par une approche plus moderne, faisant jouer en particulier un rôle moteur aux anticipations.

L'évolution de l'intégration dans les versions successives du modèle Metric [1981,1988] est à cet égard illustratif. La version de 1981 possédait un bloc financier sophistiqué (description complète et cohérente d'un T.O.E), accordant une large place aux restrictions de crédit. Les canaux de transmission étaient multiples. En particulier, les restrictions de crédit jouaient sur les entreprises et les ménages. Dans la version de 1988, le taux d'intérêt n'apparaît plus qu'indirectement et à deux reprises seulement, dans la définition du coût du capital (mais l'élasticité de substitution de la production est de 0,016 !), et dans les charges d'intérêt. Il n'y a plus de bloc financier. . .

Le modèle Méfisto de la Banque de France

La Banque de France a relevé le défi de la modélisation économétrique du système financier français (voir Méfisto, [1993], ou la contribution de Cordier et Ricart dans B.R.I. [1995]). Pour mieux comprendre le rôle de Г intermédiation financière dans la transmission de la politique monétaire, il a semblé nécessaire de passer par une description complète des flux financiers, dans le cadre d'une formalisation de type flows of funds, tout en évitant une modélisation à l'échelle 1 du T.O.E. Les constructeurs ont donc regroupé des catégories réglementairement très distinctes, mais à condition de rémunération voisine. Le résultat est un tableau décrivant les flux financiers dynamiques d'intervention de huit agents économiques sur, potentiellement, onze marchés. L'ajustement des marchés n'est pas le résultat d'une logique Wal- rasienne mais d'un régime de déséquilibre dans lequel les offres

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sont contraintes par les demandes, et se résolvent en un prix d'offre. La plupart des équations économétriques sont écrites sous forme de mécanismes de corrections d'erreurs. Ce modèle financier peut fonctionner en mode isolé. Dans ce cas, parmi les données d'entrée figurent notamment les richesses nettes des agents non financiers et le taux d'inflation intérieur. Un modèle relativement réduit de la sphère réelle peut fonctionner en mode intégré à Méfisto. Les canaux de transmission monétaire au secteur réel intérieur sont évidemment en nombre limité : en dehors de l'effet revenu habituel, sont présents les taux débiteurs sur l'investissement productif et sur le logement.

Modélisation théorique

des asymétries d'information sur

le marché du crédit et nouvelles

pistes d'intégration financière

des modèles macro-économétriques

Comme nous l'avons vu en première partie, un paradoxe souvent souligné dans les travaux macro-économétriques des années quatre-vingt est que les taux d'intérêt en niveau n'entrent pas signi- ficativement dans les fonctions d'investissement (Strauss-Kahn [1987]), alors qu'en revanche, les écarts de taux d'intérêt s'avèrent très pertinents pour expliquer le cycle économique. Stock et Watson [1989] constatent notamment que l'écart entre le taux d'intérêt de court terme et celui de long terme possède une dynamique propre, et qu'il constitue un bon prédicteur des grandeurs macro-économiques réelles. A la suite, d'autres travaux (Harvey [1991]) ont également mis l'accent sur le pouvoir prédictif de l'écart entre le taux d'intérêt privé (risqué) et le taux d'intérêt public (certain). Gertler, Hubbard et Kashyap [1990] met-

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tent aussi en avant « la contra-cyclicité de cet écart de taux [qui] est symptomatique du mécanisme financier de propagation des chocs dans la sphère réelle » et constitue un fait saillant qu'il convient d'expliquer : en phase de croissance, le risque de faillite des emprunteurs diminue, ce qui réduit également la prime de risque et l'écart entre les taux risqué et certain. L'accroissement de cet écart de taux provient d'une augmentation des coûts d'agence, par exemple les coûts dûs à l'intermédiation, liés au financement externe (Calomiris et Hubbard [1990]) et est de plus à l'origine d'une dynamique cyclique, puisque le renchérissement du crédit fragilise l'économie, augmente le risque de faillite, et donc également la prime de risque. Bernanke, Gertler et Gil- christ [1994] complètent ce mécanisme par une analyse transversale : suite à un choc macro-économique tous les emprunteurs ne seraient pas affectés de la même façon selon qu'ils sont plus ou moins bien nantis. Le secteur bancaire tend en effet à durcir son offre de crédit en phase de récession en privilégiant les clients les plus sûrs au détriment des plus risqués, et l'impact de la récession serait alors renforcé.

Par cette littérature abondante, parfois regroupée sous le terme « canal large du crédit »*, les macro-économistes proposent depuis une dizaine d'années de nouvelles pistes pour l'intégration financière des modèles macro-économiques. Aux premières études empiriques ont succédé des tentatives de modélisations théoriques de ces phénomènes, qui utilisent le cadre de petits modèles d'équilibre général intertemporel de type « Real Business Cycle », dont la spécification est dérivée de fondements micro-économiques rigoureux, et recourent aux avancées de l'économie de l'information et de la théorie des jeux.

Nous présentons dans la première section les principales modélisations des liens entre la sphère financière et la sphère réelle de ces dernières années à la lumière des faits saillants qu'elles tentent de décrire, puis dégageons, dans la seconde section, quelques pistes d'intégration de ces travaux dans des modèles macro-économétriques de conjoncture.

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Les principales modélisations théoriques récentes des liens entre la sphère financière et la sphère réelle

Du point de vue théorique, le courant des cycles réels a pris à contre-pied l'approche monétaire des cycles développée au cours des années soixante-dix, en proposant une nouvelle vision des fluctuations macro-économiques qui évacue les aspects monétaires et financiers : des impulsions, principalement du côté offre, seraient à l'origine des fluctuations de l'activité économique. Depuis, de façon apparemment paradoxale, de nombreux approfondissements actuels sur le rôle de la monnaie et plus largement de la sphère financière dans le cycle, s'inscrivent dans le cadre méthodologique inauguré par le courant R.B.C. King et Plosser [1984] constituent la référence centrale de ce courant en ce qui concerne les liens entre monnaie, crédit et activité. Ils tentent d'accréditer l'idée que les dimensions nominale et financière sont endogènes par rapport à la sphère réelle et, dans ce sens, qu'elles jouent un rôle inessentiel dans le cycle. Leur modèle d'équilibre général dynamique, où le théorème de Modigliani-Miller s'applique, permet de reproduire la causalité (au sens de Granger) observée du crédit vers le produit, ainsi que son caractère d'indicateur avancé sur l'activité réelle, parce qu'il introduit un délai dans le processus de production du bien. Mais, cependant, l'interprétation maximaliste de King et Plosser [1984] d'une complète endogénéité de la monnaie et du crédit n'apparaît pas satisfaisante, parce que l'influence réelle de la monnaie externe semble une dimension incontournable des fluctuations économiques observées. En fait, pour aboutir à une explication plus générale du cycle économique, il est nécessaire, comme le concluent Cudeville et Hairault [1997], d'approfondir les mécanismes financiers de transmission du modèle de King et Plosser [1984], en remettant notamment en cause l'hypothèse d'un marché de capitaux parfait.

Dans leur article de 1981, Stiglitz et Weiss émettent l'idée que les banques, lorsqu'il existe une asymétrie d'information entre prêteurs et emprunteurs, peuvent préférer refuser des clients, même à un taux débiteur plus élevé, à cause d'un effet

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ď anti-sélection et d'un effet d'incitation négatifs. Dans ce cadre, une hausse du taux d'intérêt a pour effet d'augmenter le risque global des demandeurs de crédit, auquel les banques réagissent en diminuant leur offre de crédits, ce qui diminue l'investissement, fragilise l'économie, et augmente à nouveau le risque de faillite. Stiglitz et Weiss ébauchent alors un mécanisme de propagation des chocs dû au secteur financier, que l'on retrouve dans les développements théoriques du début des années quatre- vingt-dix.

L'argument de base de cette littérature est qu'en présence d'asymétrie d'information, et donc de coûts d'agence, les facteurs financiers peuvent affecter les grandeurs réelles comme l'investissement et le produit. En dynamique, ces grandeurs réelles peuvent affecter à leur tour les grandeurs financières et ainsi engendrer de la persistance, qui n'existerait pas sans l'asymétrie d'information. Les développements de l'économie de l'information ont été utilisés pour expliquer les différentes formes de contrats financiers et ď intermédiation qui existent dans la réalité. La littérature retient trois types d'asymétries d'information susceptibles d'agir, ensemble ou séparément, sur le marché du crédit :

(i) Les emprunteurs peuvent être indistinguables ex ante ; cela introduit un phénomène d'anti-sélection (« adverse selection ») et le problème du marché des « lemons » de Akerlof [1970], que l'on retrouve également dans les travaux précurseurs de Stiglitz et Weiss [1981].

(ii) Les banques peuvent être incapables d'observer l'utilisation que font les emprunteurs des crédits qu'ils ont reçus ; cela introduit un phénomène d'aléa de moralité avec action cachée (« hidden action »), introduite par Arrow [1963].

(iii) Les banques peuvent être incapables d'observer sans coût les rendements ex post des projets qu'elles financent ; cela donne lieu à un phénomène d'aléa de moralité avec information cachée (« hidden information »), puisque l'emprunteur a alors la possibilité de déclarer un rendement faible de façon à ne pas rembourser la totalité de son emprunt (Townsend [1979]).

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Quelle que soit la configuration retenue, il y a une différence entre le taux créditeur sur les dépôts bancaires et le taux débiteur sur les crédits, qui incorpore les coûts de sélection des clients (i), de vérification de l'action des emprunteurs (ii) ou de vérification du résultat des investissements (iii), et qui est à l'origine du rationnement du crédit2 au sens de Stiglitz et Weiss [1981] et qui n'est pas neutre sur l'activité réelle. Cependant, compte tenu des obstacles techniques (cf. infra) pour modéliser la dynamique lorsque les agents sont hétérogènes, à cause des problèmes d'agrégation que cela engendre, il semble que deux voies complémentaires l'une de l'autre aient été privilégiées. Une partie de la littérature s est attachée à modéliser l'aspect dynamique du lien entre la sphère financière et la sphère réelle, en expliquant le phénomène « d'accélérateur financier » (ou « financial accelerator ») avec aléa de moralité. Tandis qu'une autre partie s'est orientée vers l'aspect transversal de ce lien en expliquant le phénomène de « fuite vers la qualité » avec des modèles d'anti-sélec- tion.

Le phénomène d'accélérateur financier

La notion d'accélérateur financier traduit le mécanisme par lequel tout choc - disons positif- sur la richesse nette des emprunteurs — disons des entreprises — augmente le nantissement et diminue le risque de faillite de ces derniers, ce qui augmente également le profit espéré des banques. Ce faisant, l'offre de crédits croît et son coût diminue simultanément, stimulant l'investissement ; la richesse des entreprises augmente à nouveau et alimente la persistance du choc initial. On parle d'« accélérateur » car la croissance de la production agrégée est un signal sur le risque de l'économie et intervient à ce titre sur le niveau de l'activité économique, par le biais de la sphère financière.

La modélisation théorique de ce mécanisme suppose que les agents sont hétérogènes, afin de satisfaire l'une des trois formes d'asymétrie vues plus haut. Elle doit également exhiber un effet de mémoire afin de rendre compte de la persistance des chocs. Le type d'asymétrie d'information privilégié pour réunir

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ces conditions est l'aléa de moralité parce qu'avec lui les agents ont des comportements identiques lors de la signature du contrat de prêt. Ainsi, même s'ils sont différents ex post (cette différence est à l'origine du risque), ils sont néanmoins indistin- guables ex ante, ce qui permet, en obtenant un équilibre symétrique, d'agréger facilement les comportements pour obtenir un modèle macro-économique.

A l'inverse, avec de l'anti-sélection, les agents ont par hypothèse des caractéristiques différentes ex ante et leurs conditions d'accès au crédit ne sont pas toutes les mêmes. Ce type d'asymétrie implique des différences dans les comportements d'investissement et compromet l'existence de l'équilibre symétrique. Cela pose des problèmes d'agrégation des comportements et, par conséquent, la dynamique d'accumulation sur les variables de stock ne peut plus être explicitée.

On peut noter, cependant, que si l'hypothèse d'aléa de moralité est celle utilisée dans la littérature pour modéliser le phénomène d'accélérateur financier, elle est pourtant souvent décriée pour son manque de sens par rapport à l'hypothèse de sélection adverse, apparemment plus intuitive. En effet, l'aléa de moralité suggère que le principal problème auquel les banques sont confrontées est la malhonnêteté de leurs clients : c'est pour la combattre qu'elles prélèvent des coûts d'agence. L'hypothèse de sélection adverse semble plus réaliste, en suggérant que le principal souci des banques est de sélectionner les bons clients.

Les caractéristiques des différentes contributions tiennent en premier lieu à la façon dont elles définissent la richesse nette des emprunteurs, base de la dynamique que l'on cherche à décrire. Dans leur modèle à générations imbriquées, Bernanke et Gertler [1989] retiennent les fonds propres des entrepreneurs, qui se définissent comme le salaire qu'ils ont épargné durant leur première période de vie. Dans cet article, un choc de productivité positif non anticipé augmente la demande de travail et le salaire d'équilibre, ce qui augmente la masse salariale, en particulier celle des jeunes - futurs - entrepreneurs. Ce faisant, les fonds propres de ces derniers s'accroissent, facilitant leur accès

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au crédit et augmentant leur stock de capital dans leur seconde période de vie. L'augmentation du stock de capital accroît la productivité du travail pour les nouveaux jeunes — futurs — entrepreneurs et pérennise l'effet initial. Leur modèle a trois inconvénients importants : il n'est pas dans un cadre d'équilibre général, il n'explicite pas la dynamique, et il n'est pas calculable. Fuerst [1995] transpose la même structure que Bernanke et Gertler [1989], dans un modèle d'équilibre général dynamique où les agents vivent une infinité de périodes, et il garde la même définition de la richesse nette. Après avoir simulé un choc d'offre et comparé les résultats à ceux des modèles R.B.C. standards où le théorème de Modigliani-Miller s'applique, il conclut que sa modélisation avec aléa de moralité n'est pas très satisfaisante au niveau de l'amplification des chocs, mais qu'en revanche, elle permet d'exhiber une plus forte persistance. L'explication de ce phénomène est claire : deux effets s'opposent dans un premier temps sur le risque de faillite des emprunteurs suite au choc d'offre positif. D'un côté la masse salariale des entrepreneurs augmente, ce qui accroît leurs fonds propres et diminue l'incitation à mentir sur le résultat du projet. D'un autre côté, c'est l'ensemble de la masse salariale qui augmente — ce qui renchérit les facteurs de production — ainsi que la demande de crédits, et diminue le ratio dettes/fonds propres. Au total, dans un premier temps, le risque global de l'économie augmente, se traduisant par une augmentation de la prime de risque (i.e. l'écart entre les taux d'intérêt débiteur et créditeur) et une réponse moins forte de l'économie par rapport au modèle standard. Cependant, à mesure que le stock de capital s'ajuste à la hausse, les salaires et les fonds propres des entrepreneurs augmentent, ce qui fait baisser l'écart de taux d'intérêt et prolonge la réponse positive de l'économie. Ainsi, Fuerst [1995] exhibe bien la contra-cyclicité de l'écart des taux et, en outre, c'est donc finalement dans la persistance, plus que dans l'amplification des chocs, qu'apparaît le phénomène d'accélérateur financier.

Ce modèle a été critiqué (Gertler [1995]) à propos de la trop forte élasticité des demandes de facteurs par rapport aux fonds propres, à l'origine de la faiblesse de la réponse de l'économie à

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très court terme, plus faible même que dans le cas d'information gratuite (par exemple, suite à un choc négatif, les demandes de facteurs diminuent de façon telle que le coût des facteurs baisse plus vite que les fonds propres, ce qui, paradoxalement, diminue partiellement le risque de faillite et amortit l'effet négatif initial à court terme en limitant la hausse du coût du crédit). En revanche, cette relative viscosité des fonds propres se traduit par l'augmentation — la baisse — de l'écart entre les taux débiteur et créditeur à très court terme suite à un choc positif- négatif- sur la richesse nette. Cela tend à expliquer, sans formuler pour autant d'anticipations, le caractère prédictif de l'écart de taux d'intérêt.

La principale critique sur Fuerst [1995], qui s'applique d'ailleurs également à Bernanke et Gertler [1989], concerne le manque de réalisme de la définition de la richesse nette des entreprises. Il ne semble en effet pas correct de définir celle-ci comme l'épargne salariale de l'entrepreneur, car cela lie artificiellement les fonds propres à la masse salariale. Fischer [1994] propose un modèle d'équilibre général dynamique avec des firmes hétérogènes ex ante et de l'aléa de moralité. Ce dernier est à l'origine de l'asymétrie d'information, et un contrat de dette à la Townsend [1979] (l'emprunteur est systématiquement audité dès lors qu'il annonce ne pas pouvoir rembourser) est prévu pour pallier. L'originalité de sa démarche est double : tout d'abord, il définit les garanties des entrepreneurs comme les cash-flows tirés de l'investissement à chaque période — et non pas comme une partie de la masse salariale — . Ensuite, il considère deux types de firmes : celles sur lesquelles l'information est gratuite et celles sur lesquelles l'information est coûteuse. Cette modélisation relativement complète ne permet pourtant pas de reproduire l'effet d'accélérateur financier parce que l'emprunteur n'a pas de fonds propres3 et n'a par conséquent pas le moyen de garantir son emprunt, enlevant ainsi tout effet de mémoire au modèle. En revanche, Fischer [1994] reproduit correctement le fait que les entreprises les plus grandes ont un accès au crédit plus facile et moins coûteux que les plus petites, que ces dernières subissent plus violemment les chocs (d'offre ou de demande) à cause des conditions d'accès au crédit plus strictes, et il met également en

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évidence le caractère contra-cyclique de l'écart de taux d'intérêt. Mais ses conclusions sont fragiles : c'est en fait parce qu'il y a un accès coûteux à l'information sur certaines firmes que celles-ci sont plus petites et subissent plus fortement les chocs. Or, intuitivement, on voudrait plutôt avoir le résultat inverse selon lequel une entreprise serait plus petite car elle a un coût d'accès au crédit plus élevé qu'une grande entreprise.

Devant l'échec de ces modèles d'accélérateur financier à expliquer le phénomène d'amplification par la sphère financière, Gertler et Gilchrist [1994] adoptent une approche complémentaire en étudiant les implications « transversales » des asymétries d'information et définissent la notion de fuite vers la qualité.

Fuite vers la qualité

La fuite vers la qualité (« flight to quality ») traduit le mécanisme par lequel tout choc - disons négatif- sur la richesse nette des emprunteurs - disons des entreprises - diminue le nantissement et augmente le risque global de l'économie, ce qui incite les banques à augmenter le degré de sélection de leurs clients et à ne financer que les meilleurs d'entre eux, notamment les plus grandes entreprises. Ce faisant, l'offre de crédit se raréfie pour les autres entreprises et le nombre de projets mis en oeuvre dans l'économie diminue, ce qui accentue l'effet négatif initial.

La modélisation théorique de ce phénomène suppose que les agents sont hétérogènes ex ante et que les banques peuvent les classer, plus ou moins précisément, en fonction de leur risque, quitte à utiliser un mécanisme de sélection coûteux. Elle passe par la description d'un mécanisme de sélection adverse et met l'accent sur le comportement actif des banques dans la sélection des clients, attribuant aux intermédiaires financiers un rôle plus important dans le cycle que dans les modèles avec accélérateur financier.

Calomiris et Hubbard [1990] proposent un modèle avec emprunteurs hétérogènes ex ante et un problème de sélection adverse. Ils montrent que l'accès au financement externe est dif-

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férent selon les entrepreneurs, et dépend de leurs fonds propres. Autrement dit, il existe une relation importante entre l'investissement et le financement interne. Ils mettent en avant deux résultats :

- la segmentation du marché du crédit reflète les différences d'accès à l'information concernant chaque firme ;

— le financement interne est moins pertinent pour expliquer l'investissement des entreprises à propos desquelles les prêteurs disposent de nombreuses informations.

Wang et Williamson [1993] développent également un modèle avec de l'asymétrie d'information ex ante sur le marché où les prêteurs utilisent une technologie de sélection coûteuse. Ils montrent que, dans ce cas, le seul type d'équilibre possible est un équilibre séparateur, distinguant les bons des mauvais emprunteurs et où les prêteurs offrent autant de contrats de dette qu'il existe de types d'emprunteurs4.

Les chocs positifs sur la richesse nette des emprunteurs diminuent instantanément le risque de faillite, ce qui incite les intermédiaires financiers à desserrer le rationnement du crédit, et amplifie l'effet initial5. Simultanément, les entreprises ne sont pas touchées de la même façon par le changement de comportement de banques, et ces modèles prévoient une plus forte sensibilité aux chocs économiques du crédit aux P.M.E. Ces conclusions sont validées par Bond et Meghir [1994] qui interprètent leurs résultats économétriques sur données de panel comme la possibilité que certaines firmes soient financièrement contraintes alors que d'autres ne le sont pas. En outre, l'estimation des comportements d'investissement sur un panel d'entreprises de Bond et alii [1994] montre que l'investissement est très sensible aux cash-flows, résultat que l'on retrouve chez Whited [1992], ce qui va également dans le sens d'un canal large du crédit.

A notre connaissance, il n'existe pas de modélisation simultanée au niveau macro-économique des deux mécanismes d'accélérateur et de fuite vers la qualité que l'on peut néanmoins résumer dans le schéma qui suit :

On peut cependant retenir la contribution originale de Kiyotaki et Moore [1997], qui a l'avantage de reproduire à la fois la persistance et l'amplification des chocs, avec de l'aléa de mora-

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lité (mais il ne décrit pas l'aspect « fuite vers la qualité ») et une définition de la richesse nette bien choisie. Cette dernière n'est en effet plus définie comme un flux, mais comme un stock de facteurs de production dont la valeur présente dépend des prix anticipés. Leur modèle fait apparaître deux types de multiplicateurs : le premier est dynamique (responsable de la persistance) et le second statique (responsable de l'amplification). Un choc adverse sur la richesse nette provoque une augmentation instantanée du coût du crédit, ce qui fait diminuer la demande de facteurs et chuter leur prix, donc la valeur des garanties des entreprises ; c'est l'effet statique. Ce choc négatif a par ailleurs un impact négatif sur la richesse nette réelle future (c'est l'effet dynamique), ce qui diminue les prix anticipés des actifs, donc également la valeur présente de la richesse nette, et renforce le multiplicateur statique.

Les pistes d'intégration des travaux théoriques dans les modèles macro-économétriques de conjoncture

L'objet de cette partie est d'examiner ce que les modélisations théoriques de ces dernières années peuvent apporter aux modèles macro-économétriques de conjoncture traditionnels. Il s'agit, en particulier, de dégager les principales variables financières capables d'éclairer les relations entre la sphère financière et la sphère réelle au niveau agrégé, notamment dans le cadre du canal large du crédit étudié dans la section précédente. Ces modèles proposent finalement un nombre limité de variables pertinentes et parfois originales susceptibles d'améliorer les conclusions des modèles macro-économétriques. Nous retiendrons le spread de taux d'intérêt (c'est à dire l'écart entre les taux débiteur et créditeur), le taux d'autofinancement des entreprises, les flux de crédits (de trésorerie et d'investissement) accordés aux entreprises, et enfin les flux d'émission de billets de trésorerie.

• Les modèles théoriques expliquent le pouvoir prédictif du spread de taux par la viscosité de la richesse nette (ou plus largement des garanties) des emprunteurs. Il faut un certain

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temps pour que les garanties des emprunteurs s'ajustent à la conjoncture, alors qu'en revanche la demande d'investissement (et donc de crédits) réagit plus rapidement. Suite à un choc positif, le secteur bancaire commence par augmenter les taux débiteurs par rapport aux taux sans risque, alors que l'investissement augmente. La viscosité des garanties retarde la réaction du secteur bancaire, qui amortit la réponse de l'économie en renchérissant le crédit dans un premier temps. Le graphique n° 3 est une projection théorique de l'effet d'un choc de productivité positif sur le produit agrégé, lorsqu'on considère de façon exclusive les deux types d'asymétrie envisagés tirés de Fuerst [1995] et Boissay [1997]. L'effet statique de fuite vers la qualité doit se traduire par une amplification de la réponse dès la première période, mais sans accroissement de la persistance. A contrario, l'effet dynamique d'accélérateur financier doit se traduire par de la persistance, sans amplification à la première période si la richesse nette des emprunteurs est un stock (en revanche, lorsque le choc initial porte directement sur la richesse nette des emprun-

Réponses « théoriques » comparées du P.I.B. à un choc de productivité

— Fuite ven la qualité — • Accélérateur financier — Information parfaite

Graphique n° 3

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teurs, l'effet d'accélérateur financier entre instantanément en jeu puisque la prime de risque diminue instantanément).

• La contra-cyclicité du spread de taux s'explique par la contra-cyclicité de la prime de risque sur les taux d'intérêt débiteurs. Cette dernière contient les coûts d'accès à l'information sur les emprunteurs, tant au niveau de la vérification (asymétrie ex post) que de la sélection (asymétrie ex ante). La contra-cyclicité est renforcée par la présence simultanée des effets d'accélérateur financier et de fuite vers la qualité. En théorie, le spread de taux d'intérêt doit évoluer en sens inverse du taux de croissance du P.I.B. Le graphique n° 4 représente les réponses théoriques du produit agrégé et de l'écart des taux d'intérêt suite à un choc de productivité lorsque la richesse nette (ou les garanties financières) des emprunteurs est un stock et qu elle met du temps à s'ajuster. Dans un premier temps, l'accroissement de la productivité globale des facteurs augmente les demandes de fac- " teurs et les coûts de production, à richesse inchangée. Il y a donc une augmentation du risque de non-remboursement et de la

Réponses « théoriques » du P.I.B. et du spread de taux d'intérêt à un choc de productivité positif

date du choc

périodes

Graphique n° 4

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prime de risque. A mesure que les garanties augmentent, la prime de risque diminue, et la production augmente.

• La théorie prévoit la pro-cyclicité du niveau de l'autofinancement parce que celui-ci dépend positivement des fonds propres et de la richesse nette. Elle conclut également à la contra- cyclicité du taux d'autofinancement : lorsque - toutes choses égales par ailleurs - le risque global de l'économie diminue, le secteur bancaire accepte de financer des entreprises avec un ratio dettes/fonds propres plus élevé, ce qui correspond à une baisse du taux d'autofinancement.

Alors que dans un cadre d'information parfaite, la demande de crédits ne fait que suivre — de manière causale — le cycle6

(King et Plosser [1984]), le canal large du crédit attribue un rôle spécifique à l'offre de crédits. D'une part celle-ci est causée par le cycle parce qu'elle dépend de la solvabilité des emprunteurs, et donc du niveau de l'activité économique mais, d'autre part, elle agit sur le cycle en modifiant les conditions de financement externe des emprunteurs.

• Les raisonnements effectués sur la base du secteur bancaire s'étendent, pour les tenants du canal large du crédit, à l'ensemble du secteur financier et en particulier aux marchés financiers. Dans la littérature, cette entité est généralement modélisée comme un fonds commun de placement prélevant un coût d'agence pour pallier le défaut d'information. Il n'y a donc pas lieu de distinguer l'origine des financements externes — secteur bancaire ou marché financier — . Cela revient à poser l'équivalence entre les moyens de financement externes, notamment entre les crédits bancaires et les billets de trésorerie. Le tableau n° V

Tableau 1 Corrélations entre le spread de taux et les moyens de financement

Billets de trésorerie

0,17

Crédits de trésorerie

-0,30

Crédits d'investissement

-0,45

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montre cependant que la distinction entre les sources de financement externe apporte une information supplémentaire car, contrairement au financement indirect, le financement direct sur le marché est positivement corrélé avec le risque global de l'économie dont le spread de taux d'intérêt est un indicateur8.

Les corrélations du tableau n° 2 semblent confirmer le caractère prédictif du spread de taux d'intérêt à court terme. De plus, la prime de risque est corrélée négativement avec le montant du financement externe (-0,29), ce qui correspond aux conclusions des tenants du canal large du crédit. Cependant, le fait que sa corrélation soit positive (0,16), ce qui n'est pas très satisfaisant, même si elle est faible.

Tableau 2 Corrélations entre les grandeurs réelles et financières

(a) (b) (c) (d) (e) (f)

Taux d'autofinancement*

(a) 1

Investissement des entreprises*

(b) 0,06

1

P.I.B.*

(c) 0,14 0,66

1

Financement externe total*

(d) 0,03 0,24 0,31

1

Spread

(e) 0,23 0,16 0,17 -0,29

1

Spread {t-4} (f)

-0,01 0,42 0,41 0,04 0,65

1

En taux de croissance

La littérature récente ouvre de nouvelles pistes d'intégration financière dans les modèles macro-économétriques, qui ont été évaluées empiriquement sur séries chronologiques — pour l'accélérateur financier — et sur données de panel — pour l'effet de fuite vers la qualité -. En terme opérationnel, son principal apport est de proposer d'autres variables macro-économiques

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financières que les taux d'intérêt en niveau, en leur donnant un contenu économique, pour expliquer l'impact du secteur financier sur le cycle.

Accessoirement, en étudiant les réponses de l'économie à tout choc sur la richesse des agents, cette littérature décrit également un canal financier de transmission des chocs de politique monétaire. Comme le soulignent Bernanke et Gertler [1995], une politique monétaire restrictive conduisant à la hausse des taux d'intérêt renchérit le coût de la dette et réduit la valeur nette des cash-flows et des garanties des entreprises. L'effet d'accélérateur financier permet d'expliquer pourquoi une restriction monétaire transitoire peut voir ses effets persister.

Cette interprétation doit cependant être nuancée parce que, selon certains auteurs, l'impact de la politique monétaire via le canal large du crédit peut-être affecté par les conditions de concurrence dans le secteur bancaire : le rationnement du crédit (au sens de Stiglitz et Weiss [1981]) est d'autant plus fort que le secteur bancaire est en monopole (Vale [1992]). Dans ce cas, la politique monétaire a un impact plus grand sur l'offre de crédits de la part des banques. Par ailleurs, le développement des instruments financiers et l'accroissement de la concurrence sur le marché du crédit en général, rendent également plus diffus les effets de la politique monétaire en offrant des possibilités de financement comme alternative au crédit bancaire.

Kanniainen et Stenbacka [1996] montrent qu'une concurrence accrue sur le marché du crédit dissuade les intermédiaires financiers de mettre en oeuvre une technologie de vérification ou de sélection, ce qui augmente le degré d'asymétrie d'information entre prêteurs et emprunteurs. Dès lors, la qualité moyenne des emprunteurs diminue, ce qui accroît les effets d'amplification et de persistance des chocs de politique monétaire.

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Le présent article a été consacré à un examen synthétique de la manière dont l'interaction entre les phénomènes monétaires et réels a été et est encore évaluée au travers des modèles macroéconométriques, ainsi que des pistes de recherche prometteuses.

Les outils constitués par les modèles traditionnels attribuent un rôle central aux taux d'intérêt comme canaux de transmission des chocs monétaires et financiers (cadre IS-LM), mais conduisent à des résultats instables et quantitativement décevants. Les travaux théoriques récents se polarisent sur le canal du crédit en mettant en évidence l'asymétrie d'information entre préteurs et emprunteurs ainsi que les imperfections du marché du crédit. Ils tendent de la sorte à fournir des fondements microéconomiques rigoureux à des mécanismes macro-économiques. Nous pensons que ces travaux peuvent relancer la modélisation macro-économétrique. Quelques pistes d'intégration de ces travaux semblent particulièrement prometteuses comme la notion de fuite vers la qualité et d'accélérateur financier, mais il reste à les évaluer quantitativement par des techniques économétriques rigoureuses.

Le présent article s'inspire largement d'un rapport de contrat entre la Direction de la Prévision et le CEPREMAP. Nous remercions P. Jacquinot du centre de recherche de la Banque de France pour son soutien efficace et les nombreux documents qu 'Ha mis à notre disposition. Nous remercions également les rapporteurs de la revue dont les remarques nous ont été précieuses.

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Notes

1. Nous n'aborderons pas la littérature du canal « étroit » du crédit qui s'est développée dans les années 70-80, et qui fait référence aux relations entre les autorités monétaires et le secteur bancaire d'une part, et entre le secteur bancaire et les agents privés d'autre part. Pour des revues de la littérature sur le canal étroit et le canal large, voir par exemple Mish- kin [1996], Rozenwald [1995].

2. Stiglitz et Weiss [1981] définissent le rationnement du crédit comme la « circonstance dans laquelle soit parmi les candidats au prêt a priori identiques, certains reçoivent un prêt alors que d'autres n'en reçoivent pas, même si ces derniers sont disposés à payer un taux d'intérêt plus élevé, soit il existe un groupe identifiable d'individus qui ne reçoivent jamais de crédit quel que soit le taux d'intérêt, parce que les banques refusent de prêter plus ».

3. Le fait de ne pas avoir de comportement d'accumulation au niveau des firmes permet, nous l'avons déjà souligné, d'agréger les comportements individuels pour obtenir des relations macroéconomiques.

4. L'existence d'une technologie de sélection des projets d'investissement est une condition nécessaire à celle de l'équilibre séparateur. Ce dernier n'est pas non plus indispensable pour exhiber le

nisme de fuite vers la qualité (par exemple, chez Stiglitz et Weiss [1981], le seul mécanisme de sélection passe par le taux d'intérêt, et il n'y a pas de dis

crimination des clients), mais en revanche il l'est pour reproduire l'hétérogénéité du coût d'accès au crédit selon la qualité des entreprises.

5. Certains auteurs (Direr [1997]) attribuent même aux banques un rôle dans le retournement du cycle économique : en relâchant leur sélectivité, elles seraient enclines à offrir des crédits pour des investissements trop risqués qui, en échouant, grèvent la production future.

6. Chez King et Plosser [1984], la demande de crédit précède temporelle- ment le cycle, mais elle est causée par le cycle via une contrainte de cash-in- advance.

7. Les statistiques sont calculées sur données françaises trimestrielles de 1986 à 1992.

8. Cela rejoint la conclusion de Gertler et Gilchrist [1994] qui ont montré que les P.M.E., dont l'accès au marché financier est limité, jouent un rôle plus important dans le cycle, suite à un choc de politique monétaire, que les grandes entreprises qui ont toujours la possibilité de se reporter sur le marché pour se financer.

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