Institutions et Evolution politiques de KASAR MARADI.pdf

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Institu,tions et évolution politiques de Kasar. Maradi (Katsina Nord)

au XIXè siècle

, . ~ ,

CELHTO/UA

Collection Etude

Centre d'Etudes Linguistiques et Historiques par Tradition Orale CELHTO, B.P.: 878, Niamey, Niger

Photo de couverture : Palais actuel de Gidan Korau à Birnin Maradi

Photo Thomas R. Johnson, 3 Juillet 2002

© CELHTO/UA Niamey

Achevé d1mprimer sur les presses de la NIN Janvier 2003

3

AU PEUPLE NIGERIEN,

A MON PERE, FEU MAHAMANE DAN-LADY BAKOYE,

A MA MERE, HAJIYA TA-AUSAGI UBAN-DAWAKI,

A MON CHER FRERE, FEU ABDOU DAN-LADY

A MES FIDELES AMIS MADAME ET MONSIEUR BAKOYE SAMINOU

4

REMERCIEMENTS:

Il m'est pratiquement impossible de citer tous ceux qui ont

contribué à la réalisation de ce travail. Cependant toute ma gratitude

leur est adressée.

Néanmoins je ne manquerai pas de remercier:

- Pro Djibo Hamani, du Département d'Histoire de l'Université de

Niamey;

- Pr Kimba Idrissa du Département d'Histoire de l'Université de

Niamey;

- Pro Jean-Louis Triaud du Département d'Histoire de l'Université de

Provence, Aix-Marseille I. ;

- M. Aboubacar Adamou, Doyen de la F.L.S.H.fU.A.M. ;

- M. Mahamane Karimou, Chef du Département d'Histoire de

l'I.R.S.H. à Niamey;

M. Sallah Alhassane, Chef du Département de Géographie de

l'Université de Niamey;

M. Malam Issa Mahaman, Chef adjoint du Département

d'Histoire ;

qui ont apporté, au cours de la lecture de mon manuscrit, des

critiques et des suggestions solidement fondées sur des

connaissances spécialisées, scientifiques et méthodologiques.

Il serait ingrat de ma part de ne pas remercier :

- M. Oumarou Garba Youssoufou, Organ'isation of African Unity,

Executive Secretary to the United Nations (en retraite) , pour

tous ses soutiens dans mes études ;

-Dr Yusufu Baia Usman, de l'Université de Zaria, pour ses

précieuses indications ;

5

-Feu Pro Dan Dicko Dan Koulodo, de la Faculté des Sciences de

l'Université de Niamey, pour son aide et son encouragement au

cours de cette étude ;

- M. Hassane Dan Karami pour les divers services rendus dans le

cadre de ce travail.

Outre ces avantages, j'ai bénéficié de l'appui fidèle de nombreux

parents, amis, collègues et des Nigériens au Nigéria dont il sera

fastidieux de citer tous les noms.

Enfin la publication de ce travail ne serait pas possible sans le

soutien financier du Centre d'Études Linguistiques et Historiques par la

Tradition Orale (C.E.L.H.T.O./U.A.) qui a bien voulu supporter les frais

de cette publication et l'accepter dans sa célèbre Collection Etudes.

Que cette institution et son Directeur, Monsieur Mangone Niang,

trouvent ici l'expression de ma gratitude. Je suis particulièrement

reconnaissant à M. Sounaye Abdoulaye de l'Université Abdou

Moumouni, Mahaman Alio de l'Inspection de l'Enseignement

Secondaire Niamey IV pour avoir accepté de lire notre manuscrit et

faire des observations constructives. La révision de ce manuscrit

n'aurait pas été possible sans le concours matériel de M. Moussa

Bouzou Ibrahim, chef du Département de Géographie. Qu'il trouve ici

l'expression de ma gratitude. Je n'oublierai pas Monsieur Laouali

Dambo qui a gracieusement élaboré les cartes et schémas contenus

dans ce livre.

L'étude que nous publions aujourd'hui est le fruit d'un travail réalisé

dans le cadre d'un mémoire de Maîtrise, soutenu en juin 1985. Le Jury

avait recommandé sa publication, mais pour des raisons

indépendantes de notre volonté, cette publication a été à plusieurs

reprises reportée. Nous nous félicitons..cJe ce qu'elle a eu enfin lieu.

6

ABREVIATIONS:

A.D.M : Archives du Département de Maradi (Préfecture.)

A.N.N. : Archives Nationales de la République du Niger à Niamey.

A.W.A.I : Aspect of West African Islam.

BRO : Brochure, par exemple Brol = Brochure nOl à l'IRSH, Niamey.

Bull. : Bulletin.

B .U.K. : Bayero University Kano (Nigéria).

B.U.P.A. : Boston University Paper on Africa.

C.E •• L.H.T.O.: Centre d'Etudes Linguistiques et Historiques par

Tradition Orale; ex-C.R.D.T.O., (Centre Régional de Documentation

par Tradition Orale) Niamey.

C.N.R.S.H. Centre Nigérien de Recherches en sciences Humaines,

Niamey.

C.U.P. : Cambridge University Press.

D.A. : Document Anonyme.

Ea.C.E. : Entretien anonyme Collectif Enregistré.

E. C. E. : Entretien Collectif Enregistré.

E.Cn. E. : Entretien Collectif Non Enregistré.

E.I.E. : Entretien Individuel Enregistré.

E. In.E.: Entretien Individuel Non Enregistré.

E.N : Etudes Nigériennes.

H.G. : Hikayat al-Ghuzu.

H.M. : Hausawa da Makwabtansu.

H.G.A. : Histoire Générale de l'Afrique.

H.W.A.I. : History of West Africa, Volume 1.

I.F.A.N.: Institut Fondamental de l'Afrique Noire: ex- Institut

Français d'Afrique Noire.

7

I.R.S.H.: Institut de Recherches en Sciences Humaines ex-

C.N.R.S.H.

I.N.F. : Imprimerie Nationale de France.

I.U. P. : Ibadan University Press.

l.A.H. Journal of African History.

l.A.S. : Journai of African Society.

l.S.A. : Journal de la Société des Africanistes.

K.I.L.Z. : Kashim Ibrahim Library, Zaria (Nigéria.)

N.H.R.S. : Northern History Research Scheme, Zaria (Nigéria).

N.N.P.C. : Northern Nigeria Publishing Company.

O.U.P. : Oxford University Press ..

P.A. : Présence Africaine.

P.P. : Palmer Papers.

P.U.F. : Presses Universitaires de France.

R.A. Raudat al-Afkar.

R.T. Rapport de Tournée.

R.K. Recueil de Kirari.

Rev. T.M. : Revue du Tiers-Monde.

S.D. :Sans date.

S.L. : Sans lieu.

S.L.N.D : Sans Lieu Ni Date.

S.N. : Synthèses Nigériennes, Niamey.

M. : Monographie.

Ma. : Monographie anonyme.

Mn. : Manuscrit.

M.N.P. : Manuscrit Non Publié.

U.C.P. : University of California Press.

8

Transcription

Notre transcription de certains termes des langues locales

obéira aux principales conventions suivantes sauf cas exceptionnel.

Le e n'est jamais muet. Il se prononce toujours é.

Le son ch est donné par sh.

Le c ou ch se prononce tch.

Le 9 est toujours dur.

Le h est toujours aspiré.

Le s ne prend jamais la valeur de z.

Le w se prononce comme dans wallon.

9

La carte du Niger et le Département de Maradi.

REPUBUQUE DU NIGER

DEPARTEMENT DE MARADI

LEGENDE

• Cap!œ/o '" PlY' • Chof 1I0u du d6partemonl

--./ Flouve Niger

[S";1 D6panoment de Mal1ldl

10

INTRODUCTION

1 - Les raisons de notre choix

Tout travail scientifique valable se doit d'être global, en

particulier dans le domaine des sciences humaines. C'est seulement

ainsi qu'il nous permettra d'appréhender toutes les dimensions du

phénomène social, l'explication de tel ou tel fait social, le caractère

évolutif de la société, etc ...

Mais les soucis pédagogiques, les limites de notre compétence, des

contraintes indépendantes de notre volonté, etc. nous obligent à ne

traiter qu'un aspect de l'histoire du Katsina Nord au XIXe S, sans pour

autant négliger cette vision synoptique de l'histoire. Notre sujet porte

sur les institutions socio-politiques du Katsina Nord au XIXe siècle. En

abordant ce travail nous avons conscience non seulement de répondre

à une exigence académique, mais aussi d'accomplir un devoir à la fois

national et scientifique, celui de nous pencher sur le passé d'un

peuple. Encore faut-il préciser que toute société évolue dans un ordre

bien défini, pour montrer l'intérêt de notre sujet.

Toute société a impérativement besoin d'un cadre qui

réglemente sa bonne marche. Quand ce cadre ne peut plus contenir la

société en question, un nouvel ordre naît de l'ancien et, avec lui, une

nouvelle société animée par de nouvelles contradictions. En effet, les

institutions ou les normes qui réglementaient et réglementent encore

la société du Katsina, depuis l'apparition des premières organisations

Il

jusqu'à la pénétration européenne, ont connu une évolution

considérable qui mérite d'être examinée.

Ce que nous appelons le Katsina Nord, partie intégrante du Katsina a

été jusqu'ici négligé par les chercheurs, au point qu'une bonne partie

des intellectuels nigériens ignorent aujourd'hui encore ce qu'est un

Bakatsine. Au XIXe siècle par contre, une telle ignorance était moindre

au sein des populations africaines!. Comme nous le disions plus haut,

nous avons le devoir d'étudier de manière générale l'histoire

précoloniale de notre continent, et de manière plus particulière celle

de notre pays, ne serait-ce qu'en procédant par des études

sectorielles.

Ce travail est également entrepris au double plan de la

recherche historique et d'un combat contre « l'idée reçue d'un Etat

traditionnel, avec ses sociétés séculaires et statiques. C'est à partir de

ce cliché qu'on élabore parfois le « développement et la modernisation

après la parenthèse coloniale. Mais c'est là un tableau illusoire et vidé

de son vrai contenu social. Avant que l'homme blanc n'en fasse son

«fardeau», l'Afrique n'attendait pas, impassible et immuable, le

progrès des autres, les experts en «décollage», la photo de famille et

la renaissance de ses valeurs pour être, enfin «historique». Elle vivait

tout simplement, sur des modes divers, ce processus commun à toute

société, qu'est la dialectique de la continuité et du changement»2.

1 -ADAMU M., The hausa factor in west African historv. Zaria, ABU, 1978, pp. 143-163, - ALKAU M.B, A hausa community in crisis : Kebbi in the nineteenth century. M.A. thesis,

Zaria, ABU, 1969, 358 p. et cartes. 2 VIDROVITCH C.C. et MONIOT H., L'Afirigue Noire de 1800 à nos jours. Paris, Collection Clio, 1974, pp. 8 -13. .

12

Ainsi notre ambition d'étudier les institutions du Katsina Nord

au XIXe S, leur évolution et leur rapport avec d'autres institutions n'est

pas sans fondement. Cela d'autant plus que certains auteurs, tout en

reconnaissant la dynamique du changement dans le Soudan Central,

n'hésitent pas à lui appliquer un cachet essentiellement ethnique,

guerrier ou religieux. En réalité, la vie revêt un caractère global où

plusieurs facteurs s'imbriquent. Nous espérons que ce travail, à partir

de l'examen concret des institutions du Katsina Nord au XIXe siècle,

contribuera' au progrès des études historiques concernant la nature

d'un processus vieux d'environ cinq siècles qui a produit des systèmes

politiques successifs, plus ou moins semblables et dont les administrés

sont connus comme relevant du Katsina3. Déjà, les travaux de Yusufu

Baia Usman ont révélé que les véritables caractères de ce processus

ne tenaient pas en confrontations armées entre tribus ou races, mais

en transformations de la nature et de la configuration des activités de

production, ainsi qu'en des changements au niveau des croyances et

de l'idéologie politique correspondants4. Chaque changement met en

route un long processus.

2-Les difficultés rencontrées

Dans la réalisation de ce travail, nous avons rencontré quelques

difficultés.

Notre anglais défectueux et nos lacunes en langue arabe sont du

nombre des douloureux problèmes linguistiques que nous avons

3 USMAN Y. B., The transformation of Katsina : c 1400-1883. Zaria, A.B.U., 1981 (a), p. 3.

4 USMAN Y.B. , op. cit.,1981 (a), p. 4.

13

rencontrés au cours de l'élaboration de cette étude. Le manque

notoire d'études consacrées à la démographie historique et les

confusions quant aux mouvements des populations ont constitué un

handicap majeur à la progression de nos recherches historiques dans

le Soudan Central en général et le Katsina en particulier. A l'état actuel

de nos connaissances, il nous est très difficile d'affirmer que les

Gobirawa, les Katsinawa, etc, étaient dans le Soudan Central avant

d'être dans l'Ayar ou vice versa, même s'ils ont toujours été voisins.

L'interprétation des différentes légendes, qui devait nous éclairer sur

ces problèmes, reste un travail d'importance capitale à faire. Jusqu~ci,

beaucoup d'amateurs et même des historiens n'ont abondé que dans

le sens de la thèse hamitiqueS.

Beaucoup d'autres chercheurs ont négligé certaines réalités de

la culture du Soudan Central sans la prise en compte desquelles

aucune étude historique sérieuse n'est possible. L'exploitation de leurs

travaux est donc forcement limitée. A tous ces problèmes, il faut en

ajouter d'autres, spécifiques à un secteur où à une localité. C'est le cas

du Katsina Nord, notamment dans la partie qui constitue la vallée du

Gulbin Maradi. Cette partie serait longtemps restée en marge du

courant d'islamisation. Ce qui mérite une explication, surtout si on

tient compte du contexte régional, fortement islamisé et auquel cette

région appartient avant tout. A la question de savoir s'il existe un

rapprochement entre le terme : Maradi, Riyadi, Maradu et Yan Riyadi,

historiens et linguistes ne fournissent pas d'explications précises ou

alors se limitent à des hypothèses.

5 Rappelons que cette thèse veut que tout semblant d'organisation ou de civilisation soit apporté au Noir à partir de l'Orient ou Moyen-Orient.

14

L'absence d'une étude d'ensemble sur le Gobir6, sur les

rapports entre les Etats résistants7 du Katsina, du Gobir, du Rikon

KabïB, sur les révoltes de Kazakh (dans l'est de K8no), sur l'attitude de

certains centres de l'Emirat, comme Ruma, le rapport entre le Katsina

Nord et le Damagaram, et enfin sur les revirements politiques de deux

côtés au cours du XIXe siècle, apparaît également comme une lacune

particulièrement ressentie au cours de ce travail.

Faut-il encore parler des écarts qui existent, entre ces

différentes zones arbitrairement réparties entre les actuelles

Républiques du Niger et du Nigeria, dans le domaine des études

historiques? Cette situation déjà difficile est encore aggravée par une

politique nationale sous-estimant l'importance des sciences humaines

dans l'évolution et le développement d'une société. Notre sujet, qui est

un sujet spécifique -les institutions socio-politiques du Katsina Nord

au XIXe siècle- n'échappe pas à toutes les difficultés que nous venons

d'évoquer. Plusieurs autres problèmes auxquels nous avons été

confronté ont limité la qualité de notre travail.

Certaines circonstances nationales imprévisibles nous ont rendu

le travail sur le terrain presque impossible. Les maigres moyens qui

étaient à notre disposition, le délai académique incompatible avec les

dimensions géographiques de notre champ de travail, ne nous ont pas

perl)1is de mener une enquête systématique. Ces contraintes ont été

vivement ressenties, et ce d'autant plus que notre champ

6 A l'exception des travaux de AUGI A. R., The Gobir factor in the social and political History of the Rima basin C. 1650-1808. Ph. D. thesis, A.B.U., 1984. 7 Id le terme résistant est opposé aux Jihàdistes qui défendaient les territoires qu11s étaient en droit de défendre.

8 Rikon -Kabi (1849-1866) par opposition à Kasar Kabi, (Etat du Kabi) comprenait l'Arewa, le Zabarma etle Dendi ; ces régions étaient sous le contrôle du Kabi mais ne faisaient pas partie de l'Etat. Voir Alkali op.cit, p. 267

15

d'investigation est vaste et riche en sites et traditions orales: Korgom,

Kanche, Tirmini, Dan Kama, Ruruka, Garabi, Kontagora (où il y a un

quartier Katsinawa fondé au XIXe siècle), le village de Katsinawa dans

l'Etat de Bauchi, Kaduna, etc. constituent des localités importantes que

nous n'avons pas explorées.

3. Exposé des sources et considérations méthodologiques.

Nos principales sources sont: les documents d'archives, la

tradition orale, les documents cartographiques, les monographies, les

brochures, les manuscrits, les récits, les mythes, les louanges, les

croyances, le vocabulaire, etc.

Après les sources de première main, l'autre partie de notre

matériel de travail était essentiellement constituée d'ouvrages

généraux et d'études spécialisées. Il convient alors de se poser des

questions quant à notre démarche dans l'exploitation de ces

documents. Après le choix du sujet, notre souci a été de faire le tour

de la question à l'aide des documents écrits disponibles afin de voir ce

qui a été déjà fait sur le sujet, de découvrir les points qui méritent

d'être approfondis ou revus, et ceux qui n'avaient pas du tout été

abordés. Une fois cela réalisé, nous avons jugé indispensable de nous

mettre à l'écoute des populations concernées.

Après la collecte plus ou moins systématique des matériaux de

première main, nous nous sommes replongés dans la lecture avant de

passer à la confrontation et à 11nterprétation des différents documents

et sources9. En ce qui concerne les sources, notre analyse a montré

9 A ce sujet voir notre documentation.

16

que les récits de nos informateurs, les louanges des dignitaires, des

souverains ou des dieux, les chants et certaines expressions révèlent

un aspect important de l'histoire de notre région10 Les principaux

lieux visités au Niger sont dans le département de Maradi, notamment

les villages de Tsibiri, Jiratawa, Maradou, Tasawa, Gazawa, Madarunfa,

Gabi, Dan-Gaya, Tokarawa, Bargaja, et dans l'actuelle république

fédérale du Nigéria Kano et Zaria.

4. Critique des sources

Il est pratiquement impossible de faire œuvre d'historien sans

disposer d'un minimum de matériaux, véritable base de toute

réconstruction historique. Cependant, l'historien se trouve confronté à

deux difficultés : aucun document historique n'est absolument neutre

et même lorsqu11 est disponible, il peut être très difficile à exploiter.

Beaucoup de nos documents écrits, bien que contenant des

renseignements extrêmement précieux, abondent en vieilles

conceptions dérivant de la thèse hamitique, colonialiste et raciste qui

pêche par défaut de fondement historique véritable11.

Il est inutile d'entreprendre ici la critique systématique des

travaux des auteurs de cette conception. Des remises en cause et des

progrès ont été réalisés dans ce sens et nous en voulons pour preuve

les travaux de Yusufu Baia Usman12.

10 Voir notre partie annexe : Cornus de Kirari qui révèle des informations inédites sur l'histoire du Katsina.

11 Nous pouvons à cet effet donner l'exemple d'URVOV V., BARTH H., LUGARD L., TILHO, LEROUX H., etc ...

12 Otons parmi les travaux de USMAN V. B., «Sorne aspects of the external relations of Katsina before 1804» Savanna, Vol. l, nO 2, December, 1972, pp. 175-193 ; «The transformation of

17

On comprend aisément la tendance négative de beaucoup de

ces documents écrits lorsqu'on sait que leurs véritables mobiles étaient

la défense des intérêts coloniaux, religieux et féodaux. La tradition

orale, elle aussi, n'est pas neutre. La plupart des récits que nous avons

écoutés ou enregistrés tendent à justifier une position sociale, à

défendre les intérêts d'un groupe, ou sont extrêmement imprégnés

d'influences religieuses13. L'exploitation des sources est un travail

ardu qui nécessite la connaissance de l'évolution de la mentalité et de

la langue des populations.

Ne serait-il pas plus souhaitable que le chercheur soit lui-même

imprégné de la culture des populations dont il examine le passé? La

connaissance du terrain et de la langue peut faciliter le travail de la

collecte des données. Dans ce travaille moindre manque d'attention,

le moindre oubli, la moindre négligence ou le moindre laisser-aller

peuvent nous faire manquer des renseignements importants. Mais

lorsque les sources sont minutieusement exploitées, elles demeurent

une mine inestimable d'informations14. Le travail de l'exploitation de

ces deux catégories de documents est pénible et requiert de la

politicàl communities : Sorne notes on the perception of a significant dimension of the Sokoto Jihàd» Studies in the History of the Sokoto caliphate. Sokoto Seminar Paper. Zaria, A.B.U., 1979 (a) ; «The dynastic chronology of three polities of Katsina» Bull. IFAN, B, l'Xl, 2, 1978, pp. 396-414 « The formation of states in the central Sudan : Sorne professional and theoretical problems » in Seminar on the history of the central Sudan before 1804 », zaria, A.B.U, 8 th- 13 th January 1979 (d)

13 -SUTTON J. E. G., «Towards a less orthodox history of hausaland» J.A.H., XX, 1979, pp. 179-201 - Pour s'en convaincre nous proposons à nos lecteurs de lire des versions variées de la légende de Bayajida - Ensuite la plupart de nos informateurs du Katsina Nord, affirment qu11s n'ont jamais été vaincus au Katsina par les Jihadistes et qu~ls n'ont quitté la capitale ( 8imi Katsina) que parce qu~1 y avait la famine. 14 - C'est ainsi que notre recueil de Kirari de certains dignitaires du katsina Nord nous révèlent des informations que nous n'avons pu avoir nulle part.

18

patience, de la perspicacité , du courage, des moyens et une méthode

de travail. La tradition orale a l'avantage de conserver des.

informations de première main qui n'ont pas été rapportées par les

premiers écrivains pour une raison ou une autre.

Enfin, l'exploitation de tous ces matériaux nous permet

d'élaborer un texte articulé en six chapitres.

19

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PREMIERE PARTIE : NAISSANCE ET EVOLUTION DU

KATSINA NORD

21

CHAPITRE 1er PRESENTATION PHYSIQUE ET HUMAINE

Le Katsina Nord15 était naturellement la partie nord de l'Etat

hausa du Katsina. Il serait très difficile de faire une délimitation

rigoureuse du Katsina Nord, étant donné les circonstances politico­

militaires du XIXe Siècle. Ses limites variaient considérablement au fil

du temps.

Pour l'essentiel, nous pouvons dire que cet Etat était limité à

l'est par le Damagaram, au sud-est par les Etats Tsotsebaki et le

Daura, à l'ouest et au nord par le Gobir, au nord-est par le Damargu

aux frontières des cantons actuels de Kananbakashe et d'Urafan. Au

sud sa frontière était la plus instable. Elle passait par Dan-Kama,

Jibiya, Tchiyahe et Duhun Bara situés dans l'actuelle République

Fédérale du Nigeria16.

1. ASPECTS PHYSIQUES

a) Le relief

D'une manière générale, l'Etat du Katsina est situé entre deux

bassins sédimentaires : le bassin tchadien à l'est et le bassin du Niger

au nord et à l'ouest. Cette région a une altitude moyenne de 365,76 à

457,20 mètres et comprend un plateau légèrement ondulé.

15 - Le Katsina Nord en tant qu'Etat a été créé au XIXe Siècle, à la suite du Jihad. Quant à la chronologie nous y reviendrons plus loin. II faut garder à l'esprit que la création du Katsina Nord n'exprimait pas une volonté de division ou de scission. Dans l'esprit des résistants aussi taip.n que des Jihadistes il n'y a qu'un seul Katsina. Mais cette division du Katsina en deux sera consacrée par la force des choses.

16 E.C.E. : Cour de Maradi: à un moment Yandoto refuse de verser 11mpôt à Kure, Kaura Hasau du Katsina Nord, aSSiégea la ville et exécuta Yandoto.

22

Au point de vue topographique on peut diviser le Katsina en trois

zones: les vallées du nord, les plaines centrales et le plateau

disséqués couvrant les parties du sud.

Cette topographie du Katsina offre un écoulement facile aux eaux

qui se divisent en une infinité de cours. Tous les cours d'eau du

Katsina sont saisonniers.

Le climat est soudanien et le maximum des précipitations se situe

en juillet et août.

Après ces généralités arrêtons-nous brièvement sur les vallées du

Nord qui constituent notre champ de travail. Cette partie est en fait

l'extension est du bassin du Niger séparé du Bassin tchadien

seulement par une petite élevation du terrain variant entre 426,52 et

487,68 mètres. Les roches appartiennent au crétacé et sont de type

sédimentaire. Au nord-est de Gazawa, comme ailleurs, la présence de

dunes de sables forme un obstacle aux cours d'eau. Ces vallées du

nord sont larges et offrent beaucoup de possibilités telles que

l'agriculture, la chasse, l'élevage et la pêche. Elles forment aussi une

zone militaire stratégique. La vallée de Gulbin Kaba est large de deux

à cinq Kilomètres environ, souvent bordée de dunes fixes variant de

vingt cinq à trente mètres de hauteur. Elle atteint une largeur de

1609,432 mètres environ, au niveau de Tasawa. Le grand sillon est

orienté d'est en ouest. La vallée de Gulbin Maradi (Fadama) creusée

au sein d'une colline (Tudu en langue hausa) est un étroit sillon large

de trois à cinq kilomètres et profond d'une dizaine de mètres. La

région de Tasawa située entre le Gobir et Maradi à l'ouest et

Damagaram à l'est comporte des dunes sablonneuses.

23

b) Les principaux cours d'eau du Katsina Nord

Il s'agit essentiellement du Gulbin Maradi et de ses affluents à

savoir Gulbin Gabi, Gulbin Tasawa et Gulbin Kaba. Il n'y a aucun cours

d'eau permanent. Ce sont des cours d'eau saisonniers dont les hautes

eaux se situent en Juillet-Août. Seul le lac de Madarunfa, plus connu

sous le nom de Ruwan Madarunfa ou Tabkin Madarunfa est un point

d'eau permane~t. Ce lac de deux Kilomètres de diamètre environ

contient de très beaux poissons, très appréciés.

c) La végétation

La végétation de cette partie nord du Katsina est en grande

partie une végétation de savane rappelant le Sahel situé en bordure

du Sahara.

Cependant, la région de Maradi est assez boisée, non seulement sur

les rives du Gulbi et de ses affluents, mais aussi sur les plateaux

avoisinants.

La végétation devient de plus en plus dense en allant vers le

sud. Jusqu'au XIXe S, la vallée du Gulbin Maradi et celle du Gulbin

Gabi comportaient une forêt touffue, presque impénétrable où

grouillaient des animaux sauvages. A part son importance

économique, cette forêt, fréquentée jadis par les chasseurs et les

paysans, joua un rôle politique important dans l'histoire du Katsina

Nord, ce dont nous parlerons au cours de cette étude.

24

Le lac de Madarounfa17.

Lac de Madarounfa : schéma d'Implantation des échelles IImnlmétlfques

Légende

~ Echelle limnlméltiquo

• Villago

6 Lac do Madarounfa

Goulbln Matadi

N

A

17Cette carte est extraite de l'Étude de l'aménagement hydra-agricole du Goulbi Maradi. Niamey, O.R.S.T.O.M., M.D.R., Service du Génie civil, juillet 1978, Annexe 4. Sur cette carte il faut lire Bargaja au lieu de Bargaya.

25

d) Le climat

Le climat de tout le Katsina dépend du Front Inter-Tropical

(FIT). C'est le mouvement des masses d'air associé à ce front qui

détermine les précipitations et les types de temps dans cette zone. Le

relief n'a pas d'effet significatif sur le climat, quoique des régions de

Fadama ou vallée sont connues pour leurs nuits de basses

températures et de vapeurs au niveau de sommets. Le Katsina Nord

connaît un climat relativement favorable parce que mieux arrosé que

les régions situées plus au nord. On distingue essentiellement trois

saisons:

La saison sèche et chaude, ou Rani en hausa, dure du mois de mars

au mois de mai.

La saison des pluies, ou damana, va de juin à fin septembre-début

octobre. Enfin, la saison sèche et froide ou dari va de novembre à

février18.

2- ASPECTS HUMAINS

C'est dans ce cadre naturel, que des populations, certaines

s'associant à d'autres déjà en place, s'installent progressivement. Mais

d'où viennent ces populations, qui sont-elles et quelles sont leurs

préoccupations? Vouloir répondre à ces questions nous obligerait à

entreprendre une étude sur les mouvements des populations dans le

18 - Notre division de l'année en saison est très générale: pour plus de détails nous prions nos lecteurs de se référer aux documents suivants :

- USMAN Y.B., op. cit., 1974, partie physique; - HAMANI Dj;, L'Adar précolonjal, E.N n° 38,1975, pp. 8-12 ; - LEROUX H., «Animisme et Islam dans la subdivision de Maradi » Bull. IFAN, T.X,

1948, p. 667

26

Soudan Central, ce qui n'est pas l'objet de notre étude. Mais on peut

déjà constater que le pays n'est pas uniquement habité par des

Ha usa wa. Il va de soi que les Hausawa sont majoritaires dans tout le

Katsina.

Néanmoins, les brassages de populations imposés par les

vicissitudes de l'existence, les circonstances internes d'un Etat, la

situation de certains Etats voisins et parfois même lointains, exercent

une influence profonde sur notre région. Son histoire avait d'ailleurs

déjà été influencée par les mouvements migratoires très anciens qui

avaient caractérisé l'Afrique.

Tous ces facteurs, conjugués avec la croissance

démogràphique et bien d'autres font qu'on rencontre dans le Katsina

Nord des populations venues des horizons divers, même si leur

importance numérique varie selon les époques et les ethnies19. Nous

y reviendrons.

Le Katsina Nord appartient au monde hausa en pleine

expansion au XIXe. siècle 20. Cependant, il faut souligner qu'au

Soudan Central le peuplement présente un caractère hétéroclite. Ceci

n'est pas sans poser de sérieux problèmes quand il faut définir

clairement les différentes composantes des populations d'un Etat. Par

exemple, parlant du peuple hausa, on se pose la question de savoir

qui appartient à ce peuple? Pour répondre à cette question les critères

à considérer sont variés. On ne saurait définir un Bahaushe sans tenir

compte de son héritage historique, de la langue, de la religion et du

19 -Voir notre II ème Partie; 2 - Le Katsina Nord avant le Jihàd.

20 - ADAMU M., op. cit., 1978, pp. 1-2. Nous reviendrons plus loin sur la notion de Hausa.

27

phénomène d'extension de sa communauté, sans oublier l'aspect

capital de la filiation21. De même, parlant du Katsina, on ne peut dire

que cet Etat est uniquement habité par des Katsinawa, s'il faut

donner à ce concept un contenu purement ethnique et,lou dynastique.

La notion de bakatsine évoque à la fois les premiers habitants de l'Etat

du Katsina et tous ceux qui, par la suite, relèvent de la juridiction de

l'Etat du Katsina, sans considération de leur origine ethnique22.

Nous manquons malheureusement d'éléments qui nous

permettraient de nous faire une idée de l'importance numérique et de

la composition de cette population.

Les sources font état des Katsinawa parmi lesquels on peut dénombrer

des sous-groupes :

- les Maradawa qui appartiennent certainement à la lignée des

représentants de Birnin Katsina dans la vallée de Gulbin M~radi ou

à celle des fondateurs de la ville de Maradi.

- les Durbawa qui se réclament de la première dynastie du Katsina.

- les Nafatawa et les Jinjino-bakawa agriculteurs et chasseurs, etc.

On relève également dans cette population la présence des Gobirawa

dont est issu par exemple le groupe des Basarawa, des Shurubawa

dans la région de Korgom à l'extrême est du Katsina Nord, des

Kwararafa, des Kurkurawa, etc., toutes ces populations se

21 - ADAMU M., op. cit., 1978, pp. 3-4.

22 - Hypothèse plausible dans la mesure où l'on parle de Kasar Katsina ( pays de Katsina) ce qui sous-entend une entité politique. Au Katsina Nord les populations sont composées de Barebari, Zamfarawa, Kabawa, Tazarawa, Maradawa, Fu/ani, Bugaje, etc ...

-GADO B., Le Zarmatarey, E.N. n° 45, Niamey, 1979 pp. 83-119 ; -HAMANI Dj., «Courants migratoires Ayr -Hausa avant le XIXe S» BRO 505, Niamey, I.R.S.H.,

1979, 18 p. ; -HAMANI Dj., «Contribution à l'histoire de 11slamisation des populations nigériennes avant la

colonisation» Niamey, Université, Décembre 1981, 61 p.

28

regroupent en villages situés dans le Katsina Nord. Parmi ces

villages nous pouvons citer Maradi, Age, Gazawa, Turumbudi, Safo,

Udal, Sumarana, Riyadi, Yan-Riyadi, Tarna, Jiratawa, Ma da ru n fa,

Gabi, Tokarawa, etc ... Ces sites d'occupation encore observables

nous montrent que cette partie du Katsina n'était pas un «no

man's land».

- Les Peul et lesTouareg constituaient aussi une partie de la

population du Katsina Nord au XIXe siècle 23.

D'autres groupes, progressivement assimilés tels que les Tazarawa, et

les Kambarin Barebari, gardent le souvenir de leurs identités d'origine.

Les progrès de la recherche font ressortir de mieux en mieux

l'organisation économique de ces populations. Elle s'articule

essentiellement autour des activités des propriétaires agricoles et

fonciers, des éleveurs, des pêcheurs, des artisans et des commerçants.

Il n'est pas nécessaire de vouloir démontrer longuement cet aspect de

notre étude.

Il est plus qu'évident, lorsqu'on considère certains centres tels que

Tasawa, Kananbakashe, Ma ra di, Sumarana, Ma rda run fa, Gabi,

23 - USMAN Y.B., op. cit., 1981 (a), p.6 ; - MARIKO. A.K., Les regroupements paléonégritiques nigériens, manuscrit en possession de l'auteur, pp. 54-55 ; - DAVID. P., op. cit. , 1969, pp. 640 ; 644-645 ; - HAMANI Dj., op. cit., 1979 (a) 18 p et carte; - E.I.E., Maradu, Mai 1984 ; - E.In.E., Madarunfa, Septembre 1984 ; - USMAN Y. B., op. cit., 1981 (a), p. 30 ; - USMAN Y. B., « A reconsideration of the history of relation Between Borno and Hausaland before 1804» in Studies in the historv of precolonial Borno. Zaria, A.B.U.,1983 pp. 191, 193-194 , - ADELEYE R.A, « Hausa-Iand and Borno 1600-1800 » H.W.A .. 1, 1976, pp. 556-601. Nous reviendrons quoique brièvement, sur l'emplacement des composantes des populations sur certains sites dans notre aperçu historique.

29

Gazawa, Ruruka, etc, on remarque que l'entassement des populations,

dans ces sites à très riches potentialités en eau et en sols ne s'est pas

opéré sans préoccupation économique, même si des raisons d'ordre

stratégique sont également à considérer24.

L'augmentation des populations du Katsina Nord et les activités

économiques vont s'accélérer après les événements du jihàd du XIXe

siècle25.

24 - Selon notre informateur Mayana Barmo, âgé de 84 ans en avril 1984 et résidant à Tasawa, parmi les immigrants de Kananbakashe, venus de Kukawa on comptait 70 chasseurs. La présence d'autres chasseurs comme les Jinjino Bakawa dans la vallée de Maradi, les Basarawa plus à l'est, témoigne de 11mportance économique du Katsina Nord surtout quand on sait la place des produits de la chasse dans l'économie du XIXe S au Soudan Central. Le vocabulaire de la région conserve également des termes qui témoignent de l'existence des activités économiques intenses: Margi (viande séchée destinée à être conservée ou exportée) ; Kurga (veillée au cours d'une activité de production ou d'éducation). Ces pratiques sont des indications des activités économiques très anciennes au Katsina Nord.

En plus nos informateurs sont unanimes sur l'existence des centres anciens de teintureries dans le Katsina Nord.

Ensuite la fabrication des armes dans la vallée de Maradi pour la révolte de 1817 contre l'Emirat du Katsina indique que cette pratique ne date pas de 1817 dans la région. Notre informateur El hadji Idrissou Mahaman Alkali, né en 1908, témoigne de l'existence d'un centre d'extraction de minerai de fer à Ramun Tama près de Garin Ladan à l'Ouest de Maradi. D'autres preuves des activités économiques se trouvent dans les préoccupations religieuses des populations. Certains rites, sacrifices et cultes nécessitent des animaux bien choisis et des prodUits déterminés encourageant une production diversifiée. - TILHO, Documents scientifiques de la mission Tilho, Paris, LN, 1906, Vol. II pp. 647-648.

25 - Voir notre 4è chapitre notamment les conséquences de la révolte pour le Katsina Nord.

30

CHAPITRE II INTRODUCTION AU XIXe SIECLE

l-Apercu historique de la situation générale

Le but de ce chapitre est de faire un résumé succinct des

événements. Ce qui nous facilitera la compréhension de l'évolution du

Katsina au XIXe siècle. Nous ne saurions en retracer l'évolution

historique complète, si intéressante soit-elle, dans le cadre limité de ce

travail. Le processus de formation de l'Etat et de la société est un

phénomène très ancien dans le Soudan Central en général et dans le

Katsina en particulier. Peut être, pour mieux l'appréhender, faudrait-il

se référer aux travaux des savants africanistes comme Cheik Anta Diop

et Théophile Obenga respectivement Sénégalais et Congolais.26 Pour

ce qui concerne notre champ d'étude, des progrès ont été réalisés

dans le sens de la reconstruction historique27.

26 - .DIOP C. A., Nations Nègres et culture, Paris, P. A., 1955, 536p. Tables et cartes; - DIOP C. A., L'Afrique Noire précoloniale : Etude comparée des systèmes politiques et sociaux

de l'Europe et de l'Afrique Noire, de l'antiquité à la formation des Etats modernes. Paris, P.A" 1960, 220 p., tables et cartes; - ,DIOP C, A., Ovilisation ou barbarie: Anthropoloqie sans complaisance Paris, P. A. 1981 ; - OBENGA T., L'Afrique dans l'Antiquité: Egypte pharaonique /Afrique Noire Paris,_P.A,1973,

464 p.

27 - BARTH H., Travels and discoveries in North and Central Africa, London, Frankcass, 1965, 3 Vol. ; OANKOUSSOU L, Traditions historiques des Katsinawa après le jihad, Niamey, CROTOICNRSH, 1970, pp. 8-90 ; - HAMANI Dl., op. cit., 1975 ; - HAMANI DJ., op. cit., 1979 (a), pp. 3-4 ; - PALMER H. R., Sudanese memoirs. three volume in one. London, Frankcass, 1967, pp.79-85 ; - SMITH A., «The early states of the central sudan» H.W.A .. l, 1971, pp. 185-192 ; -USMAN Y.B., op. cit., 1981 (a), pp. 5-35.

31

Mais les constructions les plus brillantes sur le Katsina sont celles de

Y.B Usman, de l'Université de Zaria, exposées dans sa thèse sur cet

Etat.

Tradionnellement, la légende fait descendre les souverains du

Katsina des Juifs et Arabes par le biais du mariage de Bayajida «Arabe

venu de Bagadaza» (Bagdad) et Daura «fille du juif Lamarudu». Cette

légende est si répandue et ancrée dans l'esprit des populations qu'un

des quartiers de Kano est encore appelé Tudun Lamarudu (colline de

Lamarudu) et les membres de la dynastie de Durbawa comme ceux

de la dynastie de Muhammadu Korau se réclament tous de cette

origine d'une manière ou d'une autre. Cette façon de donner une

origine blanche à la classe règnante est une pratique courante dans

tout le Bilàd al Sudan (pays des Noirs). Ainsi, au Ghana on parlera de

la dynastie de Kaya Maghan à laquelle certains auteurs comme

Delafosse donnent une origine libyenne; au Songhay, la tradition

signalera la dynastie de Za qui serait fondée par un héros Yéménite:

Za al Yaman, au Kanem Borna il s'agirait de Sayf ben Dh; Yazan

également Yéménite. Au sultanat de l'Ayar on attribuera une origine

turque à la dynastie royale des Istambulawa, etc ...

Ces exemples peuvent être multipliés. Notre intention n'est

pas de faire l'étude critique de cette thèse. Mais nous ne pouvons

manquer de signaler en passant que cette pratique semble dénuée de

fondements historiques sérieux. Ce ne sont là probablement que des

manœuvres caractéristiques des classes dirigeantes et privilégiées, qui

entourent de mystère leur origine véritable. Cette « mythologisation »

de leurs origines devait accréditer l'idée qu'elles étaient fatalement

destinées au pouvoir, au prestige et à la jouissance de certains

32

privilèges. On peut également expliquer ce problème par l'attitude de

certains historiens dévoués à la cause raciste ou religieuse, qui ne

peuvent concevoir la moindre forme d'organisation autrement que

comme un emprunt fait du nord-est du continent africain ou du

Moyen-Orient, et jamais comme quelque chose de propre à l'Afrique

Noire. ~ans toutes ces régions évoquées, les conditions locales et

régionales susceptibles d'engendrer la naissance des Etats ou des

organisations socio-politiques ont été réunies à un moment ou à un

autre de l'évolution historique. Dès lors, l'attente d'un élément juif,

arabe ou turc n'a pas de vraie justification. Rien ne nous permet

d'attribuer, aujourd'hui, aux dynasties de Durbawa et Korau une

origine étrangère28, malgré les affirmations de H.R. Palmer29. Ces

deux dynasties, différentes mais locales, gardent en commun le Kasar

Katsina (pays de Katsina).

En réalité, la fondation de l'Etat de Katsina est attribuée à

Kumayau et remonterait au VIII e sièc/e30. Le premier centre politique

de Katsina était Durbi Ta Kusheyi à 28,8 Km au sud-est de l'actuel

Birnin Katsina, avec un autre centre politique important à Bugaje à 16

km à l'ouest du même Birnin_Katsina.

La dynastie de Durbawa fut destituée par la dynastie de Muhammadu

Korau.

28 _ Dans le cas du Katsina nous prions nos lecteurs de se référer à USMAN Y. B., op. dt., 1981 Ca), pp. 5-9 et notre bibliographie.

29 - USMAN Y.B., op. cit., 1981 (a), pp 5 - 10 ; - PALMER H. R., op. cit., 1965, pp. 82 - 83, situe le début du règne de Muhammad Korau à c.1320 alors qu'une autre dynastie précède celle de Korau ; - TILHO, op. cit., 1906, p. 456 .

30_ USMAN Y.B. op. cit. 1981 Ca) p. 10

33

Des organisations étatiques existaient au Katsina depuis des

temps très anciens, même si la première mention écrite de ce

royaume n'est faite qu'au XIVe siècle.

Ce furent d'abord des organisations animistes associées aux

activités politico-économiques du pays. Malgré l'influence considérable

de l'Islam dans la société du Katsina nous pensons avec Y.B. Usman

que la part de l'animisme est restée jusqu'à ce jour une caractéristique

vivace et permanente des institutions du Katsina : «The palace (Gidan

Korau) remained a stronghold of various cuits of iskoki under Maidaki

other senior wives and concubines.

The rites of installations of a new Sarki involved flagrantly

fetishistic practices in the Soran Bawada (Hall of Bawada) and other

places.

It is likely that most of the devout muslim among them patronised

shrines of the iskoki like the one at Kukar Jangare, through officiais

like the Durbi. The importance attached to tsafi in the government and

the palace would have varied with ruler, but it remained a permanent

feature of the political system c10sely identified with the dynasty.

The legitimacy of Korau was on his identification with his primordial

form of religious belief, the earth cult around Inna. In this way a solid

foundation for the dynasty, in the religious belief of the people already

living in the area that became the Kasar Katsina, was established.

Thus, although some of Korau's succesors were Muslim and encourage

islam, as a dynasty, their legitimacy continued to be based on the

Iskoki system of religious belief»31.

31 USMAN Y.B., op. cit., 1974, pp. 72-84.

34

Tous ces faits nous montrent bien l'influence de l'animisme

dans la société du Katsina. Encore faut-il rappeler que Gozo (c 1795-

1801) fut sévèrement critiqué pour avoir refusé certains rites lors de

son intronisation et qu'il a été ferme dans la reforme religieuse dont il

fut initiateur. Les organisations du Katsina n'ont pas subi que des

.influences animistes. Lorsqu'on connaît le contexte régional et

international'de l'évolution du Katsina et la facilité de contacts, que

nous avons évoquée plus haut, il n'est pas surprenant de relever des

influences islamiques et autres dans ces institutions32.

Henri Leroux pense qu'«au temps de la splendeur des empires

du Mali, puis du Sonhrai; du XIIIe au XVIe S, des marabouts et des

commerçants lettrés venus de l'Ouest sillonnaient déjà le pays, aidés

par la proximité du Wangara ou Gangara. Celui-ci, fondé par les

émigrants musulmans venus du Mali dès le XIIe 5 et établis dans la

partie sud-ouest du Katsina actuel, fut un centre actif de rayonnement

religieux. Au XVI e S, c'est par l'Est que s'exerça l'influence religieuse,

du fait des Kanuri de l'empire bornuan en pleine expansion. Le

voisinage des nomades touareg du Nord se fit également sentir»33.

De plus l'accession de Muhammadu Korau au trône de Katsina

fut considérée, dans une certaine mesure, comme un succès de l'islam

dans le pays34 où l'influence de ce dernier s'intensifiait. En témoigne

l'appel lancé par le 5heikh Abd al Rahman b, Abi Bakr as-5uyuti

-LEROUX. H., op. cit., 1948, pp. 600-602.

32_ Gozo lui même fut associé aux cultes animistes : cet état de fait est matérialisé par l'existence de Kukar Gozo, à 30 km au sud de Birnin Katsina et son intégration au panthéon de Iskoki.:. USMAN Y •. B., op. cit., 1981 (a), p. 69 alors qu11 gardait sa réputation de pieux d'Allàh «Gozo dan Rahmata ka san Allàh» Gozo fils de Rahamata croyait en Dieu.

33 - LEROUX H., op. cit., 1948, p. 599.

34 - USMAN Y. B., op. cit., 1981 (a), pp. 16-19. - TILHO, Document scientifiques de la mission lïlho II, Paris, I.N., 1906, PP. 458.

35

(1445-1505) à partir du Caire35. Ce mouvement d'islamisation marqua

fortement la société et favorisa l'apparition d'une intelligentsia surtout

dans les centres urbains comme Birnin Katsina, Yandoto, Dan-Ashita,

Kurmin dan Ranko, etc ... Au Katsina, deux musulmans, d'une

réputation intellectuelle et spirituelle extraordinaire, sont considérés

comme les plus grands saints du pays. Il s'agit d'Abu Abdullah.

Muhammad b. Massani b. Ghumehu Muhammad b. Abdullah b. Nuh. AI

Barnawi al-Kashinawi (1595-1667), plus connu sous le nom de Wali

Dan Masani et son disciple Muhammad Ibn al Sabbagh al Kashinawi,

plus connu sous le nom de Wali Dan Marina. Ils sont respectivement à

l'origine des quartiers Masanawa et Marinawa de Birnin Katsina. Avec

Muhammad B. Ahmad al Tazakhti (m. 1529), plus connu sous le nom

de Dan Takum, ils jouèrent un rôle intellectuel important au Katsina36.

Cette influence islamique dans les affaires du pays contribuera, pour

une large part, aux changements qui interviendront au XIXe 5 dans le

Katsina. Ainsi, le Katsina fut très tôt un centre intellectuel.

C'est aussi à travers une très ancienne tradition de contacts

que s'est faite l'évolution du Katsina.

Le caractère hétérogène des populations du Katsina, les

origines diverses de leurs composantes, constituent quelques-unes des

. preuves de ces contacts.37 Ces contacts jouèrent un rôle important

dans le développement du royaume. Ils furent d'abord développés

avec les voisins immédiats: Daura, Kano, Zazzau, Zamfara, Abzin

35 USMAN Y. B., op. cit., 1981, (a), pp. 16-19 36 - Pour plus de détails sur la vie et la légende de ces lettrés on se référera à: - USMAN Y. B., op. cit, 1981 (a), p.27. - DAN KOUSSOU 1., op. dt., 1970, pp. 38-53. - BELLO Sir Ahmadu, My Iife. cambrige University Press, 1962, pp. 28 et 31.

37 - Voir notre paragraphe sur l'aspect humain, plus haut.

36

(Asbin), Gobir, Damargu, ceux du Moyen Niger et ceux du Sud-Ouest.

Des relations serrées étaient également entretenues avec ~es

partenaires plus éloignés comme Borno, Nupe, Kebbi, Songhai~ les

communautés du bassin de la Volta, les cités sahariennes et les côtes

Nord africaines. Une ancienne route de commerce reliait le Katsina aux

villes occidentales du Borno par le Daura. Un autre courant reliant le

Borno au Gobir-Zamfara passait par les frontières nord du Katsina,

faisant ainsi la jonction avec les routes sahariennes d'Agades, de Tuat

et du Fezzan. Les courants d'échange favorisèrent l'installation des

immigrants au Katsina. C'est ainsi qu'apparaissent des quartiers

comme Tudun Malle, Tawatinke, Sararin Tsako dans la cité du Katsina

même et de nouvelles agglomérations comme Dutsin Agalawa, Kaffin

BUjawa38. Un des Kirari de la capitale du Katsina atteste également

ces contacts: «Katsina dakin Kara! Tudu garin dan Marina »39

(Katsina, le lieu de l'hospitalité! Colline, cité de Dan-Marina).

Ces quelques aspects de l'évolution historique du Katsina

fournissent un exemple d'intégration des éléments externes aux

éléments internes dans les institutions du Katsina et démontrent

l'intégration du Katsina aux courants socio-politiques et économiques

qui animent tout le Soudan Central et le reste de l'Afrique. les

changements intervenus au XIXe S ne sont que l'aboutissement de ce

long processus. Ainsi, Birnin Katsina, comme Birnin Kebbi, Birnin

Gazargamo (fondé en 1472), Agadès, Birnin Yauri, Nunkoro, les trois

marchés de la région de Magani, Raban Nupe et l'ancien Dyo étaient . des centres économiques, politiques et intellectuels d'importance

38 USMAN Y.B., op. cit., 1974, p. 75 et carte II. Pour tout détail sur ces contacts voir Usman Y.B., op. cit, 1972, et HAMANI Oj., Op. cit., 1975, pp. 64 -71.

39 - Kirari recueilli par USMAN Y.B., op. dt., 1981, (a), p. 59

37

capitale vers la fin du XVIIIe siècle, avant de décliner au profit des

autres pôles d'attraction40. Katsina, véritable porte nord des Etats

Hausa, était un des plus importants marchés d'un royaume en pleine

expansion. Les régions du Nord, pleines de potentialités, étaient

favorables à cette expansion et à l'immigration41.

2. Le Katsina Nord avant le lihàd: des facteurs favorables42

Au moment où le royaume du Katsina constituait un pôle

d'attraction dans le Soudan Central et avait besoin de consolider ses

bases territoriales, sa partie nord, plus ou moins autonome disposait

d'énormes potentialités. C'était une région dominée par le Lac de

Madarunfa, les lits de Gulbin Maradi et de Gulbin Kaba dont le cours

passe à 11 km à l'ouest de Tasawa. Les affluents fossiles de ces cours

d'eau sont nombreux et rendaient l'accès de la région très difficile,

surtout pendant la saison des pluies. Bon an mal an , cette région

recevait en moyenne 500 à 600 mm de pluie. La végétation était

dense, la terre lourde et fertile. La région correspondait parfaitement

aux besoins de la chasse, de l'agriculture, de la pêche, de l'élevage et

offrait, en plus, des positions de refuge et de repli. A défaut de

40_ ADAMU M., «Distribution of trading centres in the central sudan in eighteenth and nineteenth centuries» in the .seminar of the Sokoto caliphate édited by Usman Y. B., 1979, p. 84.

41 _ HULL R.W., «The impact of the fulani Jihàd on interstate relations in the central sudan, Katsina emirate a case study» A.W.A.I.,I, edited by Daniel FMCCALI, NORMAN R., BENNETT, Boston, B.U.P.A., 1971, p. 88.

42 _ La notion du Katsina Nord doit être prise dans un sens géographique d'abord; Même aUjourd'hui les populations de cette zone ont le sentiment d'appartenir traditionnellement à un seul Katsina :

E.C.E. Maradi Mai 1984 : cour de Sarki Buzu Elhadji Nagoje :chansons de Sarki Buzu de Maradi E.ln.E avec Habou Magaji, responsable de 11RSH Maradi • E .In.E Salissou Madougou, directeur national de l'alphabétisation ,Niamey, mars 1984

38

montagnes, les forêts d'épineux, les mares, les lacs et les affluents des

rivières qui rendaient déjà les communications malaisées aux piétons,

constituaient de véritables obstacles à l'avancée des cavaliers

lourdement armés de l'envahisseur.

La partie située dans l'extrême nord était moins boisée, de type

sahélien. Elle convenait mieux à l'élevage. Dans le développement du

Katsina le nord était important à plus d'un titre. Le royaume gardait

ainsi une position stratégique dans le commerce transsaharien,

extrêmement important pour tous les pays du Soudan Central et

même au-delà. Les relations des pays du sud du Sahara avec les

locuteurs de la langue hausa de l'Abzin (Gobirawa, Katsinawa,

Tazarawa) et les groupes touareg furent étroites tout au long des

siècles. La capitale du Gobir, Birnin Lallé, était à 80 km environ de la

frontière Nord du Katsina. Un autre centre politique du Gobir, Birnin

Naya était seulement à quelques kilomètres de la vallée du Gulbin

Maradi et au XVIIIe siècle était un centre commercial important pour

la région. Plus près du Katsina était Goron Rame, autre centre

politique du Gobir. Les migrations à partir de l'Ayar entraînèrent

également au début du XVIIe siècle la fondation de la ville d1/1éla par

un groupe que dirigeait Tambari IlIéla.

Ce groupe fit allégeance au Katsina43. Il serait excessif de notre

part de vouloir reconstituer l'histoire des différents sites d'occupation

du Katsina Nord. Même s'il est hasardeux d'avancer des dates précises

de cette occupation, il est certain que des centres comme Korgom,

Tasawa, Kananbakashe, Gazawa, Ma ra di, Sumarana, Jiratawa,

43USMAN Y. B., op. cit., 1981(a), pp.29-30 pour ce qui est des centres du Gobir nous prions nos lecteurs de se référer à ADELEYE R. A., op. cit., 1976, pp. 584-586 et TILHO, op. cit., pp. 470-471.

39

Basarawa, Ramun Tama, Gabi, Madarunfa, In Ya/wa, Riyadi,

Tokarawa, Garabi, Maraka, etc ... existaient bien avant le jihad. Même

si le jihad a provoqué des bouleversements dans· cette région, il n'est

pas à la base de l'installation des premières communautés humaines

au Katsina Nord. On peut cependant admettre qu'il a consolidé cette

installation au XIXe siècle. Selon Nicolas. « l'Etat ancien du Katsina

gouvernait les territoires de Maradi, Tassawa, Korgom et Sirkao. Il 44

Qu'est- ce qui caractérisait ces· sites?

Tasawa : toutes les sources que nous avons utilisées s'accordent sur

le fait que Tasawa existait sur son site actuel avant le XIXe 545. La

ville a été fondée par un groupe d'immigrants provenant d'Ayar. Nous

ignorons la cause de leur départ de l'Ayar. Mais on sait que vers les

XVII e et XVIIIe siècles, Katsina constituait un pôle d'attraction et

que le site de Tasawa était une étape importante pour les transactions

commerciales de l'époque.

Kananbakashé : d'après la liste dynastique établie par Boubé Ego

dans sa monographie, la fondation de Kananbakashe remonterait au

44_ NICOLAS. G., S.N .. Vol. l, n° 1, Niamey, IRSH, p. 18 ; TIlHO, op. cit., p. 461 ; E.C.E Maradi : Témoignage de El hadji Dan Sadaka ; SMITH M. G.,«A hausa kingdom: Maradi under Dan Baskore, 1854-1875» in FORDE D.and KABERY P. M., West African Kingdom in the nineteenth centurv. Oxford, O. U. P., 1971, p.95; . ADELEYE R. A., op.cit. 1976 p. 590.

45 -E.I.E. Tasawa : Témoignage de Mayana Barmo ; Mai 1984 ; A.N.N: Monographie de Tessaoua 1941, n020.1.1 ; EGO Boubé, Monographie sur le département de Maradi non éditée, 1981, p. 39 ; MARIKO K. A., Uste dynastique des Tazarawa dans son manuscrit intitulé : A la poursuite du passé, Dakar-Bamako, 1978, pp.6-7 ; USMAN Y. B., op. cit., 1981 (a), pp. 98 et 132 selon cet auteur Tasawa du Katsina serait fondée avant le XVIIIe S. USMAN «Sorne aspects of the extemal Relations of Katsina before 1804» Savanna l, II, Decembre 1972, p. 191 ; ADELEYE R. A., op. cit, 1976, p.591 ; URVOY Y., Histoire des populations du Soudan Central. Paris, larose, 1936, pp. 238-239.

40

plus tard au XVIIe siècle46. Parmi les immigrants installés à

Kananbakashe, les sources accordent une grande importance aux

chasseurs provenant du Borno. Notre informateur de Tasawa affirme

que parmi les fondateurs de cette ville on comptait soixante-dix

chasseurs. Le même informateur nous apprend que les dignitaires de

cette région firent allégeance à l'Etat de Katsina. Cette immigration

aurait eu lieu au XVIIIe siècle47.

Maradi : C'est encore un sujet flou tant au plan de l'étymologie de

son nom qu'à celui de l'époque de sa fondation48. Le terme Maradi

désigne à la fois une région géographique et l'administrateur de ladite

région. Selon P. David quatre maradi (représentants le Sarkin Katsina)

se sont succédé jusqu'à l'occupation par les jihadistes. Le dernier

administrateur en poste avant cet événement fut un certain

Wagaza49,

Que nous révèle la tradition orale à propos de Maradi?

Examinons d'abord le kirarPO de Maradi :

1.

46 - EGO B., op. cit., 1981, Uste généalogique des chefs de canton de Kananbakashe.

47 - E.I.E Tasawa, Mai 1984 ; . us MAN Y. B., op. cit., 1981(a), pp.15et 98 ;

USMAN Y. B., op. cit, . 1972 , p. 190 ; URVOY. Y. B., op. cit., 1936 p. 236.

48 - Pour ce qui est de l'étymologie de Maradi voir: - DAVID P., op . cit., 1969, pp. 70-71 ; - DAVID P., Maradi : l'ancien Etat et l'ancienne ville. Documents des~. N° 18, pp. 4-5 49 - DAVID P., op. cit., 1969, p. 645.

50 - Kirari (au pluriel kirara/) louanges.

41

l-Dan bako 1 Dan-bako 151

Dan -bako, autan saraki 1

Sabro da gatari hana kwana 1

Sarkin kauye matambaya labari 1

5-Babban gurunzumi sha da kafa 1

II.

Sarkin gayya kuwara ta fi kwadarko,

Jirgi kan nema 1

Babban baran Magajin Korau

l-Maradi gagaran gari 1

Kaya garin Dan-bako 1

Shiga da rakumi,

Hita da akala 1

5-Tsohon gari mai gafiya 152

III.

l-Garjanga ta Jatau 153

Ko wa fadaki shi kwana 1

Kashe mutun kiyi tuba,

In an kashe ki sai dagumma 1

5-Gama uku (takobi, garkuwa, mashi) na da wuya,

51 - Kirari recueilli auprès de Mayana Barmo: E.I.E Tasawa Mai 1984. Ce sont des onomatopées.

52 - Kirari recueilli auprès de Mati Dan -Lady, E.In.E. Dan Gaya 1983.

53 - Kirairi recueilli auprès de Uban dawaki Ire, E.I.E. liratawa Mai 1984

42

1.

Say barde

Naganin ki kan tai Bauchi

Traduction

1 -Dan - Bako ! Dan - Bako ! c

-Dan - Bako, Cadet des rois!

-Moustique à la hache qui perturbe le sommeil !

-Seigneur de la «Brousse», grand inquisiteur!

5 -Grand bassin où l'on s'abreuve débout !

-Seigneur plein de superbe, Grand fleuve qui dépasse le pont;

-Te traverser nécessite une pirogue!

-Grand serviteur de l'héritier de Korau !

II.

1 - Maradi, l'invincible ville!

-Ville de Dan-bako, «épine dans le pied»

-Ceux qui y entrent avec leurs chameaux,

-En sortent avec le seul licou !

5 - Vielle ville aux rats !

III.

1 - Invicible ville de Jatau !

-Quiconque t'implore verra demain !

- Tu tues l'adversaire et le dépouilles!

- Qui te tue ne trouve que gris-gris sur toi!

5 - Réunir épée, bouclier et lance est très délicat !

-Sauf pour un grand officier!

-Tes adversaires préfèrent attaquer Bauchi pas toi!

43

L'exploitation et l'interprétation de ce kirari imposent de la

prudence notamment en ce qui concerne sa datation, sa traduction,

les allusions et les implications. Actuellement, il nous est impossible

de dater ce Kiran54. Nous nous limiterons à des observations

superficielles. Le huitième vers de la première strophe montre bien

que Dan-Bako tirait sa légitimité de la dynastie de Korau. Il en faisait

un subordonné de l'héritier de Korau, d'où l'ancienneté de la

dépendance de Maradi (région) par rapport au Birnin Katsina. Ensuite,

Dan-Bakol fut-il le premier titre du représentant de l'Etat de Katsina

dans la région de Maradi ou bien ce titre a-t-il été adopté après celui

de Ma ra di ? Pour nousl la question reste posée du fait que nous ne

disposons d'aucune preuve. L'absence de date de référence est un

handicap supplémentaire à la résolution de ce problème. Nous

pouvons également constater que Maradi est employé à la fois comme

titre conféré à certains dignitairesSS comme nom de centre urbainS6

et de zone ruraleS7 ou une région au représentant belliqueuxS8. Des

témoignages écrits rendent compte également de l'existence de

Maradi avant le Jihâd d'Usman Dan Fodio. Selon Abd al Quadir b. al

Mustafa, Maradi fut assiégé par Soba (1680-1694 )1 souverain du

54 - La division ou la classification de ces fragments de kirari en strophes et vers n'est qu'arbitraire et provisoire. Nous l'avons adoptée pour la commodité de l'exposé. Il en est de même pour notre traduction qui n'est que superficielle et de fois iittérale. .

55 - 1ère strophe, 2è ,4è et 8è vers. 56 - 2è strophe.

57 1ère strophe, 4è vers.

58 - 1ère

strophe 3è et 4è vers, 2è strophe et 3è strophe .

44

Gobir au XVIIè siècle59 et la ville ne fut conquise temporairement que

par Bawa Jan Gwarzo ( 1771- 1789 ) un autre souverain du Gobi,00.

Palmer H.R, se référant à Abdal Qadir b. al Mustafa rapporte

les mêmes faits à propos du siége et de la conquête de Maradi par les

souverains du Gobir.

La question du site de Maradi au XVIIIè siècle et son

importance reste à éclaircir par les historiens. R. W. Hull donne une

origine plus ancienne du Katsina Nord dans son ensemble, et affirme

son rattachement au Katsina. Selon cet auteur: «Since the mid­

seventeenth century the Kingdom had been advancing northward and

engulfed pagans around Maradi and Tessawa in present-day Niger­

Republic. These people however, were never completely assimilated

into the mainstream of Katsina society. Nor were Fulani who had been

given a large measure of political autonomy within their own areas of

settlement but denied political representation in the central

government»61.

Des historiens, citant H.Lhote, proposent l'hypothèse d'un

rapprochement entre· la destruction de Marandet et la fondation de

MaradP2.

Pour H.Lhote Ma ra di fut fondé par les Gobirawa. A l'état actuel

de nos connaissances, rien ne nous permet d'apprécier cette

59 1 - ABD AL QADIR b al Mustafa, Raudat al Akfar cité par USMAN Y. B., op. cit., 1980, (a), pp. 36-37. HAMANI Dj., op. cit., 1975, p. 67. Les dates du règne de Soba sont de HAMANI Dj., op. cit. et USMAN, Y.B., op. cit., 1972, pp. 182-184.

60 - PALMER H. R., «Raudat al Afkar » J.A.S, Vol. XV, nO UX, PP. 268-269.

61 - HULL R. W., op. cit., 1971, p. 88.

62 - HAMANI Dj., op. cit. 1975, P 33. GADO B., ~ n° 45, p. 85 ;

- LHOTE H., «Ancienne route de l'or au Niger» in Revue Archeologia. n0 51, Octobre 1972, pp. 63-67.

45

hypothèse. La certitude que nous avons c'est que cette localité a été le

théâtre de conflits entre le Gobir et le Katsina 63.

Mais, il faut préciser que l'objet de ces conflits n'était pas la

localité de Maradi. H.Lhote confond-t-il Tsibiri et Maradi? Beaucoup

d'auteurs européens abordent l'étude de la région selon la division

administrative coloniale et actuelle. C'est une erreur historique qui ne

tient pas compte de la division administrative pré-coloniale. Maradi

dépendait politiquement et administrativement de Birnin Katsina. Il est

courant d'entendre les Gobirawa et les Katsinawa dire «Iyakar Katsina

Maradi» ce qui signifie «Maradi est la limite nord de Katsina».

Cependant, Maradi entretenait des relations intenses avec le Gobi,64.

Si l'appartenance de la région de Maradi à l'entité de Katsina est

incontestable, l'importance de la ville, longtemps négligée par les

chercheurs reste à établir.65 On retiendra que Maradi date au moins

du XVIIe Siècle.

Madarunfa : selon la légende de Madarunfa, ce nom dérive du nom

du fondateur de la ville, nommé Mada et sa femme nommée Runfa66.

Les deux conjoints fondateurs de Madarunfa seraient quraishites.

Cette ville devint importante depuis que le Prophète Muhammad eut

l'intention d'en faire un lieu de pèlerinage pour tous les musulmans67.

Cette thèse est invraisemblable. Quand nous avons demandé à notre"

63 - DAVID P., op. àt., 1969, p. 645.

64 - USMAN Y. B , op. cit., 1981 ( a ), p. 131 et cartes B et C.

65 -ADELEYE R. A., op. àt., 1976, pp.590-591.

6611 est possible que le fondateur s'appelle Runfa et sa femme Mada. Un des plus illustres souverains de Kano, voisin du Katsina, s'appelle Runfa. Dans cette hypothèse, le nom Madarunfa signifierait Mada l'épouse de Runfa. "

67 -E.In.E Madarunfa septembre 1984 : témoignage de Uman Haladu plus connu sous le nom de Uman Bagashe

46

informateur de nous préciser les références qui font allusion à

Madarunfa , il était incapable de le faire quoique ancien Imâm du site

en question . Pire, il donne à la lignée du fondateur de la ville une

origine Kanuri en provenance d'Egypte. Comme on peut le constater,

ses versions sont contradictoires et relèvent purement de la thèse

hamitique déjà critiquée plus haut. Selon P.David, Madarunfa a été

fondé après l'installation de Dan-Kasawa à Maradi par un de ses fils,

Dan Galadima Gwagware68. Les questions qui restent à élucider, en

rapport avec le site de Madarunfa, sont la tradition maraboutique très

vivace et les nombreuses tombes des saints musulmans. Faut-il fouiller

ces tombes pour en déterminer les implications historiques?

L'indication la plus crédible sur l'ancienneté de Madarunfa est peut­

être celle rapportée par Y.B. Usman dans son article sur la chronologie

du Katsina. Cette indication concerne les victoires remportées par les

Sarkin Katsina Uban Yadi (ou Karyagiwa dan Muh. wari) contre les

dignitaires de l'Etat de Kano, notamment Turaki tué à Doka près de

Madarunfa69.

Gabi : P. David témoigne que Gabi est fondée au XIXe siècle.70 Alors

que la version officielle détenue par les princes de la cour de Gabi et

de leurs courtisans fait remonter la fondation de Gabi au XVIIe S. Un

candidat évincé du trône de Birnin Katsina serait venu fonder Gabi. Un

fait est certain: Gabi connaît aujourd'hui quatre sites et notre

informateur à la cour de Gabi précise que le deuxième site était âgé de

trois cent soixante deux ans avant l'arrivée de Dan Kasawa à

68 -- DAVID P., op. cit., 1969, p.668.

69 - USMAN Y. B., «The dynastie chronologies of three polities of Katsina» Bull. I.F.A.N .. T40, B,2,1978, p. 402.

70 - DAVID P., op. cit., 1969, p. 668 et E.C.E. Gabi, Mai 1984.

47

Maradj71. En réalité, seule une analyse fouillée de la situation

·politique et économique du Katsina aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles,

nous permettra d'apprécier objectivement la fondation de Gabi dans le

temps. Mais la tradition orale de ·Gabi admet que ce site est antérieur

au Jihàd de 1804.

Tokarawa: Beaucoup d'informations contradictoires existent

également sur la fondation de la ville de Tokarawa qui connaît

. aujourd'hui trois sites. Selon une enquête réalisée72 par l'instituteur

Souley Saki, la ville daterait de cent soixante quatorze ans en 1982.

La tradition de Tokarawa enseigne que le premier site a été

abandonné en raison de la guerre. Qu'ils aient existé ou non avant le

XIXe siècle, Gabi et Tokarawa jouèrent ·un rôle important dans

l'évolution de Katsina Nord au XIXe siècle. D'autres centres comme

Riyadi, Sumarana, Mokoye, Tarna, etc ... existaient avant le XIXe siècle.

Ainsi «le pays n'était donc pas totalement vide à l'arrivée des

premiers Katsinawa d'avant" Maradi»73. Le Katsina Nord dans son

ensemble était une région habitée .par des chasseurs, des agriculteurs,

des éleveurs , des pêcheurs , des commerçants etc .. avant même le

XIXe S. Cette zone n'était pas soumise au commandement unique d'un

dignitaire régional. Néanmoins, elle dépendait tout entière du pouvoir

de Birnin Katsina et jouissait d'une relative autonomie, sauf en cas de

troubles74. Alors que le royaume du Katsina, comme les autres États

71 - Texte de l'enquête, sous forme manuscrite, en possession de l'auteur . les raisons de l'abandon du premier site de Tokarawa constituent des preuves irréfutables de l'existence de Tokarawa avant le Jihàd. E. In. E.: témoignage de Maigari Neino Dan Djimo, chef du Village de Tokarawa Tajaye.

72 - Voir note précédente et DAVID P., 1969, pp. 643-645 .

73 - DAVID P., op. cit., 1966, p.643

74 - us MAN Y. B., op. cit., 1981(a), pp. 84 -98.

48

Hausa, connaissait un niveau de développement économique, politique

et culturel assez élevé vers la fin du XVIIIe Siècle, le système de la

sarauta engendrait le contraire de l'ordre qu'il assurait. La classe

dirigeante et les privilégiés négligeaient les conditions de vie de la

masse et s'adonnaient au faste et aux activités lucratives. En plus, les

conflits entre les différents États de la région devenaient sérieux et des

dissensions internes opposaient les dynasties régnantes dans chaque

Etat. Le mouvement d'islamisation très poussé avait engendré la

naissance d'une intelligentsia avec laquelle il fallait compter, au même

titre que les aristocrates et les riches, dans les affaires de l'Etat.

49

CHAPITRE III LE JIHAD AU KATSINA

"Depuis longtemps l'islamisation des peuples de notre région

était très avancée. L'islam était devenu une réalité sociale avec

laquelle il fallait désormais compter.

Les souverains d'Ayar, du Borno et du Songhay prenaient déjà le titre

d'Amir a/ Mumu'nÎn (commandeur des croyants). A partir du XVe siècle

ceux de Kano et de Katsina passaient pour les rénovateurs de

l'islam,,75.

Le jihad qui allait transformer profondément la configuration

politique du Soudan Central est l'aboutissement d'un long processus

amorcé depuis le XVIIe S par Hada-Hada dans l'Ayar et après par

Malam Jibril Dan Umaru marabout de l'Adar, originaire d'Agades, lui-

même maître d'Usman Dan Fodio76.

Ce processus se poursuit au XVIIIe siècle au Fouta Dja/on, au

Borno en 1725, au Futa Toro en 1776, et au Dyambur en 178677.

Des lettrés musulmans y avaient conduit des mouvements qui avaient

permis la fondation des Etats théocratiques et I~urs répercussions

n'épargneront pas 'le Soudan Central. Ce mouvement sera conduit par

un descendant de Musa Jokollo, originaire du Soudan Occidental. Au

Soudan Central, la situation appelait au changement. Les souverains

75 HAMANI Dj., «contribution à l'histoire de l'islamisation des populations nigériennes avant la colonisation», Niamey, Décembre, 1981, p. 43.

76 HAMANI Dj., idem., p. 44.

77 - Ces dates sont données selon la chronologie de NICOLAS G., «la question du Gobir» in . th th

Hlstory of the Central Sudan before 1804, 8 -13 Jannuary, 1979, p. 27 ; NICOlAS G., J.S.A .. TJOOCIX, 2, 1969, p. 199. * JUNAIDU M., Tarihin Fulani. Zaria, N.N.P.C, 1950, pp.7-8.

50

des États de cette région s'étaient enrichis et s'adonnaient au faste,

aux loisirs, etc ... et accablaient les Talakawa, hommes de commun,

d'impôts de toutes sortes. Les lettrés musulmans prenaient de plus en

plus de l'influence dans la société. Au Gobir, l'éducation des enfants de

Bawa Jan Gworzo était entre les mains d'Usman Dan Fodio. Et ce

dernier osait même tenir tête aux souverains du Gobir. Au moment où

les marabouts devenaient très influents dans la société et l'islam plus

pesant, les membres de la cour des souverains et d'autres privilégiés

de la société n'étaient pas prêts à céder leurs positions au profit d'une

classe intellectuelle montante. La situation était loin d'êre stable au

sein des Etats Hausa. Le Gobir qui sera le berceau du Jihad de 1804,

s'était confronté des années durant au Katsina78 et a tourné ses

intentions vers le Zamfara où il s'est finalement imposé. Le nouveau

royaume du Gobir avec pour capitale Alkalawa dans le Zamfara n'avait

pas eu le temps de se consolider. Les membres de la dynastie royale

avaient proliféré et s'affrontaient à la fin du XVIIIe siècle et au début

du XIX e siècle. Certains anciens souverains du Zamfara déchus du

trône par les Gobirawa, avaient formé un groupe d'opposition à

Kiawa79. Ce groupe soutenu par les Katsinawa était un facteur de

trouble entre les Etats de la région. Cette instabilité ne fera

qu'accentuer le mouvement du jihacftO. Au nord également le Gobir

devait faire face aux incursions des Touareg. C'est dans ce contexte

qu'Usman Dan Fodio comprit que par des moyens pacifiques

(négociation, compromis, etc ... ) il ne pouvait réformer un système

solidement implanté et vieux de plusieurs siècles. C'est contre un de

78_ Voir notre introduction au XIXe s et NICOLAS G., op. cit., 1979., pp. 26-27.

79 - Kiawa est situé dans le Katsina.

80 - NICOLAS G., op. cit., 1979, pp.26-28.

51

'.

ses anciens disciples qu'Usman Dan Fodio devait entreprendre un

affrontement décisifSl. Mais cet affrontement du Sheikh contre Yunfa,

fils et successeur de Nafata, fut malheureux pour le réformateur, qui

dut se retirer à Gudu au sud de Birnin Kwanni dans l'actuelle

République Fédérale du Nigéria. Les hostilités entre les réformateurs et

les résistants allaient se poursuivre jusqu'à la conquête européenne.

Au bout de quatre ans de guerre, les jihadistes constituèrent

un grand empire82.

Le Zamfara se rallia aux jihadistes en 1804, puis ce fut le tour du Kabi

le 13 Avril 1805 ; le Katsina quant à lui fut conquis en 1807, sous le

commandement de trois guerriers du jihàd.

• Kano et Zaria furent conquis à la fin de l'année 1807

• Alkalawa n'est tombée aux mains des jihadistes que le 3 octobre

1808

• La capitale du Borna, Birnin Gazargamu a été conquise le 12

Mars 1808.

81 - NICOLAS G., op. dt., 1979, p.l

82 Quelques indications sur le jihàd : ABUBAKAR S., The Emirate of Fombina, 1809-1903, Ph. D. thesis, Zaria, ABU, 1974 ; ADAMU M., opdt 1978, 26p et cartes;

ADEL YE R. A., op. cit., 1976, pp S7-93 ; ALKALI M.B., op. cit., 1969 ; AUYU Y. A. The establishement and development of Emirate govemment in Bauchi Ph. D.

thesis, Zaria, ABU, 1974 ; HAMANI (Dj., Op. cit., 1981, 61 p. ; LAST. M., op.cit., 1967 ; USMAN Y. B., op.cit. 1976, VII-601 p., tables et cartes; USMAN Y. B., (ed), Studies in the historv of the Sokoto caliphate. the Sokoto Seminar papers. Zaria, ABU, 1979, XIII-S04 p.

52

l-Les évènements du jihad au Katsina :

La conquête du Kasar Katsina (pays du Kat~ina) était d'importance

capitale pour l'établissement du Califat de Sokoto. A la fin du XVIIIe

Siècle, le Katsina était l'une des puissances économiques, politiques et

commerciales du Kasar Ha usa. C'était un entrepôt vital dans les

transactions nord-sud, entre l'Afrique du Nord, par delà même

l'Europe, et la zone forestière' des Etats du sud. D'autre part, c'est un

voisin immédiat et important du Gobir qui fut le premier centre du

jihad. Important encore, d'autant plus qu'il était d'une très ancienne

réputation musulmane et avec des centres intellectuels importants

comme· Birnin Katsina, Yandoto, Dan Ashita, Kurmin Dan Rankcf33.

Dès le XVIe siècle, des figures de réputation universelle sur le plan de

la piété, de la sainteté et de l'érudition vivaient dans ces centres84.

Ce n'était donc pas sans raison que les jihadistes se préoccupaient

du Katsina. Au début du XIXe Siècle, il y eut un influent marabout de

Katsina qui était ancien disciple du Sheikh et proche ami de son fils

Muhammad Bello. Il s'agissait du futur Emir du Katsina Umarun

Dallaje85. Tout échec dans la conquête du Katsina pouvait donc porter

83 ADAMU M., op. dt., 1979, pp. 61-84 :

BARTH H., op. cit., 1965, p. 477 ; R.W. Hull R. W., op.cit., 1968, p. 14 ; LEROUX H., op. dt., 1948, p.599 ; USMAN Y.B, op. dt., 198,1 5Ao pp. 59-60 .

84BELLO A., My life, cambridge University Press, London, 1962, pp.28,31 ; DAN KOUSSOU 1., op.cit., 1970, pp. 38-52 ;

USMAN Y. B., op. cit., 1972, pp.195-197 ; USMAN Y.B., op.cit., 1981 (a), p.27.

85 HULL H. W., op. cit., 1971, p. 89.

53

préjudice ou retarder le processus du mouvement de la réforme. Le

Katsina était aussi une étape dans la conquête des régions situées plus

à l'est et une grande puissance de l'époque. Mais la poussée de 11slam,

les succès militaires successifs des jihadistes, l'affaiblissement du

pouvoir de l'aristocratie au trône d'une part, et la division au sein de la

famille régnant à Katsina d'autre part, puis, la division entre l'armée et

le pouvoir central86 et l'influence de plus en plus croissante de

certains marabouts ne permettaient pas aux autorités du Katsina

d'écraser les jihadistes qui avaient pour base idéologique l'Islam,

facteur d'unité et de mobilisation de tous les mécontents. Tous ces

facteurs rendirent inévitable la chute du Katsina face à l'armée

jihadiste en 1807. Pourtant, pour en arriver là, les jihadistes durent

mener un combat loin d'être gagné d'avance. Ils ne formaient pas un

front uni et leurs influences étaient localisées et dispersées dans les

plus petits centres et parmi les populations.

Quoique leurs activités n'étaient pas coordonnées87, leur

influence gagnait du terrain. Parmi les leaders des supporteurs du

Sheikh au Katsina, on notait Malam Mahamman Na Alhaji dont

l'influence se répandait autour des centres comme Runka, Zakka et

bien d'autres au sud-ouest de sa ville natale88. Il prendra position

dans la partie ouest du royaume après 1805. Une autre figure, Malam

Muhammadu Na Seye essaya de diriger, de son côté, des activités

réformistes au niveau de Beye, Wurmi, Karofi, etc ... Muhammad Na

Seye et Umaru Dallaje (Umaru regagnera Yan-Tumaki après 1805)

rassemblèrent des adhérents dans le bassin de Karaduwa-Bunsuru.

86 - US MAN Y.B., op. cit., 1981 (a), p.95 on se rappellera également de l'assassinat de Gozo. 87 - UsMAN Y.B., op. cit., 1981 (a), p.103.

88 - UsMAN Y.B., op. cit., 1981(a), pp.249-250 et cartes B et C.

54

D'autres centres dans les plaines centrales regroupèrent des adhérents

aux idées du Sheikh. Au nord de "Birnin Katsina, Malam Umaru

Dumyawa, avec, résidence à Aina, rallia de son côté les éventuels

adhérents autour de Kusa, Garabi (à l'est de Madarunfa), Zan dam,

Morai, Kanwa et Shinkatf39. Le caractère disparate de ce mouvement

permet aux autorités du Katsina de négliger, sans danger immédiat,

les jihadistes au sein du royaume. Ainsi il n'y a pas eu de confrontation

directe entre les jihadistes du Katsina et les autorités du royaume

avant la victoire de Shehu sur l'armée du Gobir en 1805 à Tabkin

Kwato.90 C'est en effet cette victoire et l'appel lancé par Sarkin Gobir

Yunfa contre les jihadistes, qui amenèrent les rois du Soudan Central à

prendre désormais au sérieux le mouvement du jihad. Sarkin Katsina

mena immédiatement une répression sanglante contre les jihadistes

de son royaume. La plupart d'entre eux furent tués, d'autres arrêtés et

certains furent obligés de s'enfuir et de s'unir pour, se défendre91.

Comme la retraite (hégire) du prophète Mohammed en 622 et celle

d'Usman Dan Fodio en 1804, la fuite des marabouts survivants du

Katsina était également perçue comme l'hégire (Hijira)92.

Cette phase vit également la chute du Katsina et le partage du

royaume en trois zones d'influence : celle de Malam Na Alhaji, qui

commandait la région autour de Runka-Zakka dans le le sud-ouest;

Celle de Malam Umaru Dumyawa qui s'attribua la région de Gulbin

Maradi, Madarunfa, Hasau, Gabi, Tokarawa, Fototuwa, Jibiya, Zandam,

89 - Pour le détail sur le jihàd au Katsina voir USMAN Y. B., op. cit., 1981 (a), pp. 94-124.

90 - USMAN Y.B., op. cit.,1981,(a), p.lOS".

91 - USMAN Y.B., op. cit.,1981 (a), p.l0S.

92 - ABRAHAM R. c., op. cit., 1962, p. 386.

55

Ruma, etc ... et celle de Umarun Dallaji qui comprenait le bassin de

Karaduwa-Bunsuru et les plaines centrales.

Un fait mérite d'être précisé au cours de cette phase. Parmi les

résistants contre le jihad on note des Burmawa, une fraction des

Touareg Kel Geres, et des pasteurs Peuls93. C'est là une preuve contre

la thèse qui veut présenter le Jihad ou la résistance contre le Jihad

comme un conflit ethnique.

La période de 1807-1808 fut la phase finale de la conquête du

royaume. Au cours de cette phase, les sarakunan Katsina, prirent le

chemin de la retraite tout en continuant la lutte. Leur première étape

fut Dankama à 32 km environ au nord.

Malam Umarun Dallaji fut également intronisé émir du Katsina. en

mars 180894.

La situation évoluait ainsi en faveur des jihadistes mais de nombreux

problèmes subsistaient malgré tout, car, quoique victorieux, les

jihadistes étaient incapables de s'installer dans le Birnin Katsina.

Umarun DaUaji fut contraint de s'installer à Sa bon Gari à 24km au sud­

est de la capitale. Après la mort de Na Alhaji, son fils Muhamman

Dikko fut nommé commandant du secteur sud-ouest. Ce qui fut rejeté

par certains groupes jihadistes : Dangin Dauda et Dakkala. Les Dangin

Dauda se faisaient dignitaires d'une section autonome de la

communauté musulmane. Cette situation était déjà un signe de la

division au sein des dirigeants de la communauté du Katsina. Le

procédé de la nomination de Umarun Dallaji par Mahammadu Bello en

défaveur de Na-Alhaji et Dumyawa était-il aussi une maladresse?

93 Hull R.W., op.cit., 1971, mentionne des résistants peuls de Ruma et les habitants de Karofi en plein XIXe 5; USMAN Y. B., op. cit., 1981, (a), pp.116-117.

94 USMAN Y. B., op. cit., 1981(a), p. 123 et note 1, p. 125.

56

Après la première phase du jihad au Katsina (1804-1805), la

deuxième sera décisive (1805-1806) pour les sarakuna, malgré la

coalition Katsina-Daura-Kano. Durant cette phase l'armée du Katsina

devait faire face aux opposants internes, qui devenaient de plus en

plus organisés, puis à celle du Sheikh et à l'est aux Jihadistes de Dan

Tunku de Kano et à ceux de Daura. Le Zazzau répondit favorablement

à l'appel lancé par. Usman Dan Fodio en 1805 après la bataille de

Tabkin Kwato. De ce côté le Katsina perdit un allié et se trouva aussi

menacé95. Le puissant royaume du Katsina se retrouva ainsi encerclé.

Au cours de cette phase de 1805-1806 les jihadistes remportèrent des

succès au Katsina. Ils utilisèrent des méthodes violentes et des

moyens pacifiques. Au cours de cette étape les centres de Daugani,

Papu, Gyaza, Karofi, Radda, Kamri Benye, Rugar Badde, Bindawa,

Dallaji, Kahin Dangi, etc ... ,se trouvèrent sous le contrôle des

jihadistes96.

Ils rencontrèrent cependant des difficultés à se rallier le groupe

de Yandoto qui a une très ancienne tradition musulmane. Ce groupe

prenait les jihadistes pour des hérétiques. Selon les marabouts de

Yandoto, le Katsina était un royaume musulman malgré certaines

pratiques répréhensibles. Ainsi, personne n'avait le droit de combattre

le Katsina comme une terre de mécréants. A ce sujet Usman rapporte

qu~: « ... and more serious opposition was met in Yandoto and

neighbouring settlements where Malam Sambo B. Ashafa and Alhadji

Umaru an ardon (clan head) Fulani living near Yandoto called upon by

Mallam Sambo to follow Allah by support for the Shehu, is said to have

95 - Sarkin Zazzau Isiaku Jatau répondit favorablement à la lettre du Sheikh Usman Dan Fodio, apportée par deux messagers : Abd al Rahman et Allamu Zamanu, Usman, op.cit., p. 106.

96 - USMAN Y. B., op.cit., 1981(a), p. 112.

57

answered that he saw no reason to support some ragged Malam

against a «5arkin Duniya» (Lord of the world) like the sarkin Katsina.

Malam Sambo had to resort to the sword to conc/ude the argument,

and managed to seize sorne horses with which he equipped his

contingent and attraeted more people to join him»97.

L'étape de 1806-1807 fut la troisième phase des évènements

du jihad au Katsina. C'est au cours de cette phase que Yandoto fut

conquis et le mouvement des réformistes du Katsina devait être plus

intégré au mouvement général, surtout à la suite de la rencontre de

Birnin Gada au Zamfara avec Muhammad Bello.

En plus de cela, une famine terrible survint après cette période de

guerre98.

2-Les lihadistes au Katsina Nord

Les détails précis de l'occupation du Katsina Nord par les jihadistes

nous échappent. Après les premiers succès militaires des jihadistes, la

région tomba sous la sphère que contrôlait Umarun Dumyawa. Dans

le contrôle de cette zone qui comprenait le nord-"ouest (Zandam,

Gu/bin Maradi, Kusa, jusqu'aux environs de la ville de Kaita) Umarun

Dumyawa était aidé par deux lieutenants, Ma/am Arade Makuma et

Ma/am Yusufu Na Garabi99.

97 - USMAN Y. B., op.dt., 1981(a), p. 112. - l.AST M., The Sokoto caliphate. London, Longman, 1967, p. 37.

98 - Cette famine est mentionnée par bon nombre de nos documents écrits et oraux.

99 USMAN Y. B., op.dt., 1981 (a), p. 126.

58

Selon David P., la région fut envahie par une colonne de 500

personnes100 qui devaient y vivre. La région de Maradi fut alors

soumise à l'administration de Mani Acha (Ascha), qui représentait les

autorités issues du jihad. Des points restent à éclaircir quant à

l'occupation des secteurs comme Tasawa, Gazawa et Age. Ces

secteurs101 se seraient très tôt ralliés aux jihadistes. Rauda aurait

même été livré aux jihadistes par les populations du secteur

Gangara(Gazawa) où il cherchait refuge. Selon Tilho, les populations

de ces sites, terrorisées par l'ampleur des combats dans les régions

voisines, s'étaient rendues aux jihadistes102.

De toutes les façons, que ce soit à Tasawa, Gazawa, Age ou

Ma ra di, l'occupation du Katsina Nord semble avoir été faite plus

pacifiquement que dans les autres régions. Jusqu'à l'arrivée de Dan­

Kasawa dans la région, il y avait un dignitaire traditionnel, en la

personne de Maradi Ranau103. Maradi Ranau, représentant légitime

de l'ancien pouvoir de Katsina, ne manifesta aucune hostilité à Mani

Acha. Certainement très informé de l'évolution de la situation dans

toute la sous région et de la chute de ses supérieurs hiérarchiques, il

jugea plus sage d'accepter la nouvelle situation que lui imposait les

nouvelles autorités de Katsina, ou alors on peut supposer qu'il voulut

laisser en veilleuse tout un projet pour ne pas attirer un contrôle plus

strict dans la région susceptible d'accueillir un jour les exilés.

100 DAVID P., op.cit., 1989, pp. 645-649.

101 Le terme secteur est ici arbitrairement adopté pour la commodité de l'exposé, et n'a pas d'équivalent dans les langues locales. Indépendamment des considérations coloniales, il donne mieux une idée des divisions administratives précoloniales. Il est donc à considérer comme un terme technique: par exemple Tasawa fait plutôt référence à un centre urbain qu'à une division administrative dépassant le cadre de ce centre urbain.

102 llLHO, II, op.cit., 1906, p. 460.

103 DAVID P., op.cit., 1969, p. 647.

59

C'est dans cette région de la vallée du Gulbin Maradi que l'oppres­

sion, l'humiliation et l'exploitation qui traduisent le pourrissement du

pouvoir des jihadistes, se sont le plus manifestés. Les témoignages sur

le contrôle de la vallée du Gulbin Maradi furent très négatifs. Aucune

œuvre de construction de cette région pourtant pleine de potentialités

naturelles ne fut entreprise. Les sources ne mentionnent la création

d'aucune véritable école coranique, alors que la légitimité du pouvoir

des jihadistes dépendait de l'islam. Cette occupation fut lourde et

cruelle. A ce propos, voici le témoignage rapporté par David P. :

«Pendant dix huit années, les Peuls ne tracèrent jamais un seul sillon.

Installés avec leurs femmes et leur progéniture dans de confortables

maisons, ils se faisaient nourrir par les anna, exigeant poulets,

chèvres, mil, maïs, gros mil et canne à sucre. Au total, plus de cinq

cents qui commandaient les anna et menaient douce vie. Chaque

vendredi, Mani recevait, à titre de contribution obligatoire, les denrées

nécessaires à son entretien et à celui de ses hommes. Pour toute la

semaine à venir, les paysans de la vallée remplissaient qui un sac ou

une calebasse de mil, qui une charge de maïs, ou de haricot et les

rapportaient à Sumarana. Au total, il fallait chaque semaine plus de

cinq cents sacs de céréales et de vivres pour faire vivre les Peuls ... Le

peul couchait avec la femme, tandis que l'anna, lui tenait dehors la

bride du cheval.. .. »104.

Ce récit, sans doute exagéré sur certains aspects, nous permet

néanmoins de voir la situation dans laquelle se trouvaient les anciens

administrés de Maradi Ranau autrefois soumis à un système plus

104 - DAVID P.,.idem., 1969, p. 646.

60

souple que celui de Mani10S. Ce témoignage nous permet aussi de

tirer des renseignements économiques sur la région et de constater

que Mani s'est installé dans la région avec un groupe de personnes

même si l'effectif avancé est à vérifier.

Les anna qui ne sont pas habitués à un système administratif si

oppressif ne pourront supporter celui de Mani Acha.

105 - Selon les informateurs on prononce : Mani Acha ou Mani Asha ou Manin Ashiya

61

d'organisation pour se limiter à des actions isolées. Pour eux, leur

action devait être de grande envergure.

a) Préparation de la révolte

Tout d'abord, rien n'empêche de penser que les Anna de la

vallée ont fait u~e appréciation correcte de la politique de Mani et ont

su que le moment était favorable pour canaliser le mécontentement

des populations.

Ils ont également su sonder l'intention de leurs anciens

souverains en exil à Gafey. En tout cas, l'envoi des émissaires auprès

de Dan-Kasawa fut très significatif. Ce dernier, à son tour, donna à

l'initiative des anna un sens politique beaucoup plus large en

contactant ses deux cousins, Sarkin Kano réfugié à Maradu (situé

entre Madarunfa et Maradi) et Sarkin Daura en exil à Magariya (dans

le Daura).

Ensuite, Dan-Kasawa, pour s'assurer de la bonne foi des Anna

et les motiver encore, leur fit une proposition très habile, non moins

importante dans la stratégie de la révolte: «Si les Peulhs vous

ordonnent de me livrer à eux, peut être en êtes-vous capables? Je ne

viendrai vous secourir qu'à une condition: supprimez d'abord Mani­

Acha, afin que je juge de votre sincérité, apportez-moi sa tête pour

preuve de votre détermination, et alors je serai votre Sarki»108.

108 DAVID P., «Maradi précolonial: l'Etat et la ville» BI.IFAN, T.XXXI, B, 3,1969, p. 647 ; E .C.E., Jiratawa, Mai, 1984 i E.C.E., Maradi, Mai, 1984 ; E.I.E., Maradi, Mai ,1984.

64

Pour les Anna l'action qu'ils allaient entreprendre pouvait être

lourde de conséquence et ce d'autant plus qu'il s'agit d'attaquer un

adversaire puissant comme l'empire de Sokoto.

Les Anna prirent deux ans pour fabriquer leur armement et prévoir

militairement la contre révolte. Les forgerons avaient reçu l'ordre de

préparer secrètement arcs, flèches, haches, etc ...

Les chasseurs quant à eux devaient préparer du poison nécessaire

pour les flèches et les lances. Les réunions se tenaient dans la forêt

dont les anna seuls connaissaient les labyrinthes à l'époque. Car, il y a

parmi eux un grand nombre de chasseurs et de forgerons. Cette forêt

était touffue et infestée d' animaux sauvages de toutes sortes, disait­

on.

Sur le terrain, la révolte était préparée, organisée et dirigée par

un comité de six personnes.

- Barki dont le nom est porté aujourd'hui encore par un grand gao109

de Maradi; cet homme aurait accroché son carquois au Gao à son

arrivée dans la région, Nakumbo, Dankaso, Gadabo, du village de

Sumarana où Mani Acha percevait ses impositions;

Le frère de Barki, le jeune Albarshi Mai Kumsa110 ;

Enfin, Ashalu, porteur du surnom Mai Tawaye (le révolté).

Il y a lieu de remarquer que les membres de ce comité ne sont pas

du même village. Il apparaît clairement que Barki et Gadado sont de

villages différents, même si nous ignorons les villages des quatre

autres. L'unanimité des gens issus des villages différents, la

participation harmonieuse des sarakunan sana'a (makera, mahalba,

109_ Gao :acada Albida

110 -Komsa : luth à deux cordes.

65

etc ... ), la préparation sur le terrain malgré le contrôle de Mani

donnèrent à cette résistance son caractère populaire. Et la

participation des souverains des autres Etats voisins lui apporta ses

dimensions politiques régionales. C'est surtout le caractère oppressif

de la politique de Mani qui entraîna les populations à la révolte. En

effet, . pendant que la révolte couvait, les exigences de Mani Acha et de

ses hommes devenaient excessives.

b) La révolte111

«Cette année là, en plus des exigences ordinaires, Mani Acha

demanda à chaque famille un fils pour être envoyé à Sokoto et servir

dans les places fortes du Sud et de l'Ouest de l'empire ... »112.

Cette nouvelle exigence correspondait-ell~ à des difficultés auxquelles

l'empire était confronté dans les lieux indiqués ? Si c'est le cas les

circonstances étaient alors favorables pour les résistances du nord.

Mais pour gagner du temps et finir leurs préparations les dominés

surent toujours tromper Mani Acha.

En effet, ils proposèrent aux occupants de patienter : un des

leurs, Dogo et ses deux femmes Fati et Tsima n'étant pas là, ce n'est

qu'après leur retour qu'ils pourraient satisfaire les nouvelles exigences.

Dans l'esprit des conjurés, Dogo qui signifie en hausa un homme

111 Cette révolte doit être comprise dans le contexte géopolitique du nord califat déjà évoqué plus haut et pas seulement dans la seule localité de Maradi , même si cette ville a été le berceau de la révolte.

1120AVIO P., op.cit., 1969, p.647. l'auteur ne précise pas l'année en question. Pour ce qui est de la date de la révolte voir notre quatrième chapitre - Pour ce qui est de 11ntrigue des anna, il existe un point obscur: par exemple, on ne comprend pas pourquoi ils insistent sur Fati et Tsima (des femmes) alors que l'exigence portait sur des enfants qui peuvent être envoyés sur les points forts du califat. Nous supposons que l'exigence portait surtout sur des hommes.

66

grand de taille est ici assimilé à l'arc. En parlant de ses deux femmes

Fati et Tsima, il faisait allusion aux flèches.

Quand Mani exigea de nouveau les enfants, les conjurés

avançèrent qu'ils étaient presque prêts: Dogo et ses deux femmes

étaient déjà là. En fait, cela voulait dire que la fabrication des armes

était finie. Les anna poursuivirent leurs intrigues, en disant qu'ils

avaient fini de tresser Fati et Tsima, et qu'il ne restait qu'à leur faire la

toilette et à les enduire de henné. Ici les anna voulaient tout

simplement dire que les barbelures des flèches étaient déjà faites, qu'

il ne restait plus qu'a leur faire la toilette et à les enduire de poison.

Voilà comment les anna trompèrent Mani Acha jusqu'au jour où ils

arrêtèrent leur plan de révolte. Il s'agit ici de l'habileté politique des

résistants ou de la naïveté et l'ignorance de la cult4re du pays de

Mani Acha ? Ecoutons encore ce récit de uban dawakin Safo rapporté

par P. David113 :

«Le vendredi venu, réunis autour de la calebasse de bière de mil, plus

connue sous le terme de burkutu, les conjurés furent prêts. Et qui va

donner le signal? qui va frapper le premier? Moi, dit Gadabo, et il

vint à Sumarana en tête. Ils trouvèrent comme chaque Vendredi, Mani

couché dans son vestibule».

Après que les anna se furent acquittés de leurs obligations en vivre, il

ne restait que deux hommes dans le vestibule.

«Alors Gadabo fit son entrée, la hâche sur l'épaule, prêt à l'action ; il

prit sa hâche, la brandit à bout de bras comme s'il voulait saluer le

gouverneur, tout en lui disant Ranka ya dade (que ta vie dure

113 DAVID P., op.dt., 1969, pp. 647- 649.

67

longtemps) s'approcha de lui, et brusquement d'un coup de sa hâche,

il lui fendit le crâne en deux.

Alors triomphant, il s'écria de toutes ses forces :

Yiihu, Dan bura Uba, na dama, kawaya sha !

Yiihu, ya tawaye, mun tada. (Et aussitôt, Ashalu sort aussi de la

maison et crie de toutes ses forces au dehors.

Yiihu, kai yan bura Uban nan ! Anna ! vau mun tada tawaye.

C'est l'appel général à la', révolte et au soulèvement. Et il

continue : et vous les Peulhs allez dire à vos chefs que c'est notre

révolte ! J'al tué aujourd'hui Mani... Mai shiga shi shiga ! s'engage celui

qui veut s'engager. Nous refusons de suivre les Peulhs, que chacun

fasse désormais à sa guise !

Alors tous le,s Anna se mirent à tuer les gens de Mani... Un

courrier spécial apporta à Dan Kasawa la tête de Mani. Dan Kasawa

courut informer ses cousins de Maradu et de Magariya, de la nouvelle,

puis fit ses préparatifs de voyage pour venir rejoindre les anna de la

vallée. A leur arrivée chez Maradi Ranau, dans la vallée, ils tombèrent

dans les bras les uns des autres et Dan-Kasawa criait de joie: voici

qu'aujourd'hui je retrouve mes parents»114.

Cette révolte était préparée de concert avec Dan-Kasawa. Il se

serait même placé à Tasawa, malgré l'hostilité des autorités de la ville,

pour suivre de ·très près les évènements de la vallée de Gulbin Maradi.

La proposition d'assassiner Mani était la sienne.

Car, à l'appel des Anna, il exigeait comme condition la tête de

Mani Acha pour se convair:'lcre de la bonrye foi des Anna.

114 - DAVID P., op.cit., pp. 647- 649.

68

Une phase s'achevait et une autre commença ainsi dans l'histoire

du Katsina· Nord. Nous y reviendrons plus loin. Nous avons laissé

volontairement l'analyse de cette tradition pour un travail ultérieur.

4.Nos tentatives d'explication du succès de la révolte du

Katsina Nord

Cette victoire des conjurés amène à se poser un certain nombre

de questions :

Pourquoi le puissant empire de Sokoto n'a-t-il pas pu réprimer

cette révolte d'une frange de son empire ?

Pourquoi les anciens souverains de Katsina, de Kano, du Gobir et

de Daura se sont-ils tous repliés dans cette zone qui va de Tsibiri à

Magariya?

Pourquoi la révolte fut-elle aussi populaire et régionale que le

jihad lui-même?

A ces quelques questions nous ne pouvons apporter que des

éléments de réponse. Examinons d'abord la situation au sein de la

classe dirigeante de l'empire de Sokoto.

L'empire de Sokoto remarquablement construit par la volonté

populaire au nom de l'islam, de la justice et de la loyauté commençait

à se dégrader.

Le pouvoir prenait un caractère ethnique et familial alors que le

succès du jihad était le fait d'ethnies d~verses et de plusieurs

catégories socio-professionnelles victimes de I~njustice de l'aristocratie

et de l'hypocrisie de certains marabouts attachés aux cours.

69

Tous les postes-clés de l'empire revenaient aux membres de la

famille et de l'ethnie d'Usman Dan Fodio. Ce qui n'est pas sans

offenser les autres héros de la victoire d.u jihad. Pendant que Shehu,

lUi-même, est sarkin musulmi (commandeur des croyants musulmans),

son fils Muhammad Bello devait s'occuper de la partie est de

l'empire, qui comprenait Kano, Katsin8, Zazzau et Adamawa, et son

frère Abdullahi Fodio devait lui aussi s'occuper de l'ouest de l'empire,

Gwandu, Gurma et plus tard Nupe, Ilorin, Junju, Borgu, Tamkala, Say,

Torodi, etc ... Ali Jedo, un Peul encore, mais bien que sarkin yaki du

jihad, devait s'occuper seulement de la partie nord-ouest de l'empire

dont certaines parties ne sont pas encore totalement soumises.

A Katsina même, le gouverneur du royaume était Umarun Dalladji,

un ami intime de Bello. Jusqu'aux provinces reculées comme celle de

Maradi, le responsable était un peul en la personne de Mani Acha ou

Manin Ashia, selon d'autres informateurs. Ce caractère ethnique et

familial du pouvoir montre bien que les dirigeants étaient tombés dans

les péchés qu11s combattaient à savoir le népotisme et 11njustice.

«Déjà avant la fin des grands combats militaires, Abdullahi Dan

Fodio, avait dénoncé cette tendance à la perversion du mouvement.

Déçu, il avait pris le chemin de la Mecque dès 1807 mais avait été

convaincu de rebrousser chemin. par les habitants de Kano. Il est

incontestable que les proches d'Usman Dan Fodio, familiaux ou

ethniques ont bénéficié plus que d'autres du succès du jihad. C'est

pourquoi Abdussalam, l'une des figures proéminentes des débuts du

jihàd, peut-être le deuxième après Usman Dan Fodio s'en plàignit

amèrement et alla jusqu'à la rébellion ouverte après l'avènement de

Muhammad Bello en 1817.

70

C'est pourquoi également, après le décès de Shehu, la nouvelle

aristocratie peul de Sokoto ferma à Abdullahi les portes de la ville lui

interdisant ainsi de. rendre les derniers hommages à son aîné et,

surtout de pouvoir prétendre à sa succession.

La révolte de Abdussalam, celles qui embrasèrent le Kabi et le

Zamfara après le décès de Shehu, sont significatives de la déception

de ceux qui crurent un moment à l'avènement d'une ère de justice

après le triomphe de Shehu Usman Dan Fodio»115.

Dans ce climat, Muhammadu Bello qui succéda à son père

devait lutter âprement pour consolider sa position l16. II apparaît donc

clairement que la situation est loin d'être celle d'une très grande

stabilité tant au niveau de la classe dirigeante qu'au niveau de

certaines parties de l'empire. Quand on sait que Dan-Kasawa s'est

installé à Maradi en 1817, au moment où Bello succéda à son père, on

comprend aisément pourquoi la révolte a eu lieu à un moment crucial

qui correspondait à peu près au décès de Shehu Usman Dan Fodio.

Quant au repli de certains souverains déchus, au sud de la zone qui va

de Tsibiri à Magariya, nous pouvons formuler quelques hypothèses : le

nord de l'empire de Sokoto dans son ensemble n'avait pas été

totalement contrôlé par l'administration de l'empire. Les exactions de

Mani Acha dans la vallée de Gulbin Maradi est une expression de

l'incapacité de l'autorité centrale' du califat de contrôler ses

administrateursl17. Au niveau de l'émirat du Katsina, la situation était

115 - HAMANI Dj., op.cit., 1981, pp. 51-52. 116 - HULL R. W., op.cit., 1969, pp. 89-90.

117 DAVID P., opcit., 1969, pp. 645-649 ; E.C.E., Maradi, Mai, 1984; E.a. E., Section Voix du Sahel, Maradi, Mai, 1984, ( S.D ) i E.I.E, Tasawa, Mai, 1984 ;

71

loin d'être stable. Certaines régions comme Ruma, Karofi se

permettaient même d'accorder des facilités de sabotage aux

résistants l18.

Cette partie nord de l'empire était donc une zone des révoltes

ponctuelles et permanentes: Kabi, Gobir, Zamfara, celle d'Abdusalam,

etc ...

Le Katsina Nord était une zone située à l'extrême nord du

Kasar Hausa (pays hausa) et n'attirait l'attention particulière des

dignitaires d'avant le jihad, qu'en cas de crise. C'était donc une zone

d'une ancienne tradition d'autonomie où les habitants pratiquaient

indifféremment leurs religions animiste ou musulmane. En gardant ou

en occupant cette zone, les anciens souverains contrôlaient une

portion de Kasar Hausa et nourrissaient ainsi l'instinct conservateur

des populations qui ne demandaient pas mieux que d'être autonomes.

Une autre hypothèse non moins importante est la suivante :

A l'est, les exilés avaient le soutien du Damagaram, lui aussi

menacé par le mouvement du Jihàd et derrière le Damagaram, il y

avait le Borna qui était aussi mécontent de voir Birnin Gazargamu

détruit et une partie de son empire perdue ne serait-ce que

provisoirement. En plus, le Borna n'entendait pas être combattu au

nom de 11siam, puisqu11 se proclamait aussi musulman l19.

Au nord, les résistants espéraient le soutien d'une fraction des

touareg de l'Ayar (Tegama et Kel Geres mentionnés plus haut).

E.I.E., Gabi, Mai ,1984. 118 HULL R. W., op.dt., 1971, pp. 95-96.

119 HULL R. W., op.dt., 1~71, pp. 98-99, le départ de Dan Baskore vers le Bomo, montre que les résistants espéraient les bonnes grâces du Bomo. Mais c'est surtout USMAN Y. B., op.cit., 1981 (a), pp. 34-35, qui stigmatise la position historique du Bomo.

72

A cette époque, l'Ayar, le Damagaram et le Borno avaient les

yeux tournés vers l'évolution du mouvement du jihad

Les exilés étaient sans doute conscients de cette situation

avant de se diriger vers le Nord. Même si certains exilés étaient venus

après le succès de la révolte, il n'en demeure pas moins important que

cette hypothèse est à approfondir.

Des indications sur les contacts entre les résistants militent en

faveur du succès de la révolte.

Le climat de résistance qui régnait depuis le Kabi jusqu'au nord du

Katsina était à priori un soutien moral pour chaque groupe de

résistants pris individuellement.

Il y avait tout d'abord le contact entre les dynasties déchues de

Kano et de Daura avec celle de Katsina120. Ces trois dynasties ont pris

la même direction nord-est de l'exil. Ce qui les a conduites à établir

des contacts directs ou indirects avec les autorités du Damagaram, du

Borna et de certaines fractions de Touareg Tegama et Kef Geres. Ce

contact du Damagaram avec les résistants entraÎna celui-ci dans une

confrontation directe avec les jihadistes. Mais dans beaucoup des cas,

cet Etat sortit victorieux des affrontements121.

Les Gobirawa' quant à eux, avaient essayé d'établir un front

contre les jihadistes depuis l'appel lancé par Yunfa aux Sarakunan

Kasar Hausa après la bataille de 1805 à Birnin Gada122.

120E.I.E., Maradu, Mai, 1984. 121 Voir nos enregistrements ; -LAST. M, op dt 1967 p. 31 ; -TILHO. op. dt., 1906 ; -Y.B. Usman, op cit 1981 (a) p. 121.

122 - TILHO, Il, op. dt., 1906, pp. 440-441.

73

Plus tard, Ali Dan Yakuba (1817-1835) était à Birnin Kummiya

(à environ 50 km à l'est de Dakurawa) quand son frère Batsiri, alors

réfugié à Maradi était venu le convaincre pour la continuation de la

résistance et l'assurer du soutien du Sultan de Katsina à Maradi.

Mai Nasara (1886-1894) revenant aux traditions de résistance

des Gobirawa rompit toute alliance avec les autorités de Sokoto et

conclut alliance avec Masalatchi, sultan à Maradi123.

Dans cette situation on ne peut pas ne pas également évoquer

la négligence et la naïveté de Mani Acha. Quoi qu'il en soit, cette

situation n'était pas sans engendrer des modifications dans le Katsina

Nord. En effet, à la suite de la révolte un État centralisé s'est t

constitué au nord du Katsina. Etait-ce aussi le résultat de la

détermination des résistants ?

Par ailleurs, des questions se posent aussi quant aux limites de

cette révolte.

L1nstallation de Sarkin Katsina à Maradi devait être provisoire,

en attendant la reconquête de Birnin Katsina. Pourtant, la cour s'y

reconstituait progressivement.

Enfin, vers la fin du siècle, l'objectif majeur, la reconquête, cède la

place à la gestion pure et simple du «royaume de Maradi». Qu'est ce

qui peut expliquer cet état de fait ?

Comme nous l'avons souligné, au XIXe Siècle soudanais, la

poussée incontestable de l'islam militait en faveur des jihadistes

comme devaient le dire Coquery-Vidrovitch et Moniot: «les mécontents

avaient un leader, une perspective d'action, un espoir commun, une

expression organisée de leurs désirs de changement, un terrain social

123 - llLHO, II., op. cit., 1906, pp. 476-478.

74

explosif, un terrain idéologique anciennement entretenu, jusque-là

autonomes, se sont prêtés de quoi rendre leurs virtualités

agissantes»124.

Alors que les réformistes étaient idéologiquement et

politiquement unis et jouissaient d'un terrain plus favorable, les

résistants n'avaient pas d'idéologie unitaire de lutte sinon le

conservatisme et restaient attachés à leur traditionnelle division

politique 125. Les divisions internes, maladies chroniques de l'ancienne

dynastie, le nouveau jeu des alliances et des revirements politiques126

et le rôle joué par Kaura Hasau peuvent aider à expliquer

l'affaiblissement de la résistance.

Ainsi, les résistants en voulant perpétuer le système de Sarauta

et les anciennes divisions politiques perpétuèrent inévitablement les

éléments de l'éclatement de la résistance.

124_COQUERV-VIDROVITCH C. et MONIOT H., op.cit., 1974, p. 26 .

125_ C'est ainsi que les résistants du Kabi, du Gobir, du Katsina, du Borno, quoique se donnant des coups de mains, restaient prisonniers de leurs anciennes divisions. Alors que l'évolution du Soudan Central appelait désormais à une redéfinition de l'entité politique et une nouvelle composition de la classe dirigeante.

126LAST M., op.dt., pp.UG-U18 ; - TILHO, op.dt., pp. 441- 444 ; 477; 478.

75

CHAPITRE IV-KATSINA NORD APRES LA REVOLTE

A la suite du jihad de 1804 des changements importants sont

intervenus dans le Soudan Central. Un vaste empire musulman s'est

constitué. Après l'année 1809, la plupart des capitales du Kasar Hausa

étaient plus ou moins intégrées au califat de Sokoto dont le

commandement de la partie orientale incombait à Muhammad Bello,

celui de la partie ouest à Abdullahi Fodio. Le Nord du califat était

supervisé par Ali Jedo et deux autres fils de Usman Dan Fodio,

Muhammadu Bukari et Abubakar Atiku se partageant le sud.

Mais il faut préciser que le nord et le sud étaient en plus sous

le regard de Bello127. La naissance des Etats résistants du Gobir et du

Katsina Nord fait également partie des conséquences politiques du

jihad. A ces conséquences politiques, il faut ajouter des conséquences

démographiques et économiques, dont celles du Katsina Nord ne

seront que très brièvement examinées ici. Dans ce pays, l'œuvre

entamée par Dan-Kasawa devait se poursuivre jusqu'à ce que des

troubles interviennent après le règne de Dan-Baskore d'une part et

d'autre part la conquête européenne et les dissensions des dynasties

régnantes.

Après la chute du Katsina, une bonne partie de la population

de ce pays s'est déplacée dans d'autres lieux. Les populations de la

ville de Yandoto détruite se sont dirigées vers d'autres centres. Des

127 AlKAU M. B., op.dt, 1969, p. 156 ; - LAST M., op.dt, 1967, pp. 53-54.

76

Rumawa, des Bambarawa, des marabouts (dont ceux qui ont fondé le

quartier Limanci à Maradl) et des Peul se sont dirigés vers le nouvel

Etat naissant à Maradi.

Au milieu du XIXe siècle deux groupes importants de la

population du Katsina ont quitté le pays. L'un s'est dirigé vers l'Etat de

Bauchi où il a fondé un village, de nos jours appelé «Katsinawa» et

l'autre, celui des marabouts, dirigé par un certain Shawai s'orienta vers

Kon tagora 128. Le jihad entraîna, sur le plan économique, une nouvelle

configuration des centres d'échange et du réseau de communications.

La plupart des principaux marchés du XVIIIe siècle ont été

détruits soit complètement, soit partiellement, d'autres sont apparus

pour refléter les nouvelles réalités politiques. Le développement des

situations politiques a également influencé de manière considérable le

volume des produits commerciaux.

Les centres commerciaux étaient entre autres, Birnin

Gazargamu fondée dans le dernier quart du XVe siècle, Agades, siège

du sultanat de l'Ayar depuis le XVe siècle, Birnin Katsina (Sarkin

Kasuwa) la porte Nord des Etats hausa, le plus important marché du

pays, une des plus opulentes cités des Etats Hausa comme l'atteste ce

témoignage :

«On the whole what caused the government to pass the Fulani

other than that the rich men boasted of their houses (full) of gold and

silver ? Every rich man had a square house which they filled with gold

and silver. And the result was that it was a city of vainglory. One of

them was the store of gold from the Guga gate to the Yan Daka gate ?

And the letters ma'adanawa (store/ware house) of salt from the gate

128 - E.Cn.E., B.U.K., Mai, 1984.

77

of Guga to the gate of Marusa. And outside the town, kwalli

(antimony), silver tinor lead. And that place is from the market or

Darma to inside Albaba ... And the kings tried to evade the

consequences of this by giving wealth to ulama and the ulama tried to

evade the consequences by means of charms for fear of disorder and

the killing of one another»129. 1

Kano (sarkin baba: centre de production de 11ndigo), Wukari,

Magami, Raban Nupe, d'autres centres comme Birnin Kabi, Birnin

Yauri, Nunkoro, l'ancien Dyo et Niki se sont considérablement

développés par le biais du transit.

Après le jihàd, tous ces centres ont connu des changements :

Birnin Gazargamu sera supplanté par Kukawa,

Birnin Katsina sera supplanté par Kano et Zinder,

Birnin Agades sera supplanté par Zinder,

Birnin KabLsera supplanté par Jega,

Raban Nupe sera supplanté par Bida,

Birnin Nunkoro sera supplanté par Keffl,

l'ancien Oyo sera supplanté par 1I0ri,

Birnin Kalfo et Birnin Gwari se développèrent pendant que Birnin Yauri

déclinait.

Après ce bref aperçu des conséquences générales, revenons sur le

cas du Katsina Nord.

129_ Adamu M., op.dt., 1978, p. 13 i Adamu M., op.cit., 1978, pp. 13,143-163 ; Adamu M., op.dt., 1979, pp.61-84 ; R.W.Hull, op.dt., 1968, pp. 24-25 ; Usman Y. B., op.dt., 1981(a), pp. 59-60 et note 23 i pp. 94-124.

78

l-Conséquences de la révolte pour le Katsina Nord

a) Conséquences politiques:

Après cette révolte, un Etat naquit dans cette partie nord du

Katsina. L'analyse des structures de cet Etat fera l'objet d'un chapitre

au cours de cette étude.

En attendant, nous prions nos lecteurs de se référer à l'ouvrage de

David. 130

La naissance de cet Etat, comme la durée de la domination de Mani

Acha ou l'exil de Dan-Kasawa fut un sujet de spéculation pour

beaucoup d'auteurs. Cette naissance dat~rait de 1866 selon Villomé,

1819 selon Urvoy, 1820 selon Périé, 1825 selon Boubou Hama. Et

David P., après une tentative de datation des traditions de la révolte,

obtint des dates qui s'échelonnent entre 1816 et 1825. Mais

arbitrairement, il situe la naissance de cet Etat ente 1818 et 1822.

Signalons d'abord qu'Urvoy se contredit en proposant la date de

1819, alors qu'il admet un exil de douze ans postérieur à la chute

finale de Katsina en (1812).

La tradition de Tsibiri nous apprend qu'après leur dernière

guerre avec Sokoto, avant de regagner Tsibiri, les Gobirawa se sont

arrêtés à Maradi pendant l'hivernage. Puis ils ont regagné Tsibiri au

moment de la récolte du mil. Ils précisent qu11s ont trouvé à Maradi un

pouvoir centralisé avec lequel ils se sont entendus131.

1300AVIO P., op.dt., 1969, pp. 655-667 .

131_ E.I.E, Tslbiri, Août, 1983, cassette en possession de notre collègue Mahamane Rigo

79

«Boori, chef de Kance, porta la nouvelle de l'intronisation de Dan

Kasawa à la connaissance de son oncle maternel Amadou» 132

Il s'agit ici de 11ntronisation de Dan Kasawa après le suicide de

Magajin Haladu, puisque Amadu Dan Tanimun régna de 1799 à 1809

selon la chronologie de A. Salifou.

Birnin Katsina est tombé entre les mains des jihadistes en

1807133 et les souverains déchus ont continué la résistance au moins

plus de deux ans après 1807. Donc 11ntronisation de "Dan Kasawa sur

le trône de Maradi doit être envisagée pendant le règne du Sultan

Sulleman (1809-1822) du Damagaram.

D'autre part, Adolf Overweg a fait un séjour à Maradi au début de

l'année 1851. Il nous rapporte deux renseignements d'importance

capitale. A son arrivée à Maradi c'était Dan Mahedi qui régnait. Et il

fut informé que la révolte des anna contre les jihadistes avait eu lieu

35 ans avant son arrivée.

Dès lors qu'on considère cette dernière information et la chute

de Katsina en 1807, on peut admettre que la durée de l'exil des

souverains déchus était de neuf (9) à dix ans, du départ de Magajin

Haladu à l'intronisation de Dan-Kasawa sur le trône de Ma ra di en

1816-1817.

Enfin, G.F Lyons a fait un séjour à Murzuk de mai 1819 au mois

de février 1820. Il rapporte que Maradi était un pays qui s'étendait à

mi-chemin entre Katsina et Gobir et en proie aux constantes attaques

132_ SAUFOU A., E.N., n° 27 P. 44.

133 -USMAN Y.B., «the dynastie ehronology of three polities of Katsina» Bull. de l'IFAN. T 40, B, 2, 1978 pp.396-414 ; -HAMANI Dj., op.eit., 1975, p.147 ; - HAMANI Dl., op.dt., 1981, p.50.

80

des «peul»134. Cette information de G. F. Lyons suggère que la

révolte du Katsina Nord a eu lieu avant 1819, puisque pendant son

séjour, Maradi était déjà un pays qui subissait les attaques de Sokoto.

Ainsi, on peut raisonnablement situer la révolte de Maradi entre 1816

et 1817.

Comme nous venons de le voir, la conséquence directe de

cette révolte fut l'indépendance du Katsina Nord par rapport à Birnin

Katsina et 11nstauration d'un pouvoir central indépendant à Maradi. Un

compromis fut trouvé entre les aristocrates immigrants et locaux. Les

sarakunan Gangara et Tasawa reconnurent la souveraineté du

nouveau sarki et continuèrent à exercer librement leur pouvoir. La

légi.timité de Dan kasawa fut reconnue par tous les habitants du

Katsina Nord. Les premières actions de· Dan kasawa furent la

consolidation de la base politique et territoriale de son État et ce

d'autant plus qu11 avait un objectif précis135, la libération de tout le

Katsina. Il construisit sa capitale provisoire à Maradi, à proximité de la

fameuse forêt où la révolte a couvé 136 .

Aujourd'hui encore, l'ancien site de Maradi est reconnaissable,

situé dans la vallée du Gulbi, à l'ouest du site actuel.

Il protégea sa capitale contre l'inondation du Gulbi en détournant le

cours de ce dernier. C'est seulement en 1945 que l'inondation du

Gulbin Maradi obligea les habitants de' Maradi à transférer leur

capitale dans son site actuel. Cette même inondation provoqua

134 LYONS G. F., Narrative of travel in Northem Africa in the Years 1818-1819 and 1820. Ladon, 1966 p. 143 rapporté par Y.B. US MAN, op.cit., 1978, p. 414. 135 Hull R. W., op.cit., 1968, p. 25.

136 - Tous nos enregistrements et les En. E. confirment cette volonté de libérer le Katsina.

81

également le déplacement des villages de Tokarawa, Gabi et Hasau

situés dans la vallée du Gulbin Gabi.

Dan Kasawa va également associer à son pouvoir les populations

locales aussi bien que les immigrants, les souverains exilés et les

souverains locaux. Toutes ces mesures et bien d'autres visaient à

prévenir la contre-offensive de Birnin Katsina et de Sokoto. Mais le

danger d'une expédition punitive par l'empire de Sokoto fut écarté par

le Katsina Nord quoique l'issue de cette situation était une

confrontation constante entre l'Etat des résistants et celui des

jihadistes et non entre les Peul et les Hausawa. Progressivement, l'Etat

du Katsina Nord élargissait ses bases territoriales. Les principautés de

Kananbakashe, de Tasawa et de Gazawa, tout en gardant leur

autonomie, dépendaient désormais de Maradi au lieu de Birnin

Katsina.

C'est surtout dans sa partie sud-ouest que cet Etat fera le plus

fortune. En effet, cette partie était la plus peuplée du Katsina Nord.

Elle étendait le royaume jusqu'aux villages de Ruruka et Takatsaba

situés au sud-ouest en amont du Gulbin Gabi (Niger) et au sud

jusqu'à Jibiya, Tsammai et Dumburun (Nigeria)137. Si le jihàd a

engendré des changements politiques, il faut ajouter que ces derniers

se sont conjugués à des modifications démographiques.

137 -E.C.E., Maradi, Mai, 1984, : Témoignage de Dan-Sadaka.

82

bl Conséquences démographiques

L'apport successif des populations est une constante de

l'histoire des Etats du Soudan Central en général et du Katsina en

particulier. On se souvient de l'ancienneté de la présence des Kanuri,

Gobirawa, Abzinawa, Wangarawa, Fil/ani (Fu/anl), Larabawa, Kabawa

etc ... au Katsina. Dans le Birnin Katsina même il existait des quartiers

d'immigrés138. Ce mouvement ·de populations n'a pas épargné les

provinces nord du Katsina avant le jihàd. Én effet, cette région pleine

de potentialités naturelles ne pouvait pas ne pas attirer des

chasseurs, des agriculteurs, des pêcheurs, des éleveurs, des

commerçants, etc... Mieux encore, cette zone était sillonnée par

certaines voies du commerce transsaharien. Ainsi, même si nous ne

pouvons dater avec précision l'arrivée des Kanuri à Kanambakashe,

l'arrivée des Tazarawa à Tasawa, la présence des Fu/anil. des Touareg

et des Gobirawa, nous avons néanmoins là une preuve de 11nfluence

des courants migratoires dans le Katsina Nord avant le XIXe ·siècle.139

138 DANKOUSSOU 1., op.cit., 1970, pp. 32 et 36 ; R.W.HULL R. W., op.cit., 1969, p. 25.; USMAN Y.B., op.cit., 1972, pp.189-193 ;

USMAN Y. B" «The birane of Katsina» in dties of savannah. Lagos, Nigéria Magazine 1979, pp. 37-42; Usman Y.B., «A reconsideration of the history of relations between Borno and hausaland

before 1804 A.D» Borna semlnar 1983, pp. 196-197; 204. 139 EGO B., sur le département de Maradi, section Voix du Sahel, Maradi, 1981, pp. 32-47 . - Les renseignements de monographie de Boubé.Ego. doivent être considérés avec prudence. Cet auteur est animé de contradictions incroyables quant à la chronologie des évènements, la légende de Bayajida et à la p. 37 il fait de Muhammad.Korau un fils de Sanau •

. - DÉPARTEMENT DE MARADI: République du Niger, Da. Ministère de l1nformation, janvier 1980, pp.9-13 : Ici aussi des erreurs grossières persistent: conception hamitique, tribale et ethnique de l'histoire.

83

Hamani Dj., dans son article, ne mentionne-t-il pas la présence

des Gobirawa, des Azna, des Katsinawa et des Tazarawa dans l'Ayar

avant leur descente vers le sud «au plus tard pendant les premières

années du XIVe siècle»140 ?

La légende de Bayajida, dont la véritable signification n'a pas

encore été élucidée, renseigne également sur ce caractère constant de

l'apport successif des populations dans les régions concernées. A partir

de 1805, le Katsina s'engagea dans des affrontements militaires avec

les jihadistes. Cette situation entraîna un ralentissement des activités

de production et des échanges. Une famine s'abattit sur le pays, et

contraignit les populations les plus déshéritées à chercher de quoi

subsister dans d'autres régions141. La destruction du centre

intellectuel de Yandoto par les jihadistes entraîna aussi le départ d'une

autre catégorie de populations idéolo'g(quément opposée aux

jihadistes.

D'autres catégories de personnes qui bénéficiaient du système

d'avant le jihàd notamment aux centres de Ruma et de Kogo,

n'avaient d'autres moyens que l'exil puisqu11s n'étaient pas prêts à se

rallier aux jihadistes en position de force. Cependant, certaines

personnes choisissaient de rester sur place sans pour autant

abandonner 11dée de la résistance142. Lorsqu'on comprend cette

situation, on voit aisément ce que pouvait être la répercussion

démographique du jihàd au Katsina Nord.

140HAMANI Oj., op.dt., 1979, pp. 6-7 •

141 - Tous nos informateurs font cas de cette famine qui a obligé les populations à quitter Katsina en direction du nord. Alors que nous avons déjà vu qu'avant le jlhàd le Katsina était en pleine croissance et cherchait à étendre ses bases. 142 Hull R. W., op.dt., 1968, p. 25.

84

Ensuite, il faut ajouter que le succès de la révolte du Katsina Nord

situé dans une zone de résistance contre le califat de Sokoto

contribuera à rapprocher tous les résistants qui pourraient former un

front uni, échanger les expériences et établir une base de résistance

de relative autonomie143. En effet, au cours de l'évolution du Katsina

Nord au XIXe 5 on y rencontrera des Kabawa, des Zamfarawa et des

Gobirawa venus respectivement de leurs Etats occupés par les

jihadistes. Nous avons déjà précisé plus haut que des Touareg

Tegama descendront plus au sud pour soutenir leurs alliés de Maradi.

Et puis, la tradition retient qu'une colonne de 500 jihadistes dirigés par

Mani Acha étaient venus s'installer dans les villages de la va liée 144.

Cette· immigration était-elle due à l'importance du pays à administrer

ou bien le but était-il d'occuper une zone jusqu'alors négligée? Ce qui

empêcherait les résistants de l'occuper. Ou alors ce nombre était-il

attiré par les conditions naturelles favorables, surtout que les

immigrants provenaient d'une région d'insécurité? Tant de questions

auxquelles nous sommes dans l'impossibilité de donner une réponse

valable. Dans ces conditions de domination aiguë, on peut également

poser l'hypothèse de départ des autochtones de la région. Nous ne

savons pas dans les détails comment se fit l'émigration de la masse

des Talakawa et des autres mécontents du Katsina sud vers le Katsina

Nord. L'analyse de la dénomination de certains quartiers de Maradi

nous révèle l'importance de l'apport de populations dans la région. Les

group~s de Yan Daka et Baga/am qui se réclament des Katsinawa

143 -E.In.E, 8 hadji labo, Maradi, quartier Kan-giwa. AI haji labo est un bakabe ayant une large famille; selon lui, ses ancêtres étaient venus à Maradi et à Unguwal Runji avant l'arrivée des Blancs.

144 David P., op.dt., 1969, p. 646.

85

purs, forment deux quartiers distincts actuellement à Maradi. Le

groupe de Liman forme le quartier Limanci. Leurs traditions révèlent

qu'ils sont arrivés à Maradi en nombre important. Leur groupe

comportait à leur arrivée vingt cinq mille filles en âge de se marier.

Après la révolte, Dan-Kasawa se serait installé avec six ou sept

cents hommes mis à part les trois ou quatre cents soldats fournis par

le Damagaram.

C'est longtemps après cette révolte que les Gobirawa ont

également installé leur traditionnel Etat à Tsibiri à proximité de Maradi

à environ 12 km.

Il y a donc là une région qui a vu un afflux de populations au

cours du XIXe Siècle.

La question de savoir comment se fit cette émigration reste

posée. Tout ce que nous pouvons dire c'est que cette émigration s'est

accentuée après le succès de la révolte. Au lieu d'un départ massif,

tout laisse croire à une émigration progressive qui s'est poursuivie

même après les premières euphories du succés de la résistance. Même

ceux qui se disent chassés par la famine ou la guerre ne s'étaient pas

directement dirigés vers Maradi ou Sumaralia et ce d'autant plus qu'il

y avait là-bas Mani Acha et ses hommes145.

L'apport des populations dans cette région influença énormément

le développement économique.

145 E.I.E, Niamey, Fevrier 1984. Témoignage du Professeur Dân Dlcko Dan Koulodo.

86

cl Conséquences économiques .

Nous avons déjà évoqué les conditions naturelles favoraqles aux 1

activités économiques dans le Katsina Nord. Cette région fut avant

tout une région de chasseurs, d'agriculteurs, d'éleveurs, de pêcheurs

et de commerçants.

Des céréales étaient produites en grande quantité ce qui

permettait d'ailleurs aux jihadistes, nouvelles autorités de la région,

d'exiger des redevances en céréales. On y trouvait du mil (hats/), du

sorgho (dawa), du blé (a/kama), du maïs (masara), du yakuwa, du

ridi, du pois de terre, une variété de canne à sucre (takanda), du riz,

du haricot, du aya, etc146 ...

Le jardinage : le jardinage est une pratique très ancienne dans

la vallée du Gu/bin Maradi. Certaines techniques de ce jardinage

comme le système d1rrigation du chadouf (kutora) mérite d'être étudié

et daté 147. Le vocabulaire de la région retient certains termes liés

aux outils qui témoignent de l'ancienneté des activités du jardinage ou

de l'agriculture en général: kwashe (la daba) ka/me (la houe), ga/ma

(houe particulière plus adaptée pour les terrains argileux et humides),

gatari (la hâche), wuka (couteau), /auje (faucille) dagi, etc ...

- Il est certain que la politique de Mani Acha et les drconstances des affrontements militaires ont poussé des populations à quitter le Katsina Nord. 146 Yakuwa: Hibiscus subdariffa ou Oseille; Ridi : semum a/atum ou sésame; Aya : cyperus esculentus ou amande souchet, E.I.E., Niamey, Février, 1984.

147 - E.In.E. Maradi, septembre, 1984, témoigne que les anna avaient leur système d1rrigation et de jardinage avant le XIXe Siècle. Pour plus de détails sur le système d'rrigation du chadouf voir C. RAYNAUT, 1969, pp. 13-39 et TILHO, op.dt., 1906, p. 462.

87

On produisait du manioc, du piment, des courges, des gourdes.

Certaines productions revêtent déjà un caractère industriel : tabac ;

indigo, coton, peau, henné, canne à sucre, etc ...

La cueillette et la chasse : On y trouvait également des

produits naturels comme le kapok, le ricin, le miel, des écorces et

graines à tanin. La chasse permettait une exportation de la viande

séchée ou margi, des peaux d'animaux pour la fabrication de certains

outils ou instruments de musique et du musc de civette ou jibda.

L'élevage : la pratique de burtali ou voie de passage des

animaux à travers les champs, aunaka ou salaire hebdomadaire de

celui qui conduit les troupeaux du village constituent entre autres des

preuves de l'élevage au Katslna Nord. L'élevage concernait les bœufs,

les moutons, des chèvres, des ânes, des chevaux ,etc ...

L'artisanat : il était développé ne serait-ce que pour la

production des outils de production tels que la filature de coton ou la

couture, qui témoignent de l'importance des activités de production

au Katslna Nord. Aujourd'hui encore des anciens sites d'extraction de

minerai de fer existent au Katsina Nord. Nous ne voulons pour preuve

que le site de Ramun Tama à Garin Ladan situé à l'ouest de Maradi sur

une colline et à une heure de marche environ et la colline appelée

tama, liée à l'extraction de ce minerai et des cultes animistes (tsahi).

Cette colline est située auprès du premier site de Tokarawa entre les

villages actuels de Dan Gaya et Dan Arau, à environ 25 km au sud de .

Maradi.

Toutes les informations rècueillies sont unanimes que le Katsina

Nord était dominé par des pratiques animistes. Or l'analyse du

panthéon animiste et des cultes et sacrifices consacrés aux différents

dieux de ce panthéon atteste également 11mportance et l'ancienneté

88

des activités économiques existant avant la révolte du Katsina Nord.

Toutes ces activités économiques existant avant la révolte du Katsina

Nord vont s'intensifier après le succès de cette dernière. En effet,

l'apport démographique considérable, déjà évoqué, appelait à un

accroissement et à une réorganisation de la production dans la

région. Cette question sera abordée dans la deuxième partie de notre

travail.

L'enquête sur le terrain a révélé des centres très importants de

teinture qui se sont développés au cours du XIXe Siècle.

A Maradi: on notait quatre centres de teinture

-Marinar Tudawa,

-Marinar Kofar Tarnai,

-Marinar Gabas,

-Marinar Dan Katso.

-D'autres teintureries existaient également entre Cikaji et

Bakawa: Marinar Dan-Bako et entre Maradi et Madarunfa: Marinar

Tsulum.

A Madarunfa même, des teintureries existaient et les sites sont

encore visibles au quartier dit kafin Marusa. Notre informateur Shawai,

témoigne de l'existence de 3 centres de teinture à Gabi. Quant à

Mayana Barmo il nous informe de l'existence de plus de vingt

teintureries à Tasawa. Dans tous les lieux visités, l'existence des

teintureries est attestée.

Cette activité est très importante dans l'économie de l'époque,

car les tissus teints occupaient une place de choix dans les échanges

précoloniaux. Cette activité est également liée à la culture de 11ndigo

dans la région.

89

Les témoignages d'Adolf Overweg qui a visité Tasawa, Gazawa

et Maradi dans le premier trimestre de l'année 1851 et ceux de Barth

qui était également dans la région ne permettaient aucun doute sur les

activités économiques et commerciales de cette région au cours du

XIXe siècle.

Les villages de la vallée de Maradi, de la vallée de Gabi étaient

de plus en plus intégrés au circuit économique transsaharien. L'apport

des populations dans la région, l'arrivée des Gobirawa à Tsibiri

suscitaient alors l'accroissement et le développement des activités

économiques.

A la suite de la révolte, des aménagements de centres de

production ont été entrepris autour du lac de Madarunfa, le long de la

vallée des cours d'eau, etc ...

Il serait intéressant, dans l'avenir, de déterminer depuis quand

le jardinage avec le système d'irrigation à chadouf a été introduit

autour des villages de Sumarana, Tarna, Safo, Gamjil48, etc ... et de

dater également l'existence des anciens centres d'extraction de

minerai de fer (tama).

148 TILHO, op.cit., 1906, p. 462.

90

Le Katsina nord intégré au circuit de communication en c. 1880149.

L.e I\8tslna Nora I~tegre ~u CircUit. aes. commUnications \#. 1 ~~

1'~~~~atduNis6rla .: LImIo~dr.lICctlÂIitHardOllX1X6 S.

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.~ o· ~CIptIdodr.l.~.

-- VClCidoCOCM'lll'llclll

-+ L'lfnIceon_~

149Pour le commentaire de cette carte, voir les indications sur les secteurs administratifs précoloniaux.

91

2-Le pays après Dan Kasawa : de 1830 à 1910

De Dan-Kasawa (1817-1830) à Kure (1897-1920), dix-neuf rois

ont régné sur le trône de Maradi.

Les trois premiers règnes des résistants furent exceptionnels tant

sur le plan de la construction du pays que sur le plan politique et de la

stratégie militaire.

Un des premiers héros de la révolte de Maradi, Dan Kasawa

(m.1830) fut également le premier leader des résistants de Maradi à

entreprendre des tentatives de la reconquête du Katsina, pays de ses

ancêtres.

Il prit un certain nombre de dispositions pour atteindre son but.

Il consolida les structures de son État provisoire, construisit une

citadelle dans la vallée de Maradi, mobilisa les troupes et les moyens

matériels pour soutenir l'afflux des populations et les guerres, et

établit des contacts diplomatiques nécessaires pour atteindre ses buts.

Dan Kasawa fut également entouré des généraux de valeur comme le

Sarkin Kano déchu et ses hommes, les officiers du Damagaram, Dan

galadima Rauda, etc150 ...

a) Le premier successeur de Dan Kasawa fut Rauda qui

devait poursuivre la réalisation des idéaux des conspirés. Rauda ne

perdra jamais de vue, durant son règne, l'idéal politique et militaire de

reconquérir le Katsina. Pour ce faire, il fera cause commune avec

Sarkin Gobir Ali, et Ibrah, le leader d'une fraction des Touareg Kef

Geres contre les autorités du califat de Sokoto. Une bataille eut lieu à

150 - Pour tous les détails sur la politique de Dan Kasawa, voir les ouvrages de DAVID P., NICOLAS G. et USMAN Y. B., précisés dans notre bibliographie.

92

Dakurawa en 1836 dans le Gobir ouest. Rauda et Ali y trouvèrent la

mort au cours de cette bataille151. Le kirari de Rauda : Rauda gari,

dan Magajin Haladu (prends promptement la ville, fils de Magajin

Haladu) exprime bien les actes posés par Rauda152. Cependant, la

défaite de 1836 coûta cher aux résistants. Elle entraîna un

découragement parmi les résistants du Nord califat. Les autorités de

Birnin Katsina parviennent même à reconquérir certains de leurs sites

de Tsekki et Keffi Kuggi dans le Katsina Nord 153.

b) L'avènement de Dan Mari (1836-1843)154, successeur

de Rauda, alimenta le flambeau de la résistance. Dan Mari fut un

souverain remarquable dans le tawaye, (révolte). Intrépide, audacieux

et très habile, il fut sur le point de reconquérir l'émirat de Katsina.

Moins réconciliateur que Rauda qui aurait même signé un traité de

paix (Amàn : amitié) avec le Sultan Muhammadu Bello, Dan Mari

n'entendait pas faire de compromis155.

Avec Dan Mari le Tawaye devint ferme. Il déclencha une vaste

campagne très habile contre les jihadistes, faisant croire que les

jihadistes sont des « Peul» usurpateurs, et que leur pouvoir est

illégitime. Il propagea l'idée selon laquelle Usman Dan Fodio aurait

limité le règne des jihadistes à 40 ans après sa hijira. Concours de

circonstances ou habileté politique de Dan Mari, la mort du calife Atiku

151l..AST M., op.dt., 1967, p. 111 ; - URVOY.Y., op.cit., 1936, pp. 235-292 ; - TILHO, II, op.dt., 1906, p. 486. 152 E.I.E, Tasawa, Mai, 1984. 153 USMAN Y.B., op.cit., 1981 (a), p. 14.

154 USMAN Y.B., op.cit., 1981(a), p. 147-151. 155 USMAN Y. B., op.cit., 1981, (a), p. 149.

93

en novembre 1842 à Katuru, après une défaite, correspondait à la 40è

année lunaire après la hijira du Shehu en 1804. Ensuite, sa campagne

correspondait à un moment où les populations de certains centres

comme Karofi, Matazu, Gyaza, Takubawa, Wurma, Kukujau étaient de

nouveau déçues par la politique des jihadistes de Birnin Katsina alors

qu'elles avaient activement participé aux événements du jihàd. Ces

populations refusèrent de payer le kharaj (impôt legal ) cette année-là.

Gatari Abdulahi de Ruma et liman Gimshimi de Matazu déclarèrent

ouvertement la révolte contre l'Emirat156.

Par la sensibilisation, la propagande et la déstabilisation, Dan

Mari entraîna les populations de ces centres dans la révolte. Ses

supporteurs de Ruma et de Karofi l'auraient même introduit

secrètement dans le Birnin Katsina une nuit. Dan Mari était tellement

près de la victoire qu'il avait même tenté son askin sarauta157 à

Yauhoho, à 12 km à l'est du Birnin Katsina158.

Dan Mari devait disparaître mystérieusement à Madarunfa159 en

1843/4 alors qu'il préparait un soulèvement de grande envergure

contre l'Emirat .de Katsina. Le règne de Dan Mari sera suivi par une

succession de règnes de courte durée. En effet les trois souverains

successeurs de Dan Mari étaient des personnes âgées, nées à Birnin

Katsina au XVIIIe siècle et tous fils d'Agwaragi décédé en 1795. selon

la chronologie de Yusufu Baia Usman. Binoni (c.1843-1847), Dan

Mahedi (c.1847-1851) et Dan Baura (c1851-1853) régnèrent tous les

trois pendant une période d'environ 10 ans. C'est pendant le règne de

156 USMAN Y.B., op.dt., 1981 (a), pp.147-151.

157 Asld : acte de raser, ici acte rituel de raser un nouveau sarki. 158 USMAN Y.B., op.dt., 1981 (a), 149-150.

159 DAVID P., op.clt., 1969, p. 673.

94

Dan Mahedi qu'Adolf Overweg a visité Maradi au cours du premier

trimestre de l'année 1851.

cl Le règne de Dan Baskore (c1852/3-1875l fils de Rauda

Après Dan Kasawa c'est le roi le plus illustre tant par la durée de

son règne que par ses réalisations et ses qualités militaires et

politiques. Il régna pendant 24 à 25 ans environ. Avec lui Maradi

devint définitivement un birni fortifié avec quatre portes. La fondation

des murs de la fortification était remarquablement solide. La muraille

avait une hauteur de deux mètres environ et était protégée de

l'extérieur par un fossé très large.

Chacune des quatre portes stratégiquement établies avait un nom

propre.

Kofar Gobir, au Nord en Direction de Tsibiri ;

Kofar Tarna, au sud-est en direction de la vallée ;

Kofar Gabas, qui commandait la route des champs situés sur la

colline ou tudu en hausa ;

Et kofar Yamma, au sud ouest, d'où une grande rue remontait

jusqu'au palais du roi.

Un fonctionnaire portant le titre de kofa (porte) était prévu pour

chaque porte. Il contrôlait avec rigueur les entrées et les sorties, car la

sécurité du. birni et du royaume tout entier dépendait du contrôle de

ces portes. Malgré la vocation guerrière de Dan Baskore,. la sécurité

95

prévalut dans le birni durant son règne160. Dan Baskore devait être le

dernier sarki à tenter réellement la reconquête du Kastina. Il sut

mettre à son profit les bonnes relations qui exi~taient entre son Etat,

le Gobir (Tsibiri), le Damagaram, et les Touareg Kef Ewey. Il mobilisa

une importante armée de plus de dix mille hommes. Il disposait d'une

cavalerie aux mouvements rapides pour les guerres sur des grandes

distances. Il pratiquait la guerre-éclair, le siége, selon les

circonstances. Il voulait faire du sabotage et semer la terreur dans

l'ensemble du califat, ce qui lui aurait permis sa reconquête.

Il dirigea des expéditions contre les régions métropolitaines de Sokoto,

contre Kano (Gwarzo, Karaye, etc ... ) contre Kudau dans le nord Zazzau

et surtout contre l'émirat du Katsina. Il avait même saccagé le district

des Dallazawa, ville natale d'Umaru Dalladji, une des figures illustres

. du Jihàd au Katsina. Il installa son camp de guerre, dont le site est

aujourd'hui connu sous le nom de Kanyar Dan Baskore, sur une dune

(tudu) tout près de la tombe d'Abdulmumini père d'Umaru Dallaji161.

Il distribuait les butins de guerre aux populations ce qui lui permettait

d'acquérir le soutien de ces dernières au cours de ses expéditions dans

les émirats. Mais il eut à subir aussi des défaites notamment à

Unguwar Mata et à Muri dans le Katsina Nord.

Les raisons de l'échec de Dan Baskore restent à déterminer. Le

dernier quart du XIXe siècle coïncide avec la fin du règne de Dan

Baskore et marquera une période de troubles dans le Katsina Nord.

160 HULL R.W., op.dt., 1971, p. 99 ; - PÉRIÉ J., Cercle de Maradi: historique complet politique et administratif des origines à

1940. Il mena 83 à 90 guerres contre le califat.

161USMAN Y. B., op.cit., 1981 (a), pp. 164-168.

96

Une confusion va caractériser la période qui va du règne de Barmo

(Brahiya) (1875/6-1879/80) à celui de Kure (1897/8-1920).

Ces troubles entraînèrent l'éclatement des alliances qui faisaient l'unité

des Etats de la région contre la suprématie de Sokoto. L'arrivée de

Kaura Hasau, la guerre que Mazawaje (1879/80-1880/81) mena contre

le Gobir voisin sont des illustrations de l'éclatement de ces alliances.

Mazawaje se rallia aux Jihadistes, anciens ennemis de ses frères. Il fut

chassé et la cascade des règnes se poursuivit. Les trois règnes de

Mijinyawa (1890/91-1894/95), (1894/95-1897/98) et 1898 sont des

signes de l'instabilité politique au niveau de la cour de Maradi.

En ce qui concerne cette période de troubles nous ne pouvons que

poser des hypothèses générales pour l'ensemble de la période qui va.

de 1846 à 1910.

dl La fin du siècle au Katsina Nord

Le but de cette section est une tentative d'explication et de

formulation des hypothèses sur la crise qui caractérise le Katsina Nord

à la fin du XIXe siècle. La période qui va de 1840 à1910 marque un

tournant dans l'histoire de la sous -région.

Même avec la victoire de Gawakuke, les jihadistes furent

conscients d'être sur 'la défensive. Surtout que des Etats forts et

organisés furent' installés à Tsibiri et à Ma ra di. L'intégration des

fractions des Touareg Kef Geres et Kef Ewey à la révolte et les raisons

que nous avons évoquées dans nos tentatives d'explication des succès

de la révolte rendent encore plus difficiles ou même impossibles des

expéditions punitives contre les résistants. L'audace et la

détermination des souverains comme Ali du Gobir, Dan Mari et Rauda

97

de Maradi inspiraient aux autorités de Sokoto la prudence et l'habileté.

Cette situation obligea le Sarkin Musulmi Aliyu Babba à déposer l'émir

Saddiku du Katsina, parce que ce dernier voulait adopter une politique

punitive à l'égard des populations qui voulaient se rallier au tawaye.

Plus inquiétant encore fut l'exil de l'émir Saddiku auprès de ses

anciens ennemis de Maradl. La situation devint plus compliquée pour

les autorités du califat quand, dans les années 1849-1866, éclata la

lutte de la libération du Kabi, Arewa, Zabarma et du Dendi162. Alors

que cette lutte aboutit à un nouveau pouvoir, le Rikon Kabi qui se

consolida dans cette zone, des problèmes de succession se posaient à

Daura, comme ils se sont posés à Katsina avec l'émir Saddiku163.

Toutes ces raisons et puis d'autres poussaient le califat à résoudre ses

problèmes autrement que par la guerre. La fondation de Sa bon Birni

sous l'autorisation de Sarkin Musulmi Ahmed b. Attiku (1859-1866)164

et la signature du traité de paix lafiyar Toga (1866-1882)165 entrent

dans cette politique de l'habileté politique et de la réconciliation du

califat.

Du coté des résistants la situation n'était pas des plus aiséeS.

Le système de la sarauta comporte toujours ses dangers. La dynastie

s'était élargie à Maradi, Tsibiri et au Damagaram. Chaque prétendant

voulait accéder au trône à. tout prix. Cette situation amena certains

candidats des Etats résistants à faire alliance avec leurs' ennemis.

162 AlKAU M. B., op.dt., 1969, pp. 240-253.

163 llLHO, II, op.dt., 1906, pp. 242-245.

164 LAST M., op.cit., 1967, pp. 116-118, llLHO, op.dt, pp. 477-478.

165 ALKAU M.B., op.dt., 1969, p. 267. Ce traité ne dura que 7 à 8 ans.

98

se sont arrêtés dans un village nommé Hasau171, avant d'atteindre

Maradi. Le village existe encore de nos jours. Il serait originaire de

Mobereya, près de Shinkafi (province de Sokoto). Il serait venu de son

plein gré se fixer en compagnie d'un autre Peul du nom de Dan Isufa

près de Ruruka (Gabl) à la limite sud de Maradi, puis au village de

Hasau plus près de Gabi au nord. La réputation d'Abdu Alu parvint à

un' souverain de Maradi qui 11ncita à s1nstaller à Maradi. De peur d'être

considéré comme un esclave, Abdu Alu proposa au souverain de le

rejoindre plus tard.

Nous ne savons pas encore en quelle année Abdu Alu était

venu à Ruruka, à Hasau ou à Maradi pour se proclamer Kaura Hasau

jusqu'à sa mort un mardi de l'année 1910 à Innya/wa.

Si on considère les multiples guerres et victoires de Kaura Hasau, ses

qualités militaires sont incontestables.

Il participa avec succès à la guerre contre le Gobir (Tsibiri) aux

côtés de Mijinyawa. Il remporta des victoires dans ses guerres contre

Zamfara, Zazzau et Cikaji.

La bataille de Cikaji (1897-1898) opposa Kaura Hasau et ses alliés

(Katsina, Kauran Namoda alors capitales du Zamfara et Sokoto) à

Datchi, Sarkin Ma ra di et ses alliés aussi (Tasawa, Tsibiri et un

contingent de Touareg Tagamawa). Il mena d'autres guerres contre

Tsafe, Madarunfa et Takatsaba. La guerre contre ce dernier village

était pour s'opposer aux gens de Katsina qui avaient attaqué ce

village.

171 - Selon notre informateur de Gabi (mai1984) le surnom Hasau veut dire: «hasa gaba wuta littéralement « allume le feu de 11nimitié»! Ensuite Abdu Alu est le fondateur du village de Hasau. Voir E.C.E. Hasau; E.I.E. Gabl ; E.C.E. Maradi; E.C.E Dan Gaya mai 1984. Tous les villages sur lesquels Hasau a construit ses résidences temporaires existent de nos jours.

101

Cependant, un certain nombre de remarques s'imposent sur la vie

politique de ce personnage. Si Kaura Hasau avait étendu son influence

dans tout le Katsina Nord, dans beaucoup de villages de Zamfara,

Zazzau et la partie sud du Katsina, il ne demeure pas moins qu'il a

semé un certain nombre de confusions qui nous rendent encore plus

difficile l'appréciation de sa carrière politique et de la situation de la fin

du siècle172.

Son idéal politique n'est pas clair . Il paraît plutôt comme un

simple seigneur de guerre173 profitant des situations difficiles. Sa

politique tendait à faire et à défaire les rois, à conclure et à rompre les

alliances174. De sorte qu11 accentue la scission au sein du Katsina

Nord. Il rendit plus difficiles les rapports avec le Gobir. Du point de vue

de sa position politique et idéologique par rapport aux deux principales

tendances du Soudan Central à la fin du XIXe Siècle, il paraît

insaisisable. Alors que les Français s'installaient résolument dans le

pays, Kaura Hasau ne faisait qu'accentuer la dégradation du royaume

remarquablement construit par les jinjino- Bakawa, les Maradawa, les

Anna, Dan Kasawa, Dan Mari, Dan Baskore, etc ...

Au moment où les Français et les Anglais se partageaient le

pays, le Katsina Nord était divisé en deux zones de tensions. Du côté

de Kaura Hasau, il y a Maradi et le sud de Ma ra di ; du côté de

Mijinyawa, Tasawa et une entité autonome constituée par les régions

172USMAN Y. B.,op. clt., 1974, pp. 487-488

173 USMAN Y. B., op. ci.llt 1974, pp. 481-482 ; - DAVID P., op. cit., 1969, p. 677.

174 USMAN Y. B., op. clt., 1974, pp. 483-485 - E.C.E. Maradi et E I.E. Gabi, Mai 1984, etc ... ce témoignage est fortement soutenu par la tradition qui reconnaît que kaura Hasau a un charme, appelé «hwasa maZél» (disperse les hommes)

102

de Gangara-Gazawa contrôlée par Kaura Amma175, plus favorable à

Mijinyawa. Il nous semble ici que l'étude du personnage de Kaura

Hasau, faite par P.David est à refaire. Si P. David avait constaté que

les adversaires de Kaura Hasau le dénigraient, il aurait dû remarquer

également que le témoignage sur lequel il a construit sa geste du

grand «Kaura Assao», était le témoignage des propres fils de Kaura

Hasau, alors que ceux-ci étaient assez polis pour ne pas critiquer leur

père. En plus, il y allait de leur prestige et de leur honneur que de ne

pas le faire. Ici P. David fait preuve d'un manque d'esprit critique

notoire alors que le témoignage de Mahaman Ali, chef de quartier Yan

daka à Maradi, aurait dû lui inspirer d'autres idées. Pire, dans tous ses

écrits concernant la région, il tombe dans l'erreur banale de

l'opposition entre les Peul et les Habe176! Après ce bref aperçu

historique, examinons les institutions qui réglementaient la société du

Katsina Nord et son évolution au XIXe siècle.

175 E.I.E, Tasawa, Mai, 1984. -E.C.E., Gazawa, Mai, 1984. - E.C.E,.Jiratawa, Mai, 1984. -USMAN Y. B., op.cit., 1974, p. 489. - DAVID P., «Le geste du grand Kaura Assao», Niamey, IFAN/CNRS, E.N., nO 17, (sans date).

176DAVID P., Maradi. l'ancien Etat et l'ancienne ville, site, population, historique EN, n° 18, Niamey, IFAN/CNRS, 1965, p. 73.

103

CHRONOLOGIE DYNASTIQUE DES RQIS DE MARADI DE DAN

KASAWA A KURE

Selon Y.B. Usman

1. Dan Kasawa 1817-1830

2. Rauda 1830-1836

3. Dan Mari 1836-1843/4

4. Binoni 1843/4-1848/9

5. Dan Mahedi 1848/9-1851/2

6. Dan Baura 1851/2-1852/3

7. Dan Baskore 1852/3 -1875

"8. Barmo (Barafia) 1875/6 - 1879/80

9. Mazawaje 1879/80-1882/83

10. Malam 1882/3-1883/4

11. Salau Masalatchi 1883/4-1887/8

12. Dan Gulbi 1887/8-1889/90

13. Dan Dadi 1889/90

14. Mijinyawa 1889/90-1894/5

15. Naibo 1894/5

16. Mijinyawa (2è règne) 1894/5-1897/8

17. Datchi 1897/8

18. Burja 1897/8

19. Kure 1897/8-1920/1

® Cette chronologie nous semble la plus acceptable dans l'état actuel

des connaissances sur l'Etat et la région étudiés.

104

DEU)(IE~MÈ PARTIE: LES INSTITUTIONS

105

Définissons au préalable les institutions comme l'ensemble des

dispositions, des normes, des lois et des références dynamiques qui

permettent à une société de s'organiser, de se défendre, de réaliser

des progrès, de se situer par rapport à un ensemble plus vaste, bref

d'assurer de mieux en mieux son existence. Les facteurs historiques,

les coutumes, les contraintes de l'existence et l'apparition de données

nouvelles au cours de l'évolution influencent largement les structures

d'une société.

Des institutions, l'Afrique Noire n'en manquait pas. Mais compte

tenu de l'évolution particulière du continent, l'examen de ces

institutions reste un travail ardu. Les documents écrits nous manquent

pour établir rigoureusement leur évolution. L'exploitation des sources

anciennes de l'histoire de l'Afrique est difficile et suppose que certaines

conditions soient réunies: connaissance de certaines langues,

persévérance dans la collecte systématique des données et un

minimum de moyens matériels à consacrer à ce travail. Les

motivations qui ont inspiré les premiers écrits, comme les plus récents,

ont plutôt occulté qu'éclairer les chercheurs177. Dans l'élaboration de

la plupart des écrits contemporains, les sources anciennes, notamment

la tradition orale, n.e sont pas suffisamment exploitées178 quand il

177 Voir notre critique de la thèse hamitique. Ensuite Palmer, comme ses semblables, non content de noyer l'histoire du Soudan Central dans la légende de Bayajida, tient coûte que coûte à attribuer la naissance des organisations étatiques au Katsina à des étrangers. PALMER H. R., op.cit., 1967, pp. 82-91.

178 USMAN Y. B., op.cit., 1972, pp. 175-197, - USMAN Y.B., «The formation of states in Central Sudan : sorne professionnal and theoretical problems» in Seminar on the history of the Central Sudan before 1804, Zaria, A.B.U., 1979(d), 14 p.

106

s'agit d'établir des faits anciens en particulier les institutions dont les

détails peuvent faire avancer l'historien. En effet, toute société évolue

dans un cadre donné et la destruction de ce cadre n'est jamais totale,

quelles que soient les circo~stances d'un changement. Par conséquent,

si l'histoire d'une société est à faire, elle doit également se faire dans

le cadre de ses institutions. C'est grâce au langage, aux créations

littéraires et artistiques, à la survivance de certains rites et coutumes,

que la tradition orale rend un des plus grands services à l'historien.

Malgré tout, il demeure vrai que la société recouvre un

ensemble très complexe et en perpétuel mouvement de valeurs, de

mentalités, d'activités, de situations et de comportements. Il existe

une influence dialectique entre cette évolution de la société et le

pouvoir qui y est exercé. Toute société repose sur un système de

valeurs que le pouvoir politique doit prendre en considération (respect

de la vie et de la dignité humaine, croyance au progrès, nécessité de

contact, etc ... ). Ces facteurs commandent largement l'aménagement

des institutions. L'économie tenant une place centrale dans la société

subit à son tour l'influence de l'organisation sociale. Enfin, les

différentes catégories sociales et les groupes de pression (les hommes

riches, intelligentsia, les commerçants, les immigrants, les corporations

professionnelles, etc ... ). trouvent dans les institutions un cadre pour

exercer leurs différentes activités. Mais l'affermissement et l'évolution

des institutions d'une société subissent directement l'influence de ces

catégories. Ainsi, l'interaction entre ordre social et conditions de vie

d'une part, acteurs sociaux d'autre part, est très évidente. Les

différentes étapes de l'évolution du Katsina se présentent comme des

107

tableaux très riches179 qui offrent un grand attrait pour l'observateur

attentif. Dans l'étude des transformations du Katsina, les institutions

ne sauraient être négligées. Dans l'examen de cette évolution, notre

sujet a donc toute son importance. Cependant, précisons dès à

présent qu'un inventaire exhaustif des instituions ne nous a pas été

possible dans les limites de ce travail. De même, nous avons évité,

dans notre étude, d'aborder le thème du processus de la formation de

l'Etat déjà traité par nos ainés180. Après une analyse descriptive de

ces institutions nous 'en proposerons une interprétation possible.

179 - Voir notre rappel historique et notre analyse descriptive des institutions. 180 USMAN Y.B., op.cit., 1979(d).

108

CHAPITRE V - ANALYSE DESCRIPTIVE DES

INSTITUTIONS SOCIO- POLITIQUES DU KATSINA NQRD AU

XIX e Siècle

I. L'organisation administrative du territoire.

a) La division administrative du territoire.

La division administrative du Katsina Nord pose aujourd'hui un

problème quoiqu'elle ait réellement été en vigueur. A quels facteurs

cette difficulté est-elle imputable? Evolution particulière du Katsina

Nord au XIX e Siècle, intervention coloniale, manque d'intérêt des

chercheurs pour cette région, considération insuffisante pour le passé

de cette région ?

Certains de ces problèmes sont dus à l'absence de délimitation

précise du Katsina Nord. Notre informateur El hadji Dan Sadaka de

Maradi témoigne que le royaume s'étendit au Nord jusqu'à Kwarin

Maradi. Malheureusement nous n'avons pu identifié ce site. A l'est,

l'a'ppartenance de Korgom au Katsina Nord est discutée. Au sud, les

limites variaient en fonction des succès militaires.

Avec l'intervention coloniale, la convention de Paris du 14 juin

1898 délimitait dans son article 4, la frontière du Niger Est par rapport

à la zone anglaise. Au niveau du Katsina Nord elle traversait la

«subdivision» de Ma ra di à la hauteur de Dan Garki, sur le bord de

109

Gulbin Kaba, laissant ainsi aux Anglais le « canton» de Gobir et le

sud du «canton» de Kornaka.

En 1899 le «secteur» de Tasawa est créé et soumis au

commandement du Capitaine Brantomé.

La convention franco-anglaise de Londres (du 8 Avril 1904) fait

de Maradi une ville française et celle du 29 Mai 1906 fait des sultanats

de Maradi, du Gobir et du «secteur» de Tasawa une propriété

française.

En 1907, ces deux sultanats vinrent donc s'ajouter au «canton»

de Kornaka alors français depuis 1900. En 1909, ce bloc fut défini

comme «secteur», dit de Maradi, détaché de Tasawa et dépendant du

cercle de Madawa. Brévié en était l'administrateur. Le «secteur» de

Maradi ainsi créé sera abandonné le 7 juillet 1917 pour des raisons

liées à la politique coloniale et à l'approvisionnement de la région. Mais

il sera réoccupé par l'administration coloniale le 9 Août 1920. Le 7 juin

1921, un arrêté du Gouvernement Général crée le cercle de Tasawa et

lui rattache la subdivision de Ma ra di. Le 4 Décembre 1926 un autre

arrêté du Gouvernement Général éleva Maradi au rang du Chef-lieu de

cercle et l'ancien cercle de Tasawa prit le nom de cercle de Maradi. Le

transfert du chef-lieu à Maradi s'opéra le 8 Février 1927.181

Cette fiche de l'intervention et des différentes réformes

administratives coloniales nous montre quelles transformations et

distorsions ont subies les divisions administratives pré-coloniales.

Toutes ces réformes administratives coloniales ont été imposées au

mépris du passé des populations et de l'intérêt de ces dernières. Tout

cela s'ajoute aux difficultés que nous avons rencontrées.

181 PÉRIÉ J. 5 Carnets monographiques du cercle de Maradi Première partie: B. Histoire, A.N.N., p 6

110

Sur la question de la division administrative, I. Dan Koussou, R.

W. Hull et Y. B. Usman semblent favoriser l'émirat du Katsina dans

leurs travaux. I. Dan Koussou se contente d'établir la liste des titres et

leurs correspondants en français182, sur un plan tout à fait général.

Nulle part dans son livre il n'a entrepris la description du système

administratif du Katsina Nord, secteur par secteur, comme il l'a fait

pour l'émirat du Katsina~ R. W. Hull lui aussi ne fait pas mieux pour ce

qui concerne le Katsina, cet auteur dresse une liste de trente neuf

fiches dans l'émirat du Katsina en 1902183.

En 1972 Y. B. Usman rapporte une liste de quatre vingt un

postes de Hakimai avec cinq grandes divisions régionales184.

Même dans l'émirat qui semble être favorisé par les études, la

division administrative précoloniale est loin d'être nette. Les auteurs

qui ont traité des sujets se rapportant spécialement à Maradi ne vont

pas plus loin que ceux qui ont abordé l'étude de l'ensemble de la

région quand ils parlent de la division administrative précoloniale du

Katsina Nord.

P. David, dans son article s'attache plus à la description du

pouvoir central et de la capitale185 qu'à l'administration territoriale

précoloniale.

L'étude de G. Nicolas se veut ethnologique et n'attache pas beaucoup

d'mportance au découpage administratif historique186.

182 DAN KOUSSOU 1., op.dt., 1970, pp. 6 et suivante.

183 HULL R. W., op.dt., 1968, pp. 34-35.

184 USMAN Y. B., op.cit., 1974, pp. 599- 603.

185 DAVID P., op.dt., 1971, pp. 665-670.

186 NICOLAS G., Dynamique sociale et appréhension du monde au sein d'une société hausa : Paris, Institut d'Ethnologie, 1975, 670 p.

III

Sa délimitation est tributaire de la vallée du Gulbin Maradi.

L'article de M. G. Smith n'apporte pas plus de lumière quant à cette

division administrative. L'auteur s'attache seulement à présenter le

Katsina Nord comme un Etat guerrier187.

La plupart des monographies consultées sur la question restent

incomplètes, donnant plus de détails sur la légende de Bayajida et

cherchant coûte que coûte à présenter le cercle de Maradi comme , englobant d'autres entités historiques différentes du Katsina. Il ressort

donc que la base matérielle dont nous disposons pour reconstituer

cette division demeure fragile. Notre tentative de reconstruction ne

sera qu'un essai. Le jour où cette division sera nettement établie, elle

nous permettra de mieux comprendre comment s'effectuait la

gestion territoriale de cette partie du Katsina plus ou moins

autonome. L'administration du Katsina Nord ne sera unifiée qu'après la

révolte de 1817, date à partir de laquelle son système se

perfectionnera jusqu'à la crise de la fin du XIX e Siècle.

Après les succès de la révolte, un certain nombre de mesures

ont été prises par Dan Kasawa et son équipe pour faciliter

l'administration de l'Etat provisoire du Katsina Nord.

L'Etat centralisé installé au Katsina Nord, avait pour capitale Maradi.

Pour faciliter l'adhésion des populations au tawaye (révolte), l'équipe

centrale va intégrer à son pouvoir les dignitaires locaux classiques ou

autres, relevant du territoire de la rébellion.

D'autres mesures également ont été prises pour intégrer au

nouveau pouvoir et à la nouvelle administration, les sympathisants et

les dignitaires des autres Etats Hausa qui ont participé à la lutte, ou

187 SMITH M .. G., op.dt., 1971.

112

qui ont accouru après le succès de celle-ci. Sur cette question la

tradition révèle le cas de sarkin Kano déchu qui s'est vu attribuer la

ville de Maradu188 et sarkin Daura qui était avec Magajin Haladu, et

qui était resté dans la région de Magariya~89. On peut noter aussi le

Magajin Bakabe: ce poste relève sans doute de l'intégration d'un

partisan d'origine de Kabi. Cependant, cette hypothèse, tout à fait

plausible, doit être considérée avec réserve du moment que rien ne

nous permet de dater avec précision et certitude l'apparition de ce

titre. Aucune tradition du Katsina Nord ne nous renseigne sur la

première apparition de ce titre. Il semble qu'il existait depuis Birnin

Katsina. La pratique de samame (razzia d'esclaves) pouvait permettre

aux dirigeants du Katsina de se procurer un esclave originaire du Kabi.

Le poste de magajin bakabe est occupé par un homme d'origine

servile. M.G. Smith prétend que ce titre a été créé par Dan Kasawa

après la révolte190.

Le détenteur actuel de ce titre à la cour de Maradi ignore cette

origine. Il se réclame plutôt du groupe de Kambarin Barebari191.

Parmi les multiples fonctions de Magajin Bakabe, il y a celle qui

consiste à harmoniser les rapports entre le Barazaki (Age) et le Tazar

(Tasawa) d'une part, et entre ces deux secteurs et le pouvoir central

d'autre part.

Le pouvoir central laissait aux administrateurs (sarakunan

garuruwa), le soin d'organiser librement leur pouvoir, ce qui s'accorde

188 E.T.E., Maradu, Mai, 1984. Nous avons rencontré en personne un des descendants de ce sarkin Kano 189 E.I.E., Maradu. Nous ignorons les raisons qui ont empêché sarkin Daura de suivre Dan Kasawa. 190 SMITH M. G." op.cit., 1971, p. lOlo

191 E.C.E., Maradi, Mai, 1984, témoignage de A1haji Dan Sadaka.

113

avec les principes de la sarauta. Chaque dynastie locale exerçait ses

fonctions selon ses coutumes, ses traditions et son héritage historique.

Responsables administratifs à partir du pouvoir

central

Au sein même du pouvoir central, certains dignitaires se sont

vu attribuer le contrôle des différentes régions du royaume. C'est ainsi

que:

- Magajin 8akabe dont nous venons de parler eut la charge de

maintenir en bons termes les secteurs de barazaki (Age) , de tazar

(Tasawa) et certainement aussi de kashe (Kanambakashe).

Cependant, le premier vers du kirari de durbi enseigne que

celui-ci fut le premier responsble de toute la région est du Katsina

Nord. Ce serait là une innovation des dignitaires de Maradi, innovation

d'autant plus frappante qu'à l'origine, durbi n'exerçait sa juridiction sur

aucun secteur de cette partie nord du Katsina.

- Durbi. Poste détenu par les descendants de la première

dynastie du Katsina, il est le deuxième personnage de la "main

gauche" du sarki après le kaura. Sur le plan administratif, on constate

que cette partie est du Katsina Nord est soigneusement contrôlée par

la cour centrale. Mais cela se comprend aisément quand on tient

compte de l'importance économique de centres comme Tasa wa,

Gazawa, Kananbakashe, étapes obligées du commerce transsaharien.

Ils constituaient également des positions stratégiques dans les

rapports avec Damagaram, Agadez, Dankama, etc... Cette région

comportait également des centres aux structures administratives très

anciennes.

114

Mais le détenteur du titre de durbi est également responsable

du centre de Bakawa qui lui est attribué chaque fois qu'un nouveau

Sarki est intronisé. La tradition rapporte que durbi ne remet au

nouveau Sarki le bâton pour frapper les coups sur le tambour royal

que quand il renouvelle l'attribution du village de Bakawa.

- Magajiya, au plan administratif, nomme le mai gari de Riyadi

(responsable administratif de la ville de Riyadi) et joue le rôle

d1ntermédiaire entre ce mai gari et l'Etat. Magajiya est une princesse.

- Macika est le responsable de la région comprise entre Kurfi

et Gabi. Il perçoit des taxes sur le mil, comme par exemple la dîme.

- Dan Baganzame commande la région de Saulawa, Gamji,

Yan-Riyadi (à ne pas confondre avec Riyadi) où il perçoit les taxes sur

le blé.

- Maradi, premier représentant du pouvoir central de Birnin

Katsina dans la région avant le jihàd. Il demeure le plus grand

dignitaire des Anna (animistes); il nomme les responsables de

Sumarana, Yan mugu, Cikaji, Jiratawa, Bakawa, Kurfin Kura et

administre Maradi.

- Hazu qui commande les villages de Maradu, Sulum et Kurfin

Galadima.

Ce tableau nous montre comment le royaume est supervisé

depuis la capi~le. Voyons comment il est alors géré sur le terrain.

. Les administrateurs sur le terrain

Tasawa fut administré par la dynastie des Tazarawa jusqu'en

1892. Elle fut la capitale de ce secteur auquel elle donna son nom.

115

Tasawa était une ville importante au XIXe siècle . Elle se situait sur

l'une des principales routes reliant Agades au Katsina et à Birnin

Naya192. Les rapports administratifs liant Tasawa, Kanambakashe,

Korgom, Kwauna et Kurnawa193 n'ont pas encore été bien élucidés.

Chacune de ces villes était administrée par une dynastie locale ayant

sa propre histoire.

En . outre, le territoire comprenait un certain nombre de

subdivisions, que nous appelons "secteurs", il y en avait six et nous

allons les passer en revue.

192USMAN Y. B., op.cit., 1981(a), et carte c •

193 L'appartenance des centres, comme Korgom, Kumawa, etc... au Katsina Nord ou au Damagaram et aux Etats Tsotse baki est très discutée. A ce sujet consulter: -DUNBAR Roberta Ann : Damagaram, (Zinder, Niger) 1812-1906. The history of Central Sudanic Kingdom. Ph. D. thesis, Los Angeles, University of california, 1970, pp. 16, Map 1; 42; Map 2; 65, Map 3 ; 96, Map 4 ; -NICOLAS G., S.N. nO l op.dt., (SLND), pp. 18-19 ; -SALEY M., Les Etats-Tsotsebaki : des origines au XIXe Siècle. Mémoire de maîtrise, Université de Niamey, juin, 1982, pp. 1 ; 59-60 ; 70 ; -SAUFOU A., op.cit., 1971, pp. 115-144 et cartes; -SMITH M. G., op.dt., 1971, pp. 101-102; -lILHO, op.dt., 1906 -1909, pp. 440; 460 ; -URVOY Y., op.dt., 1936, pp. 238-239 ; - USMAN Y.B., op.cit., 1981(a), p. 122.

116

- Le secteur de barazaki:

L'institution de barazaki est très ancienne. Selon Palmer elle

existait depuis l'ancien Kukiya ou Kaw Kaw.

Au Katsina, toujours selon le même auteur, l'institution

désignerait un groupe d'artisans spécialisés dans le travail du cuir et le

harnachement des chevaux.

Tout suggère que barazaki dérive de baraya qui signifierait:

entrepôt, magasin, maison ou même provision194. Or le terme baraya

existait bien en hausa pour désigner la chambre privée de mai gida

(maître de la maison). Des renseignements recueillis à Gazawa et

Maradi en mai 1984 expliquaient le poste de barazaki comme étant

baraya dodo : ch.ambre ou maison du roi. Les mêmes renseignements

laissent entendre que barazaki, installé à Age était l'adjoint de kaura,

ce qui sous-entend deux choses : ce poste faisait fonction d'entrepôt

ou de trésor de l'Etat ou bien servait de dépôt pour les provisions

provenant du nord et de Zinder à destination de Maradi. Quoique nous

ne disposions aujourd'hui d'aucun vestige attestant cette hypothèse, il

existe des affinités entre les différents cas que nous venons d'évoquer,

qu'il s'agisse. d'un groupe spécialisé capable de ravitailler en certains

produits artisanaux, d'un magasin des biens de l'Etat, ou d'une étape

pour les commerçants.

194pALMER H. R., op.dt., 1967, p. 80 ; -USMAN Y. B, op.cit., 1981a, pp. 180-182.

117

Le kirari d'Age195 laisse même croire à un poste de perception

sur les transporteurs étrangers. Le secteur de barazaki a pour centre

Age: compte tenu des hypothèses que nous venons d'évoquer,

l'administration de ce secteur revêt une grande importance pour le

Katsina Nord. Elle peut permettre l'orientation de certains axes de

commerce en direction de Maradi et Tsibiri et couper ainsi des centres

comme Dan Kama et Birnin Katsina de certains courants de commerce,

surtout dans ce contexte du XIXe Siècle.

Par la suite le dignitaire de ce secteur portera le titre d'Age jusqu'à nos

jours. 196

Plus tard, l'évolution amènera la· création du secteur de Gangara

Gazawa : Gangara se trouve à environ 17 km au Nord de la frontière

actuelle du Nigeria et à 18/20 km au sud de Gazawa. '

La tradition de Gazawa enseigne que Gangara existait avant

même le jihàd. Après la révolte de Maradi, une partie de la population

de Gangara a émigré pour fonder avec les populations autochtones

animistes la ville de Gaza"wa. Toujours selon la même tradition, le

troisième Kaura de Gazawa, Kaura Kwado, a exercé son pouvoir au

temps de Sarki Barmo de Tasawa. Kwado est le fils d'un marabout

kanuri originaire de Gume/. Mais avant lui, deux autres kauraye ont

régné. Il s'agit de kaura A/u au temps d'un certain Ma/am fils de

Kabime. Alu est le beau-père de Kaura Amma successeur de Kaura

Kwado. Kaura Amma est contemporain et adversaire de Kaura

195Le kirari d'Age est «Agegeta a ci kayan bako» qu'on s'acharne pour dépouiller l'étranger. Ce qui est favorable à l'hypothèse d'une sorte de zango (étape) où les agents de l'Etat perçoivent des taxes 196 Voir le kirari d'Age note précédente.

118

Mahaman Sani dit Dan Waire de l'émirat de Katsina197. La tradition

précise que Kaura Amma est originaire de Adar. Avec l'installation d'un

Etat centralisé au Katsina Nord, il a été créé un poste de kaura à

Gazawa et la ville de Gangara était confiée à un dignitaire portant le

titre de Raha (adjoint de Kaura).

- Le secteur de Uban Dawakin liratawa

Le secteur situé entre Ma ra di et Maradu était placé sous le

contrôle de uban dawakin Jiratawa. Ce secteur comprenait les régions

cultivées de Yamadawa, Mallamawa, Basarawa, Okaji, etc ...

- Le Secteur de Sarkin kano :

Le centre de Maradu était confié au sarkin Kano déchu, où les

descendants de ce dernier résident encore de nos jours et portent

toujours le titre de sarkin Kano.

- Le secteur de Dan Zambadi :

Le secteur de Madarunfa était confié à un prince dan zambadi

résidant à Madarunfa. C'est le seul prince qui assurait officiellement

une fonction en dehors de la capitale avant la scission de Barmo

Barahiya en 1892. Dan zambadi devait conduire la reconquête de la

partie sud de son secteur et assurer l'exploitation des richesses

naturelles. Son domaine comprenait ente autres Garabi, Birnin

197USMAN Y.B., idem., pp.140-142 ; 157-196; 205.

119

Kaura198 (actuel Unguwal Runj/), lnyalwa, Dama et devait faire la

jonction avec Ruma surtout au moment des grands succès199.

- Le secteur de Dan TOKARI : on trouvait le secteur de

dan tokari avec résidence à Tokarawa aujourd'hui disloquée en

plusieurs villages. Ce secteur était tellement puissant à la fin du XIXe

Siècle qu'il menaça Gabi et Maradi, surtout à l'époque de l'avènement

de kaura Hasau200.

- Le secteur de Gabi situé au sud de Tokarawa. Le

dignitaire de ce secteur porte encore le titre de Gabi et réside dans la

ville du même nom. Il commande Tajaye, Tsidafawa, Mulmushi,

Takatsaba, Maraka, Badariya, etc ...

Plus tard les succès militaires des résistants d'abord, puis la

confusion de la fin du siècle, amèneront la création du secteur de

Ruruka. Il fut confié ~ Zarriya qui commandait Ruruka, Shirge,

Dunburun, Duhun Bara et menaçait aussi Ruma, Zandam et Zurmi. Par

la suite le dignitaire de cette région porta le titre de kaura au lieu de

celui de Zarriya. Ce changement de titre aurait été imposé par Kaura

Hasau201.

198 DAVID P., op.dt., 1969, p. 681 et cartes. 199nLHO, op.cit., 1906-9 p.462 ; M.G.Smith, op.dt., p.95.

200 E.I.E., Gabi, Mai, 1984, E.C.E, Maradi, mai, 1984, et E. In E., Tokarawa, 1975. 201SMITH M.G., op.dt., 1971, p. 104.

120

Comme nous l'avons vu, la crise de la fin du siècle entraîna la

dislocation de cette division à laquelle elle substitua une nouvelle dont

nous avons parlée plus haut202.

Ici comme ailleurs, chaque administrateur était une réplique à

moindre échelle du roi, avec sa petite cour composée de Fadawa, Iya,

Marusa, Sarakunan Sana/a, Yan sarki, etc ...

Ces différentes fonctions rappelaient celles de la cour centrale

et permettaient le bon fonctionnement de l'administration et de la

sarauta (système de la monarchie hausa).

L'encadrement administratif du territoire se prolonge par la

division de chaque secteur en garuruwa (villes) et kauyuka (villages).

Les villes et les villages sont divisés en unguwoyi (quartiers). Et

les unguwoyi sont composés de gidaje (maisons). A la tête de chaque

maison (gida) se trouve le mai gida (chef de famille).

Un seul gida peut comporter plusieurs familles. Le mai gida est

responsable de sa maison devant les autorités et la société203. Le gari

est également composé de segments de clan (zuri'a ou dangl) lui­

même rassemblant plusieurs maisons et familles. Les dimensions d'un

clan peuvent dépasser le cadre d'un seul village.

202Notre division administrative en secteurs ne saurait être exhaustive et précise. II s'agit d'un premier travail provisoire sur cet aspect. Nous n'avons eu nulle part la liste complète des villes, villages et hameaux qui composaient chacun de ces secteurs au XIXe Siède. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous hasarder à dresser des listes. Pour les quelques centres cités il n' y a aucune incertitude. Le terme secteur est ici conventionnel. Il n'a rien de commun avec la division administrative coloniale.

203SMITH A., «Early states of the central sudan» H.W.A.,I ... London, Longman, 1976 p. 80 ; -USMAN Y.B,., 1981(a), pp.183-184 ; -USMAN Y.B., 1972, p. 176.

121

C'est sur ces bases sociales et administratives que sera bâtie la

superstructure de l'Etat204.

Le contour du Katsina Nord n'est pas net parce que des points

de repères nous ~manquent. Nous n'avons malheureusement pas à

notre disposition de données suffisantes pour faire l'ébauche de la

division administrative historique de cette partie sud-ouest du royaume

(Maradi, Jiratawa, Maradu, Madarunfa, Tokarawa, Gabi, Ruruka,

etc ... ).

A l'est et au nord-est, l'appartenance de Korgom au Katsina

Nord est très discutée. Selon Nicolas., Tilho, Mayana Barmo, Dan

Sadaka, etc ... Korgom appartenait à une certaine époque au Katsina

Nord20S. Par contre, pour Dunbar, Salifou. et Saley au XIXe Siècle,

Korgom se rattachait au Damagaram.

204 - Les éléments de la cour centrale, les corporations professionnelles et les organisations réligleuses seront abordés ultérieurement 205NICOLAS GII Evolutjon du canton de Kance. Etude ethnQgraphique d'une société de l'Est-

MIggr. Bordeaux, le 1er

Décembre 1957, pp. 5-15 ; -l1LHO, op.dt, 1906, pp. 445 ; -E.I.E., Tasawa" Mai, 1984 ; -E.C.E., Maradi, Mai 1984 : TémOignage de El hadji Dan Sadaka,

122

bl Le pouvoir central: le Sarki et sa' cour

La cour de Maradi comporte un nombre indéterminé de titres.

Cela tient-il à la création de certains postes répondant à de nouveaux

besoins et à la disparition de ceux dont l'existence ne se justifiait plus,

ou bien à la prolifération de la classe politique ?

En tout cas, le nombre des postes varie selon la tradition orale

et les auteurs. Cet état de fait rend difficile notre analyse descriptive

de l'organisation de la cour centrale. Selon J. Périé, la cour de Maradi

est composée de 9 classes de dignitaires constituées de 145 titres206.

M. G. Smith, quant à lui, dénombre plus de 130 titres officiels dont 12

d'administrateurs territoriaux, un tazar, 12 de princes, 9 de princesses,

9 de femmes et concubines du souverain, 4 de rukuni (conseil

électoral) et leur personnel de 45 membres, 27 de courtiers libres du

roi, 34 d'eunuques et esclaves du roi et 9 de lettrés musulmans207.

P. David, lui, se garde d'avancer un chiffre. Mais tout comme celle des

autres auteurs, sa description montre que la cour du Sarkin Katsina est

bien garnie208. Examinons le poste du premier personnage de l'État.

-Le Sarki: c'est un personnage important disposant de plusieurs

institutions de l'Etat pour exercer sa fonction. Il est à la tête de

l'autorité politique, religieuse et militaire du territoire. Le poste de sarki

est strictement réservé aux, membres de la lignée de Muhammad

Korau. Tant que le sarki détient le pouvoir, aucune décision importante

206 PÉRIÉ J., Cercle de Maradi: Historique complet, politique et adminIstratif des origines à 1940, 1944, 5 cartes, ANN, Niamey. 207 SMITH M. G., op. dt., 1971, pp. 101, 104, 107 ;

208 DAVID P., op.dt., 1969, pp. 658-667.

123

concernant les affaires du royaume ne peut être prise sans le

consulter.

L'institution du Sarki au Katsina rappelle la conception vitaliste du

pouvoir. En effet, le sarki doit avoir suffisamment de vitalité, non

seulement pour diriger les affaires du royaume et participer aux

combats, mais aussi parce qu'il est le symbole de l'équilibre des forces

qui gouvernent l'univers.

Nous verrons que les traditions veulent que le Sarki soit légi­

timement élu parmi les descendants de Muhammad Korau et

remplissant un certain nombre de conditions requises. A défaut de

cela, le royaume subissait des fléaux de tout genre. Le moindre

manquement aux coutumes peut entraîner un désordre dans le

royaume et le milieu politique209. Le Sarki est le monarque absolu du

système politique (sarauta) des Katsinawa.

Cependant, son pouvoir est limité par des règles établies et

consolidées par l'évolution210. La succession au poste de sarki est

héréditaire. Mais, cette succession n'est pas directe, c'est-à-dire qu'elle

ne se fait pas de père en fils aîné ou de frère à frère. La succession au

trône de Sarki n'est héréditaire que par rapport à l'appartenance du

candidat à la lignée de Korau211. L'élection d'un nouveau Sarki relève

de la compétence d'un conseil électoral : sprakunan karaga ou

sarautal gargajiya. La liste dynastique des sarakunan Katsina (rois du

Katsina) mentionne des souverains portant le titre de karya giwa212

209pALMER R. H., op.dt., 1967, pp. 81-82 : Le sacrifice commis par Bawa Dan Giwa.

210USMAN Y. B., op.cit., 1981(a), p. 78.

211 USMAN Y. B., op.cit., 1972, p.176 et PlOT M., : La nomination de Sarkin Katsina, Maradi, 1944, p. 1

212pALMER R.H., op. dt., 1967, pp. 81-82.

124

avant d'être Sarki. Après leur accession au trône, ils ont conservé ce

titre comme surnom. A l'origine, le rôle officiel de tout détenteur de ce

titre est de destituer un Sarki qui se serait mal conduit, serait malade,

trop vieux, ou qui aurait perdu toute vitalité213. Cette institution de

karya giwa214 révèle non seulement une conception vitaliste du

pouvoir, mais aussi le début du conseil électoral. Ce conseil est

composé de sarakunan gargajiya (membres du conseil électoral) au

nombre de quatre: kaura, galadima, durbi et yan daka. Quand le choix

est litigieux, le conseil fait appel à un cinquième personnage, Imàm

(Liman), qui n'est pas membre du conseil électoral. L'institution de

sarautal gargajiya joue un rôle important dans le fonctionnement du

système de la sarauta215.

C'est le seul cadre de l'élection et de l'intronisation du nouveau

Sarki. Il constitue également une structure de contrôle du pouvoir de

sarki et des administrateurs territoriaux.

Si le sarki nomme les sarakunan gargajiya, ces derniers aussi

le nomment et peuvent le destituer à leur tour216. Ainsi, il existe un

contrôle réciproque des deux institutions, mais nous ignorons dans

quelles conditions le Sarki peut destituer un membre du Conseil

électoral.

Beaucoup de personnes confondent ce qu'on pourrait appeler

le conseil électoral et le conseil d'Etat. Le conseil électoral ne

comprend pas le Sarki mais ce dernier est membre du conseil d'Etat

213SMITH A., op. cit., 1976, p. 82.

214 - Giwa: éléphant en hausa, auquel est ici assimilé le sarki; karya vient de karyawa = casser; KaryaGiwa celui qui casse les sarakuna.

215 - Sarauta: système de la monarchie Hausa

216 - E.C.E., Maradi, Mai ,198~.

125

qui se compose de tous les membres du conseil électoral. Comme

nous l'avons signalé, le conseil électoral ne procède pas seulement à

l'élection du Sarki.

. Les membres du conseil électoral:

Ils sont au nombre de. quatre. En cas de litige, un cinquième

personnage intervient, le imam.

Le Galadima: c'est un eunuque dont la position était très

convoitée217. Il ne prend jamais part aux campagnes militaires.

Quand il s'agit d'élire un nouveau sarki, il assure la présidence du

conseil électoral. Par opposition au Kaura, le Galadima exerce une

fonction civile mais tous les deux supervisent la gestion et la sécurité

du royaume. Le Galadima était assisté dans ses fonctions par yan

daka.

- Le kaura218 : il était le chef suprême de toutes les armées du pays,

ou runduna (les hommes en armes). Dans l'exercice de ses fonctions

le kaura était assisté de son adjoint, Durbi, représentant de la

première dynastie du Katsina , celle des Durbawa. Il importe de noter

que le Kaura est d'origine servile219.

Les quatre membres du conseil électoral ne font appel au imam qu'en

cas de litige. Mais, comme le choix n'est jamais facile et que. les

candidats sont toujours nombreux, le imàm est pratiquement toujours

sollicité. La participation des lettrés musulmans à la cour des

217 E.I.E., Maradi, Mal, 1984. 218 E.I.E., Maradi, Mai, 1984.

219 SMITH M. G., op. dt., 1971, p. 115.

126

sarakunan Katsina est très ancienne. L'appel au imam lors des

élections se faisait depuis Birnin Katsina. Ce n'est pas une innovation

du Katsina Nord. Il nous est impossible de remonter à l'origine de

cette pratique.

L1ntervention du imam et la participation de durbi aux élections

du nouveau Sarki peuventt être interprétées comme une intégration

des autorités religieuses dans les affaires de l'Etat. Le rôle du conseil

électoral consistait aussi à empêcher les princes de plonger le royaume

dans le désordre pendant le temps que durait 11nterrègne.

127

· L'élection du Sarki:

Lorsqu11 y avait vacance du pouvoir pour une raison

quelconque, tous les candidats, membres de la lignée de Korau se

manifestaient par des dons et de largesses faits aux membres du·

conseil électoral et toute autre personne influente du royaume. Tous

les membres de la lignée avaient le droit de présenter leurs

candidatures. Ainsi, dans l'élection du sarki, des facteurs subjectifs

intervenaient, parce que c~aque membre du conseil électoral essayait

d'imposer le candidat qui lui serait le plus favorable et/ou lui avait fait

le plus de cadeaux et surtout qui le maintiendrait à son poste très

convoité. L'existence de ces facteurs subjectifs se justifiait en partie

par l'existence du procédé de tirage au sort par le imam quand les

membres du conseil se trouvaient dans l'embarras du choix220.

Cependant, les facteurs objectifs demeuraient les principaux

critères du choix d'un nouveau sarki. En outre, même d'un point de

vue subjectif, les électeurs avaient intérêt à choisir l'homme le plus

indiqué pour diriger le pays car de la stabilité et du développement du

royaume dépendaient leurs intérêts. Ainsi, les électeurs soumettaient

chaque candidat à un examen savant et complet. Il semble même que

les électeurs ne choisissaient le nouveau Sarki qu'après s'être enquis

de l'avis des chefs de quartiers.et de villages221. Après cela seulement

ils procèdent à l'élection, non pas d'après leurs préférences, mais en

vertu des exigences de la coutume, de celui qui réunissait l'ensemble

220pALMER H.R, op.cit., p. 82 ; - PlOT M., op.cit., 1941, p. 1 ; 221 PlOT M., op.cit., 1944, p. 1.

128

des qualités requises d'un prince222. Ces exigences auxquelles étaient

soumis les princes, limitaient énormément les possibilités d'abus de

leur part. Les aptitudes, les dispositions et le passé du candidat élu

étaient vérifiés immédiatement dans les divers rites régissant

l'intronisation et le sacre du nouveau sarki. Malgré le bien-fondé de

ces dispositions, l'histoire n'a pas manqué de révéler des cas de

violation de cette réglementation :

L'accession au trône de Muhammad Korau ne semble pas avoir eu lieu

dans les conditions légales de succession. Cependant, le récit de la

lutte entre Sanau et Korau peut expliquer la conception vitaliste du

pouvoir dont nous avons parlé plus haut223. Au-delà d'une conception

vitaliste du pouvoir, l'avènement de Muhammad Korau s'explique

mieux par l'apparition d'une nouvelle étape dans l'évolution du

Katsina. Ce qui explique que certaines traditions bien établies durent

changer. Cette époque qualifiée d'époque de Muhammad Korau au

Katsina, de Muhammad Rabbo au Zazzau et de Muhammad Rumfa à

Kan0224 devait être enVisagée dans une perspective' globale au

Soudan Central et dans l'Ayar.

Le jihàd du XIXe siècle constitue également un autre cas de

bouleversement de certaines structures : bouleversement non

conforme à la réglementation de la vie politique mais imposé par

l'exigence de l'époque. Cependant, même les jihadistes étaient

contraints de revenir à ces réglementations. Les dernières violations

222DIOP C. A., op.dt, 1960, pp. 49-50 ; -DAVID P., op.dt, 1955, pp. 71-72; - E. ca. E" Maradi, Mai, 1984.

223DIOP C. A., op.dt., 1960, pp. 49-50 ; -USMAN Y. B., op.cit., 1981, (a), pp.12-13 .

224 SMITH, A., op.dt., 1976, p. 190.

129

des réglementations de la succession au XIXe siècle sont celles

intervenues au Katsina Nord avec l'avènement de kaura Hasau225 et

celles du XXe siècle intervenues dans la période coloniale quand les

sarakuna étaient nommés par un décret de l'administration coloniale.

Après ces quelques exemples, revenons à notre sujet : les

élections. Quelle en était la procédure ?

C'est le Ga/adima qui devait convoquer le conseil en cas de

nécessité. Le Kaura et son adjoint Durbi, au cours de ce conseil, se

mettent d'un côté et de l'autre, le Ga/adima et son adjoint Yan daka.

Les quatre électeurs étant donc réunis, ils procédaient en commun aux

consultations, aux débats d'ordre politique et social.

De plus, ils recouraient aux techniques divinatoires ainsi qu'aux

oracles, car il s'agissait de découvrir parmi les princes celui qui

procurerait chance, prospérité, victoire et répandrait la paix dans tout

le royaume.

Quand le moment décisif approchait, le Ga/adima envoyait

Baga/am (un autre dignitaire de la cour et chef de quartier Baga/am

mais non membre du conseil électoral) chercher le imam226, premier

dignitaire de 11slam, attaché au sarki. Le imam arrivait accompagné de

quelques marabouts. Les noms des candidats retenus par les quatre

électeurs, symbolisés par les trous dans le sable, ou des grains de

chapelet dissimulant ainsi le nom de chaque candidat, étaient soumis à

l'appréciation du imam.

225 Kaura Hasau nommait et destituait les sarakuna sans consulter les autres dignitaires contrairement à la coutume. 226 SMITH M. G., op,dt., 1971, p. 110 ;

T1LHO, op.cit, 1906 - 9, pp. 467 - 468 ; Notre informateur de Maradu témoigne que la dynastie de Muhammadu Korau a de tout temps associé les marabouts à la cour et aux activités politiques.

130

Le imam consultait ses marabouts qui faisaient leur choix selon

leur science et leur pouvoir religieux. Au tout début de cette

institution, on employait un serpent sacré ou bien on projetait une

lance en prononçant le nom d'un candidat. Lorsque la lance se plantait

bien droit dans le sol, le nom du candidat qui avait été prononcé au

moment de jet de la I~nce était celui du nouveau sarki227.

Le résultat des élections était alors officiellement proclamé par

le galadima qui envoyait aussitôt chercher le nouveau sarki.

Immédiatement, Shantali karami, Magajin Bakabe 228et leurs hommes

montaient une garde farouche à l'entrée du palais. Car, tant que tous

les rites d'intronisation et d'installation n'étaient pas achevés, il y avait

toujours risque d'usurpation du pouvoir ou d'attentat contre le nouvel

élu229.

Selon Palmer, au temps de la dynastie des Durbawa le nouveau

sarki était installé sur un lit (gadon sarauta) au centre de la ville (kan

giwa). Après quoi un bœuf noir était tué à côté de lui. Puis il était

trempé dans le sang du bœuf sacrifié. La peau du bœuf servait à

envelopper le sarki défunt et à le traîner jusqu'au lieu de son

enterrement230. Tout laisse croire que cette pratique a évolué avec la

dynastie de Korau et 11nstitution du collège électoral.

. A Maradi, le nouveau S arki aussitôt convoqué subissait l'épreuve

du tambour(tambari ). II Y avait à la cour de Maradi douze tambours

227 PALMER H. R., op. cit., 1967, p. 82.

228Nous reviendrons sur certains titres comme baga/am, shantali, magajin bakabe, etc ... dans • l'organisation du palaiS et à d'autres occasions. 229pIOT M., op. cit., 1944, p. 1.

230pALMER H. R." ibidem.

·'131

(tambura)231 gardés par un officiel portant le titre de tambura. Mais

pour cette circonstance, c'est le plus grand tambour (gwabron­

tamban) qui était apporté.

Durbi et Yan daka tenaient chacun une poignée. La Magajiya

hawa une des adjointes de Iya, s'avançait portant une batte avec

laquelle l'élu devait frapper trois fois le tambour232. S'agenouillant

près du grand tambour, magajiya hawa refusait, au nouvel élu, la

batte jusqu'à ce qu'il lui ait promis un cadeau. Prenant alors la batte,

il donnait le premier coup et s'apprêtait à frapper le second. Mais

Durbi l'empêchait de poursuivre, et ce n'est qu'après avoir dit Bakawa

(nom du village qu'il donne à durbl) qu'il pouvait frapper les deux

derniers coups. Une fois cette épreuve réussie, les griots de la cour,

Dan toma, Dan Kutu, Dan wardanga et dan homa annonçaient

l'évènement.

Le nouvel élu prêtait serment et jurait de respecter la voie des

ancêtres. Ensuite, le ga/adima, s'avançait accompagné de deux chefs

de quartier, baga/am et magajin bakabe, amenant le cheval blanc de

l'ancien chef. L'élu préalablement habillé d'un grand boubou noir

s'installait sur ce cheval dans le sens inverse de la marche. C'est dans

cette position que le nouveau Sarki faisait quelques tours du palais

royal233.

Il était ensuite habillé. d'un wa/ki (habit de peau que portaient

les hommes) et recevait un bauran zinariya (bracelet en or), un kirin

zinariya (un autre bracelet en or) de plus un gwado rouge (couverture

231E.C.E, Niamey, Février, 1984 ; - E.Ca.E, Maradi, Mai, 1984. 232 - E.Ca.E., Maradl, E.I.E., Niamey Février 1984. - PlOT M., op. dt., 1944, pp. 1-2. 233pIOT M., Ibidem.

132

locale) était suspendu à ses épaules. Le sarki était ensuite habillé d'un

boubou de velours noir brodé, il s'en couvrait entièrement, car il ne

devait pas se montrer avant la fin de tous les rites d1nvestiture. Il était

conduit alors dans la concession de galadima. Et les griots hurlaient

alors «Tu n'étais qu'un pauvre homme comme nous, mais c'était

encore beaucoup trop; maintenant tu es caché, tu dois tout oublier et

le galadima te mènera dans sa maison»234.

A partir de ce moment, une retraite de sept jours lui était

imposée chez le galadima, sous la garde de mashi. Pendant cette

retraite il se mettait du henné aux pieds et aux mains comme le

faisait encore tout nouveau marié (ango) dans la région. Chez le

galadima, le sarki subit des épreuves, reçoit des conseils et refléchit

sur sa nouvelle fonction. «Dès son arrivée le mari l'accoste, lui donne

quelques gifles bénignes d'ailleurs, et lui dit : mance, mance (oublie,

oublJe), oublie tout ce qu'on t'a fait; ne pense pas à user de tes

nouveaux droits pour te venger de ceux qui ont pu te faire du mal.

Pendant toute cette retraite les quatre membres du conseil électoral

ne ménagent pas les conseils au futur sarki et celui-d a tout le temps

d'y réfléchir> >235.

Durant sa retraite, le nouveau sarki est contraint de rester assis

ayant sur les genoux des épis de mil, des gousses de haricot, un

écheveau de fil de coton et une épée, symboles de son pouvoir sacré

qui doivent lui permettre, par cette consécration, de donner au

royaume la paix, l'abondance, la fécondité, la victoire, etc236 ....

234p10T M., op.cit., 1944, p.2.

235p10T M., op.cit., 1944, p. 2.

236LEROUX H., op.cit., 1948, pp. 664-665 ; E.Ca .E, Maradi, 1984 ; -PlOT M., op.cit., 1944, p. 2 ;

133

Le jour du wankan sarauta (le bain rituel d'intronisation ), le sarki doit

de nouveau frapper douze coups sur le gwabron tambari. Après toutes

ces épreuves, le sarki investi de tous ses pouvoirs, est installé dans le

palais royal de ses prédécesseurs, la maison de Korau (gidan Korau).

Toutes ses dispositions, ses aptitudes, sa sensibilité, etc ... ont aussi

été mises à l'épreuve et vérifiées. Puis, le sarki désormais habillé de

ses plus beaux habits, recevait les félicitations et les hommages des

ses pairs, souverains d'autres royaumes, de ses subordonnés, des

chefs de quartiers, des membres de la cour, des administrateurs

territoriaux, des familles, des amis, etc ... Les hommages étaient reçus

avec dignité. Puis, commençait le long défilé de ceux qui tenaient à

approcher le sarki237. Avant de quitter la maison de galadima, le

nouveau sarki nommait déjà ou reconduisait les hauts dignitaires :

sarakunan galgajiya, sarakunan sarki, barorin sarki, bayin Sarki,

etc238 ....

Toutes ces cérémonies étaient suivies de fêtes, de

manifestations, de dons et de contre dons, chacun cherchant à attirer

l'attention du nouveau souverain et de son équipe. Le premier cheval

sur lequel était monté le Sarki revenait à Durbi et les habits de la

cérémonie étaient remis à mashi. L'intronisation de la plupart des

hauts dignitaires et des administrateurs territoriaux rappelle celle du

Sarki à quelques différences près239.

-USMAN Y. B., op.cit., 1981, (a), pp. 78-79. 237pIOT M., op.cit., 1944, p. 3. 238Certains de ces titres seront abordés plus loin. 239 voir notre Essai d~nterprétation des institutions.

134

· L'organisation de la cour:

Le sarki disposait d'une importante cour : fada. L'organisation

de cette cour revenait au sarkin fada (chef de la cour)240 ; le sarkin

fada prenait toutes les dispositions pouvant faciliter le bon

fonctionnement de la cour. A la cour, ou au déplacement, le sarki est

entouré de ses gardes du corps ou lifida.

Nous pouvons donner ici un échantillon de ces lifida:

-Shantali babba ;

-Dan basaka;

-Doka;

-Gariya;

-Sarkin bai;

-Kan kya;

-Lihida (yan lihida) ;

-Mudda;

-Sarkin fawa ;

-Dan baganzame ;

-Etc ...

Lors de ses déplacements le sarki a toujours devant lui un

garde spécial qui va à pied : zagi.

240 Fada = cour, palais ; - Les fadawa, courtisans, au singulier bafade (courtisan), sont sous le commandement de sarkin fada.

135

La tradition de la dynastie du Katsina veut que la cour soit scindée en

«main gauche» et en «main droite» du sarki.

La « main gauche» : Elle est dirigée et organisée par le kaura.

Le kauran katsina: en plus de ses fonctions administratives et

politiques déjà évoquées, kauran Katsina a une fonction comparable à

celle de nos ministres de la défense et commandant en chef de toutes

les campagnes militaires. Il est le véritable maître des runduna (les

hommes en armes).

Les louanges et épithète (kirarai) de kauran katsina permettent de

mieux appréhender toute l'importance de son rôle dans la société

précoloniale du Katsina.

Kirarin kauran Katsina

1 - Gurrai!

- Gurrai Dan Gaba !

- Gurrai bakon da kan tara gudan dane da kuwa !

- Babban falke sha tabki ;

5-Babban lauje abin karta dundu !

- Yàddà sauri babban filata !

- Mai gona na fadan kan gona tai,

- Gurrai na fadan kan mai gona !

- Ciroma na daudu, Mahaman na daudu ;

10-Ciroma walkin Borno isagaba isabaya !

- Wake gaban Uban dawakin Katsina, kaci ka dara.

- Wake bayan Uban dawakin Katsina, ka dara !

- Kauran tsaron kofa!

- Mai tamna garazum, garazum

15 - Hadiya da sauran motsi !

- Ragiji komi shiga bakin ka,

136

- Ya zama nama !

- Amsa kuku, amsa kuwa !

- Bakon da kan tara, gudan dane da kuwa !

Traduction

1- Très envié 241 !

- Très envié tu es à la tête des armés !

- Très envié, l'assaillant qui charge en criant!

- Grand caravanier qui épuise une mare.

5- Grande faucille, moyen de dénuder les épineux.

- Débarrasse-toi de ton bâton, grand peul242 !

- Le propriétaire du champ se bat pour son bien

-Le très envié se bat pour défendre le propriétaire du champ!

- Ciroma243 de Daudu, Mahaman de Daudu !

10-Ciroma le tablier bor.noan, tu es à l'avant garde et à l'arrière­

garde!

- Qui est à l'avant garde du chef de la cavalerie du Katsina,

sinon toi le valeureux!

- Qui est à l'arrière-garde du chef de la cavalerie du Katsina, si

non toi le plus valeureux!

-Kaura qui veille sur la cité,

- Qui mâche à grands coups244

15 - Et avale sa proie encore toute frémissante !

241Le mot Gurrai est difficile à traduire mais il semble évoquer guri, rechercher avec ardeur.

242Sauri est un terme d'origine peul qui veut dire bâton.

243 Oroma terme d'origine kan uri. - Daudu : épithète donnée à tout galadima (voir ABRAHAM R. C., op. cit., p. 199)

244 Ragiji : onomatopée qui nous semble intraduisible.

137

- Tout ce qui tombe entre tes mains

- Devient proie.

-Toi qui réponds à tout cri d'alarme:

- L'assaillant qui charge promptement en criant!

Ainsi dans les fonctions que ce kirari met en exergue, Kaura

dispose de tout un personnel central. Son adjoint à la cour et au

conseil est le Durbi, celui-là même qui est le représentant de la

première dynastie du Katsina, comme le montre un fragment de son

kirari:

Kirarin Durbi

1-Awalin saran Katsina Kumayau !

-Ina ne ba na kuba ?

-Magajin Dan-gangu !

Traduction

~ -Kumayau est le fondateur du Katsina

-Tout Katsinaoest à vous

-Héritier de Dan-gangu !

Durbi lui-même dispose de deux adjoints mashi et magajin

hamsheta. Mais Durbi ne peut jamais succéder au kaura. Les deux

autres adjoints du Kauran Katsina participant aux combats et

susceptibles d'être des kauraye étaient marusa et rafa.

Deux autres personnages importants de l'armée sont: uban

dawaki et magayaki. Le premier est le chef de la cavalerie. Le second

138

semble être le responsable de l'arsenal du palais et chargé de la

protection personnelle du Sarki245.

La liste de la «main gauche» du Sarki est complétée par d'autres

personnages:

-Sawa

-Rade

-Dan Bushiki qui dispose aussi de deux adjoints: zanuwa et sarkin

dogarai (chef de la police)

-Makama

-Doka246

-Shantali Babba, Shantali Karami,

Maradi et tous les percepteurs centraux sont de "la main gauche'247,

et. .. 248.

L'autre branche de la cour est la < <main droite> > de sarki (hanun

dama).

La main droite, elle était placéé sous le commandement du

Galadiman Katsina qui est la véritable épine dorsale de l'administration

centrale. Il est en quelque sorte «l'adjoint» du sarki sans pourtant

avoir le droit de lui succéder. Nous avons vu qu'il convoque le conseil

électoral et dirige tous les rites d'investiture du nouveau sarki. En cas

de vacance du pouvoir, il assure les responsabilités du sarki. En temps

245 USMAN Y .. B., op. cit., 1981(a), p. 80.

246 Certains de ces titres comme ceux des pages précédentes ont été l'objet d'un commentaire. D'autres seront commentés plus loin. Cependant, ils demeurent de titres dont nous ignorons la fonction précise. Notre souci est d'éviter de donner des significations partielles des titres comme l'ont fait nos prédécesseurs.

247 Pour les perceptions et les titres voir USMAN Y. B., op. cit., 1981(a), pp.61 ; 180-181 ; USMAN Y. B., op. cit., 1972, pp. 175-177 et notre paragraphe sur les ressources de l'Etat et de l'administration

248 kaura" magajin bakabe, doka" makama" etc .. sont d'origine servile.

139

de guerre, il représente l'autorité suprême dans la capitale et

l'ensemble du pays. Il doit y assurer la sécurité et expédier les affaires

courantes.

Comme 11ndique son kirari , le Galadima est vraiment l'un des

piliers du pouvoir central :

1-Babba hasken fada !

- Ta sashi, ba'a sashi !

- Ka bada gona

- Ka hana iri !

5-Babba toma kashin gari

-Gwabron giwa,

-Gulbi sha bakosani Daudu

Traduction

l-Grand dignitaire, lumière de la cour!

-Seule à la cour, il obéit!

-Tu donnes un champ,

- Mais refuses la semence!

5-Grand et unique pilier de la ville249 !

-Le plus grand dignitaire,

-Rivière amassant de flots acharnés, Daudu !

Dans ses fonctions, le Galadiman Katsina est aidé de quatre adjoints :

-Mashika son premier lieutenant;

249 Galadiman Katsina est un eunuque servile, malgré son statut, sa position était très recherchée. -ABRAHAM R. C., op. cit., pp. 190, 289.

140

-Dan baganzame (responsable de la teinture) ;

-Zariya (responsable du commerce de sel) ;

-Et Dan Negaba.

-Les deux derniers, bien que de "la main droite", participent à la

guerre.

Yan daka était un autre personnage soumis aux ordres du Galadima .

Il n'est pas superflu ici, de rapporter le kirari de yan daka :

Kirarin Yan Daka

1-Jimre rani, Jimre damana Bagube !

-Jimre magajin mai nasara !

-Mai nasara Yandoto !

-Guntun kirin kura, ko ya kire ya fadi !

5-Kare ba shi dauka tai, ko ya kasaita

Traduction

l-Bagube250 qui surmonte la saison sèche et la saison humide!

-Résiste, héritier de mai nasara !

-Mai nasara de Yandoto!

-Redoutable reste du charme de l'hyène, que, même traînant à

terre,

5- Le chien le plus hardi n'ose porter.

250 Les raisons des allusions à bagube ne sont pas daires. S'agit -il du peuple gubawa?

141

Comme le fait apparaître ce kirari, yan daka est le représentant

des plus anciennes populations du Katsina et de certains dignitaires

sûrement originaires de yan doto.

Yan daka dispose également, dans ses fonctions de deux adjoints non

moins importants. Il s'agit de :

Mari, chargé de gifler le sarki en prononçant le rituel «oublie,

oublie»251 ;

doka est chargé de l'exécution des sentences. Il a lui- même sous ses

ordres: galadiman doka, ubandawakin doka, Makama (chargé des

arrestations), dokan hatsi252 et dan tura (chargé d'emprisonnement).

Une autre personnalité très importante de la main droite est la

jakadiya ou jeka fada253. Elle doit coordonner les activités de la cour

et celles de l'intérieur du palais.

Quand le sarki est au repos, elle seule peut rentrer dans sa chambre

pour le contacter quand il s'agit d'une affaire d'État. La jeka organise

également la vie privée et conjugale du sarki. Son rôle est donc

capital.

Parmi les membres de la "main droite" on peut également citer

dagaci et dan-muri (palefrenier).

L'organisation de la cour ne peut être expliquée de façon rigide par la

distinction entre" main gauche" (hanun haunl) et "main droite" (hanu

dama) en prenant comme seuls critères les officiels qui" se trouvent

sous les ordres _de kaura ou ceux 'qui sont sous les ordres de galadima,

251Voir notre desëription des élections et.de "ntronisation du sarki. 252Dokan hatsi est l'un des percepteurs qulSôiïnî la main droite.

253 Elle détient aussLu[l poste clé. Ene -est la confidente du sarki. Voir: DAVID P., op. cit., 1971, p. 667 ; HAMANI Dj, op.dt., 1975, p. 110 et.MARIKO A. K., «Les aires culturelles mandingue et hausa : étude comparée : COll vergences et divergences» ln politique culturelle et unité africaine. Niamey, CELHTO, 7-11 Décembre 1981, p. 110

142

ou même ceux qui participent et ceux qui ne participent pas à la

guerre. Comme nous venons de le voir, il y a des recoupements entre

les deux ailes considérées de la cour. Ensuite, il existe d'autres

branches de la cour qu'on ne saurait classer ni à gauche, ni à droite :

c'est le cas de jeka fada, de iya, de mal/aman fada et de la catégorie

des princesses et des princes.

La iya réside à Maradi et occupe la seconde salle du palais.

Elle est la souveraine incontestée du bori, de toutes les femmes254 du

royaume et elle s'occupe du mariage des princesses. C'est une

princesse, nommée par le sarki pour l'aider dans ses fonctions après

consultation des marabouts (mallamai) et du conseil électoral. En

général, première adepte du bori dans le royaume, la iya peut ne pas

être initiée au culte de bori, donc n'être pas possédée par les génies

(iskoki ou boruruka). Le rôle de la iya ne se limite pas au plan des

affaires religieuses ou féminines. Elle remplace le sarki lors de la

procession du ramadan pour laquelle elle revêt des vêtements

d'homme: «Très souvent, lorsque son frère mourait, elle devenait la

première adversaire du nouveau ·sarki. Sa nomination ressemblait

d'ailleurs beaucoup à l'intronisation de son frère. Ce jour-là elle

revêtait des vêtements analogues à ceux du prince, après avoir été

portée sur le dos d'un haut fonctionnaire jusqu'à la porte de son

palais. Puis, elle vient frapper quatre coups sur UA tambour, sur lequel

__ " 254Femmes mariées, femmes divorcées, prostituées (karuwal) et veuves. -Le kirari de la iya laisse entendre qu'elle peut influencer un jugement. -Dabkari makama kafa - Dabkarari dont Il faut chercher le soutien -Mariyama ta Korau - Mariyama descendante de Korau -Mariyama raya Duwatsu ! - Mariyama qui redonne vie aux montagnes -Tada na kwance na zamne ya zama tsaye-Terreur des condamnés. -Mai yi da wuta faskara taba ta zaki ! Celle qui punit avec le feu et dont le jugement est sans

appel; parente du roi, -SMITH M. G., op. cit., 1971, pp. 107-108.

143

le sarki frappa lui-même douze coups avant de devenir l'époux du

pays. Puis elle se para des mêmes bracelets que le sarki et partit faire

une retraite de sept jours accompagnée d'un homlTJe et d'une femme

du clan gardien des bracelets d~ntronisation. La femme alla dormir à

ses côtés tandis que l'homme se place en travers du seuil. Au terme

de cette retraite elle doit être présentée à son peuple. Pour cela, elle

part faire à cheval une tournée du pays. Elle doit parmi ses multiples

fonctions, vérifier les dispositions et les compétences de yan bori». 255

Le poste qui se rapproche le plus de celui du sarki est celui de

iya. Cependant, elle reste, malgré tout son pouvoir, une souveraine

administrative et politique, dans la limite de son pouvoir défini par la

tradition en fonction de son sang royal et de sa position au sein de la

sarauta.

La iya256 est aidée dans ses fonctions par la sarauniya qui est sa

femme de confiance, la kaura, son intermédiaire, et la magajiya toutes

étant des princesses.

. Titres des princesses

Iya;

Jekadiya;

Magajiya hawa257 ;

Magajiya tashibdi ; .

Magajiya maskomi;

255MONFOUGA-NICOLAS Jacqueline, Ambivalence et culte de possession : contribution à l'étude du Bori hausa. Paris, ed. Anthropos, 1972, pp. 153-154.

256 Les postes comparables à ceux de Iya sont occupés par inna au Gobir, magaram au Damagaram" magajiya au Daura" magira au Borna, etc ... 257 Magajiya semble être nommée parmi les sœurs cadettes du sarki et détient le fief de Riyad/. Le rôle des autres princesses n'est pas précis (DAVID P., op. cit., p. 667). Selon SMITH M. G., op. cit., P. 18, elle dirige les femmes aux cérémonies de la fête du Ramadam devant le palais royal.

144

Magajiya mai Rimaye;

Magajiya dagabo ;

Magajiya bajini ;

Magajiya er Jigari ;

Magajiya er Jesa;

Mariya, etc.

Les lettrés musulmans constituent une autre catégorie des

dignitaires plus ou moins attachée au pouvoir central. Nous avons déjà

parlé de cette intelligentsia au début de ce travail. On se rappelle

encore aujourd'hui 11nfluence et le rôle joué par certains éléments de

cette intelligentsia dont les figures les plus marquantes furent Abu

Abdullàh Muhamad Masani b. Ghumehu b. Muhammad b. Abdullàh

Nuh al Barnawi al Kashinawi (1595 -1667) et son disciple Muhammad

Ibn al-Sabbagh al Kashinawi dit Dan Marina pour ne citer que ces

deux258.

Cette intelligentsia, puissante de sa science et de l'impact de

l'islam dans les États ha usa devait désormais être associée au pouvoir.

Nous avons également vu que l'importance de sa position idéologique

au XIXe siècle lui permettait de canaliser le mécontentement populaire

et d'entreprendre un mouvement de réforme. Ainsi, on trouve dans les

cours du Soudan Central des lettrés musulmans qui rédigent les

correspondances du roi ou dirigent les prières. Leur présence donne

également un certain crédit aux autorités politiques. Un dignitaire

2580ANKOUSSOU 1., op. cit., 1970, pp. 38-52 ; - PALMER H. R., op. cit., 1967 ; - USMAN Y. B., opcit 1981(a), pp. 27, 31, 34, 35, 37.

145

musulman, a/kali (juge), bien que ne siégeant pas à la cour, rend des

jugements dans des cas qui lui sont envoyés par le sarki.

Ici nous sommes réduits à ne rapporter que la liste des dignitaires

musulmans au niveau du pouvoir central telle qu'elle a été donnée par

Tilho.259

1. A/kali ;

2. Liman;

3. Dan Dubba/;

4. Dan A/kali;

5. Dan karami;

6. Dan mania;

7. Dan jirifi ;

8. Dan ga/shi;

9. Dan kudu;

10. Na ciki ou imam particulier du sultan ;

11. Na sara (ainsi nommé parce que pendant la prière du vendredi, il

se tient dans le sara ou niche du mur est de la mosquée) ;

12. Naibi ou représentant du liman.

Les princesses comme les princes sont pour la plupart oisives. Elles

sont toutes envieuses de la position de iya et n'attendent que de lui

succéder comme les princes espèrent tous succéder au sarkj2.60.

259nLHO, II, op. cit., 1906, pp. 335-536. Comme on peut le remarquer, cette liste comporte certaines imprédsions. Par exemple selon l'auteur « à partir du 3è tous ces titres sont ceux que portent les premiers titulaires de la dignité». Mais de quelle dignité s'agit-II? La liste de yan sarki ne fait· pas apparaître des princes portant un de ces titres, moins encore les autres grands dignitaires

2600AVIO P., op. dt., 1969, p. 667.

146

"

· Titres des princes

1. Dan galadima261 ;

2. Mayana;

3. Dan zambadi ;

4. Barahiya;

5. Dan dadi;

6. Magajin haladu ;

7. Tsiko;

8. Dan Baskore ;

9. Dan Basaka;

10. Maremawa;

11. Lambisa ;

12. Dan yakuba ;

13. Dan kobaye ;

14. Dan kasawa ;

15. Dan kimalle;

16. Sakawa;

17. Dan bindi;

18. Kanarwa ;

19. Dan bado;

20. Horoce;

21. Binoni;

22. Dan nana;

261 Les six premiers princes sont donnés dans l'ordre de successibilité théoriqUe. DAVID P., op.dt., 1969, p. 666.

147

23. Tsakuwa;

24. Machika262 ;

25. Magajin Tsiko ;

Etc ...

Les princes constituent une autre catégorie de privilégiés. Ils

forment un véritable groupe de pression dans la cour contiguë à celle

du sarki appelée unguwal Dan Galadima (quartier de Dan

Galadima263). leur propension à abuser du pouvoir est cependant

tempérée par leur ambition d'être un jour sarki.

262cette liste a été établie à partir de la tradition orale et des auteurs comme: -DAVID P., op.cit., 1971, pp. 665-667 ; -MARIKO A. K., op.dt., p. 40 ; -PÉRIÉ J., op.cit. ; -llLHO, Il, op.cit., 1906-1909, pp. 510-52. 263USMAN Y. B., op. cit., 1981(a), pp. 181-184 ; -DAVID P., op.cit., 1969, p. 667.

148

· Titres de Katsina et correspondants en francais selon 1. Dan koussou

Hausa(singuller) Hausa (pluriel) Français

1 Sarki Sarrakunàa Roi

2 Sarkin faadà Saraakunàn faadà Chef de service des renseignements

3 Gà/aàdimaà Ga/adimoomii Commissaire de police

4 Yaari Yaaraawaa Chef de la sûreté

5 Dookaa ? Huissier

6 Doogarii Doogàrray Agent de la police

7 Kauraa Kauraayee Ministre de la défense

8 Maà dawaki ? Commandant de la cavalerie

9 Ma gaà Yaaki ? Général de 11nfanterie

10 Maashi ? Intendant des munitions

11 Bardee Baraàdee Soldat

12 Durbi Durboobii Chef féticheur-prêtre

13 Yandaka ? Valet de chambre

14 Maruùsa ? Prétendant au titre de kaura

15 Shantà/i Shanœllay Qui tient le récipient où crache le sarki

16 Magaàji Magaàjay Maire

17 Daàgàad ? Secrétaire de la mairie

18 Wàkiilii Wàkillay Représentant

19 Haakimii Haàkimay Barons, Ducs

20 Bàrgaa Bargaàyee Maréchal de logis

21 Dan muuri Yan muuri Palefrenier

22 Waalii Wallaàyee Président de la cour suprême

23 lyaà lyooyii Titre d'un prince responsable des

affaires matrimoniales264.

264plutôt d'une' princesse. DANKOUSSOU 1., op. cit., 1970, pp. 6 et suite. Cette liste, quoique très intéressante à certains égards, nous paraît schématique et ne permet pas de comprendre les dimensions de différents titres ou rôles. Ainsi certains rôles ne sont que partiellement définis tel que celui de iya , le rapport entre kaura et durbi, la variante du titre de marusa (rahwa, daudu, Yérima, etc ... ); le rapport entre ga/adima et yandaka, le rôle de lihidi, alkali, imàm, magatakarda, zaggi, etc ... sont absents.

149

C ) L'organisation militaire

Puisqu'ils devaient reconquérir leur pays, la guerre était l'un

des objectifs des représentants de la dynastie de K~rau, retranchés à

Ma ra di. Ils ne manquaient pas alors d'~ccorder à I~frmée une place

importante dans leurs institutions. Du reste, l'État req:mstitué à Maradi

n'était que provisoire dans l'esprit des jikokin Korau (descendants de

Korau) et la ville de Maradi n'était autre chose pour eux qu'un

sansanin yaki (camp de rassemblement pour la guerre), du moins

jusqu'en 1875. D'ailleurs jusqu'ici, cet idéal demeure dans l'esprit de

Jikokin Korau de Maradi à en croire Alhaji Nagoje et les dignitaires

actuels de la cour de Maradi. Cependant nous nous gardons de dire

que l'État de Maradi n'avait d'objectif que la guerre et le pillage

comme le pensaient et le pensent encore David, Smith, Tilho et

autres265.

Au Katsina Nord, le sarki lui-même va à la guerre, mais le

véritable maître des runduna demeurait le kaura évoqué plus haut. Il

est toujours au devant des armées et au retour il tient l'arrière garde

de celles-ci266.

L'une des principales forces de frappe de l'armée du Katsina

Nord est la cavalerie lourde comme nous l'avons vu au temps de Dan

Baskore. Mais celle-ci demeure l'apanage. des nobles, de leurs

265Wakar Sarkin Katsina (Maradf), (chanson de sarkin Katsina (Maradl) par A1haji Baia NAGOJE, cassette disponible à la Voix du Sahel ; -E.C.E., Maradi, Mai, 1984 ; -A la mort de Usman Nagogo (avant dernier émir de Katsina, en 1985) un prince, Dan Haido, était parti de Madarunfa pour présenter sa candidature au trône de Biml Katslna. -DAVID P., op. clt, p. 667 ; -SMITH M. G., op. dt., p. 118 ; -llLHO, n, op. dt., p. 520.

266 - Voir le Kirari de Kaura

150

serviteurs et des guerriers spécialisés ou des soldats de métier

(barade/ barde au singulier), la différenciation sociale se traduisant

même au cours des combats. Le corps de la cavalerie est sous le

commandement de Uban dawakin Katsina (chef de la cavalerie). Le

gros de l'armée est constitué de 11nfanterie. Les éléments de ce corps,

dakaru, yan karma, etc ... sont levés en masse en cas de besoin par les

sarakunan kasa sur l'ordre du pouvoir central. Tous les corps de

l'armée sont mobilisés de la sorte. Les sarakunan kasa à leur tour

donnent des ordres aux sarakunan samari pour la mobilisation.

Le corps des archers est avant tout sous le commandement de

sarkin baka (chef des archers), lui-même sous les ordres du maradi

qui supervise les archers en arrière- force autour du sarki. Le kauran

Katsina supervise de manière permanente tous les corps d'armée. Le

plan de guerre est établi par le conseil d'État qui regroupe le conseil

électoral et le sarki. En cas de besoin, le soutien du Gobir et de tout

autre État allié peut être sollicité. Au moment de la préparation et du

départ en guerre tout mouvement entre les villes, entre les États et les

sorties des villes sont strictement et officiellement contrôlés par le'

Galadima et ses hommes. Le rassemblement pour le départ a lieu à

une heure et en un lieu appelé sansanin yaki (camp de rassemblement

pour la guerre). Deux éclaireurs dan yusufa et baita, précédent

l'armée pour dégager la route la plus' stratégique et la plus opportune,

ou du moins pour procéder à la mise en application de la stratégie

déjà établie.

A l'approche des adversaires, ce sont les gens de la lignée de

yan ja yaki ou yan 50 yaki qui attaquent les premiers.

151

Les principales armes de combat sont le sabre (takobi), la lance

(mashl), asigiri (arme de jet), des couteaux et de nombreuses armes

pour le combat corps à corps. Le fusil fait partie également des armes

utilisées. Les yan bindiga. (détenteurs du fusil) sont sous le

commandement de sarkin bindiga (qui commande le corps des

guerriers armés de fusil). L'armement est aussi composé des moyens

de protection: surke ( cottes de maille), lihidi (caparaçon), garkuwa

(bouclier), etc ... Les habits lourds de protection sont surtout utilisés

par la cavalerie267.

dl La justice

Nous avons vu que le monarque, souverain du kasar Katsina,

est le sarki. Il est placé au sommet de la hiérarchie politique. Tant qu11

est au trône, le sarki est investi de tous les pouvoirs, y compris les

compétences juridiques. Tous les délits graves, entraînant des

sanctions sévères (troubles à l'ordre public) sont soumis à la

juridiction du sarki. L'un~ des principales affaires dont se p'réoccupe ,

sérieusement le sarki c'est la contestation d'un pouvoir ou d'une

autorité (renuwar ikon sarauta). Le respect des normes de la société

était de rigueur dans la société précoloniale du Katsina, du moins

jusqu'en 1892. Seule une période de troubles ou de crise peut

permettre à certaines personnes d'aller au-delà de la «constitution».

Mais à partir de 1892, des désordres interviennent dans beaucoup de

domaines. Kaura Hasau établira sa propre cour en tant que kaura avec

267 E.C.E, Maradi, mai, 1984; -SMITH M. G., op. dt., pp. 118-120 ; -USMAN Y. B., op. cit., pp. 186-187.

152

un lieu d'exécution à Hasau. Ce lieu est même de nos jours connu

sous le nom de marken doka (arbre au pied duquel on exécutait les

condamnés)268. Mais si le sarki peut trancher sur le cas de quiconque

conteste le système, il peut également être jugé et destitué ou même

tué par le conseil électoral (sarakunan karaga en abrégé karaga, ou

sarautar galgajiya selon les auteurs)269. Ce conseil participe

également au jugement concernant son personnel ou ses administrés.

Le Galadima est responsable du jugement des princes. Il est

aidé par dan negaba, personnage officiel qu'il nomme lui-même et

dont le rôle est de limiter le pouvoir des autres hauts responsables de

l'Etat ou des princes. Malheureusement les autres aspects du rôle de

dan nagaba sont aujourd'hui mal connus. Tous les princes qui

commettent un acte d'expropriation (kwace) objet des critiques

d'Usman Dan Fodio contre les souverains des États Hausa, un adultère

ou un abus, sont convoqués par dan negaba devant le Galadima.

Cependant, il ne semble pas que les victimes pouvaient déposer des

plaintes directement contre les princes. Les princes, non plus, ne

subissaient pas des peines d'emprisonnement ou de châtiment

corporel. Néanmoins, les princes ne sont pas moins punis à leurs

points les plus sensibles. Un prince qui commet fréquemment un ou

des actes condamnables voit de jour en jour sa popularité

compromise. Le conseil d'État autorise le Galadima à donner, au prince

fautif, un avertissement, compromettant ainsi ses chances futures

ou les faveurs royales. Cet avertissement est d'autant plus important

268 - E.C.E., Hasau, mai, 1984. Marke: une espèce d'arbre.

269 SMITH M. G., op. cit., 1971 et US MAN Y. B., op. cit., 1981, (a), p. 78.

153

qu'il est donné par la personnalité même qui convoque le conseil

électoral et dirige les élections pour le choix d'un nouveau sarki. Alors

que l'ambition de tout prince est d'être un jour sarki.

. L'islam jouissait d'une place privilégiée dans la société

précoloniale du Katsina, un juge lettré musulman (alkali) rendait la

justice officiellement. Il est chargé de régler les différends de moindre

ou de grande importance entre les musulmans. Toutefois les

différends qu'il doit régler lui sont envoyés par le sarki. Ses sanctions

se limitent aux paiements des amendes et au serment coranique. Il a

aussi la compétence sur le divorce, les conflits à propos des dettes ou

des contrats, sur l'adultère et sur des petits torts. Il verse une partie

de ses amendes dans le trésor du sarki.

Les sarakunan garuruwa ou les masugari à leur tour,

disposaient des cours analogues à la cour centrale et rendent la justice

pour les différends qui ne dépassent pas leur compétence.

La prison (kurkuku) est aménagée dans le palais royal. Il s'agit

d'une fosse profonde fortifiée. Ici des dispositions sont prises pour

veiller à la sécurité des prisonniers. Par exemple, on s'assure qu11 n'y a

pas de serpent dans la fosse. Ensuite, la durée d'emprisonnement est

très Iimitée270. La prison est gérée par deux catégories d'agents mais

tous d'origine servile. La catégorie d'agents chargés des arrestations

dont chacun porte le titre de makama et la catégorie de ceux chargés

de l'emprisonnement, qui portent chacun le titre de dan tura.

270 E.C.E, Maradi, mai, 1984 i -E.I.E, Tasawa, mai, 1984 i -E.I.E, Maradi, mal, 1984.

'~''''''''

154

Les condamnés à la peine capitale sont exécutés par un agent qui

porte le titre de doka271.

Les propriétaires d'esclav~s sont responsables des fautes

commises par leurs esclaves. Un homme libre qui tue l'esclave

d'autrui, doit lui en fournir un, en compensation272. Un homme peut

aimer son esclave femme. Cette situation confère à l'intéressée le

statut de er sa da ka (intégrée) et ses enfants sont des enfants

légitimes autant que les autres enfants des mères d'origine libre.

el Les ressources de l'État et de l'administration

Nous allons à présent examiner la base matérielle de l'Etat et

de l'administration à partir des institutions.

D'ores et déjà, il faut préciser qu'à partir de 1817, au Katsina

Nord, il n'a existé aucune taxe prélevée sur les protégés des

musulmans (Ah al dhimma). Les taxes sont p~élevées sans tenir

compte des considérations religieuses. Comme l'examen des

réglementations de la société du Katsina le révèle, les revenus de l'Etat

et de l'administration du royaume ne provenaient pas seulement de la

guerre. D'ailleurs, la part de celle-ci est aléatoire. Les revenus de l'État

et de son administration proviennent essentiellement des activités de

production du royaume. Quiconque accède à une promotion ou à un

titre fait un cadeau obligatoire au sarki (kudin sarauta).

Les kudin sarauta et la gaisuwa ('don au sarki ou aux autorités)

augmentent aussi les revenus de l'État et de ses organes. Toutes ces

271Loi ; l'exécuteur.

272SMITH M. G., op. cit., pp. 117-118.

155

ressources que nous venons d'évoquer, ajoutées aux conditions de

l'évolution du Katsina au XIXe siècle, déjà signalées, nous montrent les

véritables fondements économiques de l'État au Katsina Nord.

Les institutions de cet État, ne permettent pas de croire qu'il

n'arrive à fonctionner que sur les revenus de la guerre273.

L'une des ressources les plus importantes de l'État et de

l'administration demeure les produits des grandes propriétés foncières

royales(gandayen sarkl), exploitées par les esclaves, les serviteurs et

les paysans.' L'État prélève également le kudin kasa qui est une taxe

prélevée sur chaque mai gida (chef de famille)274. Cette imposition

vise à prélever une petite portion du revenu familial annuel, pour le

compte de l'État.

D'autres impositions sur l'agriculture concernent les activités de

l'exploitation de la vallée (fadama), kudin rafi (taxe sur les points

d'eau), les activités agricoles pour la production industrielle ou

commerciale : arachide, tabac, indigo, etc ...

A ces taxes, il faut ajouter les recettes provenant de l'élevage

plus connues sous le nom de jangali. Dans le contexte du XIXe siècle

au Katsina Nord, nous avons vu que la chasse tient une place

importante aussi bien dans la distribution géographique des

populations que dans la production de leurs moyens d'existence275.

Ainsi, cette chasse a des retombées financières dans les caisses de

mE. ca. E et E. c. E,. Maradi, mal, 1984 : -DAN KOUSSOU .1., op. dt, p. 98 ; -DAVID. P., op. dt, 1969, pp. 659-660 ; -USMAN Y. B., op. dt, 1972, p. 177.

274USMAN Y. B., op. dt., 1981(a), p. 83.

275volr notre partie sur le Katslna Nord avant le Jlhàd.

156

l'État. Des impositions existent sur certains animaux comme la civette

ou des produits de la chasse comme le margi (viande séchée)276.

L'existence, dans les institutions de postes, comme ceux de

sarkin mahalba (le chef de la corporation des chasseurs) ou de sarkin

bindiga (le chef des chasseurs au fusil) se justifie en partie par la

collecte des taxes sur les différents produits de ces corps de

chasseurs. Mais ces postes ont d'autres fonctions que la perception

des impositions.

Certains centres du Katsina Nord ont une vielle tradition du

commerce et sont servis par des grandes voies commerciales277. Or

l'existence du poste de tafarki (agent de sécurité sur les voies

commerciales), de madugu (caravanier en chef ), des sarkunan sana'a

(responsable des corps de métiers), du poste de kofa (gardien d'une

porte de la cité), des taxes prélevées sur les métiers (kudin sana'à),

etc .. et les multiples activités industrielles et artisanales ne permettent

pas de douter sur la contribution du commerce278 dans les revenus

de l'État et de l'administration.

Selon M. G. Smith, une charge moyenne de 1200 cauris est

versée chaque année à l'État pàr toute personne exerçant un métier

dans le royaume : les griots de toutes sortes, pêcheurs, marchands279

itinérants, tailleurs, tanneurs, travailleurs de cuir, teinturiers,

276E.C.E, Hasau, mai, 1984; -USMAN Y. B., op.cit., 1972, pp. 176-177.

277USMAN Y. B, op. cit., 1981(a), carte B.

278la terme kurga (veillée au cours d'une activité de production notamment le filage du coton) est une indication de 11ntensité des activités de production; -USMAN Y. B., op. dt., 1981(a), p. 83. 279 .. SMITH M. G., op. Clt., 1971, pp. 112-115

157

forgerons, barbiers, marchands de potasse, tisserands, marchands du

fourrage, bûcherons, charpentiers, maçons, potiers, etc ...

A chaque arrivée, les marchands étrangers doivent payer cinq

cent cauris par chameau et deux cents par âne280. La zakkat (taxe

légale sur les gains), la dÎme (un dixième du revenu), kudin girka (taxe

sur l'initiation au culte de bon), d'autres taxes perçues par la iya et son

personnel gonflent les revenus de l'État.

bu statut du nouveau marié jusqu'à celui de sarkin anna, de

tambara et celui de sarkin noma, le porteur d'un de ces titres doit

manifester le changement de son statut par le versement d'une

certaine redevance à l'État281. Ainsi, cent cauris sont versés au sarki

pour chaque fille qui se marie282. Chaque année des responsables,

chacun selon sa fonction, vont en tournée et ramènent les

contributions de leur domaine, rasse"mblées près des sarakunan

garuruwa par un personnel auxiliaire. Il est certain qu'une partie de

ces perceptions va à tous ceux qui ont participé aux prélèvements et

au regroupement.

Mais, les abus dans ce sens étaient réduits par un système de

contrôle qui régnait entre le sarki .et le conseil électoral, entre le

pouvoir central et le pouvoir des sarakunan garruruwa, entre «l'aile

gauche» du sarki et son «aile droite» et entre les dignitaires, nobles et

libres, et les dignitaires d'origine servile ou eunuques:

Ainsi, nous disposons de suffisamment d'éléments concluants

pour rejeter les déclarations non scientifiques et tendancieuses de

Tilho qui écrivait que «leur (les sarakuna) principale ressource était

280SMITH M. G., op. dt., 1971, pp. 112-115.

281Nous reviendrons sur ces termes plus loin.

282SMITH M. G., ibidem.

158

plutôt la part de butin qu'ils recevaient en retour des expéditions

auxquelles ils participaient. Cette seule raison suffisait à expliquer

pourquoi l'Afrique centrale n'a connu jusqu'à ces derniers temps que

désordres, pillages, anarchies et guerres perpétuelles»283.

Cette déclaration de Tilho résulte des idées préconçues, ne

reposant sur aucune analyse du fonctionnement de la société hausa

et des bases matérielles de ce fonctionnement.

Les recherches n'ont pas encore révélé un seul Etat hausa qui

n'aurait disposé que de butin comme principale base économique.

Ensuite, l'Afrique Noire n'a pas connu que des désordres, des pillages,

des anarchies et des guerres perpétuelles284.

Que des preuves s'accumulent aujourd'hui contre une telle

conception colonialiste de l'histoire, on ne peut qu'en être heureux.

Quand on sait que Tilho a publié le résultat de son travail au début du

XXe Siècle, au moment où le système colonial s'installait et où les

colons avaient besoin des justifications sur leur entreprise coloniale, on

comprend aisément les raisons des telles affirmations qui ont fait

fortune dans les milieux colonialistes et opportunistes285.

283nlHO, II, op. dt., pp. 519-520.

284Nous reviendrons sur cette question des moyens économiques de l'Etat et de l'administration. Sur la question de la signification des guerres entre les Etats de la région nous pensons avec Y.B Usman que l'histoire du Soudan Central est autre chose que l'histoire des guerres fratriddes entre les peuples ; -USMAN Y. G., histoire de Katsina : bande enregistrée à Niamey le 1/4/1975. Sonothèque, IRSH,

BR0460; -USMAN Y. B .• , op. cit., 1972, pp. 177-197 ; -USMAN Y. B., op. dt., 1979(a) ; -USMAN Y. B., op. cit., 1983, pp. 175-210.

285USMAN Y. B., op. cit., 1979(d), 14 p.

159

fJ Le contrôle de la gestion du royaume:

Beaucoup d'études faites sur les Etats hausa présentent encore

les sarakunan sana'a (chefs de corporations) comme de simples

agents de perception de taxes ou d'impôts. Pourtant une analyse de

l'organisation de la société montre que chacune de ces fonctions a un

caractère pluriel. Le sarkin kasuwa (chef du marché) n'est pas un

simple agent de perception des taxes sur le marché. Il organise ce

dernier, l'administre et veille au bon fonctionnement· de cette

institution d1mportance capitale dans la société286. Le sarkin mahalba

(chef de la corporation des chasseurs) à son tour rassemble non

seulement les taxes sur la chasse, contrôle cette dernière dans le

pays, mais aussi participe avec les chasseurs à la guerre et aux

cérémonies religieuses. C'est pourquoi, dans ce paragraphe, nous nous

contenterons de dresser une liste sommaire de ces agents de gestion

et contrôle.

Les biens publics sont soumis au contrôle et à la gestion des

fonctionnaires tels que :

-ma aji ou ajiya : trésorier;

-sarkin barga ou barga : chef des chevaux de la cour royale;

-sarkin Iihida ou Iihidi: responsable des caparaçons;

-sarkin surke ou surke: responsable des côtes de maille;

-sarkin mashi ou mashi: responsable des lances et munitions;

286Rappelons que la notion de chef signifie ici: qui est à la tête de (sarkin kasuwa : chef du marché) ou responsable de (sarkin lihida: responsable des caparaçons) c'est par contraction que les Katsinawa appellent sarkin lihida: Uhldi; sarkin surke: surke; sarkin mashi: mashi, etc ... Pour ce qui est des détails sur le marché voir :

-ADAMU M., op. cit., 1978, p. 12. -NICOLAS G., op. cit., BRO 185, I.R.S.H., p. 17 .

160

-barori (serviteurs) travaillent sur les domaines fonciers (gandayen

sarkl) ou autre propriété du sarki.

Cette organisation de contrôle et de gestion ne se limite pas aux

affaires de l'État. Elle se retrouve dans tous les domaines des activités

socio-économiques du royaume: circulation des biens et des

personnes, sécurité et défense du territoire, etc ... Voici une liste

sosmmaire d'agents :

-tafarki chef de la sécurité d'une voie commerciale dans un royaume.

-sarkin zango chef du quartier des étrangers où y sont souvent

construits des hôtels, des boutiques, etc ...

-sarkin alaru : chef de la corporation des porte-faix.

-sarkin kofa : responsable des portes d'une ville, des entrées et sorties

de cette ville; Ju contrôle des importations et des exportations et

de la sécurité des portes de la ville.

-sarkin kasuwa: (responsable du marché), rôle assumé dans certains

cas par le sarkin fawa (chef de la corporation des bouchers) ; les

dillalai ~ntermédiaires et témoins entre l'acheteur et le vendeur) et

al'mudda (mudda) ou sarauniya constituent une partie de son

personnel.

-sarkin noma 287 : grand agriculteur possédant de vastes domaines

agricoles.

-uban farauta : responsable de la battue.

-sarkin makera : chef de la corporation des forgerons

-tarno: chef de la corporation des tisserands

287 - Nous y reviendrons dans la cérémonie de dubu (mille).

161

-dan baganzame ou sarkin marina chef de la corporation des

teinturiers.

-sarkin majema : chef de la corporation des tanneurs.

-zannuwa: responsable de la corporation des vendeurs du natron.

-gariya: (massai) responsable de la vente du sel.

-almudda ou mudda ou sarauniya : responsable de la vente de grains

sur le marché.

-sarkin dawa ou sarkin daji: responsable de la brousse et de la forêt,

des défrichements, des feux de brousse et de la protection de la

faune.

-sarkin zaki : chef de la corporation des apiculteurs.

-sarkin magina chef de la corporation des maçons.

-sarkin aski ou aska ou sarkin ·wanzamai: chef de la corporation des

barbiers.

-sarkin giya chef de la corporation des distillateurs de la bière du mil.

-sarkin rogo chef de la corporation des producteurs du manioc.

-dokan hatsi: responsable des lois sur le mil.

-sarkin makoda : responsable de la corporation des pileuses du mil •

-magajin yado: responsable de la culture de certaines plantes

rampantes : courges, haricots, calebasses, etc ...

-sarkin hako : responsable de la corporation des chasseurs qui utilisent

les pièges.

-sarkin maroka : chef de la corporation des laudateurs.

-sarkin makada : chef de la corporation des joueurs de tam-tam.

-sarkin koli : chef de la corporation des marchands ambulants.

-sarkin bori: chef de la corporation des pratiquants du culte de

possession.

162

-sarkin an na 288 : responsable des animistes. Lesarkin anna est une

autorité réligieuse.

-sarkin bindiga : chef de la corporation des chasseurs au fusil.

-kauran noma289 : responsable en chef de la culture collective.

-sarkin gwabraye: responsable des hommes divorcés et qui sont

restés sans se remarier.

Tous ces responsables ou agents de contrôle ont chacun un adjoint

qui peut porter le titre de magaji, daudu, yerima, marusa,

ciroma290, etc ... et un personnel dont les postes rappellent à plus d'un

titre ceux du niveau central de l'État. Le véritable but de toutes ces

dispositions est le contrôle de l'organisation des biens, des

potentialités du royaume, des échanges et des transports.

Tous les moyens et les secteurs. de production et d'échanges ,sont

soumis à un contrôle ~t une organisation systématique sans ~ue cela

nuise à l'esprit d1nitiative.

288Le terme anne a· en même temps une connotation religieuse et professionnelle •. Il désigne tous ceux qui pratiquent la religion hausa ante-islamique et à la fois l'agriculture et la chasse comme le veut le kirari suivant: «cinakin anne noma, in rani yayi sai sassabe da farauta » soit littéralement «pendant la saison des pluies l'anne pratique l'agriculture; pendant la saison sèche, Il défriche et va à la battue». 289 A ne pas confondre avec sarkin noma dont nous dirons un mot plus loin.

290Certains de ces termes ont déjà fait l'objet d'une explication, d'autres seront commentés plus loin. Notre corpus de kirari donne plus de détails sur certains de ces titres. -E.C.E, Dan Gaya, mai, 1984 : témoignage de Issa Dan Gaya ; -E.C.E, Gazawa, mai, 1984; --Alhaji Dan Anace : Wakar Mutan Dan Alli: cassette en notre possession.

163

2. Autres institutions.

Dans le Katsina Nord, toute institution revêt à la fois un

caractère politique, économique, social et religieux. Nous procéderons,

dans cette analyse et pour I~ commodit~ de l'exposé, à une approche

de cette catég9rie des institutions par sections même si, dans la

réalité, elles étaient intimement liées. La richesse des institutions et le

souci de concision nous obligent à n'en présenter qu'un nombre

limité.

a) Les différentes catégories sociales

On peut schématiquement scinder la société du Katsina Nord

au XIXe siècle en trois catégories sociales : les masu sarauta291 (le

souverain et les princes du sang) ; les talakawa (les hommes du

commun, libres mais n'appartenant pas à la classe des princes et du

souverain), et les bayi ou bayu (esclaves).

Cette division est très schématique et ne rend pas compte de la

.complexité des catégories sociales, de la possibilité du passage d'une

catégorie sociale à 'une autre et des dynamiques qui animent les

groupes qui composent la société du Katsina. L'analyse du groupe de

l'aristocratie révèle des gens d'origine servile (kaura292, bayin sarki,

. 291Nous avons précisé à plusieurs reprises que le souverain porte le titre de sarki. Le prince porte le titre de biya maradl, ou de ma/na dans les secteurs situés plus à l'est, la princesse porte aussi le titre de blya ,marad/, ou malram dans les secteurs situés plus à l'est. 292L'adage hausa : «mal kuddl abokin sarki» (le riche est l'ami du roi) en dit long sur la position du riche et de son Importance sodale et économique.

164

etc ... ), des eunuques comme Ga/adima, des lettrés musulmans

(imam, a/kali, etc .. ) et des commerçants293.

Ce ne sont pas seulement les princes (yan sarkl) qui forment la

catégorie la plus distinguée de la société, mais tous ceux qui se sont

fait distinguer par leurs aptitudes, leurs talents ou leur instruction.

Bref, les gens qui ont accumulé une certaine richesse ou qui sont

jugés nécessaires pour le fonctionnement du système d'alors, se

trouvaient intégrés dans le groupe le mieux distingué.

C'est ainsi que les gens d'origine servile, ou socialement

méprisés peuvent avoir plus de pouvoir que d'autres, d'origine noble

et/ou libre. En effet, le Ga/ad/ma et le kaura bien qu'eunuques et

esclaves participent activement à l'élection du sarkl et peuvent même

le déposer. Ils contrôlent et limitent, avec d'autres personnes, le

pouvoir des princes.

Le groupe des ta/akawa est le groupe le plus important

numériquement; c'est aussi le groupe qui travaille le plus. Les

ta/akawa sont majoritaires et composés des agriculteurs, artisans,

éleveurs, de tous ceux qui ne sont théoriquement ni ba-sarake

(membre de la dynastie des souverains) ni bawa (esclave). Malgré la

tendance à la spécialisation .au sein des ta/akawa, le cloisonnement

dans la pratique de certains métiers n'est pas assez rigide. Il est vrai

que l'exercice de certains métiers, voire de tous les métiers, est lié à

293Notre enquête à Tasawa, révèle qu'au moment de l'arrivée de Dan Kasawa à Tasawa, Il fut refoulé par les autorités de la ville. Mals une femme du nom de Talle, une riche Touareg lui accorda ·l'hospitalité dans un quartier de la ville : E.I.E, Tasawa, mal, 1984. La vie de kaura Hasau nous montre aussi de quoi sont capables des gens qui n'appartenaient pas à la /ignée des princes.

165

l'expérience et à des pratiques religieuses et magiques, que les

détenteurs ne veulent transmettre qu'à leur descendance, leur

garantissant ainsi le monopole du secret de ce métier. Cette situation

a favorisé la formation des corporations. Mais beaucoup de talakawa

sont à la fois agriculteurs294, chasseurs, éleveurs, marabouts .... selon

les occasions. Dans la société ha usa en général et dans celle du

Katsina Nord en particulier, il n'y a pas une limite rigide dans la

pratique de la sana'a (métier), pourvu que les exigences que requiert

la pratique d'un métier soient satisfaites par celui qui veut le pratiquer.

En général, comme l'a observé 1. Kimba dans l'ouest nigérien,

il faut dire que «la tendance au cloisennement entre les différentes

activités n'a pris véritablement forme qu'avec et' après la

colonisation»295. -,

La pratique libre du commerce, du bori, des études coraniques,

de l'exogamie, etc ... , ne permettent pas de considérer la société du

Katsina Nord au XIX e Siècle comme une société à castes, où sévit

une séparation rigide des différentes catégories sociales.

Des restrictions' existent certes, dans les alliances sociales, pour

des personnes exerçant certains métiers (griots, bouchers), mais la

tendance générale de la société est à la mobilité.

Les esclaves: l'esclavage a bien existé au Katsina Nord du XIXe

siècle. La pratique de Samame (razzia d'esclaves) 296 dans tout le

Katsina Nord est une indication de l'existence de l'esclavage dans la

région. Notre informateur Mamane Galadima Tarna, témoigne que la

294j1 est courant d'entendre les Katsinawa dire: cinakin anne noma, in rani yayi sai sassabe da farauta (l'animiste est agriculteur ou chasseur selon la saison ). Cet adage nous montre bien qu'un habitant du Katslna pouvait être à la fols agriculteur, chasseur et animiste. 295 .' IDRISSA K., op. dt, 1982, p. 27. 296 E.C.E., Gabi, mai, 1984.

166

ville de Tarna est un des centres de vente des esclaves au XIXes297.

Mais, ni nos enquêtes sur le terrain, ni nos consultations, ne nous

permettent d'apprécier l'importance de cet esclavage. La pratique de

samame est limitée et surtout orientée contre les Etats adversaires.

Les guerres du Katsina Nord contre les jihadistes avaient-elles eu des

incidences sur la pratique de l'esclavage dans la région ?

L'absence de données précises ne nous permet pas de

répondre à cette question. Mais déjà au XIX e Siècle, le mouvement

anti-esclavagiste est développé, et la demande est de plus en plus

réduite. Le mouvement de l'islamisation peut avoir également limité

l'esclavage. Quoi qu'il en soit, l'analyse de la catégorie des esclaves

révèle également qu'à ce niveau aussi les différenciations sociales et

les inégalités persistent.

Il y a des esclaves de sarki qui, bien qu'esclaves, jouissent du

pouvoir du sarki. Toute atteinte à leur personnalité est considérée

comme un manque de respect au pouvoir du sarki ( renuwar sarauta)

et de la propriété du sarki.

Ils ont ainsi plus du pouvoir qu'un talaka quelconque. Ainsi, les

esclaves de toute personne distinguée, peuvent bénéficier de la

position de leur propriétaire. Mais quel que soit le sort des esclaves,

leur liberté est très limitée et ils restent la propriété et les moyens de

production de leur maître. La guerre, le commerce et la naissance sont

les principaux moyens de se procurer des esclaves.

Le statut des esclaves de l'époque précoloniale leur permet

d'accumuler des richesses au point de s'affranchir (fansa). Certaines

297E.In E, Niamey, 21 mars, 1985: Témoignage de Mamane Galadima Tarna. Notre Informateur né en 1935 affirme qu11 détient encore la chaine avec laquelle on attachait les esclaves au marché de Tama.

167

.----­\

esclaves peuvent bénéficier du statut de yan sa daka au singulier yar

sa daka (intégrées ou concubines légales) et deviennent ainsi les

femmes de leurs maîtres. Ses enfants sont des enfants libres et

peuvent jouir du même droit que les enfants d'une co-épouse libre.

Comme nous le disions tantôt, la question de l'esclavage reste

pertinente dans le cas précis du Katslna Nord. Malgré certaines

données générales sur l'esclavage dans la région 298, rien ne nous

permet d'apprécier à sa juste valeur, la part de l'esclavage dans les

préoccupations des habitants du Katsina Nord au XIX e Siècle.

b) ·Le mariage ---

Com~e dans beaucoup dé sociétés africaines, le mariage au

Katsina Nord est une institution très importante. Il permet non

seulement de perpétuer l'espèce humaine dans l'ordre, mais aussi

permet au groupe qui donne et/ou qui reçoit en mariage, d'élargir ses

partenaires sociaux. Le mariage revêt également un caractère

économique surtout qu11 s'agit ici d'une société polygame, où nourrir

une grande famille exige de gros efforts de production. Mais avoir une

grande famille offre aussi une importante force humaine de

production, quand. on sait que la principale force productive était

l'homme.

298SeJon le témoignage de Oapperton, en 1824 la population de Kano est à 50 % composée des esclaves ; en 1827 le même auteur rapporte le fait que les esclaves dépassaient les hommes libres. Barth pense que les esclaves étaient aussi nombreux que les hommes libres. Irmgard Sell nous donne une proportion des esdaves qui variait entre 25 et 50 % des populations totales. Ces propos critiquables bien sûr sont rapportés par: -ASHER HumphreyJ., «The Sokoto caliphate in

----" diplomatie perspectives» LAJf,.Volume XIII, 1972, p.334. - E.C.E, J/ratawa , mal, 1984 : Alhajl Iro nous rapporte que les jeunes qui faisaient un enfant naturel étalen vendus comme esclaves. Mais ils pouvaient être rachetés par les leurs.

168

Le mariage est aussi une institution religieuse. Le panthéon

animiste révèle un aspect d'une structure fondée sur le mariage entre

les différents dieux et déesses. Ainsi, l'ordre religieux anne, qui fut le

premier fondement idéologique de la société du Katsina, enseigne

pour une grande part le mariage. Beaucoup de manifestation des

cérémonies du mariage sont liées au culte anne, et bon nombre de

mariages, au début du XIX e siècle sont célébrés de façon purement

anna, selon une de nos informatrices, Hajiya Gado299.

~-----l'islam, religion adoptée par beaucoup de Katsinawa dont les

sou\l~r~ins--mêmes du XIXe siècle, recommande aux fidèles de se

marier. Parmi les réformes entreprises vers la fin du XVIII e siècle par

le roi du Katsina Ibrahim Maje, figurent des>mesures dictées par la

religion musulmane : la chronique de katsina enseigne "qu11 ordonna

aux gens de se marier et de prier"300.

L'ordre de la sarauta peut s'expliquer, dans une èertaines

mesure, comme un acte de mariage, entre le sarki mijin kasar Katsina

(le roi époux du territoire du Katsina) et le royaume (Kasar

Katslna)301 i ce qui rend possible le rapprochement de l'~liance du roi

(sarkl) avec son royaume (kasa), l'alliance qui régit le rapport entre le

ango (jeune marié) et la amarya üeune mariée). Le rapport entre le

rôle du sarki et le rôle du mari est évident- dans la mentalité des

Ka tsinawa. Le sarki est le maître du royaume comme le mari est le

299.LEROUX H., op. cit., 1984, pp. 604-620 ; -MOUNFOUGA-NICOlAS Jacqueline, op. cit., 1972, pp. 355-360 ; -E.In.E, Bargaja, Mars, 1983, Avril et Mai 1984, témoignage de Hajiya Gado. 300pALMER H. R., op. cit., 1967, pp. 81-82.

-------301 Précisions que Kasa est au féminin dans la langue hausa et le terme sarki au masculin d'où le mariage entre le masculin sarki (le roi) et le féminin kasa (la "terre" au sens du pays).

169

maÎtre du foyer. Lorsqu'on saisit l'importance de ce rapport on

comprend aisément le sort réservé au gwabr0302.

Le mariage étant un acte qui régit les relations sociales, il

impose aussi aux partenaires des conduites modèles. Les jeunes

doivent se comporter d'une manière convenable entre eux, d'une part,

et à l'égard de leurs beaux-parents d'autre part. De même que les

beaux parents doivent adopter une certaine conduite à l'égard de leurs

gendres ou brues.

La polygamie est une pratique très ancienne au Katsina Nord.

Deux sortes de mariages existent: le premier mariage entre deux

jeunes ouauran farin et le mariage d'un homme avec une femme

ayant chacun déjà contracté un autre mariage. Ce dernier cas

s'appelle auran jawarci. Une troisième forme intermédiaire existe dans

le cas du mariage entre homme déjà marié et une fille qui contracte

avec lui son premier mariage ou vice versa 303 .

Le premier mariage de deux jeunes gens est précédé par une

période defiançailles au cours de laquelle le jeune homme·fait la cour

à sa fianc~~ (tsarince). Au cours du tsarince, qu'on peut rapprocher du

terme Songhay-zarma fakarey, les deux jeunes peuvent même passer.

la nuit ensemble sans pour autant consommer l'acte charnel.

302Gwabro au masculin singulier, gwabruwa au féminin singulier et gwabaraye au pluriel. Ce terme s'applique à l'homme où à la femme, d'un certain âge, non mariés. 303Nous ignorons comment les Katsinawa appellent un tel mariage.

170

Au cours des fiançailles, le jeune homme fait des cadeaux à sa

fiancée pour manifester ses sentiments à son égard. Pendant le temps

des fiançailles, les deux amants apprennent à se connaître pour savoir

s'ils peuvent vivre ensemble ou" pas. Mais c'est surtout la conduite et

l'origine sociale des jeunes gens qui sont déterminantes dans le

mariage304.

Si la tagode30S est une aide du jeune à sa belle famille, elle n'en

demeure pas moins un moyen de contrôler les relations sociales du

garçon. Un jeune homme qui entretient des bonnes relations dans son

milieu social parvient à mobiliser beaucoup de personnes pour sa

tagode. En plus, les personnes sollicitées par ce jeune homme sont

plus déterminées à faire un meilleur travail.

Les relations de fiançailles et d'appartenance à la classe des

jeunes, imposent une certaine conduite. Le jeune homme ou la jeune

fille ne doit pas manger n'importe comment et n1mporte où.

Tout jeune qui enfreint cette règle· se voit sanctionner par les

• jeunes du sexe opposé. Cette sanction est connue sous le nom de

dubu.306 De même qu'il existe une relation de respect et de retenue

304les jeunes d'une certaine distinction sociale ont tendance à se marier entre eux. -l1lHO, op. cit., 1906-1909, p. 514.

305Tagode : Un travail collectif organisé par un garçon pour sa belle famille. Il pouvait le faire volontairement ou sur la demande de la belle famille. 306 Dubu : U ne faut pas confondre ici le dubu réalisé par le sarkin noma et le dubu qui consistait à fournir une grande quantité d'aliments au jeune de sexe opposé trouvé en train de manger d'une certaine manière ou dans un certain lieu. Il est certain qu11 existe un rapprochement entre les deux faits. Nous reviendrons plus loin sur le dubu du sarkin noma.

171

\

entre les jeunes, de même cette relation de respect et de. scrupule est

de rigueur entre les jeunes et leurs beaux-parents307.

Une fois que le mariage est décidé par les deux belles familles,

une dot en cauris est versée à la famille' de la jeune fille. Le montant

de cette dot varie entre 20 000 et 60 000 cauris selon Tilh0308.

Les cérémonies du mariage durent une bonne semaine et

rappellent à beaucoup d'égards la semaine de 11nvestiture du sarki. Si \

au cours de cette semaine le sarki se retire chez le Galadima, le ango

ou la amariya, eux, se retirent chez leurs oncles avec leurs amis (es) ;

on constatera également que si le sarki élu subit le wankan sarâuta,

le <Jngo ou la amariya, subissent aussi le wankan aure et dans

certains cas la amariya est même montée sur un cheval comme le

sarki ou la iya. Les rites religieux liés au mariage varient selon les­

groupes ou les corporations professionnelles.

La durée de zaman lalle309 varie aussi selon qu'il s'agit des fils

des taJakawa ou des enfants des dignitaires ou dès princes.

Pour les enfants des taJakawa ou des dignitaires cette durée

est d'une semaine310.

En cas de mariage des princes et des princesses, le zaman Jalle

dure deux bonnes semaines.

L'organisation du mariage des princesses incombe à la iya,

tandis que celui des princes incombe au Galadima.

307 IDRISSA K., op. dt., 1982, p. 20.

3°BnLHO, II, op. cit., 1906, p. 514, pour tous les détails des dépen~es du mariage et certaines pratiques nous prions nos lecteurs de bien vouloir se référer aux Documents scientifiques de la mission Tllho, II, op. dt., 1906-1911, pp. 513-515

309 Zaman lalle : semaine consacrée aux cérémonies de mariage. Durant cette semaine le ango ou la amarya s'enduisaient le corps, les pieds et les mains du hénné. 310E•ca E, Maradl, mai, 1984 i -E.C.E, Gazawa, mai, 1984, Témoignage de Yérima Nomao.

172

Selon Yerima Nomao de la catégorie de bayin sarki, à la cour

de Gazawa, le zaman Jalle des enfants de kaura doit durer un mois ;

mais aujourd'hui, il n'est que de deux semaines selon le même

informateur. Les raisons de ce changement ne nous ont pas été

données.

c) La cérémonie de van sha

Il ne saurait être question de faire un inventaire de toutes les

fêtes de la société du Katsina Nord.

Beaucoup d'institutions ont déjà été évoquées. La nomination

du sarki, le mariage, le tra~ail collectif, les victoires entre autres, sont

des occasions de faire la fête et de manifestations. D'autres, que nous

évoquerons par la suite, revêtent également un caractère de fête. Il

s'agit ici de présenter 11nstitution de yan sha311.

Le yan sha est un exemple significatif compte tenu de

l'organisation sociale qui l'anime, de son importance dans les relations -

entre les régions et entre les jeunes et de la période de sa célébration.

Ce serait, sans aucun doute, une erreur de qualifier le wasa

kara de simple fête. Le Yan sha est une fête de la jeunesse, célébrée à

la suite de la récolte du mil. Ainsi, si les activités agricoles sont

inaugurées par des cérémonies de budin daji, leur fin est annoncée

par cette fête des jeunes. Elle demeure une occasion de jeux, de

danse, de visite afin de lier amitié ou de renforcer celle-ci, dans le

cadre des organisations des jeunes gens de villages voisins. Chaque

311 Yan sha ou wasa kara. à travers la samariya, l'évolution tend à ne retenir que l'aspect organisationnel de cette institution. Le wasa kara ou yan sha, comme l'expression 11ndique, est une fête de fin de récoltes à travers une organisation.

173

jeune au sein de l'organisation de son village, rivalise d'ingéniosité,

d'hospitalité et de solidarité pour dépasser en prestige son partenaire

'du village voisin, en même temps que l'organisation du partenaire. De

ce fait, le yan sha est l'occasion des dons et des contre-dons entre les

membres des organisations partenaires. En tant que maillon de

l'organisation sociale, le wasa kara est en même temps une école de

vie pour les jeunes. Tout en favorisant les contacts entre les jeunes

d'une région, elle est en même temps une émulation à la réussite

collective, puisque tout se fait dans son organisation et pour l'honneur

de son village et de ses ancêtres. Cette organisation permet

également l'intériorisation par les jeunes de l'ordre'socio-politque312.

Elle exprime toute l'organisation sociale en vigueur. La plupart des

jeunes reçoivent chacun une fonction ou un titre des institutions de la

société et joue avec conviction le rôle qui y est attaché. Tous les

niveaux de l'o~ganisation sociale sont représentés au sein de cette

institution. Elle est dirigée par un sarkin samari (roi des jeunes)

correspondant du sarkin kasar Katsina (le roi du pays de Katsina).

Les ta/akawa, les barori, les bayi, le sarkin anna et tous les

sarakunan sana'a y sont représentés. Cette organisation n'a pas été

statique. Elle intégra au fur et à mesure de l'évolution des éléments de

la religion musulmane-mallamai (marabouts), des juges (a/ka/al), le

poste de l'imam (liman)- et du système colonial313. C'est ainsi qu'on

verra apparaître au sein de cette organisation les postes de : likita

312MOUNFOUGA-NICOLAS Jacqueline, op.c It., 1972.

313MOUNFOUGA-NICOLAS Jacqueline, op. cit., 1972, pp.35-36,

174

(infirmier), juju üuge occidental), kumandan (le commandant de

cercle), mai dajp14 (garde des eaux et forêts), etc ...

d) Les institutions de dubu et kan kwariva :

Il est très difficile de remonter à l'origine de certains titres

auxquels sont liées certaines cérémonies. Beaucoup de travaux

intéressants ont été réalisés sur le thème du processus de la formation

de l'État et les organisations sociales dans le kasar hausa (pays

hausa)315.

Mais l'étude de certains titres comme le sarkin noma, la

tambara, etc ... reste à faire. Dans beaucoup de cas, ces faits n'ont pas

été examinés avec attention ou alors ils ont été très peu abordés. Ces

faits, pour être mieux élucidés, devraient faire . l'objet d'une étude

spéCiale. Les. cérémonies de dubu et de kan kwariya, encore vivaces

aux XIXe et même au XXe Siècles devraient faire l'objet d'une étude

minutieuse. Nous ne pouvons nous étendre sur ces deux institutions

dans le cadre de ce travail, malgré leur importance.

314Avant la colonisation, le poste de sarkin daji et de mai daji ou mai dawa existaient. Mais ils ont gardé leur seul contenu professionnel et religieux : la chasse par exemple, laissant au garde des eaux et forêts, la fonction d'administrateur dans la circonstance de wasa kara. Ainsi l'appellation de mai daji n'est pas nouvelle.

315 SMITH A., op. cit., 1971 ; - SMITH A., op .dt., 1976, pp. 152-195 ; -SMITH A., op. dt., 1982, pp. 16-51. - SUTION J. E.G., «Towards a less orthodox history of hausaland» MJ:b. XX, 1979, pp. 179-201 ; -USMAN Y. B., op. cit., 1978, pp. 396-414. - Usman Y. B., op. cit., 1979(d).

175

1

' ....

• Le Dubu:

Le dubU316 peut être défini comme la cérémonie qu'un

agriculteur organise pour célébrer sa promotion d'agriculteur distingué.

Toutes les études réa1isées sur la question des organisations

économiques et socio-politiques dans le kasar hausa, comme ailleurs,

accordent une importance considérable aux agriculteurs. Mais aucune

étude ne nous permet de dater l'apparition du titre de sarkin noma.

Néanmoins, grâce aux travaux de Smith, Nicolas et d'Usman Y. B.

nous pouvons constater que des institutions relatives aux sàrkin noma

existaient au Katsina avant l'avènement de Muhammad Korau et le

XlXe Siècle317.

Malgré ces tr~vaux, rien ne nous permet de savoir s11 était

toujours obligatoire de passer par le dubu pour acquérir le titre de

sarkin noma à l'époque étudiée par A. Smith. La cérémonie avait-elle

disparu puis réapparu, ou bien était elle intervenue à un moment où la

demande en produits agricoles était importante et où la technique

avait permis aux agriculteurs d'acquérir un surplus de production pour

316NICOLAS G., op. dt, 1976, pp. 114-117 i 297-9 aborde cette question. Mals sa perspective accorde trop d1mportance à la structure clanique. Dubu : signifie le nombre mille en hausa. ·11 s'agit Ici d'un minimum de mille bottes de mil qu'un agriculteur doit produire pour cette cérémonie. Tandis que la kan-kwarya littéralement «amener la· calebasse» est une cérémonie féminine, au cours de laquelle une femme fête sa puissance économique et prend le titre de Tambara. Nous avons déjà parler de tambara (masculin :. tambarl ), tambours royaux et tambari,titre d'un dignitaire d'une tribu twareg, tambari Gabda par exemple au nord de Maradl au XlXe S : selon ABRAHAM R. c., 1962, p. 847, tambara est un titre de la sarauta des femmes cf Abzln i une connexion est donc possible entre ces différentes variantes de tambari. 317SMITH A., op. dt., 1976, pp. 152-195. -USMAN Y. B., op. dt., 1981, (a), p. 12, signale bien l'existence des Institutions politiques avant l'époque de Muhammad Korau i -NICOLAS G., op. dt, 197~t-Pp. 114-117 i 297-299.

176

se payer le luxe d'une telle cérémonie ? Nous estimons que c'est dans

cette démarche qu'il faut aborder la question. Mais d'ores et déjà, à

partir de cette cérémonie, nous pouvons constater, l'importance

accordée à la production agricole et à ceux qui la contrôlaient.

La cérémonie de dubu était de rigueur au XIXe Siècle pour être

sarkin noma, dli moins "au Katsina NorcP18.

Dans cette région où l'agriculture et la chasse tenaient une

place de choix, il n'est pas surprenant de voir un titre relevant de ces

activités prendre de I~mportance.

L'agriculteur qui avait I~ntention de réaliser le dubu devait produire au

moins mille bottes de mil, au préalable319.

Le dubu intéressait les agriculteurs qui avalent la réputation

d'être des grands exploi~nts, capables de meilleure production bon

an, mal an. C'est au stade de l'épiaison du mil que cette cérémonie

comme·nce. Car c'est avec les épis qui se dégagent que la gerbe

rituelle de la cérémonie doit être formée.

Ainsi, le nouveau prétendant au titre de sarkin noma informait

les autorités dont il relevait, de son intention de réaliser le dubu. Le

jour de la cérémonie, le sarki ou son représentant dans la localité,

fournissait à l'agriculteur en question les habits de son investiture

comme sarkin noma.

Ensuite, le candidat choisissait parmi les anciens sarakunan

noma son initiateur et guide de la -cérémonie (shugaba). La cérémonie

31s,-ous les témoignages de 'nos informateurs convergent sur cette question. 319En réalité, un millier de bottes de mil était nettement Insuffisant pour réaliser cette cérémonie. Il faut beaucoup plus de moyens pour entretenir tous les Invités. En plus, le candidat doit disposer d'un surplus de produits agricoles pour subvenir aux besoins de sa famille et se montrer à la hauteur de son nouveau rang social en cas de nécessité.

177

de dubu est associée aux cultes de certaines divinités du domaine de

l'agriculture : kure, doguwa fara, uwal gona.

Le dernier jour de la cérémonie -ranar rabon dukiya- est

l'occasion des grandes festivités; les repas' et la bière de mil étaient

abondants. Le sarkin noma subissait le wankan sarauta, c'est à dire

certains rites d1nitiations.

Comme le sarkin kasa au moment de son intronisation, le

nouveau sarkin noma est également soigneusement gardé, car il est

guetté par de mauvais sorts et des attentats de la part de ses

congénères qui n'ont 'pas pu acquérir le titre dé sarkin noma ou par

les anciens sarakunan noma qui voient arriver un nouveau concurrent.

Le jour de rabon dukiya, le nouveau sarkin noma fait beaucoup de

dons et reçoit des aides. Le titre de sarkin n()ma était très recherché

par les grands agriculteurs. Ce titre conférait. un grand prestige à ses

détenteurs : le droit de s'asseoir sur une natte lors des cérémonies

publiques, le port d'une hache, insigne d'agriculteur distingué. A

TSibiri, le sarkin noma tenait une épée qui serait le symbole de celle

du fondateur des sept États Hausa320.

Les sarakunan noma forment une catégorie distinguée,

supposée détenir un stock important de produits agricoles. Ils ont des

facilités pour se marier ou pour marier leurs enfants. Un grand

agriculteur ~ui n'arrive pas à réaliser cette cérémonie se sent frustré.

Cette catégorie est aussi supposée detenir le secret de l'agriculture et

leurs voisins se sentaient protégés en cas de nécessité.

Le titre de sarkin noma est donc le signe d'un pouvoir

économique et religieux dans le contexte précolonial du Katsina. Le

320 Nicolas G., op. cit., 1976, planche II p. 116.

178

détenteur de ce titre est capable d'aider les populations de sa région,

voire les autorités, en cas de difficultés ou de besoin. Ainsi, une région

qui comportait un nombre important de sarakunan noma, faisait figure

de région plus ou moins invulnérable économiquement et est censée

attirer les marchands.

Si le titre de sarkin noma est une distinction professionnelle,

économique et sociale, le détenteur de ce titre ne demeure pas moins

important pour la société tout entière. En plus, l'institution est

également une émulation sociale dans les activités de production. Et si

les détails de cette cérémonie nous échappent, son importance et sa

signification sont, aujourd'hui, connues. Le titre de sarkin noma est

différent du titre de goje ou kauran noma321. La catégorie de

sarakunan noma est hiérarchisée.

Un candidat qui arrive à réaliser un second dubu porte le titre de

sarki hatsP22. Il est nommé par une assemblée de sarakunan noma;

il dispose d'une cour composée de

- Son adjoint : kauran hatsi ;

- Tambarin hatsi : chargé de rassembler les aliments et la bière

de mil nécessaires à l'organisation des cérémonies de dubu ;

- Giyarci: organise les invités et présente les gerbes de mil

offertes au sarkin hatsi par un nouveau sarkin noma ;

- Maji dadi (l'heureux), intermédiaire entre le sarkin hatsi et ses

sarakunan noma.

321le titre de goje ou kauran noma relève d'une organisation des jeunes pour un labour collectif. Kauran noma qui a pour adjoint marusa est toujours à la tête d'une culture collective. Il est aussi différent du titre de sarkin anna qui a plutôt une connotation religieuse.

322Sarkin hatsi: hatsi = mil, sarkin hatsi = littéralement le maître du mil.

179

Après ces quatre dignitaires, viennent les sarakunan lafiya, chargés

de médecines, puis les sarakunan noma et enfin les yan galadiman

gona (littéralement: prinées de champs) prétendants présumés au

titre de sarakunan noma323 .

. La kan kwariva

La kan kwariya était donc la version féminine du dubu. Des

femmes préparent discrètement, des années durant, leur cérémonie

de kan kwariya littéralement "porter la calebasse". L1déal était pour

chaque femme de réaliser cette cérémonie dans un t~mps record et au

plus, trois fois dans sa vie324. Dans la mesure de ses pOSSibilités, elle

aidait ses filles et ses petites-filles à réaliser cette cérémonie. Comme

l'agriculteur qui désire réaliser le dubu, la femme qui a l'intention de

réaliser la kan kwariya informe par des dons les autorités

administratives et politiques dont elle relève.

Le jour de la cérémonie, elle invite toutes les femmes de sa

région qui ont réalisé cette cérémonie, ses amies, ses parents, des

connaissances et surtout des griots notamment sa zabaya325.

L'intéressée faisait des cadeaux aux griots, à ses servantes et

serviteurs (barori ; au singulier: bara) ; à Jiratawa elle donnait des

zugaigai (au singulier: zugu), du bugai,326 etc .. à Uban dawaki.

323N1COLAS G., op. dt., 1976, p. 116.

324La Kan Kwariya n exprimait autre chose que la réussite et la promotion sOdo-économique. - la première cérémonie est appelée : kan kwariya ta farko ; -la deuxième : kan kwariya wankin idanu ; -La troisième : kan kwarfaya ta tsarki ; -E.C.E, Jiratawa ; E.C.E, Dan Gaya, E.In.E., Bargaja, Mai, 1984. 325 Zabaya, cantatrice, femme qui chante les louanges. Très souvent, à travers les louanges de certaines femmes, elle se moque des autres (zambo).

180

Comme dans la plupart des cérémonies dans cette société, le

festin ne manquait pas. Le bugai était prépar~ en grande quantité ;

l'intéressée immolait deux boucs, faisait du tuwo (pâte de mil),

etc ... Elle pouvait recevoir, sous forme de contre dons, des aides

(taimako) de la plupart de ses partenaires sociaux et de ses parents.

La kan kwariya est une occasion de grandes dépenses pour son

auteur. Le plus 'souvent, la richesse distribuée le jour de la cérémonie

requiert des efforts de travail, de bonne gestion, d'économie durant

des années. Par la kan kwariya, l'auteur acquiert du prestige, un rang

social élevé et porte le titre de tambara qui est socialement valorisé.

En plus, elle a droit à la danse arauraye327 réservée aux seules

femmes qui ont réalisé la kan kwariya. Le titre de tambara suscite la

curiosité328. Il rappelle le tambari (ettebel en tamasheq329) qui est

un dignitaire d'un groupe des Touareg situés au nord ouest de

Maradi; il rappelle également le tambari qui est un des douze

tambours royaux et le gar~ien de ces tambours (tambura).

Ici aussi, comme dans le cas de sarkin noma, il nous est impossible de

situer dans le temps l'apparition du titre de tambara et ses rapports

avec les tambours de la cour du sarki (tambura) ou le dignitaire

responsable de ces tambours.

Le rapport très étroit entre les différentes institutions dans la

société étudiée permet de poser 'l'hypothèse d'un rapport plausible

326zUgu : une sorte de rouleau d'étoffe de production locale. Bugai ou bagayi: cadaba farinosa dont les feuilles ou les écorces sont utilisées avec du mil pour faire une sorte de biscuit local sucré. 327 A Rauraye: littéralement «qu'on sélectionne».

328ABRAHAM R. C., op. cit., 1962, p. 847 ; -SMITH R. C., op. dt., 1971. -E.In.E, Témoignage de Hajiya Gado. Bargaja, 1983 et 1984. 329USMAN Y. B.f op.cit., 1972, p. 195.

181

entre le titre de tambara et celui de tambura gardien des tambours

royaux (tambura). Cette hypothèse n'exclut pas un rapport avec le

titre tambari des Touareg, peuple voisin. On serait tenté de qualifier

les institutions de kan kwariya et de du bu d'ostentatoires. Cette

hypothèse apparaîtrait plausible dans la perspective occidentale de la

loi de «l'offre et la demande» . Cependant, nous ne pensons pas que

ces pratiques aient suscité du gaspillage : elles reflétaient simplement

le désir de valorisation économique et sociale des populations qui s'y

adonnaient. Le jugement des détracteurs de ces pratiques ne repose

donc sur aucun fondement.

D'abord nous ne saurions apprécier des éléments de la société

du Soudan Central au XIXe Siècle uniquement à partir des lois de

l'économiè capitaliste. Ensuite, bien que les deux institutions abordées

ici im'pliquent de grosses dépenses, il n'en demeure pas moins qu'elles

stimulaient la production, l'initiative, les échanges, la concurrence, les

rapports sociaux et exprimaient les préoccupations de la recherche du

rang social, et de 11nfluence.

Dans ces conditions, les détenteurs des titres de sarkin noma

et de tambara faisaient partie de la catégorie de masu zarafi (les

riches) auxquels il fallait faire recours pour des emprunts, pour

proposer des achats et pour chercher certains produits rares. Si ces

cérémonies occasionnaient des dépenses, il n'en demeure pas moins

qu'e"e~ offraient à leurs auteurs des possibilités330 énormes de faire

des affaires. Or, le commerce et les affaires tiennent une place

importante dans l'évolution de la société hausa.

330ees deux institutions abordées ici n'ont pas été étudiées en détail. le cadre de ce travail ne le permet pas. Mais un projet d'étude sur les deux institutions est envisagés pour l'avenir. - ADAMU M. et SAUFOU A., «Naissance et évolution des Etats hausa», 1981, pp .8 - 51 cité par SALEY M., op. dt, 1982, pp.12, 19,82. '

182

e) Deux modèles de travaux collectifs: La gawa et la gukkun

«Dans les société où l'énergie humaine est la principale source

d'énergie, où l'équipement est précaire, où les variations de

productivité sont limitées, le seul moyen de rendre le travail efficace

et rentable est l'union des forces, la coopération. Nous avons vu que

celle-ci existe déjà au niveau de la communauté familiale. Elle revêt au

niveau de l'ensemble villageois et parfois même à l'échelle

intervillageoise un caractère plus spontané et collectif, avec des

fonctions socio-économiques diverses et concerne des secteurs aussi

variés qu~ l'agriculture, la chasse, les travaux publics, la construction

d'habitation, etc ... » constate Idrissa K. dans ses travaux sur l'ouest

nigérien331.

Il est heureux de constater cette ressemblance dans

l'organisation du travail entre les populations de l'espace nigérien

précolonial. Mais cette ressemblance cesse d'être une surprise quand

on sait que les populations de l'espace nigérien précolonial évoluaient

dans des conditions naturelles semblables et qu'elles avaient

historiquement évolué côte à côte332.

331IDRISSA K., op. cit., 1982, pp. 17-18.

332HAMANIDj., «Courants migratoires Ayr ha usa avant le XIXe siècle», Niamey I.R.S.H., BRQ, 585, 1979(a), pp. 6-7 -~ II, op. dt., 1970, pp. 5-6 ;. -ADAMU M, The hausa factor in west African hlstory. Zaria, A.B.UP., 1978, pp. 2-4. -USMAN Y. B., «The transformation of politcal communities, some notes on the perception of a

significant dimension of the Sokoto caliphate» in USMAN Y. B. (Éd.), Stud1es in the history of the Sokoto cailiphate. The Sokoto seminer paDers. Zaria, A.B.U.P., 1979, pp. 48-51,

-PAMER H. R, op. dt., 1967, pp. 79-83 ;

183

Ainsi, cette description de boogu faite par Idrissa ressemble

beaucoup à la gawa333 de la société du Katsina Nord au XIXe S. U~

membre de la communauté· qui se trouve dans le besoin, peut faire

appel à l'aide de .Ia communauté pour un travail quelconque. Le

principe était de faire circuler I~nformation en indiquant la nature, la

date et le lieu du travail. Ce travail collectif sur invitation s'appelait la

gawa. Le travail peut réunir plus ou moins de participants selon la

nature et I~mportance du travail à effectuer. Dans le cas précis de la

culture, I~nformation passe d'abord de l'intéressé au kauran noma de

sa communauté . Ce dernier informe à son tour les jeunes qui sont

sous sa conduite pour toute question concernant ce genre de travail.

Si nécessaire, le kauran noma passe l'information au niveau de ses

homologues des autres villages ou villes. Les griots ne manquaient

jamais à 'ce genre de rendez-vous.

L'invitant prend en charge le repas de tous les travailleurs

venus pour la circonstance. Mais il reçoit des aides (taimako) tant pour

la nourriture que pour l'hébergement. Une autre forme de travail

collectif, la gukkun, concerne uniquement la cuiture. Sa particularité

tient au fait que ce n'est pas le propriétaire du domaine de travail qui

invite les travailleurs. Le kauran noma d'une -communauté et ses

travailleurs entreprennent discrètement, le plus souvent la . nuit, de

cultiver dans un temps record, les domaines d'un grand propriétaire,

peut-être un sarkin noma.334

La nouvelle se répand dans toute la région et les kaurayan

noma des autres garuru'('la accourent avec leurs jeunes en gudumuwa

333 Boogu terme Zarma, forme de travail collectif, voir IDRISSA K., op. dt., 1982, p. 18, se rapproche du Gayya : travail collectif organisé par les jeunes sur une invitation.

334 Voir le paragraphe précédent.

184

ou taimako (aide ou assistance) aux kauran noma qui est à l'origine de

ce travail335. C'est une gloire pour les travailleurs de gukkun de

cultiver entièrement et dans un temps record tous les champs d'un

même propriétaire, si vastes soient-ils. Comme c'est une gloire pour le

propriétaire des champs, en question que les travailleurs soient

incapables de cultiver tous s~s champs ou qu'ils mettent beaucoup de

jours avant d'y parvenir. Si les travailleurs en question n'arrivent pas à

cultiver entièrement les domaines entrepris, le propriétaire sera fier

d'être un grand propriétaire terrien dont les domaines dépassent le

travail des jeunes de toute une région, même avec l'exhortation de

tous leurs griots et des filles.

Si la gayya et la gukkun étaient des formes de solidarité et de

coopération, elles étaient aussi l'occasion pour les jeunes de tester la

capacité de leur union et leurs efforts. C'était également une occasion

pour les travailleurs de s'affronter. ,Chaque équipe voulait se montrer

la meilleure et chaque travailleur désirait être le plus fort, le plus

résistant, le plus expérimenté dans le travail.

D'autres formes de travail collectif sont organisées pour le

travail du domaine de sarki (gandun sarkl), pour aider un malade,

pour travailler les champs de quelqu'un qui est absent au moment où

tombent les premières pluies ou chez les beaux-parents d'un jeune.,

Ici comme ailleurs, la hiérarchie ou l'organisation ne faisaient

pas défaut. Dans tous les cas, la gayya ou la gukkun était dirigée par

le kauran noma ou goje, comme l'indique son kirari :

335 l'étymologie des termes gayya et gukkun n'a pas été établie.

185

Gaje gaban gayya !

Abin da ya yi Gaje ai shi ya yi Kaura !

Gaje ta aiki !

Traduction:

Gaje le travailleur principal de gayya336 !

Gaje et kaura sont deux titres identiques !

Gaje, titre de travail !

Kaura mobilise les jeunes qu'il dirige, convoque le griot

makadin gayya (le griot du travail collectif) ou makadin nama qui va

exhorter les laboureurs au cours du travail. Le Kauran nama est

secondé de son adjoint: marusan kauran nama. Ce dernier est le

prétendant au titre de kauran nama.

f) La cérémonie de budin daji ou budin dawa337

La société du Katsina Nord au XIX e Siècle était une société

autant animiste que musulmane. L'animisme au même titre que l'slam

intervenait dans toutes les manifestations de la vie et présidait à

toutes les activités338. Il suffit d'écouter le.s récits d'ntronisation des

336ABRAHAM R. C., op. cit., 1962, p. 332 et Mati Dan Lady, Dan-Gaya, mars, 1983 ;

337 Daj; ou Dawa signifie en hausa la brousse id il englobe aussi la forêt. Et bud;n daji signifierait 11nauguration des activités dans la brousse et la forêt. 338pour tout détail voir : -LEROUX H., op.cit., 1948, pp. 595-697. -MOUNFOUGA-NICOLAS J., op. dt., 1972. -Nicolas G., op. cit., 1975, 670 P ; -AlKAU M. B., op. cit., 1969, pp. 120-124.

186

sarakuna, des cérémonies qui accompagnent les activités relatives à la

vie dans cette société ou d'y assister même en plein vingtième siècle

pour se convaincre de cette vérité339.

Les activités agricoles, la chasse, la pêche et l'élevage

comptaient pour une large part dans la vie des populations du Katsina

Nord au XIXe Siècle. Or, chaque année, une cérémonie animiste

inaugurait toutes ces activités. Aucune activité significative n'était

entreprise avant la cérémonie et les consultations religieuses.

La question de l'origine de cette cérémonie se pose encore.

Selon G. Nicolas, les Basarawa, derniers responsables de ce culte au

XXe siècle auraient émigré du Gobir au début du XIXe siècle et se

seraient installés au Nord du Katsina à Jiratawa340. Le même groupe

aurait émigré de Jiratawa pour s'installer à 12 km à l'est de Jiratawa,

où ils auraient fondé un hameau dénommé Gidan Basare341, l'actuel

village de Basarawa. Ce déplacement aurait eu lieu en 1910342. Les

raisons qui ont poussé le groupe de Basare à quitter le Gobir au début

du XIXe siècle et à s~nstaller au Katsina Nord ne sont pas explicitées.

Le lieu même de leur départ du Gobir est à découvrir. De même, les

causes du départ des Basarawa de Jiratawa à Gidan Basare restent à

éclaircir d'autant plus qu'après leur installation à Gidan Basare, ils

reviennent toujours à Jiratawa quand il s'agit de la cérémonie de budin

daji.Les Basarawa seraient-ils à l'origine de l'introduction de

cérémonie de budin daji au Katsina Nord. Sinon comment peut-on

339LEROUX H., op.cit., pp. 595-596. E.C.E, liratawa, mai 1984; E.C.E Gazawa, mai 1984; E.C.E, GASI, Mai, 1984 et E.I.E, Tasawa, Mai, 1984.

340NICOlAS G., op. cit., p. 125. 341Nous reviendrons plus loin sur le titre basare.

342NICOlAS G., op. cit., p. 122.

187

expliquer qu'ils ont la responsabilité de ce culte dans leur nouvelle

région d'accueil. Autant de questions sur lesquelles les recherches

doivent être approfondies, mais d'ores et déjà, on sait que d'autres

groupes responsables du culte de budin daji existaient au XIXe siècle

, ~ b· , ~ , -r. 343 t a ua l, a uazawa, a 1 asawa, e c ...

Donc, seule une chronologie de l'emplacement et des

mouvements des populations confrontée à l'analyse des circonstances

historiques des régions concernées, permettra de répondre à certaines

questions.

Sur tout un autre plan, les témoignages de nos informateurs et

des auteurs sont divergents quant à la date précise de cette cérémonie

dans le calendrier animiste. Pour certains, c'est au début du troisième

mois que cette cérémonie a lieu; pour d'autres, elle a lieu au

quatrième mois344. Pour l'essentiel, les intéressés s'arrangeaient pour

qu~ cette cérémonie précède toutes les activités d'exploitation de la

brousse et de la forêt pour l'année nouvelle. Les études faites par

Hamani sur les saisons et le calendrier saisonnier des animistes établi

par H. Leroux peuvent nous permettre d'avoir une idée dans le

déroulement chronologique des activités des anna au XIXe siècle345.

Il semble que c'est après une consultation entre basare, guide

rituel, et maradi que la cérémonie de budin daji commence chaque

343E.C•E., Gabi, mal, 1984 ; E.C.E., Gazawa, mai, 1984 ; E.I.E, Tasawa, mal, 1984.

344 Enregistrement précédemment dté ; -LEROUX H., op. dt., pp. 629-635 ; -MARIKO K. A., Les regroupements paléonégrltiques nigériens, manuscrit non édité en possession de l'auteur, p. 21. 345 Hamani Dj., op. cit., 1975, pp. 8-12 ; -LEROUX H., op. cit., 1948, p. 667.

188

année346. On se rappelle que maradi est le plus ancien administrateur

des habitants de la vallée du gulbin Maradi, représentant du pouvoir

de Birnin Katsina. Avec l'installation d'un État centralisé au Katsina

Nord, il aura en plus d'autres fonctions, la responsabilité du quartier

Maradawa et il porte le titre de maradi ..

La supervision du culte de budin daji par maradi est-elle une preuve

de l'ancienneté de cette cérémonie dans la région ?

Le budin daji est une cérémonie collective dont le plus grand

dignitaire religieux porte le titre de basare. Il est élu parmi les

meilleurs chasseurs du groupe de Basarawa. Son intronisation se

déroule à Jiratawa dans l'habitation d'une femme du même groupe347

et dans l'enclos qui serait celui de leur ancêtre.

Avant le départ pour le budin daji, tous les membres du clan

basare devaient se soumettre aux rites purificatoires, la chasteté par

exemple, pendant sept jours. Ils faisaient aussi au départ des toilettes

et des ablutions avec un bain dans lequel des plantes magiques

avaient été macérées. Pendant leur absence, leurs femmes doivent-,- - ---­

sous peine de sanctions sévères, observer strictement les règles des

interdits sexuels. Pour chaque cérémonie maradi fournissait au basare

des chaussures (takalma), une couverture (gwado) et un pagne

(zane).

La cérémonie de budin daji regroupait chaque année les

Sangerawa348 et les makera (responsabl~s de la même cérémonie) de

Gabi et les responsables de la même cérémonie au Gobir voisin, dans

la région de Tasawa, Kananbakashe, Mayahi, etc ...

346 Basare est le guide religieux des cérémonie de budin daji

347 NICOLAS G., op. dt., 1975, p. 135, (il s'agit certainement de basare Macituwo).

348Sangerawa : clan des agriculteurs dans la région de Gabl. .

189

Selon la tradition, des participants provenaient des régions très

éloignées. Le jour indiqué, après un rassemblement, basare assisté de

sarkin baka, dirigeait la cérémonie. Tous les participants se rendaient

d'abord à la cour de sarkin Katsina de Maradi, puis au marché de la

ville où ils prenaient au près de chaque marchand ou vendeur, sa

contribution (taimako), pour la circonstance. Personne ne refusait sa

contribution car il s'agissait d'une cérémonie officielle légale et

normale dans l'esprit des populations. Et puis, musulman ou non,

chacun souhaitait que l'année qui commence lui soit bonne, d'où la

raison de contribuer à la réussite de budin daji pour attirer la santé, le

bonheur et la prospérité sur le pays. Cette cérémonie était aussi

importante que la fête du ramadan ou la tabaski. Personne ne

commençait les activités de production exercées dans la brousse ou la

forêt, avant la fin de cette cérémonie. Après le marché, les initiés se

rendaient à Jiratawa, à l'entrée d'une forêt sous un tamarinier

(tsamiya).

Au pied de cet arbre se faisait des sacrifices propitiatoires,

offerts à uwal-dawa-baka349. Les offrandes consistaient en une

chèvre noire, une chèvre rousse, un bélier noir, deux poulets tachetés

de blanc et noir (wake-wake)350 et deux poulets de couleur brune,

couleur de l'épervier (shirwa).

349Pour ce qui est des détails sur le panthéon des dieux animistes voir ALKAU M. B., op. dt., 1969, pp. 110; 181-186 ; -MANFOUGA-NICOLAS Jacqueline, op. dt., 1972, pp. 355-360 ; -lILHO, II, op.dt., pp. 529-532 ; -Uwal-dawa-baka signifie la déesse de la brousse inculte.

350 Wake : haricot, d'où wake wake qui signifierait gris couleur de h~ricot local.

190

Le sacrificateur portait le titre de mOkoy0351 . A cette occasion,

le repas commun, arrosé de bière de mil (burkutu) était abondant. Le

musicien du bori, mai goge ou autres instruments, jouait la musique

de la déesse uwal dawa baka, de façon à amener certains initiés à

entrer en transe. Après cette étape, tous les participants à cette

cérémonie entreprenaient la farautar budin dajp52, battue inaugurale

de l'année nouvelle.

Ils sont armés de leurs armes traditionnelles de chasse et

accompagnés de chiens. Dans le temps, le chien était utilisé pour la

chasse. Tout animal ou oiseau rencontré était abattu. Le basare et le

sarkin baka arrêtaient la chasse au moment prévu quand ils jugent

que l'animal qu11 faut est abattu. Selon A.K. Mariko353, l'hyène est

l'animal souhaité pour cette circonstance. Car cet animal serait réputé

hanté par les mauvais génies et jeteurs de mauvais sorts. Tous les

participants regagnent ensuite Maradi, chez le maradi .

Là, l'animal choisi est soigneusement éventré et selon l'état des

viscères et des produits qu'on y trouve, les sacrificateurs par des

interprétations font des prévisions pour l'année nouvelle. Les

prévisions portaient sur les productions agricoles, la chasse, la santé

du pays, ses relations avec l'extérieur, etc... En fonction de ces

prévisions, les populations et les autorités sont appelées à prendre

toutes les dispositions nécessaires pour éviter les difficultés et les

catastrophes au cours de l'année qui va commencer. Cette cérémonie

351 Un <les quartiers de Maradi porte même de nos jours la dénomination de MOkoyo. .

352Farautar budin daji: il s'agit d'une battue ou chasse à l'occasion de la cérémonie de 11nauguration des activités de l'année nouvelle.

353MARIKO K. A., Les regroupements paléonégritiques nigériens, manuscrit non édité en possession de l'auteur, pp. 59-60 ; - NICOLAS G., Evolution du. canton de Kantché : Etude ethnographique d'une société de l'Est -Niger. Bordeaux, le 1 er Décembre, 1957, p. 5; 14-15.

191

est très importante à plus d'un titre : elle est organisée par des grands

dignitaires de la capitale notamment mokoyo et maradi, un

administrateur traditionnel des anna et de la région .

Ils disposaient des connaissances approfondies sur la région et

l'état d'esprit des populations. Le clan des basare"(ou Basarawa) et le

représentant des archers (sarkin baka) étaient au centre de cette

cérémonie. Cette catégorie était composée des agriculteurs qui

n'étaient pas moins actifs dans la chasse. Or, on sait le rôle joué par

ces chasseurs notamment les jinjino bakawa dans l'économie et la

révolte du Katsina Nord. Elle regroupait également des participants

venus des horizons divers et elle était considérée par toutes les

populations, dans la mesure où personne ne s'opposait aux quêtes de

ses acteurs- au marché de Maradi et personne ne commençait

l'exécution de ses projets pour la nouvelle année avant la fin de la

cérémonie.

Elle était d'autant plus importante que sa finalité était de

chercher le bien-être du pays au cours de l'année. Certaines étapes de

cette cérémonie se déroulaient à la capitale même et au niveau de

Jiratawa où résidait le Uban dawaki du royaume.

Tous ces aspects ne laissaient aucun doute sur l'importance de

cette cérémonie pour la société. L'analyse des institutions du Katsina

Nord nous permet de constater que cette société ne fut jamais

statique.

192

3. Un aspect de l'évolution des institutions leur

dynamisme

Un aspect important des institutions du Katsina Nord est leur

dynamisme. Ces institutions tirent leurs racines du passé de Katsina,

des réalités géographiques et des circonstances historiques du KatsitJa

Nord. Or le dynamisme de l'évolution du Katsina n'est plus à

démontrer354. Nous n'en voulons pour preuve que les multiple"s

changements intervenus à chaque étape de l'évolution du Katsina,

depuis l'époque qui précède la dynastie de Durbawa jusqu'aux

événements du jihàd de 1804 : l'adoption et l'adaptation de l'islam,

différentes mutations dans les échanges et les mouvements des idées,

perfectionnement qu'ont subi certaines institutions comme le conseil

électoral qui est, en effet, passé du poste occupé par une seule

personne portant le titre de karya giwa à un comité de cinq

personnes355.

Certains changements intervenus au XIXe siècle au Katsina Nord

" permettent d'illustrer, ne serait-ce que superficiellement, ce

dynamisme. Avant 1817 les détenteurs de titres de sarakunan noma,

sarakunan hatsi, tambari (tambara), sarakunan mahalba, uwayan

farauta et les dattawan garuruwa avaient une influence plus directe

auprès des dirigeants locaux des provinces puisqu'ils étaient

représentés au niveau du pouvoir central. A partir de 1817, leur

354USMAN Y. B., op. cit., 1972 ; -USMAN Y. B., op. cit., 1974 ; -USMAN Y. B., op. cit., 1979 ; -HULL R. W., op. dt., 1968 et 1971 ; -PALMER R. H., 1967 ;

355 PALMER H. R" 1967.

193

influence devient de moins en moins directe, car elle devait respecter

. toute une hiérarchie administrative depuis le mai gari (chef du village)

jusqu'au sarki en passant par tous les intermédiaires possibles. Avec le

pouvoir central, toutes les régions du Katsina Nord sont soumises à

un commandement unique. La machine dirigeante devient plus

complexe, plus perfectionnée de sorte qu'un problème d'une certaine

importance qui pouvait être résolu localement avec le mai gari, les

dattawan gari et les autres responsables des corps de métiers, devait

désormais être soumis au pouvoir de Ma ra di puis, informer le sarki

même après avoir traité la question. Certaines catégories sociales se

tournèrent alors vers des activités économiques et religieuses, les

affaires, la recherche d'une certaine promotion, l'éducation et la

préservation des mœurs. Après la révolte de 1817, tout le Katsina

Nord, de Korgom 356à Ruruka, et de Kwarin Maradi à Garin kaura

sera soumis à un commandement unique et direct, disions-nous

tantôt. Les secteurs administratifs étaient progressivement définis. Les

structures s'affermissaient. De nouveaux postes apparaissaient en cas

de nécessité : Madarunfa qui serait dirigé par un dignitaire portant le

titre du même nom s'est vu affecter un prince titulaire du titre de dan

zambadi et nous en avons expliqué les raisons ailleurs.

C'est également après 1817 que les postes des gouverneurs

d'Age et de Jiratawa, portant respectivement le titre de barazaki et

d'uban dawaki ont été créés. Nous en avons également parlé plus

haut.

Le poste de cikaji à l'ouest de Jiratawa est apparu avec

l'installation de l'État à Maradi. Son rôle était de s'occuper de la cuisine

356E.C.E, témoignage de Elhaji Dan sadaka .

194

du sarki au cours des tournées357., alors que les autres postes

administratifs de Gabi, Tokarawa, Madarunfa, Gangara, Tasawa,

Kananbakashe, Korgom étaient antérieurs à 1817. Il est important de

noter. que les villes de Sumarana, Riyadi, perdaient leur importance

d'avant 1817 au profit de Maradi, Jiratawa, Cikaji et Tarnai ( ou

Tarna)358.

Cette derni.ère ville devenait un marché très réputé. Cette

évolution prendra un autre tournant vers la fin du siècle. A cette

époque, . une crise entraîna une nouvelle configuration politique et

administrative au Katsina Nord. Ce changement engendra une

prolifération des détenteurs de certains titres. Avant d'aborder cette

crise signalons un processus ayant survécu à toute époque et à toute

crise. Il s'agit du souci d'appartenir à un même peuple, à une même

communauté, relevant d'un même pouvoir et ayant un même passé.

Faut-il voir en cela la marche vers la formation d'une nation dans

l'Afrique précoloniale359 ?

Nous avons déjà abordé cette question avec la notion de

bahaushe et la notion de bakastsine. Ce phénomène trouve encore

son expression et sa signification dans l'apparition au XIX e Siècle des

notions de Sakwatawa, Gabawa, Maradawa360, expressions qui ne se

définissent pas· en fonction du critère ethnique. Les deux dernières·

357 E.I.E, Maradi, Mai, 1984.

358 E.In .E, Niamey, 21 Mars 1985 : témoignage Mamane Galadima Tama

359 L'AFRICAIN Léon, op. cit., 1956, p. 472 ; -SALEY M., op. cit., 1982, p. 23.

360 USMAN Y. B, op. cit., 1972, p. 189.

195

intéressent le Katsina Nord: les Gabawa ( singulier bagabe), sont les

habitants de Gabi et de ses environs.

Ces expressions sont des illustrations qui entrent dans le

processus indiqué361. Mais revenons à la crise362 de la fin du siècle

au Katsina Nord.

A partir de 1892 la dynastie de Korau, installée à Maradi au plus

tard en 1817, se scinda363 en deux branches principales: Mijinyawa

se retira à Tasawa où il' reconstitua un autre État, laissant Maradi et le

sud de Maradi à kaura Hausa et aux autres membres de la dynastie de

Korau eux-mêmes en perpétuels conflits avec kaura Hasau. La fraction

de la dynastie de Korau restée à Maradi devait continuellement

affronter kaura Hasau qui avait créé un autre centre politique à Hasau

dont il était le véritable maître. Cette situation de confusion, les succès

militaires de kaura Hasau de son vrai nom Abdu Alu et surnommé

encore Jinga364, (salaire), contraignent ce dernier à une réforme

administrative et institutionnelle.

361pour ceux qui aimeraient poursuivre les débats, qu11s essaient d'examiner l'origine ethnique de ceux qui se définissaient au XIXe S comme des Damagarawall des Agadasawall des Adarawa, etc.. Le processus de la formation de Rlkon Kabl quoique bloqué, mals regroupant des gens du Dendl, du Zabarma, de l'Arewa et du Kabl est significatif. Nous pensons que <<l'ethnicisation>> de la société du Soudan Central a été ressuscitée et accentuée avec la colonisation, bloquant ainsi un processus 'historique dynamique. '

362Les raisons de cette crise ne sont pas encore claires, mals doivent être envisagées dans le contexte régional tout en tenant compte de la situation au Kats/na Nord. 363 Pour les détails sur cette situation on pourra consulter: -DAVID P., La geste du grand Kaura Hasao (S.L .N.D) ; -l1LHO, op. dt., 1906 ; -USMAN Y. B, op. cit., 1978 et notre chapitre IV -MlnJlnyawa a tenté plusieurs fois de reprendre Maradl 364Ce surnom linga de Kaura Hasau, apparu à la fin du siècle doit attirer 'l'attention de tous ceux qui veulent faire une étude sur le personnage de Kaura Hasau, sa carrière et ses projets politiques.

196

De Mijinyawa (1889/90-1894/5 et 1894/5-1897/8) à Dan

Zambadi Kure (1897-1920/21) en passant par Naibo (1894/5), Datchi

(1897/8) et Muhammad Burja (1897/8), le rôle de sarki devient

purement et simplement nominal. Le véritable maître du pouvoir étant

kaura Hasau.

Le conseil électoral perd tout son sens et son contenu, seul

kaura Hasau faisait et défaisait les sarakuna selon sa volonté, alors

que du point de vue institutionnel un kaura à lui seul ne pouvait faire

ou défaire un sarki, même s11 était membre du conseil électoral.

La cour du Katsina Nord devenait mobile puisque Dan Zambadi

Kure a été intronisé à Tokarawa, Mahammad Burja à Madarunfa,

Naibo, Datchi et Mijinyawa à Maradi.

La ville de Hasau devint le centre de décision le plus important,

puisque c'était la rés;dence la plus permanente de kaura Hasau,

quoiqu11 avait d'autre~ résidences à Inya/wa, à Maradi, à Birnin Kaura

(actuel Unguwal Runjh,' à Garin Kaura (village situé à l'ouest de Jibiya

au Nigeria) et à Mad~runfa.

Le «sarki» résidant à Hasau près de Tokarawa, le responsable du

secteur de Tokarawa, est élevé au rang de uban dawaki dan

tokarj365 alors que le titre de dan tokari était porté par l'un des fils de

kaura Hasau. La région agricole située au nord-est de Tokarawa, y

compris le premier site de Tokarawa est sous le commandement d'un

dignitaire portant le titre de Dan Gayya.

Le responsable de la ville de Ruruka qui portait le titre de Raha

est élevé au rang de kaura : il commande toutes les régions du sud-

365 DAVID P., «la geste ... », p.20 et E.C.E, Dan Gaya: témoignage de Issa Dan Gaya.

197

ouest jusqu"à Tsahe dans le Zamfara. Parmi ces Kauraye de Ruruka la

tradition retient le nom de Haruna Adam à qui le yan doto Usman de

Tsahe a refusé le tribut366.

A la fin du siècle, la ville de Madarunfa et le secteur seront

scindés en deux commandements: celui de kafin sarki et èelui de

kafin marusa367.

Maradi devenait un théâtre politique contrôlé tantôt par Kaura

Hasau et ses alliés, tantôt par les adversaires de ce dernier.

A l'est, la situation n'était pas moins confuse.

Un changement dynastique intervient sur le trône de Tasawa

jadis détenu par les Tazarawa. Ces derniers se trouvent dans

l'obligation de céder le trône à Mijinyawa. Une autre cour de Katsina

s'installa de plus en plus à Tasawa, et le rôle de la dynastie de

Tazarawa se réduità l'administration de la ville.

Kaura Amma de Gazawa trouva Kaura Hasau insupportable et se

rallia à Tasawa. Cette prise de position de Gazawa entraîna la prise de

position de Gangara contre Kaura Hasau. En effet, Gangara était

administrée par un dignitaire portant le titre de Raha qui est en fait un

adjoint du Kaura de Gazawa.

Cette situation entraîna un déclin des activités économiques et

la famine dans le pays. Le comportement de kaura Hasau exprimait à

la fois la faiblesse et la force des institutions. En effet Kaura Hasau

bien que maître du pouvoir avec des qualités militaires

exceptionnelles, n'avait pas su s'imposer sur l'ensemble du pays et ne

366 . DAVID P., «la geste ... », pp. 24-25 367La rue 'Principale qui traverse actuellement Madarunfa et longe le lac est la limite de ces deux commandements. Il est Intéressant de rappeler Id que marusa est l'adjoint de kaura.

198

CHAPITRE VI -ESSAI D'INTE-RPRETATION DES

INSTITUTIONS.

L'objet du présent travail n'est pas l'étude du processus de la

formation de l'État dans le Kasar Ha usa. Cette question a déjà été

abordée par des auteurs comme Usman et Smith pour ne citer

qu'eux368. Il porte sur l'examen des institutions du Katsina Nord au

XIX e siècle. Dans tette perspective, on ne peut parler que de

11nstallation à Maradi d'un État qui se voulait provisoire. Cependant

les performances de la société en question sont animées par les

conditions d'évolution, bien sûr, mais aussi par une expérience vieille

d'au moins cinq siècles.

Dans ce chapitre nous nous pencherons sur les fondements du

pouvoir au nord du Katsina, la dynamique du changement au cours de

l'histoire, et le caractère commun des institutions abordées.

368SMITH A., op. cit., 1971 ; -SMITH A., op. cit., 1976, pp. 152-195 ; -SMITH A., «The legend of the seifawa : A study in the origin of a tradition of origins" in lmmQ. studjes édited by USMAN Y. B. and NUR ALKALI Muhammad. Zaria, ABU, 9 octobre, 1982, pp. 16-51 ; -SUTrON J. E. G., «Towards a less orthodox history of hausaland J.A H .. XX, 1979, pp.179-201

, -USMAN Y. B., op. cit., 1979(d), 14 P ; -COQUERY VIDROVITCH c., «Les structures du pouvoir et le village africain précolonial» 25

pages Dactylographiées.

200

pouvait porter le titre de sarki. Même ses admirateurs et son griot Dan

Barmo ne lui donnaient pas le titre de sarki.

A son fils aîné, Musa, il se contenta de donner le titre de hasau

au lieu du titre de dan galadima que devait porter un prince digne

dl être sarki. Kaura Hasau n'a pas réussi à intégrer à son pouvoir, les

membres de la dynastie de Korau, de Maradi, comme ces derniers ont

intégré à leur tour les membres de la dynastie de Durbawa, les

dignitaires Tazarawa, les dignitaires de Tokarawa et Gabi, tout comme

les dirigeants de l'État résistant du Gobir ont pu associer à leur pouvoir

les Mazumawa. La faiblesse de ces institutions réside dans le fait

qu'en période de crise ou de trouble, des personnes peuvent passer

outre les institutions en vigueur pour donner une autre orientation à

la société.

199

1. Les fondements du pouvoir dans un royaume africain:

le cas du Katsina Nord

C'est par une idéologie qu'une société appréhende l'univers dans

son ensemble et conçoit la vie. L'explication d'un aspect quelconque

d'une société doit tenir compte de l'idéologie prédominante de cette

société.

La société du Katsina, dès sa naissance, était non seulement fondée

sur le travail mais aussi sur l'idéologie animiste. Dans les quelques

institutions que nous venons de décrire, il apparaît que l'animisme

présidait à toutes les activités de la vie et intervenait à tous les

échelons de la société. A la suite de 11ntroduetion de l'islam dans le

royaume, cette religion deviendra progressivement une des bases

idéologiques et religieuses de la société. Au fil du temps, l'islam

deviendra même l'idéologie principale de la société. Les relations du

Katsina avec l'extérieur369, le succès de Muhammadu Korau au XVe

siècle comme réformateur musulman, la lettre d'AI Sùyùti adressée à

Ibrahim Sùra ou Ibrahim Soro (c.1493/4-1495/6), souverain du

Katslna et contemporain de Muhammad Sattafan d'Agades370, le titre

murabit (guerrier musulman) que portait le souverain du Katsina Ali

(c.1498-1524), etc ... sont autant des preuves qui montrent que dès les

XV e et XVI e siècles, l'organisation de la société du Katsina était pour

une large part basée sur 11slam.

369USMAN Y. B., op. cit., 1972, pp. 175- 197.

370USMAN Y. B., op. dt., 1978, p. 397.

201

Au cours de l'évolution d'autres éléments révéleront le progrès

de 11slam et son importance dans les affaires de la société.

L1nstallation de l'érudit Aida Ahmad al Tàzakhti (m. 1529/1530)

dans la cité de Birnin Katsina, la visite d'un autre célèbre érudit

Makhlùf b. 'Ali b. Sàlih al-Bilbàli (m.1533/1534) du Hawd371, le rôle

joué par des érudits et saints comme Muhammad b-Masanih

(1595/1667) et son disciple Muhammad Ibn as-Sabbaqh al Kashinawi

et Muhammadu b Ahmad al-Tazakhti (m.1529) illustrent l'importance

fondamentale de l'islam dans la société abordée372.

La dernière preuve en date et la plus manifeste qui explique le

mieux le fondement Idéologique musulman de la société du Soudan

Central est le lihàd du 'début du XIXe siècle. En effet, c'est au nom de

l'islam qu'Usman Dan Fodio a su canaliser les mécontentements

populaires pour renverser un système monarchique vieux de plusieurs

siècles, et mettre plus l'accent sur 11slam dans l'organisation de la

société. Mais cette importance croissante de l'islam dans la société n'a

nullement éliminé l'animisme de la société373.

Les dignitaires animistes, au même titre que des dignitaires

musulmans au niveau du pouvoir central de Maradi, témoignent de la

présence de l'animisme dans les institutions du Katsina. Un des

reproches faits par les jihadistes, au début du XIXe siècle aux

souverains du Soudan Centr~/, était leurs pratiques animistes. Le non

371 HUNWICK J. o., «Songhay, Borno and Hausaland ln the slxteenth century» H.W.A.I. London, long man, 1976, pp. 274-280. 372 DANKOUSSOU 1., op.cit., 1970, pp. 38-53 ; -PALMER H. R., op. dt., 1967, pp. 83-84 ; -USMAN Y. B., ,op. dt., 1972, pp. 175-197 ; -USMAN Y. B., op. cit., 1981{a), p. 27.

373ADAMU M., op. dt., 1978, p. 9. -USMAN Y. B., op.cit., 1981(a), pp. 15 et note 48,16,18, 78,79.

202

respect du souverain Son Allàh Gozo, pour un lieu sacré du Katsina

vers le début du XIXe siècle, était durement ressenti par les

populations374.

Loin d'être éliminé de la société du XIXe siècle, l'animisme s'y

adaptait. A partir d'un moment le panthéon animiste sera inspiré de la

terminologie islamique ; et il s'en dégagera des divinités comme

Ma/am A/haji (marabout pèlerin), Umma Aida (femme préférée du

Prophète, ici déesse épouse de Ma/am Jangaral), etc .. Des dieux

anciens porteront le qualificatif musulman de ma/am : ma/am jangarai

(fils de ma/am a/haji et protecteur des captifs et fuyards; ma/am Duna

(dieu de la brousse)375, etc ...

Cette dynamique se poursuivra même pendant la période

coloniale. C'est ainsi qu'il apparaîtra dans le panthéon animiste des

dieux ou des esprits comme kumandan mugu (le méchant

commandant), soji (soldat) de l'anglais "soldier", surtout à travers le

phénomène de yan babu/e ou hauka en zarma376.

Cette évolution paraît à la fois comme intégration et parodie du

nouvel élément introduit dans la société377. Dans leurs

manifestations, les adeptes de babu/e montrèrent qu'ils se sont

appropriés des pouvoirs du colonisateur et sont devenus eux-mêmes

des autorités. Ainsi, au XIX e siècle, toutes les populations

374Adeleye R. A., op. cit., 1976, pp. 598- 599.

375 LEROUX H., op.cit., 1948, pp. 689-690 ; -MONFOUGA-NICOLAS Jacqueline, op. cit., 1972, pp.355-360; -l1LHO, op. cit., 1906, pp. 529-530 ; -USMAN Y. B., ibidem; -NICOLAS G., op. cit., 1975, 670 p planches et cartes. 376 NICOLAS G., op. cit., 1975, et MONFOUGA-NICOLAS J., op. cit., pour le phénomène yan babule. 377MONFOUGA NICOLAS J., op. cit.,

203

participaient pour l'essentiel au même système d'échanges et de dons,

aussi bien chez les animistes que chez les musulmans; le marché et

la monnaie étaient connus. Le corps d'institutions sociales et

politiques, les structures de parenté étalent sans discrimination

religieuse ou Idéologique378.

La présence de ces deux idéologies ne gênait en rien l'équilibre

de la société. Les populations et les autorités gardaient, encore au XIX

e siècle une conception à la fois religieuse et temporelle de

l'évolution379.

Cet aspect religieux des fondements Idéologiques de la société

est inséparable des préoccupations matérielles des populations. Il fut

d'ailleurs, de tout temps, en étroite relation avec les activités

économiques. Les principaux lieux de culte étaient soit liés à des

activités de production économique, soit des postes de contrôle des

surplus de production par les principaux sacrificateurs et les guides

religieux. A ce sujet, il est très significatif que le développement

économique, religieux et social du Katsina ait comme premiers centres

jusqu'alors connus, des sites très réputés situés surtout dans le

Katsina Laka, la partie du royaume la mieux indiquée pour les activités

économiques. A ce propos, on se souviendra de Durbi-ta-kusheyi,

Kwatarkwashi, Kwiambana, etc380 ...

Un coup d'(EiI sur le panthéon animiste revèle qu'un dieu est

affecté à chaque domaine de l'activité socio-économique de

378MONFOUGA NICOlAS J., op.cit., 1972, p. 44.

379DIOP C. A., op. cit., 1960, p. 77 ; USMAN Y. B., op. cit., 1978, pp. 397-401 et NICOlAS G., op.cit., 1969, P 228. 380 USMAN Y. B., op. cit., 1981(a), pp .. 5 -16.

204

l'homme381. D'ailleurs, le besoin de certains cultes rendait

indispensable certaines activités économiques382 et toutes les

activités économiques exigeaient certaines pratiques religieuses. Dès

lors, on comprend aisément le souci des autorités politiques d'intégrer

à leur pouvoir cet élément religieux indissociable des activités

économiques. Des hauts dignitaires, au niveau de la cour du sarki,

devaient s'occuper de la question religieuse : iya, maradi et durbi.

Tous ces trois dignitaires avaient chacun un personnel, et étaient

très influents dans la conduite des affaires de l'Etat.

Selon Nicolas, quatorze lettrés musulmans (mallamal) détenaient

des postes religieux officiels au niveau de la capitale du Katslna

Nord383, quoique Tilho les limite à douze384. Ces quelques exemples

soulignent l'importance de l'élément religieux dans les structures de

l'Etat.

En effet, l'importance de ces deux religions dans la société ne

permettait pas aux autorités centrales de les mettre à l'écart. Les

éléments religieux intimement liés à l'économie étaient à la fois raison

de vivre des populations et base de toutes les structures étatiques.

Si le pouvoir politique repose sur des systèmes qui exprimaient

les idées morales, religieuses et les préoccupations matérielles des

populations385, il n'en demeure pas moins que les circonstances

historiques. ont, de tout temps, une influence considérable dans la

381 MOUNFOUGA-NICOLAS J., op. dt, 1972, pp. 355-361 ; -LEROUX H., op. dt, 1948, pp. 689-690 ; -TiLHO, op. cit, 1906, pp. 529-530. -E.I.E, Tasawa, mai, 1984. 382Voir notre paragraphe sur le dubu. 383NICOLAS G., ibidem.

384 TlLHO, II, op.dt, 1906, pp. 535-536.

385 Voir notre paragraphe sur le Dubu ..

205

consolidation et la stabilité des institutions. La légende de Bayajida,

malgré les considérations déjà évoquées, n'exprimait pas moins, à un

moment donné de l'évolution, une étape dans la consolidation des

structures économiques dans les États de la région386.

Au Katsina, le processus amorcé depuis Durbi- ta -Kusheyi

connaîtra une évolution en raison des progrès dans la technique,

l'accroissement des populations, le brassage des populations et le

contact avec d'autres États en liaison avec le commerce et l'Islam387.

Au Katsina Nord, les conditions du jihàd au XIX e siècle et les besoins

de sécurité amèneront les populations à accepter plus facilement un

pouvoir centralisé pour mieux résister à la politique très oppressive des

jihadistes à leur égard et maintenir la liberté dont elles jouissaient

avant le jihàcJ388. Dans l'analyse des fondements des structures

étatiques, le rôle des. systèmes de croyance religieuse. et morale liés

aux préoccupations matérielles des populations et aux circonstances

historiques favorables, ne fait aucun doute. Mais dans cette optique

on ne peut pas ne pas constater les rapports dialectiques qui existent

entre les institutions sociales et les institutions étatiques. De telle sorte

que chaque aspect de ce corps social reflète l'autre. Cette situation

amène les populations à prendre conscience des institutions politiques

386N1COLAS G., «Fondements Magico-rellgleux du pouvoir politique au sein de .Ia principauté hausa du Goblr» J.S.A .. XXXIX, 2,1969, pp. 228-229 ; -ADAMU M., op.dt., 1978, pp • 9-10 ; -LAST M., « Reforms in west Africa : the jihàd movement of the nlneteenth century» J:1aW.A II,

1974, p. 1-56.

387CHRONICLE OF ABUJA, Ibandan, I.U.P, 1952, pp. 3-4 ; -HALLAM W. K. K., «The Bayajlda legend» lA.!::Iu VII, 2, 1966, pp.47-60. 388ADAMU M., op.dt, 1978, pp. 2,13 ; -SMITH A., op. dt., 1976, pp. 190-195 ; -HUNWICK J. O., «Songhay, Bomo and hausaland», .l::!:.WA.I, 1976, pp. 264-301 ; -ADELEYE R. A., «Hausaland and Bomo», .l:i.rïlzA.I, 1976, pp. 556-601. -BARTH H., l, op. cit., 1965, pp. 476-477.

206

..

et s'en approprier. En effet, les institutions politiques sont vécues à

tous les niveaux de la vie quotidienne des populations. Le titre de

sarki, qui est le poste le plus élevé, pouvait être porté par les

dignitaires de la cour aussi bien que par tous les responsablès des

organisations socio-économiques. Les ensembles suivants en donnent

une idée.

Fiches d'illustration

Sarakunan galgajiya

Sarakunan karkara

Sarakunan garuruwa

Sarakunan sana'a

Sarakunan samari

Sarakunan bori

Sarakunan alaru

Sarakunan kofa

Sarakunan kasuwa

Sarkin gwabraye

Sarkin bayi

Sarkin makafj389

Sarkin kutare

Ces fiches nous montrent clairement que le titre de sarki intervient

dans toutes les catégories sociales.

389makafi au sing. makafo: aveugle; - A/aru : transport.

207

En plus, il était permis à n'importe quel détenteur du titre de

sarki relevant du pouvoir central ou de l'administration du territoire, ou

autre domaine, de composer un personnel reflétant, plus ou moins,

tous les hauts postes de l'Etat.

L'organisation de la cérémonie de wasa kara reflète toutes les

organisations sociales et politiques du territoire390. Au cours de cette

cérémonie la iya yan mata (une fille responsable de ses camarades

filles) et ses assistantes sarauniya et magajiya, rivalisent avec le sarkin

samari et le daima (le garçon responsable des jeunes filles) ; ce qui

est une autre version de la dynamique entre la cour du sarkin kasar

Katsina et celle de sa iya avec son personnel391. Sur tout un autre

plan, chaque garçon, lors de son premier mariage a l'occasion de

vivre, d'une certaine manière, les cérémonies de la nomination du

sarki. La semaine de zaman lallé392 rappelle à plus d'un égard la

retraite d'une semaine qu'effectue le nouveau sarki chez le Galadima.

Au cours de cette semaine, le ango et la amariya subissaient le bain de

mariage (wankan aure) comme le sarki subissait lui aussi le bain de la

sarauta (wankan sarauta). Si le sarki tenait certains insignes de son

pouvoir et de sa nouvelle responsabilité, le ango, à son tour, tenait un

couteau et portait des habits de mariage, différents de ses habits

ordinaires. Les habits du mariage (kayan . aure) reviennent à

39Oyoir notre analyse descriptive de la dite cérémonie. 391Iya yan mata a le commandement de toutes les filles, de leur organisation communautaire. Elle est en étroite collaboration avec le daima qui est aussi le responsable masculin des filles. Tout comme durbi, en contrôlant le bon, contrôle aussi la lya. 392Zaman Jalle littéralement «semaine de henné» correspond à ce qu'on pourrait appeler aUjourd'hui la semaine du mariage.

. 208

-)

'"

a/wanka393, et aux griots. Comme il y a lieu de remarquer ici aussi

que le premier cheval de l'intronisation et certains habits de

l'intronisation (kayan sarauta) revenaient respectivement à durbi et à

mashi. Pour conclure sur cet aspect, répétons que l'installation d'un

nouveau sarki était perçue, dans une certaine mesure, comme un

mariage entre le souverain et le royaume.

D'autres ressemblances relatives à la permanence de l'interaction

des institutions se retrouvent à un notre niveau de la vie en société. A

ce sujet, nous avons déjà fait cas du principe de rabon duklya

(partage de la richesse) quand nous avons abordé la kan kwariya et le

dubu. Il est alors nécessaire de préciser ici que la ressemblance entre

les principes de rabon dukiya à l'occasion d'une part de la nomination

d'un sarki ou d'un autre dignitaire et d'autre part de la consécration

d'un sarkin noma ou d'une tambara, est manifeste394. Ces aspects

que nous venons d'évoquer sont importants, mais ils ne peuvent à eux

seuls, expliquer le fondement du système de la sarauta.

Les mécanismes de confiance et de contrôle qui régissent les

relations entre le souverain et ses cadres, le souverain et ses sujets ,

entre les administrateurs et les administrés, enfin entre les ta/akawa

eux-mêmes, ne peuvent être mis de côté dans l'analyse des bases des

structures d'une société.

Il est certain que le système de la sarauta est un système

monarchique où seuls les princes de sang peuvent prétendre au trône.

Le sarki est l'autorité suprême de la hiérarchie. Cependant, le

pouvoir du sarki est strictement· contrôlé par les sarakunan ga/gajiya

393 Il s'agit de la chargée des bains du marié.

394 NICOLAS G., op.cit., 1968(a), pp. 65, 66-67,43-98;

209

(conseil electoral). En cas d'incompétence, nous ayons vu que ce

conseil a la prérogative de destituer le sarki et de nommer un autre.

Mais il n'est pas à son tour plus puissant que le sarki puisque c'est ce

dernier qui nomme chacun de ses membres et peut aussi mettre fin à

ses fonctions. En même temps donc qu~1 y a confiance, il y a contrôle

mutuel à ce niveau des institutions.

Quant aux princes, candidats avides du trône, leurs abus étaient

portés à la connaissance de l'eunuque Galadima et dan nagaba,

d'origine servile. Cette mesure contre les éventuels abus des princes

est d'autant plus efficace qu'elle est sous l'autorité de celui-là même

qui convoque et dirige le conseil électoral (karaga). Le contrôle de

Galqdima et de dan nagaba s'étend aussi sur les autres hauts

dignitaires395.

L'institution de hauts postes occupés par des personnalités

d'origine servile (kaura, dan nagaba) et le poste clé de l'eunuque

Galadima, la catégorie de barori et bayin sarki tend également à

équilibrer les forces de ceux qui s'occupent des affaires de l'État ou qui

prétendent s'occuper des affaires du royaume.

Nous avons constaté la présence des responsables des secteurs

à" partir de la capitale, et des responsables sur le terrain. A ce niveau

également, rien n'est soumis au hasard, des resppnsables de la cour

veillaient au bon fonctionnement de l'administration de sarakunan

garuruwa et des masu gari.

Les sarakunan sana'à, les tafarkai (tafarki au singulier: chargé

de la sécurité des voies commerciales), les kofofi, les sarakin "kofa et

le falke (chef des caravaniers), n'avaient pas pour seule fonction la

395voir notre dnquième chapitre notamment le paragraphe consacré à la justice.

210

collecte des impositions, des taxes ou des patentes. Ils devaient veiller

au développement du pays, à la compréhension et l'entente entre les

gens exerçant un même métier, et aux bons rapports avec d'autres

corporations. Ils contrôlaient la circulation des produits, la sécurité

des voies commerciales, les importations et les exportations.

Il n'y a pas de doute que le kofa, qui était parfaitement au

courant de tout ce qui entrait et sortait de la ville ou de la cité, était un

poste clé. Il pouvait ainsi permettre l'évaluation et l'évolution du

volume des échanges. Ce qui n'était pas sans faciliter la gestion du

pays. S'il en était ainsi, il y 'a lieu de remarquer que le poste de kofa

ne pouvait pas avoir que la fonction militaire comme l'ont expliqué

jusqu'à présent beaucoup d'auteurs.

Les postes de dillalp96, sarauniya hatsi, almudda,etc ..

montrent également que le système du marché et des échanges

1 reposait sur des structures précises qui permettaient de savoir qui a

vendu quoi et à qui, combien tel article ou produit est vendu sur le

marché, etc. Ces structùres permettaient aussi d'avoir des

renseignements sur les marchés, les régions d'approvisionnement en

certains produits et l'évolution des prix, etc .... Enfin, au Katsina Nord,

le pouvoir est fondé sur plusieurs facteurs animés par une

dynamique: les conditions de vie, les circonstances historiques

régionales et internationales, rendaient indispensables la naissance et

le maintien d'un pouvoir centralisé.

Les principes et les normes de ce pouvoir se trouvaient vulgarisés

dans la vie de tous les jours. Ce pouvoir, à première vue monarchique,

mais une monarchie contrôlée, trouvait ses fondements et son

396ADAMU M., op. dt., 1978, p. 199 ; -USMAN Y. B. op. cit., 1981(a), p. 228 ;

211

efficacité dans sa capacité à faciliter les rapports à tous les niveaux et

dans tous les secteurs de la société. Rien n'y était soumis au hasard

sans pour autant que ce système rende la société figée.

2. Quel changement au Katsina du XIXe siècle?

Même si cette question ne peut être traitée dans le cadre du

présent travail, il convient de la poser. Beaucoup d'études et de

travaux intéressants ont été réalisés sur le jihàd du XIXe siècle au

Soudan Central397. La plupart des auteurs du jihàd ont abordé cette

question sans nuance ou avec des idées préconçues. Ainsi, le jihàd

était abordée comme une révolution398. Et on évite la question de

savoir si le système de la sarauta était en soi inopérant et anarchique

à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles. L'ancienneté de 11slam

dans la région, son influence dans l'économie et dans

l'affermissement et l'évolution de certaines institutions socio-politiques

sont' indiscutables. Des écolès coraniques,· naîtra une classe

intellectuelle ·avec laquelle il fallait désormais compter pour traiter les

affaires de la société tout entière. Et le jihàd, conséquence de ce

processus, a contribué à l'émergence d'un ensemble politique très

vaste avec un pouvoir centralisé: le califat de Sokot0399. Ce jihàd va

397Voir notre bibliographie à propos des écrits sur le jihàd.

398Revolution ou pas, précisons que ni le jihàd, ni la tentative de la formation des grandes entités politiques ne sont ni étrangers au système de la sarauta, ni propres au XIXe siècle du Soudan Central. . -HAMANI Dj., op. dt., 1981, pp. 14-42 et surtout 43-44 ; -LAST M." op. cit., 1983, pp. 67-91 ; -LAST M., op. dt., 1967. 399 LAST M., op. dt, 1967 ; -PALMER H. R., op. dt., 1967,

212

de pair également avec des changements dynastiques. Faudrait-il alors

commencer par le constat suivant: le califat de Sokoto a connu une

résistance permanente au cours du XIXe siècle. Cette résistance

n'avait rien d'ethnique, elle n'était pas, non plus, une lutte entre les

musulmans et les non musu(mans400. Si tel était le cas quel pouvait

être alors le problème du système de la sarauta.

Compte tenu du niveau de développement atteint par les Etats

Hausa au XVIIIe siècle et de l'accroissement démographique qui lui

était lié, on serait tenté de croire que les structures sociales,

politiques et économiques de l'époque ne pouvaient plus contenir la

société. Mais que nous a appris l'histoire à ce sujet?

Il est certain que l'animisme, 11slam, la culture hausa, l'économie

et le commerce sont intimement liés. La présence des institutions

islamiques dans les structures de la société hausa ne date pas du jihàd

seulement. Les autorités intellectuelles les plus réputées du XIXe siècle

étaient issues du système de la sarauta ou descendaient de cette

catégorie formée avant le jihàd. Les leaders du jihàd eux-mêmes

étaient le produit du système de la sarauta401. Une lecture attentive

des ouvrages que nous venons d1ndiquer, rend bien co~pte que l'élite

-ADElEYE R. A., POwer and diolomacv in northern Nigeria. 1804-1906 ; The Sokoto caliphate and its enemies. London, Longman, 1971 400 Le califat de Sokoto a connu une résistance tout le XIXe siècle. Nous ne dterons que celles du Katsina Nord, d'Abuja" de Rikon Kabi,. de Tsibiri, deBomo, du Damagaram, etc ••• et les résistances internes. Concernant ce dernier point, se reférer à USMAN Y. B., op. cit., 1981(a), pp. 149-152 •• 401 HULL R. W., op. cit., 1968 ; -HULL R. W., op. dt., 1971 ; -DANKOUSSOU 1., op.cit., 1970 ; -USMAN Y. B., op. cit., 1974 ; -HAMANI Dj., op. dt., 1981 ;

213

musulmane du jihàd provenait du système de la sarauta. Malgré tout,

cette question reste pertinente quand on sait que le califat de Sokoto

n'a pas eu une longue durée de fonctionnement comme le système de

la sarauta bien que le jihàd soit posé en Afrique de manière générale

dans l'espace et le temps.

Du point de vue administratif, politique et militaire, le système

du califat de Sokoto était contraint de se servir des institutions du

système de la sara u ta402 . Dans la pratique, le système du califat n'a

été ni plus ni moins juste que le système de la sarauta, malgré les

principes islamiques émis par Amir al muminin Bello (1817-1837) dans

son guide de la politique (Usûl as siyàsa)403. Ce constat est loin d'être

une fiction pour les populations de Rikon Kabi, Tsibiri, du Katsina Nord

et de certains sites de l'émirat du Katsina : Ru"ma, Matazu, Karofi,

Gyaza, Gambarawa404. Les pratiques islamiques et animistes n'étaient

pas des moindres tant au niveau de l'émirat que de l'État du Katslna

nord. Rappelons qu'après le jihad du XIXe siècle apparaissaient des

nouveaux centres d'activités et des changements dynastiques qui sont

des preuves irréfutables de changement40S.

Un changement entraîné par une situation économique,

démographique, intellectuelle, interne et des influences externes. Mais

s'agissait-il pour autant d'un changement de nature différente. La

question reste posée. Les souverains de la fin du XVIIIe siècle au

402ALKAU M. B., op. dt, 1969 ; -LAST M., op.dt., 1967 ; -USMAN Y. B., op. dt, 1981(a), pp. 54-124; 180-189 ; -ADAMU M., op. dt., pp.144-158 ; 179-186. 403 . LAST M., op. dt, 1967, pp. 56-57.

404 USMAN Y. B., op. dt, 1981(a), pp. 149-151. 405 ADAMU M., op .dt, 1978, pp. 143-163 ; -ADAMU M., op. dt, 1979, pp. 61-84.

214

Katsina et dans les autres États de la région avaient commis des

erreurs politiques: l'élite intellectuelle de l'époque n'avait pas manqué

de s'appuyer sur l'idéologie musulmane pour essayer une reforme de

la société. Cette situation n'était pas sans attirer l'attention des

souverains sur 11slam et les conditions de vie des populations. On peut

donc affirmer que le jihàd marque une étape dans une évolution

engagée depuis longtemps et qu'en tout cas l'idéologie prédominante

était 11slam.

3. La similitude des institutions du Katsina Nord avec

celles des autres États hausa et de leurs voisins.

La liberté de circulation, les brassages de populations, les contacts

entre les États du nord, du sud, de l'est et l'ouest du Kasar Hausa

étaient une constante de l'évolution. Ces contacts liaient le Kasar

Hausa à d'autres continents par l'intermédiaire des autres États

africains. Les rapports entre les États africains et entre ceux-ci et les

États des autres continents ainsi que l'ancienneté de ces rapports ne

sont plus à démontrer406. Ces contacts sont d'autant plus vrais que

la définition du Bahaushe407 ou du Bakatsine oblige à prendre en

considération plusieurs critères. Dans la plupart des États du Soudan

406 - Cette question a déjà été abordée par nombre d'auteurs dont nous ne pouvons citer tous les ouvrages id. Nous prions nos lecteurs de se référer à notre bibliographie. Les témoignages de nos informateurs ne passent pas sous silence ces contacts. Pour le cas du Katsina on consultera à titre d'exemple: ADAMU M., op. cit., 1972, 264 p. -HAMANI Dj., op. cit., 1979(a), 18 p ; op. cit., 1975, pp. 64 -71 ; -USMAN Y. B., op. dt., 1972, 24 p. 407Voir notre premier chapitre, troisième paragraphe; -ADAMU M., op. dt., 1978, pp. 1-20 ; -ADAMU M., «The spread of Hausa culture in west Africa : 1700-1900», 10 p., Sol., S.d., texte obtenu auprès de K. Idrissa de l'Université de Niamey.

215

Central, les agriculteurs, les éleveurs, les chasseurs, les pêcheurs, les

artisans, les commerçants et les marabouts ont joué un rôle très

important dans l'évolution historique jusqu'au XXe siècle. On est donc

en droit de faire un rapprochement entre certains événements

survenus en Afrique, et la consolidation des institutions dans le

Soudan Central. Ainsi, le dessèchement du Sahara, l'installation du

sultanat de l'Ayar à Agades en 1405, le coup d'Etat d'Askia Muhammad

contre le souverain Sonni Ali en 1492, l'invasion marocaine du

Songhay en 1591, la fondation de Birnin Gazargamu (1472),

l'extension du Borna sous le Mai Idris Alaoma (c. 1569-1600), enfin

l'émergence de la puissance des États Hausa et leur jonction dans les

activités d'échange et de production avec les États situés plus au sud,

ont exercé des influences et des interactions directes ou indirectes sur

l'évolution de chacun de ces États408. De tels contacts peuvent

expliquer l'existence des similitudes dans les institutions des différents

États partenaires.

Quant aux états Hausa eux-mêmes, tout en partageant avec les

autres États du continent certaines activités et pratiques religieuses, ils

formaient une communauté linguistique, culturelle et géographique

408Les dates indiquées id sont de HUNWICK l. O., op. clt., 1976, pp. 244-301 ; Pour plus de détails sur cette question on consultera : -ADAMU M., op. dt., 1975, 236 p. -ADAMU M., op. dt., 1979, pp. 59-104 ; -ADELYE R. A., op. cit., 1976, pp. 556 -601 ; -HAMANI Dl., op. dt., 1979(a) ; -HAMANI Dj., op. dt., 1979(b) ; -J:L..M, II, 1970, pp 5 - 6 ; -PALMER H. R., op.cit., 1967, pp. 79- 83 ; -SMITH A., op. cit., 1976, pp. 152 -195 ; -USMAN Y. B., op. cit., 1972,24 P ; -USMAN Y. B, op. dt., 1979, (a), pp. 37-42 ; -us MAN Y. B., op. clt., 1983(b), pp. 175-210.

216

bien définie409. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le

titre de sarki ait revêtu un caractère général depuis Gobir de l'Ayar

jusqu'à Abuja, Zamfara et Damagaram. Même si, au XIXe siècle, le

calife de Sokoto se faisait officiellement appeler Amir al mu'minin

(commandeur des croyants), aux yeux des populations imprégnées de

la culture hausa il est resté le souverain des musulmans (sarkin

musulmi). Le caractère permanent de l'institution de sarki se trouve

dans tous les états Hausa. Le poste n'est héréditaire que par rapport à

la dynastie. C'est-à-dire qu'il n'y a pas une succession directe de père

en fils ou du frère aîné au frère suivant. L'organisation de la cour

(fada, zaure ou k~n gi~a selon le cas) est la même dans la plupart

des États Hausa : elle est composée d'un personnel abondant ;

princes, hommes libres, esclaves et eunuques.

Partout il y a un responsable de la cour : les courtisans du roi ou

fada wa étaient sous le commandement de sarkin fada; les

dogarai 410 étaient administrés par le sarkin dogarai. Au Katsina

comme ailleurs, l'usage du terme de sarki n'est p~s exclusivement

réservé à celui qui est à la tête de l'état: on trouve partout un sarkin

fada, sarkin dogarai, sarkin bayi, sarkin kofa, sarkin kasuwa, sarkin

fawa, sarkin yaki pour ne citer que ceux-là. Cet aspect atteste le

rapport dialectique qui existait entre différentes institutions. Parmi le

personnel de la cour du sarki, certains fonctionnaires pouvaient

accéder au sarki, jusque dans sa vie privée: dan kuraka au

409 ADAMU M., op. cit., 1978, pp. 1, 17 et carte XII ; -ADAMU M., «The spread of hausa culture in west Africa : 1700-199», op. cit., pp. 4-8 ; - MONFOUGA-NICOLAS J., op. cit., 1972, p. 44.

410Sarkin dogarai: chef de la police du roi, il s'occupait des annonces aux populations, de l'ordre intérieur, de la police des marchés, de la répression des délits, de l'application des peines, de la collecte de la dîme, etc ... : HAMANI Dj., op. cit., 1975, p. 110

217

Damagaram, jeka fada et ga/adima au Katsina, sarkin gida ou bagaji

en ·Adar, etc ...

Dans le Kasar Hausa, le sarki ne gouverne ni de manière absolue,

ni seul. Il y a au niveau de beaucoup de cours un conseil électoral qui

a même le pouvoir de déposer le sarki, des responsables des différents

services, des responsables des corps de métiers chargés à la fois de

faciliter la perception des taxes et d'organiser la gestion du pays.

Le conseil électoral, structure vitale pour l'équilibre des pouvoirs et

le maintien de l'ordre en cas de vacance de pouvoir existait au Katsina,

au Gobir, au Borna, à Kano, etc ....

Un autre aspect était la présence des femmes (iya, magira, inna,

magajiya), des esclaves (sarkin bayi, bayin sarki, kaura au Katsina),

des eunuques (Ga/adima au Katsina, Mustarama au Damagaram), et

des responsables religieux (imàm, a/kali, durbi, sarkin mazu, sarkin

anna, etc ... ).

Les structures militaires, administratives, les institutions fiscales

(kharaj, jangali, zakkat, etc ... ) et économiques (fatauci, kasuwa,

tafarki, bojuwa, kali, madugai,411 etc ... ) s'intégraient dans un

ensemble régional et international constitué des États voisins et

partenaires.

Certains éléments ne se situant pas toujours au même niveau de

l'organisation générale de toutes les cours, peuvent se retrouver au

niveau local dans un cas et au niveau central dans l'autre. C'est ainsi

que le titre de turaki et de nasarawa présents à la cour de Kano sont

411ADAMU M., «The spread of the hausa culture in west Africa : 17000-19000» op. dt., pp. 10-13 ; -HAMANI Dj., op.dt., 1975, pp. 217 -222 ; -USMAN Y. B., op.clt., 1972, 24 p. ; -USMAN Y. B., op.clt., 1979(a), pp. 37- 42;

218

absents à la cour centrale de Maradi mais présents à la cours de Gabi

alors dépendant de Maradi. Les titres de maina, mairam,

respectivement attribués au prince et à la princesse dans le

Damagaram ne sont d'usage que dans la région de Tasawa et

Kananbakashe, au Katsina Nord.

Le titre de tambara pourrait très bien dériver du titre de gardien

des tambours royaux (tambura) ou du titre ettebel en tamasheq

(tamban); l'institution permanente de sarakunan sana 'à, de

sarakunan garuruwa, certaines réglementations des échanges, les

pratiques de Zango 412expliquent également les similitudes des

institutions dans la région considérée.

Dans la plupart des États Hausa, les populations sont scindées en

trois principales catégories sociales: les masu sarauta, les talakawa

(hommes du commun libres) et les bayi ou bayu (esclaves).

Le peuplement dans le Kasar Hausa présente un caractère

composite : on rencontrait partout des Peul, des Touareg, des Arabes,

des Kanuri, des Wangarawa, etc ...

Les organisations sociales décrites au Katsina Nord ne lui étaient

pas spécifiques. Le yan sha se trouvait dans d'autres états.

Le trava!1 collectif (gayya, gukkun) existait dans la plupart des

états, certainement sous des formes variées ou des appellations

différentes. Et la recherche de certaines positions sociales, du prestige

ou de l'influence était commune aux autres États du Kasar Hausa

puisque la pratique de barance (une forme de relation de clientélisme),

l'utilisation des esclaves (bayi ou bayu) , le maintien de certains

412Zango: quartier d'une ville, étape ou lieu des repos pour les voyageurs surtout les caravaniers.

219

privilèges ou techniques liées· à un métier ou une pratique (gado), la

pratique des sports comme la lutte (kokowa), la boxe (dambe)

observés au Katsina Nord existaient ailleurs.

Les différenciations sociales intervenaient dans les alliances et les

rapports sociaux. Les personnes d'un certain rang social ont tendance

à se marier et, à lier des amitiés entre elles. L'expression : mai kudi

abokin sar/d (le riche est l'ami du roi), bien connue dans le monde

hausa, est une preuve de cette tendance. La plupart des institutions

du Katisna Nord revêtaient un caractère régional. En effet, les

justifications de beaucoup des institutions41~ religieuses,

commerciales, économiques et des échanges sociales et politiques

dépassaient le cadre d'un seul État.

On peut en conclure que les institutions du Katsina Nord au XIX e

siècle s'intègrent dans un ensemble plus vaste qui d~passe le cadre

d'un seul état. Les différences dans cet ensemble ne sont que des

détails non moins importants. L'installation d'un État centralisé au

413 - Donnons quelques exemple convaincants de ces Institutions : -Oillali au masculin singulier, dlllalai au pluriel et dlUaliya au féminin singulier: ADAMU M., op. dt., 1978, p. 199, U5MAN Y. B., op. clt., 1981(a), p. 228 ; -Tafarki : E.C.E, Maradi, mai, 1984, U5MAN Y. B., op.cit., 1981(a), p. 231 ; -5arkin Alaru : ADAMU M., op. dt., 1978, p. 203, un quartier de Maradi porte même de nos jours

la dénomination de Unguwar sarkin alaru ; -Sarkin alaru est responsable de la corporation des transporteurs, A Maradi c'est aujourd'hui le

chef de quartier dit alaru. ; -Zango: quartier ou camp de repos des voyageurs: ADAMU M., op. dt., 1978 ; -Budin daji, tsafi (sacrifice), yawon almaj/rancl (voyages d'études ou de prédications), etc ... pour

plus de détails on consultera : -ADAMU M., op.dt., 1978, 264 p. ; -ADAMU M., op.dt., 1979, pp. 59-104 ; -ADAMU M., «The spread of hausa culture ln west Africa : 1700-1900», op. dt., 10 p. -ALKAU M. B., op. dt., 1969, 97-125; 240-278 ; -HAMANI Dj., op. cit., 1975, pp. 108-125 ;127-234 ; -IDRISSA K., op. dt., 1982, pp. 25-56 ; -NICOLAS G., op. cit., 1979, 31p. ; -5AUFOU A., op. dt., 1971, pp. 115-199-127 ; -U5MAN Y. B, op. dt., 1972, 24 p.

220

Katsina Nord ne date que de 1817 environ. A Tsibiri elle est

postérieure à cette date tandis que l'installation des États comme le

Damagaram, l'Adar, le Kabi, Kano et même celui de Birnin Katsina est

nettement antérieure à l'année 1817 et couvre dans chacun des cas

cités un espace beaucoup plus vaste. Les proportions des différentes

composantes des populations varient fortement selon les cas: par

exemple au Damagaram il y avait beaucoup plus de Kanuri, de Peul,

de Touareg, d'Arabes qu'au Katsina Nord comme en Adar il y avait

plus des Touareg qu1au Katsina Nord.

Au Kabi, la proportion des Zabarmawa et des Dendawa était

plus significative que celle qu'on pourrait trouver au Katsina Nord. La

diversité des composantes de populations d'un État n'était pas sans

influencer les rapports politiques avec d'autres États et la situation

interne des États partageant les mêmes composantes des populations.

Dans la plupart de ces États, le mode de succession était le même que

celui indiqué plus haut414. La structure d'élection du nouveau sarki

était une constante, même si en Adar elle est l'œuvre de l'Amattakes,

au Damagaram composée de 11 membres, au Gobir elle comprenait 9

membres, au Katsina Nord au maximum 5 membres, etc ...

Il est d'ailleurs inutile de s'attarder sur ces comparaisons. Nous

pensons que ces comparaisons seront plus significatives avec le Borna

ou l'Ayar.

414 HAMANI Dj., op. cit., 1975, pp. 110-111.

221

CONCLUSION

Cette étude nous a conduit, d' une esquisse succinte de la

situation du Katsina à la veille du jihad, puis à l'éclatement du jihad et

ses conséquences, à une -analyse descriptive et à un essai

d1nterprétation des institutions du Katsina Nord.

Mais l'histoire de cette société du Soudan Central, si riche et si

complexe, est dificile à étudier. Beaucoup d'obstacles et de difficultés

ont été rencontrés au cours de notre travail et font qu'il reste encore

des points de l'évolution du Katsina Nord à expliquer :

Les limites du Katsina Nord ne sont pas nettes et le manque de

renseignements sur chaque secteur administratif historique rend très

difficile, dans l'état actuel de nos connaissances, l'établissement d'une

carte des régions et provinces historiques. La carte que nous

proposons dans ce travail est donc perfectible.

L'étude de l'évolution du Katsina Nord suppose un travail préalable

sur une chronologie des différentes dynasties qui sont à la tête de

chaque secteur administratif historique.

La confusion de la fin du siècle impose une étude objective415 du

personnage de kaura Hasau et des véritables causes de cette

confusion.

Quand ces données et d'autres, seront maîtrisées, une étude

comparative intéressante des institutions du Katsina Nord avec celles

du Borna ou du Songhay, et des conséquences de l'évolution du

4150AVIO P., a recueilli des informations très intéressantes dans sa Geste du grand Kaura Hasau mais son étude souffre d'un manque d'analyse pertinente des données.

222

Katsina Nord au XIXe siècle sur son évolution au XX e siècle, peut être

envisagée.

Cependant, on peut déjà constater qu'après le jihad, la région a connu

un afflux progressif des populations et un regain des activités

économiques et politiques surtout avec l'installation d'un état

centralisé à Maradi.

A la base de la révolte du Katsina Nprd, il y avait une résistance

contre un pouvoir trop oppressif, la défense d'une certaine manière

de vivre qui est propre aux populations et la reconquête de tout le

Katsina. L'installation des structures étatiques centralisées au Katsina

Nord s'est faite en harmonie avec les organisations trouvées sur place.

Les institutions du nouvel état installé à Maradi, permettaient non

seulement d1ntégrer tous les dignitaires régionaux et autochtones au

pouvoir, mais encore elles étaient l'expression des préoccupations

socio-économiques et religieuses des populations.

Nous avons montré comment l'institution de sarki reflète la vie

quotidienne des populations. Le conseil électoral, de par le statut de

chacun de ses membres, r~flète toutes les catégories sociales.

Eunuque, homme de confiance de sarki, responsable des affaires

civiles, le Galadima est non seulement le symbole de la confiance, de

la participation des eunuques aux affaires de l'État mais aussi il

exprimait 11mportance que la société attachait aux civils.

Le poste de Yan da ka est une distinction aux populations·

autochtones et aux hommes libres. Le groupe de yan daka est l'un des . . premiers occupants de Yandoto. En effet, une des traditions du

Katsina est d'intégrer, à chaque étape de l'évolution, les anciennes

populations et les anciens dirigeants.

223

D'origine servile, le Kaura416 représente la participation des esclaves

aux affaires de l'État et il est aussi le représentant de l'aile militaire.

Occupé par un homme libre, le poste de Durbj417 démontre que la

dynastie de Durbawa, fondateurs de l'Etat de Katsina, bien que

déchue, n'est pas exclue du pouvoir par la dynastie de Korau. Durbi

est également le plus grand responsable du premier crédo officiel

(l'animisme) du pays. Tous les sarakunan anna sont sous ses ordres.

La participation de liman aux élections témoigne de la

considération faite à l'islam et aux musulmans dans les affaires du

pays.

L'état installé à Maradi devait, en fait, satisfaire plusieurs

exigences des populations: s'adapter au courant d'islamisation

irréversible de la région et aussi résister au califat de Sokoto tout en

assurant aux populations des bonnes conditions de vie.

Les institutions permettaient à toutes les couches des

populations d'avoir un espoir de réussite soit dans la conduite des

affaires de l'État, soit dans les affaires comme le fatauci, le dubu, la

. kan kwariya, les études (yawon almajiranc~, etc ...

La superstructure de la société du Katsina Nord au XIXe siècle ,

était une émanation des infrastructures sociales, économiques et

religieuses, qui, elles-mêmes, trouvent leurs justifications dans les

préoccupations des populations418.

416 Cette Interprétation de la partidpation de ga/adima et de kaura n'exclut pas les raisons qui veulent que ces postes soient occupés par un eunuque et un esclave pour équilibrer le rapport des forces qui aspirent au trône et limiter les ambitions des princes. Rappelons que galadima est aussi un esclave. 417FUGLESTAD F., op. dt., 1978, P 327 ; -NICOLAS G., op. cit., 1975, pp. 57, 159. 418USMAN Y; B., op. cit., 1972, pp. 176-177.

224

Ces structures permettaient aux populations de s'organiser afin

de mieux assurer leur existence, mais aussi elles laissaient des

possibilités d1nnovations et d'abus.

Cette analyse des institutions révèle que l'histoire d'un peuple

dépasse le cadre schématique de guerres, même dans un État qui se

voulait résistant. Elle ne se réduit pas à une confrontation entre les

ethnies ou à un récit légendaire.419

«L'ethnicisation» est un phénomène développé et exploité

récemment.

Ce travail nous montre également qu'aut"ant il existait des

positions recherchées au niveau des superstructures de la société

autant ces positions existaient au niveau des structures de base de

cette même société.

419USMAN Y. Bt op. cit., 1979, pp. 34-55 ;

225

Annexe 1 . CORPUS DE KIRARI

KIRARIN GALADIMA

1 - Babba hasken fada!

- Ta sashi, ba a sa shi!

- Ka bada gona !

- Ka hana lri!

5. - Gardaye kashln gari !

- Babba tomo kashin gari !

Traduction

1 - Grand dignitaire, lumière éblouissante de la cour!

- A elle seule tu obéis, personne d'autre ne te donne des ordres!

- Tu donnes un champs !

- mais refuses la semence!

5. - gardaye 420 le pilier principal de la ville. !

- Grand dignitaire, tomo 421 unique pilier de la ville.

. Kirarin Yan Daka

1-Jimre rani, jimre damana bagube !

-Jimre magajin mai nasara422 !

420Gardaye : est une espèce d'arbre.

421signifie galadima voir ABRAHAM R. c., op. dt., 1962, p. 869.

726

-Mai nassara yandoto !

-Guntun kirin kura, ko ya kire ya fadi,

5-Kare ba shi, dauka koya kasaita !

Traduction

1-Bagube qui surmonte la saison sèche, et la saison des pluies !

-Résiste, héritier de Mai Nasara !

-Mai nasara de Yandoto !

-Redoutable charme de l'hyèJ1e, que, même traînant à terre

5-Le chien le plus hardi n'ose porter 1

422Mai Nasara: titre officiel qui signifie le vainqueur.

227

Kirarin Kaura

1 -Gurrai!

-Gurrai, dan Gaba !

-Gurrai, bakon da kan tara gudan dane da kuwa !

-Babban falke sha tabki !

5 -Babban lauje abin karta dundu !

-Yadda sauri babban filata !

-Mai gona na fadan kan gona tai

-Gurrai na fadan kan mai gona !

-Oroma na daudu, mahaman na daudu !

10 -Ciroma walkin Borno, Isa gaba, isa baya!

-Wake gaban,Uban dawakin katsina ?

-Wake bayan, Uban dawakin katsina, ka dara!

-Kauran tsaron kofa !

-Mai Tamna garazum, garazum,

15. -Hadiya da sauran motsi !

-Ragiji ka mi shiga bakin ka ya zama nama !

-Amsa kuku, amsa kuwa ;

-Bakon da kan tara, gudan dane da kuwa !

Traduction

l-Gurraf423 !

-Gurrai tu es à la tête des armées !

-Gurrai l'attaquant qui charge en criant!

423Gurra/ : terme intraduisible, onomatopée qui serait assimilée à un cri de guerre.

228

-Grand caravanier qui épuise une mare ~

5-Grande faucille, moyen de dénuder les épineux424 1

-Débarrasse-toi de ton bâton, grand Peul425 !

-Le propriétaire du champ se bat pour son bien,

-Le très envié se bat pour défendre le propriétaire du champ !

- Ciroma de daudu, Mahaman de Daudu

10 -Ciroma le tablier d'origine bornuane, tu es à l'avant et à l'arrière

garde 1

- Qui est à l'avant-garde du chef de la cavalerie de Katsina, toi le

valeureux!

-Qui est à l'arrière-garde du chef de la cavalerie de Katsina, ! Toi le

plus valeureux 1

-Kaura qui veille sur la cité 1

-Qui broie à grands coups et

15. - Avale sa proie encore toute frémissante 1

- Ragijj426, tout ce qui tombe entre tes mains devient proiel

- Toi qui réponds à tout cri d'alarme427 1

- L'attaquant qui charge promptement en criant 1

KirarinAge

1-A gegeta a ci kayan baki

-Barazaki, baraya dodo

424 Dundu : espèce d'épineux

425 Sauri ici terme d'origine peulh, qui veut dire bâton, -Fi/ata ici terme d'origine peulh qui veut dire peulh. 426 Ragiji : terme intraduisible qui fait allusion au caractère intrépide de kaura

427 Kuku onomatopée qui est assimilée au cri.

229

Traduction

-Isoler l'étranger pour le dépouiller

-Barazaki, entrepôt du roi !

Kirarin Gazawa

l-Gazau gazau ta Magaji!

-Gagarabadan gabas !

-Badan ke ba da gabas tai Kango !

Traduction

l-Gazau gazu ville de Magaji

-Forteresse de l'Est !

-Tu es la seule défense de l'Est.

Kirarin Iya

l-dabkarai makama kafa !

-Mariyama ta korau!

-Mariyama raya Duwatsu!

-Tada na kwance, na zamne ya zamtsaye !

5-Mai yi da wuta, faskara taba ta zaki

230

Traduction

1-Dabkarari, sur qui on s'appuie!

-Mariyama descendante de korau!

-Mariyama qui donne vie aux montagnes!

-Qui est débout se couche, qui est assis se retrouve debout!

5-Celle qui punit avec le feu, et dont le jugement est sans appel,

Parente du roi !

Kirarin Anna

1-Cinakin anne noma !

-In rani ya yi,

-Sai sassabe da farauta.

Traduction

1-L'activité de l'animiste, Cl est l'agriculture!

-Pendant la saison sèche,

-Il défriche et pratique la battue.

Kirarin Jiratawa

1-Ta magagi birnin kauye !

-Ko wa fada ki shi kwana !

-Dikko ya kwammatse duhu !

-Da dokin Dubu

231

Traduction

l-Ville de magaji, cité rurale!

-Quiconque passe tes portes est quitte !

-Dikko a dû préférer les buissons épineux,

-A son cheval d'honneur !

Kirarin Marad; (dignitaire)

l-Dan-bako ! dan- bako !

-Dan-bako, autan saraki!

-Sabra da Gatari hana kwana!

-Sarkin kauye, matanbaya labaru!

5-Babban guruzumi sha da kafa !

-Sarkin gayya kuwara tahi kwadarko,

-1irgi kan nema

-Babban baran magajin Korau!

Traduction

l-Dan bako! Dan bako!

-Dan bako cadet des rois !

-Moustique à la hâche qui perturbe le sommeil !

-Seigneur de la" brousse", grand inquisiteur!

5-Grand bassin où l'on s'abreuve débout !

- Seigneur plein de superbe, fleuve Niger428 qui dépasse le pont !

428 Kuwara : la partie nigériane du fleuve Niger.

232

\

- Nécessite une pirogue !

- Grand serviteur de l'héritier de Korau !

Kirarin dan galadima429

l-Mahaman Na Daudu !

-Ciroma Na Daudu !

-Mahaman Dan-Galadima!

Traduction

l-Mahaman fidèle de Daudu

-Qroma fidèle de Daudu

-Mahaman Dan-Galadima

429 Dan-galadima «il avait la charge la plus élevée que pouvait recevoir un prince, il était l'adjoint du sarki, qu11 remplaçait en cas d'absence. L'épithète accolé au nom Dan-Galadima Daudu ka na jiran gado , (<<daudu, tu attends le trône»), montre qu11 était celui qui, très souvent (mais pas toujours) remplaçait sur le trône le souverain dont il était l'adjoint» : HAMANI Dj., op.cit., 1975, p. 109.

233

Kirarin Maradi (ville)

l-Maradi gagaran gari

-Kaya garin Danbako

-Shiga da rakumi

-Hita da akala !

5-Tsofon gari mai gahiya !

-Garjaga ta jatau !

-Ko wafada ki shi kwana !

-Gamma uku (taikobi, garkuwa, mashi) na

-Da wuya sai barde

10-Kashe mutum kiyi tuba

-In an kashe ki sai dagumma !

-Na ganin ki ka tahi Bauchi !

Traduction

l-Maradi, 11nvincible ville !

-Ville de Dan Bako, «épine dans le pied» !

-Ceux qui y entrent avec leurs chameaux

-En sortent avec le. seul licou.

5-Vieille ville aux rats

-Invincible ville de Jatau430 !

-Quiconque t'implore verra demain

. ;" , 43fJGaljanga : onOl1R'l~, ", .' . -Jatau : nom propre dont le rôle historique est Indéterminé,

234

-Réunir trois armes (épée, bouclier et lance) est très délicat

-Sauf pour un grand officier!

10-Tu tues l'adversaire et le dépouilles !

-Quiconque te tue ne trouve que gris-gris sur toi !

-Tes adversaires préfèrent attaquer Bauchi 431!

Kirarin Korau

Korau na sauri fallasa gari !

Traduction

Korau de sauri,432 vainqueur de la ville !

Kirarin durbi

1-Tasau babban gabas !

-Fasa mika, magajin na lunfasa !

-Na lunfasa na Iddiri, Iddiri na gadi !

-Gadi na mai Jabama !

5-Awalin saran Katsina, Kumayau

-Inane ba naku ba ? Magajin Dan Gangu ?

-Ruwan durun durumi wanda ya sha ya mutu,

-Wanda ya gani ya makance !

431La dernière partie de ce kirarl est tantôt récitée pour Maradl, tantôt pour Jiratawa.

432Pour la suite du kirarl de Korau voir USMAN Y. B., op. dt., 1981(a), pp. 12-15.

235

Traduction

1-Tasau433, soleil levant ou dignitaire de l'est.

-Infatigable héritier de nalunfasa !

-Nalunfasa de Iddiri, Iddiri de Gadi,

-Celui-là même de Jabama 434!

5-Kumayau est le premier pionner de Katsina !

-Tout Katsina ne vous appartient-il pas, héritier de Dan-Gangu?

-Source de Durun Durumi, qui boit de ton eau périt,

-Quiconque la voit perd la vue.

4DrASAU peut signifier en hausa immigrant, révolté ou dignitaire de la ville de TASAWA. 434 Nous ignorons la signification de Jabama, gadi, Iddlri, dan-gangu et nalunfasa. Ils peuvent être des noms propres ou des titres.

236

Annexe 2

Généalogie de Korqom d'après la chronique de Raffin Daqi

(Daji ?)435

Pumpamgari 1200

Arahige 1240

Raidi 1270

Richi 1295

Mungufir 1320

Baburuwana 1350

Maikishifi 1377

IlIa 1417 .

Nika 1475

Zuzu 1506

435 - Nous rapportons cette liste telle que nous l'avons recopiée dans PÉRIÉ J., Carnet monographique numéro 4, A.N.N, 1945, p.7 Ce même document rapporte que la dynastie de Korgom est d'origine Mazumawa et apparentée à la famille des andens chefs de Konni.

237

Kumburi

Gama' 1537

Ka ra ri

Baidu 1548

. Gambulna 1580

Dutchi 1601

Anfari 1631

Zakantchi 1651

Kombida '1681

Gandao 1701

Gogarma 1701

Intada 1748

238

DOCUMENTATION

1 LES SOURCES

1 - La tradition orale

a) Enregistrements de seconde main

Enregistrement anonyme sur l'histoire du Katsina: nous avons

écouté cette bande à la section Voix du Sahel de Maradi en mai

1984.

Enregistrement réalisé par Mahamane Rigo à Tsibiri (cassette en

possession de Mahamane Rigo).

Usman Y.B., Interview sur l'histoire de Katsina, réalisée par 11RSH,

à Niamey le 01-04-1975, (bande disponible à la sonothèque de

l'I.R.S.H.).

b) Tableaux de nos principaux informateurs

Le tableau qui va suivre présente des lacunes. Entre autres

difficultés il est difficile d'obtenir l'âge, même approximatif, de certains

informateurs.

239

TABLEAU DE NOS PRINCIPAUX INFORMATUERS

~ flio2m tj2m 2Y AB 5mmt 2Y f2Dgi2D B.égIg& DBm

mmmn iJRR[2Xi- 3dII!um d'tmoYête

DliJtjf ~

1 Abubakar Kammasu ? sarkin Kano(Maradu) Maradu 17/05/84

2 Barmo Bakoye 75 ans Chef du village de Tokarawa 20/05/84

Tokarawa ta gabas ou ta gabas

Dan gaya ou Dan

gaya

3 Dan Dicko Dan Koulodo ? Professeur Niamey 11/02/84-

18/02/84

4 Dan Dodo ? 82 ans Détenteur du titre de Maradi 19/05/84

dan dodo à la cour de

Maradi

5 Dan shibo Bakoye 55 ans Cultivateur et and en Dan gava 20/05/84

sarkin samarl

6 Dan ? 60 ans Griot à la cour royale Maradi 19/05/84

wardanga de Maradi

7 El Hadji Mahaman 76 ANS Ancien alkali de Maradi Maradl 22/09/84

Idrlssou

8 El Hadji ? ? Cultivateur Maradi 22/07/84·

Labo

9 Hajiya ? ? Tambara et matrône Bargaja Mars 1982 et

Gado août 1983

10 Hajiya ta Uban dawaki ? Tambara et ménagère Dan Gaya Plusieurs

Ausagi entretiens

11 Issa Dan Gaya 70 ans Cultivateur Dan Gaya 20/05/84

12 Kanta ? 90 ans sarkin anna Gazawa 22/09/84

13 Uman Bagashe 87 ans Ancien liman de Madarunfa 21/09/84

Haladu Madarunfa

240

14 Magaji Habou ? Responsable de la base Maradi et Avril 1984 et

I.R.S.H. Maradi Niamey septembre

1984

15 Mahaman ? ? Magajin Bakabe et Maradi 19/05/84

Dan agent du pélerinage

Sadaka

16 Malan ? ? Marabout et cultivateur Hasau 20/05/84

Yahaya

17 Mamane Galadima 50 à 56 Manoeuvre à la sous- Madarunfa 21/03/85

Tama ans préfecture de

Madarunfa

18 Mati Dan lady ? CUltivateur Dan GijlYa Plusieurs

entretiens

19 Mayana Banno 84 ans Prince et anden chef Tasawa 21/05/84

de canton

20 Neino Dan Djimo 45 ans Chef du village de Niamey 24/01/85

Tokarawa Tajaye

21 Roko ? ? CUltivateur et griot Hasau 20/05/84

22 Sani Kwayau ? Uban dawaki de liratawa 17/05/84

liratawa

23 Sarkin ? 85 ANS Chef de la corporation Gazawa 22/05/84

aski Waje des barbiers

24 Sarkin ? 85 ans Chef de la corporation Hasau

bindiga des chasseurs à fusil 20/05/84

Gadi

25 Shayau ? 108 ans Dogari en retraite . Gabi 20/05/84

26 Uban ? ? Ancien ubandawaki de liratawa 17/05/84

dawaki Iro liratawa

27 Yan Roni ? n Notable Gazawa 22/05/84

28 Yerima ? ? Dogari Gazawa 22/05/84

Nomau

241

C) Les monographies et les manuscrits

CUNIN, Division de Gober en Cantons: A.N.N.f14Maradi1.4, Sp et une

carte

EGO B., Monographie sur le département de Maradi (section Voix du

Sahel Maradi), (5.0).

GEBER P., Rapport de chefférie de cantons, 12 Octobre 1950, 6 p.

A.N.N.f14 Maradi 1.3.

LE CANTON DE GABI et son histoire: document anonyme (S.L.N.D) en

possession de Hachirou prince de Gabi. II prétend obtenir ce

document de son grand frère Moussa Na-Abou.

MARIKO K. A., La poursuite du passé (manuscrit en possession de

l'auteur).

MARIKO K. A., Les regroupements paléonégritiques nigériens

(manuscrit e'n possession de l'auteur).

PÉRIÉ J., 5 carnets monographiques de cercle de Maradi 1945

A.N.N.f14 Maradi 1.2 :

Première partie :

A -Le milieu, 12 p. ;

B -Histoire, 6 p. ;

Deuxième partie :

-7 cartes et plan ;

Troisième partie :

-9 fiches de renseignements sur les chefs de cantons, activités

commerciales et maisons de commerce, 9 fiches +7 pages ;

Ouatrième partie :

-Impôts, taxes et services publics, 9 p. ;

Cinquième partie :

-Force publique, 3 p.

242

PÉRIÉ J., Cercle de Maradi : historique complet, politique et

administratif: des origines à 1940, rédigé par le commandant de

cercle Périé (1947-1948) A.N.N. (Niamey).

PÉRIÉ J, Notes historiques sur la région de Maradi (5.0.), 22 p.

I.R.S.H.

PlOT M., La nomination de sarkin Katsina, Maradi 15 Novembre 1944,

4 p. A.N.N/14 Maradi 1.1.

SARKI Souleymane, Enquête sur l'histoire de Tokarawa (1982 ) (texte

en possession de l'auteur).

VILLOMÉ: Monographie secteur Maradi (double) avec les cartes

annexes, 1913-1914

d) Les chansons

-El hadji Dan Anace : wakar annan Dan -Alli ;

-El hadji Mahaman Shata : wakar sarkin Daura ;

-El hadji Baia Nagoje : wakar sarkin Maradi

-Orchestre Kaura de Maradi : Le disque Na Maradi Dan-kasawa

243 b

"

Cartes des principales zones d'enquête.

Carte des principales zones d'enquête

L6gende

• • •

Froriu6r\s lIClUelles du NIgII!' et du NIg6rla

UrntD approxIrn:JIiye du Katslnll Nord au XIX6 B.

U~ des 8edeu1D Ddninlatrntlfa prkolon!1IUX

G\IIbin Maudi

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.. ., Hasou 1. a

244

\J o s DAURA

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256

Remerciements

Abréviations

Transcription

Introduction

Tables des matières

1. Les raisons de notre choix

2. Les difficultés rencontrées

3. Exposé des sources et considérations

4. Critique de sources

méthodologiques

5

7

9

11

11

13

16

17

Première Partie: Naissance et évolution du Katsina Nord. 21

Chapitre 1er : Présentation physique et humaine

1. Aspect physique

a. Le relief

b. Les principaux cours d'eau du Katsina Nord

c. La végétation

d. Le climat

2. Aspect humain

Chapitre II : Introduction au XIXe siècle

1. Aperçu historique de la situation générale

22

22

22

24

24

26

26

31

31

2. Le Katsina Nord avant le Jihàd : des facteurs favorables· 38

257

Chapitre III. : Le Jihad au Katsina 50

1. Les évènements du Jihad au Katsina 53

2. Les jihadistes au Katsina Nord 58

3. La révolte du Katsina Nord 63

a. Préparation de la révolte 64

b. La révolte 66

4. Nos tentatives d'explication du succès de la révolte du Katsina

Nord 69

Chapitre N. : Katsina Nord après la révolte

1. conséquences de la révolte pour le Katsina Nord

a. conséquences politiques

b. conséquences dém~graphiques

c. conséquences économiques

2. Le pays après Dan Kasawa : de 1830 à 1910

a. Le premier successeur de Dan Kasawa

b. L'avènement de Dan Mari (1836-1843)

c. Le règne de Dan Baskore, fils de Rauda

(c. 1852/3-1875)

d. La fin du siècle au Katsina Nord.

Deuxième Partie: les Institutions

Chapitre V. Analyse descriptive des institutions

socio-politiques du Katsina Nord au XIXe siècle

1. L'organisation administrative du territoire

a. La d~vision administrative du territoire

258

76

79

79

83

87

92

92

93

95

97

105

109

109

109

• Responsables administratifs à partir du

pouvoir central 114

• Les administrateurs sur le terrain 115

b. Le pouvoir central : le Sarki et sa cour 123

• Les membres du conseil électoral 126

• L'élection du sarki 128

• L'organisation de la cour 135

• Titres des princesses 144

• Titres des princes 147

• Titres de Katsina et correspondants en

français selon Issaka Dan Koussou 149

c. L'organisation militaire 150

d. La justice 152

e. Les ressources de l'Etat et de l'administration 155

f. Le contrôle de la gestion du royaume 160

2. Les autres institutions: 164

a. Les différentes catégories sociales 164

b. Le mariage 168

c. La cérémonie de Yan sha 173

d. Les institutions de dubu et de Kankwarya 175

• Le dubu 176

• La Kan Kwarya 180

e. Deux modèles de travaux collectifs : la gawa et la

gukkun 183

f. La cérémonie de budin daji ou budin dawa 186

259

3. Un aspect de l'évolution des institutions: leur dynamisme 193

Chapitre VI. : Essai d'interprétation des institutions 200

1. Les fondements du pouvoir dans un royaume africain :

le cas du Katsina Nord 201

2. Quel changement au Katsina du XIXe siècle? 212

3. La similitude des institutions du Katslna Nord avec celles

des autres Etats Hausa et de leurs voisins. 215

Conclusion 222

Annexe l : corpus de Klrari 226

Annexe II : Généalogie de Korgom d'après la chronique de

Raffin Dagi (Daji ?) 237

Documentation 239

1. Sources 239

2. Ouvrages généraux 245

3. Etudes plus spécialisées consacrées au Soudan Central 247

4. Quelques études consacrées au Katsina et au

Katsina Nord 254

Tables des matières 257

260 ~-

----,

"

Addo Mahamane est né vers 1957 à Tokarawa Ta Gabas dans le département de Maradi (République du Niger ). Il est actuellement Chef du Département d'Histoire de l'Université Abdou Moumouni de Niamey. Enseignant de carrière, il mena plusieurs études historiques, sur le monde Hausa, parmi lesquelles on peut citer:

- Le Katsina, l'impossible unité, 1988 ; - Étude documentaire des relations commerciales entre

le Niger et le Nigéria, en collaboration avec Dr. Chako Chérif, Niamey, PA5PEjU5AlD, 1993 ;

- Les institutions politiques du Katsina aux XVIIIe et XI Xe siècles: introduction à l'étude de la civilisation hausa, DEA, Aix-Marseil/e l, 1994 ;

- Institutions et imaginaires politiques hausa : le cas du Katsina sous la dynastie de Korau (XVe-XIXe 5), thèse de doctorat unique soutenue en 1998 à Aix-en-Province ;

- La légende de Bayajida. ou l'''invention'' d'une mémoire en pays hausa, 1999 ;

- Les relations entre les mondes Hausa et 50nghay, Colloque de l'AssQciation des Historiens Nigériens (A.H.N), juin 1999.

Addo Mahamane est aussi co-auteur de certains manuels d'histoire rédigés par 17nstitut National de Documentation, de Recherche et d'Animation Pédagogiques (I.N.D.R.A.P.) rédigés entre 1986 et 1992.

Il se consacre aujourd'hui à des recherches sur les thèmes suivants : Institutions et dynamiques des sociétés: fondement du pouvoir dans

la société hausa ; - Les institutions politiques en Afrique : la question de légitimité

et légalité en rapport avec la stabilité et l'instabilité politiques.

Addo Mahamane milite aussi dans plusieurs organisations socio­professionnel/es tel/es que l'A.H.N, l'Association des Amis du Professeur Dan Dicko Dan Koulodo (A.D.D.K), etc.

L'étude qu'il vient de publier est le premier volume d'une série qui sera consacrée à la région de Maradi dans sa mutation. Actuellement, il a mis en chantier trois volumes : la biographie de 5arki Buzu, les transformations de la région de Maradi de 1900 à 1960 et Maradi après l'indépendance du Niger: 1960-1990.

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