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Ces larves de moustiques (Dip. Culicidés) respirent en surface grâce à leur siphon . Cliché James Gathany, CDC Insectes 3 n°146 - 2007 (3) De la simple incursion - pour s’y nourrir ou pour s’y reproduire - à l’accomplissement total de leur cycle, nombreux sont les insectes qui vivent à un moment ou à un autre dans le milieu aquatique. Se pose alors la délicate question de la respiration… Bulles, plastrons, siphons, antennes… Les insectes utilisant l’oxygène ga- zeux, qu’il soit prélevé dans l’air, ou plus rarement, dans les canaux aérifères des végétaux, sont aussi bien des adultes (Coléoptères et les Hémiptères uniquement) que des larves. Pour respirer, le Dytique (Col. Dytiscidé) adulte fait affleurer l’extrémité postérieure de son ab- domen à la surface de l’eau, en po- sition oblique, ventre vers le bas. L es insectes sont essentiellement des Arthropodes terrestres à respiration aérienne trachéenne. Certains sont devenus secondaire- ment aquatiques (3 % des insectes) mais ils ont conservé leur système de trachées qui conduit l’oxygène de l’air jusqu’aux cellules. Les insectes respirent dans l’eau soit de l’air en nature – principale- ment emporté sous forme de bulles ou aspiré par un tube (« siphon ») – soit l’oxygène dissous – au travers du tégument ou via des trachéo- branchies. Par Alain Ramel . La respiration aquatique des insectes Le dernier segment s’allonge et fait saillie sous les élytres, venant en communication avec l’air exté- rieur. Des poils hydrofuges per- mettent la communication avec l'espace sous-élytral. L'air inspiré en surface se loge sous les élytres où il est mis en contact avec les trachées par les stigmates abdomi- naux situés non plus latéralement mais en face dorsale. La larve pos- sède un siphon, percé de deux stigmates, à l’extrémité de l’abdomen. Comme chez l’adulte, la respiration se fait tête vers le bas. C’est dans une position simi- laire, mais ventre vers le haut, que l'air pénètre sous le corps de la Notonecte glauque (Hém. Notonectidé). Grâce aux longs poils hydrofuges de la carène mé-

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Ces larves de moustiques (Dip. Culicidés) respirent en surface grâce à leur siphon . Cliché James Gathany, CDC

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De la simple incursion - pour s’y nourrir ou pour s’y reproduire - àl’accomplissement total de leur cycle, nombreux sont les insectes quivivent à un moment ou à un autre dans le milieu aquatique. Se posealors la délicate question de la respiration…

■ Bulles, plastrons, siphons,

antennes…

Les insectes utilisant l’oxygène ga-zeux, qu’il soit prélevé dans l’air,ou plus rarement, dans les canauxaérifères des végétaux, sont aussibien des adultes (Coléoptères etles Hémiptères uniquement) quedes larves.

Pour respirer, le Dytique (Col.Dytiscidé) adulte fait affleurerl’extrémité postérieure de son ab-domen à la surface de l’eau, en po-sition oblique, ventre vers le bas.

L es insectes sont essentiellementdes Arthropodes terrestres à

respiration aérienne trachéenne.Certains sont devenus secondaire-ment aquatiques (3 % des insectes)mais ils ont conservé leur systèmede trachées qui conduit l’oxygène del’air jusqu’aux cellules. Les insectes respirent dans l’eausoit de l’air en nature – principale-ment emporté sous forme de bullesou aspiré par un tube (« siphon ») –soit l’oxygène dissous – au traversdu tégument ou via des trachéo-branchies.

Par Alain Ramel .

La respiration aquatique des insectes

Le dernier segment s’allonge etfait saillie sous les élytres, venanten communication avec l’air exté-rieur. Des poils hydrofuges per-mettent la communication avecl'espace sous-élytral. L'air inspiréen surface se loge sous les élytresoù il est mis en contact avec lestrachées par les stigmates abdomi-naux situés non plus latéralementmais en face dorsale. La larve pos-sède un siphon, percé de deuxstigmates, à l’extrémité del’abdomen. Comme chez l’adulte,la respiration se fait tête vers lebas. C’est dans une position simi-laire, mais ventre vers le haut, quel'air pénètre sous le corps de laNotonecte glauque (Hém.Notonectidé). Grâce aux longspoils hydrofuges de la carène mé-

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Hygrobia hermannii - Cliché Frank Köhler

diane ventrale et à ceux plus longsdes deux côtés, l'air peut circulersous l'abdomen non mouillablejusqu'aux stigmates respiratoires.

Chez l’imago du GrandHydrophile, Hydrophilus piceus(Col. Hydrophilidé), l'antenne estl'organe de respiration aérienne.L’insecte aborde la surface de l'eausur le dos par le côté et met lespoils hydrofuges des derniers ar-ticles de l'antenne en contact avecl'air qui pénètre jusqu'à la face ven-trale de l'abdomen, lui aussi garnide poils hydrofuges, où l'airs’amasse en un « matelas de bullesd'air » (plastron aérifère) : cette ré-serve est ensuite aspirée par lesstigmates méso-thoraciques. L’airvicié est rejeté par les stigmates ab-dominaux, il s'accumule sous lesélytres et est ensuite expulsé en ar-rière, sous forme de bulles, par desmouvements abdominaux.La respiration de la d’H. piceus estd'abord est d'abord branchiale puisaérienne, comme celles du Dytique.Ce sont les « vers assassins » deRéaumur, qui peuvent atteindre 7 cm de long et sont, contrairementaux adultes, de redoutables carnas-siers qui dilacèrent, avec leursfortes mandibules et deux longuesmaxilles étroites, têtards, petitsmollusques et poissons.

La réserve d’air emmagasinée –que ce soit sous les élytres ou dansun plastron aérifère – joue un rôledans la locomotion. La plongées’effectue grâce à la modificationen rame de leurs pattes, mais ils se

laissent remonter passivement à lasurface pour y respirer, entraînéspar la flottabilité que leur procu-rent les bulles d’air respiratoires.

� Ainsi font…

La Nèpe cendrée ou Scorpiond'eau (Nepa cinerea, Hém. Népidé)a le dernier article de l’abdomenprolongé d’un tube (siphon) com-posé de deux filaments en gout-tière par lequel l’air est aspiré, lecorps restant en plongée. AutreNépidé à siphon respiratoire etpattes longues et grêles : laRanâtre linéaire, Ranatra linearis,mesure de 30 à 35 mm de long(sans les appendices). Chez les Hémiptères (anciensHétéroptères) vivant au contact del’eau, seul le sous-ordre desNepomorpha - principalementNépidés, Notonectidés, Corixidéset Naucoridés -, est concerné par larespiration aquatique (les autres :Gerris, Hydromètre, Velia étant

Notonecte glauque - Cliché Frank KöhlerDytique bordé - Cliché R. Coutin - OPIE

DétournementsCertains insectes, adultes ou larves, utili-sent l'air contenu dans les végétaux immer-gés. C’est le cas, par exemple, de la larvedes Coléoptères du genre Donacia dont lalarve pique le roseau à l'aide de l'éperon deson 8e stigmate abdominal et prendl’oxygène dans les lacunes aérifères (voirInsectes n°140, p. 11, en ligne àwww.inra.fr/opie-insectes/pdf/i140lays.pdf).Dans le même registre, les larves desCulicidés des genres Coquillettidia etMansonia constituent des exceptionsremarquables dans leur groupe à « siphonrespiratoire de surface ». La larve resteimmergée, utilisant un siphon en pointepour percer les racines ou les feuilles de lavégétation. La nymphe agit de même avecses deux cornes respiratoires.

Larve de Mansonia septempunctata « bran-chée » par son siphon sur une racine aqua-tique - Cliché Stephen L. Doggett, Departmentof Medical Entomology, Westmead Hospital,Australie

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des « patineurs de surface »). Lesdeux premiers des cinq stades lar-vaires ont une respiration cutanée.Au-delà, la respiration est aé-rienne, comme chez les adultesdont ils possèdent l’anatomie et laphysiologie.

Autre technique, le Gyrin, Coléoptèreflotteur de surface, utilise une « an-tenne respiratoire » courte dont lescape reste constamment à la surfacede l'eau. Le pédicelle en lame, cou-vert de soies, retient l’air permettantla respiration sous l’eau.

Beaucoup de larves de Diptères,principalement Nématocères, utili-sent l’oxygène gazeux de l’air. Leslarves de Psychodidés possèdentune couronne de poils autour desstigmates anaux, en court siphonrespiratoire, pour respirer en sur-face. La collerette plumeuse hydro-fuge permet de retenir un certaintemps un globule d'air, capté à la

Nèpe cendrée et son long siphon respiratoire - Cliché R. Coutin - OPIE

Larve d’Éristale et son siphon respiratoire télescopique - © Entomart à www.entomart.be

ganique. Ce tube respiratoire, situéà l’extrémité de l’abdomen, estpercé de deux stigmates. Il peuts’étirer jusqu’à faire 4 à 5 fois la lon-gueur du corps de la larve grâce àtrois segments télescopiques.

■ Branchies : une spécialité

larvaire

Seules les larves utilisent l’oxygènedissous grâce à des systèmes bran-chiaux. Chez de nombreuses es-pèces, la respiration des premiersstades se fait directement au traversdes téguments et des tissus. Pourd'autres espèces de petite taille,c’est même le mode unique de res-piration à tous les stades larvaires.La respiration tégumentaire est tou-jours plus ou moins présentemême lorsque d’autres systèmessont opérants. Elle alimente alors,soit le système trachéen, soit le sys-tème circulatoire (hémolymphe).

Certains Hyménoptères Ichneumonidésparasites viennent pondre dans les œufsou les larves d’insectes aquatiques. Parmieux, les Agriotypinés, parasitoïdes denymphes de Trichoptères, sont les seuls àdisposer d’adaptations réelles à la vieaquatique. La larve de l’Hyménoptère sedéveloppe en dévorant son hôte et prendsa place dans son fourreau. Au dernierstade, elle tisse un cocon et un ruban respi-ratoire dont la fonction sera de remplird’air le cocon.

Fourreau d’une larve de Goeridé(Trichoptères), parasitée par Agriotypus donton voit le ruban respiratoireCliché Javier Oscoz - Département de Zoologieet Écologie, université de Navarre

Les Lépidoptères Pyralidés possèdentquelques genres aux chenilles et chrysalidesaquatiques et même un genre (Acentria)dont la femelle adulte, brachyptère, vitimmergée. L’accouplement se fait donc sousl’eau, en apnée pour les mâles, qui doiventplonger pour rejoindre leur partenaire…

surface, qu’ils entraînent sous l'eau. Les larves des Culicidés (mous-tiques) ont un siphon respiratoireplus ou moins long. Elles se tien-nent obliquement sous la surfacede l'eau. La disposition et la naturedes soies, les proportions et laforme du siphon, sont utilisés ensystématique. Seul genre de la fa-mille à ne pas posséder de siphon,Anopheles se place en position ho-rizontale sous la surface pourmettre ses deux stigmates respira-toires, situés sur le huitième seg-ment abdominal, en contact avecle milieu aérien. Lors de la plon-gée, des valves ferment l’accès ausystème trachéen.Parmi les Diptères Brachycères, lelong siphon respiratoire de certainsSyrphidés tels que la larve d'Éristaleou « larve queue de rat », est une re-marquable adaptation à la vie dansdes milieux chargés en matière or-

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La plupart des larves et nymphesaquatiques ont les trachées des in-sectes terrestres, complétées pardes branchies externes. Ces tra-chéobranchies, dans lesquelles seramifient les trachéoles, se présen-tent sous différentes formes (lamel-laires, foliacées ou filamenteuses).Elles sont généralement portéespar l'abdomen mais parfois par latête ou par le thorax comme chezles Perles (Plécoptères). Chez lesLibellules (Odonates), on trouvedes branchies rectales. L’oxygènedissous dans l'eau se répand à lasurface de ses organes et pénètrepar diffusion. Les stigmates sontgénéralement absents ou seuls lesstigmates postérieurs sont fonc-tionnels et très différenciés.

Les Éphéméroptères possèdent desbranchies abdominales (en général7 paires) souvent subdivisées entubes ou lamelles. Quelques es-pèces les utilisent pour nager.Généralement la première paireest réduite mais elle peut, aucontraire, être très développée.

Chez les Odonates, l’abdomen desZygoptères est prolongé par deuxéléments latéraux (paraproctes) etun élément dorsal médian (épi-procte), chacun prolongé par unelamelle branchiale (trachéobran-chie) dont la forme est utilisée en

systématique. L’importance de cesappendices est certainement mi-nime car bien qu’ils soient souventperdus ou détruits accidentelle-ment au cours de la vie aquatique,leur absence ne semble pas com-promettre ni le développement, nile passage à l’âge adulte.L’appareil respiratoire des Anisoptèresest situé à l’intérieur du rectum (bran-chies rectales). L’extrémité del’abdomen se termine par cinq appen-dices courts formant un appareil val-vulaire se rapprochant en pyramide etqui ouvre ou ferme la chambre respi-ratoire rectale (en forme de tonnelet)isolée du reste de l’intestin par unsphincter. Les parois internes de cette« corbeille branchiale » présentent des

organes spécialisés : des capillaires tra-chéens venus de troncs longitudinauxventraux et dorsaux s'y épanouissentpour permettre les échanges gazeux.Le rejet violent du liquide de lachambre rectale par contraction pro-voque à l’occasion la propulsion enavant de l’insecte.

La présence des branchies chez leslarves de Plécoptères n’est pas sys-tématique (absentes chez Nemouraou Perlodes). Elles peuvent se situersous le cou (branchies proster-nales), au niveau des hanches ou del’anus.Les Mégaloptères ont sept pairesde branchies abdominales à tigesplumeuses articulées et une tigeterminale branchiale égalementplumeuse.Les Trichoptères ont de nom-breuses branchies abdominalesplus ou moins ramifiées en sériesdorsale, ventrale et latérale.

Dans la famille des DiptèresSimulidés, les larves, à branchies dor-sales rétractiles, vivent dans les eaux àcours rapide, sur les rochers des cas-cades… La fixation au substrat est as-surée par une sécrétion glutineusedéposée sur les crochets postérieursreliés au support. La nymphe, dansson cocon de soie, est fixée ventrale-ment au substrat. Elle possède deuxcornes respiratoires ramifiées.Les Blépharocéridés ont des larvesqui vivent dans les torrents, collées

Larve d’Éphéméroptère - Cliché-montage Michel Vérolet

Procte de larve de Zygoptère. - Cliché Michel Vérolet

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en bref…

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sur les rochers par des ventouseset crochets et qui se nourrissentd'algues unicellulaires. Elles pos-sèdent une paire de touffes bran-chiales par segment.

■ Branchies sanguines

Les branchies sanguines sont des ex-tensions tégumentaires dépourvuesde trachéoles qui mettent en contactl’oxygène dissous et le système circu-latoire véhiculant l’hémolymphe. Peud’insectes possèdent des pigmentsrespiratoires. Les plus connus sontles larves des Diptères Chironomidés(les « vers de vase » des pêcheurs).Dès le second stade, elles synthéti-sent une hémoglobine ayant uneforte affinité pour l'oxygène. De cou-leur rose, elles deviennent d’unrouge vif dès le troisième stade lar-vaire. Le pigment facilite le transportde l’oxygène par le sang, ce qui per-met la survie dans des milieux à forte

concentration organique où l’oxy-gène est peu abondant. Autres rarescas de présence d’hémoglobine chezles insectes, les larves d’Anisopinés(Hom. Notonectidés) et la larve para-sitaire des Gasterophilus (Dipt.Gastérophilidés). r

La larve aquatique de Diptère Chaoborine possède deux structures respiratoires en « cornets »au niveau du thorax (à droite du cliché) - Cliché-montage Michel Vérolet

Bibliographie• Tachet H. et al., 2002. Invertébrés d’eau

douce : systématique, biologie, écolo-gique. CNRS Éditions. 587 p.

• Ramel, A. Les insectes aquatiques. SurInternet àhttp://aramel.free.fr/INSECTES32.shtml

1 Le Livre des records de l’université de Californie indique 3 055.Chenilles de Phthorimaea operculella parasitées par Copidosomakoehleri. DR

EN ÉPINGLE - voir les autres Épingles à www.inra.fr/opie-insectes/epingle07.htm

■ Guerre des sexes

L’altruisme (obligatoire…) existe dans la nature, entre frères et sœurs,où le sacrifice des uns favorise la survie des autres. Notamment chezles Hyménoptères eusociaux et les parasitoïdes. La « sélection deparentèle » est un beau sujet de recherches en biologie de l’évolution,à explorer avec les armes de l’entomologie (observations, manipula-tions, élevages…) et des mathématiques (modèles). L’Hyménoptère Encyrtidé Copidosoma floridanum (alias C. truncatellum),parasitoïde de Lépidoptères Noctuidés (comme du Ni, Trichoplusia ni,aussi appelé Fausse Arpenteuse du chou), est connu depuis très long-temps pour sa polyembryonie : un œuf donne naissance par divisionde l’embryon à quelque 2 000 1 individus, génétiquement identiques,femelles ou mâles selon qu’il a été fécondé ou pas. On connaît demême l’existence, parmi ces « jumeaux vrais », de deux castes. La plusnombreuse est constituée de larves apodes et acéphales (comme desasticots) qui, après s’être nourris de l’hémolymphe et des tissus del’hôte, se nymphoseront et émergeront de la momie de la chenille. Laseconde, plus précoce, est constituée de « soldats », filiformes etmunis de mandibules ; stériles, ils ne se métamorphoseront jamais.On s’est accordé, après bien des discussions, à leur attribuer le rôle dedéfenseurs « sacrifiés » chargés d’éliminer les concurrents indésirables,à savoir parasitoïdes éventuellement présents dans le corps de la chenille. Que se passe-t-il si la concurrence est « fraternelle » ? Soit une femellede C. floridanum qui pond 2 œufs dans un œuf de T. ni ; l’un donnerades femelles, l’autre des mâles. Les soldats femelles tueront la plupartdes mâles, leurs frères, qui ne seront plus qu’1 sur 10 à l’émergence.Ou comment, dans un milieu confiné et aux ressources finies, aboutir,à partir de la parité, à un taux sexuel satisfaisant. C’est-à-dire avec unlarge excédent de femelles, plus utiles, il est vrai…

Chez cette espèce, il y a guerre des sexes, entre frères etsœurs. Avec les frères qui « se sacrifient » pour leurs sœursbien plus que la réciproque – un altruisme assez particulier. Les Copidosoma sont intéressants également en luttebiologique où l’on emploie notamment C. koehlericontre la Teigne de la pomme de terre (Phthorimaeaoperculella, Lép. Géléchiidé), avec succès, bien que laprésence du parasitoïde augmente la taille et la duréede vie des chenilles (stades surnuméraires), donc leursdégâts, avant de les tuer. Ils sont enfin – et les résultats récents obtenus au Canadaet en Grande Bretagne évoqués ici amèneront certaine-ment de nouveaux développements – une source d’inspi-ration bien exploitée par les auteurs de science fiction. AF

D’après, entre autres, « Lessons From an Insect’s Life Cycle: ExtremeSibling Rivalry », par Karl Zimmer, The New York Times, 14 août 2007, luà www.nytimes.com