Inra Fruits Legumes Dans l'Alimentation

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 Les fruits et légumes dans l’alimentation Enjeux et déterminants de la consommation Expertise scientifique collective Synthèse du rapport d'expertise réalisé par l'INRA à la demande du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche Novembre 2007    P    h   o    t   o   :    ©    J   e   a   n      R   e   n    é    S   a   v    i   n    i

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Les fruits et lgumes dans lalimentationEnjeux et dterminants de la consommation

Expertise scientifique collectiveSynthse du rapport d'expertise ralis par l'INRA la demande du Ministre de l'Agriculture et de la Pche

Photo : Jean-Ren Savini

Novembre 2007

Directrice de la publication : Claire Sabbagh, INRA, Unit Expertise scientifique collective Conception du document et coordination ditoriale : Isabelle Savini, INRA, Unit Expertise scientifique collective

Contacts : Pierre Combris : [email protected] ; Claire Sabbagh : [email protected]

Le rapport d'expertise, source de cette synthse, a t labor par les experts scientifiques sans condition d'approbation pralable par les commanditaires ou l'INRA. La synthse a t valide par les auteurs du rapport. La liste des experts mobiliss pour cette expertise figure en page 3 de couverture. Les citations doivent faire rfrence aux diteurs scientifiques nomms ci-contre : M.J. Amiot-Carlin, F. Caillavet, M. Causse, P. Combris, J. Dallongeville, M. Padilla, C. Renard, L.G. Soler (diteurs), 2007. Les fruits et lgumes dans l'alimentation. Enjeux et dterminants de la consommation. Expertise scientifique collective, synthse du rapport, INRA (France), 80 p.

Expertise scientifique collective INRA

Les fruits et lgumes dans l'alimentationEnjeux et dterminants de la consommation

Synthse du rapport d'expertise

Marie-Jo Amiot-Carlin, France Caillavet, Mathilde Causse, Pierre Combris, Jean Dallongeville, Martine Padilla, Catherine Renard, Louis-Georges Soler (diteurs)

Novembre 2007

Table des matires

Avant propos ........................................................................................................................................................... 3

La consommation de F&L en France : lments de contexte .......................................................... 5 1. Consommation de fruits et lgumes et sant ................................................................................ 91.1. Fruits et lgumes et couverture des besoins nutritionnels ................................................................................ 9 1.2. Fruits et lgumes et prvention des grandes pathologies .............................................................................. 12 1.3. Risques lis la consommation de fruits et lgumes ..................................................................................... 21 1.4. Conclusions : bilan de l'intrt de la consommation de F&L........................................................................... 25

2. Les sources de variabilit des qualits nutritionnelles............................................................... 262.1. Les sources de variation biologiques d'ordre physiologique et gntique ...................................................... 26 2.2. Les sources de variations dordre agronomique et environnemental.............................................................. 29 2.3. Impacts de la conservation et des transformations......................................................................................... 31 2.4. Conclusions : les voies d'amlioration des caractristiques nutritionnelles des fruits et lgumes .................. 37

3. Les dterminants de la consommation et les obstacles............................................................. 383.1. Des dterminants individuels de la consommation......................................................................................... 38 3.2. Des obstacles conomiques........................................................................................................................... 40 3.3. Perceptions et reprsentations associes aux fruits et lgumes .................................................................... 43 3.4. Conclusions .................................................................................................................................................... 47

4. Les interventions et leur valuation .............................................................................................. 494.1. Les interventions portant sur lindividu, ses prfrences, ses motivations...................................................... 49 4.2. Les interventions portant sur lenvironnement du consommateur................................................................... 51 4.3. Les interventions combines .......................................................................................................................... 53 4.4. La question de l'valuation des politiques ...................................................................................................... 53 4.5. Conclusions .................................................................................................................................................... 55

5. Les filires de F&L entre enjeux conomiques et de sant publique........................................ 575.1. Gains de productivit, transmission des prix et pouvoir de march................................................................ 57 5.2. Qualit, segmentation du march et organisation des filires ........................................................................ 61 5.3. Interventions publiques et prives pour la scurit sanitaire des F&L ............................................................ 63 5.4. Echanges internationaux des F&L et protection du march europen ........................................................... 65 5.5. Quelles pistes daction pour une croissance de la consommation de fruits et lgumes ? ............................. 67 5.6. Conclusion...................................................................................................................................................... 70

Conclusions ......................................................................................................................................... 72Annexe. Documentation et recherche bibliographique .......................................................................................... 78 Auteurs et diteurs de l'expertise.............................................................................................................................81

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Avant propos

La consommation de fruits et lgumes est considre par de nombreuses instances comme un enjeu de sant publique et fait l'objet de recommandations nutritionnelles au niveau mondial par la FAO et lOMS. En France, la recommandation incluse dans le Programme national nutrition sant lanc par les pouvoirs publics, de "manger 5 fruits et lgumes par jour" est bien connue, mais encore peu suivie par les consommateurs. Lorsque cette campagne a t lance, 60% des Franais consommaient moins d'une portion et demie de fruits et moins de 2 portions de lgumes par jour. Bien que les consommateurs reconnaissent lintrt dune consommation accrue de fruits et lgumes, leur consommation nvolue que trs peu, et reste caractrise par de fortes ingalits dans la population. Dans le mme temps, le march des fruits et lgumes reprsente un enjeu conomique pour les producteurs nationaux. La filire des fruits et lgumes exerce ses activits dans un contexte commercial international et europen qui gnre une concurrence accrue sur les prix. Cette situation est de plus en plus stigmatise par les oprateurs, qui voient l une des causes principales de leurs difficults. Leffet de crises rcurrentes est ressenti dautant plus violemment que les contraintes rglementaires et les rgles de lorganisation commune de marchs limitent les possibilits dintervention de lEtat. C'est dans ce contexte que le Ministre de l'agriculture et de la pche (MAP) a command l'INRA une expertise scientifique collective pour faire l'tat des lieux des connaissances scientifiques disponibles concernant les enjeux de sant lis un accroissement de la place des fruits et lgumes dans lalimentation, les facteurs susceptibles de favoriser la consommation et limpact sur la filire. Lobjectif est d'clairer les pouvoirs publics, et le MAP en particulier, sur les actions mener, aussi bien du ct de loffre quauprs des consommateurs, pour rpondre au double objectif de soutien conomique aux filires de production et de protection de la sant publique. Le champ retenu pour l'ESCo identifiait les principales questions suivantes : les fondements scientifiques des recommandations nutritionnelles (bnfices et risques ventuels pour la sant) ; la variabilit des caractristiques nutritionnelles des F&L lie aux facteurs gntiques, aux conditions de culture, aux traitements post-rcolte et aux transformations industrielles et culinaires ; la variabilit de la consommation et ses dterminants socio-conomiques ; l'impact des politiques de promotion de la consommation de F&L ; les liens entre les caractristiques des produits et le fonctionnement des filires. Conformment la dfinition de l'exercice, l'ESCo ne peut traiter ces questions que dans la mesure o elles ont fait l'objet de recherches et de publications scientifiques. Pour raliser cette ESCo, l'INRA a mobilis un groupe d'une vingtaine d'experts, reprsentant un large ventail de disciplines (pidmiologie, toxicologie, nutrition, agronomie, gntique et amlioration des plantes, technologie de la transformation, conomie, sociologie, marketing) et d'origines institutionnelles diverses (INRA, Institut Pasteur de Lille, INSERM, AgroParisTech, CIHEAM/IAM, INH, ENSAT).

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Encadr 1. L'Expertise Scientifique Collective (ESCo) l'INRA : mthode et cls de lecture. Les principes de l'ESCo LESCo est une activit dappui la dcision publique : lexercice consiste rpondre une question complexe pose par un commanditaire extrieur en tablissant, sur la base de la bibliographie mondiale, un tat des connaissances scientifiques pluridisciplinaires qui fait la part des acquis, incertitudes, lacunes et controverses. Cet exercice suppose une instruction conjointe de la question pose entre le commanditaire et l'INRA, qui aboutit la rdaction d'une lettre de cadrage. Le travail dexpertise proprement dit est ralis par un collectif d'experts scientifiques, spcialistes de diffrentes disciplines et appartenant divers organismes de recherche. Il se conclut par la production d'un rapport qui rassemble les contributions des experts et d'une Synthse destine l'usage des dcideurs. Les conclusions de l'expertise sont prsentes et mises en dbat lors dun colloque ouvert un public largi. Le rapport d'expertise et les documents de synthse qui en drivent sont labors par les experts scientifiques sans condition d'approbation pralable par les commanditaires ou l'INRA. . Un largissement ncessaire mais raisonn de la base documentaire La bibliographie examine est d'abord constitue des publications scientifiques parues dans les revues comit de lecture et rpertories dans les bases de donnes internationales ; dans la pratique, une extension de la "littrature grise" (rapports divers...) s'avre ncessaire. Ainsi, l'exprience des experts de terrain peut tre prise en compte dans la mesure o elle a fait l'objet d'articles parus dans des revues techniques reconnues. Les experts sont aussi amens traiter certaines donnes brutes, issues notamment d'enqutes statistiques. . La nature des rponses apportes par l'ESCo L'analyse scientifique propose par l'ESCo vise l'identification, la caractrisation et la hirarchisation des pro-blmes poss et de leurs principaux dterminants, puis l'inventaire et l'valuation des connaissances et moyens techniques (existants, en cours de dveloppement, envisageables...) mobilisables pour grer ces problmes. Cette dmarche n'aboutit pas la formulation d'avis ou de recommandations, ni de solutions "cl en main". L'ESCo "Fruits et lgumes" n'a ainsi pas pour objectif de dresser le catalogue des mesures susceptibles de dvelopper la consommation de F&L ou de soutenir les filires F&L. Elle n'a pas non plus pour mission de proposer une valuation critique des plans ou oprations en cours destins promouvoir la consommation de F&L, ni d'laborer une politique alternative de gestion de cette question. Nanmoins, en runissant les lments disponibles concernant les conditions d'application et d'efficacit d'un certain nombre de mesures gnriques, l'expertise fournit des outils d'analyse des actions engages, envisages ou concevables en France. . Le statut de la Synthse Le prsent document de synthse reprend les grandes lignes du rapport d'expertise, dans la perspective dutilisation des connaissances qui a motiv la commande de cette ESCo. Son laboration peut conduire aller un peu plus loin que ne le fait le rapport dans l'interprtation des conclusions scientifiques et intgrer des lments du contexte conomique ou politique qui nont pas fait forcment lobjet de recherches scientifiques.

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La consommation de F&L en France : lments de contexteL'objet de ce chapitre introductif est de fournir quelques lments de cadrage sur la consommation des fruits et lgumes en France et dans les pays dvelopps. A la diffrence des autres chapitres, celui-ci ne s'appuie pas sur une revue de la littrature scientifique, mais sur des donnes descriptives tires des statistiques nationales ou internationales, et des enqutes publiques ou prives reprsentatives. Ces donnes sont publies sous forme de rapports ou d'ouvrages. Elles sont de plus en plus disponibles sur des sites Internet ; c'est le cas des donnes de l'INSEE et de la FAO par exemple.

. Sources de donnes de consommation alimentaireIl existe trois types de sources de donnes permettant d'valuer la consommation alimentaire : - Les bilans alimentaires estiment la consommation sur la base des disponibilits totales sur le territoire national. Calcules partir de la production, des importations et des exportations, des variations de stocks, et des usages non alimentaires, ces disponibilits sont divises par la population totale pour fournir une consommation par personne en quantit. Les donnes des bilans alimentaires sont reprises dans la Comptabilit Nationale qui tablit des sries en valeur (aux prix courants) et en volume ( prix constants). - Les enqutes sur les achats des mnages ne portent que sur la consommation domicile. Les achats sont enregistrs au jour le jour pendant une priode variant de 14 jours pour l'enqute "Budget de Famille" de l'INSEE, l'anne toute entire pour les donnes recueillies par les panels de consommateurs (TNS Worldpanel par exemple). Les achats sont valus en valeur dans l'enqute "Budget de Famille", en valeur et en quantit dans les panels. - Les enqutes sur la consommation des individus valuent les quantits effectivement consommes partir d'un enregistrement exhaustif des prises alimentaires pendant un ou plusieurs jours conscutifs. La prcision des donnes dpend de la mthode utilise (rappel des dernires 24 heures, questionnaire de frquence de consommation, carnet de consommation...). Les quantits sont gnralement values l'aide de photographies de portions standards. La diversit des mthodes d'estimation et de recueil explique que les donnes des diffrentes sources fournissent des estimations diffrentes de la consommation. La consommation dite "apparente", value partir des bilans alimentaires, est en rgle gnrale l'estimation la plus leve. Les consommations individuelles moyennes observes par les enqutes nutritionnelles sont d'un ordre de grandeur comparable aux donnes d'achats, si l'on tient compte des diffrences de champ (les donnes d'achats ne portent que sur la consommation domicile). Enfin, l'importance de l'autoconsommation pour certains fruits et lgumes complique les comparaisons car elle est souvent mal mesure. Une dernire difficult provient de la dtermination des produits prendre en compte dans la dfinition du groupe des fruits et lgumes. Si les pommes de terre n'en font gnralement pas partie, et ont, de fait, t exclues du 1 primtre de l'expertise , d'autres produits, en particulier transforms, soulvent des problmes de classification. Les conserves de lgumes et les surgels sont toujours inclus dans la catgorie des fruits et lgumes, mais d'autres produits, comme les jus de fruits, les compotes ou les soupes, ne sont pas classs avec les fruits et lgumes dans toutes les enqutes. Enfin, la consommation croissante de produits labors, et en particulier de plats prpars dans lesquels les fruits et lgumes sont des ingrdients, rend de plus en plus difficile l'valuation prcise de la consommation.

. Niveau et volution de la consommation en FranceD'aprs les donnes des bilans alimentaires tablis par la FAO, les disponibilits totales en France, en 2005, atteignaient 145 kg par personne pour les lgumes (hors pommes de terre) et 84 kg pour les fruits. Cette estimation correspond l'ensemble des utilisations de F&L sur le territoire national, quelles que soient les formes et les lieux de consommation (frais, transform, domicile, au restaurant). Elle inclut les quantits perdues aux divers stades de la transformation, de la distribution et de la prparation finale des aliments. Elle fournit donc une estimation par excs des quantits effectivement ingres par les consommateurs. Ces disponibilits totales par personne pour l'ensemble des fruits et des lgumes (hors pommes de terre et fculents) apparaissent rgulirement croissantes depuis la fin des annes 70, avec depuis le dbut des annes 2000, une consommation apparente de lgumes stable, et une consommation de fruits qui augmente lgrement. Les donnes de la Comptabilit Nationale montrent une stabilit de la consommation apparente des lgumes1. Les recommandations de la FAO et de l'OMS excluent explicitement les pommes de terre du groupe des fruits et lgumes, de mme que beaucoup de programmes "5 fruits et lgumes par jour" (mais pas ceux des Etats-Unis et de Nouvelle Zlande par exemple). Dans lexpertise, les pommes de terre sont toujours exclues, mais certains produits fculents (lgumineuses en particulier) nont pas pu tre systmatiquement distingus au sein de lensemble des fruits et lgumes.

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frais, mais une lgre croissance de celle des conserves et du surgel. Pour les fruits, ce sont aussi les produits transforms, et en particulier les jus, qui expliquent l'augmentation de la consommation apparente depuis le dbut des annes quatre-vingt dix. En 2004, les donnes des Comptes Nationaux estiment la consommation totale de lgumes 125 kg par personne et par an (92 kg pour les lgumes frais et 33 kg pour les conserves et le surgel), et la consommation de fruits 63 kg pour les fruits frais, 7 kg pour les fruits transforms et 23 litres pour les jus 2 de fruits et les nectars . La dcomposition de la valeur des dpenses de consommation des mnages en variations de prix et de volume (dpenses prix constant), ralise dans le cadre de la Comptabilit Nationale, montre une croissance beaucoup plus forte des volumes pour les produits transforms que pour les produits frais. L'volution des modes de vie privilgiant l'conomie de temps a stimul la demande de fruits et lgumes transforms. Les produits transforms ont aussi bnfici d'un cart de prix croissant par rapport aux produits frais. De 1960 2005, les prix des lgumes frais la consommation ont en effet augment de 40% de plus que la moyenne des prix alimentaires, alors que ceux des lgumes transforms ont baiss de 40% par rapport cette moyenne. Dans le cas des fruits, l'cart de prix entre les produits frais et transforms est de moindre ampleur ; il n'apparat qu' la fin des annes quatre-vingt, et rsulte pour l'essentiel de la baisse du prix des jus de fruits. Il faut insister sur le fait que le panier de fruits et lgumes a beaucoup chang depuis le dbut des annes soixante, qu'il s'agisse des produits frais (nouvelles varits, produits tropicaux et de contre-saison) ou des produits transforms (surgels, lgumes prpars, jus de fruits). Ces changements sont pris en compte dans l'volution des volumes et n'ont pas d'impact sur le niveau de l'indice des prix, qui est calcul " qualit constante". En revanche, ils peuvent bien sr avoir un effet sur sa variation si les prix des nouvelles varits introduites dans l'indice voluent diffremment de ceux des autres varits.

Consommation en volume ( prix constants, en par personne)140

Prix relatifs la consommation (prix alimentaires = 100)160

/personne/an

100 = prix alimentaires

Fruits frais120

Lgumes frais Lgumes transforms Fruits transforms (yc jus)140

100 120 80 100 60 80 40

Lgumes frais20 60

Fruits frais Fruits transforms (yc jus) Lgumes transforms

0 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

40 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

Source : INSEE, Comptabilit Nationale base 2000

Figure 1. Evolution des volumes et des prix des fruits et lgumes la consommation de 1960 2005 (INSEE Comptabilit Nationale, base 2000) Les tendances mises en vidence par les enqutes d'achat et de consommation, qui observent directement les quantits de fruits et de lgumes acquises ou consommes par les mnages et les individus, sont un peu diffrentes. Les donnes recueillies par TNS Worldpanel et publies par les organismes interprofessionnels montrent que, de 1998 2006, les achats de fruits et lgumes frais des mnages, pour la consommation domicile, ont baiss de faon rgulire en quantit, la dpense correspondante par mnage restant, elle, quasiment stable. L'valuation des quantits effectivement consommes par les individus partir de l'enqute INCA 1 de 1998-99 met en vidence un niveau de consommation moyen de l'ordre de 350 g/jour. L'enqute CCAF (Comportement et Consommation Alimentaire en France), ralise en 2002-2003 avec la mme mthodologie (carnet de consommation pendant 7 jours) conclut une baisse de la consommation totale de fruits et lgumes.

2. Alors que les bilans de la FAO valuent les produits en "quivalents primaires", les donnes de la Comptabilit Nationale portent sur les produits tels qu'ils sont commercialiss, d'o des carts selon que la transformation entrane des pertes, ce qui est le cas gnral, ou au contraire des ajouts (l'eau et le sucre dans les nectars par exemple) ; par ailleurs les donnes de la FAO ne permettent pas de prendre en compte le raisin de table qui est agrg avec le raisin vinifi.

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L'ensemble des sources statistiques (disponibilits, panels d'achat, enqutes de consommation) fournit donc des estimations qui diffrent tant en niveau qu'en volution. Finalement, compte tenu des difficults de mesure et des incertitudes sur la composition des produits labors, une hypothse prudente consiste considrer que les estimations de la consommation totale des fruits et lgumes fluctuent autour d'une moyenne qui ne varie probablement pas beaucoup depuis la fin des annes quatre-vingt dix. Cette consommation reste, en tout cas, infrieure aux recommandations nutritionnelles (400 g/jour). Les donnes de l'enqute INCA 1 indiquent qu'environ 60% des individus adultes ont une consommation infrieure ce repre. Exprime en frquence de consommation ("5 fruits et lgumes par jour"), la recommandation est suivie par une fraction encore plus faible de la population adulte (moins de 5% d'aprs l'enqute INCA 1, de l'ordre de 10% d'aprs le Baromtre Sant Nutrition ; cf. Encadr 2). Les diffrentes enqutes font galement ressortir des proportions leves de petits consommateurs (moins de 3,5 portions par jour). Ces diffrentes observations, jointes au constat de la quasi-stationnarit de la consommation depuis la fin des annes quatre-vingt dix, sont l'origine des recommandations du deuxime Plan national nutrition sant relatives l'augmentation de la consommation des fruits et lgumes.

. Comparaisons internationalesAu niveau mondial, les donnes de consommation apparente de la FAO (1998) montrent une consommation moyenne de lgumes (hors pomme de terre) plus forte dans le modle europen (372 g/j) que dans les modles moyen-oriental (233 g/j), asiatique (179 g/j), latino-amricain (150 g/j) et africain (77 g/j). Pour les fruits, les consommations moyennes sont plus fortes dans le modle latino-amricain (271 g/j) que dans les modles europen (212 g/j), moyen oriental (204 g/j), asiatique (85 g/j) et africain (95 g/j). En Europe, ltude EPIC ralise dans 27 centres rpartis dans 10 pays montre que la consommation de F&L est plus importante dans les pays mditerranens et que la consommation la plus faible est enregistre en Scandinavie et aux Pays-Bas pour les hommes comme pour les femmes. Ce gradient Nord-Sud de la consommation de F&L en Europe est confirm par ltude DAFNE base sur les achats des mnages. En terme d'volution, les tudes ralises en Europe montrent une augmentation de la consommation de fruits et lgumes dans les pays scandinaves qui taient traditionnellement peu consommateurs. Plus gnralement, les donnes de la FAO montrent qu'au cours des quarante dernires annes la consommation totale de fruits et lgumes a augment dans pratiquement tous les pays, quel que soit leur niveau de revenu. La croissance de la consommation tant beaucoup plus forte, en valeur absolue et en valeur relative, dans les pays riches que dans les pays de revenu intermdiaire. Bien que trs faible, la croissance est galement significative dans les pays pauvres.

Encadr 2. Les repres de consommation : 400 g ou 5 portions par jour ?La mise en place aux Etats-Unis du programme "5 A Day for Better Health" par le NCI (National Cancer Institute) en 1991, la suite du programme dvelopp en Californie depuis 1988, a fait du repre de consommation "au moins 5 fruits et lgumes par jour" un objectif de sant publique largement diffus. La recommandation de consommer au moins 5 portions (servings) de fruits et lgumes par jour est cependant beaucoup plus ancienne, puisqu'elle apparat dj dans le guide alimentaire de l'USDA (US Department of Agriculture) de 1916. Dans son rapport d'valuation du programme "5 A Day for Better Health", le NCI reconnat qu' ct des justifications scientifiques, la commodit du repre a jou un rle. Paralllement, ds 1990, les recommandations de l'OMS ont mis en avant le repre de 400 g par jour, comme minimum de consommation souhaitable. Ces deux repres aboutissent une portion thorique de 80 g, peu contestable sur le plan arithmtique, mais ne correspondant pas toujours aux quantits effectivement ingres par occasion de consommation. C'est en tout cas ce qui ressort de l'analyse des enqutes de consommation franaises ralise dans une tude commune de l'AFSSA (Agence Franaise de Scurit Sanitaire des Aliments) et de l'INPES (Institut National de Prvention et d'Education pour la Sant). Les portions effectives dpassent en gnral 80 g (130 170 g pour les adultes selon l'ge d'aprs l'enqute INCA 1), ce qui fait que la consommation est plus proche des recommandations lorsqu'elles sont mesures en quantits que lorsqu'elles sont values en portions ou en frquences de consommation. Le repre de consommation du Plan National Nutrition Sant 2, "au moins 5 fruits et lgumes par jour", retient la frquence de consommation dans ses recommandations, ainsi que dans son objectif de rduction du nombre de petits consommateurs (dfinis par une consommation infrieure 3,5 portions par jour). Le dernier rapport conjoint de la FAO et de l'OMS sur la prvention des maladies chroniques (2003) formule ses recommandations uniquement en termes de quantits (au moins 400 g de fruits et lgumes par jour). Le repre en frquence facilite la diffusion des recommandations nutritionnelles, mais il ne faut pas perdre de vue que les deux repres correspondent des estimations diffrentes de la prvalence de la sous-consommation dans la population franaise.

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Tableau 1. Les principales sources statistiques sur la consommation de fruits et lgumes en France (1)Source Nature Populations de rfrence FAO Bilans Alimentaires Bilans Mnages Institutions INSEE Comptabilit Nationale Bilans Mnages Institutions INSEE Budget de Famille Achats Mnages TNS Worldpanel Achats Mnages En 2005 : 2869 mnages (FL frais) 7422 mnages (FL transforms) Domicile (achats) Relev lectronique quotidien Dpenses Quantits INCA 1 Consommation Individus 1985 adultes 15-75 ans 1018 enfants 3-14 ans CREDOC CCAF Consommation Individus 1361 adultes 15-75 ans 1090 enfants 3-14 ans INPES Baromtre Sant Nutrition Consommation Individus

Echantillon

-

-

10305 mnages

3153 individus 12-75 ans

Champ couvert

Domicile (achats, Domicile (achats, autoconsommation) autoconsommation) Hors domicile Hors domicile

Domicile (achats) Carnet d'achats (14 jours) Dpenses

Domicile (achats, Domicile (achats, Domicile (achats, autoconsommation) autoconsommation) autoconsommation) Hors domicile Hors domicile Hors domicile Carnet de consommation (7 jours) Frquences Quantits consommes Variable (1998-1999) Carnet de consommation (7 jours) Frquences Quantits consommes Variable (2002-2003) Rappel 24h Frquences 15 jours Frquences de consommation

Mthode de recueil Unit de mesure Priodicit (dernires donnes disponibles) Consommation de F&L g/personne/jour(2)

-

Quantits mises en marchs Consommation en volume

Equivalents primaires

Annuelle (2005)

Annuelle Quinquennale (Quantits : 2004 (2000-0101) Volumes : 2005)

Enqute permanente

Variable (2002)

630

600

-

270-300

350

320

-

(1) Seules les sources portant sur des chantillons nationaux reprsentatifs ont t retenues dans ce tableau de synthse. (2) Il s'agit d'ordres de grandeur valus pour les adultes seulement partir des diffrentes donnes accessibles pour chaque source. Outre les diffrences de champ indiques dans le tableau, les produits pris en compte dans les donnes publies varient fortement selon les sources. Les bilans FAO et INSEE incluent l'ensemble des fruits et lgumes frais et transforms y compris les jus de fruits. L'estimation ralise partir des donnes TNS Worldpanel, exclut tous les lgumes fculents et les jus de fruits. Les estimations partir d'INCA et de CCAF excluent galement les jus de fruits. Un calcul prcis partir des donnes lmentaires des diffrentes sources permettrait d'affiner ces estimations.

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1. Consommation de fruits et lgumes et santLes recommandations nutritionnelles sappuient sur un ensemble de connaissances permettant dvaluer les avantages et les risques dun comportement alimentaire ou de la consommation dun aliment. Concernant les F&L, les bnfices envisags sont des apports en nutriments et un effet protecteur ventuel contre les principales pathologies chroniques ; les risques ventuels sont lis notamment la prsence de rsidus de pesticides dans les F&L. Lobjectif de lESCo est de faire le point des connaissances sur les relations entre la consommation de fruits et lgumes et ltat de sant, en examinant dans quelle mesure les travaux fondamentaux et cliniques disponibles, pris dans leur ensemble, permettent dtablir un lien de causalit entre cette consommation et l'tat de sant des individus ou des populations. Cependant, llaboration de recommandations nutritionnelles en Sant Publique est complexe et ne se fonde pas uniquement sur la dmonstration dune relation causale entre l'ingestion d'un aliment et ltat de sant. Il est possible denvisager des recommandations en labsence de conclusions dfinitives pourvu que lquilibre des preuves suggre un effet favorable et labsence de risque pour la sant. Les particularits mthodologiques de l'pidmiologie nutritionnelle rendent mme ncessaire un tel exercice.

1.1. Fruits et lgumes et couverture des besoins nutritionnels1.1.1. Les caractristiques nutritionnelles des fruits et lgumes frais et transformsLes F&L sont des aliments caractriss par leur faible apport calorique (du fait de leur richesse en eau et leur faible teneur en lipides) et leur fort contenu en fibres, vitamines, minraux et microconstituants divers. Pour certains de ces lments, les F&L reprsentent des sources importantes de notre alimentation : cest le cas de la vitamine C, des folates et de la vitamine A apporte par les carotnodes pro-vitaminiques A. Les principaux composs des fruits et lgumes et leurs proprits sont les suivants (voir aussi Tableau 2) : - Les fibres agissent sur la satit, lexcrtion fcale et lactivit motrice de lintestin, sur les paramtres mtaboliques, notamment les lipides plasmatiques ( jeun et post-prandial), et sur les caractristiques de la flore colique du fait des effets prbiotiques de certaines fibres. - La vitamine C est dote de proprits rductrices la base de son activit biologique. Elle a une activit antioxydante et un rle de cofacteur dans les ractions catalyses par loxygne. De plus, elle est reconnue pour ses capacits dinhibition de la synthse des nitrosamines, composs cancrognes. - Les carotnodes pro-vitamine A (- et -carotnes) gnrent de la vitamine A, qui a un rle essentiel dans la physiologie des cellules nerveuses de la rtine. - La vitamine B9 est reprsente par le groupe des folates ou polyglutamates. Les folates participent au mtabolisme des acides amins et des acides nucliques. Un dficit de folate chez la femme au moment de la procration est associ un risque de dfaut de fermeture de tube neural du ftus. - La vitamine K est un cofacteur indispensable la carboxylation de certaines protines intervenant dans la coagulation sanguine et dans lactivation de lostocalcine ncessaire la minralisation osseuse. Des tudes plus rcentes tentent de prciser le rle de cette vitamine dans les processus de la minralisation osseuse. - Le potassium agit, en troite relation avec le sodium, pour maintenir l'quilibre acido-basique du corps et celui des fluides ; des fortes concentrations intracellulaires sont ncessaires au bon fonctionnement des cellules. Un apport alimentaire lev de potassium protgerait du dveloppement de l'hypertension artrielle. - Le magnsium, second cation intracellulaire, est un lment d'importance majeure : la plupart des voies mtaboliques sont magnso-dpendantes et cet lment joue un rle cl dans l'quilibre ionique des membranes. Le magnsium intracellulaire jouerait un rle cl dans laction rgulatrice de linsuline et dans le bon fonctionnement du systme vasculaire. - Les polyphnols et les carotnodes non-provitaminiques ont des proprits anti-oxydantes. Cependant, ces proprits semblent limites in vivo au vu des faibles concentrations retrouves au niveau plasmatique. Ces composs sont, dune manire gnrale, faiblement absorbs et pour certains, comme les polyphnols, fortement mtaboliss. De nouvelles voies daction sont actuellement explores. - Dautres composs tels que les glucosinolates et les composs soufrs sont lobjet dun grand intrt en raison de leurs proprits potentiellement protectrices lgard du dveloppement tumoral. Les teneurs de tous ces micronutriments et microconstituants varient en fonction de nombreux paramtres tels que la varit ou le stade physiologique du vgtal, le climat (lumire, temprature), les pratiques culturales (fertilisation, irrigation), les conditions de stockage post-rcolte et les pratiques culinaires, ce qui rend difficile lvaluation des apports rels.

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Tableau 2. Principaux constituants d'intrt nutritionnel des fruits et lgumes Contribution Dficit dans la des F&L population (1) aux apports F+L = 38% Environ 75% de la population natteignent pas 25 g/j F&L riches [autres aliments riches en ces nutriments] artichaut, fruits schs [crales]

Compos Fibres

Nature polymres : polysaccharides et lignines

Effet biologique

Recommandation

Carotnodes pro-vitamine A (- et carotnes) Vitamine B9 (acide folique)

actions sur la fonction 25-30 g/j dont 10 g de solubles gastro-intestinale ; action des fibres solubles sur certains dsordres mtaboliques, (hyperglycmie, hyperinsulinmie) pigments liposolubles Vitamine A : dans la vision Vitamine A : Vit. A : + autres (embryogense, ANC = 900-700 g ER F+L = 38% croissance...) pour homme-femme hydrosoluble Participe au mtabolisme des acides amins et des acides nucliques antioxydant et cofacteur dans hydroxylation rle dans la coagulation (et le mtabolisme osseux) Maintien de l'quilibre acido- 3,1g (Europe) basique ANC = 330-300 g pour homme-femme F+L = 42%

fruits et lgumes de couleur orange, lgumes feuilles chez 30-40% de la population Pb femmes enceintes chez >50% de la population difficile valuer [produits animaux] pinards, lgumineuses, avocat, tomate [foie, levure de bire] fruits frais agrumes et jus dagrumes lgumes-feuilles [huiles colza et soja] fruits et lgumes frais

Vitamine C

hydrosoluble

ANC = 110 mg/j

F+L = 73%

Vitamine. K Potassium

liposoluble hydrosoluble

F+L = 29%

Magnsium Polyphnols

Carotnodes non provitamine A Glucosinolates Phytostrols

Participe l'quilibre ANC = 6 mg Mg/kg/j ionique des membranes Grande diversit de antioxydants (seuls ou en pas d'ANC structures composes synergie) protecteurs de plusieurs noyaux probables / maladies cardiophnoliques vasculaires (flavonodes) (diffrentes classes : acides phnoliques, flavonodes, tannins) pigments liposolubles antioxydants (seuls ou en pas dANC synergie) anticarcinognes potentiels (dtoxification) liposolubles, structure hypocholestrolmiant... analogue celle du dose forte (> alimentaire, cholestrol 2g/j) hydrosolubles pas dANC pas dANC

hydrosoluble

F+L = 29% 75% < ANC (90% des sels organiques) F+L = 22% 2/3 < ANC (SU.VI.MAX) F+L = 28%

fruits et lgumes frais fruits (petits fruits rouges), lgumes (artichaut, choux) [caf, th, crales, vin]

(non valu)

(en cours dvaluation)

lgumes feuilles (lutine), tomate (lycopne) crucifres crucifres

(1)

Contribution des F&L aux apports journaliers en fibres et micronutriments, estims pour la consommation alimentaire moyenne (INCA)

1.1.2. Fruits et lgumes et couverture des besoins nutritionnels. Les rfrences concernant les besoins Pour chaque micronutriment, le besoin nutritionnel moyen (BNM) est estim exprimentalement sur des chantillons limits de sujets ; il correspond la moyenne des besoins individuels. Lapport nutritionnel conseill (ANC) est calcul partir des BNM pour couvrir les besoins de la plus grande partie de la population, soit 97,5% des individus en tenant compte de la variabilit inter-individuelle. Les ANC doivent tre distingus des apports journaliers recommands (AJR), qui sont des valeurs utilises pour l'tiquetage des produits. Les AJR sont des valeurs uniques pour chaque nutriment, qui ne prennent pas en compte les diffrences lies l'ge ou au sexe, et sont harmoniss au niveau europen. . Donnes de consommation franaise et calculs des apports en micronutriments Lenqute INCA 1 a t ralise daot 1998 juin 1999 sur deux chantillons indpendants, lun d'adultes de 15 ans et plus (n = 1985) et lautre denfants de 3 14 ans (n = 1016). Ces chantillons, constitus par tirage au sort de mnages partir du fichier dun oprateur tlphonique, sont reprsentatifs de la population franaise. Un

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carnet de sept jours (semainier) dcrit la consommation alimentaire. Les enqutes ont t rparties sur l'ensemble de l'anne, pour tenir compte de la saisonnalit de la consommation. La contribution des F&L aux apports en nutriments a t calcule partir des tables de composition nutritionnelle moyenne des aliments. Ces valeurs sont considrer avec prudence, car les tables de composition nintgrent pas les variations dues de multiples facteurs (varit gntique, conditions de stockage, modes de prparation). Dans un premier temps, la contribution des F&L frais et transforms aux apports de nutriments a t value par rapport aux six autres groupes daliments (assaisonnements, fculents, plats prpars, produits laitiers, produits gras-sucrs-sals et viandes-poisson-ufs). Dans un second temps, au sein du groupe F&L, la contribution aux apports a t estime pour chacun des 8 sous-groupes suivants : crudits, fruits schs, fruits frais, fruits transforms, jus de F&L, lgumes, fruits secs et soupes.

Encadr 3. La consommation de F&L de la population franaiseDans INCA, la consommation moyenne de F&L est value 365 g par jour chez les personnes de 15 ans et plus (Tableau ci-dessous). Cette estimation est cohrente avec les donnes dtudes pidmiologiques portant sur des volontaires, ne prenant pas en compte tout fait les mmes catgories de F&L : 450 et 410 g/j respectivement pour les hommes et les femmes dans ltude SU.VI.MAX (sur un chantillon de 4 652 sujets gs de 35 63 ans, recruts en 1994-1995) et 460 g/j dans ltude europenne EPIC (portant sur 465 586 sujets dge moyen 51,7 ans recruts entre 1992 et 1998). Il existe une grande disparit de consommation au sein de la population franaise, notamment en fonction de l'ge des individus. Dans INCA, la tranche dge 15-24 ans consomme, en moyenne, hors jus de fruits, 224 g de F&L par jour alors que la tranche des plus de 65 ans en consomme 509 g. Des disparits similaires sont rapportes en Europe ; mme dans les pays ayant une consommation moyenne leve comme la Grce et lEspagne, une fraction de la population prsente un niveau trs faible de consommation. Catgorie / ge Fruits Compotes et fruits cuits Lgumes (hors pomme de terre) Soupes Fruits + lgumes Total 15-24 77 9 94 44 171 224 25-44 109 10 116 57 225 292 45-54 164 12 146 111 311 434 65 et plus 206 12 129 162 335 509 Ensemble 139 11 121 93 260 365

Consommation journalire (en grammes) de fruits et lgumes (hors jus de fruits) en fonction de lge, dans l'enqute INCA 1

. Contribution des F&L la couverture des besoins Pour la consommation moyenne (INCA 1), les F&L participent aux apports (Figure 2) hauteur de 38% pour les fibres, 38% pour la vitamine A, 42% pour la vitamine B9, 73% pour la vitamine C, 29% pour le potassium et 22% pour le magnsium.100% 90% 80% Pourcentage, % 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% HOMMES FEMMES

G IE BR AR E O S TE N E Vi tB Vi 1 tB Vi 2 tB Vi 3 tB Vi 5 tB Vi 6 tB Vi 9 tB 12 Vi tC Vi C tE a Ph lci os um P o pho t a re ss iu m M ag F ne er si um aC FI

ER

Figure 2. Contribution des F&L aux apports journaliers d'nergie et de nutriments dans l'alimentation (calcule partir des donnes de l'enqute INCA 1)

EN

C

Zi nc ui vr e

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Au sein du groupe F&L, les fruits frais, les crudits et les jus sont les principaux fournisseurs de vitamine C. Inciter consommer plus de produits frais et des jus dagrumes, reconnus pour leur richesse en vitamine C, est un moyen pour couvrir les besoins en cette vitamine chez les trs faibles consommateurs de F&L. Les fruits frais et les lgumes sont les principaux pourvoyeurs de fibres de lalimentation. Augmenter la consommation de fruits ou lgumes (une ou deux portions de 80 g) pourrait permettre de mieux couvrir les besoins en fibres. Les crudits, les lgumes et les soupes contribuent aux apports en vitamine A par leur richesse en carotnodes provitaminiques A. Ces mmes sous-groupes avec les fruits contribuent galement aux apports en vitamine B9. Daprs les donnes INCA, le quartile des plus faibles consommateurs de F&L ne couvre les ANC qu' 64% pour les fibres, 74% pour la vitamine B9, 38% pour la vitamine C, 77% pour le potassium. Les forts consommateurs de F&L apparaissent comme de plus faibles consommateurs de graisses, de sucres ajouts et de produits raffins. Enfin, ces aliments (F&L frais, jus, soupes) contribuent galement la couverture des besoins en eau. Ce vecteur est particulirement intressant pour les personnes risque de dshydratation comme les personnes ges.

1.2. Fruits et lgumes et prvention des grandes pathologiesLalimentation et les habitudes de vie tiennent une place importante dans la prvention des maladies chroniques. Des recommandations comme celles du Programme national nutrition sant (PNNS) sont mises par les autorits de sant, sur la base dexpertise collective, pour faire la promotion de comportements nutritionnels et de modes de vie susceptibles de limiter la survenue des principales maladies chroniques dans la population. Llaboration de recommandations est un processus complexe qui sappuie sur des donnes scientifiques, mises jour priodiquement, paralllement aux progrs des connaissances. Lobjectif de l'ESCo est de fournir les lments les plus rcents concernant limpact de la consommation de F&L sur la survenue des principales pathologies chroniques. Les recommandations actuelles de consommation de F&L dcoulent de lanalyse des expriences de laboratoire et denqutes pidmiologiques qui suggraient des effets favorables des F&L et de leurs composs sur un certain nombre de pathologies chroniques. Depuis, de nombreuses autres tudes, notamment pidmiologiques, ont contribu mieux prciser cette relation. Les rsultats les plus rcents nont pas parfaitement confirm les donnes antrieures. Ces contradictions apparentes entretiennent un dbat scientifique intense, notamment sur le poids accorder aux diffrents types dtudes, mais aussi sur les critres dinterprtation des enqutes pidmiologiques dobservation. Il importe de distinguer lanalyse des donnes scientifiques sur la relation entre la consommation de F&L et la sant, et linterprtation de ces donnes pour llaboration des recommandations de sant publique. A la suite des rapports publis par lOMS, l'ESCo sest focalise sur les effets de la consommation de F&L sur la survenue des principales maladies chroniques, par opposition aux effets de leurs constituants isols, en raison de la meilleure adquation de cette approche pour llaboration des politiques de sant publique. Dans lESCo, l'valuation des effets des F&L sur le risque de maladie chronique s'est appuye sur lanalyse des enqutes pidmiologiques d'observation et des essais de prvention. Les tudes mcanistiques avec les constituants des F&L sont voques pour tayer les hypothses physiopathologiques.

Encadr 4. Niveaux de preuve scientifique selon les mthodes denqutes(Source AFSSAPS) Niveaux, du plus fort au plus faible : Niveau 1 : Essais comparatifs randomiss de forte puissance statistique Mta-analyse dessais comparatifs randomiss Niveau 2 : Essais comparatifs randomiss de faible puissance statistique Etudes comparatives non randomises bien menes (sans biais importants) Etudes pidmiologiques prospectives Niveau 3 : Etudes cas-tmoin Niveau 4 : Etudes comparatives avec des biais importants Etudes rtrospectives Etudes pidmiologiques descriptives (transversales)

1.2.1. Les mthodes d'tudes pidmiologiquesLtude des effets des F&L sur le risque de pathologie chronique sappuie sur des expriences de laboratoire, des tudes cliniques et des enqutes pidmiologiques. La dmonstration dfinitive dun effet dpend en grande

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partie des mthodes utilises (Encadr 4). Lpidmiologie nutritionnelle occupe une place importante dans cette dmonstration car elle apporte une information directe sur la relation entre la consommation de laliment et la survenue des maladies dans des conditions de vie habituelles. . Les tudes pidmiologiques d'observation Les enqutes pidmiologiques dobservation sont des techniques de mesure de lassociation entre des facteurs dexposition et des maladies. La mise en vidence dune association est une tape importante de la recherche des effets des F&L sur les maladies chroniques ; toutefois, la dcouverte dune association dans une enqute dobservation ne prjuge pas dun lien causal entre laliment et la maladie. Dautres arguments sont ncessaires pour tablir les effets de la consommation de F&L sur la sant (Encadr 5). Les enqutes pidmiologiques dobservation valuent les relations entre la consommation alimentaire, telle quelle est observe dans des chantillons de populations ou des cohortes de sujets, et les maladies chroniques. Dans ces enqutes, linvestigateur a un rle dobservateur et nintervient pas sur le comportement alimentaire qui dpend de nombreuses caractristiques des sujets. Il existe plusieurs mthodes : tudes transversales, castmoins ou prospectives. La pertinence de la dmonstration dpend en grande partie du protocole de ltude (Encadr 4). Les tudes cas-tmoins comparent les habitudes alimentaires de malades et de tmoins sains. Elles prsentent des limites mthodologiques qui rendent leur interprtation plus difficile en nutrition. Il sagit par exemple de biais de mmorisation des habitudes alimentaires, notamment pour des pathologies dont linitiation peut remonter plusieurs annes avant les manifestations cliniques, de problmes lis la slection de tmoins, ou derreurs destimation des habitudes alimentaires des patients. Les tudes prospectives dcrivent les habitudes alimentaires de cohortes de sujets qui sont surveilles pendant plusieurs annes pour la survenue de maladies. A lissue de ltude, les habitudes alimentaires des sujets qui ont manifest un vnement clinique sont compares celles des sujets qui sont rests indemnes, permettant ainsi dtablir une relation entre lalimentation et la maladie. Un avantage du schma prospectif rside dans le respect de la squence temporelle entre lexposition nutritionnelle et la survenue de la maladie.

Encadr 5. Les critres de causalit des enqutes pidmiologiques dobservationLa cohrence des rsultats entre tudes est le principal critre utilis en pidmiologie, refltant la notion de reproductibilit des rsultats. Cependant la cohrence des rsultats na de sens quentre tudes de bonne qualit et exemptes de biais vidents. Elle doit aussi tenir compte de possibles biais de publication (on publie plus aisment des tudes aboutissant des conclusions positives). Une relation de forte intensit est une preuve importante dun effet de laliment. Ce critre pose un problme en pidmiologie nutritionnelle en raison des erreurs de mesure et de la variabilit intra-individuelle des apports alimentaires qui tendent rduire lintensit de la relation. Sans dnier lintrt dune faible variation du risque en sant publique, un changement de risque de lordre de 40 50% pour une variation dapport de 5 fruits et lgumes par jour peut tre considr comme une relation de forte intensit. Une relation gradue entre le risque et les quantits ingres ("relation dose-effet") est un critre souvent considr comme ncessaire en faveur de la causalit. Des mcanismes dactions plausibles sont en faveur de lhypothse dun lien. Il importe ici de distinguer les effets sur des facteurs de risque tablis, qui lvidence ont plus de valeur dans largumentation, des effets sur des mcanismes hypothtiques de la maladie. Enfin, il importe de vrifier la squence temporelle de la relation, cest--dire que lexposition prcde bien la survenue de lvnement.

De nombreux paramtres peuvent affecter la mesure des relations entre la consommation de F&L et lincidence dune maladie dans les enqutes pidmiologiques dobservation. Ces problmes limitent linterprtation des rsultats et notamment des liens de causalit entre la consommation des F&L et la survenue dune maladie. Les sujets qui sengagent dans les cohortes sont gnralement des volontaires qui prsentent des caractristiques diffrentes de la population gnrale, ce qui peut affecter les relations observes. Par exemple, les volontaires participant des enqutes peuvent prsenter des apports nutritionnels optimaux qui ne permettent pas de mettre en vidence des pathologies associes des carences. De mme, certaines cohortes sont issues de bases de sondage particulires, comme une catgorie professionnelle, limitant la gnralisation des rsultats la population gnrale. Dans la plupart des tudes, les donnes nutritionnelles sont recueillies une seule et unique fois linclusion des sujets dans la cohorte et les changements ventuels des comportements alimentaires, qui peuvent altrer les relations observes, ne sont pas enregistrs. Les mthodes dvaluation de la consommation alimentaire sont nombreuses. Certaines refltent mal les habitudes alimentaires au long cours, dautres sont sujettes des biais de mmorisation, dautres, enfin, incluent un nombre trs limit daliments. Limprcision qui en rsulte affecte la mesure des rsultats.

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La consommation de F&L saccompagne dune diminution des apports dautres aliments. Dans cette hypothse, lassociation observe ne peut tre attribue la seule consommation ou non-consommation de F&L ; elle est aussi lie aux modifications plus complexes de lalimentation qui accompagnent la consommation de fruits et lgumes. Les habitudes alimentaires sont associes des caractristiques particulires des sujets (sociales, culturelles, habitudes de vie) qui peuvent influencer le risque de maladie chronique. Ces facteurs de confusion ne sont pas toujours mesurs avec prcision ou utiliss dans les analyses statistiques. Cependant, la convergence de plusieurs critres dinterprtation (Encadr 5), notamment la cohrence des rsultats entre tudes, lintensit des relations, leur caractre dose-dpendant, support par des mcanismes biologiques plausibles peut suggrer une relation causale entre la consommation de laliment et la survenue de la maladie. Dans l'ESCo, parmi les tudes dobservation, les tudes prospectives ont t privilgies car elles offrent le meilleur compromis mthodologique pour lanalyse des relations entre lalimentation et la survenue de maladies. Les mta-analyses les plus rcentes (tudes statistiques qui font lanalyse combine de plusieurs tudes) ont t prises en compte ; elles ont t compltes par les publications dtudes prospectives ultrieures. Lexclusion des tudes pidmiologiques cas-tmoins dans lEsco peut amener des diffrences dinterprtation avec dautres synthses publies sur ce thme dans la littrature internationale. . Les essais randomiss de prvention Les essais randomiss de prvention ont pour objectif de mesurer les effets dune modification du comportement alimentaire sur la survenue de maladies. Dans ces essais, contrairement aux enqutes dobservation, les habitudes alimentaires sont "manipules" par linvestigateur dans le but de produire un effet sur la sant. Laffectation alatoire des participants un rgime exprimental ou tmoin assure la comparabilit des sujets, notamment pour les facteurs de confusion. A lissue de ltude, linterprtation des rsultats est simplifie car les diffrences observes sont en principe attribuables la seule intervention nutritionnelle, permettant une interprtation causale. Les essais de prvention nutritionnelle prsentent des particularits qui affectent lanalyse de leurs rsultats. Comme les tudes prospectives, ces essais peuvent prsenter un biais de slection des volontaires qui ne refltent pas la structure de la population dont ils sont issus. En pratique, au cours des essais avec des aliments (comme les F&L), il est impossible de respecter laveugle de lallocation de lintervention. Le relev des vnements et des effets indsirables par les investigateurs au cours du suivi peut en tre affect (ou biais). De mme lintroduction daliments particuliers, faisant lobjet de ltude, peut saccompagner dautres modifications des habitudes alimentaires (substitution) qui contribuent aux rsultats observs. Les interventions nutritionnelles ncessitent une contribution active du participant qui doit modifier ses habitudes alimentaires. Dans ces conditions, lvaluation porte non plus uniquement sur les effets de laliment, mais aussi sur la pertinence de lintervention, la clart des instructions, la comprhension du programme dittique, ladhsion au rgime et la motivation des participants. Dans les essais de prvention qui sinscrivent dans la dure, il est frquent de constater une baisse de motivation des participants, associe une moindre adhsion au rgime qui affecte les rsultats de lintervention. Lutilisation de biomarqueurs permet parfois de mieux apprhender les modifications du comportement alimentaire. Dans dautres conditions, lintervention peut tre indpendante des sujets (enrichissement vitaminique dun aliment, par exemple), permettant une valuation objective des proprits nutritionnelles des aliments. Enfin, si les conditions de lintervention se rapprochent du mode de vie habituel, il devient possible dextrapoler les rsultats la communaut. Dans les essais de prvention, les interventions dittiques modifient lexposition alimentaire pendant des priodes relativement courtes au regard des processus biologiques mis en jeu dans le dveloppement de certaines maladies chroniques. Certains essais de prvention sont conduits chez des sujets prsentant une pathologie volutive (par exemple des antcdents dinfarctus ou de cancer) ce qui peut limiter les possibilits de prvention (car le processus physiopathologique tant dj avanc). Il importe par consquent de distinguer les essais de prvention primaire (chez des sujets sans antcdents connus) des essais de prvention secondaire. Les essais de prvention nutritionnelle sont rares en raison des difficults lies leur mise en uvre et leur conduite (Encadr 6). . Variables d'exposition et critres de jugement Seules les enqutes prospectives et les essais de prvention qui identifient lensemble des F&L comme variable dexposition nutritionnelle ont t rpertoris en raison de leur pertinence pour la sant publique. Les tudes qui ne rapportent que des rsultats par catgories particulires de F&L ont t exclues. Il importe de noter que les termes fruits et lgumes masquent une grande diversit de produits qui peut affecter les mesures dassociation.

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Le critre de jugement clinique retenu est la survenue des principales maladies chroniques, par opposition la mesure de critres biologiques intermdiaires. Malgr une dnomination commune, il existe une grande diversit de critres diagnostiques entre les tudes qui nuit la comparaison de leurs rsultats. Les enqutes prospectives qui prsentent les relations avec les micro- ou macro-constituants (comme les fibres ou les vitamines) nont pas t retenues car lESCo a pour objet les F&L en tant qualiments et non leurs composants. . La recherche des mcanismes Lathrosclrose, le cancer et les neuropathies dgnratives sont des processus pathologiques multifactoriels. Plusieurs hypothses permettent de relier les constituants des F&L la physiopathologie des principales maladies. Gnralement, les expriences de laboratoire ont montr des effets favorables des F&L et de leurs composs sur ces voies physiopathologiques. Cependant, les travaux de laboratoire qui explorent des mcanismes uniques ne peuvent pas parfaitement rendre compte de la complexit des phnomnes mis en jeu dans la prvention nutritionnelle des maladies. Les essais de prvention avec les micro- et macro-constituants des F&L sont examins pour tayer les mcanismes daction des F&L. Les tudes cliniques qui rapportent des effets de la consommation de F&L sur les facteurs de risque par exemple : la cholestrolmie ou la pression artrielle pour les maladies cardiovasculaires, les fonctions cognitives pour les dmences ou limagerie osseuse pour les fractures ne permettent pas de conclure sur limpact rel des fruits et lgumes sur les maladies. Elles sont analyses pour tayer les rsultats des enqutes pidmiologiques dobservation. Ces facteurs intermdiaires sont rares dans le domaine du cancer.

Encadr 6. Les essais de prvention nutritionnelle avec les fruits et lgumesLes essais de prvention nutritionnelle sont rares en raison des difficults lies leur mise en uvre et leur conduite. Quatre essais bass sur des conseils dittiques visant en partie augmenter la consommation de fruits et lgumes sont actuellement publis. Ils ont tudi limpact de ces conseils nutritionnels lgard de linfarctus du myocarde (survenue ou dcs), de certains cancers (survenue ou rcidive) ou lsions prcancreuses (rcidive) : . "Diet and Reinfaction Trial" (DART-2). Ce travail de prvention secondaire de linfarctus portait sur 3114 hommes de moins de 70 ans avec des antcdents dangine de poitrine. Les sujets taient rpartis alatoirement ("randomiss") en 4 groupes bnficiant de conseils nutritionnels. Dans le bras F&L, les objectifs taient daugmenter la consommation de F&L (4 5 portions par jour), de jus dorange naturel (au moins 1 verre par jour) et de flocons davoine. Le critre de jugement tait la survenue dun dcs dorigine cardiaque chez ces patients suivis pendant 3 9 ans. . "Women's Health Initiative Randomized Controlled Trial" (WHI). Dans cet essai, 48 835 femmes mnopauses ont t randomises en 2 groupes. Le groupe intervention a suivi un programme intensif de modification du comportement alimentaire comportant 18 sances de groupe durant la premire anne puis des sances de rappel trimestrielles. Les objectifs de l'intervention taient de diminuer la consommation de graisses 20% de l'apport nergtique total (AET), d'augmenter la consommation de F&L au moins 5 portions par jour, et celle de crales au moins 6 portions par jour. Le critre de jugement tait la survenue de cancers du sein, du clon et daccidents cardiovasculaires pendant 8,1 annes de suivi. . "Polyp Prevention Trial" (PPT). Cet essai portait sur 1905 hommes et femmes de plus de 35 ans ayant eu au moins un adnome du clon ou du rectum diagnostiqu par coloscopie. La moiti des sujets a bnfici d'une intervention consistant en 50 heures de conseils dont 20 la premire anne, ayant pour objectif de diminuer la consommation de graisses 20% de l'AET, d'augmenter la consommation de F&L au moins 3,5 portions pour 1000 kcal et la consommation de fibres 18 g pour 1000 kcal. Le critre de jugement tait la rcidive dadnomes colorectaux pendant 4 ans. . "Women's Healthy Eating and Living Randomized Trial" (WHEL). Cet essai portait sur 3088 femmes ayant un antcdent trait de cancer du sein. La moiti a suivi un programme de conseil tlphonique ayant pour objectif une consommation de 5 lgumes par jour, 0,90 litre de jus de lgumes, 3 fruits, 30 g de fibres, et 15 20% de l'AET provenant des graisses. Le critre de jugement tait la rcidive de cancer du sein pendant un suivi de 7,5 ans. Lanalyse bibliographique na pas relev dessais dintervention nutritionnelle permettant dvaluer lintrt de la consommation de F&L sur des critres de morbidit et mortalit lis des pathologies neurodgnratives (dmences), osto-articulaire (fractures osseuses) et mtabolique (diabte).

1.2.2. Les rsultats par grande pathologie. Obsit Lobsit est un dsordre mtabolique caractris par laccumulation excessive de tissu adipeux dans lorganisme. Elle rsulte dun dsquilibre entre les apports et les dpenses caloriques. Les F&L sont des aliments de densit nergtique rduite du fait de leur contenu limit en matire grasse et dune teneur leve en

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eau et en fibres non digestibles. A poids gal, ils apportent moins de calories que des aliments plus riches en lipides. Dans le contexte gnral d'excs dapports lipidiques qui caractrise les habitudes alimentaires des socits occidentales, une consommation importante de F&L, en substitution daliments de densit nergtique plus leve, pourrait contribuer la diminution de la ration calorique quotidienne. Cliniquement, les interventions nutritionnelles qui avaient pour seul objectif laugmentation de la consommation de F&L nont gnralement pas montr de rduction significative du poids ou de lindice de masse corporelle. En revanche, les interventions nutritionnelles qui associaient une augmentation des F&L et une baisse des lipides ont montr des bnfices chez des patients en surcharge pondrale ou obses. La rduction de poids tait suprieure celle obtenue avec un rgime hypolipidique seul. Ces rsultats sexpliquent en partie par limpact favorable des F&L sur les sensations de satit et de faim au cours du rgime hypolipidique. . Diabte Le diabte de type II est une maladie nutritionnelle largement lie la situation de plthore alimentaire et de faible activit physique. Il se caractrise par un dficit dinsulino-scrtion et une insulino-rsistance, les deux mcanismes conduisant lhyperglycmie chronique. Laccroissement de la disponibilit nutritionnelle, notamment travers des aliments haute valeur nergtique, associe divers changements sociologiques (faibles dpenses nergtiques) induisent une augmentation de la masse du tissu adipeux conduisant la surcharge pondrale ou lobsit. Il a t bien montr quil existe une relation inverse entre la sensibilit linsuline et la masse du tissu adipeux. Des interventions favorisant des modifications de style de vie et des habitudes alimentaires ont donn des rsultats convaincants sur la prvention du diabte de type II. Bien que lapport plus important en F&L ait t une composante forte de ces tudes, il est impossible dvaluer les effets propres ce groupe daliments. Lindex glycmique est un paramtre mis en avant pour valuer le caractre potentiellement dltre de certains aliments. La prsence de fibres joue un rle important pour rduire lindex glycmique, mais lapport lipidique aussi. Plusieurs tudes prospectives ont prsent des rsultats quivoques quant aux effets de la consommation de fruits et lgumes ou de lindex glycmique sur la prvention du diabte de type II. . Maladies cardiovasculaires La publication rcente de deux essais de prvention a permis dvaluer directement les effets de la consommation de F&L sur la prvention des maladies cardiovasculaires (Encadr 6). Les rsultats de DART II et du Womens Health Initiative Randomized Controlled Dietary Modification Trial nont pas dmontr deffets protecteurs vasculaires des conseils nutritionnels. Ces rsultats peuvent s'expliquer par lchec des interventions nutritionnelles qui nont pas produit daugmentation suffisante de la consommation de F&L comparativement au tmoin (une portion par jour) pour permettre de tester leurs proprits dans des conditions optimales. En labsence de preuves exprimentales, les arguments dune relation doivent tre recherchs dans les enqutes pidmiologiques dobservation. Celles-ci sont nombreuses, conduites pour la plupart aux Etats-Unis et en Europe du Nord. Dans leur grande majorit, les tudes prospectives montrent une diminution des risques daccidents coronaires et vasculaires crbraux chez les consommateurs de F&L. Ces relations sont en apparence plus marques pour les fruits que pour les lgumes. Cependant, la plupart des relations observes individuellement sont statistiquement non significatives, suggrant des associations de faibles intensits ou indiquant un manque de puissance statistique de ces tudes. Enfin, on ne peut exclure la possibilit de biais de publication. Les observations des tudes de cohorte ne prjugent pas dun lien causal entre lingestion de F&L et les maladies vasculaires. En effet, les consommateurs de F&L prsentent des caractristiques socioculturelles et des habitudes de vie (activit physique, suivi mdical) qui peuvent leur confrer une protection vis--vis des maladies cardiovasculaires. De plus, la consommation de F&L saccompagne dune diminution des apports dautres aliments dont certains pourraient tre dltres sur le plan vasculaire. Ainsi, les enqutes pidmiologiques observationnelles ne permettent pas de conclure formellement quant aux effets des F&L. Les effets de la consommation de F&L sur la pression artrielle et le cholestrol total sont faibles ou non dmontrs. Dans des conditions dexprimentation rigoureuses, la consommation de F&L saccompagne dune diminution modeste de la pression artrielle. Ces rsultats ont t reproduits dans des essais de prvention o laugmentation de la consommation de F&L saccompagnait dune diminution de la pression artrielle. Lensemble des donnes indique un effet rel des F&L sur la rgulation de la pression artrielle qui pourrait tre li leur contenu en potassium. A linverse, limpact des F&L sur le LDL-cholestrol na pas t explor dans des conditions optimales. Lhypothse du rle protecteur des vitamines anti-oxydantes sur la formation de la plaque dathrome et la prvention de ses complications na pas t vrifie dans des essais de prvention pharmacologique des maladies cardiovasculaires. Les essais avec la vitamine E, la vitamine A et le -carotne des doses leves montrent au contraire un surcrot de mortalit. Les essais de prvention avec les vitamines B6 et B9 donnent des rsultats quivoques. Les donnes concernant la vitamine C sont encore insuffisantes. En conclusion, les preuves dun effet protecteur des F&L sur la survenue daccidents cardiovasculaires reposent essentiellement sur des enqutes prospectives non contrles. En support de ces observations, il a t dmontr

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que la consommation de F&L diminuait faiblement la pression artrielle. Compte tenu de la forte prvalence de lhypertension artrielle dans la population et de sa relation troite avec les maladies vasculaires, cet effet pourrait prsager dun impact cardiovasculaire favorable lchelle de la population. . Cancer Il existe de trs nombreuses tudes dobservation portant sur la relation entre la consommation de F&L et le risque de survenue de diffrents cancers. Les tudes cas-tmoins sont les plus nombreuses et les plus anciennes. Les donnes disponibles jusquen 2002 avaient fait lobjet dune monographie de lIARC et dune mta-analyse. Depuis, plusieurs tudes de cohorte ont t publies. Les associations observes suggrant une diminution du risque de divers cancers par la consommation de F&L sont gnralement plus fortes dans les tudes cas-tmoins que dans les tudes de cohorte. Les tudes de cohorte rcentes apportent des arguments en faveur dune relation inverse spcifique entre la consommation de fruits et les risques de survenue de cancers du poumon, de lestomac et de la vessie et dans une moindre mesure (en raison du plus petit nombre dtudes) entre la consommation de F&L et les risques de cancers de la bouche et du pharynx. Ces relations sont observes dans des populations dorigines varies. Dans ces tudes de cohorte, lassociation significative observe uniquement avec les fruits pour les cancers de lestomac, du poumon ou de la vessie peut tre attribue des diffrences de composition entre les fruits et les lgumes, moins que labsence dassociation significative avec les lgumes ne soit lie aux traitements culinaires dont ces derniers font souvent lobjet, ou aux imprcisions de mesure de la quantit consomme notamment dans les plats composites. En effet, des tudes rcentes valuant lexposition des facteurs nutritionnels soit partir des donnes alimentaires issues des questionnaires, soit partir de biomarqueurs dexposition plasmatiques ou urinaires, montrent que les donnes alimentaires sont moins prcises et que cette imprcision peut faire perdre la significativit de leffet. Dans le cas des cancers lis au tabac (poumon, vessie, bouche et pharynx), il reste nanmoins possible que les ajustements statistiques ne suffisent pas liminer totalement ce facteur de confusion majeur. Les relations observes pourraient alors sexpliquer par une plus forte consommation de F&L chez les non-fumeurs que chez les fumeurs. La relation observe entre consommation de fruits et cancer de lestomac pourrait aussi sexpliquer par des facteurs de confusion mal matriss comme les habitudes alimentaires ou le mode de conservation des aliments (fumaison, salaison, schage). A linverse, le recours des biomarqueurs plasmatiques apporte dautres arguments, par lobservation dune relation inverse entre le taux de vitamine C plasmatique et le cancer de lestomac. Les rsultats des tudes de cohorte concernant le cancer colorectal sont pour linstant htrognes. Pour les cancers du sein et de lovaire, les rsultats ne montrent pas de relation. Pour dautres localisations de cancers, les donnes sont encore insuffisantes : labsence de relation observe ne permet pas dexclure un effet des F&L, en raison des imprcisions des mesures dexposition et du faible nombre dtudes de cohorte disponibles. Pour certaines localisations de cancers peu frquentes, il nest pas toujours possible de mettre en uvre des tudes de cohorte de puissance suffisante ; dans ce cas, on ne pourra disposer que de rsultats dtudes cas-tmoin. Trois essais dintervention nutritionnelle ont tudi limpact dun accroissement de la consommation de F&L associ une diminution des apports lipidiques sur la survenue de certains cancers (cancers primaires ou rcidives) ou des marqueurs intermdiaires. Dans ltude WHI, l'analyse ne montre pas de diffrence significative entre les groupes intervention et tmoin pour le risque de survenue d'un cancer du sein ou dun cancer colorectal. Dans l'tude PPT, chez des hommes et femmes avec des antcdents de polypes, malgr les modifications de comportement induites par l'intervention, aucun effet sur le risque de rcidive de polype n'a t observ. Une analyse complmentaire des donnes a galement montr une absence d'effet de l'intervention sur l'lvation des taux de l'antigne spcifique de la prostate (PSA), utilis comme marqueur prcoce du cancer de la prostate. Enfin dans l'tude WHEL, les rsultats ne mettent pas en vidence de bnfice significatif de la consommation de F&L sur les risques de rcidive de cancer du sein ou de dcs prcoce. Les tudes biologiques montrent des effets favorables des micro- et macro-constituants des F&L dans les mcanismes de cancrogense. Les rsultats des tudes mcanistiques chez lHomme napportent cependant pas beaucoup darguments. Lhypothse du rle protecteur des constituants antioxydants sur la prvention du cancer a fait lobjet de plusieurs essais cliniques randomiss, qui ont donn des rsultats variables selon le statut nutritionnel initial, les doses administres, lexposition des facteurs de risque. Par ailleurs, on sait que la surcharge pondrale et lobsit sont des facteurs de risque de divers cancers (clon, rein, sophage, sein en post-mnopause, endomtre). En conclusion, les arguments en faveur dun effet protecteur spcifique des F&L sur le risque de certains cancers reposent sur des enqutes prospectives, ainsi que de trs nombreuses tudes cas-tmoins et tudes mcanistiques. Les essais dintervention nutritionnelle ne sont pas concluants. Ceci dit, ils sont de courte de dure et ne concernent pas tous la prvention primaire. Dautres essais de prvention primaire dune puissance statistique suffisante, portant sur des localisations de cancers (poumon, vessie, estomac, bouche, pharynx) pour lesquelles des relations sont suggres par les tudes dobservation, seraient ncessaires. De plus, la contribution de la consommation de F&L au maintien dun poids corporel normal ou la rduction du surpoids (cf. obsit) est un effet indirect qui doit tre pris en considration.

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Le rapport du World Cancer Research Fund et de lAmerican Institute for Cancer Research, Food, nutrition, er physical activity, and the prevention of cancer: a global perspective", rendu public le 1 novembre 2007, conclut : la diminution probable du risque des cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de lsophage et de lestomac pour les F&L ; la diminution probable du risque de cancer du poumon pour les fruits seulement ; la protection probable vis--vis de la prise de poids par les F&L, du fait de leur faible densit nergtique ; laugmentation convaincante par le surpoids/obsit du risque de cancer pour de nombreuses localisations (sophage, pancras, clon-rectum, sein en post-mnopause, endomtre, rein). . Maladies neuro-dgnratives Vieillissement crbral pathologique Des hypothses physiopathologiques testes in vitro et chez lanimal permettent denvisager un rle des nutriments contenus dans les F&L contre le vieillissement crbral pathologique (dmence, maladie dAlzheimer, dclin cognitif) via deux mcanismes principaux : lapport de micro-nutriments anti-oxydants et leffet protecteur des folates contre lhyperhomocystinmie (un facteur de risque vasculaire). En pidmiologie observationnelle, seules les tudes prospectives sont pertinentes pour ltude de la dmence, dont le matre symptme est la perte de la mmoire. Cependant peu dtudes de ce type dans le monde disposent la fois de donnes nutritionnelles (consommation de F&L) et cognitives de qualit. Les rsultats reposent donc sur un petit nombre de sites dobservation (mais de grande taille chacun) essentiellement aux Etats-Unis (tudes Kame, WHICAP, CHAP et Nurses Health Study) et en France (tudes PAQUID et des 3 Cits). Ces tudes ont montr une association inverse entre la consommation des F&L en gnral, des jus de F&L, ainsi que des lgumes feuilles, et le risque de dclin cognitif ou de maladie dAlzheimer. Ces tudes ont pris en compte les facteurs de confusion majeurs lis la fois au comportement alimentaire et au risque de dclin cognitif ou de dmence (sexe, niveau dtudes, revenus, maladies cardio-vasculaires), ainsi que le facteur de risque gntique identifi (possession de lallle 4 du gne de lapolipoprotine E). On ne peut cependant pas exclure que la consommation rgulire de F&L fasse partie dun mode de vie globalement protecteur incluant des activits physiques et intellectuelles, un rseau social riche et une meilleure prise en charge des facteurs de risque, non pris en compte dans les ajustements statistiques. Aucun essai dintervention na test les effets de la consommation de F&L sur la prvention des pathologies neuro-dgnratives. Les quelques tudes dintervention ralises avec des supplments base de nutriments contenus dans les fruits et lgumes ne confortent pas les rsultats des tudes pidmiologiques dobservation. Elles ont toutefois utilis des doses trs suprieures celles qui peuvent tre couramment apportes par lalimentation. Un essai randomis rcent a montr lefficacit de la supplmentation par 800 g/j dacide folique sur le dclin cognitif chez des sujets de 50 70 ans ayant une hyperhomocystinmie sans dficit en vitamine B12. Une telle dose est toutefois trs difficile atteindre avec des lgumes, mais ces derniers peuvent apporter un complment intressant ct des sources animales (foie). En conclusion, leffet ventuellement protecteur des F&L contre le vieillissement crbral pathologique nest tay que par des tudes dobservation dans lesquelles il est difficile dliminer tous les facteurs de confusion lis un mode de vie globalement protecteur. De nombreuses tudes ont galement montr que la prsence dhypertension, dun diabte, dune obsit ou dun syndrome mtabolique tait associe un risque augment de dclin cognitif ou de dmence. Leffet ventuel des F&L contre ces affections pourrait donc contribuer indirectement diminuer les dmences. Maladie de Parkinson Le rle potentiel du stress oxydant et de lhyperhomocystinmie dans la maladie de Parkinson suggre un rle protecteur des F&L riches en anti-oxydants et en folates. Une mta-analyse ralise en 2005 a identifi 8 tudes, dont une seule enqute prospective, comportant des donnes sur la relation entre consommation de F&L ou leurs constituants et risque de maladie de Parkinson. Lunique tude de cohorte trouve un effet protecteur de la vitamine E dorigine alimentaire (prsente en trs faible quantit dans les F&L) et des noix. En rgle gnrale ces tudes ont montr des rsultats discordants. Malgr des hypothses sduisantes au niveau des mcanismes daction potentiels, il nexiste donc gure darguments convaincants dun effet protecteur des F&L pour la prvention de la maladie de Parkinson. Sant mentale, dpression, bien-tre Il existe trs peu dtudes tayant un rle direct de la consommation des F&L dans le bien-tre au sens de la dfinition de la sant de lOMS "tat de bien-tre complet, physique, psychique et social et non pas la simple absence de maladie ou dinfirmit". Aucune revue de littrature na t publie au cours des 10 dernires annes en franais ou en anglais concernant la relation entre la consommation de F&L et le bien-tre, la dpression ou la sant mentale. De nombreuses tudes ont trouv une relation entre des niveaux plasmatiques de folates bas et un risque accru de dpression. Plusieurs tudes dintervention ont montr lintrt du traitement adjuvant par les folates chez des patients dprims, confirm par mta-analyse. Cependant il sagit ici de patients traits et non de prvention

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primaire. De plus, ces tudes dintervention sont menes avec des supplments dont les teneurs en folates semblent parfois difficiles atteindre avec lalimentation. Dans deux tudes dobservation, laugmentation de la consommation de F&L tait corrle une amlioration de ltat de sant auto-valu. Les donnes pidmiologiques en faveur dun effet bnfique des F&L sur le bientre reposent cependant sur une seule tude dintervention qui souffre de problmes mthodologiques et doit tre reproduite dans dautres contextes pour apporter des arguments plus concluants. Dune faon gnrale, il est extrmement difficile disoler leffet propre des F&L sur le bien-tre, notion trs subjective, indpendamment de leur effet ventuel sur les maladies. . Maladies oculaires De nombreux arguments biologiques et exprimentaux sont en faveur dun effet protecteur de la lutine et de la zaxanthine (deux carotnodes provenant des lgumes verts) vis--vis des maladies dgnratives oculaires, principalement la cataracte et la dgnrescence maculaire lie l'ge (DMLA). Les tudes pidmiologiques sont encore peu nombreuses dans ce domaine. En ce qui concerne la cataracte, plusieurs tudes prospectives montrent de manire concordante une diminution du risque chez les sujets ayant une forte consommation de lutine et zaxanthine, et de manire cohrente, chez les sujets ayant une forte consommation dpinards et autres lgumes verts. Dans le domaine de la DMLA, les rsultats sont plus dcevants, puisquaucune des tudes prospectives na mis en vidence dassociation entre risque de DMLA et apport alimentaire en lutine et zaxanthine, ce qui est en contradiction avec les tudes comportant des mesures biologiques (plasmatiques ou rtiniennes). En sus de lalimentation, dautres facteurs, en particulier gntiques, affectant la biodisponibilit de ces composs, pourraient tre responsables de ces discordances entre tudes alimentaires et tudes biologiques. Les interactions gne-alimentation seront particulirement importantes rechercher, surtout depuis lidentification de gnes ayant un risque attribuable de plus de 50% pour la DMLA. De manire plus large, les apports en antioxydants (vitamines C et E notamment) doses pharmacologiques apparaissent lis une diminution du risque de la DMLA. Il existe de fortes discordances entre les observations pidmiologiques et les tudes dintervention portant sur les composs antioxydants notamment pour la prvention de la cataracte. Ces discordances pourraient tre lies des facteurs de confusion rsiduels ou mal contrls. . Maladies osto-articulaires Les F&L sont la source principale de sels organiques (citrate, malate) de potassium (et de magnsium), de vitamine C, de polyphnols, voire de vitamine K, qui sont des lments importants du mtabolisme osseux. Les travaux qui ont explor limpact de la consommation de F&L sur le mtabolisme osseux ont utilis des marqueurs intermdiaires plutt que des critres "durs" comme les fractures ostoporotiques. En rgle gnrale, ces tudes montrent des associations favorables. Si les premires tudes ont surtout port sur des sujets relativement gs, les plus susceptibles de prsenter des risques dostopnie et dostoporose, des travaux plus rcents (voire en cours) sintressent limpact des F&L sur le pic de masse osseuse, donc dans des populations dadolescents et de jeunes adultes. Les consquences dune amlioration du pic de masse osseuse, en terme de risque dostoporose et de fracture au cours du vieillissement, demandent un recul de plusieurs dcennies avant dtre pleinement values.

1.2.3. L'interprtation des tudes. Essais de prvention Aucun essai de prvention avec les F&L na mis en vidence de bnfice sur les maladies cardiovasculaires et les cancers (du sein et du clon). La lecture de ces rsultats doit cependant tre relativise la lumire des particularits exprimentales des tudes actuellement disponibles. En loccurrence, 3 essais sadressaient des sujets avec des antcdents cliniques des maladies (prvention secondaire) et de ce fait concernaient la prvention des rcidives. Labsence de rsultats pourrait sexpliquer par linefficacit des mesures nutritionnelles sur des pathologies cliniquement volues. Les trois essais de prvention du cancer associaient aussi une rduction des apports lipidiques laugmentation des apports en F&L, ce qui nautorisait pas une conclusion dfinitive sur les proprits des F&L. Enfin, dans deux essais sur quatre, les conseils dittiques qui visaient augmenter la consommation de F&L se sont traduits par des changements modestes des habitudes alimentaires qui ne permettaient pas de tester vritablement les effets des F&L. Ces travaux mettent en vidence les difficults rencontres pour induire et prenniser un changement de comportement alimentaire dans les essais dintervention. . Hypothses physiopathologiques La notion que la consommation de F&L produit des effets bnfiques pour la sant humaine sappuie sur des hypothses physiopathologiques solides. Les plus connues sont lies aux proprits antioxydantes de certaines vitamines des F&L ou limpact des folates sur lhomocystinmie, un facteur de risque de thrombose vasculaire

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- notamment crbrale. Plus gnralement, on sait que les micro- et macro-constituants de fruits et lgumes ont des activits biologiques sur les mcanismes de la cancrogense et galement des effets cliniques sur les principaux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires. Les essais randomiss de prvention avec des supplments pharmacologiques de vitamines ont mis en vidence un excs de mortalit chez les sujets recevant de la vitamine E, du -carotne et de la vitamine A. Les essais randomiss de prvention avec des fibres alimentaires nont pas montr de rduction des accidents cardiaques et des cancers, en dpit de rsultats positifs sur des critres intermdiaires (cholestrol). La supplmentation en folates et en vitamines du groupe B saccompagne dune diminution significative de concentrations plasmatiques dhomocystine. Les rsultats des essais de prvention avec les folates restent encore quivoques. Lessai SU.VI.MAX qui testait leffet dapports nutritionnels de micronutriments na pas dmontr deffet protecteur cardiovasculaire ; il a mis en vidence une diminution des cancers chez les hommes mais pas chez les femmes. De mme lessai Linxian, conduit en Chine dans une rgion de carence nutritionnelle, a mis en vidence une baisse de la mortalit lie en grande partie la diminution du risque de cancer de lestomac. Lhypercholestrolmie et lhypertension artrielle sont des facteurs de risque majeur de maladies cardiovasculaires. Plusieurs composs des F&L, notamment les fibres et les phytostrols, ont montr dans des conditions de supplmentation fortes doses des proprits hypocholestrolmiantes. En revanche, les effets directs des F&L sur le cholestrol plasmatique nont pas t explors dans les conditions optimales. Plusieurs tudes cliniques contrles ont dmontr que la consommation de F&L diminue la pression artrielle. Cette baisse est discrte chez les normotendus, un peu plus marque chez les hypertendus. Compte tenu du lien troit qui unit la pression artrielle et le risque cardiovasculaire, et compte tenu aussi de la prvalence leve de lhypertension artrielle dans la population, une diminution mme trs minime de la pression artrielle pourrait se traduire par un bnfice cardiovasculaire notable lchelle dune population. Lampleur des gains attendus doit encore tre mesure en population. . Argumentation en faveur ou lencontre dun lien causal En labsence de preuves dfinitives, issues dessais randomiss, lanalyse des effets des F&L sur la sant sappuie sur les rsultats des enqutes prospectives de cohorte. Pour les raisons voques prcdemment, ces rsultats ne permettent pas dtablir dfinitivement un lien causal entre laliment et la maladie. Toutefois, la convergence dune srie darguments dfinis par les pidmiologistes permet dvoquer une possible relation causale (Encadr 5). La relation doit tre homogne (reproductible) entre les tudes. La relation entre la consommation de F&L et la survenue de maladies chroniques a t explore principalement en Amrique et en Europe du Nord. Peu dinformations sont disponibles dans les autres parties de monde. Dans le domaine du cancer, les rsultats des tudes semblent sappliquer certaines localisations anatomiques seulement. Cependant, il est important de noter que certaines formes de cancer sont mal explores en raison de leur raret. En cardiologie, la relation entre la consommation de fruits et la protection vasculaire semble reproductible entre les tudes ; les rsultats pour les lgumes sont plus variables. En neurologie, les cohortes sont trop peu nombreuses pour valuer lhomognit des rsultats. Enfin, pour lensemble des pathologies on ne peut totalement exclure la possibilit de biais de publication qui favorise la prsentation de rsultats favorables donnant une fausse impression dhomognit. Lintensit de la relation doit tre importante. En cancrologie, les diminutions significatives de risque observes varient entre 18 et 50% selon les localisations et les tudes considres. En prvention cardiaque, lestimation de la rduction du risque est de lordre de 20% pour 5 portions supplmentaires de F&L. Compte tenu du caractre observationnel des enqutes, une telle variation est considre comme moyenne ou faible. La relation doit tre proportionnelle la quantit de F&L consomms. Cette condition nest pas systmatiquement respecte, notamment dans le domaine cardiovasculaire. Cependant, la plupart des tudes manquent de puissance statistique suffisante pour mesurer les relations dose-rponse avec prcision, notamment pour certaines formes de cancers rares. Enfin, il est important de noter que la comparaison des consommateurs "extrmes" des populations (trs petits versus trs grands) slectionne les sujets qui sont les plus mme de prsenter des caractristiques sociales, ducationnelles, conomiques galement diffrentes, avec le risque de confusion que cela peut entr