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Innovation dans la maçonnerie : la technique de pose à joints minces REX REIMS ET BÉTHENY Auteur Jean-Daniel MERLET - CSTB Rédaction - Mise en page Christophe PERROCHEAU - Dac Communication Photos Groupe de travail «joints minces» Eric BERNATH et Louise HARVEY Plan Construction et Architecture - Chantier 2000 Directeurs de rédaction Guy GARCIN et Hervé TRANCART Communication Ellen OUAZAN Arche de la Défense 92055 PARIS LA DÉFENSE Cedex 04 Tél : 01 40 81 24 33 - Fax : 01 40 81 23 82

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Innovation dans la maçonnerie :la technique de pose à joints mincesREX REIMS ET BÉTHENY

AuteurJean-Daniel MERLET - CSTB

Rédaction - Mise en pageChristophe PERROCHEAU - Dac CommunicationPhotosGroupe de travail «joints minces»Eric BERNATH et Louise HARVEY

Plan Construction et Architecture - Chantier 2000 Directeurs de rédactionGuy GARCIN et Hervé TRANCARTCommunicationEllen OUAZANArche de la Défense92055 PARIS LA DÉFENSE Cedex 04Tél : 01 40 81 24 33 - Fax : 01 40 81 23 82

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INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 3

L’ÉTUDE DE FAISABILITÉ DES MAÇONNERIES À JOINTS MINCES EN FRANCE p 6L’identification de procédés de maçonnerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 6Les essais en laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 9Un chantier-test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 10

LES MAÇONNERIES A JOINTS MINCES À L’ÉPREUVE DES CHANTIERS . . . . . . . . . . . p 12Vers une codification technique des maçonneries à joints minces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 12

Les enseignements des chantiers expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 15

LES PERSPECTIVES DE LA TECHNIQUE A JOINTS MINCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 24

ANNEXE : Extraits du journal « Chantiers 2000 » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 27Blocs montés à joints minces de colle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 27Interview : Pierre Possémé, PDG de Bâtiment Associé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p 29

BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 31

Sommaire

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L’importance de la maçonnerie dans la construc-tion en france est souvent sous-estimée.Sait-on qu’en construction neuve, pour la maisonindividuelle (un marché de 67 milliards de F. h.t. en1995), la part de la maçonnerie dans lestechniques de murs est très majoritaire : 95 % quise partagent entre 70% pour les blocs de béton,20% pour les briques de terre cuite, et le restepour le béton cellulaire (1%), la pierre (1%), et dessolutions mixtes. Pour le logement collectif, lamaçonnerie est aussi utilisée en structure porteuse: sa part de marché est de 10% (structure debeaucoup de petits immeubles bas). Mais lamaçonnerie est la solution constructive souventretenue, même dans le cas d’immeubles impor-tants, pour les murs de remplissage (45% dessurfaces vues des logements collectifs sont enmaçonnerie).Logement individuel et logement collectif, c’estdéjà plus de la moitié du marché de la construc-tion neuve. Et la part de la maçonnerie dans lestechniques de construction du tertiaire resteimportante. On mesure donc les enjeux écono-miques qui sont attachés à des progrès significatifsdans une technique aussi répandue dans laconstruction, et qui paraît bouger si peu. Sansparler de l’amélioration nécessaire des conditionsde travail du métier de maçon, jugé pénible etsale, et considéré comme peu attractif pour lesjeunes.

Le présent cahier expérimentation présente lasynthèse d’une démarche de recherche-expéri-mentation exemplaire, soutenue par le planconstruction et architecture dans le cadre duprogramme Chantier 2000.Le projet, centré sur le développement de latechnique à joints minces de mortier-colle dans lamaçonnerie (béton et brique) a vu la coopérationdes instances professionnelles (Union Nationalede la Maçonnerie - UNM; Syndicat National desMortiers Industriels - SNMI) et des centrestechniques industriels (Centre d’Etudes et deRecherches de l’Industrie du Béton - CERIB;Centre Technique des Tuiles et des Briques -CTTB; Centre Scientifique et Technique duBâtiment - CSTB).Le CSTB a coordonné le projet et des profession-nels (industriels fabricants d’éléments de maçon-nerie et de mortiers; une entreprise; un architecte;un maître d’ouvrage) ont été associés à ladémarche pour permettre la validation des résul-

tats issus des recherches et expérimentations enlaboratoire ou sur le chantier.Le groupe de pilotage, animé par Jean-DanielMerlet (CSTB), et constitué de :MM. Albenque-Regrettier (CTTB)

Dran-Herrera (CERIB)Debeaupuis-Jeauneau-Thomasson (SNMI)Collin (GPS)Becht (Briques et Tuiles d’Alsace)Gauer (Sturm - TRBR)Grosjean-Possémé (UNM)Blache - Delmotte (CSTB)Chatry (PCA)Breton (Foyer Rémois)Batalla (architecte)

a mené les différentes phases de la recherche etpermis la rédaction de cette synthèse collective.Le rédacteur a tenté de placer le contenu de cetteétude dans le cadre plus large des perspectivesauxquelles la maçonnerie peut désormaisprétendre afin qu’elle retrouve en france uneplace qu’elle a perdue dans le demi-siècle qui s’estécoulé, quelque peu étouffée par la main-mise destechniques de béton armé ou banché depuis lapériode de la reconstruction après-guerre.

Un peu d’histoire

Depuis plusieurs années, le Plan Construction etArchitecture s’est attaché à rechercher desinnovations dans la maçonnerie. Diverses voiesont été suivies : murs doubles, maçonnerie armée,petits éléments apparents de maçonnerie, maçon-nerie posée à sec et même maçonnerie apparenteposée à sec. Mais c’est l’amélioration de la maçon-nerie courante - l’essentiel du marché - quisemblait la plus productive, et réduire l’épaisseurdes joints a été la direction de recherche jugée laplus réaliste, compte tenu des conditions actuellesde production des blocs en béton et des briques.C’est en 1992 que ce programme a été initié.Monter de petits éléments à joints minces demortier-colle, d’une épaisseur de l’ordre de 2 à 3mm (contre 10 mm environ dans la maçonnerietraditionnelle), c’était transposer des applicationsdéjà largement éprouvées dans les blocs en bétoncellulaire, et tentées aussi avec des blocs en pierretendre dans les années 80 (études CEBTP-PCA.).Mais si la découpe au fil du béton cellulaire avantdurcissement, le sciage en atelier de la pierre,permettent d’obtenir une précision dimensionnel-le suffisante, comment faire avec des blocs moulés

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Introduction

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puis séchés et des briques filées, puis cuites?Comment adapter les mortiers de joints, chercherde nouvelles méthodes de pose, avec denouveaux outils?

Trois directions de recherche

Une première phase d’investigation [4], portantsur les maçonneries d’éléments en béton ou terrecuite, avait pour objectif principal d’explorer lespossibilités d’adaptation des mortiers de jointsaux divers niveaux de précision dimensionnelleofferts par les produits, sélectionnés mais dispo-nibles sur le marché, ainsi qu’à leur géométrie, leurstructure interne ou leur poids unitaire. Elle a bienmis en évidence les principaux critères à prendreen compte et permis d’établir les méthodes àappliquer pour orienter la recherche des compati-bilités entre produits de maçonnerie présents surle marché et mortiers de pose. Elle a égalementfait ressortir l’importance d’un troisièmeparamètre au moins aussi important, à savoir lemode d’application et les outillages adaptés à lamise en oeuvre du mortier-colle de joint. Déjàapparaissait l’intérêt de la pose à joints mincespour assurer une meilleure homogénéitémécanique traductible en bonifications dans lesrègles de calcul des murs, pour améliorer aussil’aspect et le comportement des enduits(suppression des fantômes des joints, éliminationdes fissurations...). Une seconde phase derecherche, menée parallèlement à des réalisationsexpérimentales sur des chantiers, a permis d’avan-cer dans trois directions.• Un premier groupe de travail a travaillé sur lesprocessus de fabrication et de livraison : concep-tion, optimisation des formes et dimensions;ergonomie de pose; précision dimensionnelle;définition de la gamme; analyse des points singu-liers des ouvrages, des produits spéciaux; organisa-tion des coupes éventuelles; optimisation ducolisage.• Un second groupe de travail s’est penché surl’aide à la prescription et à l’exécution : définitiondes phases d’exécution; cahiers des charges pourl’établissement de logiciels simplifiés de calepinage;établissement de carnets de détail complétant cesderniers (exécution des points singuliers); analyseet définition des composants complémentairesnécessaires à l’exécution des ouvrages associés(baies notamment).• Un troisième groupe de travail s’est préoccupé de

l’organisation et des modes opératoires dechantier : établissement de la commande à partirdes logiciels de calepinage; développement, miseau point et optimisation d’outils spéciaux de pose(malaxeur à mortier-colle, outil de coupe, outil demanutention); organisation de l’approvisionne-ment des postes de travail; outils de manutention;adaptation du colisage (en liaison avec le premiergroupe de travail).Des chantiers expérimentaux ont permis devérifier les hypothèses de recherche et de tirertous les enseignements de la réalisation dans desconditions courantes de ces nouvelles maçonneries.

Trouver uneorganisation performante

Le problème de la précision dimensionnelle desproduits est d’importance, et nécessite l’utilisation depresses à blocs, de rectifieuses performantes. Ellesexistent sur le marché et ont un potentiel deprogrès. La maçonnerie à joints minces implique,depuis le calepinage des murs sur les plans del’architecte jusqu’à la pose par le maçon, enpassant par l’organisation de la production (colisa-ge, livraisons, contrôle de qualité, stockage,manutention), une logistique élaborée. C’estchanger les pratiques de la conception et de laconduite des travaux.Le travail du maçon, quant à lui, évolue sensible-ment : nouveaux outils d’application, pelle crantéepour les blocs, rouleau pour les briques. Et l’onn’est pas au bout des perfectionnements possibles :mise en oeuvre de quatre fois moins de matériau dejoint, moins pénible et plus propre; plus granderapidité d’exécution et facilité de réglage. Lemortier-colle est certes un matériau cher ; il fautrectifier les briques.Ainsi, malgré le gain de temps depose, les nouvelles pratiques ne sont pas encorerôdées et ne laissent pas encore apparaître leuréconomie potentielle.

Les pistes pour l’avenir

Pour la technique de maçonnerie à joints minces, ilreste à achever l’évaluation technique de chaquesystème et favoriser l’assimilation par l’ensemblede la filière construction de techniques novatrices.D’ores et déjà, les applications de ces systèmes àtrois composantes (blocs-mortier-outillage) ontpermis de faire émerger deux pistes de dévelop-pement pour la maçonnerie structurale :

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• l’obtention de caractéristiques mécaniquesaccrues et surtout plus fiables, notamment encisaillement, qui autorise le calcul véritable desouvrages mais qui, pour de telles applicationsstructurales, oblige en contrepartie à considérerde plus près le comportement parasismique desouvrages ainsi réalisés;• l’accroisssement de la productivité de pose, cequi amène à reconsidérer l’organisation et larépartition des tâches sur le chantier en insistantsur l’ergonomie du poste de travail et à examiner lesévolutions à produire en amont et en aval de la

pose proprement dite, en concertation étroiteavec les autres acteurs de la construction (maîtrised’ouvrage, maîtrise d’oeuvre, industriels produc-teurs de constituants du système, entreprises decorps d’état secondaires).Dans ces conditions, l’improvisation doit êtrebannie au moment de l’exécution. Dans leurprincipe, l’exécution des principales configurationsdoit au préalable être examinée par le tenant dusystème, en concertation avec les autres interve-nants. Il n’est pas pour autant interdit à l’entrepre-neur d’imaginer de nouvelles formes d’utilisationmais il convient de le faire en amont, au stade de lapréparation de chantier et en prenant la précau-tion de questionner le tenant du système, afin de

vérifier que la piste n’a pas déjà été identifiéecomme aboutissant à une impasse.La maçonnerie à base de petits éléments est ainsi àmême de mieux répondre à une souplesse del’organisation architecturale des plans d’étage que lestechniques par grands éléments. Elle offre parexemple une plus grande possibilité de variationsdes types de logements d’un niveau à l’autre parune variété d’implantation des baies et des parti-tions intérieures, facilitée par l’utilisation delogiciels de calepinage simples (l’objectif étant deminimiser les coupes).

La vitesse dedéveloppement decette nouvelletechnique dépendrade la capacité desindustriels à fourniraux entreprises desmatériaux élaboréset compétitifs, de larésistance du milieudes maçons às’adapter auxnouveaux modes demise en oeuvre, etdonc des efforts deformation des entre-prises, notamment àpartir des jeunes.Les responsablesdes professions qui,dès le début de ladémarche, se sontfortement impliqués,y sont sensibles, etleurs efforts dediffusion consé-

quents. Parallèlement à la poursuite desrecherches, il serait souhaitable que se constituentdes équipes, fabricants de matériels-entreprises,pour améliorer les outils de manutention surchantier des produits, et peut-être en inventer denouveaux, plus adaptés à la nature de ceux-ci, et àl’ergonomie de la pose.Quand ce maillon faible sera consolidé, nul douteque l’avenir, déjà ouvert aux «nouveaux maçons»,devrait être prometteur.

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Les récentes tentatives pour établir des modèlesanalytiques ([1] [3]) adaptés aux nombreux types demaçonnerie en usage en europe (dans le cadre dela préparation de l’Eurocode n° 6) ont mis enévidence les avantages liés à la réalisation à jointsminces en matière de performances mécaniquesdes maçonneries de petits éléments. En outre :- une homogénéité accrue de la maçonnerie estun facteur favorable à un meilleur comportementdes enduits, en particulier pour l’étanchéité desparois aux intempéries (la maçonnerie apparentedevant faire l’objet d’une approche spécifique).- l’évolution des conditions de pose améliore lesconditions de travail sur site : réduction de lapénibilité des tâches; chantiers plus propres,améliorations de nature à attirer les jeunes vers lesecteur du bâtiment.Des expérimentations préliminaires ont montréque la technique à joints minces pouvait augmenterla productivité lors de la mise en oeuvre.Toutefois,ces gains sont subordonnés tant à une évolutiondes éléments de maçonnerie (précision dimen-sionnelle en hauteur notamment, adaptation desformes pour faciliter la mise en place et lepositionnement relatif des produits les uns parrapport aux autres), que des produits de joints(thixotropie de la pâte gâchée adaptée à la posepar trempage par exemple, cinétique de prise etdurcissement adaptés à des cadences de poseélevées,...).Les débouchés immédiats de ces techniquesnouvelles sont à rechercher dans les petits collectifs,du fait d’une prise en compte plus favorable dans lescalculs structurels; ces régles autorisent la réalisa-tion de murs porteurs jusqu’à 4 ou 5 niveaux etl’utilisation de la maçonnerie pour l’ensemble desparties verticales de la structure. Le potentiel dedéveloppement existe également pour lesbâtiments à usage industriel ou agricole pourlesquels l’absence de points singuliers favorise lasimplicité et la performance de la mise en oeuvre.Au vu des potentiels de développement de cettetechnique nouvelle, les professions intéressées, vialeurs centres techniques professionnels (CERIB-CTTB) ou syndicats professionnels (SNMI-UNM), sesont associées au CSTB pour mener dans unpremier temps une analyse de faisabilité permet-tant l’identification de systèmes de maçonnerie(éléments de maçonnerie-produit de joint-outillageadapté), puis l’élaboration de «cahiers descharges» pour la mise au point de «procédés demaçonnerie».

L’IDENTIFICATION DEPROCÉDÉS DE MAÇON-NERIELa première phase de l’étude se traduit par uneanalyse exigentielle dont l’objectif est de définir lescaractéristiques des constituants de base de lamaçonnerie (produits en béton ou en terre cuite,produits de joints) pour obtenir un assemblageoptimal au sein d’un même ouvrage (mur enmaçonnerie). Dès cette phase, l’étude a explorécorrélativement les aspects techniques et écono-miques (coût et consommation de produits,temps de mise en oeuvre,....).

Les deux volets ont été analysés à partir d’uninventaire de l’existant, tant pour les mortiers-colles que pour les éléments en béton ou en terrecuite, de manière à sélectionner des couples«élément-produit de joint». Ces couples ont étéexaminés selon une double approche :- la compatibilité entre d’une part les dimensionset les caractéristiques de l’élément et, d’autre part,la formulation du produit de joint disponible sur lemarché, le plus proche du «profil» idéal (caracté-ristiques mécaniques, absorption et rétentiond’eau, rhéologie, durabilité prévisible...)- les consommations de produits (calibrage desjoints, distribution du mortier) et la mise au pointd’accessoires de pose spécifiques à chaquecouple.Les trois idées-force exposées ci-après ont guidéla sélection des couples :- la possibilité de faire varier l’épaisseur des joints afinqu’ils s’adaptent à des produits de dimensions trèsprécises (hauteur obtenue par rectification), maisaussi à des matériaux de qualité «couranteaméliorée» (disponible moyennant un outil deproduction performant et un soin particulier à lafabrication).

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L’étude de faisabilité de maçon-neries à joints minces en France

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- l’éventualité de divers modes d’application duproduit de joint (trempe, pelle, spatule,....) Eninventoriant les outils ou tours de main.- le traitement des maçonneries destinées à êtreenduites, aussi bien que des maçonneriesapparentes a priori plus délicates.

C’est donc à partir des potentialités des produitsde maçonnerie que les projets de cahiers descharges de chacun des mortiers-colles à formuleront été élaborés.L’étude a abouti à la mise au point de plusieurssystèmes dans chaque famille de maçonnerie,distincts par nature de matériau (terre cuite oubéton) ou encore par destination (maçonnerie àenduire ou apparente). Chaque système secompose d’un couple élément de maçonnerie etmortier colle pour joint mince associé, mais ausside la définition du mode d’assemblage :- méthodes ou tours de main nécessaires à l’appli-cation du mortier ;- outillage spécifique de distribution du mortierpermettant sa répartition en quantité juste suffi-sante afin d’éviter les débords sources de salis-sures tout en conservant l’ajustabilité nécessaire à lapose [4]La démarche de mise au point s’est égalementappuyée sur l’analyse des formes et dimensions

des éléments, mais surtout de la précision dimen-sionnelle des faces de pose et d’about, en fonctiondes performances de l’appareil de productionet/ou des moyens spécifiques mis en oeuvre(surfaçage ou rectification complémentaire). Elle aaussi porté sur la formulation des mortiers-colle, à

partir d’une analyse critique des besoins entreprise parun jury « d’applicateurs-monteurs «. Des exercices demontage-test (application des principes de la norme X301 «Guide d’établissement d’un cahier des chargesfonctionnel») ont permis de valider les premièrespistes; par exemple l’adaptation de la thixotropie pourfavoriser le transfert et/ou l’étalement des temps deraidissement et de prise, de manière à éviter le fluagesous charge à l’avancement.Les démarches ont égalementmis en lumière et confirmé la nécessaire adéquationentre les matériaux (mortier et éléments de maçonne-rie) et les modalités de mise en oeuvre (outillage,chargement et application du mortier).La grille d’évaluation utilisée par le «jury» d’appli-cateurs a bien mis en évidence toutes les condi-tions requises pour que les produits de mortiersoient aptes à l’emploi - en particulier, la possibilitésystématique de rattrapage de jeu et le maintiend’un joint résiduel, compatible avec une réparti-tion convenable des sollicitations dans l’ouvrage.

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(*) Hiérachiser Par exemple :1 = accessoire2 = important3 = primordial (critère de rejet(**) Critères donnés à titre d’exmple : cette colonne est à établir avec chacun des applicateurs

Critèresd’appréciation (**)

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Importance (*) Notes 1 à 10Caractéristiquesde mise enoeuvre

Aptitude à l’emploi duproduit

1.Aspect de la poudre

2. Facilité de gâchage(suivant outillage)

3. Temps de repos dumortier

4. Facilité de mise enplace(suivant outillage)

5. Durée pratique d’utili-sation (DPU)

6. Facilité d’application

7.Ajustabilité(temps pour corriger laposition)

8. Epaisseur de jointrésiduel compatible avecles rattrapages néces-saires

9. Délai de blocage

9. Facilité de nettoyage

10.Aspect final

Touchercouleur homogénéité

Vitesse de mouillageHomogénéité (grumeau)

Nécessité ou pas

Quantité gâchéeTemps d’application

ConsistanceCollage à l’outilEtalement (en fonctionde l’outil)Temps utile (en fonctionde l’outil)

Comment?Temps

Compromis à réaliserentre les propriétéscorrespondantes antago-nistes

Temps nécessaires pourcontinuité

GrainCouleur

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Enfin, la préparation d’une première opérationexpérimentale a permis de réfléchir aux adapta-tions de plans que requiert la maçonnerie à jointsminces. Il s’agissait notamment, à l‘aide d’un logicielde calepinage, de procéder aux adaptationsprogressives des plans par itérations successivesafin de minimiser les coupes.

LES ESSAISEN LABORATOIRE

La modélisation ([1] [3]) avait pour but de simulerle comportement mécanique de la maçonnerieobtenue par l’assemblage à joints minces (amélio-ration apportée par les joints minces, influence del’élément de maçonnerie et de l’élancement). Ellea permis d’asseoir des méthodes de calcul plusfines que celles en vigueur (règles simplifiées duDTU 20.1).En complément de la modélisation, l’équipe amené des expérimentations en laboratoire pourdéterminer les données utiles à l’alimentation et àla validation du modèle :- essais classiques sur murets et trumeaux (enchargement centré et excentré). Il s’agissait devalider un modèle permettant la comparaison(niveau de performance et comportement struc-tures) avec les techniques actuelles de joints épais.- essais plus spécifiques pour déterminer la résis-tance d’assemblages de type couplets (2 élémentset le joint intermédiaire) par essais de flexionsous sollicitations parallèles au plan du joint.

Synthèse des essais sur produits, couplets etmuretsPour les maçonneries de blocs en béton,les différents «couples» identifiés pendant la phaseinitiale ont fait l’objet de tests au CERIB. Pour lesblocs creux classiques à enduire, plusieurs modesde pose ont été testés :- joints minces continus horizontaux - joints minces discontinus horizontaux - joints minces discontinus horizontaux et verti-caux.Les résultats obtenus pour les trois solutions surmurets sont tout à fait comparables à ceuxobtenus sur les murets de référence montés avec lesmêmes blocs à joints traditionnels épais enmortier : le niveau de chargement à rupture estcomparable à la résistance unitaire des blocs (6.5MPa). Le mode de rupture est également sensible-

ment le même obtenu par compression et éclate-ment des parois.Les résultats obtenus sur les blocs apparents(parois épaisses et béton très résistant) sontégalement très comparables à ceux obtenus avecle montage au mortier traditionnel, tant pour leniveau de rupture (de l’ordre de 10 MPa pour desblocs de résistance unitaire 16,7 MPa en moyen-ne) que pour le mode de rupture (1ère fissurationen partie haute dans l’épaisseur du mur à 600 Kndans tous les cas, soit un peu plus de 50 % de lacharge de rupture).A titre d’expérience, le montage à la trempe a ététesté en employant des blocs creux standard àenduire d’une dimension de 20x20x50, ramenés à15 cm de hauteur (à alvéoles débouchant après

suppression par sciage du voile de pose). Lesrésultats ont montré un gain important du temps depose ainsi qu’une diminution des efforts demanutention grâce à la légèreté des produits. Lesrésultats ont également donné satisfaction dupoint de vue mécanique : le niveau de rupture estde l’ordre de 4 MPa (pour des blocs de résistance8 MPa en moyenne). Ce niveau est logiquementplus faible qu’avec les blocs classiques initiaux dansla mesure où, contrairement à cet essai, la présen-ce du voile de pose induit un effet raidisseur sur

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les parois porteuses des blocs (la première fissura-tion intervenant à environ 30% de la charge derupture).

Pour les maçonnerie de blocs de terrecuite, les essais ont été menés sur les deuxproduits de terre cuite identifiés en phase initialeaprès adaptations des mortiers colles associés.Ces adaptations visaient à faciliter le transfert lors del’opération de trempage afin que, compte tenu dela faible épaisseur des parois, il subsiste suffisam-ment de produit pour jouer le rôle de joint aprèsl’empilage. A cet effet, des essais de compressionsur «couplets» (2 produits plus un joint intermé-diaire) ont été effectués de manière à les compareraux résultats d’essais de compression sur desproduits unitaires (essais réalisés au CTTB).Des murets ont également été testés à titre devérification au CTTB. Le CSTB assurant la valida-tion finale avec des mortiers colle adaptés. Desessais sur trumeaux ont été réalisés avec desproduits g afin de vérifier l’incidence de l’excentri-cité des sollicitations (pour les produits s, la trèsforte épaisseur des produits (37 cm) amène à unélancement trop faible sur la hauteur d’étage pourêtre significative).Malgré un transfert médiocre du mortier colle surla (faible) section des parois verticales lors del’opération de trempage, les premiers essais surcouplets montrent des résultats en faveur dumortier-colle (essais CTTB). Ces résultats serontensuite confirmés par des essais sur murets (essaisCTTB). Dans les deux cas, on observe unediminution sensible des résistances respectives desmurets par rapport à celle obtenue sur desproduits isolés (imputable sans doute à l’impor-tance de l’influence du frettage des plateaux de lapresse).

Synthèse des essais de résistance au cisaille-ment des jointsPour les deux types de maçonnerie, produits enbéton et produits en terre cuite, une préséried’essais a permis la mise au point du mode opéra-toire. L’analyse s’est traduite par l’adoption d’unécartement des appuis inférieurs, voisin par défautde la longueur des produits. Pour les appuissupérieurs qui transmettent la charge, un faibleécartement a été retenu afin de bien solliciter lejoint et non pas les produits eux-mêmes.Les résultats de ces essais sont nettement enfaveur des joints minces, tant du point de vue de lafaible dispersion des valeurs que pour le niveau de

résistance atteint. Ceci laisse escompter une prise encompte de la résistance du joint dans les calculsultérieurs (sollicitation de type contreventementou de flexion dans le sens perpendiculaire au plan :effort de vent, maçonnerie enterrée, etc).

UN CHANTIER TEST

Un premier chantier test a été réalisé pour validerle système de montage à joints minces et pourmettre en évidence les éventuelles difficultés, enparticulier au niveau de la mise en oeuvre. Il aconsisté à construire deux maisons individuellesidentiques, la première en traditionnel au mortier deciment, la seconde avec des joints minces demortier-colle. Il a pour cela été utilisé des blocscreux en béton pour lesquels il était possible dedisposer de produits à précision dimensionnelleaméliorée. L’architecte a préparé une premièreesquisse de l’opération envisagée et un avantprojet détaillé. Les constructions, constituées de18 portions de mur et de 8 angles, présentaientun caractère architectural assez complexe (pourdes pavillons), peu favorable à l’amélioration de laproductivité, mais intégrant des difficultés intéres-santes à résoudre dans la perspective de dévelop-pement de la technique à joints minces. Grâce àun calepinage réalisé au CERIB, des évolutions ontété apportées au projet initial, par exemple pourréduire les coupes excessives. Ces évolutions ontpris en compte :- les résultats de l’étude imposant pour les blocsdes tolérances dimensionnelles de +/-1,5 mm (aulieu de +/- 4 mm dans la norme actuelle),- le non remplissage des joints verticaux,- l’utilisation de blocs spéciaux pour les angles, lestableaux et les linteaux.Le CERIB a ensuite pris contact avec un fabricantsusceptible de fournir des blocs de bétonconformes aux exigences requises. Un premiercontrôle chez le fabricant a permis de vérifier queles tolérances imposées pouvaient être respec-tées. L’industriel a lancé une fabrication complètede 2100 éléments (31 palettes) selon une hauteurde blocs déterminée lors du calepinage préalable(les autres dimensions dépendent du moule en sapossession), de manière à respecter les spécifica-tions de l’avant-projet (hauteur 251 cm : soit 13rangs de blocs de 19 cm et 13 joints de 3 mm).A l’aide d’un dispositif de mesure informatisé, leCERIB a procédé à une vérification du respect des

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dimensions et des tolérances sur un échantillon de1500 blocs : plus de 95 % des produits étaientdans la fourchette demandée. Les produits nonconformes (épaufrés, mal remplis) ont été élimi-nés. Le contrôle a également mis à jour la présen-ce de bavures ou grains collés sur certainsproduits; ils ont été supprimés mais devront êtreultérieurement «balayés» par un dispositif adéquaten sortie de fabrication. Un second calepinage,prenant en compte les menuiseries, a été réalisé

en liaison avec l’architecte. L’utilisation de menui-series en PVC autorise une certaine souplesse carce type de menuiseries permet une adaptationdes dimensions en atelier sur la chaîne de fabrica-tion.

Ce chantier test a apporté les enseignementssuivants :- dès lors qu’ils sont formés, les maçons n’ont pas dedifficultés pour s’adapter aux changements demodes opératoires et aux nouveaux matériels;- des difficultés de réalisation, au niveau decertains points singuliers, ont émergé : huisseriesde portes, habillage de chaînage et linteaux, réali-sation de regingots);- la pose collée augmente la productivité dès lorsque la longueur des murs est supérieure à 1,50mètre;

- la comparaison d’aspect des murs bruts etd’homogénéité du support d’enduit est au bénéfi-ce de la pose collée.

Conclusion de la première phaseexploratoire

Elle montre que les objectifs initiaux que s’était fixé legroupe de pilotage,ont globalement été atteints :1. Pour chacune des filières béton et terre cuite,

plusieurs solutions opérationnelles, susceptibles d’êtreappliquées sur des réalisations expérimentales, ont étédéfinies.2. La technique à joints minces peut contribuer à uneamélioration d’ensemble de la maçonnerie. Ce constatest particulièrement sensible pour les caractéristiquesde résistance du joint en traction ou cisaillement :utiliserun produit industriel spécialement formulé (le mortier-colle) accroît la performance mais aussi la fiabilité parréduction de la dispersion (ce qui est important pourles calculs ultérieurs).Enfin, l’étude a montré que l’outilla-ge et la méthode d’application du produit de joint sontprimordiales dans la mise au point du système.Contrairement aux deux autres, ce résultat n’avait pasété prévu : il est le fruit de l’expérience acquise tant aucours des essais en laboratoire que du chantier prototypedes deux pavillons de Reims.

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Ce chapitre se structure en deux grandes parties.La première partie fait état de la seconde phasedes travaux du groupe de pilotage.La seconde partie restitue les contributions desdifférents acteurs des réalisation expérimentales(REX) à la journée de présentation de latechnique à joints minces organisée à reims le 25 juin1996 par le PCA, l’UNM et le CSTB à l’initiativede Pierre Possémé, Président de l’UNM.

VERS UNE CODIFICA-TION TECHNIQUE DESMAÇONNERIES ÀJOINTS MINCES

L’étude préalable, menée en 1993-94, avait permisde démontrer la faisabilité de la maçonnerie àjoints minces de colle dans sa dimensiontechnique. Elle avait aussi dégagé des pistesprometteuses en termes d’amélioration de laproductivité et des conditions de travail. Deuxopérations expérimentales, localisées à Bétheny(blocs de béton) et à Reims «Val-de-Murigny»(blocs de terre cuite), avaient pour objectif devérifier les hypothèses, apporter les premièresconclusions et identifier les pistes de progrès.En parallèle, la seconde phase de l’étude (95-96) aporté sur les trois thèmes suivants :1. Prolongement de la réflexion en matièrede productivité et d’amélioration desconditions de travail du maçonTrois groupes de travail ont dans un premiertemps travaillé de manière autonome. Le GT1 aporté sa réflexion sur la fabrication des produitset l’amélioration des systèmes de pose. Le GT2s’est focalisé sur les outils d’aide à la prescription.Le GT3 a examiné les aspects liés à l’organisation dutravail.2. Valorisation des performancesmécaniques des maçonneries colléesL’étude préalable avait démontré une améliorationsensible des résistances mécaniques en compres-sion, en adhérence et en cisaillement des joints. Ils’agissait donc de valoriser cette homogénéitémécanique auprès des prescripteurs, et notam-ment des architectes. Cette homogénéité devaitégalement se traduire par une bonification dansles méthodes de calcul, en particulier pour les avistechniques.

3. Synthèse des enseignements des Rex etdes trois groupes de travailL’objectif de ce troisième axe était de constituer, àpartir des enseignements des REX [6] et de lasynthèse des trois groupes de travail, la matièrenécessaire à l’élaboration des cahiers des prescrip-tions techniques. La finalité étant de les incorporerdans les avis techniques pour chacun des systèmesdéveloppés. En effet, sur le plan de l’analysetechnique, les études et expérimentations menéesdoivent permettre de recueillir l’ensemble desdonnées (depuis la conception-calcul jusqu’à l’exé-cution) utiles à l’élaboration des avis techniques.

Travaux du GT1 : fabrication des produits etamélioration des systèmes de poseLes travaux du GT1 ont porté sur la caractérisa-tion technique des systèmes appartenant à chacu-ne des deux familles de matériaux (blocs en bétonet produits de terre cuite), et en particulier surl’étude des trois composantes suivantes :- caractéristiques des blocs (conception desformes, dimensions, gamme, ergonomie,tolérances dimensionnelles, fabrication, palettisa-tion,...). Il s’agissait de dégager un référentiel pourla certification des produits correspondants.- caractéristiques des mortiers-colles (fabrication,conditionnement, mise en oeuvre). L’objectif étaitsimilaire au point précédent.- caractéristiques des outils d’aide à la pose (pellecrantée, rouleau, distribution mécanisée, outils depréhension,...). Ces outils devront être définis dansles descriptifs propres à chaque système.Les résultats sont synthétisés dans deuxdocuments distincts complétés par un chapitredédié aux outils d’aide à la pose [5].Le premier document s’attache aux produits enbéton. Il met en avant les principaux élémentssuivants :- un calepinage préalable des blocs est recomman-dé pour limiter les coupes;- la forme générale des produits peut êtreidentique à celle employée en maçonnerie tradi-tionnelle, sauf pour les abouts (le mode d’applicationdu mortier-colle, pelle, peigne, trempe, rouleau,entrant pour partie dans la définition de la formed’about);- l’utilisation de blocs collés se justifiant surtoutpour les murs chargés (bâtiments collectifs parexemple), il convient de choisir une classe de résis-tance minimale correspondant à B60 pour lesblocs en béton à enduire et P80 pour les blocsapparents;

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La maçonnerie à joints minces à l’épreuve des chantiers

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- selon le mode d’application et le type demortier-colle, les précisions dimensionnellesimposées doivent être respectées;- les mortiers doivent être de préférence gâchésmécaniquement pour en assurer l’homogénéité etla régularité;- compte-tenu de l’épaisseur du mortier-colle (2 à3 mm) et de la porosité du support, la largeurmaximale d’encollage doit être déterminée detelle manière que le temps entre l’application dumortier et la pose des blocs n’excède pas dixminutes;- les conditions normales d’utilisation desmortiers-colle sont comprises sur une plage detempérature allant de +5° à + 35°. La pose surdes supports gelés doit être proscrite;- pour les blocs à enduire, l’outil d’application dumortier doit être constitué d’une pelle, faisantoffice de réserve du produit, et d’une partiedentelée donnant le profil au mortier ;- pour les blocs apparents, l’outil est constitué d’ungabarit qui sert de guide à un peigne assurant leréglage du mortier.Le second document s’attache aux produits enterre cuite. Il met en avant les principauxéléments suivants :- le calepinage est nécessaire, mais la découpe surchantier assure un degré de liberté supplémentai-re;- la pose peut s’effectuer à la trempe ou aurouleau. Il est donc nécessaire d’utiliser le mortier-colle adapté à l’outil;- pour les briques, dans le sens de la hauteur, larectification des blocs en usine peut permettred’obtenir des précisions dimensionnelles de +/-0,5 mm;- à la trempe, l’épaisseur du joint après pose estd’environ 1 à 2 mm. Au rouleau, elle se situeautour d’1 mm;- selon le type de brique à coller, la techniqueemployée, on estime entre 1 et 4 kg/m2 de mur laquantité de colle à utiliser.

Travaux du GT2 : outils d’aide à la prescrip-tionLes travaux du GT 2 ont essentiellement portésur les actions à mener pour créer une synergieentre industriels fabricants et entreprises utilisa-trices, et pour promouvoir la technique desmaçonneries collées auprès des prescripteurs(architectes, économistes, établissements d’ensei-gnement professionnel du bâtiment). Le GT 2 a

ainsi participé à la réalisation d’une cassette vidéocomparant le montage classique au mortier et lemontage à joints collés dans le cas de murs en blocsde terre cuite, tels ceux utilisés pour la REX de Valde Murigny. Cette cassette a été diffusée auprès de1500 prescripteurs ainsi qu’aux partenaires dugroupe de travail. Un descriptif-type de l’utilisationde la technique à joints minces a également été mis àla disposition des architectes. Ces outils servent desupport à des stages d’une demi-journée organiséspar les industriels pour les professionnels dubâtiment.Le GT2 a également mené avec le GT3 uneréflexion portant sur l’utilisation de logiciels decalepinage dès la conception des projets. Leséléments d’information collectés en france et dansles pays limitrophes (Allemagne,...) inciteraient àréserver l’utilisation de tels outils lorsque les produitsse découpent difficilement sur chantier. En effet :- ces logiciels peuvent s’avérer contraignants pour lesarchitectes qui souhaitent une grande souplessedans la définition des caractéristiques dimension-nelles des ouvrages;- ces logiciels supposent une ressaisie, quelquefoislongue et fastidieuse, des plans de l’architecte parl’industriel fabricant.

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Une autre piste serait de restreindre l’utilisationdes logiciels de calepinage à l’optimisation despoints singuliers (angles, liaisons, baies,...) Afin deminimiser le nombre de coupes et leur importan-ce.

Travaux du GT3 : organisation du chantierLe GT3 a orienté ses réflexions (à laquelle s’estensuite associé le gt1) sur les aspects directementliés au chantier.L’approvisionnement et la palettisation desproduits (blocs courants et spéciaux dans lamême palette ou sur palettes séparées)L’idéal serait semble-t-il de conditionner les blocspalettisés sous housses plastiques recyclables, lesproduits courants et blocs accessoires étant

conditionnés sur palettes séparées. Cette optionpose cependant un problème en usine, car elle necorrespond pas à la pratique habituelle qui associeblocs courants et blocs accessoires dans un mêmemoule ainsi qu’une palettisation commune desproduits. Bien qu’une production séparée soitenvisageable, l’expérience montre que se posealors souvent un problème supplémentaire dedifférence de hauteur entre productions issuesd’opérations de moulages différentes. A l’inverse,des expérimentations ont démontré que la prépa-ration de l’approvisionnement du poste de travail

peut s’effectuer à l’avancement dans un atelierlocalisé au pied du chantier (d’une journée surl’autre par exemple) par reconstitution de lots deblocs assortis à chaque partie d’ouvrage à partirde livraisons séparées.Les dispositifs d’échafaudage et de sécurité(ergonomie de pose, niveau constant par rapport àl’assise en cours)La plate-forme hydraulique semble constituer unesolution intéressante. Il est en tous cas souhaitableque le maçon soit «à la bonne hauteur» parrapport à l’assise de la pose, tout au long de l’exé-cution.Les problèmes de coupe de blocs (usure desoutils, forme et emplacements des découpes surles blocs de coupe).La coupe des blocs en béton sur chantier estonéreuse, tant en consommation d’outils decoupe qu’en temps de main d’oeuvre. Il est utiled’adopter des disques de qualité appropriée àchaque type de béton afin de minimiser l’usuredes outils. La conception et le dessin des blocs decoupe doivent être adaptés (forme et emplace-ment des précoupes). L’épaisseur du voile de pose(difficile à couper) constitue un handicap : l’utilisationde blocs à alvéoles débouchantes est à examiner.En revanche, la découpe des blocs de terre cuite àtesson allégé (REX de Reims «Val de Murigny»)semble satisfaisante; l’outil de coupe existe sur lemarché et est bien adapté.L’utilisation mécanisée du mortier-colleUn «portrait robot» de l’appareil idéal a étédressé (capacité, poids, facilité de nettoyage).Plusieurs essais, réalisés avec différents typesd’appareils et mortiers-colles montrent que lamachine Sprayboy (Putzmeister) permet ungâchage et un pompage du mortier satisfaisants.Les pertes de charges, dues au pouvoir collant dumortier, restreignent la mécanisation. Aussi, pourdes tuyaux de diamètre 25 mm, l’autonomie delongueur parait limitée à une dizaine de mètres.

Performances mécaniques des maçonneriescolléesLes résultats d’essais mécaniques en compression,flexion et cisaillement obtenus à ce jour ontmontré un net avantage en faveur du montage àjoints minces par rapport au montage traditionnelà joints épais de mortier (valeurs supérieures etmoindre dispersion).Des travaux théoriques, réalisés au CSTB ont par

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ailleurs permis de développer divers modèles decalcul (voir le cas des actions des charges verti-cales dans le plan [1] et les effets des actionsperpendiculaires au plan des murs [3]). Cescalculs, adaptés et appliqués aux maçonneriesmontées à joints minces, démontrent la perfor-mance de cette technique, notamment pour lesconstructions à usage d’habitation (de la maisonindividuelle jusqu’au petit collectif de 4 à 5niveaux) et les bâtiments d’activité comportantdes façades de grandes dimensions. Ainsi semble-t-il possible d’établir des règles de dimensionne-ment à intégrer dans les documents d’AvisTechniques, de manière à prendre en compte lesperformances réelles de ces maçonneries et ainsicouvrir le domaine d’emploi envisagé de façonoptimale.

LES ENSEIGNEMENTSDES CHANTIERSEXPÉRIMENTAUX

Construire de nouveau en pierre massivePar Didier Pallix, Directeur Recherche etDéveloppement de la société RocamatRocamat et l’Union Nationale de la Maçonnerie(UNM) ont élaboré un nouveau procédé deconstruction en pierre tendre massive répondantmieux aux impératifs techniques et économiquesactuels que les procédés traditionnels de maçon-nerie en pierre. Après un effort de recherchemené en collaboration avec le CSTB, le CEBTP etle cabinet d’architectes Bernstein-Champetier-Vidal, le procédé «Mur Rocamat» bénéficie d’unAvis Technique favorable (n°16/95-292).Les techniques de construction en pierre massivetendre, codifiées par le DTU 20.1 (norme NF XP P10-202 «ouvrages de maçonnerie de petitséléments - parois et murs») exigent en généraldes murs de façade de 22 cm d’épaisseur ou plus.Le volume des blocs de pierre impose pourchacun d’eux l’utilisation d’appareils de levage; lemontage est réalisé à l’aide de cales pour éviterd’écraser les joints des lits fraîchement étalés. Cesjoints, fabriqués soit en mortier de ciment blancfiché, soit en plâtre coulé, sont complexes et longsà exécuter. Ils nécessitent une phase de finitiononéreuse, car elle comporte le ragréage completdela façade (notamment dans le cas de joints enplâtre coulé) et son rejointoiement. Ces difficultés

expliquent le recul progressif de la pierre tendre.La société Rocamat, produisant de la pierre destinéetant au marché intérieur qu’à l’exportation (Etats-Unis, Japon), a souhaité élargir en France lesdébouchés de ses nombreuses carrières de pierretendre et dynamiser cette technique de construc-tion grâce au procédé de Mur Rocamat. Ce murcomposite comporte une paroi extérieure enmaçonnerie porteuse de pierre tendre apparente de147, 160, ou 170 mm d’épaisseur, une lame d’air etune contre-cloison isolante avec plaque de plâtresur ossature métallique. La paroi en pierre estconstituée de blocs de pierre sciée de dimensionsstandard, manuportables et montés au mortier-colle en joint mince.

Un contrôle de qualité peu usuel dans la pierremassiveCette technique permet d’abaisser le coût deréalisation des façades en pierre, de diminuer laquantité de matière, d’accroître la productivité enusine et de réduire les temps de pose sur lechantier. Mais la diminution de l’épaisseur du muret le «collage» en joints minces entraînent, d’unepart des exigences accrues de précision dimen-sionnelle et de résistance mécanique, et d’autrepart de nouvelles solutions pour assurer la résis-tance à la pluie battante. Le mur rocamat se singu-larise donc par de nouvelles dispositions dans laconstitution de la façade et de nouvellesméthodes de contrôle de la qualité en fabrication.La paroi extérieure en maçonnerie de pierreporteuse du mur rocamat (147 à 170 mm d’épais-seur), qui donne son aspect extérieur à la façade,joue un rôle d’écran partiel contre la pénétration deseaux de pluie. Sa résistance aux forces verticaleset horizontales doit être vérifiée selon lesméthodes de calcul du DTU 20.1. Mais elle nepeut assurer à elle seule l’imperméabilité de lafaçade. Le mur comporte une lame d’air continue surla hauteur de chaque niveau et une cloison dedoublage sur ossature métallique autoporteuseconstituant le parement intérieur. Cette cloison dedoublage assure la majorité de l’isolationthermique du mur et doit être définie en fonctiondes exigences à satisfaire (épaisseur du matelasisolant constitutif). Elle assure également l’étan-chéité à l’air. Par ailleurs, du fait de l’utilisation de lalame d’air et de la laine minérale, les performancesacoustiques globales sont, selon le DTU, compa-rables ou supérieures à celles des façades enpierres actuelles. L’ensemble est conçu pour

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empêcher les infiltrations d’eau de pluied’atteindre la cloison de doublage par gravité oupar capillarité. L’eau est collectée puis rejetée àl’extérieur. Les dispositifs de relevé d’étanchéité etde coupure de capillarité par des rubans d’étan-chéité auto-adhésifs assurent cette exigence.L’emploi de cette technique est limité auxbâtiments de six niveaux maximum, mais ilspeuvent subir toutes les conditions d’exposition, àl’exception du front de mer. Toiture mise à part,seule l’utilisation des planchers en béton armécoulés sur place, sur des prédalles ou sur despoutrelles en béton préfabriqué avec entrevousest permise. Le contreventement est assuré par larésistance dans leur plan des diverses parois verti-cales en maçonnerie et des planchers. La distancemaximale entre raidisseurs est limitée à 3 m.Toutes ces contraintes ont conduit à la mise enplace d’un contrôle qualité rigoureux, peu usueldans la pierre massive de maçonnerie. Outre lescontrôles de base effectués par un laboratoireindépendant, une vérification continue de mesurede la vitesse du son (moyen non destructif corréléà la résistance en compression) et de mesure desdimensions, a été instaurée. La société dispose deplusieurs pierres tendres susceptibles d’être utili-sées pour le procédé Mur Rocamat. Néanmoins,dans un premier temps, seules les pierres de StVaast et St Maximin-Roche Construction serontretenues.

Le mur Rocamat à ReimsReims possède une longue tradition de constructionen pierre de taille tendre, reprise par la recons-truction après la guerre de 14-18. Grâce au maîtred’ouvrage, l’Effort Rémois, l’édification de soixan-te-six logements rue Emile Zola à Reims adémontré les potentialités du Mur Rocamat. Lesconcepteurs de l’opération, le cabinet d’archi-tectes Bernstein-Champetier-Vidal, ont élaboré leplan-masse de bâtiments de trois à six niveaux,dotés d’importantes façades en pierre tendreporteuse de 15 cm, vues de la rue. Ce plan-massese devait de renforcer la perception de l’espacede la rue, hétérogène et perturbé par une inter-vention (en retrait par rapport à l’alignement)datant des années 1960. En répondant, par l’espaceouvert du jardin, à l’élargissement causé par cetteancienne intervention, un nouveau sens a étédonné à la rupture de l’alignement. Le cabinetd’architecture a élaboré le projet en exploitantcertaines possibilités du nouveau procédé de

construction en pierre porteuse de 15 cm et enintégrant la discipline nécessaire à cette concep-tion. Le rapport entre le vide et le plein se doitd’être vérifié en fonction de la résistance de lapierre : dans certains cas, les trumeaux s’élargis-sent dans les étages bas. La pierre tendre doit êtreprotégée par des couronnements et descorniches résistant au gel : ici, les corniches sontconstituées au droit des nez de plancher par despetits blocs de béton moulé, intégrés lors ducoulage des dalles de plancher. Le Mur Rocamatexpérimenté sur ce chantier de Reims, pourraits’appliquer à d’autres types d’opérations, petitesou grandes, destinées au tertiaire, au logement et auxbâtiments publics.

Innovation technique et maître d’ouvragePar Alain Coscia-Moranne, Directeur de laConstruction et de la Recherche au Foyer Rémois.Les objectifs d’un maître d’ouvrage, tel que leFoyer Rémois, qui participe à l’expérimentation deproduits ou de techniques nouvelles, sont d’amé-liorer la qualité des logements pour des prixcompatibles avec la solvabilité des futurslocataires. Et chacun sait qu’elle tend à diminuer.C’est une contradiction à résoudre et seule l’inno-vation permettra d’y répondre. Le Foyer Rémois amis en oeuvre, depuis plusieurs années, unepolitique active de recherche dans différentsdomaines allant de la domotique à l’améliorationde l’organisation des chantiers, par exemple àtravers la mise en oeuvre du séquentiel et l’échan-ge de données informatisées. L’amélioration destechniques traditionnelles de maçonnerie consti-tue une piste de recherche prometteuse. En effet,le mur maçonné en parpaings se rencontre sur laquasi-totalité de nos chantiers : on n’a pas encoretrouvé de moyen plus économique de clore unespace habité.Aussi, la mise en oeuvre de blocs debéton collés devait donc servir les objectifs dumaître d’ouvrage : la qualité et le prix. Les perfor-mances mécaniques des maçonneries et lecomportement des enduits sont améliorés.Aujourd’hui, il n’est cependant pas possible desavoir si cette technique permettra réellementune réduction des coûts.Toutefois, au vu de cetteexpérimentation, l’entreprise a réalisé des gains deproductivité et se trouve disposée à proposercette technique sur de nouveaux chantiers, dansles conditions habituelles d’un appel d’offres.L’opération de la rue Alain Colas, à Bétheny, avecun coût de construction seule, hors VRD, de 5 274

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F/m2 de surface habitable, peut être considéréecomme économique. L’utilisation de cettetechnique n’ayant pas engendré de surcoûts. Parailleurs, en tant que maître d’ouvrage j’ai apprécié le

bon déroulement du chantier, sa propreté, facteur delimitation des nuisances pour l’environnement.Cependant, l’absence d’emboîtement des blocs debéton a engendré des difficultés sur le chantier. Lesinfiltrations d’eau par les joints verticaux entraventla réalisation de l’isolation intérieure et celle desenduits extérieurs, notamment en période hiver-nale. Les contraintes liées à la conception, telle lanécessité de calepinage, n’ont pas contrarié lesobjectifs qualitatifs. Il apparaît qu’une préparationde chantier approfondie et une concertationentre architecte, entreprises et industriels est unenécessité dans chaque projet et un facteur positifpour la qualité du produit final. Elle contribue aubon déroulement du chantier par le respect desprix contractuels et des délais. Ici, ils ont étérespectés, ce qui incite à tout mettre en oeuvrepour généraliser ce nouveau savoir faire.

Blocs en béton montés à joints minces :recherches et perspectivesPar Francis Dran, Chef du département réalisationdes ouvrages, Centre d’Etudes et de Recherches del’Industrie du Béton (CERIB)Les progrès enregistrés dans la fabrication desblocs en béton ont conduit certains fabricants àproposer de nouvelles techniques comme la poseà joints minces. L’apport de ces techniquesévaluées en laboratoire et validées sur le chantierlaisse entrevoir un élargissement du domained’emploi des maçonneries à des murs porteursplus chargés.Dans la plupart des pays européens, le marché dela maçonnerie concerne essentiellement les mursde maisons individuelles, les murs non porteurs de

bâtiments collectifs et les murs non ou faiblementporteurs de bâtiments industriels. Dès que le murdoit résister à des efforts importants, les prescrip-teurs ont le plus souvent recours à d’autrestechniques que la maçonnerie. C’est le cas lorsqueles murs sont soumis à des efforts horizontaux.Les règles de calcul des maçonneries en vigueurne prennent pas en compte l’adhérence dumortier sur les blocs. Ce type de montage permetcependant de proposer, pour les murs faiblementchargés ou non porteurs, une solution écono-mique. En France, où environ 70 % des maçonne-ries sont réalisées avec des blocs en béton, le murle plus représentatif est constitué d’un bloc creux de20 cm d’épaisseur monté au mortier, recouvertd’un enduit extérieur et isolé à l’intérieur par uncomplexe de doublage thermique.Le succès de cette solution repose sur les qualitésd’un produit industriel : le bloc béton. Sa fabrica-tion en usines très automatisées permet de garan-tir la constance des performances du produit. Lesrécents progrès de fabrication ont permis d’envi-sager une réduction des tolérances dimension-nelles des produits et ont conduit certains fabri-cants à proposer d’autres techniques de pose,telles que la pose à joints minces ou même lapose à sec. La pose à sec nécessite des produitsspécialement adaptés. Ils sont aujourd’hui à l’étudeet limités à certaines applications. En revanche, lesjoints minces de mortier-colle peuvent être utilisésavec des blocs quasi-identiques aux blocs montés aumortier.

Amélioration des performances mécaniques,diminution du temps de poseCes blocs doivent faire l’objet d’une précisiondimensionnelle améliorée, d’un contrôle renforcéet d’opérations complémentaires de nettoyage. Ilsemble possible de concilier l’optimum technico-économique, obtenu avec la solution actuelle, etles avantages propres à la technique de pose aumortier-colle : allier gains de productivité et dematières premières, améliorer les performancesmécaniques en traction et l’aspect de l’ouvrage.La technique des joints minces de mortier-colleprésente beaucoup d’intérêt pour les blocs àenduire et pour les blocs apparents. Dans le casde blocs à enduire, elle augmente les perfor-mances mécaniques, diminue le temps de pose,améliore l’aspect final. L’emploi des blocsapparents permet d’augmenter l’adhérence, doncla tenue aux efforts horizontaux, et de diminuer

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également le temps de pose.Tous les mortiers-colles ne sont pas adaptés aumontage de ce type de maçonnerie. Différentesformulations proposées par les fabricants ont étéévaluées en laboratoire. Des maquettes de mursont permis de sélectionner le type de mortier-colle en fonction de critères de mise en oeuvre,tels que la facilité d’application, les possibilités deréglage lors du montage, la durée pratique d’utili-sation et le temps de prise. De même, quatretechniques d’application du mortier-colle ont étéexpérimentées : le peigne, la pelle crantée, lerouleau et la trempe. Le choix de la techniquedépend à la fois de la facilité d’application et decritères économiques. Le développement d’unenouvelle technique impose de limiter le coût final del’ouvrage et le déboursé de l’entreprise de poselors de l’achat des matériaux. Le coût d’unmortier-colle étant quatre fois supérieur à celuid’un mortier traditionnel, il importe de limiter laquantité de matière dans cette proportion. Cetteconsidération a conduit à opter pour une épais-seur de 3 mm de mortier-colle destiné aux blocs àenduire et de 2 mm pour les blocs apparents.Cette épaisseur finale de joint a permis de mettreau point les outils d’application du mortier collesur les blocs et de définir la valeur limite accep-table de tolérance dimensionnelle des blocs. Ainsi,les blocs à enduire requièrent des tolérances deplus ou moins 1,5 mm et un montage à l’aided’une pelle crantée. Les blocs apparents deman-dent des tolérances de plus ou moins 1 mm et unmontage au peigne. La pelle crantée permet delimiter au strict nécessaire la quantité de colleappliquée et d’assurer la régularité des cordonsdéposés.

Une technique évaluée en laboratoire et validéesur le terrainLes gains espérés sur le temps de pose ont étévérifiés en laboratoire. Dans les parties courantes,en l’absence de points singuliers à traiter, le gainpeut atteindre 40 %. En revanche, la limite de latolérance de plus ou moins 1,5 mm sur la hauteurdes blocs est absolument indispensable. Un essai,réalisé avec des blocs dont la tolérance est de plusou moins 2 mm, conduit en effet à des difficultésde réglage de niveau et d’aplomb à partir d’unehauteur de mur de 2 m.Des essais de résistances mécaniques comparatifs,effectués sur des murets montés au mortier-colleet au mortier traditionnel, ont montré que la

résistance à la rupture en compression des mursmontés au mortier-colle (6,6 MPa) correspondaux meilleurs résultats obtenus avec un mortiertraditionnel. Les essais réalisés sur des maquettesont montré l’évolution de la contrainte de ruptureen traction par flexion du mortier-colle : 0,7 MPaavec un coefficient de variation inférieur à 10 %.La phase de recherche a trouvé un prolongementsur le chantier, par la construction de deuxmaisons individuelles identiques évoquée précé-demment. Les deux maisons ont été bâties par lamême entreprise de pose, la première avec unmortier traditionnel, l’autre avec un mortier-colle.L’équipe de maçons chargée du montage n’aéprouvé aucune difficulté à passer d’unetechnique à l’autre. Les gains sur le temps de poseont été calculés en fonction du temps passé surchaque logement. Ils tiennent compte des opéra-tions de montage des maçonneries et necomprennent pas les temps nécessaires à la réali-sation des planchers et du second oeuvre. Letemps de montage au mortier-colle est inférieurde 30 % au montage au mortier traditionnel. Le

gain se révèle plus important dans les niveauxsupérieurs, en particulier lors de la réalisation despignons et de la préparation des supports decharpente. Ce constat s’explique par la quantité

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de mortier limitée à réaliser, sept fois moindrepour la même surface, dans les parties peu acces-sibles comme les pointes de pignons.Outre la qualité de l’aspect, le montage aumortier-colle simplifie la pose du doublageintérieur, collé sur une surface plane libérée desreliefs de joints des mortiers classiques. De même,la réalisation de l’enduit extérieur est facilitée parla diminution de l’épaisseur des joints. Cependant,deux points essentiels sont apparus lors de laréalisation au mortier-colle du pavillon témoin. Enpremier lieu, il est préférable de réaliser un calepi-nage préalable en collaboration avec le concep-teur pour limiter les coupes qui doivent être effec-tuées à la scie ou à la tronçonneuse pour conserverla facilité de hourdage au mortier-colle. Ensuite, ilparaît indispensable de disposer de blocs spéciauxde même niveau de tolérances dimensionnellespour réaliser les points singuliers (angles, abouts,linteaux, chaînage, ...).A Bétheny, la Réalisation Expérimentale d’unimmeuble R+3 de vingt-quatre logements enmaçonnerie de béton montée à joints minces aconfirmé le gain de temps durant la pose et l’amé-lioration des performances mécaniques encompression et en flexion. Un moule industrielspécifique permet de disposer de blocs biencalibrés, adaptés à la pose au mortier-colle. Lesvérifications montrent que la tolérance de +/-1,5mm en hauteur est respectée, y compris pour lesblocs spéciaux. Un calepinage préalable et ledéplacement de quelques centimètres dequelques ouvertures a limité les coupes.L’amélioration des performances mécaniques encompression et en flexion, l’utilisation de blocs etde mortiers certifiés ouvrent ce domained’emploi à des murs porteurs plus chargés.L’importante amélioration de la résistance enflexion permet d’envisager la réalisation de murssoumis à des efforts perpendiculaires au plan dumur, tels que les murs de soubassements enterréset les murs de remplissage soumis au vent. Cesréalisations prendraient en compte la résistanceen traction du mur monté au mortier-colle avecun coefficient global de réduction intégrant lasécurité. Ces nouvelles applications vont conduire àcalculer un ouvrage de maçonnerie comme unouvrage en béton. La méthode de calcul proposéepar l’Eurocode n°6 (ENV 1996), bien qu’incom-plète, est déjà disponible et permet d’aller au-delàdes cas usuels de murs faiblement porteurs.Certains pays, comme l’Allemagne, disposent de

codes de calcul éprouvés qui permettent de réali-ser des ouvrages porteurs en maçonnerie. Dansce pays, l’utilisation de joints minces connaît aussides débuts prometteurs.

Maçonnerie de terre cuite montée à jointsminces : le bloc rectifié et le monomurPar Jean-François Regrettier, chef du service bâtiment,Centre Technique des Tuiles et Briques (CTTB)Un bloc de terre cuite «porosé» de 25x25x37,5cm à perforations verticales présentant vingt troisrangées d’alvéoles a été utilisé pour réaliser lesbâtiments de la Rex de reims «Val de Murigny».Le produit est rectifié après cuisson de façon à

obtenir des faces de pose rigoureusement paral-lèles. Pour ce chantier, la précision dimensionnelleobtenue sur la hauteur du bloc est de plus oumoins 0,25 mm. Ces éléments rectifiés présententdeux avantages : une pose au mortier-colle quipermet de substantiels gains de temps, des jointshorizontaux de faible épaisseur - environ 1 à 2mm - supprimant les ponts thermiques constituéspar les joints de mortier traditionnel. Les élémentsde terre cuite porosés se découpent aisément àl’aide d’une scie spéciale déjà disponible sur lemarché : il n’est donc pas nécessaire de prévoir uncalepinage mais simplement de calculer, lors de laconception, une hauteur entre dalles multiple de lahauteur des blocs. Ainsi, on réalise un gros oeuvrede très bonne qualité avec moins de coupes etdes joints pratiquement invisibles.Le Monomur, réalisé avec de tels blocs ne nécessi-te aucune isolation complémentaire. Cette perfor-mance provient de la géométrie des blocs dontles alvéoles verticales de petites dimensionsforment des lames d’air presque immobiles; de lagéométrie des alvéoles (quinconçage des parois

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de terre cuite) rallongeant le parcours du fluxthermique par conduction et d’un tesson dont laporosité artificiellement augmentée diminue la

conductivité thermique des parois. Cette augmen-tation de porosité est obtenue par l’adjonction àla pâte argileuse de billes de polystyrène qui, à lacuisson, se consument en créant dans les paroisdes microcavités. Des calculs réalisés montrentque le coefficient «K» de transmission surfaciqueest égal à 0,40 W/m2°C. L’augmentation deporosité n’est pas préjudiciable si l’on considère leniveau de performances mécaniques des blocs : larésistance à la compression est de l’ordre de 9MPa. L’utilisation du mortier-colle permet, enoutre, d’obtenir des résistances au cisaillementbien supérieures à celles atteintes avec un mortiertraditionnel. La forte épaisseur de ces produitspermet de traiter efficacement le pont thermique enabout de dalle en interposant entre la planelle derive et la dalle un isolant thermique. Un autreavantage réside dans la capacité de ces éléments àatténuer les variations de la température extérieu-re : le Monomur absorbe la chaleur dans lajournée et la restitue la nuit, d’où une diminution

sensible des consommations de chauffage. Laforte inertie du monomur est également un gage deconfort d’été puisqu’elle permet de limiter les

surchauffes.Enfin, l’utilisation du Monomur simplifie la mise enoeuvre. Là où deux ou trois opérations sonthabituellement nécessaires, une seule suffit : plusde doublage à coller sur le mur porteur ou d’isolantvertical et de contre-cloison, d’où un gain detemps et de qualité. En effet, les risques d’erreurou de malfaçon augmentent avec la multiplicationdes opérations. La pérennité de la performancethermique s’en trouve du même coup assurée.Les pertes de matière sont réduites ainsi que lesvolumes de déchets sur le chantier.

Les techniques de poseLe mortier de montage fabriqué industriellementest constitué d’un mélange dosé de liants hydrau-liques à base de ciment Portland artificiel, decharges siliceuses ou calcaires et d’adjuvants. Il seprésente sous la forme de mortier sec prêt àl’emploi. Ce chantier expérimental de Val deMurigny a permis de comparer deux techniquesde pose : trempe et rouleau. Dans le premier cas, lebloc est trempé dans une auge contenant le

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mortier-colle, de manière à imprégner la faceinférieure et est posé sur la rangée précédente.Dans le second cas, le rouleau équipé d’une réser-ve de mortier dépose sur les faces supérieuresdes produits une couche de mortier colle. Le rangsuivant est ensuite mis en place. Les manipulationssont limitées, le bloc passant directement de lapalette sur le mur. Cette seconde méthodesemble mieux adaptée; elle s’avère moins pénibleà l’usage et l’encollage est mieux contrôlé puisqueréalisé sur la face vue. Elle a conduit à des tempsde mise en oeuvre compris entre 35 et 45mn/m2. Sur les deux premiers bâtiments, laconsommation de mortier-colle s’est situéeautour de 3,3 kg/m2 pour la pose au rouleau et3,7 kg/m2 pour la pose à la trempe. La pose à lacolle ne permet pas de jouer sur l’épaisseur dujoint pour rattraper les différences de niveaux. Ilconvient donc, avant la pose du premier rang surchaque plancher, de réaliser une bande de mortierparfaitement horizontale sur la périphérie dubâtiment. Pour ce faire, un outil, le «Justierboy» a

été utilisé. Il est composé de deux platines dont lahauteur est réglée à l’aide d’un laser. Ces platinesservant ensuite de support à une règle qui permetd’obtenir une arase parfaitement de niveau.

Joints collés de blocs béton et briques deterre cuite à l’épreuve du chantierPar Patrick Delmotte, ingénieur au CSTBLes deux opérations, Bétheny et Reims «Val deMurigny», sur lesquelles a été expérimentée lamaçonnerie à joints minces au mortier-colle, deblocs en béton pour la première, de briques deterre cuite pour la seconde, permettent de tirerles enseignements touchant au déroulement duchantier. Ces expérimentations répondent à desobjectifs qui touchent à la fois l’organisation dutravail et la technique de montage. Il s’agit d’améliorercette dernière par l’utilisation de matériaux indus-triels de dimensions précises, au conditionnementréfléchi, d’éviter la casse des matériaux, obstacle à laprécision finale souhaitée. L’objectif est aussid’apporter aux hommes de métier un travailmoins pénible, plus précis, plus propre, offrant plusd’attraits aux futurs jeunes maçons et une plusgrande performance aux entreprises.

Mortier-colle : adapter la formulation à la météoA Bétheny, les outils de production des blocs enbéton ont été adaptés pour fabriquer des blocsmieux calibrés. La composition des colles a ététravaillée pour optimiser les conditions de pose,particulièrement sous la pluie. Au niveau de laconception du projet, il s’agissait de réaliser uncalepinage précis de l’ensemble des murs, et le caséchéant, d’apporter des modifications afin d’opti-miser la mise en oeuvre des blocs collés (notam-ment au niveau des arases). L’outillage, déjà utilisé aulaboratoire, est expérimenté en situation et mis aupoint afin d’être adapté aux besoins du chantier.Ainsi les malaxeurs à colle, les pelles à positionnerla colle sur le mur, la scie sur table avec disque audiamant installée pour la réalisation des coupesfont partie, sur cette opération, de la panoplie dumonteur. De plus, il est nécessaire de vérifier laphase de mise en oeuvre des blocs de bétoncollés et le calepinage préétabli et de modifier aubesoin les procédures techniques.

Incidence sur l’organisation du chantier.Le projet de Bétheny se situe sur un terrain plat etétroit, en prolongement d’un ensemble delogements collectifs. L’immeuble comporte quatreniveaux d’habitation sur un sous-sol en garage. Laconstruction est exécutée selon deux techniques :des murs en béton banché pour le sous-sol, pour lesrefends et les murs entre logements; des blocscollés pour les murs périphériques et certains

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refends. Pour les planchers, les prédalles (portées5 et 6 mètres) s’appuient sur les murs de façadeet sur le refend longitudinal parallèle à celles-ci.Cette technique de construction et la configura-tion du site ont conduit à utiliser une grueéquipée d’une flèche de 30 mètres. Le stockagecontribue à améliorer les conditions de travail. Il sefait par matériaux bien palettisés, combiné à l’utili-sation de prédalles, au système de rotation desbanches, à l’utilisation en quantité moindre demortier-colle mélangé sur place. Le stockage des

matériaux aux deux extrémités de la parcellelimite la rotation de la grue et évite qu’elle nebalaye l’ensemble du chantier. Un petit malaxeur àmortier-colle suit les monteurs afin de limiterencore le nombre de rotations de la grue. Lasuppression du gros matériel au sol (pas decentrale de fabrication du béton) présente unavantage supplémentaire.Un stage de formation continue a été organisédurant les quinze premiers jours de pose desblocs de béton. Avant le démarrage du chantier,les besoins de chaque entreprise sont analysés afind’obtenir une organisation précise, à la fois del’ensemble et au niveau de chaque corps d’état.Les outils utilisés vont des instruments du laboratoiredu cerib aux ustensiles de chantier en passant par

ceux issus des filières de fabrication des industriels,jusqu’aux outils d’aide à la conception.Le chantier s’est déroulé sans dysfonctionnementmajeur. Cependant, l’entreprise aurait préféré desblocs palettisés, la face de pose orientée vers haut.Cette disposition aurait évité des manipulationsinutiles et la chute de gravillons sur les lits de colle.Les blocs linteaux et les blocs courants présen-taient une petite différence d’épaisseur qui a dûêtre rattrapée par la couche d’enduit extérieur.De même, quelques écarts de niveau entre des

blocs adjacents sur une même assise ont étéconstatés, puis rattrapés en jouant sur l’épaisseurdu mortier-colle. L’outil de préhension conçu etmis à disposition sur chantier par le cerib n’a étéadopté que par quelques maçons, les plus jeunes. Paraccident, certains sacs de mortier colle disposésen fond de palette ont été humidifiés et doncrendus inutilisables. Si le mortier-colle a été appli-qué sans difficultés particulières, en revanche, lamise au point d’une formulation adaptée à tousles types de temps n’est pas évidente. Par ailleurs, lesblocs d’angle ont fait quelque peu défaut, laproportion d’éléments d’angle dans les moules etdonc sur les palettes était insuffisante. Les blocscourants, à abouts droits, ont été montés à jointsverticaux non-collés laissant passer ça et là la

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lumière du jour. Bien que ce point n’ait pas deconséquence sur le mur fini, il constitue une gênepsychologique et présente un défaut d’étanchéitéà l’eau de pluie en phase provisoire avant exécu-tion des enduits extérieurs.

Abandon du montage à la trempe au profit durouleauLes objectifs de l’opération de Reims «val deMurigny» étaient d’adapter les outils de produc-tion pour en sortir des briques de terre cuite pluscalibrées; de travailler la composition des collespour optimiser les conditions de pose, notam-ment sous la pluie. Au niveau de la conception duprojet, il s’agissait de réaliser le calepinage del’ensemble des murs et, le cas échéant, d’apporterdes modifications pour optimiser la mise en

oeuvre des briques collées (notamment au niveaudes arases). La technique de pose à la trempe nenécessite pas a priori d’outils de pose spécifiques. Lesmalaxeurs à colle, les outils pour répartir la collesur les murs constituent la panoplie classique dumonteur. Une scie sur table avec disque audiamant est installée pour la réalisation descoupes. Le chantier s’est déroulé sans difficultésparticulières. Toutefois, le montage à la trempeinitialement prévu a été abandonné au profit dumontage au rouleau pour des problèmes d’ergo-nomie de pose (poids unitaire des produits : 17,5 kgau lieu de 13 kg pour les produits utilisés en phasepré-expérimentation). La formulation du mortier-colle a donc dû être revue en cours de chantier.La technique de pose à la trempe a été maintenuepour la mise en oeuvre des éléments de planelle,produits plus légers que les blocs courants. Laréalisation de niveau des assises du premier rangest essentielle. Le système original de doubletrépied métallique avec visée laser a donné satis-

faction.Les murs ont été montés sans recours au plan decalepinage du fait de la facilité de coupe desproduits de terre cuite. Une solution originale aété imaginée sur le chantier pour la réalisation desappuis de baie : l’utilisation d’éléments feuilluresposés à plat de façon à apporter une homogénéi-té d’ensemble à la maçonnerie tout en limitant lesponts thermiques au niveau de ces points singu-liers.

Amélioration de la productivitéParmi les avantages, il faut mentionner des chantiersplus propres et plus silencieux en l’absence de béton-nières, un gain de temps à la pose de 15 à 20 % parrapport à un montage traditionnel (à Bétheny, le tempsde pose était de 1,2h/m2 en début de chantier puis de1h/m2 en fin d’opération. A Reims, ces temps étaientde 0,9h/m2 puis de 0,75h/m2 avec une pose aurouleau) et, enfin, le fini de l’ouvrage qui présente unintérêt certain pour le second oeuvre. Il importe aussi quetoutes les leçons puissent être tirées de ces réalisationsexpérimentales en matière d’amélioration des produits(élargissement de la plage de température d’utilisationdes mortiers-colle, amélioration de leur rhéologiesurtout par temps chaud, élargissement de la gammedes blocs pour la réalisation des points singuliers,ergonomie de pose,gestion des coupes et traitement desjoints verticaux, ...). Cependant, il reste des solutions àtrouver pour limiter l’usure des lames utilisées pour lacoupe des blocs en béton. De plus, il est nécessaire dedisposer d’éléments accessoires en quantité, blocsd’angle en particulier.Pour être reproductible, il importe d’abord que ladémarche présente un intérêt pour tous les acteurs dela construction, en particulier pour les maçons. Si leshabitudes des maçons sont à modifier, il faut veiller à nepas les bouleverser. Il semble que la pose collée ailledans le sens d’une valorisation du métier de maçon,d’un travail plus technique, plus propre, moins pénible.Outre les améliorations des conditions de travail(propreté, silence, sécurité sur les chantiers), ils devrontjuger de l’intérêt économique d’une telle démarchepour eux-mêmes (amélioration des cadences depose). Faire plus vite et dans de meilleures conditionsprésente un intérêt mais, dans un contexte écono-mique où les marchés se négocient à prix serrés, ilsubsiste le risque que la diminution escomptée destemps de main d’oeuvre ne se réduise dans les faits àune augmentation des cadences de pose alors que lesperspectives sont bien plus larges.

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Les perspectives de la technique a joints mincesLe succès des techniques de montage à jointsminces ne tient pas qu’à la réduction du temps depose. Il ne s’agit pas seulement de véhiculer desmatériaux et des outils mais un système complet. Lesperspectives de développement reposent sur larésolution des problèmes de diffusion des outils etdes matériaux, d’approvisionnement du chantieren blocs spécifiques. Elles sont subordonnées à laprise en compte d’aspects touchant à la fois à lafabrication, la logistique, l’organisation et plusencore, à la coordination, la communication entre lespartenaires et la prise de conscience de l’intérêtéconomique.

Les industriels

Les industriels doivent persévérer dans leurdémarche qualité et proposer par exemple desproduits permettant le traitement simple et fiable despoints singuliers. Ainsi, ils pourraient proposer dessystèmes constructifs basés sur la réalisation d’élé-ments spéciaux, avec établissement et diffusiondes carnets de détail pour faciliter l’exécution despoint singuliers. De plus, il s’agit de savoir si lescoupes sur le chantier peuvent être ou noncomplètement éliminées grâce à l’utilisation systé-matique de logiciels de calepinage. S’il est possiblede répondre par l’affirmative, il paraît prudent dene pas se priver de la possibilité de coupe sur lechantier. Un optimum économique est à trouverentre facilité, nombre de coupes et quantité deproduits accessoires disponibles. Ceci étant,certains procédés spéciaux de maçonnerie colléebénéficiant d’avis technique (Liaplan, Rapidbloc,Kalhsand) prévoient déjà de réaliser toutes lescoupes en usine. Le succès tient aussi à la fabricationdes blocs à un coût modéré : l’étude sur les possi-bilités de réduction des surcoûts liés aux opéra-tions de calibrage en hauteur des produits usinésdoit se poursuivre. L’objectif est double : étendrele domaine d’application des produits aux murs derefend et éviter ainsi, comme cela a été le cas àBétheny, de faire coexister deus techniquesconstructives : la maçonnerie et le béton banché.La mixité de deux solutions techniques a poureffet d’alourdir le budget et l’organisation. Lasuppression totale de banches permettrait l’utilisa-tion de grues plus légères et plus mobiles ainsiqu’une maîtrise accrue de la logistique (plus demanutention de banches, d’assemblage, de stocka-ge, de transport, d’entretien, d’encombrement).

Cependant, la réalisation de murs de refend enmaçonnerie impose que la résistance minimale encompression des blocs ne soit pas trop basse, parexemple supérieure à 6 MPa. Il est égalementnécessaire de justifier de performances suffisantes vis-à-vis des contreventements, c’est à dire depouvoir quantifier la capacité d’adhérence aucisaillement du mortier-colle sur son support et lacapacité résistante des bielles de compression.Ces deux éléments vont dans le sens de la néces-sité de passer par une certification de produits,tant sur les blocs que sur le mortier-colle demontage.

Le négoce

Les perspectives de développement semblentdépendre de la mise à disposition aisée desmatériaux et outils de chantier sur les postes detravail et de la rapidité de montage en partiecourante. Deux voies pourraient être dévelop-pées pour assurer cette rapidité : d’une part l’utili-sation d’échafaudages à plate-forme réglable enhauteur, d’autre part le développement dematériels de chantier permettant une alimentationdu mortier-colle en continu (malaxeur-pompes).Les outils et matériels de chantier adaptés - outils depréhension, de pose, tronçonneuses, malaxeurs -devront être disponibles sur le marché. Laquestion est de savoir si un transit par le réseaudes négociants est envisageable. Il s’agit de véhicu-ler des systèmes complets et non plus seulementdes matériaux. Il apparaît d’ores et déjà que l’inter-médiaire du négoce permettrait d’assouplir lagestion des approvisionnements entre usine etchantier mais ne supprimera sans doute pas lanécessité d’une coordination directe entre maîtred’oeuvre, industriel et entreprise. La participationdu négoce est à examiner.

Les règles de calculet avis techniques

Les règles de calcul de structures en maçonneriesdevront prendre en compte l’amélioration desperformances mécaniques apportée par la posecollée (compression, flexion, cisaillement) afind’étendre le domaine d’emploi de ces techniquespar rapport aux maçonneries traditionnelles. Cesprocédés devront déboucher sur des demandesd’avis techniques portant, au moins dans unpremier temps, sur des systèmes complets consi-

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Les perspectives de latechnique à joints minces

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dérant la compatibilité entre produits de maçon-neries, caractéristiques des mortiers-colle etaptitude de l’outillage spécifique. Ces avistechniques devront en outre contenir des infor-mations précises, basées sur des résultats expéri-mentaux, permettant une prise en compte signifi-cative des performances mécaniques (compres-sion, flexion, cisaillement) par les concepteurs.Vers une autre organisation du travailUn élément concourant au succès de cettetechnique tient dans la nécessité d’une organisa-tion des habitudes générales de travail, tant sur lechantier qu’en amont. Ceci va dans le sens d’uneorganisation plus étroite entre maîtrise d’oeuvre,industrie et chantier, par l’utilisation de nouveauxlangages communs comme les logiciels de calepi-nage standardisés. L’accompagnement de ceschangements au sein de l’entreprise [8] peuts’appuyer par exemple sur des sessions de forma-tion initiale des équipes de maçons pour changerles habitudes issues de l’apprentissage initial. L’outilde préhension mis à disposition des maçons sur laRex de Bétheny illustre ce propos : seuls les jeunesmaçons l’ont utilisé.

Conclusion

A l’heure actuelle, les arguments en faveur de lamaçonnerie à joints minces (amélioration desconditions de travail, meilleure organisation duchantier, optimisation des performancesmécaniques, productivité accrue, chantier pluspropre) sont plus déterminants dans le secteur dela maison individuelle que dans le logement collec-tif. En logement collectif, la mauvaise conjonctureéconomique, les besoins non résolus (parexemple la mise au point d’un matériel adaptépour le malaxage et la distribution du mortier-colle à distance directement sur le poste detravail) et les surcoût de la maçonnerie à jointsminces constituent des freins auprès des maîtresd’ouvrage.La technique à joints minces exige, au niveau de laconception, une certaine souplesse. Prendre encompte les contraintes relatives au calepinage desblocs impose de faire évoluer les plans, notam-ment au droit des ouvertures ou pour le traite-ment des points singuliers. C’est pourquoi il estpermis de penser que la technique à joints mincesserait adaptée à une consultation de type concep-tion-réalisation.D’autres pistes, susceptibles de pousser au

développement de la maçonnerie à joints mincesen France, se dégagent :- l’amélioration du processus de fabrication et dusuivi de qualité des produits, notamment quantaux caractéristiques spécifiques d’aptitude àl’emploi pour la pose collée, permet de mieuxintégrer dans les calculs la composante hétérogè-ne (élément de maçonnerie/joint de mortier-colle) de la technique;- les applications de la technique à joints mincespeuvent toucher une gamme étendue deconstructions, de la maison individuelle en secteurdiffus jusqu’au petit bâtiment collectif, en passantpar les bâtiments d’activités et les bâtiments àusage de stockage, commerciaux, industriels.Le marché diffus présente un fort potentiel, propi-ce à un développement de masse de la technique: c’est un facteur favorable à la pérennisation departenariats entre les professionnels. Uneréflexion doit par conséquent être menée sur lesnouvelles relations à instaurer entre partenaires etsur l’organisation. De même, des outils doiventêtre développés pour automatiser les commandes(calepinage, colisage, échelonnement des livrai-sons), favoriser la communication des informationset limiter en conséquence les pertes de temps etaléas sur le chantier.

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BÉTHENY : DES BLOCSCREUX EN BÉTONOutre un calepinage précis au niveau de laconception des murs, les objectifs principaux decette seconde expérimentation se concentraientsur l’adaptation des outils de production poursortir des blocs bien calibrés et la définition d’unoutillage adapté aux besoins du chantier(malaxeurs à colle; pelles à positionner la colle surle mur). Les attendus se sont confirmés pourl’essentiel : précision à la pose, cadences plusélevées, chantier propre et amélioration desperformances mécaniques en compression et enflexion ont été au rendez-vous. Quelques difficul-tés cependant : les blocs n’ont pas été palettisésavec le voile de pose en haut, entraînant desmanipulations supplémentaires. Par ailleurs, laformulation du mortier n’est pas encore adaptéeà toutes les conditions climatiques. Enfin, l’outil depréhension spécifique mis au point afin de saisir lesblocs n’a pas connu un grand succès : ce sontessentiellement les jeunes maçons qui l’ont utilisé.Une confirmation : la pose du doublage intérieurest simplifiée du fait de la planéité de la surface,sans relief de joints. Idem pour l’enduit extérieur.

REIMS : DES BLOCSEN TERRE CUITEAUTO-ISOLANTS

Une particularité sur cette opération: des blocs enterre cuite porosés qui présentent l’avantaged’une forte inertie thermique par introduction debilles de polystyrène dans l’argile. Conséquence :le doublage d’isolation intérieure est supprimé,d’où un gain de temps, de matériau et de qualité.Rectifié après cuisson de façon à obtenir des façes

Annexe

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Blocs montés à joints minces de colle

Article extrait du journal « chantiers 2000 »

numéro 5 - Décembre 1996

«Il y a énormément à faire pour améliorer les conditionsde travail et de productivité en ce qui concerne lestechniques de murs en maçonnerie, produits de basedes artisans et pme. La maçonnerie montée à jointsminces de colle répond bien à cette problématique : gainde temps lors de la mise en oeuvre; amélioration desconditions de travail; qualité de l’ouvrage...» déclareMichel Chatry, ancien Conseiller Scientifique auPCA. Traduction de ces avantages pressentis :deux chantiers expérimentaux (24 et 32logements collectifs à Bétheny et Reims) destinésà évaluer la faisabilité technico-économique decette technique de construction, à la fois pour lesproduits en béton et les produits en terre cuite.

DEUX PAVILLONS POURFORMER LES ÉQUIPESDE POSE La première phase de l’expérimentation a consistéà monter deux pavillons à l’identique, le premierde manière traditionnelle et le second avec desjoints minces de mortier-colle. But : initier leséquipes au montage des maçonneries à jointsminces; valider le système; mettre en évidence seséventuels problèmes techniques et évaluer sesperformances par rapport au pavillon construit entraditionnel. La maçonnerie à joints minces entraî-ne plusieurs changements dans l’approche dutravail du maçon : montage selon un plan decalepinage précis; outils de préhension pourporter les blocs ; pelle crantée au lieu de la truellepour un étalage plus économique et précis dumortier. Cette opération a permis, au niveau ducalepinage, de définir des dispositions spécifiquesaux joints minces : tolérances dimensionnelles desblocs de + ou - 1,5 mm; non remplissage desjoints verticaux et utilisation de blocs spéciauxpour les angles, les tableaux et les linteaux.Premier point : la pose collée est avantageusepour la réalisation sur des longueurs de murssupérieures à 1,50 m. Par ailleurs, un comparatifsur l’aspect des murs bruts et sur l’homogénéitéde support d’enduit révèle un meilleur résultatpour la technique à joints minces. Autre point : lastabilité des murs est obtenue très tôt en coursde montage du fait de la prise rapide du mortier-colle. Enfin, les compagnons se sont adaptés sansdifficulté majeure à cette nouvelle technique.

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de pose parallèles, le bloc a une précision dimen-sionnelle sur sa hauteur de l’ordre de +/- 0,25mm. Pour des questions d’ergonomie de pose(blocs d’un poids de 17,5 kg au lieu de ceux de 13kg utilisés en phase pré-expérimentation), lemontage à la trempe initialement prévu a étéabandonné au profit d’un montage au rouleau.Ainsi, une nouvelle formulation de mortier-colle a dûêtre définie. Comme pour les précédentes opéra-tions, le point crucial de mise en oeuvre résidedans l’obtention d’une assise du premier rangparfaite, la faible épaisseur des joints, inférieure à 2mm, n’autorisant pas un rattrapage comme enmaçonnerie traditionnelle : un outil, le«Justierboy», composé de deux platines dont lahauteur est réglée à l’aide d’un laser, a permis, de

ce point de vue, d’aboutir à un excellent résultat.Sur ce chantier, les murs ont été montés sans plande calepinage en raison de la facilité de découpedes produits en terre cuite. Cependant, malgré laporosité des tessons de terre cuite, l’usure deslames de scie reste importante (1 lame pour 500 m2environ).

DES RÉSULTATSENCOURAGEANTS

Première confirmation : le gain de temps à la poses’avère être de l’ordre de 15 à 20% par rapport àun montage traditionnel. Ce gain s’accentueencore pour la réalisation des pignons, difficile-ment accessibles, pour lesquels une quantité septfois moindre de mortier-colle est nécessaire enmaçonnerie à joints minces! A noter que la mise àdisposition de blocs d’angle a fait défaut à Bétheny: une modification du moule à blocs par l’industrieldevrait résoudre cette difficulté. Un élargissement de

la gamme des blocs, pour une réalisation plus aiséedes points singuliers, serait par ailleurs nécessaire.Autre point : une formulation de mortier-colle,correspondant à une plage de température pluslarge, reste à définir. Dernier point : à reims, la poseau rouleau a conduit à des temps de mise enoeuvre compris entre 35 et 45 min/m2 avec uneconsommation de colle de l’ordre de 3,3 kg/m2..

Annexe

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CHANTIERS 2000 : quel était le but des sessionsde formation pour les maçons?Pierre Possémé : atteindre un niveau élevé deperformances, tant en matière de qualité de travailque d’optimisation des délais. Dès lors, il s’agissait deleur expliquer ce qui fondait les précautionscorrélatives à la mise en oeuvre de la maçonnerieà joints minces de colle. Sur l’opération de reims, laprise en compte de ces précautions était d’autantplus importante que la mise en oeuvre desmonomurs en brique isolants induisait de ne pascréer des ponts thermiques qui auraient annulél’avantage lié au matériau. De manière plusgénérale, les compagnons ne sont pas toujourstrès perméables à l’introduction d’innovations,surtout lorsqu’il s’agit de nouvelles techniquessusceptibles de remettre en cause des savoir-fairehérités de la période de l’apprentissage. Si cephénomène est connu, il n’en est pas moins aigu :certaines innovations n’expriment pas tout leurpotentiel parce que les compagnons n’y sont pasformés et craignent de ne pas être compétents. Ilsont de ce fait tendance à se replier sur des modesde mise en oeuvre incompatibles avec l’introduc-tion d’une nouvelle technique sur le chantier.L’exemple le plus significatif se trouve dans l’outilde préhension mis au point pour les parpaings àbétheny: seuls les jeunes maçons l’ont utilisé alorsque les « anciens « ont soulevé les blocs manuel-lement. D’où l’intérêt d’assurer une formationd’autant plus sérieuse en amont du chantier.

Quel premier bilan retirez-vous de ces expérimenta-tions?P.P : dès lors qu’ils sont formés, les maçonsn’éprouvent aucune difficulté à mettre en oeuvrela technique à joints minces. Autre point : unmeilleur confort de travail, le mortier-colle,contrairement aux mortiers classiques, « n’usant «pas les doigts des hommes. A noter, qu’en termed’organisation de chantier, l’introduction d’un petitmalaxeur à mortier-colle permet de réduire lenombre de rotations de la grue. A bétheny, nousavons aussi porté nos efforts sur la pallettisationdes matériaux qui, alliée à un de choix prédalles,au système de rotation des banches, à la diminu-

Pierre Possémé, pdg de l’entreprise Bâtiment Associé et Président de l’Union Nationale de laMaçonnerie, tire un bilan prometteur des expérimentations initiées à Bétheny et à Reims. Il pense enrevanche qu’il y a beaucoup à faire pour promouvoir les innovations relatives aux techniques demaçonnerie.

tion de la quantité de mortier mélangé sur site,permet d’améliorer les conditions de travail desmaçons.D’autre part, suivant les matériaux utilisés, lamaçonnerie à joints minces présente des pistesintéressantes. Ainsi, pour les blocs à enduire, elleconduit à une augmentation des performancesmécaniques, à un gain sur les délais de pose et àune grande qualité esthétique de l’ouvrage. Lesblocs apparents, quant à eux, présentent, outre ladiminution des temps de pose, une adhérencerenforcée qui contribue à une meilleure tenue auxefforts horizontaux. Par ailleurs, la pose du doubla-ge intérieur est facilitée par le fait qu’il est collé surune surface complètement plane, les reliefs dejoints étant supprimés. Dans une mesure moindre,l’enduit extérieur bénéficie lui aussi d’une réalisa-tion plus aisée, corrélative à la diminution del’épaisseur des joints. En revanche, l’apparentefacilité d’exécution de ne doit pas faire oublierqu’en phase de conception, un calepinage précisest indispensable pour optimiser les coupes et lespercements.Autre point : il faudra disposer à l’avenir d’unenomenclature de blocs plus large pour la réalisa-tion des points singuliers. Sur le plan économique,la technique à joints minces n’est pas « révolution-naire «. La rectification des blocs en usine ou leprix du mortier-colle sont encore onéreux, mêmesi le temps de pose est réduit par rapport à unesolution traditionnelle.

Le coût est évidemment déterminant. Cela signifie-t-il que vous n’arrivez pas à imposer cette techniquehors chantier expérimental?P.P : les avantages de la maçonnerie à jointsminces s’expriment en termes de conditions detravail et en qualité esthétique de l’ouvrage. Al’heure actuelle, ce ne sont pas deux argumentssuffisants pour convaincre un maître d’ouvrage quipréfèrera généralement voir des parpaings malposés, mais qui lui coûteront moins cher. Cela tientaussi au contexte économique difficile : je suispersuadé que dans un marché « normal « nousserions concurrentiels. Comme, en tant que chefd’entreprise, je me refuse à brader mes frais

Annexe

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«Comment associer une technique à la définition d’unobjectif précis, et non pas réutiliser systématiquement lesmêmes solutions constructives?»

Article extrait du journal « chantiers 2000 »

numéro 5 - Décembre 1996

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généraux pour obtenir un marché, la technique àjoints minces, malgré ses qualités, ne suscite pasencore de nouvelles opérations en logementcollectif. En revanche, sur du logement individueloù l’argument qualité est plus déterminant, desperspectives de développement existent. Cettesituation sclérose l’innovation. A titre d’exemple,sur la pose du parpaing collé, j’avais envisagéd’optimiser l’étalage du mortier par la mise au

point d’une nouvelle machine qui aurait encoreamélioré les temps de mise en oeuvre. J’y ai finale-ment renoncé en raison du retour d’investisse-ment trop aléatoire induit par les conditionsactuelles de dévolution des marchés.

La maçonnerie à joints minces incite aussi à une nou-velle approche au niveau de la conception.P.P : au niveau de la conception, la technique àjoints minces exige une architecture plus souple.Prendre en compte les contraintes relatives aucalepinage des blocs impose de concevoir dans unesprit « ouvert «. Autrement dit, l’architecte doitfaire évoluer son dessin en fonction descontraintes de mise en oeuvre. Or, dans un appeld’offres classique, les plans sont figés à l’avance autravers des pièces du dce qui ne sont pas suscep-tibles d’évoluer.A l’extrême, la maçonnerie à joints

minces serait adaptée à une consultation de typeconception-réalisation. A ce propos, le dernierappel d’offres auquel j’ai soumissionné avec cettetechnique s’est montré très révélateur : les plansde l’architecte induisaient un nombre de coupestrop importantes pour pouvoir entrer dans lesprix. Au travers de cet exemple, il est possibled’élargir le débat à une problématique duprogramme chantier 2000 : comment associer

une technique à ladéfinition d’un objectifprécis - en termes decontraintes de délais,de site, d’organisation,de qualité de l’ouvra-ge... - et non pas réutili-ser systématiquementles mêmes solutionsconstructives? La diffu-sion de l’innovation estau coeur de cetteproblématique.

La diminution de la tailledes opérations n’est-ellepas porteuse d’espoirspour des innovationsrelatives à la maçonne-rie?P.P : la maçonnerie àjoint minces devraitpermettre aux entre-prises moyennes de

retrouver un marché au niveau du logement. Ellenécessite en effet moins de matériel et davantage decompétences de la part du maçon. Pour rebondir survotre question, je me demande si, par rapport à laréduction de la taille des opérations, l’aide apportéeaux innovations relatives aux systèmes industriali-sés constitue une piste prometteuse pour l’avenir.Aforce de ne pas aider l’innovation dans lestechniques traditionnelles, on néglige aussi leshommes qui contribuent à leur qualité.Construisons avec des technologies industrielleslorsqu’il y a des ressources de matière premièreet de compétences sur la région. Mais n’en faisonspas un règle générale. D’autant que je ne suis pascertain que la qualité et l’économie du logementsoient parfaitement maîtrisées sur ce type deconstruction.

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[1] Résistance des maçonneries sous charges verticalesCahiers du CSTB n° 2553 - janvier/février 92

[2] Les maçonneries à montage simplifiéCahiers du CSTB n° 2623 - décembre. 92

[3] Calcul des murs en maçonnerie sous chargement hors planCahiers du CSTB n° 2909 - octobre 96

[4] Montage des maçonneries de petits éléments à joints minces de mortier-colle - décembre 94Documentation PCA : D 407

[5] Etude sur les maçonneries de petits éléments montées à joints minces de mortier-colle - mars 97Documentation pca : d 447

[6] Rapport de suivi des rex de reims (betheny et val de murigny) - septembre 96Doucmentation pca : ex 203

[7] CSTB Magazine n° 99 - novembre 96 - p 3 à 17

[8] Constructeur n° 11 (revue de l’UNM) - juin 96 - p 11 à 14)

[9] Chantiers 2000 n° 5 - décembre 96 - p 9 à 11

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Bibliographie

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