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BIBLIOTHQUE THOSOPHIQUE_________________________________________________________

LINITIATIONOU

LA CONNAISSANCE DES MONDES SUPRIEURSPAR

RUDOLF STEINER_________ Traduit de lallemand et prcd dune introductionPAR

JULES SAUERWEIN _________DEUXIME DITION revue et corrige.

_________

PARIS PUBLICATIONS THOSOPHIQUES10, RUE SAINT-LAZARE, 10

__ 1912

Version PDF du 13/11/2010

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NOTE DE LDITEUR

La publication au format PDF, de ce livre, pass dans le domaine public (selon la lgislation franaise en vigueur), permet de porter la connaissance des intresss, ce qui fut comme dition, ce qui fut comme traduction, au commencement de lanthroposophie en France. Livre tmoin de la manifestation de luvre crite de Rudolf Steiner traduite en franais et publie par les Publications Thosophiques au cours de lanne 1912. Cette deuxime dition aux Publications Thosophiques marque la relation entre Rudolf Steiner et la Socit thosophique, o il exera la responsabilit de secrtaire gnral de la section allemande de janvier 1902 mars 1913. Lditeur de cette publication au format PDF sest engag respecter le livre original et cest une garantie quil destine au lecteur1. Enfin lditeur attire lattention du lecteur sur le fait quil y a eu depuis 1912 dautres publications en langue franaise du livre LInitiation, et que la publication de 1912 est considrer comme une tape, et non comme la version de rfrence.

Novembre 2010.

1 Vous pouvez signaler des diffrences par rapport loriginal ou des fautes de frappes, en crivant [email protected]

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La Bibliothque thosophique se compose douvrages dits par le Comit de Publications thosophiques, 59, avenue de La Bourdonais. ______________

OUVRAGE DU MME AUTEUR ______________ LE MYSTRE CHRTIEN ET LES MYSTRES ANTIQUES, traduit de lallemand et prcd dune introduction par douard Schur. Perrin et Cie, diteurs.

BIBLIOTHQUE THOSOPHIQUE_________________________________________________________

LINITIATIONOU

LA CONNAISSANCE DES MONDES SUPRIEURSPAR

RUDOLF STEINER_________ Traduit de lallemand et prcd dune introductionPAR

JULES SAUERWEIN _________DEUXIME DITION revue et corrige.

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PARIS PUBLICATIONS THOSOPHIQUES10, RUE SAINT-LAZARE, 10

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TABLE DES MATIRES __________Pages. Prface du traducteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prface de lauteur ...................................................... 1 17

PREMIRE PARTIE LE CHEMINDE LINITIATION Chapitre I. Chapitre II. Chapitre III. Chapitre IV. Chapitre V. Chapitre VI. Des caractres de la science spirituelle La prparation Lillumination ...................... 19 31 36 45 51 56

......................................... .........................................

Linitiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Des dispositions morales utiles au candidat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Des conditions imposs au candidat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

DEUXIME PARTIE DES PHNOMNES ORGANIQUES QUI PRCDENT ET ACCOMPAGNENT LINITIATION Chapitre I. Chapitre II. Chapitre III. Chapitre IV. Chapitre V. Chapitre VI. Les centres astrals Le rve et la veille ...................................... ...................................... ............................... 62 72 81 89 94 98 103 104

Lorganisation du corps thrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La dissociation de la personnalit humaine pendant linitiation . . . Le premier gardien du seuil Le deuxime gardien du seuil. La vie et la mort . . . . . . . . . . . . . . . ...........................................

Table des Matires dition 1912 Renseignements

........................................................

PRFACE DU TRADUCTEUR __________

Louvrage que nous prsentons au public franais est dun caractre particulier et pour le comprendre il faut le lire dans un tat desprit diffrent de celui que lon apporte la lecture des ouvrages philosophiques ordinaires. Les ouvrages philosophiques relvent uniquement de la raison. On les a compris lorsquon est arriv saisir comment en partant dun ou de plusieurs postulats, le penseur construit un vaste difice de consquences et de conclusions, soit par dduction, soit par induction. Leur logique intrieure les justifie. Il ne suffirait pas dapprcier de la sorte louvrage de M. Steiner. Les penses qui y sont exprimes ont une valeur qui dpasse de beaucoup leur cohsion logique. Elles ont pour but dveiller chez le lecteur la conscience de forces nouvelles qui portent en soi les germes dune vrification exprimentale. Par suite elles ne sadressent point la raison seule. On prtendra quil est contraire au bon sens de se rendre docile et pour ainsi dire rceptif un enseignement avant que la raison par ses procds habituels nen ait prouv la solidit. Cette objection serait fonde sil ny avait rellement point autre chose dans loccultisme que des lments emprunts la raison et soumis son contrle, cest--dire en dernire analyse, des lments emprunts lobservation des sens et models dans les formes dune intelligence uniquement difie sur les donnes traditionnelles de cette observation. Or, M. Steiner ne le prtend point. Il a, au contraire, soin de nous dire que la vrification de lenseignement occulte relve dun contrle plus haut et plus vaste que le champ daction dparti lentendement. Cela ne veut point dire que rien de ces notions accessibles un esprit intrieurement disciplin, contredise ou heurte les lois universelles de la logique. Ce nest pas dans notre sicle de magnifiques conqutes scientifiques que lon peut jamais prtendre quil y ait contradiction relle entre une loi de lunivers et un phnomne, parce que cette loi ne suffit pas expliquer ce phnomne. Nous assistons tous les jours des transmissions de forces que nos anctres auraient bon droit pu prtendre impossibles parce quelles paraissent contredire formellement certaines lois de la nature. Il est certain que les ondes atmosphriques ne peuvent porter le son perceptible au del dune certaine distance, et il serait contraire la raison daffirmer que sans aucune modification des conditions donnes ces mmes ondes pourront porter le son perceptible une distance mille fois plus grande. Mais lexprience nous a prouv que dautres forces pouvaient vhiculer le son de manire le transmettre notre oreille pour ainsi dire dans sa fracheur primitive. De mme il serait insens daffirmer que lil physique, tel quil est actuellement constitu chez un homme normal pourra percevoir des objets situs au del dune matire solide et opaque. Mais en quoi est-il contraire aux lois de la nature quune autre forme de la lumire puisse tre vhicule par dautres courants vibratoires, lesquels impressionnent des organes spciaux quand ils sont suffisamment volus dans lhomme.

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Le livre de M. Steiner nous parle, en effet, dun certain nombre dtats de matire dans lhomme ou hors de lhomme et nous affirme expressment que ni les sens physiques, ni lentendement rduit leurs donnes ne sauraient les percevoir ou les concevoir. Quel est ltat desprit dans lequel il convient dexaminer de telles assertions et daccueillir un pareil systme ? Il nous semble quil faut, ou bien refuser a priori de lire cet ouvrage, ou bien le lire dans une disposition dme profondment rceptive. Lorgueil humain, nous le savons, a peine consentir ce quil croit tre une humiliation pour lintelligence. Mais entre la rceptivit que nous demandons et la foi que rclament les glises il y a un abme. La foi dogmatique est une vive reprsentation des choses que lon ne voit pas, qui implique la croyance leur existence avant mme den avoir examin la possibilit. Au contraire, la rceptivit est dabord au point de vue de lintelligence un tat de doute philosophique, galement loign de la ngation a priori et de laffirmation prmature. Telle est sa forme logique. Dautre part, loccultisme sadresse non seulement lintelligence, mais ltre humain tout entier, esprit, me et corps : il convient donc que cette rceptivit intellectuelle se double dune facult dassimilation sentimentale que les religions ont fort bien dfinie par ce prcepte souvent mal compris : Ouvrez vos curs. Un exemple nous fera mieux comprendre. Ces dispositions ne sont-elles pas exactement les mmes que les dispositions ncessaires la comprhension profonde dune uvre dart et surtout dune uvre dart qui par son originalit sort de la tradition dont notre sens critique a pris lhabitude ? Apprcier parfaitement la Neuvime Symphonie de Beethoven, nest-ce point la fois la comprendre et la sentir ? Pour la comprendre, ne faut-il pas avoir dblay notre esprit de toute une srie dides prconues sur le style musical ou sur la forme symphonique qui, si elles demeuraient en nous, formeraient autant dobstacles qui nous empcheraient de saisir le plan de cette uvre ? Et, pour la sentir, ne faut-il pas aussi ouvrir notre cur, nous livrer avec une entire bonne foi, avec une sincrit absolue, ne faut-il pas en un mot, suivant le mot allemand si expressif, laisser cette musique rsonner au dedans de nous (nachklingen) ? Pour que notre sensibilit rapporte notre conscience un cho fidle de luvre dart extrieure, il faut que nous la fassions en quelque sorte concave, afin que lcho soit sincre. Mais parce que nous aurons peru de la sorte une uvre musicale ou autre, sensuit-il ncessairement que nous devions la considrer comme un chef-duvre ? Non, certes, nous naurons fait que la saisir intgralement, et je dirais mme que notre jugement final aura t pendant cette audition dautant plus parfaitement suspendu, et notre sentiment en quilibre, que notre rceptivit aura t plus complte, dans le sens que nous indiquons. Il faut accueillir les enseignements de loccultiste comme nous coutons luvre dun grand artiste. En prenant cet exemple nous ne prtendons pas pousser jusque dans ses dernires consquences la similitude qui peut exister entre luvre dart et louvrage occulte. Ce serait inexact. Nous voulons seulement montrer dans quelle mesure il est possible et utile de se placer en face dune cration de lesprit en faisant abandon momentanment de lesprit critique, sans rien aliner de la libert de juger.

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Cet tat de rceptivit se dfinit donc par deux caractres principaux : 1 labsence dides prconues ; 2 la sympathie. En ce qui concerne le premier de ces caractres, nous nignorons pas que des prjugs trs graves existent contre tout ce qui porte le nom de thosophie. Les uns considrent volontiers le mouvement thosophique comme issu dun vague bouddhisme, import en Occident il y a une vingtaine dannes par des artistes plus soucieux de renouveler des formes dart un peu uses que de sassimiler vraiment lessence profonde de la mentalit orientale. Nous savons galement que laction personnelle de Mme Blavatsky a donn lieu bien des critiques. Une enqute, insuffisamment tudie et mene avec parti pris par la Socit anglaise des recherches psychiques , a accrdit lide que Mme Blavatsky stait laiss aller parfois a des simulations qui suffisaient infirmer lensemble des phnomnes attribus ses pouvoirs suprieurs. Un examen plus approfondi et plus impartial a prouv que les accusations formules contre elle taient sans fondement et nous renvoyons les lecteurs qui veulent sen convaincre louvrage de Mme Annie Besant intitul Mme Blavatsky et les Matres de Sagesse. Au reste nous navons cit ici ce prjug fort rpandu que pour affirmer bien haut quun homme de science ou un philosophe ne doit en aucune faon se laisser influencer dans lapprciation des doctrines occultes par lopinion quil se serait, forme, soit sur les bouddhistes occidentaux, soit sur le caractre de Mme Blavatsky. Car M. Steiner, tout en professant le plus grand respect et la plus vive admiration pour luvre de la Socit thosophique a estim que les traditions occidentales suffisaient aujourdhui alimenter lenseignement loccultisme. Lesprit critique europen a le droit dexiger que la thosophie lui soit expose dans les cadres de penses qui lui sont habituelles. Quelle que soit la source premire des enseignements occultes il est une chose certaine, cest quil nest pas besoin de sortir de lEurope et de la rgion mditerranenne pour trouver les documents ncessaires et les instructeurs comptents, et si nous regardons vers le pass nous y voyons une longue suite doccultistes grce auxquels cette sagesse na cess dtre vivante dans nos contres depuis la civilisation gyptienne jusqu nos jours, en passant par la Grce et les occultistes du Moyen ge. Il ne faut donc pas aborder la lecture des ouvrages de M. Steiner en conservant le prjug quil sagit la dune doctrine exotique importe chez nous par la libre dcision de quelques-uns et par suite difficilement assimilable pour nos cerveaux europens. Mais il importe quil ny ait nulle confusion cet gard, M. Steiner fait partie de la Socit thosophique. Il sy rattache ouvertement et son enseignement en ce qui concerne la discipline occulte ne diffre sur aucun point essentiel de celui des thosophes indous. En quoi donc cette tradition occidentale scarte-t-elle de lorientale ? Cest surtout dans sa mthode et dans sa prsentation. On apprciera assez exactement cette diffrence si lon a compar la psychologie officielle telle quelle est enseigne dans nos coles avec la mme science, telle que les indous ont coutume de lexposer. Les conclusions des rationalistes et des matrialistes sont de part et dautre, peu de chose prs, les mmes, mais il sen faut de beaucoup quelles se ressemblent dans leurs formes. ce sujet il est une remarque intressante quil faut faire en passant. Nous croyons trop volontiers que la religion et la philosophie officielle aux Indes se rapprochent beaucoup plus de la thosophie que chez nous. Il faut oublier ce prjug, car la vrit cest que loccultisme est presque aussi tranger la mentalit moyenne des Orientaux qu notre propre manire de penser. L-bas comme ici pour que loccultisme conqut son droit de cit, il faudrait que la science devint plus large et la religion

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plus vivante. Et les points de contact possibles entre loccultisme dune part et les enseignements religieux et scientifique dautre part, sont aussi rels en Occident quen Orient, car les doctrines thosophiques, bien loin dtre le patrimoine de certaines races, sont galement accessibles aux chercheurs sincres de tous les pays. Il ny a pas deux sotrismes, un occidental et un oriental. Toutes les vrits occultes dignes de ce nom ont une mme source, mais, de mme que toute science et que toute philosophie, lexposition de la doctrine thosophique porte lempreinte des races et des civilisations. Les Adeptes eux-mmes, qui viennent de temps en temps ranimer par leur action les courants spirituels, sattachent prsenter la vrit sous la forme qui lui permettra de pntrer le plus aisment dans les esprits environnants. Avant daborder la lecture de cet ouvrage que nous apportons au public franais, il importe donc dabandonner le prjug que lon se trouve l en face dune conception de lUnivers et dune mthode exotiques, arbitrairement importes en Occident et dfinitivement incompatibles avec toute notre manire de sentir et de penser. Le deuxime argument que lon invoque pour refuser dexaminer srieusement les doctrines thosophiques nous apparat comme un pur prjug au mme titre que le prcdent. Cest que lenseignement thosophique invite lhomme la recherche des vrits et des pouvoirs supra-sensibles et lui fait ainsi perdre son quilibre, de sorte quil se dtourne avec mpris de ses devoirs sociaux. La premire partie de cette assertion est exacte et se trouve particulirement fonde pour le livre qui suit cette introduction. En effet, si certains ouvrages thosophiques laissent de ct le dveloppement psychique pour se contenter dexposer des vrits gnrales dordre thique il nen est certes pas ainsi des uvres de M. Steiner. Il considre et ne craint pas de proclamer que la thosophie perd son originalit et son caractre propre si elle ne sappuie pas sur la base scientifique de lexprimentation par le travail intrieur et mthodique. Cest le caractre personnel de lenseignement de M. Steiner que de mettre au premier rang des doctrines thosophiques la pratique des exercices qui veillent les pouvoirs suprieurs. Le titre allemand de louvrage que nous avons traduit le prouve. Ce titre est la question qui tout naturellement se prsente lesprit des hommes de science quand ils entendent parler des mondes invisibles : Comment acquiert-on la connaissance de ces mondes ? Cest une rponse prcise cette question que formule louvrage de M. Steiner. Pendant longtemps ces sujets ont t considrs comme dordre purement sotrique. Les anciens Matres ne les rvlaient que dans les mystres et, avant dtre admis entendre leurs enseignements, le candidat devait subir de longues preuves pour prouver ses futurs instructeurs quils pouvaient sans danger lui communiquer leur science et diriger ses pas sur le sentier de linitiation. De nos jours, encore nombreux sont les thosophes qui vitent volontiers de donner des indications prcises sur ces sujets. Ils sont davis que lenseignement exotrique est le seul qui puisse tre publi et quil convient de rassembler en des cercles ferms et de lier par des engagements solennels ceux qui veulent devenir des disciples. M. Steiner, sinspirant de trs hautes autorits, a pens que le moment tait venu de faire connatre au grand public, tout au moins les bases essentielles de la discipline mystique, de faon intresser loccultisme tous les philosophes qui ne sauraient admettre que la vrit ne soit pas expose logiquement. Ainsi loccultisme se prsente dans cet ouvrage sous la forme dune science exprimentale. Les conseils de M. Steiner sont pratiques ; il napporte point de dogmes.

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Son ouvrage se divise en deux parties. Dans la premire, il expose la marche suivre pour parvenir la connaissance des mondes suprieurs. Dans la seconde, il fait, pour ainsi dire, la physiologie et lanatomie des systmes organiques qui entrent en activit chez lhomme qui vise la perception suprieure. Il prend un un les organes des sens ncessaires cette perception et dtermine minutieusement linfluence que chacun des exercices prescrits dans la premire partie exerce sur le dveloppement de chacun des lments constitutifs de ces organes. Il dtermine exactement le rapport des causes et des effets. Par l il chappe aux reproches que lon peut faire dautres occultistes. On stonnait, en effet, auparavant, que ceux dentre eux, peu nombreux du reste, qui ont cru devoir donner, sous une forme symbolique ou autre, des conseils pratiques, naient pas dfini scientifiquement les effets que lobservation de leurs prceptes devait avoir sur lorganisme du disciple. Il est en effet arriv parfois que des tudiants passionns pour leurs recherches aient dpass la mesure exacte qui convenait la mise en pratique des enseignements reus. On a eu dplorer des accidents, souvent srieux. Le dsquilibre sest empar de certaines personnes qui navaient pas assez clairement compris que loccultisme est une science aussi prcise, aussi exprimentale que les autres sciences naturelles. Elles staient abandonnes une disposition qui est le fait de certains mystiques, et qui, si on lanalyse soigneusement, se ramne la croyance que la loi de causalit nexerce plus dans les mondes suprieurs laction que nous constatons dans les densits soumises lobservation des sens physiques. Ces mystiques simaginent que la raison perd ses droits dans le royaume de la perception suprieure. Dun effort limit ils tentent de faire natre des possibilits illimites ; de la sorte ils perdent la conscience nette du point o il convient denrayer une certaine activit mentale, parce quelle a produit tout leffet voulu et quen insistant ltudiant ne pourrait que nuire lharmonie gnrale de son volution intrieure. Rien de pareil ne saurait advenir ceux qui sastreignent aux mthodes prconises par M. Steiner. chacun des exercices quil entreprend, le disciple connat dune manire prcise les rsultats quil poursuit. Il sait les forces quil sagit dveiller et les signes auxquels il reconnatra quelles sont veilles dans la mesure ncessaire. Les enseignements pratiques lui sont prsents doss avec soin, comme des mdicaments ordonns par un mdecin prudent. En outre, M. Steiner lui rpte chaque instant que cette discipline, bien loin quelle lcarte de ses devoirs journaliers et de ses obligations sociales, le met en mesure de sen acquitter avec une perfection toujours grandissante. Il lui dmontre que lactivit intrieure de loccultisme nest pas trangre et en quelque sorte superpose lactivit normale de ses facults intellectuelles ou autres, et quelle est bien au contraire solidaire de tout lensemble de la vie intrieure. Elle est, dit-il, comme une plante qui ne saurait crotre quen puisant ses forces par de profondes racines dans le sol qui peut la nourrir. Ce sol nourricier nest autre que le tout complexe form par nos sentiments, nos penses et nos volitions. Ce nest point dans la passivit, ni par lintervention dune mystrieuse puissance venue den haut que lhomme peut dvelopper sa clairvoyance et ses pouvoirs suprieurs : au contraire, cest par lactivit et par llaboration raisonne des lments de sa vie normal quil fait germer en lui la vie suprieure, prolongement et extension naturelle de la vie normale. Ainsi se trouve, croyons-nous, cart le deuxime argument dont se servent les penseurs contemporains pour se refuser un examen consciencieux de loccultisme. Non seulement la pratique de loccultisme vritable ne saurait amener aucun dsquilibre, mais encore cest par cette pratique seule que lhomme peut conqurir cet quilibre suprieur qui le met au-dessus des contingences et des secousses de lexistence. En prenant conscience des forces les plus puissantes et

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les plus permanentes quil recle en lui il se cre comme une citadelle o il peut, le moment venu, se mettre labri des tourmentes de la vie. Mais cest la vie mme qui lui fourni les matriaux de cet difice et il sy desscherait sans aucun profit pour lui-mme, sil sen servait pour se soustraire ses obligations terrestres. Les grands alchimistes qui taient de purs occultistes avaient exprim cette vrit par le symbole de la transmutation des mtaux. Dans le langage imag que ces anciens mystiques taient forcs demployer pour dissimuler leur pense linquisition de lglise, ces mots signifiaient la transformation progressive des nergies physiques et passionnelles en nergies spirituelles. Le chaos des forces infrieures tait symbolis par la matire brute, tandis que la spiritualit, sous sa forme la plus haute, tait reprsente par lor, le mtal prcieux. La mthode de dveloppement, prconise par ces Matres, a t dans la suite celle des Rose-Croix. Cest une volution gnrale acclre et scientifiquement contrle de toutes les forces humaines ; cest une orientation nouvelle de toutes les activits, grce linfluence souveraine de la pense discipline. Dans cette transposition rien ne doit tre perdu, mais toute chose doit revtir aux yeux du disciple sa vraie signification en sclairant dun jour nouveau. Tel est encore aujourdhui loccultisme. Il ny a qu considrer lducation et luvre de M. Steiner pour se rendre compte que, loin de mpriser les donnes de la science ou le travail de lintelligence, cest au contraire sur leurs bases et avec leurs matriaux que cet occultisme entend construire ltre humain intgral, arm de tous les pouvoirs que la race humaine par la voie ordinaire et normale ne saurait dvelopper que lentement et laborieusement. Nous nous rfrons ici la belle prface que M. douard Schur a crite pour un autre livre de M. Steiner : le Mystre chrtien et les Mystres antiques. Il nous raconte comment M. Steiner, avant de commencer son apostolat, crut devoir passer vingt annes tudier fond les sciences et la philosophie. Voil, certes, une attitude bien loigne de ce mpris de la connaissance positive que lon a cru pouvoir parfois reprocher certains mystiques. Vingt annes de labeur sont le plus grand hommage que lon puisse rendre la science contemporaine et le dveloppement intrieur qui ne cessa de saccentuer chez M. Steiner, pendant cette longue priode, prouve quil ny a nulle contradiction entre la culture scientifique et la discipline occulte, pour celui qui sait les juger de haut lune et lautre. Et quant lactivit sociale, qui pourrait prtendre quelle soit diminue par la recrudescence de la vie intrieure en contemplant les existences prodigieusement remplies de M. Steiner et de Mme Annie Besant ? Des voyages incessants, des confrences multiples, plusieurs ouvrages par an et un grand nombre de questions pratiques rgler, tel est lexemple que nous donnent ces deux occultistes. Il est vident, pour quiconque les connat, que lintensit de la vie intrieure alimente leur activit incessante dans le monde extrieur. Loin de diminuer les sources de leurs nergies pratiques, leur communion incessante avec le monde spirituel leur sert en quelque sorte dun rservoir o ils peuvent tout moment puiser. Nous ne voulons point, dans le simple cadre dune introduction, passer en revue tous les arguments que nous pourrions prsenter pour prouver que loccultisme pratique nloigne en rien de la vie et de ses devoirs, pas plus quil ne cre une barrire entre lesprit du disciple et le courant de la pense contemporaine. Beaucoup de nos contemporains, non sans raison, sattachent au principe quil faut tre de son temps . Loccultiste est de son temps, mais il lest plus profondment et plus consciemment quun autre homme, car il se refuse laisser imposer son propre esprit des limites qui restreignent la mentalit contemporaine et il nestime avoir compris les tres avec qui il

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vit que quand il a pu situer exactement leur degr dvolution sur limmense route de lvolution du monde. * * * Mais nous avons affirm plus haut quil ne suffit point pour tirer un profit rel de la lecture de cet ouvrage de laborder lesprit libr de tout prjug. Nous avons prtendu quil fallait en outre possder le deuxime lment de ce que M. Steiner nomme la rceptivit, cest--dire cette espce de sympathie spontane qui consiste laisser librement vibrer notre sensibilit lunisson dune vibration extrieure. Il ne sagit point, et tout ce qui prcde le prouve, de nous livrer sans raisonnement cette influence extrieure ; ce serait la un mysticisme rudimentaire et peu clair. Il faut seulement que les barrires tombent non seulement devant le cerveau, mais aussi devant le cur, il faut que lon soit aussi prt aimer qu comprendre, car la vritable intelligence des choses occultes sacquiert non seulement par la critique rationnelle, mais encore par la sympathie. Et celle-ci sveille si lon voit dans loccultisme une puissance qui vient vers nous pleine de bont, uniquement guide par le dsir de nous aider. Mais cest ici que lorgueil humain intervient et prtend navoir point besoin dtre aid. Si lon est dans cet tat desprit, si lon marche dans la vie sans avoir jamais rien souponn des problmes qui nous entourent et des abmes au bord desquels se droule la destine humaine, il vaut mieux ne pas ouvrir ce livre : car un des lments les plus indispensables la pntration des vrits occultes fait dfaut. Cest celui que lon peut appeler : le dsir de la dlivrance . Quiconque est satisfait de sa condition au point de ne pas souffrir des limites qui enserrent sa connaissance et son activit et pousse linconscience jusqu nier ces limites ne saurait en aucun cas tirer profit de ces enseignements : car pour ouvrir son cur et y recevoir une parole, il faut avant tout admettre que lon a besoin de recevoir quelque chose. Mais, vrai dire, cest surtout vis--vis des autres, cest dans la socit que les hommes adoptent cette attitude orgueilleuse et funeste leur progrs. En ralit il en est peu qui, se trouvant face face avec eux-mmes, persistent penser que les sens et la raison leur donnent tout ce quils peuvent dsirer et leur ouvrent, dans lavenir, toutes les possibilits auxquelles ils se sentent le droit de prtendre. Il en est peu qui se refusent constater leur faiblesse. Mais ici nous sommes obligs dinsister un peu sur ce sentiment, de peur quon ne le confonde avec ce que les glises ont trop souvent discrdit sous le nom dhumilit. Il ne sagit point dune humilit qui place lhomme en face du divin et qui le force convenir que son tre tout entier, raison, volont et sentiment, nest que nant en face de linstructeur qui lui rvle la vrit intgrale. Il ne sagit point non plus de cette conscience dune indignit foncire, que lglise, interprte peu claire du mysticisme chrtien, a rclame de ses fidles. De mme que loccultisme nexige jamais une foi aveugle, mais uniquement une raison non prvenue, de mme il demande une sensibilit qui vibre librement lunisson des vrits nouvelles et non pas cet abaissement de la nature humaine tout entire devant une prtendue rvlation.

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Et tout dabord il nest point question de placer lme humaine demble en prsence dune vrit divine qui descendrait sur elle de je ne sais quel paradis chimrique. Ce quil faut au contraire, cest que lhomme regarde, observe, coute et synthtise, comme peut le faire un savant dans son laboratoire. De ltre le plus bas lentit la plus volue il peut slever comme par cette chelle que le disciple hbreu contemplait en songe, mais, arriv en haut de lchelle, cest avant tout en prsence de lui-mme quil se trouvera. Ce qui fait son indignit momentane nest compos que des lments transitoires sans cesse voluant de son tre, et dans cette indignit mme sont cachs les germes de ltre divin quil sera un jour. Cette croissance ne comporte point de miracles ni de solution de continuit. Toutes les lois scientifiques y exercent leur action. La causalit y rgne dun bout lautre, en souveraine implacable : cest pourquoi dans une discipline occulte le sentiment normal est celui dune confiance respectueuse vis--vis de ceux qui marchent en avant et non dune humilit foncire et strile. Ce sentiment est issu de deux convictions : la premire, cest que nous avons besoin dtre librs, cest que nous connaissons peu de chose de lunivers et que nous vivons emprisonns dans laction comme dans la pense. La seconde, cest quil nous est possible de nous lever. Cest la croyance que lchelle des tres en volution est, pour ainsi dire, infinie en hauteur, comme lespace lest en tous sens. Nous ne pouvons concevoir un tre, si rudimentaire soit-il, au del duquel il ny ait pas quelque atome encore plus simple. Nous ne pouvons, dautre part, concevoir un tre, si sublime soit-il, au-dessus duquel il ny en ait pas un plus puissant et plus parfait encore. Nous savons quau-dessus de nous il y a des tres qui savent et qui peuvent plus que nous-mmes. Sans abandonner la logique ni rien cder de notre dignit, nous pouvons donc donner en quelque sorte notre me une attitude dfrente, quitte ne pas y persister si nous constatons que les enseignements qui nous sont proposs proviennent de source moins haute. Si nous examinons nos contemporains, nous constaterons que cette attitude serait lgitime chez la plupart dentre eux parce quelle correspondrait aux aspirations lgitimes de leur nature. Il en est bien peu, en effet, qui, se plaant sincrement en face deux-mmes, ne soient obligs de faire appel une force inconnue quils devinent sans pouvoir la percevoir, il en est bien peu dont le cur et la raison se tiennent pour satisfaits des mthodes et des rsultats de la science officielle ou de la religion formaliste. Quel est lhomme daction qui nprouve pas le besoin de se faire une ide sur la nature de la force laquelle il doit sa dcision et son audace ? Dans un livre allemand o nous trouvons le rcit singulirement prcis dune initiation, le disciple, qui est un jeune chevalier, demande son Matre : Apprenez-moi o sige la force qui conduit le cheval, qui tient le bouclier et qui manie lpe. Et, aprs que, par des exercices mthodiques, le disciple est arriv connatre les diffrentes sources de cette force, le Matre, pour prouver la vertu de son enseignement, lobserve pendant le combat. Le soir venu, il lappelle lui et lui dit : Nous avons oubli dans la culture de vos forces psychiques celle qui rside dans le poignet. Sans nous attarder sur le symbolisme de cette rponse nous devons noter lenseignement qui en sort, cest quil nest point dans lactivit humaine de rgions interdites aux effets de la discipline occulte. Suivant les niveaux et suivant les civilisations, elle sexerce en prenant pour point de dpart les forces existantes. Et cest pourquoi elle est universelle.

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lpoque o se passe le rcit du mystique allemand, le progrs occulte pouvait prcisment consister raliser les qualits de courage, daudace et de vaillance physiques mises au service dune cause dsintresse et dont lensemble formait lidal du parfait chevalier. Ces mmes vertus de lhomme daction sont encore de nos jours un but digne dtre poursuivi pour beaucoup dmes. Les volutions individuelles ne marchent pas toutes la mme allure. Des peuples entiers en sont ltape du moyen ge, et mme dans les nations civilises il arrive que, sous des formes diffrentes des formes chevaleresques, le courage et la vaillance sont et doivent tre, pour beaucoup dhommes, la fois le but et le ressort du dveloppement spirituel. Nous lisons dans louvrage qui suit que les instructeurs soumettent de propos dlibr le candidat linitiation, des preuves qui doivent lhabituer bannir toute crainte et toute indcision. Cet tat dme, dont il recherche la ralisation, nest-il point celui qui forme lidal de lhomme daction ? Cela ne veut point dire que dans ce domaine le but est dagir en suivant aveuglment des aspirations dont lorigine est inconnue. Il sagit, au contraire, de lutilisation rapide des forces puises dans la mditation. Cette rapidit nimplique nullement linconscience : au contraire, ces forces et leur source doivent tre parfaitement connues de loccultiste. Mais elles sont en quelque sorte accumules par son travail intrieur de faon pouvoir tre soudainement prcipites sur un point, de mme que lingnieur accumule lnergie de manire pouvoir lui faire produire les effets prcis quil en attend. cette ducation sadjoint la culture dune facult qui nest pas moins prcieuse lhomme daction. Cest celle de pouvoir au moment voulu fermer volontairement les yeux sur un grand nombre de perceptions ou dimpulsions qui seraient de nature le paralyser ou tout au moins la gner dans laction nergique et prompte quil a rsolue. Que de fois des hommes adonns soit la carrire militaire, soit des carrires civiles qui rclament ces qualits de prcision et de vaillance, se sont malgr eux interrogs pour se demander sil ntait point possible darriver matriser et diriger leur gr des nergies souvent capricieuses ! Des gens qui nont pas suffisamment compris la vaste porte de loccultisme simaginent volontiers que ces hommes daction ont pour premier devoir, sils veulent entrer dans la voie du progrs spirituel, dabandonner leur idal humain de vaillance et de force pour se consacrer uniquement au travail de la pense ou la culture des sentiments. Cette erreur provient dun malentendu. La mditation et la concentration sont des moyens de rassembler ou daccumuler les forces utiles et de pourvoir ltre humain de tout un systme de pouvoirs nouveaux. Mais ces forces sont destines laction aussi bien qu la perception. La mditation est aussi ncessaire au soldat qu lhomme daffaires ou au philosophe. Car toute activit, quelle quelle soit, a sa source dans le monde suprieur et, si lhomme pntre dans ce monde par la voie normale, il dcouvrira que, bien loin de devoir renoncer quoi que ce soit de sa force daction, il la verra dcuple en mme temps que canalise par sa communication consciente avec la source premire dont elle est issue. Dans cette courte revue des diffrents types de mentalit humaine, il est certaines mes qui doivent nous intresser tout particulirement parce que le mode normal de leur activit les conduit plus frquemment que beaucoup dautres sinterroger sur les grands problmes de ltre humain. Ce sont les artistes, crateurs ou interprtes. La plupart ont assurment besoin dune impulsion extrieure pour que leur puissance de cration soit efficacement stimule, mais mme dans cette impulsion extrieure, ce sont les lments des choses accessibles la seule clairvoyance qui, leur insu, viennent fconder leur cerveaux. Tantt cest au spectacle de lunivers quils sont redevables du phnomne que lon nomme inspiration. Tantt cest aux chos des sensations tels quils demeurent enregistrs et en

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quelque sorte virtuels dans leur mmoire profonde. Dans dautres cas, ce sont les expriences de leur vie intrieure qui dclanchent, pour ainsi dire, le mcanisme crateur. Ces phnomnes sont si mystrieux pour lhomme mme qui en est le thtre, quils lamnent presque forcment en rechercher lexplication. Le matrialisme officiel nen fournit aucune quand il sagit dune activit qui mrite vraiment le nom de cratrice. Car il ne faut pas se dissimuler que chez beaucoup de prtendus artistes, et mme parmi les plus rputs, la suite logique des phnomnes qui constituent linspiration est renverse ou souvent mutile. Lartiste mdiocre ou moyen commence concevoir la forme extrieure de luvre et, dans cette conception tronque, il est bien vident que lducation technique, la mmoire et les traditions, jointes une facilit spciale dassimilation, suffisent amplement expliquer la prtendue cration. Mais pour lil clairvoyant ces crations ne sont quune enveloppe vide dme, une imitation sans vie propre de luvre dart. Les vritables artistes quand ils essayent de se comprendre eux-mmes ne peuvent se satisfaire dune explication qui ne va pas au fond mme de leur activit. Ils savent, et ils sentent, nen point douter, que linspiration est une force dorigine spirituelle dont ils prennent subitement conscience par une cause occasionnelle du genre de celle que nous avons numre plus haut. Pour la plupart dentre eux, mme parmi les plus grands, la conscience sarrte l, et un dur labeur y commence, un travail rude et en quelque sorte souterrain, qui consiste imaginer tout un monde de ralisations possible, les examiner une une et choisir la meilleure, en quelque sorte sur lordre de cette force obscure qui demeure prsente au plus profond deux-mmes. Mais chez quelques-uns lintervention des forces issues des mondes suprieurs, cest--dire des rgions les plus intrieures de ltre humain, se prcise et sillustre avec une clart souveraine. Ceux-l peuvent vraiment dire quils conoivent luvre avant de lexcuter, non point par des fragments quil faut ensuite relier entre eux, mais dans son intgralit. Toutefois certains des attributs physiques qui la caractriseront une fois acheve, lui manquent encore, et par contre, elle en possde dautres, incomparablement suprieurs en force et en beaut quil sera impossible de lui conserver en la faisant descendre dans les cadres de la perception sensible. Pour citer un cas particulier qui fera mieux comprendre notre pense, cest ce moment que ce qui, de sa nature, dans le monde des sens est successif peut apparatre comme simultan. Une uvre musicale, par exemple, qui ne saurait tre perue que dans le temps est conue dans lespace, ou plutt en dehors de ce qui sappelle temps et espace pour le cerveau physique. ce niveau suprieur de la cration artistique, lartiste est forcment un occultiste. Il peut arriver quil ne connaisse pas le systme mondial qui lui permettrait de situer son mode personnel dactivit dans lensemble de lactivit universelle, que par suite il veuille y voir une intervention divine et quil cherche la caractriser par ce mot de gnie qui nest que lignorance des lois de la nature dans leur application un cas donn. Mais il arrive aussi quil cre avec la pleine conscience de la vraie valeur et de la vraie cause de sa cration. Tel fut sans doute le cas de Platon, de Shakespeare et de Gthe pour ne citer que ces trois noms. Ainsi de mme que lhomme daction, sil veut devenir matre de sa force, se trouve forcment amen loccultisme, de mme lartiste par le seul besoin de donner sa cration toute la hauteur et toute la sret quelle est susceptible de possder, se trouve amen rechercher les moyens de communiquer consciemment avec les rgions spirituelles de lunivers. Les mthodes de M. Steiner font appel, en les intensifiant et en leur donnant une direction prcise, aux qualits mme dimagination et dobservation de la nature qui caractrisent lartiste.

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Celui-ci na pas besoin de heurter lorientation gnrale de ses penses, il na pas besoin de faire violence sa propre nature pour entrer dans la voie de la discipline occulte telle que la dcrit louvrage qui suit. Il lui suffit de mettre un peu dordre et de mthode dans sa mditation, plus de chaleur et de sympathie large dans sa communion avec les choses. Que de fois, sil est sincre, na-t-il pas eu, en prsence des tres, le sentiment dlicieux et angoissant la fois dun mystre, la conviction quune entit invisible et plus vivante se dissimulait derrire la forme physique quil contemplait ? Est-ce quentre ces lments devins des choses et la portion la plus vibrante de son me et de sa sensibilit, il ne sest pas tabli un courant infiniment troublant ? Est-ce quil na pas senti la force de fcondation issue de ce courant, cette force qui est proprement ce que lon nomme inspiration potique ? Et, voulant fixer cet insaisissable, le sentant chapper sa perception comme sa comprhension, ne sest-il pas rpt avec amertume quil souhaiterait comme le Faust de Gthe pouvoir dire linstant qui passe : Arrte-toi ! tu es si beau ! Comment percevoir, comment treindre, comment retenir cet instant qui passe ? Cest ce que loccultisme seul peut enseigner au pote. Et en le faisant il rpond un besoin profond de toute sa nature dartiste, besoin qui surgit ds quil interroge son me ou celle de lunivers. Voici maintenant un savant, un chercheur mthodique et consciencieux, fermement dcid ne rien admettre que ses sens ne laient peru et sa raison contrl. Il avance pas pas, observant minutieusement les phnomnes, les classant daprs leurs caractres communs ou dissemblables pour vrifier avec une scurit absolue dans quelles conditions ces phnomnes se reproduisent. Il essaie de les provoquer en sentourant de toutes les garanties. De lanalyse, il passe la synthse. Enfin il peut tablir avec certitude que deux phnomnes se suivent forcment et dans tous les cas lorsque des conditions minutieusement dcrites sont donnes nouveau. Il sest jur lui-mme de ne pas dpasser ces rsultats de lexprimentation et il demeure pench dans son laboratoire, refusant sa raison le droit de savancer au del de ce quil a pu constater et prouver. Mais inconsciemment son esprit a travaill et voici soudain quune grande lumire lenvahit et quune loi gnrale de lunivers dpassant infiniment les conclusions quil tait en droit de former, vient sinscrire devant lui avec une autorit souveraine. Il demeure stupfait. Comment la conclusion peut-elle ainsi dborder de toutes parts sur les prmisses ? Nest-ce point l un procd antiscientifique au dernier degr que de remonter dune srie de cas particuliers laffirmation dune loi universelle. Et pourtant cette affirmation simpose. Alors le savant effray de laudace de cette inconsciente induction, se replie sur lui-mme, revient pas pas sur le chemin quil a parcouru et en arrive ainsi progressivement soit restreindre la loi, soit se donner lillusion quelle nest quun rsum synthtique de la collection des cas particuliers. Mais il a beau faire et beau dire il ne peut sempcher de songer cette soudaine illumination de sa conscience, sans tre oblig de savouer lui-mme quil ny a que deux explications ce phnomnes : ou bien cest que le gnral a une existence en soi, au dehors des cas particuliers, ou bien cest quil y a dans les cas particuliers des lments imperceptibles nos sens et qui nanmoins ont t perus par lui, puisquils ont donn naissance cette loi universelle que ne suffisent pas expliquer les lments des phnomnes consciemment enregistrs au cours de son investigation. Mais ce nest que quand elle slve ces hauteurs que la science devient vritablement la porte de loccultisme, et tel est le sens profond du mot de Newton : Un peu de science loigne de Dieu, beaucoup de science y ramne. Cette parole signifie que les dcouvertes dans le domaine de la science ne sauraient sexpliquer par le simple jeu de lentendement logique, quil y faut absolument lintervention, un moment quelconque de la recherche, des pouvoirs de connaissances suprieures, et que sans leur intervention il faut forcment restreindre et limiter troitement le champ de cette recherche.

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Cest pourquoi les philosophes, qui, comme Herbert Spencer, nadmettent pas la plus lgre infraction ces procds scientifiques, sont forcs de rserver lcart de toute investigation un domaine de linconnaissable dont ils proclament quil ne saurait tre atteint. Mais la science considre de plus en plus quil ne saurait y avoir de fruits dfendus pour lesprit humain. Ses reprsentants les plus autoriss ne veulent plus renoncer la recherche des causes profondes, lanalyse et la connaissance des forces mmes qui constituent le substratum vivant des phnomnes sensibles. Sans doute ils continuent rejeter les mthodes hasardeuses de la mtaphysique. Ils ne sauraient admettre quil suffise la pense de se replier sur elle-mme pour y dcouvrir avec certitude lunivers. Mais ils recherchent entre ces deux extrmes, le procd scientifique et le procd mtaphysique, un mode de connaissance et dinvestigation qui unisse la fois ltendue et la hardiesse du dernier la prcision et la sret du premier. Ils se trouvent ainsi amens ltude des pouvoirs latents quil est possible dveiller dans lhomme mme. Mais ces pouvoirs ils entendent en enregistrer et en mesurer les effets par lobservation extrieure double dexprimentation, telle quils sont habitus la pratiquer dans les autres domaines. Des faits nombreux sont venus leur dmontrer au cours des dernires annes que, dans certaines conditions donnes, les possibilits dinvestigation sagrandissent, que dans ces conditions le champ de la conscience non seulement slargit, mais encore est impressionn par des perceptions dont on peut affirmer avec certitude quelles nont pas t apportes par les voies ordinaires de la sensibilit. Ces phnomnes sont encore rares, malaiss contrler, et gnralement lis un dsquilibre mental ou physique qui en diminue de beaucoup la valeur aux yeux des savants. Mais certains sont incontestables et lon ne peut sempcher de les rapprocher des forces nouvellement dcouvertes dans la nature inanime. Nous ne croyons pas nous avancer en disant que quelques-uns parmi ces hommes de science sont, leur insu, dj proches parents de loccultiste. Ce rapprochement deviendra plus troit le jour, sans doute peu loign, o ils saviseront de rechercher une explication commune et gnrale des phnomnes qui leur paraissent aujourdhui encore fort dissemblables. La perception agrandie et modifie dans les tats dhypnose, la dcouverte de forces qui exigent comme vhicules des tats de la matire autres que ceux scientifiquement connus, enfin lintervention dans la recherche scientifique dun pouvoir de connaissance tranger aux mthodes habituelles, voil quelques-uns des faits quil faut rassembler, comparer et entre lesquels il sagirait de rechercher sil nexiste pas des lments communs, une interprtation gnrale. Ainsi, comme lhomme daction, comme lartiste et le pote, lhomme de science son tour, quil regarde en lui ou autour de lui, ne saurait mconnatre que pour fonder solidement sa connaissance, pour affermir le pouvoir sur la nature quelle lui confre, il faut quil se dcide pntrer hardiment dans le domaine dont il a t tenu loign de nos jours, beaucoup plus par les excs dconcertants de la mtaphysique que par une incompatibilit vritable et profonde. Nous navons certes pas la prtention que ces quelques observations trs simples suffisent intresser au vritable occultisme les hommes appartenant cette lite, dont nous avons essay desquisser quelques, types. Mais sils pouvaient seulement savouer eux-mmes leur dsir dune vrit plus large, dune base plus certaine pour la connaissance et pour la vie, ce premier pas serait le plus important. La connaissance des limites qui nous enserrent, et la conviction dune ralit au del de ces limites, sont des conditions suffisantes pour tout esprit sincre. Et si lon peut tre rebut par une doctrine complte du monde et de lunivers, il nen sera pas de mme, la lecture de louvrage qui suit. Ce qui inquite les esprits inconsciemment avides de vrit quand on leur apporte une

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hypothse, si grandiose soit-elle, sur le monde, cest quils ignorent laccumulation de travail fond sur leffort personnel et appuy sur la tradition, qui seule a permis de dresser ce plan grandiose de la nature. Ce qui doit au contraire les rassurer et les mouvoir, cest un enseignement qui rpond aux besoins les plus profonds de chacun deux, qui au moment o ils perdent pied dans leur tentative pour se comprendre eux-mmes, les prend pour ainsi dire par la main et leur dit : Vous vous sentez environns dabmes, voici un peu de terre ferme. Franchissez le court espace qui vous spare de ce point, situ un peu au-dessus de la rgion dans laquelle vous errez actuellement. Je nai point vous prophtiser ce que vous verrez si vous parvenez sur les plus hauts sommets, je nai mme point vous dcrire, thoriquement, la manire dont vous devrez marcher, je me contente de vous indiquer un lieu voisin de celui o vous avez habit jusquici. Avec un peu de sincrit et un peu deffort vous y parviendrez, sans cesser dtre vous-mme et sans vous y trouver dpays, car cette rgion nest que le prolongement de celle que vous connaissez, et quand vous aurez accompli ce court trajet, vous naurez qu vous interroger vous-mmes pour vous demander si lair que vous respirez est un peu plus pur, votre vue un peu plus tendue, votre soif de connatre un peu moins douloureuse. Si, loyalement, vous sentez que vous devez rpondre oui ces questions que vous vous poserez vous-mmes, je naurai pas besoin de vous encourager beaucoup pour vous dcider vous lever encore un peu plus haut. Tel est le langage trs simple que tient loccultiste aux hommes sincres de notre poque, ceux, du moins, dont lactivit mentale revt des modalits assez complexes pour les amener, pour ainsi dire par la force des choses, jusquau seuil des problmes de la vie intrieure. Mais il faut dautre part quils parviennent lesprit libr des formes traditionnelles et parfois dgnres sous lesquelles se manifeste aujourdhui lantique sagesse. Nous voulons parler des formules religieuses. Jusquici nous navons point tenu compte de cet lment qui fait effectivement dfaut chez beaucoup de nos contemporains et notamment parmi ceux qui appartiennent llite laquelle les rflexions qui prcdent sont ddies. Les hommes dont nous avons parl nont besoin pour se rapprocher de loccultisme que de rechercher la logique intrieure de leur pense et de leur activit parce quils ne sont point encombrs de dogmes dans lesquels ils ont pris lhabitude de chercher tout ce quils croient possible ou permis de connatre sur le vaste domaine qui chappe la science actuelle. Pour ceux-ci le problme se ramne la question suivante : Dans quelle mesure ladhsion sincre aux dogmes dune religion tablie favorise-t-elle ou entrave-t-elle les progrs de la connaissance ? notre avis ceux qui, saidant la fois du travail intrieur et de la recherche historique, se donnent la peine dexaminer sincrement le fondement de la croyance religieuse arriveront forcment y dcouvrir la vrit dexprience qui y a t dpose lorigine par les Fondateurs qui tous taient de grands occultistes. Mais il faut, pour que ce travail porte des fruits, le faire dans un esprit dentire libert, la fois respectueux et indpendant, sans se laisser intimider par lassurance avec laquelle certains prdicateurs de ces dogmes proclament labsolue vrit des formules quils imposent. Il faut que le croyant se place en face de sa foi comme en face dun phnomne quil sagit de comprendre, il faut quil la justifie par de solides raisons. Nous ne voulons pas dire par l quil sagisse de la faire comparatre devant dautres dogmes, ceux dun matrialisme troit et dune investigation scientifique limite. Beaucoup desprits sincres qui ont employ cette mthode ne sont arrivs quau doute et la ngation de toute vie spirituelle. Non ! le phnomne de la croyance religieuse doit tre abord avec la confiance quil nest nullement solidaire de ladhsion intellectuelle des propositions prcises, que tous les dogmes peuvent scrouler sans que lesprit religieux soit branl. Mais pour consolider cet esprit religieux, pour quil soit attach aux autres activits de la vie intrieure, pour quil pousse de profondes racines dans la vie et dans la pense, il

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faut ltablir dans son vritable terrain et lui donner de lair en renversant les barrires qui lempchent de spanouir librement. Il ne sera justifi et rellement vivant que sil se dveloppe harmonieusement en accord avec toutes les autres manifestations normalement sorties de lesprit humain. Il y a deux manires de ne jamais parvenir reculer les lignes de la connaissance et de la puissance humaine. La premire est de proclamer, comme les positivistes, quil est superflu de vouloir pntrer dans le domaine de linconnaissable, parce que la raison y perd ses droits et la science ses mthodes. La deuxime est daffirmer que ce domaine est interdit lhomme parce que tout ce quil lui est utile den savoir constitue le monopole de quelques hommes dans le pass et dans le prsent et que ce serait un orgueil funeste que de vouloir substituer leur autorit une exprience personnelle, illicite et dangereuse. Les premiers disent au chercheur : Tu ne peux pas , les seconds lui disent : Tu ne dois pas . Les temps sont venus ou lhumanit commence rejeter lun et lautre de ces dogmes galement nuisibles la marche de lvolution. Ceux qui parmi les croyants portent leur attention avant tout sur le ct personnel de leurs sentiments religieux tendent saffranchir de ces limitations. Ltude compare des religions, lune des prparations les plus utiles la science occulte leur montre sous la relativit et linfinie varit des dogmes la permanence et lunit des enseignements sotriques, et quand ils sont entrs dans cette voie, leur dvotion, loin dtre un obstacle devient un stimulant et un appui. Car cette dvotion manifeste prcisment cette disposition de lme que nous avons indique au dbut de cette prface comme le deuxime lment de la rceptivit rclame par lenseignement occulte. Elle nest autre que la conscience confuse des possibilits de pouvoir et de connaissance ouverte lhomme et linstinctive aspiration vers laccroissement de bonheur quelles rservent lindividu comme lespce. Le besoin de vrit qui se confond avec le besoin de libration ne saurait tre satisfait que par un effort personnel. Il nexiste point pour lhomme de certitude par procuration. Les fondateurs de religions, aussi bien que les instructeurs de tous les temps, peuvent bien montrer la voie et soutenir le chercheur sincre dans ses premiers pas. Mais luniverselle loi de causalit, cest--dire de justice, soppose ce quils transfusent en dautres les fruits de leurs efforts sculaires. Tout ce quil faudrait encore dire sur ce sujet se trouve renferm dans le livre qui suit et il serait superflu, aussi bien que tmraire, de vouloir en ajoutant quelque chose cette prface empiter sur le domaine rserv ceux qui savent par eux-mmes. Nous navons song en crivant ces quelques pages qu tenter une uvre trs modeste : celle de dissiper, sil est possible, quelques prjugs et damener les esprits sincres prendre conscience de leur aspiration profonde vers un peu de lumire. Nous avons essay desquisser les problmes qui se posent pour chacun au cours de son activit normale, et de trouver, pour ainsi dire, le dfaut de la cuirasse qui recouvre certains esprits. Nous avons surtout voulu les amener savouer eux-mmes combien leur pse cette cuirasse, de prjugs, de parti pris ou dindiffrence. En senvironnant de limitations quils ont lhabitude de croire ncessaires, ils simaginent parfois se fortifier, tandis quils entravent le libre dveloppement de leur tre, qui seul leur apportera la vraie force et la vraie srnit.

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La vieille maxime des sages de la Grce : Connais-toi toi-mme reste travers les ges ternellement jeune comme la sagesse o elle est puise. Dans le domaine de la vie intrieure, connatre, cest prendre conscience. Comment lhomme prendrait-il intgralement conscience de lui-mme si davance il sest fait de son tre une conception borne au del de laquelle il ne veut point se connatre ? Et comment connatrait-il lunivers, sil na fait de lui-mme un instrument de connaissance, capable de vibrer lunisson de toutes les vibrations ? JULES SAUERWEIN.

NOTE RELATIVE LA DEUXIME DITION __________

Depuis que la premire dition de la traduction franaise de linitiation a paru, M. Steiner a runi en volume les articles qui forment la matire de louvrage et qui primitivement avaient paru dans la revue Lucifer-Gnosis. Il a introduit en mme temps dans son uvre une division en chapitres. Nous avons nanmoins cru pouvoir conserver dans cette deuxime dition notre propre division en deux parties qui correspond aux habitudes du public franais, sans, au reste, scarter aucunement des intentions de lauteur. Quant lintroduction intitule Prliminaires dans la premire dition, nous lavons remplace par la prface que M. Steiner a crite pour le volume allemand.

PRFACE DE LAUTEUR __________

Le volume que nous publions contient les articles que jai fait paratre primitivement dans la revue Lucifer-Gnosis, sous le titre : Comment acquiert-on la connaissance des mondes suprieurs ? Ce volume en renferme la premire partie : un second tome en contiendra la suite. Cette tude sur le dveloppement de lhomme la conqute des mondes supra-sensibles me parat rclamer quelques mots dintroduction, aujourdhui quelle se prsente au public sous une forme nouvelle. Les communications relatives lvolution de lme humaine qui sy trouvent contenues peuvent donner satisfaction des besoins divers. Elles sont en premier lieu destines aux personnes qui se sentent attires par les rsultats des investigations spirituelles et qui posent forcment la question suivante : Do tiennent donc leur science ces gens qui prtendent apporter une solution aux nigmes les plus ardues ? Cest loccultisme qui fournit ces solutions. Quiconque veut observer les phnomnes qui les inspirent doit slever au niveau de la connaissance supra-sensible. Il doit parcourir le chemin que nous avons essay de dcrire dans cet ouvrage. Ce serait pourtant une erreur de croire que les enseignements de loccultisme sont sans valeur pour lhomme qui ne peut ou ne veut pas parcourir lui-mme ce chemin. Pour faire des investigations dans ces mondes, il faut naturellement acqurir la facult dy pntrer. Mais les rsultats de ces investigations, lorsquils sont communiqus, sont de telle nature que lon peut, sans avoir rien peru soi-mme, se convaincre de la vrit de ces communications. Il suffit pour prouver la plupart dentre elles de les juger avec son simple bon sens et sans aucune prvention. Il faut pour cela chasser les prjugs qui sont si nombreux chez tout homme. Par exemple, il ne manquera pas de gens pour trouver que telle ou telle donne occulte contredit les enseignements de la science actuelle, mais en vrit, il nest rien dans la science qui ne puisse saccorder avec les recherches spirituelles. On peut facilement se laisser aller croire cette contradiction si lon ne sait pas examiner sous toutes leurs faces les donnes scientifiques. Mais lon dcouvrira au contraire que plus on confronte sans prventions la science spirituelle et la science positive, plus leur accord apparat vident et complet. Il est vrai dire une partie des enseignements occultes qui se soustrait plus ou moins la raison. Pour apprcier sainement ce genre denseignement, il faudra se rappeler que ce nest pas la raison seule qui juge la vrit mais le sentiment spontan et sincre. Et quand ce sentiment ne se laisse garer par aucune sympathie ou antipathie pour telle ou telle opinion, mais se fait rceptif lgard des connaissances rapportes des mondes suprieurs, alors son instinct a la valeur dun jugement. Il y a encore dautres moyens pour apprcier les enseignements occultes pour les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas suivre le sentier qui conduit dans les mondes suprieurs. Ces personnes peuvent, par exemple, trs bien prouver de quelle valeur sont ces connaissances pour la conduite de la vie, alors mme quelles les tiennent simplement de la bouche dun occultiste. Tout

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le monde ne peut pas devenir rapidement un clairvoyant, mais les expriences des clairvoyants comportent pour chacun un enseignement excellent et pratique, car chacun peut en trouver lapplication dans lexistence. On remarquera promptement combien la vie senrichit, grce ces nouvelles connaissances, dans tous les domaines, et combien elle sappauvrit pour celui qui les nglige. Les expriences des mondes supra-sensibles bien appliques dans la vie revtent un caractre dutilit minemment pratique. Sans vouloir soi-mme fouler de ses pieds le sentier suprieur de la connaissance, on peut cependant se sentir attir par les observations faites sur ce sentier et demander comment le clairvoyant slve jusqu ces observations. Pour les personnes que cette question intresse, cet ouvrage prsente une description de tout ce quil faut entreprendre et raliser pour connatre directement les mondes supra-sensibles. Le chemin qui y conduit est dcrit avec assez de dtail pour que, sans le suivre soi-mme, on puisse acqurir une relle confiance dans les rcits de ceux qui lont parcouru. En se mettant ainsi au courant de toutes les obligations qui incombent au chercheur occulte, en tudiant la nature de son activit, on pourra en arriver approuver cette activit et comprendre pourquoi les enseignements occultes nous clairent sur tant de points, et ainsi cet ouvrage servira ceux qui cherchent un rconfort et une scurit dans linstinct profond de vrit qui les anime lgard des mondes suprieurs. Mais cet ouvrage ne sera pas moins utile ceux qui cherchent eux-mmes le chemin de la connaissance supra-sensible. Ces personnes prouveront la vrit de ce que nous avanons ds quelles commenceront raliser en elle-mmes nos enseignements. Mais il sera bon de se rappeler sans cesse quici il ne suffit pas de se familiariser avec le contenu de louvrage comme cest le cas dans les autres domaines. Il faut vivre profondment en soi-mme la discipline qui y est enseigne et, pour comprendre un point particulier, saider souvent des considrations relatives des points bien diffrents, et cest ainsi que lon parviendra la conception que lessentiel rside non dans une vrit mais dans laccord de toutes les vrits. Il faut que lon songe srieusement ce point de vue ds que lon dcide de sadonner soi-mme aux exercices prescrits. Un exercice particulier peut tre bien compris et correctement excut et pourtant ne pas produire un rsultat correct, parce que ltudiant nglige dy adjoindre un autre exercice qui corrige le caractre trop spcial du premier et cre une harmonie intrieure. Celui qui lit cet ouvrage fond au point que cette lecture devienne pour lui comme une exprience intrieure, non content de se familiariser avec le contenu mme en viendra prouver tel ou tel sentiment suivant les passages et il reconnatra quelle est limportance relative de ces divers sentiments pour lvolution de lme. Il dcouvrira aussi par lui-mme sous quelle forme approprie son individualit particulire, il devra accomplir tel ou tel exercice. Lorsque lon tudie, comme cest le cas ici, des expriences qui doivent tre personnellement vcues, il est videmment ncessaire de recommencer sans cesse les examiner. On se convaincra vite quil en est beaucoup que lon ne saurait comprendre dune faon satisfaisante sans avoir essay de les raliser, et que seul cet essai permet de remarquer certains dtails subtils qui chappaient forcment auparavant. Quant aux lecteurs qui ne projettent pas de suivre le sentier que nous dcrivons, ils trouveront dans cet ouvrage mainte rgle utile pour la vie intrieure normale, quil sagisse de prceptes ou dexplications apportes tel ou tel problme. Et beaucoup de personnes qui ont fait dans la vie telle ou telle exprience et qui bien des gards sont redevables lexistence dune vritable initiation, seront certainement satisfaites de voir prcises de solutions quils avaient pressenties, des connaissances quils possdaient dj sans avoir pu leur donner une forme stable.

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PREMIRE PARTIE LE CHEMIN DE LINITIATION __________

CHAPITRE PREMIERDES CARACTRES DE LA SCIENCE SPIRITUELLE

Il existe ltat latent chez tout homme des possibilits qui en se ralisant lui permettent dacqurir la connaissance des mondes suprieurs. Le mystique, le gnostique et le thosophe parlent dun monde des mes et dun monde des esprits qui sont pour eux aussi rels que les objets que notre il aperoit ou que notre main touche. En les coutant lon est en droit de se dire : Ces expriences peuvent devenir les miennes si je dveloppe certains pouvoirs qui sommeillent encore en moi. La seule question est de savoir par o il faut commencer pour amener ce rveil. Ceux-l seuls qui possdent dj ces pouvoirs peuvent donner des enseignements sur ce sujet. Depuis que le genre humain existe, il y a eu de tous temps des coles o les hommes dous de ces pouvoirs suprieurs ont donn leurs leons ceux qui aspiraient les possder. On les appelle : coles occultes . Et lenseignement qui sy donne, se nomme enseignement occulte . Cette dnomination provoque souvent un malentendu. On peut croire que les matres qui enseignent dans ces coles reprsentent une sorte dtres privilgis qui volontairement refusent leurs semblables de leur communiquer leur science. Peut-tre pense-t-on aussi que, derrire cette science, il ny a rien de bien srieux. On est tent dimaginer que sil sagissait l dune science vritable, on naurait nul besoin den faire mystre et quon pourrait la livrer au public pour faire profiter lhumanit tout entire de ses bienfaits. Ceux qui linitiation a rvl la nature de la science occulte ne stonnent nullement dentendre les profanes raisonner ainsi. En quoi rside le ct mystrieux de linitiation ? cette question peuvent seuls rpondre ceux qui ont t admis participer au moins jusqu un certain degr cette initiation mme. Puisquil en est ainsi, demandera-t-on, quel intrt peut prsenter pour un cur humain cette science occulte ? Comment et pourquoi cherchera-t-il pntrer des mystres dont il ne peut se reprsenter la nature ? Une semblable question rvle une ide tout fait errone de la nature de loccultisme. En ralit, il en est de la science occulte comme de tout autre savoir ou pouvoir accessible lhomme. Cette science nest pas plus un mystre pour la moyenne

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des hommes que lcriture nen est un pour celui qui on ne la pas enseigne. Et, de mme que pour apprendre crire, il suffit demployer les moyens appropris, de mme il suffit de choisir la route qui conduit loccultisme pour devenir, non seulement un disciple, mais mme un matre dans cette science secrte. Une seule diffrence la spare des autres branches du savoir et de lactivit humaine. Cest que par la pauvret ou par le dfaut dducation premire, rsultant de son milieu, un homme peut se trouver dans limpossibilit dapprendre, par exemple, crire, tandis que, pour lacquisition de la connaissance et des pouvoirs dans les mondes suprieurs, il nexiste point dobstacle la recherche ardente et sincre. On simagine volontiers quil faut chercher dans un lieu prcis les matres de la sagesse pour recevoir leurs leons. cet gard, il est deux choses certaines : tout dabord celui qui aspire avec ardeur la connaissance ne reculera devant aucun effort, devant aucun obstacle pour chercher liniti capable de lui dcouvrir les mystres de lunivers. Dautre part, soyez persuads que liniti saura surmonter toutes les difficults pour rencontrer le chercheur en qui il aura constat un effort sincre et mritoire. Il existe en effet, parmi les initis, une loi svre qui les empche de refuser aucun homme la lumire laquelle il a le droit de prtendre. Mais une loi non moins svre leur interdit de livrer une parcelle quelconque de la science occulte ceux qui nen sont pas dignes. Et un initi est dautant plus parfait quil observe plus strictement ces deux lois. Lordre auquel appartiennent tous les initis est entour dun retranchement : ces deux lois sont le ciment qui assure la solidit de ce retranchement. Vous pouvez tre lintime ami dun initi : ce rempart vous sparera de lui aussi longtemps que vous ne serez pas initi vous-mme. Vous pouvez possder tout son cur, toute son affection : il ne vous confiera son secret que quand vous serez mr pour le recevoir. Vous pouvez le flatter, vous pouvez le torturer, rien ne pourra le dterminer vous livrer une chose quil sait ne pas devoir vous livrer parce que votre degr dvolution ne vous permet pas daccueillir cette rvlation comme il convient. Les chemins que doit parcourir lhomme pour acqurir la maturit ncessaire ces rvlations sont dcrits avec prcision, ils sont ternellement tracs en lettres de feu dans les temples o les initis conservent prcieusement ces augustes mystres. Dans les temps qui ont prcd notre histoire, ces temples taient visibles aux yeux des hommes. Aujourdhui que notre vie sest loigne de toute spiritualit, la plupart dentre eux sont invisibles aux yeux. Pourtant ils existent partout, et quiconque les cherche peut les trouver. Cest dans son me seule que lhomme dcouvrira le moyen douvrir les lvres des initis. Sil dveloppe en soi certaines qualits, les trsors de la sagesse lui seront communiqus. Avant tout, lme doit, ds le dbut, faire preuve dune disposition fondamentale. La priode o elle lacquiert se nomme dans le langage occulte le sentier du respect ou de la dvotion, et elle est indispensable celui qui veut devenir un tudiant de la sagesse occulte. Des expriences intrieures nous font savoir quelles sont les dispositions que lon remarque ds leur enfance chez ceux qui sont destins devenir plus tard des occultistes. Il existe des enfants qui regardent avec une sainte vnration certaines personnes ; ils prouvent pour elles un respect profondment enracin dans leur cur qui fait taire toute pense de critique ou de contradiction. Ces enfants, quand ils sont devenus des jeunes gens ou des jeunes filles, ressentent comme un

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bienfait davoir quelque chose respecter. Cest parmi eux que se recrutent la plupart des tudiants de loccultisme. Vous tes-vous arrt parfois sur le seuil dun homme que vous vnrez et avez-vous, cette premire visite, ressenti comme une religieuse motion au moment de frapper cette porte et dentrer dans ce sanctuaire ? Vous pouvez considrer le sentiment que vous avez alors prouv comme le germe des dispositions que doit avoir loccultiste. Cest un vritable bonheur pour ltre en voie de croissance de connatre ces sentiments, mais il ne faudrait pas croire que ces dispositions ont quelque rapport avec la subordination ou lesclavage. Lexprience nous apprend que les hommes vraiment indpendants et fiers sont justement ceux qui ont appris respecter ce qui est respectable, et le respect est justifi partout o il est issu des profondeurs du cur humain. Si nous ne nous pntrons de la conviction quil existe quelque chose au-dessus de nous, nous ne trouverons pas la force ncessaire pour nous lever un niveau suprieur notre niveau actuel. Liniti na pu conqurir la force de gravir les sommets de la connaissance que parce que son cur a su sabaisser dans le respect et la dvotion. On ne saurait monter jusquaux cimes de lesprit quen passant par la porte de lhumilit. On ne peut parvenir la vraie science quaprs avoir appris lui rendre un culte. Certes, lhomme a le droit de regarder en face la lumire, mais ce droit il doit le conqurir. Il y a dans la vie spirituelle des lois aussi absolues que dans le monde matriel. Frottez une tige en verre avec une substance approprie, et elle acquiert le pouvoir dattirer des objets de faibles dimensions. Ce phnomne est le fait dune loi naturelle, que connat tout physicien. De mme on nignore pas, pour peu que lon connaisse les lments de loccultisme, que tout sentiment de vraie dvotion dveloppe dans lme une puissance qui doit la conduire, tt ou tard, sur le sentier de la connaissance. Celui qui a le bonheur de possder naturellement ces tendances dvotionnelles ou de les acqurir par une ducation approprie y trouvera, au cours de son existence, un auxiliaire prcieux quand il voudra sadonner la science occulte. Mais celui qui na pas cette prparation rencontrera des obstacles ds ses premiers pas dans le sentier de la connaissance sil nentreprend de dvelopper en lui-mme cette dvotion en simposant une discipline nergique. lpoque o nous vivons il est particulirement important dattirer lattention sur ce point. Notre civilisation a, en effet, un penchant critiquer, juger, dcider sur toutes choses, tandis quelle nous dtourne de la dvotion et du respect confiant. Nos enfants eux-mmes, prfrent critiquer que dcouter avec respect. Or, toute critique, tout jugement prmatur port sur les autres chasse de lme les forces qui permettent daccder la connaissance, tandis quun mouvement de respect les dveloppe. Nous ne voulons pas faire par l le procs de notre culture, car cest prcisment la critique, lexamen conscient et lhabitude dprouver toutes choses pour choisir la meilleure que nous devons les progrs de notre civilisation. Jamais lhomme ne serait parvenu au degr de perfection actuelle dans les sciences, lindustrie, les transports ou la lgislation sil navait appliqu toute chose cet esprit de libre examen en soumettant toutes les questions au verdict de son jugement. Mais ce que nous avons ainsi gagn dans le domaine de la culture extrieure, nous le perdons en revanche en dispositions spirituelles dans le domaine de lvolution suprieure. Il est pourtant un point dont chacun doit se rendre un compte exact : cest que lhomme qui se laisse submerger par le courant de la culture contemporaine a beaucoup de peine parvenir la connaissance des mondes suprieurs, sil ne se soumet une nergique discipline. Au temps o la vie matrielle tait plus simple, lessor spirituel tait moins malais. Les choses saintes et respectables tranchaient davantage sur les choses de la vie courante. Lidal sest

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abaiss notre poque desprit critique. Des sentiments tout autres ont pris la place du respect, de la vnration, de ladoration et de ladmiration. Ces dispositions, notre civilisation les refoule toujours davantage, de sorte que dans la vie quotidienne, lhomme a peu doccasions de les prouver. Celui qui poursuit la connaissance suprieure doit les provoquer en lui, les inoculer dans son me. Ce nest point par ltude, mais bien par la vie mme que lon y parvient. Si vous voulez devenir un tudiant de loccultisme, il faut dvelopper par lducation vos tendances dvotionnelles, rechercher dans votre entourage ou dans vos expriences ce qui peut vous imposer un sentiment dadmiration ou de respect. Partout o les circonstances, partout o vos devoirs le permettent, il faut essayer de renoncer la critique et au jugement. Si, rencontrant un homme, je ne songe qu blmer ses faiblesses, je me ravis moi-mme de la force spirituelle ; si je cherche avec amour pntrer ses qualits, jassimile de cette force spirituelle. Le disciple ne doit perdre aucune occasion dappliquer ce principe. Des occultistes prouvs savent tout ce quils doivent leur habitude de considrer en toutes choses le bon ct et de diffrer prononcer leur jugement. Et cette rgle ne sapplique pas seulement lattitude extrieure elle doit rgir notre me mme. Lhomme a, sous la main, les moyens de se perfectionner lui-mme, de se transformer entirement avec le temps. Mais cette mtamorphose doit saccomplir dans sa vie intrieure, dans sa pense. Il ne suffit pas de tmoigner du respect par notre attitude : le respect doit tre en nous. Aussi ltudiant doit-il commencer par faire une place la dvotion dans sa vie mentale. Il doit bannir de sa conscience les sentiments de mpris ou de dnigrement, et sattacher particulirement cultiver la dvotion. Lorsque dans le silence dune mditation paisible, nous nous appliquons chasser de notre conscience tout ce quelle renferme de critique, de dnigrement, de blme lgard de nos semblables, chacun de ces instants nous rapproche de la connaissance spirituelle. Et nous progressons vite si dans ces moments-l nous nous pntrons de sentiments dadmiration, destime et de respect vis--vis des choses et des hommes. Ceux qui ont lexprience de ces sujets savent bien que dans ces moments, des forces qui resteraient assoupies sveillent dans lme humaine. Lil spirituel souvre chez lhomme et peroit des objets quil ne saurait voir en temps normal. Il commence comprendre quil na connu auparavant quune partie de lunivers. Les hommes quil rencontre se prsentent lui sous une forme nouvelle. vrai dire ce nest pas cette discipline elle seule qui suffit pour permettre de percevoir laura humaine : il faut quune discipline encore plus haute sy ajoute. Mais pour slever jusqu ce niveau, il faut avoir nergiquement dvelopp les sentiments dvotionnels. Lentre du disciple dans le sentier de la connaissance saccomplit sans bruit, linsu de tous : personne ne remarque un changement extrieur chez lui, il accomplit ses devoirs comme auparavant, il soccupe de ses affaires comme prcdemment. La transformation se passe uniquement dans son me, labri des regards. Tout dabord la disposition fondamentale de la dvotion rayonne dans toute sa vie sentimentale, et constitue le centre de sa vie intrieure. De mme que le soleil vivifie de ses rayons tous les tres vivants, de mme chez le disciple la dvotion vivifie tous les sentiments. Au dbut lhomme a de la peine croire que des sentiments tels que le respect ou la vnration aient quelque chose faire avec sa facult de connatre. Cette erreur vient de ce quon est gnralement enclin considrer la connaissance comme une facult en soi, indpendante de tous les autres lments de la vie intrieure. On ne songe point que cest prcisment dans lme

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que rside cette facult de connatre et que les sentiments sont pour lme ce que les aliments sont pour le corps. Si lon donne au corps des pierres manger au lieu de pain, son activit meurt. Il en est de mme pour lme. Le respect, lestime et la dvotion sont des substances qui la nourrissent, qui la rendent saine et vigoureuse, et par-dessus tout vigoureuse dans sa facult de connatre. Au contraire, le mpris, lantipathie, le ddain vis--vis des choses respectables ont pour effet de paralyser et de dsagrger les pouvoirs de la connaissance. Loccultiste peut vrifier ce fait par lexamen de laura humaine. Lassimilation de sentiments de respect et de dvotion provoque un changement dans laura. Certains lments teints de rouge tirant sur le jaune ou sur le brun disparaissent et sont remplacs par des rouges nuancs de bleu. Par suite, le rayon de la perception stend, elle est impressionne par des objets environnants dont elle navait prcdemment aucune notion ; car la dvotion veille dans lme une force sympathique capable dexercer une attraction sur certaines qualits des tres environnants, qualits qui, autrement, demeureraient caches. Les effets de la dvotion sont encore plus actifs, si un autre ordre de sentiments vient sy ajouter : il sagit pour lhomme de ne plus se livrer, dans une mesure aussi large, aux impressions du monde extrieur, mais de dvelopper, par contre, en soi-mme une vie intrieure plus active. Un homme toujours la poursuite de sensations nouvelles, la recherche de divertissements, ne saurait trouver le chemin de la science occulte. On ne demande pas au disciple de devenir insensible au monde extrieur, mais il faut que sa vie intrieure prdomine, et lui serve de directrice quand il se livre aux sensations extrieures. Par exemple, un homme dont lme est enrichie de sentiments cultivs par lui prouve tout autre chose en contemplant un beau paysage que lhomme dont la vie intrieure est indigente. Lun fait un voyage en mer, sans ressentir autre chose que de trs rares impressions. Un autre sa place entendra la parole de lesprit universel et les nigmes de la cration se dvoileront pour lui. Il faut avoir appris faire tat de ses sentiments et reprsentations personnelles, si lon veut tablir entre lme et le monde extrieur des relations fcondes. Le monde extrieur, dans tous ses phnomnes, dborde dune beaut divine, mais il faut avoir connu en soi le divin par une exprience vcue pour le dcouvrir dans son entourage. Ltudiant devra sattacher se rserver des moments de calme et de solitude pour se plonger dans la rflexion. Mais ces instants ne seront pas consacrs ses affaires personnelles, ce qui aurait des effets contraires ce quil doit chercher. Il doit dans ses mditations laisser librement rsonner en lui lcho de ses expriences passes et des impressions reues du monde extrieur. Fleurs, animaux, actions, toutes choses lui dvoileront dans le silence des secrets insouponns. Et de la sorte, il se prpare accueillir les sensations futures que lui rserve lunivers avec des dispositions toutes nouvelles. Celui qui, dans le dfil ininterrompu des sensations ne recherche que la jouissance passagre voit ses pouvoirs de connatre smousser progressivement. Il faut quil saccoutume ne pas seulement revivre par la pense la sensation de jouissance elle-mme, mais surtout faire fructifier par son activit intrieure le contenu de la jouissance, en vitant de rechercher dans ce travail une simple prolongation de son plaisir. Il y a la un grave et prilleux cueil, cest quau lieu de travailler rellement sur soi-mme on tente au contraire dpuiser aprs coup la jouissance passe. Il ne faut pas dissimuler quil existe l pour ltudiant des sources derreurs perte de vue. Il faut quil aille son chemin au travers de tentations multiples. Tout conspire endurcir son moi, le renfermer en lui-mme, et il doit, au contraire, louvrir largement aux forces universelles. Il a le devoir de rechercher la jouissance, car elle peut seule lunir au monde extrieur. Si son me smousse et se ferme la jouissance, elle est comme une plante impuissante tirer de son entourage les sucs nourriciers. Sil en reste la

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jouissance, il se confine en lui-mme. Il agit pour soi, lcart des forces universelles. Si intenses que puissent tre sa vie intrieure et sa culture du moi, il sest spar du monde. Il est mort pour le monde. Ltudiant de loccultisme considre la jouissance comme un moyen dennoblissement en vue de lvolution universelle. La jouissance est pour lui un instructeur, dont il reoit les enseignements : aprs avoir reu ses leons, il marche en avant dans la voie du progrs, par la jouissance vers le travail. Il apprend, non pour entasser ses connaissances comme un trsor, mais pour les mettre au service de lunivers. Il existe dans toute forme de loccultisme un principe que nul ne doit transgresser sil veut aboutir un rsultat. Le matre doit en pntrer llve quil guide. Il est ainsi conu : Toute connaissance recherche avec le but unique daugmenter et denrichir le trsor de tes connaissances personnelles, tloigne de la voie ; mais toute connaissance que tu recherches pour accomplir un travail au service de lhumanit et de lvolution universelle, te porte un pas en avant. Cette loi doit tre strictement observe. On ne peut se regarder comme un vritable tudiant avant davoir fait de cette loi la directrice de son existence. Dans beaucoup dcoles, cette vrit prend la forme de laxiome suivant : Toute ide qui ne devient pas idal tue en ton me une force ; toute ide qui devient idal suscite en toi une force vive. Les premiers enseignements communiqus au disciple ont pour objet le sentier de la dvotion et le dveloppement de vie intrieure. Ces rgles pratiques nont rien darbitraire, elles sont fondes sur des expriences et sur un savoir qui remonte la plus haute antiquit, elles revtent la mme forme partout o elles sont donnes par des matres qui connaissent les chemins de la science suprieure. Tous les matres dignes de ce nom sont dans un parfait accord en ce qui concerne le contenu de ces prescriptions, alors mme quils se serviraient parfois de mots diffrents : les dissemblances tout fait secondaires et purement apparentes que lon croit dcouvrir entre leurs leons sont dues des causes dont nous navons pas parler ici. Il nest point de vrais matres en occultisme qui veuillent par ces rgles arriver exercer une domination tyrannique sur les autres hommes ou restreindre, si peu que ce soit, le libre arbitre de quiconque. Car personne ne saurait estimer et sauvegarder lindpendance humaine comme le font ces matres. Nous avons dit que lordre dont font partie tous les initis est entour dun retranchement dont la solidit est cimente par deux lois. Mais si liniti sort de cette retraite pour se mler la vie publique, il doit prendre garde lobservation dune troisime loi ainsi conue : Gouverne chacune de tes actions, chacune de tes paroles de telle sorte que jamais le libre arbitre daucun homme nen subisse une restriction. Celui qui a compris quun vrai matre est profondment pntr de cet esprit saura quil ne renonce pas une seule parcelle de son indpendance en suivant les rgles qui lui sont enseignes. Lune des premires parmi ces rgles peut sexprimer peu prs dans les termes suivants : Sache te procurer des instants de repos intrieur et mets-les profit pour apprendre discerner le rel de lapparent, le permanent de lphmre. Cest ainsi, du moins, quon peut exprimer cette rgle pratique en langue franaise, car, lorigine, toutes les rgles et leons de la science occulte ont t donnes dans une langue de signes et de symboles, et pour comprendre toute leur importance et toute leur porte, il faut dabord avoir obtenu la permission dtudier cette langue symbolique ; cette permission ne peut tre accorde

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qu ceux qui ont dj fait leurs premiers pas dans loccultisme et ces premiers pas demandent la stricte observation de ces rgles pratiques telles quelles sont exprimes ici. Le chemin est librement ouvert tous ceux sans exception quune volont ferme anime. Simple est la rgle qui concerne les moments de calme intrieur, simple aussi son observation, mais elle ne conduit au but que si elle est envisage avec un srieux et une rigueur aussi absolus que sa simplicit est grande. Disons tout de suite et sans dtour comment il faut lentendre. Ltudiant doit pendant quelques instants faire abstraction de sa vie quotidienne et pendant ce temps se consacrer des occupations tout autres que ses occupations journalires. Non seulement lobjet, mais encore le mode de son activit doit tre profondment diffrent des activits qui remplissent le reste de son temps. Il ne faut pas entendre par l que ce quil a faire pendant ces instants particuliers soit sans aucun rapport avec son travail quotidien. Au contraire, lhomme qui sapplique rechercher de pareils moments, remarquera bientt que cest seulement grce eux quil peut acqurir toute la force dont il disposera pour sa tche accoutume. Il ne faut pas simaginer non plus que le temps consacr lobservation de cette rgle soit pris au dtriment des devoirs accomplir. Car, si vraiment il existe quelquun qui nait pas plus de temps sa disposition, cinq minutes par jour lui suffisent pourvu quil sache mettre profit ces cinq minutes. Pendant ce temps, lhomme doit se placer lui-mme en dehors de son courant habituel ; ses penses et ses sentiments se prsenteront sous dautres couleurs qu lordinaire ; ses joies, ses douleurs, ses soucis, ses expriences, ses actions dfileront devant son me, et il prendra pour les considrer une position telle que tout ce quil a vcu lui apparaisse comme dun point de vue nouveau et plus lev. Songez seulement combien dans la vie nous apparaissent diffrentes les expriences dautrui et les ntres propres. Il nen saurait tre autrement, car dans tout ce que nous faisons ou ressentons, nous sommes impliqus nous-mmes. Dans ce que fait ou ressent autrui il ny a pour nous quun spectacle. Or, dans les moments mis part pour la mditation, ce que nous devons poursuivre, cest de parvenir envisager nos sensations comme si elles taient le fait dautrui. Imaginez un homme frapp dun grand malheur. Ne le considre-t-il point tout autrement quun malheur de tout point semblable qui aurait