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& Informat on stratég e Franck Bulinge Préface d’Alain Chouet Maîtriser l’information stratégique Méthodes et techniques d’analyse

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Franck Bulinge

Préface d’Alain ChouetWWW.DEBOECK.FR

INTELECISBN 978-2-8041-8914-3

De l’explosion des médias au développement du marketing, de la publicité à la communication d’infl uence, l’information est l’objet d’une manipulation permanente. Mondialisée, elle est multiple, pléthorique, changeante et continue. Elle envahit notre quotidien sans qu’il soit possible d’en maîtriser les fl ux et sans que nous soyons préparés à affronter sa complexité.

Dès lors, comment se situer dans un référentiel où le temps disparaît, où les événements s’enchaînent, où la hiérarchie des valeurs s’aplanit ? Comment prendre du recul ? Comment gérer l’absence de mémoire de l’information médiatique ? Comment ne pas tomber dans l’addiction informationnelle? Bref, comment maîtriser l’information, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans le cadre d’une activité professionnelle ou stratégique ?

À travers le concept d’intelligence informationnelle, ce manuel d’analyse et d’exploitation de l’information montre comment utiliser effi cacement l’information disponible pour réaliser un projet et comment organiser la collecte et le traitement de cette information pour en faire un support de décision.

FRANCK BULINGE Ancien analyste de renseignement militaire et directeur de recherche en sciences de l’information, il a développé le concept d’intelligence informationnelle en France au début des années 2000. Il enseigne l’analyse d’information à l’université, dans les grandes écoles, ainsi que dans les institutions gouvernementales (IHNESJ, IHEDN).

Pour les professionnels de la documentation, de l’information, de la communication, du marketing stratégique et de l’intelligence économique ; pour les étudiants et enseignants de ces fi lières.

Créée en 1963, l’ADBS (Association des Professionnels de l’information) fédère une grande variété de professionnels de l’information numérique (veilleurs, knowledge managers, gestionnaires de contenus numériques, documentalistes, records managers, etc.). Elle compte plus de 4000 membres en France. En 2013, l’ADBS s’associe aux éditions De Boeck pour créer la collection, « Information & Stratégie » qui allie les savoir-faire des deux partenaires.

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Maîtriser l’information stratégique Méthodes et techniques d’analyse

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Maîtriser l’information stratégique

regroupe des ouvrages pratiques et de réflexion destinés à l’entreprise et à ses professionnels, aux enseignants et aux étudiants concernés par la gestion de l’information et toutes les problématiques stratégiques qui y sont liées.

La collection s’adresse tant aux responsables marketing, communication, business analysts, RH, documen-talistes, ingénieurs, chercheurs, bibliothécaires ou journalistes qu’aux étudiants et enseignants de ces filières. Elle fournit des outils et analyses de qualité, au contenu complet bien que concis, avec des exemples concrets et des illustrations. Des encadrés thématiques et une structure bien découpée permettent, au choix, une lecture fragmentée ou continue des ouvrages, toujours opérationnelle.

« Information & Stratégie » porte le label de l’ADBS, l’Association des professionnels de l’information et de la documentation, la plus importante association professionnelle de France dans le domaine des métiers de l’information. Créée en 1963, l’ADBS compte plus de 4000 membres actifs.

La collection est dirigée par Stéphane Cottin, chargé de mission pour le développement des systèmes d’information et la valorisation des ressources documentaires auprès du cabinet du Secrétaire général du Gouvernement, et Ghislaine Chartron, professeur au Conservatoire national des arts et métiers de Paris (CNAM) et directrice d’un institut de formation des professionnels de l’information (INTD). Tous deux lui apportent leur expertise dans les domaines de l’information et de la documentation.

DÉJÀ PARUS :

Joumana Boustany, Evelyne Broudoux, Ghislaine Chartron (dir.), La médiation numérique : renouvellement et diversification des pratiques. Actes du colloque « Document numérique et société », Zagreb, 2013

Franck BulingeMaîtriser l’information stratégique. Méthodes et techniques d’analyse

Véronique Mesguich, Armelle Thomas Net Recherche 2013. Surveiller le web et trouver l’information utile

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Maîtriser l’information stratégique Méthodes et techniques d’analyse

Franck Bulinge

Préface d’Alain Chouet

Couverture et maquette intérieure : cerise.beMise en page : Nord Compo

© De Boeck Supérieur s.a., 2014 1re édition Fond Jean Pâques, 4 – 1348 Louvain-la-Neuve Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partielle-

ment ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique Dépôt légal :

Bibliothèque nationale, Paris : décembre 2014 ISSN 2295-3825 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2014/0074/234 ISBN 978-2-8041-8914-3

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.com

Malgré nos recherches, nous n’avons pu joindre tous les ayants droit des illustrations reproduites dans cet ouvrage. Qu’ils trouvent ici invitation à nous contacter.

À mon épouse Valérie

À mes enfants

À FoxCher Feuillu parti trotter

Sur les sentiers d’ailleurs…

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Sommaire

REMERCIEMENTS 9

PRéSENTaTIoN dE l’ouvRagE – g. CHaRTRoN, S. CoTTIN 11

PRéFaCE – a. CHouET 13

INTRoduCTIoN 23

CHaPITRE 1 Intelligence informationnelle. définitions et concepts clés 33

CHaPITRE 2 Piloter le projet de connaissance stratégique 45

CHaPITRE 3 Exploiter l’information 65

CHaPITRE 4 épistémologie du renseignement 79

CHaPITRE 5 éléments de psychologie sociocognitive 103

CHaPITRE 6 outils d’analyse structurée 123

CHaPITRE 7 études de cas 145

CHaPITRE 8 l’analyse aux frontières du réel 173

CHaPITRE 9 analyse et décision 187

CHaPITRE 10 l’analyse collaborative : Cas de la gestion de crise 211

CHaPITRE 11 le métier d’analyste 229

BIBlIogRaPHIE géNéRalE 247

lEXIQuE 255

INdEX 257

TaBlE dES MaTIèRES 261

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remerciementS

Cet ouvrage n’aurait pas vu le jour sans l’invitation de Nicolas Moinet à rédiger un mémoire d’habilitation à diriger des recherches.

Ce travail initial a été soutenu et encouragé par le jury composé par les professeurs Gino Gramaccia, Frank Bournois, Philippe Dumas et Christian Marcon, ainsi qu’Alain Juillet, ancien haut responsable de l’intelligence économique et ancien directeur du renseignement de la DGSE.

Les connaissances et l’expérience acquises n’auraient pas été va-lidées sans l’aide de mon ami Gérard Pardini, directeur adjoint de l’IHNESJ, qui m’a permis de confronter mes travaux à l’expérience de publics exigeants.

Frank Bournois, Directeur général du groupe ESCP Europe, m’a té-moigné une amitié, une confiance et un soutien sans faille tout au long de ces deux années.

Alain Chouet, ancien chef du service de sécurité de la DGSE, ana-lyste et fin connaisseur de la géopolitique du Moyen- Orient et du contre- terrorisme, a bien voulu faire une relecture experte et m’as-surer de son soutien amical.

La relecture orthographique et grammaticale de cet ouvrage a été assurée par Françoise Marsigny, administratrice la Fédération inter-nationale de Scrabble francophone.

À chacun d’entre eux, j’adresse mes plus sincères remerciements.

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PréSentation de l’ouvrage

L’ouvrage de Franck Bulinge se présente comme un manuel pra-tique de philosophie, d’économie et de sociologie autour du thème de l’intelligence informationnelle, c’est- à- dire de tous les concepts liés à l’acquisition, à l’analyse et la transformation des données en actions opérationnelles.

Armé des éléments théoriques utiles à la maîtrise de l’information, sa gestion et son pilotage, présentés de façon dynamique et illustrés d’exemples concrets dans les cinq premiers chapitres, le lecteur pourra en tirer des compétences pratiques grâce aux outils, puis aux études de cas et aux différentes méthodes d’analyse présentées dans les chapitres suivants. Un dernier chapitre est ouvert sur la description du métier d’analyste, dont la nécessité est de plus en plus évidente dans les entreprises et dans la plupart des grandes institutions publiques tant nationales qu’internationales.

Ainsi, cet ouvrage, en tant que manuel, sera utile aux étudiants des différentes filières où le traitement et la maîtrise de l’information sont un enjeu. Il le sera aussi, en tant que guide pratique, aux professionnels des organisations précitées : ceux qui ont en charge le traitement de l’information stratégique à ses divers échelons (ac-quisition, analyse, traitement, diffusion), mais aussi ceux qui ont à assurer la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, les ressources humaines en général, les décideurs eux- mêmes.

Chacun des chapitres peut se lire individuellement et dans l’ordre souhaité par le lecteur, selon ses besoins. Chacune de ces parties de l’ouvrage est accompagnée d’exemples pratiques, de nombreuses illustrations claires, d’un résumé et surtout d’ouvertures bibliogra-phiques et de recommandations de lecture.

Ghislaine CHARTRON, professeure en sciences de l’information et de la communication,

titulaire de la chaire d’ingénierie documentaire au Conservatoire des arts et métiers

Stéphane COTTIN, Chargé de mission aux services du Premier ministre

Directeurs de la collection Information & Stratégie

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Préface

« Le transistor, produit nouveau, complète le tube électronique, il ne le supplante pas. Cette vieille loi, bien connue des économistes et qu’on proclame en défaut à chaque apparition d’un produit industriel important, ne sera, une fois de plus, pas violée1. » Ce n’est évidem-ment pas du haut de mes dix ans que j’allais, en 1956, trouver malice à une affirmation aussi péremptoire formulée par l’un des physiciens français les plus réputés d’après- guerre, référence des études d’électronique au Conservatoire National des Arts et Métiers. Dix ans, c’était à l’époque l’âge du premier poste à galène dont on écoutait les crachotements au casque en prenant des airs de conspirateur. Et il est vrai que l’informe cristal grisâtre à l’aspect de cancrelat écrasé qui constituait le cœur du dispositif ne suscitait guère d’enthousiasme quant à l’avenir technologique du germanium. Il n’empêche qu’à peine dix ans plus tard les bons vieux postes à lampes étaient relégués à la poussière des greniers ou à l’étal des brocanteurs au profit du proliférant « transistor » et le tube électro-nique voué au destin d’accessoire snob pour mélomanes fortunés en mal d’originalité acoustique.

L’évaluation définitive de Gaudry relevait manifestement de l’erreur d’analyse. Il fallait toute la naïveté généreuse du scientifique pour ne pas considérer que la taille réduite, le coût modeste, la faible consommation électrique, la versatilité et la solidité du transistor allaient immédiatement susciter l’intérêt des marchands en quête de plus- values confortables et surtout des militaires toujours à l’affût de dispositifs robustes, économiques, peu énergivores, et surtout assez légers pour être casés dans la musette du grenadier- voltigeur en cam-pagne. Il est facile d’en rire aujourd’hui, mais Gaudry n’a pas eu le monopole du genre. On n’a jamais manqué dans l’histoire de savants réputés pour nous démontrer – petit a, petit b – que les météorites ne peuvent exister pour la bonne raison que s’il y avait des cailloux dans le ciel, ils seraient déjà tous tombés depuis longtemps ou que la diligence ne serait jamais détrônée par le chemin de fer dont les infortunés passagers périraient immanquablement asphyxiés dans les tunnels par la fumée des locomotives. Plus grave dans le cas de Gaudry est le fait qu’il appuie son affirmation sur une prétendue « loi universelle inviolable » dont on ne trouve cependant aucune trace dans les travaux des économistes dont il se réclame et qui seraient, selon lui, supposés bien la connaître… Cette incompréhension de l’avenir des semi- conducteurs n’a cependant pas laissé de trace et ne constitue qu’une tache insignifiante dans le brillant parcours de son auteur. D’autres erreurs d’analyse, beaucoup plus largement par-tagées, se sont révélées en revanche plus désastreuses et mortifères.

La même année où le transistor se trouvait ainsi doctement et irré-médiablement condamné au rang de supplétif, je rêvassais sur les

1 G.A. Boutry in Grandes découvertes du xxe siècle, sous la direction de Louis Leprince- Ringuet, Éd. Larousse, Paris, 1956.

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bancs du cours moyen. Tandis qu’un maître en blouse grise qui nous vouvoyait et nous appelait par nos noms de famille, s’évertuait à nous initier aux subtilités de l’accord des participes passés et aux miracles de la preuve par neuf, je voyageais sur les terres de la carte no 22 de Monsieur Vidal Lablache dont l’entreprenant éditeur Armand Colin avait réussi à inonder toutes les écoles communales de l’hexagone. Il s’agissait de la carte en couleur des cinq continents, planisphère en projection Mercator dont « la plus grande France » teintée de rose occupait évidemment le centre aux dépens d’un Océan Pacifique négligeable coupé en deux et rejeté sur les bords. Les hautes latitudes y étaient démesurément amplifiées, ce que j’ignorais alors, et donc le Groenland y paraissait aussi grand que l’Afrique, l’Alaska – qui n’était pas encore le 49e État de l’Union – justifiait par sa surface apparente toute la crainte des Texans de passer au second rang des kilomètres carrés, et l’URSS écrasait de sa taille monstrueuse les ridicules appendices européens et asiatiques. Surtout, l’Europe, et en particulier la France, se trouvait dangereu-sement située très exactement entre les deux hyperpuissances qui menaçaient chaque jour de se déverser mutuellement leur arsenal nucléaire sur la tête au moyen de leurs missiles balistiques ou de leurs bombardiers à long rayon d’action.

J’ose espérer, sans en être bien sûr comme j’ai pu le constater par la suite, que nos responsables politiques et militaires connaissaient bien la différence entre les routes orthodromiques et les routes loxo-dromiques ou, pour faire simple et paraître moins cuistre, le fait que le chemin le plus direct pour aller d’un point à un autre sur une sphère n’a rien à voir avec celui que l’on trace sur une projection équatoriale de cette sphère. De fait, la route des bombardiers et mis-siles supposés se rendre de l’Oural au Middle West ou inversement passait par le pôle Nord en ignorant superbement l’Europe et l’armée américaine a déployé dès 1957 le long du cercle polaire, en Alaska et au Canada, sous la dénomination de NORAD un dense réseau de radars de détection de tout mouvement aérospatial suspect à la verticale des ours blancs. Il n’empêche que les politiques et les stratèges européens, encore mal remis du déclin de leur continent à l’issue de deux guerres mondiales dévastatrices, continuaient, carte à l’appui et vivement stimulés par les deux grandes puis-sances en mal d’alliances, de vouloir se situer au centre du monde et s’évertuaient à convaincre leurs concitoyens de se ranger dans tel ou tel pacte militaire et politique supposé les mettre à l’abri de l’holocauste atomique.

Ce n’est que dix ans plus tard qu’une amie revenant de Moscou et connaissant mon goût pour la géographie m’a rapporté des cartes pédagogiques locales sur lesquelles rêvassaient sans doute les écoliers soviétiques. La plupart étaient des projections polaires qui illustraient parfaitement à quel point l’URSS et les États- Unis se faisaient face à faible distance de part et d’autre du pôle tandis que la minuscule Europe était déportée en bas à gauche des cartes, totalement hors du champ de toute confrontation éventuelle. En revanche, la Chine, outrageusement agrandie par le mode de pro-jection, apparaissait pour la Russie comme une menace directe sur ses frontières d’autant plus inquiétante qu’elle comptait déjà un mil-liard d’habitants et venait de se doter de l’arme nucléaire. L’analyse

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faite par les uns et les autres des menaces stratégiques est ainsi clairement surdéterminée et biaisée par la représentation cartogra-phique du monde à laquelle ils sont culturellement habitués. Pour éviter les erreurs induites par ces schémas culturels profondément ancrés, il faut s’astreindre à regarder avec les yeux de « l’autre », considérer le monde de son point de vue et réfléchir à partir des cartes qu’il utilise sans jamais perdre de vue qu’à l’exception des volumineuses mappemondes, toutes les projections cartographiques sont « fausses » et que, comme le soulignait inlassablement Alfred Korzybski, père de la sémantique générale, « la carte n’est pas le territoire ». Et, plus généralement, l’identification d’un modèle plus ou moins idéal ou fantasmé à une réalité plus ou moins hermétique ou complexe est le principal obstacle à l’analyse de l’information.

Tout énoncé d’information contient en général une part d’analyse. Ainsi l’affirmation d’un truisme aussi trivial que « la terre est ronde » résulte d’une forme d’analyse. La réalité sensible tend à indiquer à l’observateur humain que, abstraction faite des accidents de terrain, l’espace dans lequel il se meut est plat. Ce n’est qu’en fonction de connaissances inculquées et de comparaisons qui ne procèdent pas de la perception immédiate par ses propres sens que ledit observa-teur énonce et transmet l’affirmation de la sphéricité terrestre. Il n’en a pas toujours été ainsi et l’analyse d’observations pourtant aussi évidentes que le fait qu’un navire qui s’éloigne à l’horizon disparaît d’abord par la coque avant que ses mâts semblent s’enfoncer pro-gressivement dans la mer n’a fini par convaincre les plus éclairés qu’il y a environ cinq siècles tant l’évaluation du fait était polluée par des croyances irrationnelles et des actes de foi religieuse qui voulaient que la Terre fût plate.

Et on a même connu pire à la période contemporaine. Persuadé que la science officielle était – selon ses propres termes – « bourgeoise et enjuivée », Hitler s’était laissé convaincre par un ancien pilote de la Luftwaffe du nom de Peter Bender que la Terre était en fait une sphère creuse, une sorte de sphère de Dyson enchâssée dans une infinité rocheuse, dont l’humanité occupait la surface interne. C’était une vision qui cadrait assez bien avec la mythologie germanique et la croyance nordique en l’inexpiable combat du feu et de la glace que Karl Haushofer avait popularisée dans les cercles d’études du parti nazi. En 1942, Hitler, alla même jusqu’à ordonner sur l’île de Rügen en mer Baltique une expédition scientifique destinée à véri-fier par radar – au détriment des capacités opérationnelles de la Wehrmacht qui avait le plus grand besoin de cette technologie nou-velle – que la surface terrestre était concave, hypothèse à laquelle avaient fini par adhérer idéologiquement des membres éminents de l’État Major de la marine et de l’aviation du Reich en argumentant que la convexité apparente de la Terre était due à la réfraction des rayons lumineux par l’atmosphère à laquelle les micro- ondes des radars échapperaient. Lesdits radars n’ayant mis en évidence que des vols de mouettes, Bender alla méditer en camp de concentration sur la concavité des cachots. C’était en Allemagne nazie la sanction des erreurs d’analyse.

« Il ne sert à rien d’avoir un large accès aux secrets d’un gouverne-ment si l’on ne sait juger ce qu’il convient de chercher ni évaluer

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immédiatement ce qu’on découvre2. » Et s’il est un domaine où l’ana-lyse de l’information doit être rapide, clinique, neutre, exempte de tout a priori, parti pris, acte de foi, négligence ou erreur, c’est celui du renseignement. Il ne faut voir là aucun jugement de valeur. Ce n’est pas que le renseignement soit une matière plus noble que d’autres ou que les analystes du renseignement exercent un « métier de sei-gneur ». Il se trouve que le renseignement, au sens où l’entendent les services spécialisés, n’est pas une information ou un ensemble d’informations qu’on peut obtenir avec plus ou moins de virtuosité dans l’immense stock de ce qui est rendu public même à échelle restreinte. Il y a pour cela suffisamment de chercheurs universitaires, d’experts politiques ou techniques, de centres de recherche et de think tanks. Le renseignement consiste à obtenir par des moyens humains, techniques ou opérationnels dolosifs ce que les lois, les coutumes, l’environnement socio- économique de la structure cible interdisent formellement de communiquer ou rendre public sous peine des pires sanctions dont aucun code pénal au monde n’est avare. Il en découle que pour protéger la réputation du donneur d’ordre ainsi que la technique d’acquisition et l’identité de la source, le renseignement doit être traité de façon confidentielle par le moins d’intervenants possible et, le plus souvent, dans de très courts délais. Il ne peut en aucun cas faire l’objet d’études comparatives ou d’expé-riences reproductibles ni d’un débat public entre experts.

Un service de renseignement n’est jamais propriétaire de l’information qu’il recueille. Celle- ci doit être transmise intégralement et en brut à l’autorité gouvernementale qui a prescrit les recherches afin d’en préserver la liberté d’interprétation, de décision et de manœuvre. Mais afin d’éclairer cette capacité de manœuvre et d’interprétation dans des domaines souvent spécialisés et complexes, le renseignement doit être accompagné d’une évaluation, d’un commentaire analytique et, éventuellement, d’une mise en perspective destinés à en préciser la valeur, la crédibilité ainsi qu’à en éclairer le contexte. Ainsi, si une source habituelle déclare un jour que la Terre est plate, le renseigne-ment sera transmis tel quel à l’autorité compétente, mais assorti d’une double cotation chiffrée précisant la valeur attribuée à la source d’une part et à l’information d’autre part ainsi que d’une analyse élaborée précisant l’avis des experts du service sur l’information elle- même. C’est sur cette indispensable exigence de transmission du renseigne-ment en brut que se fondent régulièrement certains esprits ignorants ou mal intentionnés pour affirmer que les services de renseignement transmettent des balivernes. Ce sont bien sûr les mêmes qui hurle-raient au scandale si les services de renseignement se contentaient de transmettre uniquement leur propre interprétation de l’information. De fait les problèmes liés à l’analyse dans les services de renseignement ne résident pas dans la procédure de traitement, en général bien encadrée et codifiée, mais, d’une part, dans la place de l’analyse au sein de la chaîne du renseignement qui va du recueil de l’information in situ jusqu’à sa diffusion au destinataire et, d’autre part, dans la qualification et l’image de ceux qui en sont chargés.

Le positionnement des structures d’analyse dans la chaîne du ren-seignement n’est en effet pas indifférent. La solution la plus immé-

2 Oleg Penkovski, Carnets d’un agent secret, Éd. Tallandier, Paris, 1966.

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Une seconde solution est alors de dissocier structurellement l’ana-lyse de la recherche et de la confier à un service ou une direction entièrement autonome. Ce type d’organisation assure en général une bonne prise en compte et une bonne intégration du renseigne-ment quelles que soient ses sources ou ses origines ainsi qu’une meilleure adéquation entre l’analyse et les besoins des utilisateurs finaux. En revanche, l’absence de perméabilité et de dialogue cultu-rel entre l’exploitation et la recherche conduit souvent les analystes à formuler des orientations irréalistes, insuffisantes ou inadaptées, à ignorer des signaux faibles que seule la proximité intellectuelle avec le terrain permet de percevoir, à ne pas distinguer – faute de connaissance intime des conditions de recueil de l’information – d’éventuels éléments de distorsion cognitive, de désinformation ou d’intoxication. C’est pourquoi certains services plus inventifs et dont les responsables ne sont pas trop sourcilleux sur leur statut et leur image se dotent d’un bureau dit de « l’avocat du diable ». C’est en général une structure réduite et polyvalente qui, sur un sujet donné et prêtant à controverse, reçoit exactement les mêmes informations brutes que la structure chargée normalement de les traiter, mais avec pour mission d’essayer d’y trouver matière à démontrer exac-tement l’inverse de l’analyse officielle ou, au moins, d’en identifier et lister les failles.

Chacun des deux systèmes a donc ses qualités. Aucun des deux n’est pleinement satisfaisant. Quelle que soit la solution retenue, les pays riches tentent en général de pallier la difficulté en organisant un système d’analyse à plusieurs étages, l’un proche du terrain produisant de l’analyse spécialisée en continu, l’autre à beaucoup plus haut niveau et prenant en compte l’ensemble de la production des services de renseignement ainsi que les sources ouvertes pour en tirer des évaluations de la plus haute qualité possible formatées en fonction des besoins immédiats de l’autorité gouvernementale. Aux États- Unis, c’est le rôle du National Intelligence Council (NIC), composé d’analystes de très haut niveau reconnus aussi bien du monde du renseignement que du monde universitaire, qui produit des « National Estimates », évaluations analytiques sophistiquées

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portées quotidiennement à la connaissance du Président. En France cela aurait pu ou dû être le rôle du Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN) si son périmètre de compétence et ses attributions n’étaient pas en permanence remis en question pour des raisons de moyens ou de tribalisme gaulois qui conduisent chaque ministère régalien à vouloir se doter d’une sorte de super service d’analyse aux contours souvent aussi mal définis que les sources et la compétence.

Enfin demeure un peu partout l’impondérable des ego qui conduit parfois les décideurs, par aveuglement ou par arrogance, à nier la réalité et à refuser l’analyse du renseignement, voire le rensei-gnement lui- même. C’est ainsi que Staline a refusé de donner cré-dit aux renseignements recueillis par Richard Sorge lui annonçant l’imminence de l’opération Barbarossa, que Roosevelt s’est interdit jusqu’à l’ultime limite d’envisager l’attaque de Pearl Harbour, que Golda Meir n’a pas voulu voir les préparatifs de la guerre du Kippour, qu’Alexandre de Marenches répugnait à transmettre les informa-tions relatives à l’imminente chute de son ami le Shah d’Iran et que, excédé par les indices d’alerte envoyés quotidiennement de Belgrade en 1990 par les services de renseignement qui contredi-saient ses convictions, un haut diplomate français a cru subtil de conclure une dépêche d’actualité par cette phrase définitive : « Et si la Yougoslavie éclate un jour, ce sera de rire »…

« Ils se tassèrent en grommelant pour me faire de la place, déposèrent à ma droite une ramette de papier vierge et à ma gauche plusieurs piles de documents divers restés en souffrance, télégrammes des missions à l’étranger, interceptions radio- électriques, procès verbaux d’écoutes, coupures de presse, et ils m’invitèrent à faire au plus vite ma part de travail d’analyse et de synthèse quotidien, dont le pro-duit se devait d’être intelligent sans toutefois dépasser une page et demie, quantité maximale absorbable par les décideurs politiques qui n’avaient quand même pas que ça à faire. »3. Quelle que soit sa place dans la chaîne du renseignement et son niveau de qualité, l’analyse n’est jamais considérée comme le cœur de métier au sein des services spéciaux. En effet, si l’on fait abstraction des procédures de confidentialité, voire de secret, et souvent du caractère d’urgence qui l’entourent, l’analyse du renseignement ne se différencie pas dans sa méthode ou dans ses démarches de l’analyse de l’informa-tion en général. C’est, comme disent les anglophones, un travail de back- office tout à fait similaire à celui que font les diplomates, les chercheurs universitaires, les spécialistes des cabinets de conseil ou les journalistes d’investigation. Pour l’officier de renseignement, la partie originale et considérée comme « noble » de son métier réside dans ce qui en fait la spécificité et l’originalité, c’est- à- dire la recherche et le recueil du renseignement sur le terrain, que ce soit par sources humaines, techniques ou opérationnelles.

Cela n’empêche pas qu’excepté les individus recrutés pour leurs aptitudes particulières au recueil technique ou opérationnel de l’information, la plupart des impétrants à un service de renseigne-ment passent d’abord par la case analyse. Si les grandes lignes de l’analyse politique, économique ou stratégique peuvent s’apprendre

3 Alain Chouet in La sagesse de l’espion, Éd. L’Œil Neuf, Paris, 2010.

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sur les bancs des universités, elles sont souvent généralistes et doivent être affinées et complétées par une familiarité plus appro-fondie avec des espaces géographiques et culturels plus restreints. Et surtout un certain nombre de domaines spécifiques des services de renseignement se rapportant à la sécurité comme le terrorisme, la criminalité organisée, les trafics, l’espionnage, l’ingérence, la sub-version ou la prolifération des armes de destruction massive ne sont que très peu objets d’enseignement et d’études dans le domaine public. Quelques années d’analyse préparent donc les candidats espions à se familiariser avec leur domaine de recherche, à distin-guer le souhaitable du faisable, à bien appréhender les priorités des destinataires, à cultiver leurs aptitudes à la synthèse, à s’imprégner des schémas culturels qui doivent leur permettre d’évoluer ensuite fructueusement et sans trop de casse sur ce « terrain » auquel chaque officier de renseignement motivé aspire à accéder un jour comme tout jeune Saint- Cyrien aspire aux étoiles.

Ce cursus est rationnel, mais cumule les handicaps pour l’analyse. Outre qu’elle n’est pas considérée comme le cœur du métier, elle apparaît à beaucoup comme une sorte de rite initiatique, de passage obligé, de bizutage imposé à des « bleus » et le jeune analyste, si brillant soit- il, a souvent du mal à faire valoir son point de vue dans un milieu où il ne dispose ni de l’ancienneté ni de l’autorité suffisantes pour s’imposer. L’épreuve est d’autant plus pénible qu’à ce manque de reconnaissance interne se mêle, particulièrement en France, un mépris ironique voire une méfiance hostile à l’égard du monde du renseignement. Au Directeur Général du SDECE venu prendre ses directives, le Président Georges Pompidou avait témoi-gné son mépris en termes cinglants : « N’importe quel banquier en sait plus sur les affaires du monde que votre ramassis d’adjudants- chefs, fussent- ils panachés de ratés de l’Université »4… Les employés et petits épargnants des innombrables banques dont les milliards se sont évaporés dans les sables de spéculations hasardeuses appré-cieront. Les contribuables requis de combler les trous aussi. Mais que les aspirants au renseignement ne se formalisent pas trop de ce genre de propos. Ils en entendront sans doute de bien pires tant ce métier génère de fantasmes et sans doute de jalousies. Autant les ignorer. Il ne faut jamais engager de combat d’esprit avec des gens désarmés.

Et surtout, si négative soit l’image qui leur est renvoyée, qu’ils soient bien persuadés qu’il n’y a pas de renseignement valable sans ana-lyse. Ce qui est valable pour les officiers de renseignement l’est tout autant pour les chercheurs universitaires, les spécialistes des cabinets de conseil ou les journalistes. Quelle que soit la qualité d’une information secrète ou publique, elle ne prend son sens et n’est utilisable que si elle est remise dans son contexte, mise en perspective, éclairée par une expertise solide et argumentée sur une connaissance approfondie. Voir ne suffit pas, d’autant que les illusions d’optique ne manquent pas. Il faut comprendre. Et dans l’univers du renseignement plus que dans tout autre domaine de l’information, c’est au travers de l’analyse que le minerai brut de

4 Cité par Constantin Melnik in de Gaulle, les services secrets et l’Algérie, Éd. Nouveau Monde, Paris, 2010.

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la connaissance peut se transformer en outil de travail fonctionnel de la compréhension. Au- delà des qualités personnelles de chacun, encore faut- il en maîtriser les techniques dont certaines relèvent du simple bon sens, mais beaucoup d’autres d’un long et patient apprentissage.

On peut bien sûr faire de l’analyse de l’information comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Beaucoup s’y emploient avec des succès divers, mais les yeux de la belle marquise courent alors un risque non négligeable d’en ressortir bigles, vairons, voire pochés. Je l’ai appris à mes dépens au début de ma carrière quand mes notes d’analyse de la situation dans « l’orient compliqué » me revenaient assorties de commentaires ironiques ou acerbes de leurs destina-taires. Ils avaient parfois tort et souvent raison. Mon savoir en science politique, langue arabe et civilisation musulmane était réel, mais théorique, formaté pour des travaux académiques, certes indispen-sable à la compréhension des faits mais insuffisant pour transformer cette compréhension en concepts opératoires. Il y manquait souvent le respect des règles structurantes de l’analyse, cet ensemble de pratiques et de méthodes qui permettent d’approcher ce que les Anglo- Saxons désignent sous le nom « d’intelligence », cette aptitude à relier entre eux les fils ténus et disparates de l’information pour en tisser la toile ordonnée du renseignement. J’ai dû apprendre ces techniques au fil du temps, sur le tas, cabotant empiriquement entre échecs mérités et succès parfois inattendus.

Je connais Franck Bulinge depuis une dizaine d’années. C’est un homme à la fois de terrain et de réflexion, mais aussi de tête et de cœur. Ses travaux et ses enseignements dans le domaine de l’intelligence économique, de l’analyse de l’information appliquée à différents domaines, de la nécessaire adaptation des appareils de renseignement à un monde multipolaire et « connecté » avaient retenu toute mon attention. Il était le premier en France à perce-voir qu’il était vain de vouloir continuer à coller des rustines sur des appareils d’acquisition et d’interprétation de l’information et du renseignement obsolètes, usés jusqu’à la corde et correspondant au contexte de puissance des États Nations autonomes et de leurs alliances ou oppositions cauteleuses. C’est cette obstination nos-talgique qui a plongé l’appareil de renseignement américain dans une folle logique d’entreprise conduisant à placer la planète entière sous une loi permanente des suspects, à violer les droits élémen-taires dont les États- Unis se veulent pourtant garants, à semer une anarchie sanglante dans une quinzaine de pays, à ressusciter les démons ineptes de la guerre froide sans pour autant enrayer la mon-tée généralisée de la violence politique, voire même de la violence meurtrière tout court dont sont adeptes les tueurs fous des cours d’école qui se mettent pourtant en scène sur les réseaux sociaux.

Quand Franck Bulinge m’a fait l’honneur de me soumettre le manus-crit du présent ouvrage, il m’est apparu au fil des pages combien il m’aurait été précieux de l’avoir possédé et assimilé avant d’essayer de me frotter au raffinage, à l’interprétation, à la mise en forme utilisable et pertinente des gemmes brutes que mes petits cama-rades rapportaient du terrain, parfois au péril de leur vie. Véritable outil de base méthodologique pour l’analyse et le décryptage de

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l’information, son manuel m’aurait évité bien des errements, pas mal d’erreurs et m’aurait peut- être permis d’être plus convaincant auprès de ceux qui, en définitive, ont la lourde responsabilité de décider quoi faire. Je ne doute donc pas que les apprentis analystes et même les analystes confirmés qui auront pris la peine et le temps de s’imprégner de ce manuel austère, mais si riche y gagneront les techniques nécessaires à une navigation experte au milieu des brisants sans cesse recommencés de l’information. Je leur souhaite plein succès pour le plus grand bien de tous.

Alain CHOUET Ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE

Juillet 2014

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introduction

« Il est nécessaire de développer l’aptitude naturelle de l’esprit humain à situer toutes ses informations dans un contexte et un ensemble. Il est nécessaire d’enseigner les méthodes qui permettent de saisir les relations mutuelles et infl uences réciproques entre parties et tout dans un monde complexe. » (Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur)

De l’explosion des médias au développement du marketing, de la publicité à la communication d’influence et à la propagande, l’in-formation est l’objet d’une manipulation permanente. Mondialisée, elle est multiple, continue, pléthorique, changeante et saturante, envahissant notre quotidien sans qu’il soit possible d’en maîtriser les flux, sauf à se réfugier dans un monastère.

Chacun d’entre nous, confronté à cet univers kaléidoscopique, entre réalité et fiction, entre raison et croyance, entre vérité et mensonge, est contraint de vivre l’expérience d’une société de l’information qui s’est développée malgré lui. Confronté à des flux incessants et irréversibles, il est soumis à des questionnements auxquels il n’est pas habitué à répondre, et bien qu’il se rende compte de la pollution grandissante de son univers informationnel1, il n’est pas préparé à affronter sa complexité.

Comment se situer dans un référentiel où le temps disparaît, où la mémoire s’efface, où les événements s’enchaînent, où la hiérarchie des valeurs s’aplanit ? Comment faire face à cette fuite en avant caractérisée par l’absence de recul et qui fait de l’instant informa-tionnel un sablier incessant ? Comment gérer l’absence de mémoire de l’information médiatique ? Comment ne pas sombrer dans l’ad-diction informationnelle ? A contrario, comment utiliser intelligem-ment l’information disponible pour réaliser un projet ? Comment organiser la collecte et le traitement de cette information pour en faire un support de décision ?

En résumé, comment maîtriser l’information, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans le cadre d’une activité professionnelle ou stratégique ?

Tel est le questionnement auquel cet ouvrage propose de répondre à travers le concept d’intelligence informationnelle .

L’enjeu est important puisqu’il s’agit d’assurer à chacun une auto-nomie de pensée, d’information et de connaissance afin de vivre librement dans la société de l’information . L’intelligence informa-tionnelle apparaît comme une réponse à cette nécessaire liberté. Le concept n’est pas nouveau. En effet, de tout temps l’homme a dû

1 Eric SUTTER, Pour une écologie de l’information , Documentaliste – Sciences de l’information, 1998, vol. 35, no 2.

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maîtriser l’information pour assurer sa survie. Toutefois, l’explosion des flux d’informations implique de développer individuellement et collectivement nos capacités de perception, de traitement, d’analyse et d’exploitation de l’information. La généralisation des techniques manipulatoires, que ce soit dans la publicité ou la communication politique, prônées dès 1928 par Edward Bernays, implique quant à elle une bonne connaissance de ces techniques afin d’en contrer uti-lement les effets. Voici ce qu’écrit notamment le père fondateur des « relations publiques », neveu de Sigmund Freud, dans son ouvrage culte intitulé Propaganda, véritable bible des communicants (les fameux spin doctors) :

« La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imper-ceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritable-ment le pays.

Nous sommes pour une large part gouvernés par des hommes dont nous ignorons tout, qui modèlent nos esprits, forgent nos goûts, nous soufflent nos idées. (…) Ce sont eux qui tirent les ficelles : ils contrôlent l’opinion publique, exploitent les vieilles forces sociales existantes, inventent d’autres façons de relier le monde et de le guider (…)

Théoriquement, chacun se fait son opinion sur les questions publiques et sur celles qui concernent la vie privée. Dans la pratique, si tous les citoyens devaient étudier par eux- mêmes l’ensemble des informa-tions abstraites d’ordre économique, politique et moral en jeu dans le moindre sujet, ils se rendraient vite compte qu’il leur est impossible d’arriver à quelque conclusion que ce soit (…)

Pour éviter que la confusion ne s’installe, la société consent à ce que son choix se réduise aux idées et aux objets portés à son attention par la propagande de toute sorte. Un effort immense s’exerce donc en permanence pour capter les esprits en faveur d’une politique, d’un produit ou d’une idée (…)

On peut critiquer certains des phénomènes qui en découlent, notam-ment la manipulation des informations, l’exaltation de la personnalité, et tout le battage de masse autour de personnalités politiques, de produits commerciaux ou d’idées sociales. Même s’il arrive que les instruments permettant d’organiser et de polariser l’opinion publique soient mal employés, cette organisation et cette polarisation sont nécessaires à une vie bien réglée. »

Tout était dit il y a un siècle. Il ne restait plus qu’à appliquer cette conception de cet ordre démocratique, devenu Nouvel ordre mon-dial en 1991, dont l’expansion sera grandement facilitée par l’essor simultané de la société de l’information née de l’explosion des tech-nologies de l’information et de la communication…

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L’utopie cybernétique d’une société idéaLe mondiaLisée

Bien que l’emploi du terme se soit généralisé récemment, la « société de l’information »2 est née de la vision de Norbert Wiener qui dia-gnostique en 1948 la force structurante de l’information et prédit qu’elle transformera la société à l’ère de l’informatique naissante. La cybernétique ouvrant des perspectives aux esprits les plus créatifs, il n’est pas étonnant qu’elle se soit trouvée au centre des plus grands romans de science- fiction. Pour autant, Wiener s’est toujours élevé contre les déclarations excessives de ses fans inconditionnels, souli-gnant le fait qu’une machine ne saurait se substituer au pouvoir de décision de l’être humain. C’est d’ailleurs à partir de cette crainte de dérives que sont produits quelques chefs- d’œuvre de la littérature d’anticipation, dont le plus célèbre est 1984 de George Orwell. Cela n’empêche toutefois pas Wiener de considérer la machine « comme un moyen de satisfaire les demandes de l’homme, comme une partie d’un système humano- mécanique. » La même année, Isaac Asimov publie I- Robot. Bienvenue dans le monde des cyborgs…

Durant cette période émerge également la théorie mathématique de la communication de Claude Shannon et Warren Weaver. Or, comme le précise Robert Boure, « il a été maintes fois relevé qu’un autre Père fondateur des sciences de l’information et de la commu-nication, Claude Shannon, a dû largement à des préoccupations très pratiques liées à sa qualité d’ingénieur chez Bell – l’amélioration sur les plans technique et économico- financier de la transmission des messages téléphoniques – la mise au point de sa célèbre théorie de l’information. » Pour Philippe Dumas, la plupart des théories de l’information reposent sur le postulat que « l’information est un objet que l’on peut mesurer, manipuler, évaluer. » Ce paradigme marquera plusieurs générations de scientifiques, notamment dans les sciences humaines qui voient là une possible légitimation au regard des sciences dures, aux dépens d’une approche humaine. L’aridité du fait technique l’emporte aujourd’hui encore, dans l’esprit scienti-fique, sur le fait social, posant aux sciences de l’information et de la communication un véritable dilemme épistémologique.

Il faut toutefois attendre quelques années avant que ce rêve « cyber-nétique » se concrétise, années durant lesquelles l’information est à la fois un enjeu stratégique et un instrument de puissance, en particulier dans le contexte de la guerre froide. Cela explique sans doute pourquoi l’avènement de la société de l’information corres-pond à la fin d’un monde, celui de l’affrontement Est- Ouest et de la menace d’une guerre nucléaire qui justifiait à elle seule la culture du secret, du complot et de la subversion.

La société de l’information pourrait dès lors apparaître comme l’ex-pression d’un idéal de paix, de savoir et de transparence que l’on retrouve dans le discours du vice- président américain Al Gore en 1994 lorsqu’il formule pour la première fois l’idée des « autoroutes de

2 Le terme est placé entre guillemets pour bien montrer qu’il s’agit d’une expression artificielle qui n’a jamais été clairement définie. Par la suite, afin d’alléger le texte, nous avons enlevé les guillemets.

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l’information. » Il y annonce un monde humaniste fondé sur les tech-nologies de l’information et de la communication : en quelques mil-lièmes de seconde, l’individu en fait le tour et plonge librement dans un « océan de savoirs » : « Ces autoroutes, ou plus précisément, ces réseaux d’intelligence répartie, nous permettront de partager l’informa-tion, de nous connecter et de communiquer comme une communauté globale. De ces connexions nous retirerons des progrès économiques solides et durables, des démocraties fortes, de meilleures solutions pour les défis globaux ou locaux, de meilleurs soins de santé et, en fin de compte, un plus grand sens de la gestion de notre petite planète. »

Limites et dangers de La société de L’information

Nous touchons là une des limites de la société de l’information qui fait de l’information un objet mesurable et un produit consommable. La société de l’information, réduite à un slogan commercial et poli-tique, perd sa substance et substitue l’infotainment, produit informa-tionnel typique de l’industrie médiatique, à une production culturelle porteuse de connaissances. Face au vide existentiel grandissant de millions de citoyens, elle instaure une angoisse nouvelle, celle de ne pas être informé, et donc d’être exclu du forum (« Comment ? Mais tu n’es pas au courant ? »). Pire, elle génère un diktat qui transforme la liberté de s’informer en une contrainte pour ceux et celles qui n’y sont pas préparés. De l’information primitive nécessaire à l’homme des cavernes au tsunami informationnel qui submerge l’espace social des sociétés modernes, la révolution est si rapide que le cerveau humain a du mal à s’adapter. De fait, l’erreur fondamentale du concept de la société de l’information, et qui se traduit par une incompréhension manifeste, est de laisser croire que l’information rend libre alors que, surabondante, elle asservit. Seule la connaissance est susceptible d’émanciper l’homme et de le sortir des ténèbres et de l’incertitude qu’elles recouvrent. Or les flux d’information sont aujourd’hui tels qu’ils empêchent le citoyen de penser et le décideur de décider. On assiste même à une forme de saturation et de rejet de l’infor-mation en ce qu’elle relève d’une idéologie technophile qui nie le fait social au profit d’une « théorie des tuyaux. » Dans la livraison de février 2013 du magazine Pour la science on peut lire : « Quantifier l’information et en faire un concept scientifique précis : tel est l’objet de la théorie de l’information, née il y a 65 ans. » On ne saurait être plus explicite sur le paradigme positiviste et l’idéologie techniciste qui semblent vouloir dominer, plus explicite sur le paradigme posi-tiviste et l’idéologie techniciste qui semblent vouloir dominer aux dépens d’une approche sociale inséparable de la communication : « On rêvait du village global, on redécouvre la tour de Babel », écrit en 2009 Dominique Wolton pour qui « informer n’est pas communiquer. »

La domination par L’information

Après la guerre du Golfe et l’avènement du Nouvel Ordre Mondial, la vision idéaliste de la société de l’information semble avoir fait long feu. Aujourd’hui, elle est non seulement réfutée comme concept,

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mais elle apparaît de surcroît pour ses détracteurs comme un sys-tème générateur d’exclusion, reposant sur une hypocrisie entretenue par le mensonge et la désinformation. Armand Mattelart y voit l’ex-pression de l’hégémonie américaine. De fait, que ce soit à travers le concept de soft power ou celui, plus brutal, de la guerre économique3, la société de l’information n’a plus le même visage. Devenue sura-bondante, il est incontestable que l’information est potentiellement une arme dont la maîtrise permet en partie de dominer le monde, suivant le concept militaire américain d’information dominance. La société de l’information apparaît dès lors comme un slogan qui masque une réalité faite de secrets, de complots et de manipula-tions au service de forces antagonistes. L’angélisme a fait place au doute, quand ce n’est pas une forme de paranoïa entretenue par le développement des moyens de surveillance généralisée. Big Brother, personnage inquiétant du roman de George Orwell4, est désormais dépassé par la réalité. En 2013, les révélations d’Edward Snowden montrent que la NSA, le service d’interception des communications américain, est en mesure d’écouter toutes les conversations indivi-duelles, téléphoniques ou informatiques, voire de piloter les caméras de surveillance du monde entier. Les États- Unis, malades de leur système de renseignement, écoutent chaque citoyen, espionnent les entreprises les plus humbles, influencent la moindre décision politique et punissent le moindre écart aux normes qu’ils imposent. En l’espace de 60 ans, ils ont effectivement démontré que la maîtrise de l’information est l’essence même de la puissance d’une nation. Mais ils ne sont pas les seuls. Les multinationales ont- elles aussi compris que la maîtrise des médias est un élément incontournable de toute stratégie de domination. Contrôler les canaux d’informa-tion, c’est maîtriser le contenu diffusé aux masses. De l’économie on passe à la guerre de l’information où tous les coups sont permis pour conditionner ces masses, emporter leur adhésion, endoctriner, embrigader pour faire voter, acheter, militer, mais également taire, interdire, censurer ou fermer les yeux.

économie et marchandisation de L’information

L’information était un enjeu de pouvoir, elle est devenue un enjeu économique et social, le symbole d’une dialectique d’indépendance ou de domination politique, culturelle ou commerciale, d’intégration ou d’exclusion.

En ce sens, la société de l’information est un véritable défi : face à la transformation du monde qu’elle entraîne inéluctablement, selon Joël de Rosnay, elle implique une évolution des individus, une modi-fication des organisations, notamment parce que leur fonctionnement est devenu inconcevable sans les NTIC5, lesquelles sont en constant renouvellement (d’où le « N »). Certes, on peut dire que l’information

3 Sur la guerre économique, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de Jean- Marc Huissoud et Frédéric Munier, La guerre économique, Rapport Anteios 2010, Presses universitaires de Grenoble. Cet ouvrage est une recension des travaux des principaux théoriciens de la guerre économique.4 George Orwell, 1984.5 Nouvelles technologies de l’information et de la communication.

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est à la portée de tous, il suffit de se l’approprier et de s’en servir, sans autre alternative. Pourtant, leur maîtrise devient un enjeu parfois angoissant : le marketing de la nouveauté constamment renouvelée oc-culte le stress d’une incessante adaptation. En définitive, les individus subissent la course effrénée à l’innovation que se livrent les entreprises au nom de la croissance. Le paradigme du progrès par l’information ne serait finalement qu’un mythe. Pour autant, ceux qui ratent les innombrables trains de nouveautés (et de marchandises) courent le risque de devenir des victimes d’une « fracture socio- numérique » dont les conséquences sont l’isolement et l’exclusion sociale.

De fait, au- delà du storytelling racontant les bienfaits sociaux de la « société informationnelle », la réalité repose avant tout sur une économie dite « de l’information », dont il semble difficile de don-ner une définition précise, tant elle semble ressortir d’un discours libéral large, suggérant à la fois la marchandisation de l’information et l’économie fondée sur le développement des NTIC. L’éclatement de la bulle Internet, en 2003, a d’ailleurs remis en perspective un ensemble de discours qui, avec le recul, tenaient plus du marketing que de la philosophie humaniste.

D’un côté, donc, l’économie de l’information repose sur son conte-nant (les technologies de l’information), et de l’autre, l’information est considérée comme une marchandise, une matière première, une ressource à haute valeur ajoutée. Cette approche économique a d’ail-leurs creusé le lit d’une sémantique, fondée sur une industrie minière elle-même en voie de disparition. Aujourd’hui, l’information remplace le charbon, on parle de « textmining », de « datamining », comme si l’on décrivait dans ces mots, après la fin des « gueules noires », l’avè-nement d’un nouvel eldorado où il faut apprendre à vivre en flairant les pièges et les dangers, mais aussi en saisissant les opportunités.

Apprendre à s’informer, apprendre à comprendre en toute liberté, tel est le but que nous nous fixons.

un manueL d’inteLLigence informationneLLe

L’information étant le plus souvent produite ou acquise, une alter-native se présente : soit dépendre des « marchandises information-nelles », soit produire ses propres informations afin d’acquérir une capacité de réflexion autonome. C’est là tout l’enjeu de l’intelligence informationnelle que cet ouvrage propose d’étudier. Il contient en effet l’ensemble des cours dispensés par l’auteur depuis dix ans à ses étudiants de Master et de MBA, à l’exception des exercices construits en situation à partir de cas réels dans le cadre d’une pédagogie active, tant il est vrai que l’intelligence informationnelle est une expérience individuelle et collective, et avant tout une décou-verte de soi et des autres. Cette expérience ne peut être acquise avec des mots, elle constitue le bagage personnel que chacun construit et emporte avec lui.

Cela dit, ce manuel constitue un mode d’emploi qui permet à cha-cun d’assurer son autonomie informationnelle. En ce sens, il se suffit à lui- même et les lecteurs avisés sauront en tirer leurs propres

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enseignements. Ils sont toutefois appelés à développer leurs propres méthodes dès lors qu’ils auront assimilé l’ouvrage et compris qu’il ne constitue pas un livre de recettes. Ici, le mot d’ordre est créativité et dépassement de soi.

L’ouvrage peut être lu selon l’ordre qui conviendra au lecteur, chaque chapitre pouvant être exploité séparément des autres. Néanmoins, l’auteur conseille aux débutants d’aborder les chapitres dans l’ordre qu’il a lui- même défini, afin de faciliter sa progression pédagogique :

Le chapitre 1 introduit la notion d’intelligence informationnelle, terme désignant à la fois une posture, une démarche, des méthodes et un état d’esprit propre à la maîtrise de l’information.

Le chapitre 2 décrit la méthodologie générale de pilotage d’un projet de connaissance stratégique, envisagé selon une approche globale et systémique.

Au chapitre 3 on abordera la méthodologie générale d’exploitation de l’information qui consiste à transformer les données en connais-sance utile.

Le chapitre 4 aborde la question épistémologique essentielle de la nature de la connaissance stratégique produite par un individu ou un groupe d’individus. On en déduira quatre postures d’analyse à partir desquelles seront construits quatre types de connaissances utiles aux décideurs.

Le chapitre 5 traite de la psychologie de l’information. Il s’agit de comprendre comment nous réagissons au contact de l’information : influence, manipulation, désinformation sont les concepts clés étu-diés dans une logique de prévention.

Le chapitre 6 explore les méthodes et outils d’analyse structurée qui permettent de traiter et exploiter l’information au quotidien selon une approche rationnelle.

Le chapitre 7 offre des exemples d’analyse structurée à partir de situations réelles.

Le chapitre 8 aborde la question délicate de l’analyse « borderline » à laquelle permet d’accéder l’intelligence informationnelle en évitant les pièges du « conspirationnisme », à travers le cas des attentats du 11 septembre 2001.

Le chapitre 9 traite du couple analyste- décideur. L’interrelation entre ces deux acteurs est le nœud gordien de l’intelligence informa-tionnelle. Sans une bonne entente et un climat de confiance, il est inutile d’espérer que la connaissance produite soit prise en compte.

Le chapitre 10 se focalise plus particulièrement sur l’analyse en situation de crise. La gestion de crise est un peu le nec plus ultra de l’analyse en situation puisqu’elle concentre l’ensemble des fac-teurs, aptitudes et compétences étudiés dans ce manuel. Exercice

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d’équilibriste par excellence, l’analyse en situation de crise nécessite une vraie maîtrise des méthodes, des outils, et des nerfs de chacun.Enfin le chapitre 11 aborde la question du métier d’analyste. Fonction centrale dans les services de renseignement, il se développe de plus en plus dans les entreprises. Sa reconnaissance, bien qu’encore très confidentielle faute de formations plus nombreuses, progresse. Il est ainsi reconnu officiellement comme un des métiers de l’intelligence économique .

En résuméL’information est comparable à la nourriture. Indispensable à la survie et au développement individuel et collectif, elle se produit, se partage et se consomme avec plus ou moins de bienfaits et de risques . À la recherche bénéfi que d’une nourriture saine s’oppose la consommation passive d’une nourriture prédigérée, sorte de malbouffe informationnelle qui asservit plus qu’elle ne libère, infantilise plus qu’elle n’éduque, anesthésie plus qu’elle n’éveille.

Face à cette malbouffe informationnelle et aux risques qu’elle comporte, il est possible de réapprendre, à travers le concept d’intelligence informa-tionnelle , à construire ses propres représentations à partir d’informations évaluées, traitées, analysées et exploitées intelligemment.

lectures recommandées

Ce manuel destiné aux professionnels et aux étudiants de troisième cycle ne contient que la matière première indispensable à la maîtrise immédiate du sujet. Bien qu’original, il s’inscrit dans un contexte bibliographique très riche sans lequel il n’aurait pas de fondements. C’est pourquoi, à la fi n de chaque chapitre, il sera proposé des ouvrages dont la lecture est jugée utile à l’approfondissement des connaissances.

D’ores et déjà, pour compléter cette introduction, il est recommandé de lire quelques ouvrages indispensables à la compréhension des phénomènes médiatiques :

– Augé E. (2007), Petit traité de propagande à l’usage de ceux qui la su-bissent, De Boeck.

– bernAys E. (1928), Propaganda, La Découverte. – bourdieu P. (1996), Sur la télévision, Raisons d’agir. – d’AlMeidA F., DELPORTE C. (2003), Histoire des médias , de la Grande guerre à nos jours, Flammarion.

– frAncArt L. (2002), Infosphère et intelligence stratégique, Economica- IHEDN. – gelArd J.P. (dir.) (2005), Médias, mensonges et démocratie, Presses uni-versitaires de Rennes.

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– gerVereAu L. (2004), Inventer l’actualité. La construction imaginaire du monde par les médias internationaux, La Découverte.

– gorius A., MoreAu M. (2011), Les gourous de la COM’. Trente ans de mani-pulations politiques et économiques, La Découverte.

– hArbulot C., Lucas D. (dir.) (2002), La guerre cognitive. L’arme de la connaissance, Lavauzelle.

– lochArd G. (2005), L’information télévisée. Mutations professionnelles et enjeux citoyens, Vuibert.

– Morelli A. (2001), Principes élémentaires de propagande de guerre, Labor. – rieffel R. (2005), Que sont les médias ? , Gallimard. – wolton D. (2000), Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias , Flammarion.

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chaPitre 1 INTELLIGENCE INFORMATIONNELLE. DÉFINITIONS ET CONCEPTS CLÉS

« Le problème de l’intelligence collective est de découvrir ou d’inventer un au- delà de l’écriture, un au- delà du langage tel que le traitement de l’information soit partout distribué et partout coordonné, qu’il ne soit plus l’apanage d’organe sociaux séparés, mais s’intègre au contraire naturelle-ment à toutes les activités humaines, revienne entre les mains de chacun. » (Pierre Lévy. L’intelligence collective)

Le concept d’intelligence informationnelle croise deux notions, celle d’intelligence comprise au sens d’aptitude, et celle d’information. Qu’entend- on concrètement par intelligence informationnelle ? Répondre à cette question revient à définir précisément une réalité sociale ainsi qu’un cadre d’activité. Nous verrons dans ce chapitre que l’intelligence informationnelle embrasse un ensemble d’aptitudes qui permettent de maîtriser son environnement informationnel à des fins stratégiques individuelles ou collectives.

i. inteLLigence et stratégie , inteLLigence stratégique

Pour Edgard Morin, l’intelligence est un « art stratégique dans la connaissance et dans l’action. » Pierre Achard et Jean- Pierre Bernat (1998) soulignent que le concept d’intelligence tient à la fois de la capacité à analyser des problèmes complexes plus ou moins rapi-dement et de la capacité à synthétiser et à créer des schémas nou-veaux. Les auteurs résument ainsi leur définition de l’intelligence : capacité d’analyse et de synthèse tournée vers l’action.La théorie des intelligences multiples de Howard Gardner (2008) met en évidence divers types d’intelligence : logico- mathématique, sociale, spatiale, verbo- linguistique, corporelle, musicale, etc. Elles sont autant d’aptitudes à penser, conceptualiser, évoquer, question-ner, exprimer, etc.Le tableau suivant est un exemple de typologie pouvant être appli-quée au domaine de l’intelligence informationnelle :

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tableau 1 – typologie de l’intelligence

Intelligence analytique

Intelligence créative

Intelligence pratique

Intelligence sociale

ObservationComparaison

JugementÉvaluationAssociation

ImaginationInventionCréativité

VisualisationSpatialisation

ApplicationVisualisationPragmatisme

ActionOrganisation

CompréhensionPartage

CommunicationEmpathie

Cet ensemble d’aptitudes peut être mis au service d’une stratégie de connaissance avec l’idée d’une utilisation intelligente de l’infor-mation.On peut ainsi définir un cadre conceptuel général à l’intelligence informationnelle, celui de l’intelligence stratégique qui peut être définie comme « l’aptitude à s’aventurer stratégiquement dans l’incer-tain, l’ambigu, l’aléatoire en recherchant le maximum de certitudes, de précisions, d’informations. L’intelligence est la vertu d’un sujet qui ne se laisse pas duper par les habitudes, craintes, souhaits subjectifs. C’est la vertu de ne pas se laisser prendre aux apparences. C’est la vertu qui se développe dans la lutte permanente et multiforme contre l’illusion et l’erreur. » (Edgar Morin, 1986)Ce cadre général fixe le domaine qui sera étudié dans cet ouvrage, celui d’un usage intelligent de l’information dans un contexte déci-sionnel complexe.

ii. L’information : un concept fLou

Alors que l’information inonde notre quotidien, Jean- Louis Le Moigne (1998) constate « l’inextricable complexité » de ce concept. L’absence de définition précise dans la littérature scientifique témoigne de cette complexité et finalement de la polysémie du terme.En parcourant la littérature, on constate deux domaines de défini-tion de l’information : l’information- donnée héritée de la cyberné-tique (Norbert Wiener) et l’information- connaissance qui caractérise l’approche sociologique (Edgar Morin).

L’information- donnée

La notion d’information est difficilement séparable de la notion de donnée. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que la théorie de l’informa-tion et de la communication de Claude Shannon (1948) considère l’information en tant que donnée quantitative dans le processus de communication. Cette quantité d’information, dont l’unité exprimée est le logon, est considérée comme un fluide, au sens thermody-namique, et étudiée selon une approche énergétique. Pour Pascal Petit (1998), « la notion d’information renvoie de prime abord à tout ce qui, dans notre environnement, est perceptible et transmissible à autrui, soit, dans le langage de la cybernétique, tout ce qui permet de positionner les systèmes. » L’information est donc, à l’origine, une donnée analysée quantitativement à travers des systèmes. On parle également de signal au sens radioélectrique du terme. On atteint

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ici la limite de l’approche cybernétique qui ignore le contenu signi-fiant de l’information (la sémantique) au profit de son contenant (l’informatique).Pour Michel Ferrary et Yvon Pesqueux (2007), une donnée est le résultat d’un processus d’acquisition. Elle est quantitative ou qualita-tive, mais n’est pas censée soutenir une intention. Pour les auteurs, une donnée n’a qu’une signification, mais elle n’a pas de sens en elle- même. En somme, une donnée est un objet théoriquement inerte, mais intrinsèquement signifiant. L’information- donnée ou donnée informationnelle est par conséquent un contenu significa-tif élémentaire disponible dans un espace de communication. Pour filer la métaphore, une donnée est en quelque sorte un atome ou une molécule informationnelle qui est transmis et capté volontai-rement ou non.En pratique, le statut de donnée n’est pas séparable de celui qui la recueille à travers un processus d’identification, de sélection, de validation, voire de hiérarchisation (urgence, importance). C’est pourquoi Philippe Baumard et Jérôme Ibert (2007) parlent même d’un faux ami. Pour eux, « rien n’est moins donné qu’une donnée ! » La sélection et l’arrangement des données, que ce soit lors de leur transmission ou bien dans une démarche de recueil, ne sont donc pas neutres. Ils répondent à des situations spécifiques derrière les-quelles résident des intentions (ce que je veux bien transmettre, ce que je transmets sans le vouloir, ce que je reçois, ce que je ne veux pas entendre, etc.). Cette intentionnalité pèse directement sur le sens qui peut émerger d’un ensemble de données et que l’on appelle l’information.En outre, il convient de préciser que pour un analyste, une donnée peut être un ensemble d’informations, voire un corpus de connais-sances (état de l’art de ce que l’on sait sur une question, un pro-blème, une situation). On parle alors de données secondaires, à la différence des données primaires directement recueillies (mesure, données chiffrées issues d’enquêtes statistiques, témoignage fac-tuel). Les données secondaires sont le fruit d’un travail (computation, agrégation) et de ce fait elles sont déjà manipulées et transformées en information.La notion de donnée prise au sens large désigne un intrant dans le système cognitif de l’analyste ou du décideur. en ce sens, du point de vue de l’intelligence informationnelle, toute information ou connaissance transmise prend immédiatement le statut de donnée. ce principe est fondamental pour comprendre d’une part, le regard que portera l’analyste sur le corpus d’informations mis à sa disposi-tion et d’autre part, les phénomènes d’appropriation par le décideur des connaissances produites par l’analyste (voir chapitre 9).

L’information- connaissance

Dans un sens plus large, une information est ce qui est « donné à connaître » à autrui. En tant que telle, elle contribue à la construction de représentations mentales et devient un vecteur de savoir et de connaissance. Elle peut être une donnée factuelle brute, c’est- à- dire le produit d’une mesure quantitative (« il fait 0° Celsius »), une donnée qualitative subjective (« il fait très froid »), ou une donnée qualitative objective (« il fait plus froid qu’hier »).

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De ce point de vue, l’information est ce qu’on en fait, c’est- à- dire un ensemble de données dont la mise en perspective induit une représentation sociale plus ou moins cohérente.Les sciences humaines ont naturellement considéré l’information dans sa relation avec la connaissance en tant que construit social. Les définitions associées sont résumées dans celle de l’Unesco (citée par Pierre Brouste et Dominique Cotte, 1997) : « éléments de connais-sances, susceptibles d’être représentés afin d’être conservés, traités, communiqués. » La définition est ainsi reprise dans les dictionnaires usuels. Guy Durandin (1993) la définit d’une façon générale comme la « transmission d’une connaissance à autrui. » Alex Mucchielli (1973) précise qu’il s’agit d’une « connaissance effective obtenue par recherche, observation ou étude. » Cette notion d’élément de connais-sance implique celle d’agrégation, d’abord séquentielle puis com-plexe, d’éléments séparés soit physiquement, soit temporellement et susceptibles d’être réunis en vue de constituer une connaissance. L’idée de processus est implicite : on pressent la nécessité d’exploiter l’information en tant que combinaison d’une forme, d’une structure et d’une signification, selon la définition du Petit Robert, pour la trans-former en connaissance. Pierre Brouste et Dominique Cotte (1997) ajoutent qu’« il ne peut y avoir d’informations brutes, l’information n’est pas le fait en soi, mais déjà la mise en forme d’un fait. Elle est forcément produite, du moins potentiellement pour un destinataire quelconque, induisant la notion de communication. » Ainsi, « Une information est le résultat d’un processus de mise en forme et de matérialisation visant à communiquer un fait ou un ensemble de faits à un public donné. » Finalement, Edgar Morin (1995) déplace le champ cognitif de l’information qu’il renvoie à une dimension téléologique : « l’information est ce qui, pour un observateur ou récepteur placé dans une situation où il y a au moins deux occurrences possibles, dénoue une incertitude ou résout une alternative, c’est- à- dire subs-titue du connu à de l’inconnu, du certain à de l’incertain. »La connaissance désigne dès lors un état sociocognitif résultant de la mise en cohérence d’informations et de la validation d’une représen-tation mentale (individu) ou sociale (groupe) à un moment donné. La connaissance est activable en fonction d’une finalité, d’une intention ou d’un projet (Jean- Yves Prax, 2007). On parlera de connaissance actionnable (voire chapitre suivant). La notion de connaissance implique une idée de construction sociale qui se caractérise par sa dynamique continue. Elle est une remise en cause permanente des acquis (savoirs), supposant leur mise à jour continue et par consé-quent une posture de veille ininterrompue. À défaut, la connaissance que l’on a d’un sujet s’émousse, se fane, devient obsolète. En ce sens, la connaissance, en tant que finalité de l’intelligence informa-tionnelle, est par nature stratégique. L’intelligence informationnelle est par conséquent consubstantielle de l’intelligence stratégique.

iii. information factueLLe vs information événementieLLe

Si la référence factuelle a longtemps été le socle de nos représen-tations de la réalité, elle n’est plus aujourd’hui tout à fait pertinente en matière de management de l’information. On constate en effet un

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glissement du socle factuel de l’information (« des faits, rien que des faits ») vers l’événementiel (« l’événement à la une »). Ce glissement implique la prise en compte non des réalités factuelles de nature statique, mais des réalités événementielles de nature dynamique.Voici la définition que l’on peut donner de ces deux notions :

• fait : réalité sensorielle matérialisée (ce qui est arrivé). phénomène élémentaire observable qui peut être objectivé,

• événement : expression d’une réalité sociale subjective dont l’origine n’est pas obligatoirement factuelle (ce dont on parle). phénomène communicationnel complexe subi par l’observateur (perte de l’objectivité).

L’information se distingue ainsi par sa nature factuelle ou événe-mentielle. L’approche choisie sera déterminante en termes de com-préhension des situations, autrement dit de décision à prendre.L’information factuelle est soit une donnée que l’on peut introduire dans les systèmes d’information, soit un événement au sens mathé-matique. Dans les deux cas, il s’agit d’une donnée simple d’un phénomène réalisé (les spécialistes du renseignement parlent de renseignement brut).L’information événementielle repose sur une relation complexe entre les données (vérifiées ou non), leur médiatisation, leur cogni-tion sociale et leur impact affectif.En se référant au factuel, le décideur réduit sa perception des situations à un ensemble d’indicateurs statiques de faits bruts sur lesquels repose un processus de décision rationnel. La réa-lité ainsi construite repose sur un choix cartésien qui ne prend pas en compte les éléments non rationnels à la fois subjectifs et dynamiques. Il en découle une représentation schématique des situations appelant des décisions tout aussi schématiques, donc inadaptées.Exemple : en octobre 2005, deux adolescents s’électrocutent dans un local de transformateur à Clichy- sous- Bois. Immédiatement, les jeunes de la cité accusent les policiers d’être responsables de leur mort, ce qui a pour effet de déclencher des émeutes. Les autori-tés tentent dans un premier temps d’établir une vérité factuelle pour rétablir le calme. En vain. Très vite les émeutes se propagent et créent un climat insurrectionnel qui conduit le gouvernement à décréter l’état d’urgence. Dans cet exemple on voit bien que le traitement factuel n’est pas adapté, les événements n’étant fina-lement que peu liés aux faits initiaux. L’accident et l’intervention des policiers cachent une réalité d’une tout autre dimension pour laquelle l’analyse factuelle n’apporte pas de réponse. C’est un peu comme si, pour traiter un incendie de forêt, on commençait par chercher le pyromane…

iv. définitions de L’inteLLigence informationneLLe

L’intelligence informationnelle repose sur une définition large de l’intelligence, on l’a vu, entendue comme une triple capacité indivi-duelle ou collective à comprendre, s’adapter et communiquer avec

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son environnement, quelle que soit sa nature (familial, professionnel, stratégique). À cette triple capacité peut s’ajouter celle de transfor-mer positivement l’environnement, c’est- à- dire dans l’intérêt des acteurs concernés.La première définition de l’intelligence informationnelle a été don-née au Canada par Diane Poirier (2002) : « ensemble d’habiletés permettant d’identifier quelle information est nécessaire, ainsi que de localiser, d’évaluer et d’utiliser l’information trouvée dans une dé-marche de résolution de problème aboutissant à une communication de l’information retenue et traitée. Cet ensemble peut aussi se présen-ter comme une série de compétences qui permettront à l’individu de survivre et d’avoir du succès dans la société de l’information. » Diane Poirier se référait à la définition de l’American library association (1989) : « être compétent dans l’usage de l’information signifie que l’on sait reconnaître quand émerge un besoin d’information et que l’on est capable de trouver l’information adéquate, ainsi que de l’éva-luer et de l’exploiter. » Initialement, l’intelligence informationnelle émerge dans le contexte de l’accès et des usages des technologies de l’information et de la communication. Elle suggère une démarche maîtrisée d’identification de besoins, de recherche et d’exploitation d’informations, s’appliquant en premier lieu aux individus quel que soit leur âge et par extension, aux organisations.Les compétences requises en matière d’intelligence informationnelle peuvent être résumées de la manière suivante (Poirier, 2002) :

– Diagnostiquer et formuler ses besoins en information. – Identifier les ressources ou outils pour trouver cette information. – Élaborer des stratégies de recherche d’information. – Effectuer des recherches d’information en exploitant au mieux

les technologies disponibles. – Évaluer et sélectionner les résultats d’une recherche d’informa-

tion. – Organiser et gérer l’information retenue. – Intégrer l’information nouvelle à ses connaissances actuelles. – Communiquer et utiliser l’information de façon éthique. – Exercer une veille informationnelle pour se tenir à jour.

Cette définition ne reflète toutefois pas la nature dynamique du processus de connaissance actionnable. En 2005, l’intelligence informationnelle est finalement définie comme « une capacité indi-viduelle et collective à comprendre et résoudre les problématiques d’acquisition de données et de transformation de l’information en connaissance opérationnelle, c’est- à- dire orientée vers la décision et l’action » (Franck Bulinge et Serge Agostinelli, 2005). Elle s’appuie sur les notions d’autonomie informationnelle, de culture de l’infor-mation, d’espace cryptique (Franck Bulinge, 2002) et d’écologie de l’information (Pierre Gandonière, 2001).

v. dépendance vs autonomie informationneLLe

La société de l’information, dans sa perspective économique, mais également politique, génère un phénomène de dépendance

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informationnelle auquel se trouvent confrontés les individus et les organisations. Comme le précise Philippe Dumas (1991), « l’autono-mie est l’affirmation d’une personnalité et d’une individualité, d’une identité de l’individu ou du groupe. Elle se construit par et contre la dépendance à l’environnement ou à d’autres êtres. » Dans cette pers-pective, la question se pose de savoir s’ils doivent rester dans une logique de soumission à une information toute prête produite par les médias ou, au contraire, s’ils doivent développer leur capacité de collecte et de traitement en vue d’atteindre un niveau d’autonomie leur permettant d’assumer à moindre risque les décisions qu’ils sont amenés à prendre. En fait, il s’agit de mesurer le risque de la dépen-dance, mais également le « prix » de l’autonomie informationnelle. Dans cette perspective, il convient d’étudier les facteurs de risques et les difficultés auxquels se trouvent confrontés quotidiennement les acteurs socio- économiques dans le domaine de l’information.Avec la société de l’information, nous sommes passés d’un discours utopique à une réalité politique et économique aux contours encore flous, tout en franchissant un point de non- retour : toutes les parties prenantes agissent dans le même sens et leurs actions respectives se renforcent, comme le montre le développement exponentiel des technologies de l’information et de la communication.C’est dans ce contexte, à la fois incertain et très dynamique, que les individus et les organisations sont invités à prendre conscience de leur vulnérabilité au regard de la dépendance informationnelle. il devient indispensable, pour la liberté des uns et la survie des autres, non seulement de développer leur propre système de pro-duction d’information, mais également d’adopter une attitude vigi-lante vis- à- vis de leur environnement informationnel. c’est ce que nous désignons sous le terme d’« autonomie informationnelle » qui suppose un rapport maîtrisé à l’information.

vi. cuLture informationneLLe

L’information n’est pas une matière neutre. Elle touche au pouvoir, à la stratégie et au fonctionnement de l’organisation. De son utilisa-tion, de son partage dépendent donc les performances de l’organisa-tion. Or les facteurs culturels essentiels, tels que personnalité, style de management, croyances, usages, histoire, valeurs, influencent le contenu de l’information, mais également les comportements et les usages.L’intelligence informationnelle repose sur ce substrat culturel. Bien que la notion de culture de l’information reste vague, elle sug-gère néanmoins la notion d’usage naturel ou de recours spontané à l’information en tant que de besoin. Cette culture suppose une reconnaissance de l’information comme support utile à la décision (Philippe Dumas, 1991), ainsi que son usage habituel. Elle appelle rapidement l’idée d’une maîtrise de l’information, autrement dit d’une aptitude naturelle ainsi qu’une dynamique d’apprentissage des usages informationnels. En ce sens, la culture de l’information n’est pas donnée, mais acquise, son développement collectif dépend de la richesse des usages et de la qualité de leur transmission.Au niveau individuel, la culture informationnelle influence directe-ment l’accès aux connaissances (dimension pédagogique de l’infor-mation), mais également la compréhension et la hiérarchisation de

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l’actualité (généralement constatée chez les étudiants arrivant en cours d’analyse).Au niveau managérial, la culture de l’information joue un rôle de premier plan dans la prise en compte de l’information dans les processus de décision. On le constate très nettement dans le cas des situations de crise où certains manageurs sont rapidement dépassés par la gestion de l’information, par manque de formation et d’entraînement.de fait, la culture ne se décrète pas, elle est une construction sociétale qui s’inscrit dans le temps long de l’éducation et de la transmission des valeurs et pratiques. L’évolution de la culture in-formationnelle passe donc en priorité par la formation des futurs acteurs économiques.

focus : cuLture française et management de L’information

La lecture des dimensions culturelles développées par Geert Hofstede, montre que la culture française se caractérise par :

– Une forte distance hiérarchique qui se traduit par un phénomène de distanciation entre la classe dirigeante et le reste de la po-pulation, entraînant des organisations formelles et pyramidales. L’information, dans ce contexte d’essence bureaucratique, est conçue de manière parcellaire, elle est de nature technique ou opé-rationnelle et ne circule que dans le cadre du travail productif. La communication est réduite au minimum nécessaire, elle est vécue comme un système monolithique qui consiste d’un côté à donner des ordres et, de l’autre, à rendre compte. Cette situation favorise un conflit latent reposant sur une défiance mutuelle entre dirigeants et dirigés. Ce système génère des comportements de repli dus aux frustrations entretenues par la mise à l’écart des acteurs au niveau inférieur de la pyramide. Ces comportements se traduisent par une non- participation à ce qui n’est pas du domaine explicite des compétences. La rétention de l’information procède de cette non- participation et constitue autant de barrages et de retenues à la circulation du fluide informationnel au sein de l’organisation.

– Un fort contrôle de l’incertitude qui se traduit par une tendance à ne pas prendre de risques et à ne pas accepter le changement organisationnel, ainsi que par la recherche de comportements rationnels et l’adoption d’approches normatives.

– Un individualisme fort lié à une difficulté à faire confiance aux autres et qui se traduit par un faible sentiment d’appartenance au réseau social et par des divisions, la défense d’intérêts parti-culiers et un frein à l’action collective.

– Une sensibilité qui privilégie la recherche du bien- être aux dé-pens des mauvaises nouvelles qui sont plutôt mal accueillies.

Le trait est certes caricatural et relève d’une généralisation abu-sive. Néanmoins, il rejoint ce que la plupart des auteurs soulignent lorsqu’ils décrivent les traits de caractère de la culture française. Il s’ensuit que cette culture est un frein aux usages stratégiques de l’information et de la connaissance. En France, au xxie siècle, il est

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encore courant d’entendre que « l’information c’est le pouvoir et que le pouvoir ne se partage pas. »Il existe toutefois un paradoxe dans le fait que les Français soient tout aussi prompts à la rétention d’information stratégique qu’au colportage de ragots et des rumeurs. Il semble ainsi, mais ce n’est qu’une hypothèse à laquelle il faudrait confronter le rôle des médias eux- mêmes, qu’ils soient plus réceptifs aux informations « frivoles » qu’à la recherche et au partage d’une connaissance utile. On peut en effet avancer que les médias nourrissent le public d’informations futiles (l’infotainment) afin de fournir du « temps de cerveaux dispo-nible à Coca- Cola », comme le déclarait le patron de TF1. D’autres prétendent que cet appauvrissement intellectuel procède d’un plan mûrement réfléchi d’asservissement des masses, c’est ce qu’on appelle une théorie conspirationniste.

vii. L’écoLogie de L’information

De fait, la surproduction de l’« information marchande » ne garantit plus la qualité de l’information nécessaire à la prise de décision. La banalisation de la désinformation a engendré des logiques floues et se caractérise par l’apparition de zones grises mal identifiées, difficiles à cerner et à circonscrire, « domaines de la stratégie où s’effacent la distinction entre ce qui est politique et économique, criminel et idéologique, national et international, privé et public, mili-taire et civil, guerre et paix » (François- Bernard Huyghe, 2001). Dans ces zones floues naissent les théories du complot, la suspicion, le doute et l’incertitude. Paradoxe de la société de l’information, la désinformation, en se généralisant, devient un véritable facteur de pollution intellectuelle.Ainsi faut- il souligner les dangers que représente une information élaborée dans le cadre d’une société de l’info- consommation. Il n’est pas anodin de voir émerger une analogie sémantique entre l’infor-mation et les produits alimentaires. Cette analogie traduit assez bien les dérives de la production d’information « consommable » qui comporte tous les risques d’intoxication liée à « l’information fatale », contrairement à l’information dite « à valeur ajoutée » qui résulte justement d’une sélection et d’un traitement (analogie à la station d’épuration). Ainsi, face à l’« infopollution » (Yasmina Zellouf et al., 2000), il devient indispensable de développer une politique individuelle et collective d’assainissement de l’environnement infor-mationnel. Cette politique passe par une prise de conscience des réalités de cet environnement. Pierre Gandonnière (2001), évoquant les premiers pas vers une « écologie de l’information », considère les systèmes d’information comme des écosystèmes, l’information comme une nourriture ou une ressource et les phénomènes de production- consommation comme des interactions complexes. Dans un discours prononcé au Forum social mondial de Porto Allegre en février 2002, Ignacio Ramonet déclare : « L’information, en raison de son hyperabondance, est devenue, littéralement, le cinquième élément (avec l’air, l’eau, la terre et le feu), et, comme les quatre autres, elle est aussi polluée, contaminée. D’où la nécessité d’une véritable écologie de l’information. Afin de la débarrasser des men-songes, des manipulations, de la propagande, des bidonnages… » L’écologie de l’information, comprise au sens de domenico scavetta,

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comme l’étude du milieu de vie et du rapport entre les êtres vi-vants et leur environnement (Eric Sutter, 1998), peut être envisa-gée comme une discipline au sens d’hygiène de vie, une voie vers l’indépendance des individus et des organisations dans la société de l’information. Elle apparaît comme un élément fondamental d’un processus d’éducation sur lequel repose l’intelligence information-nelle (Edgar Morin, 1999). Interrogeant la notion de surinformation au regard du paradigme du progrès, Pascal Frion (2009) se réfère au « bombardement informationnel » (Joël de Rosnay, 2006), admet l’existence d’une surinformation, met en évidence des postures réac-tives d’évitement, et prône finalement un « refus méthodologique et temporaire de l’information » (Pascal Frion, 2010) dont l’objet est de reprendre l’initiative sur l’information.

viii. notion d’espace cryptique : une territoriaLisation du secret

La société engendre toutes sortes de secrets : religieux, politiques, professionnels, secrets de fabrication, secrets de familles. Si « le secret est inscrit en profondeur dans les sensibilités et les pratiques sociales contemporaines » (Alain Dewerpe, 1994), pour Yves- Henri Bonello (1998), il a un corollaire : « la curiosité, qui est un désir de savoir, s’inscrit au plus profond de la nature humaine. (Elle) est un mouvement de la vie d’égale valeur et de force équivalente au secret. » Pour Pierre Catala (1997), l’espace du secret trouverait sa légitimité dans l’opposition nécessaire à un idéal de transparence, invoquant à cela dix raisons : « la sûreté de l’État, la défense de nos armes, la protection des investissements et des inventions, la paix des familles, l’intimité des personnes, la liberté de conscience, la confiance des patients, des justiciables, des fidèles dans leurs médecins, avocats et confesseurs. » La société de l’information fixe néanmoins les limites de la transparence avec l’établissement des règles portant sur le droit de la vie privée, car, pour Bonello (1998), « la transparence est le déni de l’intime. » En ce sens, elle établit les règles du secret professionnel et du respect des infor-mations personnelles (code civil, article 9 et loi informatique et liberté). On constate toutefois une régression sensible du secret due notamment au développement du partage d’informations sur les réseaux sociaux. L’affaire Wikileaks constitue à cet égard un cas de référence.Dans les espaces sociaux que constituent la vie privée, le travail, la nation, le secret fonde des territoires. Cette notion de territorialité est à l’origine d’un antagonisme entre le droit de protéger une connais-sance et la revendication d’un droit à la transparence. Pour Huyghe (2001), il n’est pas de secret sans l’autre, repoussé et hostile. Ainsi le secret est à l’origine de relations antagoniques et conflictuelles : la conquête et la défense de ces territoires engendrent des interactions, au sens des multiples opérations de rétention, observation, dissi-mulation, révélation, pénétration, et constituent l’essence même de l’activité de renseignement. Bonello évoque les situations du secret à propos desquelles on légifère : secrets d’État, secrets d’être (secret professionnel, secret de la confession), ou secrets d’avoir (secrets économiques, secrets de fabrication). Pour l’auteur, « ces situations

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de secret se trouvent au centre de disputes et de jugements critiques, à l’articulation des relations, du monde intérieur du sujet et de son émergence sociale, à la frontière de la clandestinité du moi et de sa transparence. »

figure 1. Les territoires ou situations du secret

Les espaces clos du secret sont des sphères sociales à l’intérieur desquelles le secret est échangé et utilisé librement. Par référence au lieu de l’initiation du secret, symbolisé par le sanctuaire ou la crypte, la notion d’« espace cryptique » est définie comme un espace de communication du secret à l’intérieur duquel l’individu se trouve déchargé des obligations et des contraintes de protection du secret (franck bulinge, 2002).L’intelligence informationnelle repose sur la prise en compte de ces espaces cryptiques dans le cadre de la préservation et du respect des informations protégées (propriété intellectuelle, secrets industriels). Elle fixe les limites au- delà desquelles le recueil et l’exploitation d’information sont non éthiques ou illégaux. Ainsi, pénétrer sciem-ment un espace cryptique est illégal, y collecter des informations constitue un acte d’espionnage. Il ne s’agit pas ici de prescrire une conduite, mais bien de connaître « le code de la route. »A contrario, l’intelligence informationnelle ne nie pas la nécessité du secret. La notion même de stratégie suppose de protéger la confi-dentialité des intentions et des moyens. Dans nombre de cas, le secret est la condition même de la réussite. Éventer le projet de commercialisation d’une invention serait suicidaire dans un contexte de course technologique. Donner à connaître à ses adversaires son plan de bataille revient à lui céder la victoire. L’intelligence infor-mationnelle n’est donc pas une démarche naïvement démocratique fondée sur un humanisme forcené. il s’agit bien d’une posture fon-dée sur la maîtrise de l’information dans le cadre d’une stratégie à mettre en œuvre.

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En résuméL’intelligence informationnelle n’est pas un concept éthéré. Plus qu’un état d’esprit, c’est une posture proactive indispensable pour qui veut prospérer durablement dans la société de l’information. Elle met en jeu notre capacité à développer une culture basée sur la gestion écologique de l’environnement informationnel. Elle réaffi rme le droit pour chacun de s’informer librement et de construire le socle d’une connaissance saine indispensable à la prise de décision.

lectures recommandées

– bulinge F. (2002), Pour une culture de l’information dans les PMO : un modèle incrémental d’intelligence économique , Thèse de doctorat en SIC, Université de Toulon et du Var, http://storage.canalblog.com/57/98/470356/84707700.pdf, chapitres 1 et 7.

– bulinge f., Agostinelli S. (2005), L’analyse d’information : d’un modèle indi-viduel à une culture collective. Management et Communication pour une économie de la connaissance, Revue R3I, www.revue- r3i.net

– gAndonniere P. (2001), « Premiers pas vers une écologie de l’information », in Actes du colloque La communication d’entreprises, Nice, décembre 2001.

– guyot B. (2011), Introduction à l’ingénierie documentaire et aux sciences de l’information, INTD-CNAM, http://hal.inria.fr/docs/00/66/52/67/PDF/T12- Guyot_Introduction.pdf

– sutter E. (1998), Pour une écologie de l’information, Documentaliste Sciences de l’information, vol. 35, no 2, http://www.adbs.fr/pour- une- ecologie- de- l- information- 13455.htm?RH=REVUE

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chaPitre 2 PILOTER LE PROJET DE CONNAISSANCE STRATÉGIQUE

« L’intelligence peut être reconnue d’abord comme art stratégique dans la connaissance et dans l’action. » (Edgar Morin. La méthode. Connaissance de la connaissance.)

L’adjectif stratégique peut paraître galvaudé. S’il est vrai qu’initiale-ment la stratégie désigne l’habileté d’un général à diriger et conduire ses forces vers la victoire (l’art de la guerre), le terme a par la suite été utilisé dans les entreprises pour désigner la mise en œuvre des ressources pour atteindre des objectifs. Sa démocratisation conduit aujourd’hui à considérer la stratégie comme une habileté individuelle et collective à mobiliser et mettre en œuvre des ressources afin de réussir un projet. Dès lors, la connaissance stratégique s’inscrit dans le cadre d’une mobilisation de moyens et implique des probléma-tiques managériales. Il s’agit d’organiser et mettre en œuvre, dans le cadre d’un projet stratégique, la collecte, l’exploitation et l’échange d’informations, le transfert et le partage des connaissances.

i. principes généraux

Le cycle du renseignement comme modèle fonctionnel

La théorie classique du renseignement et de l’intelligence écono-mique repose sur le modèle du cycle du renseignement . Ce cycle représente une approche planifiée du management de l’information qui part de l’expression d’un besoin, passe par la recherche, le traitement et l’analyse des données, et se termine par la diffusion d’informations dûment validées et considérées comme fiables.

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La figure ci- dessous illustre bien ce modèle :

figure 2. Le cycle du renseignement, d’après maurice faivre1

On y voit une organisation hiérarchisée autour d’une dialectique besoin/satisfaction et reposant sur l’idée d’une planification préa-lable, d’une animation des ressources, d’une exploitation et d’une diffusion des renseignements obtenus. Le modèle, né de la bureau-cratisation du renseignement à la fin du xixe siècle, n’a pas évolué durant le xxe siècle. Il repose essentiellement sur le traitement de l’information documentaire nécessaire à la planification straté-gique ainsi qu’à un usage opérationnel (cartes, connaissances des structures et des fortifications adverses). De fait, il a été facilement adapté au concept de veille qui se définit comme la recherche et l’exploitation d’information documentaire. C’est son aspect résolu-ment bureaucratique qui a rendu ce modèle rédhibitoire. Il ne cor-respond plus, en effet, à la réalité d’aujourd’hui, où la planification ne répond plus à la dynamique des situations, devenues extrême-ment volatiles en raison des ruptures stratégiques, économiques, technologiques et sociales.

1 Faivre M., « Le renseignement militaire dans la guerre du Golfe », La guerre du Golfe, Stratégique no 51/52, 3e et 4e trimestre 1991, Paris, FEDN.

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Les travaux sur l’intelligence économique ont permis de faire évoluer le modèle et de l’adapter aux problématiques d’entreprises. On est passé d’une représentation statique à une représentation dynamique visant la transformation continue des informations- données en info- connaissances ou « connaissances actionnables. »

figure 3. Le cycle de la veille

Cette dynamique est importante puisqu’elle redéfinit l’activité de veille et la replace au cœur du processus décisionnel. Comme le montre le schéma suivant, la démarche s’inscrit dans une logique globale d’évaluation des opportunités et des risques qui se traduit en termes de capacités et d’options aboutissant à des choix stra-tégiques.

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figure 4. Le cadre de l’analyse stratégique

nature et temporalité de la connaissance

L’idée d’une connaissance utile à construire implique de distinguer la nature de cette connaissance à travers sa destination, ainsi que l’échelle de temps dans laquelle elle s’inscrit. Cette réflexion per-met notamment de favoriser l’organisation d’un service de rensei-gnement ou d’intelligence économique. Le tableau suivant expose les différentes destinations du renseignement militaire ainsi que la temporalité de l’exploitation et la durée de vie du renseignement. Cette notion de temporalité est importante dans la mesure où chaque situation de renseignement n’appelle pas le même temps d’exploi-tation. De la même manière, la durée de vie du renseignement, autrement dit sa validité et son utilité dans le temps varient en fonction de sa destination.

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tableau 2 – typologie du renseignement par destination

type de renseignement

nature, temporalité et durée de vie

documentation Produit de synthèse textuel et graphique générale-ment diffusé sous forme de rapport sur une théma-tique spécifique, par exemple le potentiel militaire adverse. Il se caractérise par une durée de vie relati-vement longue et par un niveau de traitement de rou-tine ; il est le produit d’un travail de fond qui permet notamment d’alimenter des bases de données et de détecter d’éventuels écarts symptomatiques d’une évolution. À la base du renseignement stratégique, il permet d’élaborer des études prospectives telles que les doctrines d’emploi des forces, les perspectives économiques, l’évolution de la prolifération des armes dans le monde ou, plus simplement de dessiner des cartes d’état- major. La temporalité de l’exploitation est caractérisée par la permanence et le temps disponible. La durée de vie est longue.

alerte Permet de détecter les variations annonçant les rup-tures situationnelles. Sa temporalité repose sur une veille permanente à partir d’indicateurs d’alerte ou de seuils situationnels définis, au- delà desquels débu-tent les crises. La durée de vie est courte.

situation ou crise Il vise l’analyse de phénomènes d’actualité et des op-tions envisageables à court terme. Sa temporalité s’ins-crit dans le présent, la durée de vie des crises étant relativement courte, ainsi que dans un futur proche.

opérationnel ou de théâtre

Il s’inscrit dans une logique d’action. Il a pour objectif de connaître en temps réel les activités adverses. Il se différencie en trois catégories de renseignement : le renseignement de combat qui concerne les unités « au contact », le renseignement d’objectif, qui vise l’exé-cution de missions et d’opérations ponctuelles, enfin le renseignement de manœuvre qui permet aux déci-deurs d’anticiper les manœuvres. Sa temporalité est limitée à la durée des opérations, sa durée de vie est courte.

sécurité Il permet de renseigner les décideurs sur les me-naces qui pèsent sur l’organisation et sur les vulné-rabilités des systèmes (commandement, contrôle, communications, renseignement) et des personnes (enquêtes de sécurité à l’encontre des personnels). Le renseignement de sécurité comprend les activités de contre- espionnage et de protection des personnes et des sites sensibles. Ce type de renseignement est permanent.

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une approche centrée projet

Face aux nouveaux enjeux de la société de l’information où les phénomènes sont interdépendants, il est nécessaire d’envisager le management de l’information comme une approche systémique de résolution de problèmes et de production de connaissances utiles à la décision. Cette démarche s’inscrit dans une logique de projet, comme l’illustre la figure suivante :

figure 5. L’intelligence stratégique dans une logique de projet

Ainsi envisagée, la maîtrise de l’information suppose une approche globale et non linéaire. L’analyste devient un chef de projet. Il doit dès lors construire un modèle méthodologique adapté à la problé-matique. Chaque situation d’analyse étant a priori différente, cette étape nécessite une réflexion spécifique en fonction de l’objectif à atteindre. C’est d’ailleurs ce type de démarche créative qui donne tout son sens à la notion d’intelligence informationnelle car, comme le précise Pascal Frion (2009), « Nous ne sommes plus dans une si-tuation d’analyse récurrente de l’information, mais plutôt dans une résolution de problème ponctuelle. »La maîtrise de l’information stratégique peut ainsi se résumer à deux objectifs :

– résoudre des problèmes : répondre aux questions que se posent les décideurs

– produire des connaissances actionnables : transformer l’informa-tion en support décisionnel

notion de connaissance actionnable

Le terme exploitation suggère la notion d’exploitabilité de l’informa-tion comme support décisionnel. En très simple, il s’agit de répondre aux questions classiques suivantes : quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?, auxquelles les Anglo- Saxons ajoutent deux questions pragmatiques : so what ? And now what ? La réponse à ces questions constitue ce qu’ils appellent actionnable knowledge et que nous appelons connaissance actionnable ou opé-rante. Elle peut être évaluée au regard des critères suivants :

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– Pertinence : apporte- t-elle une réponse à un besoin exprimé ou non du décideur ?

– Ponctualité : arrive- t-elle au bon moment dans le processus déci-sionnel ?

– « Transférabilité » : son appropriation par le décideur est- elle possible ?

– Intégrabilité : la connaissance est- elle « soluble » dans le pro-cessus de décision ?

– Utilité : apporte- t-elle une valeur ajoutée au processus de décision ? – Efficacité : son apport est- il décisif ?

La bonne gestion de cette connaissance constitue, au sens britan-nique du terme, l’intelligence stratégique. Dans cette perspective, le décideur se positionne temporellement dans une « fenêtre déci-sionnelle », fusionnant la connaissance produite (explicite) avec son propre système de représentation (implicite).il s’agit par conséquent d’accepter une activité dont les limites sont connues et assumées tant par l’analyste que le décideur. selon ce modèle, la connaissance actionnable est nécessairement incom-plète, l’objectif étant de coproduire la connaissance optimale à partir de laquelle l’incertitude atteint un point minimum et où, à défaut d’une vision parfaitement claire, la connaissance implicite du déci-deur est fertilisée par une connaissance explicite mise à jour pour la circonstance.

ii. méthodoLogie de projet

La méthodologie préconisée envisage l’exploitation comme un pro-cessus dynamique global, au sens où il ne s’agit pas d’une simple étape de production de connaissances, mais bien d’une approche englobant l’ensemble du projet de connaissance visant à résoudre un problème informationnel dans le cadre d’une logique décisionnelle. Cette méthode introduit l’idée d’une interdépendance des acteurs, pratiques, méthodologies et techniques. En étant centrée sur une problématique, elle permet d’avoir une vision d’ensemble et de pilo-ter le dispositif en temps réel (voir l’approche en système- cible).Les principes retenus sont les suivants :

– Une approche globale : l’exploitation n’est pas déconnectée de la recherche d’information, elle s’inscrit dans la démarche straté-gique et intervient de l’amont à l’aval du processus de construc-tion de connaissances. Cette approche consiste à prendre de la hauteur par rapport à ce que l’on considère comme un processus de production de connaissances, chaque phase du processus étant totalement intégrée dans ce que l’on peut considérer comme un système sociotechnique. Le responsable du dispositif agit comme un superviseur/manageur qui pilote le système.

– Une démarche individuelle et collective : l’analyse est autant une activité individuelle que collective, et elle n’est pas circonscrite au seul analyste en titre. On considère que le décideur est lui- même un analyste. Au plan individuel, elle mobilise les capacités cognitives (intelligence) d’une personne ainsi que ses connaissances et/ou son expertise (expérience). Au plan collectif, elle mobilise et met en synergie une variété de compétences autour d’une problématique.

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– Un dispositif centré client : le décideur est considéré comme le client/consommateur de la connaissance produite, en même temps que son producteur.

– L’analyste est un animateur- médiateur d’info- connaissances. Il pilote le dispositif et assure le rôle d’interface entre son équipe et le décideur.

La méthode globale retient le principe de la feuille de route qui définit en amont l’ensemble de l’activité de résolution du problème. Elle incarne le projet dans son ensemble : contexte et probléma-tique, définition de l’objectif, analyse des besoins et indicateurs de connaissance nécessaire, identification des ressources et gisements d’informations (« stratégie de sourcing »), postures et méthodologie d’analyse, plan de recherche et indicateurs de progression, format du livrable et destinataires du produit.

contexte, problématique et analyse des besoins

On retrouve ici les éléments de la méthodologie de recherche en sciences humaines qui permet de situer l’action de recherche/exploitation dans un système contextualisé et problématisé. Cette approche suppose une définition précise de l’objectif fixant notam-ment des limites qualitatives de connaissance acquise (point mi-nimum d’incertitude). Des indicateurs permettent de définir cette limite au- delà de laquelle la recherche/exploitation laisse la place à la décision.Le contexte de la recherche et de l’exploitation de l’information détermine en grande partie la connaissance à produire. Il s’agit de définir le cadre dans lequel s’inscrit le projet. La connaissance du contexte est un préalable incontournable dans la maîtrise de l’intelligence informationnelle. On ne part de zéro ou du néant, il existe forcément un socle historique, géographique, théorique, cultu-rel, pratique, etc. à partir duquel s’est développé la situation ou le problème à résoudre.La contextualisation du projet vise donc, dans un premier temps, à s’immerger dans l’existant de la situation, c’est- à- dire dans la réalité qui a été construite à partir de témoignages ou d’une expé-rience directe. Le contexte est en quelque sorte le décor dans lequel l’analyste va s’installer. On comprend dès lors que plus ce décor est précis et connu, voire vécu, plus il facilite l’intelligence de la situation.

Exemples :

• Traiter de la situation en Syrie ou au Mali, ou de la concurrence du secteur aéronautique ou pharmaceutique, suppose de connaître les univers que cela représente. Avoir vécu à Beyrouth, marché dans les rues, senti les odeurs, côtoyé différents acteurs, facilite grandement la compréhension des événements qui s’y déroulent.

• Lors de l’opération Serval au Mali, un journaliste avait prédit que la saison des pluies arrivant, les soldats français auraient des dif-ficultés à progresser dans l’Adrar des Ifoghas. Il n’avait pas saisi, vu de Paris, que ce phénomène météorologique était très éloi-gné de la mousson asiatique et qu’il se traduisait au mieux par quelques rares orages gonflant soudainement les oueds.

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La problématique

La problématique est ce que le projet vise à résoudre. C’est l’en-semble des questions que se posent (ou devraient se poser) les décideurs face à une situation donnée.Exemple : que se passe- t-il en Syrie ou en Ukraine ? Quelle est l’évolution possible de la situation en Égypte ? Quel est l’impact des MOOCS2 sur l’avenir des méthodes pédagogiques classiques ? Faut- il changer notre marque ? Toutes ces questions relèvent d’une problématique stratégique parce qu’elles appellent des réponses dont dépend l’équilibre des relations internationales, l’avenir d’une école ou d’une entreprise.Il est entendu que ces questions se posent à un niveau hiérarchique très élevé, ce qui laisse supposer que l’analyse est censée se dérou-ler en dehors d’un cadre subalterne. Ici se pose la question de la position hiérarchique de l’analyste (voir chapitres 9 et 10).

La définition des besoins découle de la problématique. Toutefois, l’expérience montre qu’exprimer ses besoins en information n’est pas toujours chose évidente.Exemple : au cours d’un séminaire organisé pour les 35 principaux vice- présidents d’un grand groupe industriel en septembre 2009, et en dépit d’une séance de formation à la définition des besoins en information, certaines personnes n’étaient pas en mesure d’exprimer précisément un besoin concret, bien que les domaines de veilles fussent bien identifiés.Voici des exemples de besoins mal définis, tels qu’ils ont été expri-més par écrit :

– Technologie – Pays / Région – Concurrents – Informations financières – Marché – Rapport des clients – Tendances économiques et environnementales – Politique de prix des concurrents – Environnement juridique – Stratégie de développement d’affaires – Affaires politiques – Fournisseurs – Tendances géopolitiques en matière de transport – Alliances géopolitiques industrielles – Risques de crises

Voici à présent des exemples de questions précises amenant une réponse claire :

– Quels sont les mouvements ou événements stratégiques clés de nos concurrents et au sein de notre environnement d’affaires ?

– Quels sont les changements politiques qui peuvent impacter nos affaires à court et long terme ?

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– Quelles sont les priorités en matière d’équipement clé et de R&D ? – Quels sont les concurrents nouveaux ou émergents ? – Cartographie et analyse des réseaux et circuits de décision – Profil des principaux concurrents clés – Activités des concurrents, stratégies marketing, messages clés

aux clients potentiels

Il ressort de cette expérience une nette carence que l’on peut at-tribuer à une faiblesse d’ordre culturel, les cadres supérieurs et dirigeants d’entreprises ayant tendance à trouver eux- mêmes les réponses aux questions qu’ils se posent, essentiellement sur la base de leurs connaissances et de leurs intuitions, n’acceptant généra-lement que les informations brutes susceptibles d’alimenter ponc-tuellement leur réflexion (voir chapitre 9).De fait, il faut envisager l’identification des besoins en information comme une phase de réflexion et de dialogue entre le décideur et l’analyste, ce dernier aidant le décideur à identifier et formaliser son incertitude sous forme de questions appelant des réponses concrètes.Exemple : au cours d’un entretien libre, un dirigeant de PME spé-cialisée dans l’impression textile numérique est aidé à formuler des problèmes pour lesquels il pense à tort qu’il n’y a pas de solution. Au terme de cet entretien, le décideur exprime clairement des pro-blématiques et identifie la démarche de veille appropriée.

phase 1 : entretien avec le dirigeant

• Quelle est sa vision, quelles sont ses interrogations ?• Analyse des besoins immédiats

– Participation à des salons (Chicago, Milan) – Problèmes techniques

• Vitesse d’impression encore trop faible. Existe-t-il des impriman-tes plus performantes ?

• Problème de fiabilité des têtes d’impression qui se bouchent fréquemment

• Tarifs élevés et non négociables du fournisseur d’encre• Recherche de solutions : veille technologique

phase 2 : recherche de solutions

• Identification des acteurs des salons et préparation d’un dossier de profils (biographies, activité des participants)

• Identification de machines utilisant une nouvelle technologie d’impression numérique : – Vitesse d’impression passant de 6 à 25 m/s – Têtes d’impressions piézoélectriques qui ne se bouchent pas

• Identification de fournisseurs d’encre moins chers• Identification d’un salon de l’impression numérique en France où

il sera possible de rencontrer les fabricants• Identification des brevets déposés par les concurrents et détec-

tion des risques de dépendance stratégique

phase 3 : décisions stratégiques

• Achat immédiat de deux machines à tête piézoélectrique• Mise en place d’une salle blanche• Réorganisation du travail (3/8)• Augmentation du CA• Avantage concurrentiel permettant de prendre des parts de marché

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affaireRenault•219,225,226analyse

– collaborative•211 – relationnelle•125 – réputationnelle•157,158 – stratégique•48,55,56,70,130,137, 230

– structurée•29,123,138‑140,143, 145, 171

– textuelle•145analystederenseignement•86,

231, 236approcheexperte•123,140,195autonomieinformationnelle•28,

38, 39, 173, 178, 243

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biaiscognitifs•110,111,163,201

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cartographie•62,101,125,128-130, 134, 145, 155, 222

champsdeforce•140,143,182choix

– décisionnels•56,215 – stratégiques•47

cindyniques•109,250communication•23‑27,34‑36,38,

40, 43, 44, 58, 63, 76, 114-116, 123, 125-127, 130, 132, 155, 157, 180, 183, 185, 188, 193, 196-200, 202-204, 207, 209, 212, 214, 218, 219, 221, 225, 227, 232, 241, 242, 247, 249, 251-253, 256

compétenceinformationnelle•215connaissance

– actionnable•36,38,50,51,188 – stratégique•29,45,132,237 – utile•29,41,48,56,164

conspirationnisme•29constructiondeconnaissance•51,

77, 104, 139, 194constructivisme•87,90contenu

– multimédia•124,242 – textuel•69,70,124,161,242

couple – analyste‑décideur•29,55,192,202, 210, 216

– source‑information•66critiquehistorique•64,67,179,

182, 249culture

– del’information•38 – informationnelle•39,40,210,212

– organisationnelle•134cycle

– deviedel’information•62 – durenseignement•45

d

définitiondesbesoins•53,55,232désinformation•27,29,41,95,114,

185, 249, 250, 253déstabilisation•114déterminisme•81DGSE•9,230‑232,235DGSI•230‑232dispositifinformationnel•213dissonancecognitive•108,109,

113, 152, 178donnée•34,35,37‑39,53,66,68,

85, 96, 124, 138, 179, 194, 195, 213-215, 217

données – primaires•35 – secondaires•35

DPSD•230,231,235,236DRM•230,231,233,235

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écologiedel’information•38,41écosystèmeinformationnel•61,62effetJanis•152,223‑226effetsd’exposition•163,183empirisme•80enjeuxdel’analyse•187,188entropie

– cognitive•202 – communicationnelle•202

épistémologie•79,80,84,89,101,217

espacecryptique•42évaluationdel’information•66expertise•51,113,179,196,205,

243exploitation•24,29,38,43,45,46,

48-52, 61, 65, 66, 68, 69, 74, 77, 80, 99, 103, 110, 113, 121, 139, 188, 202-204, 211, 222, 223, 235, 236, 241, 242, 252 – d’information•46

f

fiabilitédesinformations•66,67,183

g

gestiondecrise•29,66,138,211,217, 220, 226, 227, 230, 243, 248

h

historicisme•81

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incertitude•26,36,40,41,51,52,54, 73, 95, 104, 131, 138, 188-191, 202, 215, 218, 220, 248

influence•23,29,39,76,84,87,95,114, 115, 121, 126, 130-132, 136, 139, 140, 143, 148, 160, 182, 183, 195, 196, 198, 208, 212, 241, 242, 247

info‑connaissance•103,104,199,200, 209, 212, 239

infopollution•41information•23,27,80,174,179,

202, 212, 229, 239 – decrise•222 – événementielle•36,37 – factuelle•36

information‑donnée•34informationsbrutes•36,54,70intelligence

– économique•9,30,44,45,47,48, 56, 64, 65, 68, 86, 103, 113, 125, 132, 143, 187, 190, 192, 194, 200, 203, 204, 207, 208, 229, 235, 237, 239, 247-252

– informationnelle•23,28‑30,33-39, 42-44, 50, 52, 65, 173, 184, 187, 211, 252

interprétativisme•83,86,90

K

knowledgemanagement•207,252

l

logiqueprévisionniste•100

m

maîtrisedel’information•39,244managementdel’information•36,

50, 240managementetconnaissance•205manipulation•23,24,29,88,109,

114-121, 123, 130, 143, 160, 162, 163, 165, 166, 182, 188, 197, 242, 248-250, 253

matriced’hypothèsescomparées•138

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matrices•55,56,94,95,128,130,137, 140 – d’analyse•137

médias•23,27,30,31,39,41,58,69, 76, 110, 112, 114, 139, 141, 157, 158, 173, 175, 177, 178, 181, 184, 198, 202, 203, 220, 243, 248, 249, 252, 253

médiation•200,204médiatisation•37,63,195,200,

203, 204mésinformation•114méta‑analyse•182méthodesetoutilsd’analyse•223,

242modélisationanalytique•160,167

n

naturedurenseignement•89

o

outils – d’aideàl’analyse•128 – d’analyse•94,123,242 – demodélisation•129 – detraitement•128 – devisualisation•128,129

P

packaginginformationnel•202paradigme•25,26,28,42,80,81,

87, 90, 98, 99, 134, 135, 137, 187, 189, 190

penséegroupale•223,224PESTEL•132pollution•23,41,98,132,181positivisme•83,84posturesd’analyse•29,91,92pouvoir•25,27,39,41,70,76,98,

121, 136, 140, 154, 180, 181, 188, 195, 197, 201, 208, 209, 215, 216, 221, 251

problématique•50‑53,59,63,75,110, 123, 138, 139, 143, 160, 164, 176-178, 181, 194, 238

processusdécisionnel•47,51,206, 211, 213

projet•215 – deconnaissance•29,45,55,56, 63, 83, 87, 93, 132, 137, 231

psychologiedel’information•29

r

rationalisme•80,204,207réductionnisme•81renseignement•46,80,230,234

– tactique•85réseauxsociaux•42,73,125,126,

234résonnancecognitive•204,205risques•30,39‑41,47,54,80,85,

95, 103, 112, 114, 121, 123, 124, 131, 132, 134, 137, 139, 167, 169, 170, 180, 181, 217, 224, 227, 232, 235, 241, 248, 251

rumeurs•41,63,95,114,193,234,250

S

saturation•26,161,216,219,226,239

scénarios•91,94,129,156secret•25,42,43,74,125,184,188,

208, 231, 236, 249, 250situation

– d’analyse•66,242 – decrise•29,68,223,243

sociétédel’information•23,25,26,42, 173

sources•59,61,66,67,69,111,123, 131, 154, 157, 162, 177, 183, 188, 190, 201, 215, 222, 224, 231, 233, 234, 236, 240, 241

storytelling•28,114,165,252stratégie•27,33,34,39,41,43,45,

52, 58, 59, 61-63, 75, 76, 87, 88, 125-127, 131, 160, 168, 176, 198, 216, 217, 229, 230, 237, 240, 241

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Inde

x

stress•28,68,105,109,110,118,152, 163, 197, 204, 214, 219, 220, 223, 226, 239

subversion•25,114,121,180,183,251

surinformation•42,114,191,201,216, 249

SWOT•131,134synthèse•33,49,65,73,76,130,

203, 238, 239, 243systèmecognitif•35,105,107,

109, 116, 194, 195, 203système‑cible•51,212,215,216,

231

t

technologies de l’information et de lacommunication•24,26,27,38, 39, 123, 180, 187, 232

temporalité•48,49,68,110,193,199, 213, 215, 223

théorie conspirationniste•41théorieducomplot•41,86,99,109,

174, 179, 253TIC•131,203traduction•68,69,121,234,247traitementdel’information•240

v

veille•36,38,46,47,49,54,63,87,131, 137, 182, 213, 217, 223, 234, 237, 241-243

W

warroom•138,220,221,223

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taBle deS matièreS

SoMMaIRE 7

REMERCIEMENTS 9

PRéSENTaTIoN dE l’ouvRagE ghislaine CHaRTRoN, Stéphane CoTTIN 11

PRéFaCE alain CHouET 13

INTRoduCTIoN 23

l’utopie cybernétique d’une société idéale mondialisée 25

limites et dangers de la société de l’information 26

la domination par l’information 26

économie et marchandisation de l’information 27

un manuel d’intelligence informationnelle 28

En résumé 30

lectures recommandées 30

CHaPITRE 1 Intelligence informationnelle. définitions et concepts clés 33

I. Intelligence et stratégie, intelligence stratégique 33

II. l’information : un concept flou 34L’information- donnée 34L’information- connaissance 35

III. Information factuelle vs information événementielle 36

Iv. définitions de l’intelligence informationnelle 37

v. dépendance vs autonomie informationnelle 38

vI. Culture informationnelle 39

Focus : Culture française et management de l’information 40

vII. l’écologie de l’information 41

vIII. Notion d’espace cryptique : une territorialisation du secret 42

En résumé 44

lectures recommandées 44

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CHaPITRE 2 Piloter le projet de connaissance stratégique 45

I. Principes généraux 45Le cycle du renseignement comme modèle fonctionnel 45Nature et temporalité de la connaissance 48Une approche centrée projet 50Notion de connaissances actionnables 50

II. Méthodologie de projet 51Contexte, problématique et analyse des besoins 52La problématique 53Exemple de canevas :

les Key Intelligence Topics de Jan P. Herring (1999) 55Indicateurs de connaissance utile 56

III. les gisements d’information 59Problématique et sources 59« Pénétrer la citadelle » 59Typologie des informations et écosystème informationnel 61Information et responsabilité sociale des organisations 63

En résumé 63

lectures recommandées 64

CHaPITRE 3 Exploiter l’information 65

I. Principes généraux de l’exploitation d’information 65

II. l’évaluation de l’information 66Évaluation de la source 67Évaluation du contenu 67Limites et critique de l’évaluation 67Un risque assumé 68Le problème incontournable de la traduction 68

III. le traitement des données 69

Iv. l’analyse 73Méthodes et logiques scientifiques

utilisées dans le renseignement 74Élaboration d’hypothèses 74Logique hypothético- déductive 75Stratégies d’analyse 75

v. la synthèse 76

En résumé 77

lectures recommandées 77

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CHaPITRE 4 épistémologie du renseignement 79

I. l’épistémologie, fondement de l’analyse 79

II. Quelques notions d’épistémologie 80Les grands paradigmes scientifiques 80

III. l’épistémologie appliquée à l’analyse de renseignement 84Positivisme 84Interprétativisme 86Constructivisme 87

Iv. les quatre postures d’analyse 92Niveau 1 : QUOI ? 96Niveau 2 : POURQUOI ? 97Niveau 3 : POUR QUI ? 98Niveau 4 : ET APRÈS ? 100

En résumé 101

lectures recommandées 101

CHaPITRE 5 éléments de psychologie sociocognitive 103

I. éléments d’analyse métacognitive 103Le processus de construction de connaissances 104Cas révélateur des illusions d’optique 105

II. Mécanismes de projection et de défense 108Théorie de la dissonance cognitive 108Notion de refoulement et de blocage cindyniques 109Effets du stress, de la fatigue

et de la manipulation sur le système cognitif 109Biais cognitifs : un court- circuit en situation d’analyse 110

III. l’exposition à l’information 112Exposition naturelle 112Exposition programmée 113

Iv. Risques liés à l’exposition informationnelle 114Mésinformation 114Surinformation 114Influence 114Manipulation 114Déstabilisation 114

v. les techniques de manipulation de l’information 115La manipulation est un phénomène naturel

de la communication 115Techniques de manipulation 116

En résumé 121

lectures recommandées 121

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CHaPITRE 6 outils d’analyse structurée 123

I. Techniques de base de l’analyse 123L’analyse de contenu textuel 124L’analyse de contenu multimédia 124Analyse relationnelle 125Cas de l’analyse des réseaux sociaux 125Comment identifier une stratégie d’influence en réseau ? 126

II. outils d’aide à l’analyse 128Typologie des outils 128La cartographie 129Les matrices pour l’analyse stratégique 130Matrice SWOT (forces, faiblesses, opportunités et menaces) 131Matrice PESTEL 132Matrice d’environnement stratégique 134Matrice d’analyse de la culture organisationnelle 134Matrice d’hypothèses comparées 138

III. Portée et limites de l’analyse structurée 138Du bon usage des outils 139Limites de l’analyse structurée 139Notions de champ de force,

croyances collectives et pensée dominante 140

En résumé 143

lectures recommandées 143

CHaPITRE 7 études de Cas 145

I. analyse textuelle 145Méthodologie 145Résultats 146Intérêt de ce type d’analyse 148

II. analyse d’accident industriel (Niveaux 1 et 2) 149

III. Hypothèses et scénarios : Cas du vol MH370 153Chronologie des données 154Analyse 155Hypothèses et scénarios 155Conclusion 157

Iv. l’analyse réputationnelle 157

v. la modélisation analytique 160Analyse d’influence et de manipulation

de contenus multimédias 160Effets d’exposition 163Analyse des risques en PME 167

En résumé 171

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CHaPITRE 8 l’analyse aux frontières du réel 173

I. événement historique vs phénomène sociologique 173Le contexte : une histoire (trop) simple

au cœur d’une propagande 175La fin du consensus 175Naissance d’une problématique 176Le réveil de l’opinion américaine 177L’attitude monolithique des médias occidentaux 177Anathème conspirationniste et dissonance cognitive 178

II. Comment aborder sainement cette question ? 180Nécessité d’une posture sceptique 180Définir son objectif 181Effets d’exposition 183L’impossible conclusion 184

En résumé 184

lectures recommandées 185

CHaPITRE 9 analyse et décision 187

I. les nouveaux enjeux de l’analyse 187

II. Incertitude, information et décision 188Paradigme de la réduction linéaire d’incertitude 189Paradigme de la réduction non linéaire limitée 190Facteur temps et rationalité limitée 191

III. le couple analyste- décideur 192Un couple paradoxal 192Le décideur au centre du jeu d’acteurs 193Nous sommes tous des analystes ! 194Hiérarchie des connaissances entre analyste et décideur 194Influence de l’environnement médiatique :

l’approche experte vs analytique 195

Iv. le transfert des connaissances 196Les variables sociocognitives 197Intégrité de la connaissance 197Entrer dans le cercle du décideur 198L’analyse transactionnelle de la communication

analyste- décideur 199Médiation/médiatisation des connaissances

dans les grandes organisations 200L’importance du « packaging informationnel » 202L’usage réducteur des TIC 203Moment d’intelligence stratégique :

un effet rare de résonnance cognitive 204

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v. Management et connaissance 205Influence des cultures nationales une faiblesse française 206Apport du knowledge management 207Du réseau à la communauté stratégique de connaissance 208

En résumé 210

lectures recommandées 210

CHaPITRE 10 l’analyse collaborative : Cas de la gestion de crise 211

I. l’approche collective dite « par système- cible » 212Une équation à variables multiples 213Info- décision en mode projet : l’approche par système- cible 215Intelligence collective 216

II. analyse en espace collaboratif : cas de la gestion de crise 217Typologie des crises 218Caractéristiques d’une crise 219Quel l’objectif de la gestion de crise ? 220Un espace collaboratif opérationnel : la war room 220Gestion de l’information de crise 222Temporalité de l’analyse 223La construction sociale de la réalité 223La pensée groupale ou effet Janis 223Exemple de l’affaire Renault 225

En résumé 226

lectures recommandées 227

CHaPITRE 11 le métier d’analyste 229

I. les domaines de l’analyse 229L’analyste de renseignement 231L’analyste d’intelligence économique et stratégique 237Les critères d’évaluation d’un analyste professionnel 238

II. Former les analystes 239Maîtriser le management de l’information 239Les trois niveaux de compétences informationnelles 240L’expérience de la formation initiale 241La formation continue 244

En résumé 244

lectures recommandées 245

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BIBlIogRaPHIE géNéRalE 247

lEXIQuE 255

INdEX 257

TaBlE dES MaTIèRES 261

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&Informat onstratég e

Franck Bulinge

Préface d’Alain ChouetWWW.DEBOECK.FR

INTELECISBN 978-2-8041-8914-3

De l’explosion des médias au développement du marketing, de la publicité à la communication d’infl uence, l’information est l’objet d’une manipulation permanente. Mondialisée, elle est multiple, pléthorique, changeante et continue. Elle envahit notre quotidien sans qu’il soit possible d’en maîtriser les fl ux et sans que nous soyons préparés à affronter sa complexité.

Dès lors, comment se situer dans un référentiel où le temps disparaît, où les événements s’enchaînent, où la hiérarchie des valeurs s’aplanit ? Comment prendre du recul ? Comment gérer l’absence de mémoire de l’information médiatique ? Comment ne pas tomber dans l’addiction informationnelle? Bref, comment maîtriser l’information, que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans le cadre d’une activité professionnelle ou stratégique ?

À travers le concept d’intelligence informationnelle, ce manuel d’analyse et d’exploitation de l’information montre comment utiliser effi cacement l’information disponible pour réaliser un projet et comment organiser la collecte et le traitement de cette information pour en faire un support de décision.

FRANCK BULINGE Ancien analyste de renseignement militaire et directeur de recherche en sciences de l’information, il a développé le concept d’intelligence informationnelle en France au début des années 2000. Il enseigne l’analyse d’information à l’université, dans les grandes écoles, ainsi que dans les institutions gouvernementales (IHNESJ, IHEDN).

Pour les professionnels de la documentation, de l’information, de la communication, du marketing stratégique et de l’intelligence économique ; pour les étudiants et enseignants de ces fi lières.

Créée en 1963, l’ADBS (Association des Professionnels de l’information) fédère une grande variété de professionnels de l’information numérique (veilleurs, knowledge managers, gestionnaires de contenus numériques, documentalistes, records managers, etc.). Elle compte plus de 4000 membres en France. En 2013, l’ADBS s’associe aux éditions De Boeck pour créer la collection, « Information & Stratégie » qui allie les savoir-faire des deux partenaires.

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Maîtriser l’information stratégique Méthodes et techniques d’analyse

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