Impact de gouttes de ßuide a` seuil - Institut de l ...

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19 ` eme Congr` es Franc ¸ais de M´ ecanique Marseille, 24-28 aoˆ ut 2009 Impact de gouttes de fluide ` a seuil L. LUU, Y. FORTERRE Institut Universitaire des Syst` emes Thermiques et Industriels (IUSTI), CNRS UMR 6595, Aix-Marseille Universit´ e, 5 rue Enrico Fermi, 13453 Marseille cedex 13, FRANCE esum´ e: Nous ´ etudions exp´ erimentalement l’impact d’une goutte de fluide ` a seuil sur une surface rigide. En utilisant des fluides mod` eles et des surfaces super-hydrophobes, diff´ erents r´ egimes d’impact sont observ´ es allant de l’´ etalement irr´ eversible viscoplastique au rebond ´ elastique. Un mod` ele simple utilisant une rh´ eologie ´ elasto-visco-plastique permet de reproduire semi-quantitativement les observations et r´ ev` ele le rˆ ole crucial de l’´ elasticit´ e dans l’hydrodynamique ` a temps court de ces fluides complexes. Abstract : The normal impact of a drop of yield-stress fluid on a rigid surface is investigated experimentally. Using different model fluids and super-hydrophobic impacted surfaces, we find a rich variety of impact regimes from irreversible viscoplastic coating to elastic rebound. A minimal model of inertial spreading, taking into account an elasto-visco-plastic rheology, gives semi-quantitative predictions of experimental observations and reveals the crucial role of elasticity on the unsteady hydrodynamics of these complex fluids. Mots clefs : fluide ` a seuil, impact, goutte, viscoplasticit´ e, ´ elasticit´ e, super-hydrophobe 1 Introduction La dynamique d’impact de gouttes sur une surface rigide plane est un sujet classique en hydrodynamique inter- faciale. La plupart de ces ´ etudes concernent les fluides newtoniens [1]. R´ ecemment, des effets non-newtoniens (contrainte normale, ´ elasticit´ e) ont ´ et´ e introduit par l’ajout de surfactants ou de polym` eres dans les fluides classiques [2]. Or en pratique, nombres de configurations mettent en jeu des fluides qui poss` edent par ailleurs un seuil d’´ ecoulement (boues, pˆ ates, ´ emulsions) : le mat´ eriau poss` ede une contrainte critique, en-dessous de celle-ci, il se comporte comme un solide et au-dessus, il coule comme un liquide. C’est le cas dans les sprays de peinture ou pour l’impression de structures 3D en gel collo¨ ıdal [3]. L’´ etude d’impacts de fluides ` a seuil consti- tue aussi un mod` ele en laboratoire d’applications ` a grande ´ echelle comme l’impact ballistique, la formation de crat` eres ou la soudure par collision. Tr` es peu d’´ etudes ont ´ et´ e conduites sur l’impact de gouttes de ces fluides complexes. A la diff´ erence d’un fluide newtonien, pour lequel le m´ ecanisme physique qui contrˆ ole la dynamique d’impact est soit visqueux soit capillaire, l’existence d’un seuil d’´ ecoulement introduit une dissipation suppl´ ementaire de type plastique [4]. De plus, la configuration d’impact soumet le fluide ` a un test rh´ eologique inhabituel impliquant de grandes eformations dans un ´ ecoulement instationnaire fortement ´ elongationnel. Cette ´ etude s’int´ eresse en particu- lier au couplage entre ´ elasticit´ e et viscoplasticit´ e` a temps court, difficilement explorable par des rh´ eom` etres conventionnels. Nous pr´ esentons d’abord les fluides utilis´ es et le montage exp´ erimental (§1). La description des diff´ erents egimes d’impact observ´ es r´ ev´ elent ensuite le rˆ ole crucial de l’´ elasticit´ e au-del` a du seuil d’´ ecoulement (§2). Un mod` ele temporel bas´ e sur une rh´ eologie ´ elasto-visco-plastique est suivi d’une comparaison entre la th´ eorie et les exp´ eriences (§3). Enfin, les limites de cette approche sont ´ evoqu´ ees dans la conclusion. 2 ethodes exp´ erimentales Nous utilisons trois fluides mod` eles : deux suspensions collo¨ ıdales argileuses (kaolin et bentonite) et un micro- gel polym` ere (Carbopol). Une large gamme de param` etres m´ ecaniques et rh´ eologiques est couverte. Ces fluides poss` edent une contrainte critique d’´ ecoulement τ c . En-dessous du seuil d’´ ecoulement, ces mat´ eriaux se com- portent comme des solides ´ elastiques, caract´ eris´ es par un module ´ elastique de cisaillement G. Au-dessus du seuil, ils sont rh´ eo-fluidifiants suivant la loi de Herschel-Bulkley en r´ egime stationnaire : τ = τ c + K ˙ γ n , o` u K est la consistance du fluide et n l’indice d’´ ecoulement. Tous ces param` etres sont mesur´ es avec un rh´ eom` etre de eom´ etrie c ˆ one/plan (tab. 1). 1

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19 eme Congres Francais de Mecanique Marseille, 24-28 aout 2009

Impact de gouttes de fluide a seuil

L. LUU, Y. FORTERRE

Institut Universitaire des Systemes Thermiques et Industriels (IUSTI), CNRS UMR 6595, Aix-MarseilleUniversite, 5 rue Enrico Fermi, 13453 Marseille cedex 13, FRANCE

Resume :Nous etudions experimentalement l’impact d’une goutte de fluide a seuil sur une surface rigide. En utilisant des fluidesmodeles et des surfaces super-hydrophobes, differents regimes d’impact sont observes allant de l’etalement irreversibleviscoplastique au rebond elastique. Un modele simple utilisant une rheologie elasto-visco-plastique permet de reproduiresemi-quantitativement les observations et revele le role crucial de l’elasticite dans l’hydrodynamique a temps court deces fluides complexes.

Abstract :The normal impact of a drop of yield-stress fluid on a rigid surface is investigated experimentally. Using different modelfluids and super-hydrophobic impacted surfaces, we find a rich variety of impact regimes from irreversible viscoplasticcoating to elastic rebound. A minimal model of inertial spreading, taking into account an elasto-visco-plastic rheology,gives semi-quantitative predictions of experimental observations and reveals the crucial role of elasticity on the unsteadyhydrodynamics of these complex fluids.

Mots clefs : fluide a seuil, impact, goutte, viscoplasticite, elasticite, super-hydrophobe

1 IntroductionLa dynamique d’impact de gouttes sur une surface rigide plane est un sujet classique en hydrodynamique inter-faciale. La plupart de ces etudes concernent les fluides newtoniens [1]. Recemment, des effets non-newtoniens(contrainte normale, elasticite) ont ete introduit par l’ajout de surfactants ou de polymeres dans les fluidesclassiques [2]. Or en pratique, nombres de configurations mettent en jeu des fluides qui possedent par ailleursun seuil d’ecoulement (boues, pates, emulsions) : le materiau possede une contrainte critique, en-dessous decelle-ci, il se comporte comme un solide et au-dessus, il coule comme un liquide. C’est le cas dans les sprays depeinture ou pour l’impression de structures 3D en gel colloıdal [3]. L’etude d’impacts de fluides a seuil consti-tue aussi un modele en laboratoire d’applications a grande echelle comme l’impact ballistique, la formation decrateres ou la soudure par collision.Tres peu d’etudes ont ete conduites sur l’impact de gouttes de ces fluides complexes. A la difference d’unfluide newtonien, pour lequel le mecanisme physique qui controle la dynamique d’impact est soit visqueuxsoit capillaire, l’existence d’un seuil d’ecoulement introduit une dissipation supplementaire de type plastique[4]. De plus, la configuration d’impact soumet le fluide a un test rheologique inhabituel impliquant de grandesdeformations dans un ecoulement instationnaire fortement elongationnel. Cette etude s’interesse en particu-lier au couplage entre elasticite et viscoplasticite a temps court, difficilement explorable par des rheometresconventionnels.Nous presentons d’abord les fluides utilises et le montage experimental (§1). La description des differentsregimes d’impact observes revelent ensuite le role crucial de l’elasticite au-dela du seuil d’ecoulement (§2).Un modele temporel base sur une rheologie elasto-visco-plastique est suivi d’une comparaison entre la theorieet les experiences (§3). Enfin, les limites de cette approche sont evoquees dans la conclusion.

2 Methodes experimentalesNous utilisons trois fluides modeles : deux suspensions colloıdales argileuses (kaolin et bentonite) et un micro-gel polymere (Carbopol). Une large gamme de parametres mecaniques et rheologiques est couverte. Ces fluidespossedent une contrainte critique d’ecoulement τc. En-dessous du seuil d’ecoulement, ces materiaux se com-portent comme des solides elastiques, caracterises par un module elastique de cisaillement G. Au-dessus duseuil, ils sont rheo-fluidifiants suivant la loi de Herschel-Bulkley en regime stationnaire : τ = τc + Kγn, ou Kest la consistance du fluide et n l’indice d’ecoulement. Tous ces parametres sont mesures avec un rheometre degeometrie cone/plan (tab. 1).

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Le montage experimental est schematise figure 1a. Les gouttes sont extrudees a partir de seringues sectionnees,par un pousse-seringue motorise. Lachees de hauteurs allant de 1 a 145 cm (equivalentes a des vitesses d’impactV0 de 0.4 a 5.6 m.s−1), les gouttes impactent deux types de surface : une surface partiellement mouillante enverre lisse et une surface super-hydrophobe, constituee d’une couche de grains, entre 150 µm et 250 µm, traiteshydrophobes. Les dynamiques d’impact sont visualisees par une camera rapide (5000 Hz, 512x1024 pixels).Notons que les gouttes obtenues ne sont pas spheriques mais ”carrees”. En effet, la pression de Laplace duea la tension de surface σ/D (avec σ = 0.07 N.m−1 la tension de surface pour nos solutions aqueuses et D lediametre des seringues) est negligeable devant les contraintes critiques τc mises en jeu.

Fluid wt (%) τc (Pa) K (Pa.sn) n G (Pa) ρ (kg/m3) L0 (mm) D (mm)Carbopol (C) 0.2-3 3.9-92 3.2-32 0.5 28-270 1010 7.6-25 8-27Bentonite (B) 13-15 68-124 0.12-0.16 0.96 2400-3800 1090 16–29.5 14-27

Kaolin (K) 51-55 50-91 36-68 0.36 37000-200000 1630 20-26.5 20-27

TAB. 1 – Proprietes des fluides, taille initiale des gouttes L0 ≡ (6m/πρ)1/3 et diametre des seringues D.

Ecran LED

Pousse-seringue

Eclairage

Miroir

Panneaudiffuseur

Caméra rapide

0 1 2 3 4 5 6

6

5

4

3

2

1

0

7

Loi capillaire

Lm

L0

V0 (m.s − 1)

(a) (b)

C02C035C05

C1C2C3

B13B15

K51K55

v sh v sh

Image typique

Goutte “carrée”

FIG. 1 – (a) Schema du montage experimental. Image typique d’etalement : vue de profil et vue de dessous.Echelle : 12 mm. (b) Parametre d’etalement en fonction de la vitesse d’impact. (g) : surface en verre, (sh) : sur-face super-hydrophobe. Barres d’erreur : dispersion sur trois impacts. La loi capillaire donne la limite inferieuredu parametre d’etalement limite par la capillarite : Lmax/L0|cap = [(4+We/3)/(1−cosθ)], ou We = ρV 2

0 L0/σ,est le nombre de Weber et θ l’angle de contact [5]. Pour calculer cette limite, nous prenons L0 = 7.6 mm,ρ = 1020 kg/m−3 et θ = 180◦, ce qui correspond aux valeurs les plus basses de Lmax/L0|cap dans notre cas.

3 Observations experimentales3.1 Dynamique d’etalement et deformation maximaleL’etalement typique observe s’effectue en deux temps. Lors du contact de la goutte impactant la surface, unfilm mince apparaıt et s’epaissit a mesure que la goutte s’ecrase. Au bout de quelques ms, la goutte prend laforme d’un disque qui s’etale radialement jusqu’a atteindre sa deformation maximale. Plus la vitesse d’impactaugmente plus l’extension maximale est importante. Nous nous interesserons au regime stable, en-dessous duseuil de splash (eclaboussure), pour lequel l’etalement est axisymetrique.La figure 1b presente le parametre d’etalement, defini par l’extension maximale de la goutte Lm sur sa tailleinitiale L0, en fonction de la vitesse d’impact V0 sur les deux types de surface pour tous les fluides.Le trait pointille indique la tendance predite quand l’energie cinetique est completement convertie en energiede surface [5]. On remarque que les impacts se situent systematiquement en-dessous, ce qui signifie que

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l’etalement maximal est limite par la reponse rheologique du materiau independament de l’etat de la sur-face impactee. Cette hypothese semble verifiee pour les suspensions argileuses. Par contre, pour le micro-gelCarbopol, on observe qu’a partir d’une vitesse critique, dependante de la concentration, la goutte s’etale bienplus largement sur la surface super-hydrophobe que sur le verre. Ce phenomene inattendu de ”super-etalement”fait l’objet d’un nouveau travail de recherche. Pour la presente etude, nous nous interessons aux regimes d’im-pact pour lesquels l’etat de la surface impactee n’influence pas le parametre d’etalement, c’est-a-dire pour devitesses d’impacts relativement moderees. Dans ces conditions, l’utilisation de la surface super-hydrophobepermet de reveler la variete des regimes.

3.2 Recouvrement viscoplastique et large retractation elastiqueLes figures 2a et 2b montrent deux dynamiques typiques d’impact du kaolin et du Carbopol sur une surfacesuper-hydrophobe pour des vitesses moderees. La phase d’etalement et la deformation maximale sont simi-laires quelque soit la surface. Une fois etalee, la goutte de kaolin se fige laissant la surface irreversiblementenduite. L’energie cinetique de l’impact se dissipe de maniere viscoplastique durant l’ecoulement et la tensionde surface ne parvient pas a depasser la contrainte critique d’ecoulement, inhibant le retour capillaire observeavec un fluide newtonien. Dans le cas du Carbopol, dont le seuil plastique est proche de celui du kaolin, lemicro-gel subit une rapide et large retractation qui peut etre suivie d’un rebond. L’effet n’etant pas capillaire,le mecanisme est d’origine elastique. Or dans la gamme des vitesses d’impact considerees, la goutte subit desdeformations allant de 100 % a 500 %, ce qui depasse largement la deformation critique d’ecoulement mesureeen stationnaire au rheometre (γc = 28%). Ceci suggere donc que le regime elastique peut etre transitoirementbeaucoup plus large. Il s’agit typiquement d’un effet viscoelastique : le temps d’impact etant bien plus courtque le temps de relaxation du fluide, toute l’energie cinetique peut etre convertie en energie elastique. L’analo-gie mecanique, indiquee figure 2c, est adaptee dans la suite pour construire une rheologie elasto-visco-plastiquepermettant de decrire les differents regimes par un modele unique.

(a)

(b)

(c)

FIG. 2 – (a) Etalement viscoplastique d’une goutte de kaolin 51%, ∆t=7 ms. (b) Large retractation elastiquesur une surface super-hydrophobe d’une goutte de Carbopol 1%, ∆t=6 ms. Echelle : 1 cm. (c) Representationmecanique d’un fluide elasto-visco-plastique.

4 Modele d’etalement inertiel elasto-visco-plastique4.1 Etalement inertiel d’un disque minceNotre but est d’etablir un modele minimal contenant les ingredients physiques essentiels a la description desregimes d’impact observes. Pour cela, nous reduisons notre probleme a un modele temporel d’etalement iner-tiel. La goutte est modelisee par un disque mince (epaisseur h(t), rayon R(t)) qui s’etale radialement. L’ap-proximation de lubrification et d’incompressibilte du fluide ainsi que l’integration de la conservation de lamasse et de la quantite de mouvement dans l’epaisseur donne :

dhdt

+2UhR

= 0, (1)

3

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ρhdUdt

=−τb, (2)

ou U ≡ dR/dt est la vitesse du front et τb est la contrainte de cisaillement a la base entre le fluide et la surface.La gravite et la tension de surface etant negligeables, la dynamique d’etalement est uniquement controlee parla contrainte basale donnee par la rheologie du fluide.

4.2 Choix de la rheologieRecemment, plusieurs etudes ont ete menee sur le developpement de rheologies elasto-visco-plastiques apl-liquees aux mousses, emulsions et gels. Inspiree de la formulation de Saramito (2007) [6], nous avons choisiune expression scalaire simple pour la contrainte de cisaillement basale qui correspond au modele mecaniquefigure 2c :

τb = Gεel, (3)

avec

dεel

dt= γ if |εel| < γc,

= γ− 1λ

εel if |εel| > γc.(4)

La premiere equation suppose que la contrainte est purement elastique donnee par la loi de Hook, ou G estle module elastique de cisaillement et εel la deformation elastique. γ est la deformation totale de cisaillementtelle que γ = εel + εvp, ou εvp est la partie irreversible (viscoplastique). La seconde equation est l’equation detransport de la deformation elastique, ou γ≈U/h est la vitesse de cisaillement a la base. Cette equation indiqueque tant que la deformation elastique est au-dessus du seuil d’ecoulement, donne par γc = τc/G, le fluide secomporte comme un solide elastique. Au-dela du seuil, l’evolution temporelle des deformations elastiquesstockees se decompose en un terme advectif et un terme de fluage qui fait intervenir le temps de relaxation dufluide λ. On ecrit ce temps de relaxation en fonction des parametres rheologiques de Herschel-Bulkley (K,n) :λ = (K/G)1/n|εel|(|εel|− γc)−1/n.Le modele complet est donc constitue par le systeme d’equations (1) a (4). En adimensionnant les equationspar L0 et V0, on fait apparaıtre les trois nombres sans dimension pertinents de notre probleme, plus n :

M =V0√G/ρ

, γc =τc

G, De =

V0(K/G)1/n

L0. (5)

M le nombre de Mach elastique est le rapport entre la vitesse d’impact V0 et la vitesse d’onde elastique√

G/ρ.γc est la deformation critique. Et De le nombre de Deborah est le rapport entre un temps de relaxation ca-racteristique du fluide (K/G)1/n et un temps caracteristique d’impact L0/V0.

5 Comparaison experience/modeleLes figures 3a et 3b donnent la prediction par le modele de deux experiences typiques d’etalement sur unesurface super-hydrophobe d’une goutte de kaolin et de Carbopol. Sans parametre d’ajustement, ce modeleminimal parvient a prevoir semi-quantitativement la dynamique de recouvrement viscoplastique du kaolinet le retour elastique du Carbopol, produit au-dessus du seuil d’ecoulement (la deformation elastique atteintεel ≈ 220% alors que le seuil est de γc = 28%).Une exploitation plus approfondie du modele permet de construire un diagramme de phase (fig. 3c) a partirdes nombres sans dimension (5). D’abord, le rapport M/γc = V0

√ρG/τc separe le comportement ”solide-

elastique” du comportement liquide. Ensuite, le rapport De/M = K1/n/(ρL20 G

2−nn )1/2, qui ne depend pas de

la vitesse d’impact, gouverne la transition entre le regime viscoplastique et celui ”liquide-elastique”. En ef-fet, ce nouveau nombre peut etre lue comme le rapport entre le temps de relaxation visqueuse (K/G)1/n etla periode d’oscillation elastique de la goutte L0/

√G/ρ. Pour De/M petit, c’est la dissipation viscoplastique

de l’energie cinetique d’impact qui determine la taille finale de la goutte. A l’oppose, De/M grand signi-fie que les deformations durant l’etalement sont restees elastiques meme au-dela du seuil d’ecoulement, parviscoelasticite. En reportant l’ensemble de nos donnees experimentales, on constate que les gouttes de Car-bopol s’etalent dans un regime ”liquide-elastique” alors que les suspensions argileuses (kaolin et bentonite)s’etalent dans un regime viscoplastique.A partir de conservations d’energie basees sur des arguments dimensionnels simples, on peut tester les regimessuggeres dans le diagramme de phase precedent. Considerons que l’energie cinetique initiale est entierementconvertie en energie elastique, on obtient ρL3

0V2

0 ∼ GL30εel

m2, ou εel

m ∼ Lm/h est la deformation elastique de ci-saillement maximale de la goutte. Par conservation du volume (L3

0 ∼ hL2m) nous obtenons une loi elastique en

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101

102

103

104

10-9 10-7 10-5 10-3 10-1 101 103

Mγc

DeM

viscoplastique

liquide-élastique

solide-élastique

K51K55

B13B15

C02C035C05C1C2C3

Modèle Expérience

0 2 4 61.0

1.5

2.0

2.5

(a)

0 1 2 3 41.0

1.5

2.0

2.5

1.0

1.5

2.0

2.5

0 1 2 3 4

1.0

1.5

2.0

2.5

0 5 10 15

1.0

1.5

2.0

2.5

0 20 6040 80 100

L(t)L0

V0 t / L0 V0 t / L0

(c)

(b)

L(t)L0

FIG. 3 – (a) et (b) Predictions de dynamiques typiques d’impact comparees a l’experience. (a) : M = 0.357,γc = 0.001, De = 2.4 10−8, n = 0.3, pour un impact de kaolin 51 wt% a V0 = 1.7 m.s−1. (b) : M = 7.95,γc = 0.28, De = 3.26, n = 0.5, pour un impact de Carbopol 1 wt% a V0 = 2.3 m.s−1. (c) Diagramme de phasepredit par le modele comprenant les donnees experimentales (symboles). Les frontieres pointillees dependentde γc et n de chaque fluide (tiret : Carbopol, tiret-pointille : bentonite, tiret-double pointille : kaolin).

4

3

2

1

30252015105M

(Lm-L0)/L0

2

3

4

1/3

11 10

1

2

1 10

3

4

5

Y

2/3

exp. mod.B13B15

1

2

2 3 4

3

4

5Ren 1/(2n+3)

1

K51K55

fluides newtoniens

exp. mod.

1

(n=0.36)

(n=1)

M

C02C035C05C1C2C3

exp. mod.

(c)(b)(a)

Lm

L0

Lm

L0

Lm

L0

FIG. 4 – Parametres d’etalement des impacts sur le verre pour les differentes concentrations de (a) Carbopolen fonction du nombre de Mach elastique M, (b) kaolin et fluides visqueux newtoniens (donnees importees deClanet et al. 2004 [7]) en fonction du nombre de Reynolds generalise Ren, (c) bentonite en fonction du nombreplastique Y .

fonction du nombre de Mach elastique : Lm ∼ L0M1/3. Pour le regime visqueux, en definissant une viscositerheo-fluidifiante par η = Kγn−1 ∼ K(V0/h)n−1, on trouve une loi d’echelle dependant d’un nombre de Rey-nolds generalise Ren ≡ ρV 2−n

0 Ln0/K : Lm ∼ L0Ren

1/(2n+3). Notons que l’on retrouve la loi visqueuse d’un fluidenewtonien (n = 1) qui est en Lm ∼ L0Re1/5 [7]. Enfin, si l’on considere que la dissipation est principalementplastique, la conservation de l’energie conduit a : Lm ∼ L0Y 2/3. ou Y ≡ V0/

√τc/ρ. La figure 4 montre que

les valeurs des parametres d’etalement Lm/L0 (experimentaux et theoriques) du Carbopol, du kaolin et de labentonite, se rassemblent en une courbe maıtresse lorsqu’on les trace respectivement en fonction des nombreselastique M, visqueux Ren et plastique Y . Dans la gamme des nombres sans dimension parcourue, l’experiencecomme le modele manifestent les tendances predites par les lois d’echelle.

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4

3

2

1

30252015105M

(Lm-L0)/L0

Super-étalement

C02C035C05C1C2C3

v sh

FIG. 5 – Deformations relatives maximales des gouttes de Carbopol impactees sur le verre (v) et sur la surfacesuper-hydrophobe (sh) en fonction du nombre de Mach elastique M.

6 ConclusionLe choix des fluides a seuil et des surfaces utilises a permis de montrer une variete de regimes d’impact al-lant de l’etalement viscoplastique pour les materiaux ”rigides” (argiles) a une retractation elastique sur unesurface super-hydrophobe pour les materiaux ”mous” (Carbopol). Un des principaux resultats porte en ef-fet sur ce comportement ”liquide-elastique”, propre a la rheologie a temps court du micro-gel polymere. Unmodele minimal d’etalement inertiel associe a une rheologie elasto-visco-plastique adaptee parvient a prediresemi-quantitativement, sans parametre d’ajustement, les donnees experimentales a partir des caracteristiquesmecaniques et rheologiques des fluides, regroupees dans quatres nombres sans dimension.Une premiere amelioration du modele a apporter concerne la geometrie du probleme, l’hypothese de couchemince n’etant pas valable au debut de l’etalement. Quant a la rheologie choisie, la formulation tensoriellecomplete de la contrainte de cisaillement permettrait d’introduire des effets non-lineaires, lies par exemple aucouplage entre cisaillement et elongation.Enfin, ces experiences ont fait apparaıtre un ”super-etalement” du Carbopol sur la surface super-hydrophobe(fig. 5), non observe avec des fluides classiques [7]. Pour expliquer ce phenomene nouveau, on pourrait ima-giner la formation lors de l’impact d’un coussin d’air entre le fluide et les grains hydrophobes de la surface.Existerait-il une vitesse de glissement macroscopique ? Ou bien, s’agirait-il d’une stabilisation de l’instabi-lite de splash par des effets viscoelastiques ? Ces hypotheses font actuellement l’objet d’une nouvelle etudeexperimentale. Le role de l’elasticite dans l’hydrodynamique de ces fluides constitue indeniablement un su-jet de recherche prometteur, qui n’est d’ailleurs pas restreint aux ecoulements transitoires. Des configurationssimples telles que l’avalanche de fluides a seuil pourraient aussi aider a mieux comprendre l’interaction com-plexe entre elasticite et ecoulement.

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