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Figure 1. Examen tomodensitométrique, coupes axiales (A et B) et coronales (C et D), sans injection de produit de contraste, d’un patient présentant une anosmie liée à une polypose naso-sinusienne. On note des opacités diffuses de l’ethmoïde et des grands sinus. L’index de Lund-McKay est de 20. A C B D La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 321 - avril-mai-juin 2010 | 5 DOSSIER THÉMATIQUE Spécial “Odorat” Imagerie des troubles de l’odorat Imaging and olfaction P. Bonfils*, M. Devars du Maine*, D. Malinvaud*, O. Laccourreye* * Département d’ORL et de chirurgie  cervico-faciale, hôpital européen  Georges-Pompidou,  faculté de  médecine Paris-Descartes, univer- sité Paris-V, unité de recherche CNRS  CeSeM (Centre d’études de la sensori- motricité), UMR 8194, Paris. L’ odorat est un sens chimique qui résulte d’une série d’événements faisant suite au contact de certaines molécules dites “odorantes” avec des récepteurs spécifiques localisés dans le neuro- épithélium olfactif. Cette succession d’événements comporte quatre étapes. La première d’entre elles est l’aéroportage. Dans cette étape aérodynamique, les molécules odorantes entraînées dans le courant d’air nasal atteignent la partie haute de la fente olfactive où se situe le neuro-épithélium olfactif. Dans la deuxième étape, dénommée “événements péri-récepteurs”, les molécules odorantes, souvent hydrophobes, traversent la fine couche de mucus recouvrant le neuro-épithélium olfactif afin d’atteindre les cils des neurones olfactifs primaires. La troisième étape est la transduction ; c’est la traduction du message chimique en un message électrique. Cette étape s’effectue dans les neurones olfactifs primaires. Enfin, la dernière étape est l’in- tégration centrale, réalisée dès le bulbe olfactif et se poursuivant dans les aires corticales olfactives. Chacune de ces quatre étapes physiologiques a ses spécificités fonctionnelles, mais également sa propre sémiologie et ses propres pathologies. La démarche diagnostique devant une dysosmie quan- titative (hyposmie ou anosmie) doit comprendre deux stades : un diagnostic topographique puis un diagnostic étiologique. L’imagerie médicale est souvent nécessaire, voire indispensable à certains diagnostics. La démarche diagnostique à suivre devant une dysosmie qualitative (cacosmie, parosmie, phantosmie) est fondée sur une analyse sémiologique exacte de la dysosmie. Les dysosmies liées à un trouble de l’aéroportage Deux grands types d’étiologies sont théoriquement susceptibles d’affecter l’aéroportage : les anomalies anatomiques nasales et sinusiennes, et la pathologie inflammatoire chronique des cavités naso-sinusiennes. Néanmoins, les travaux étudiant les relations entre les anomalies anatomiques des cavités nasales et les troubles de l’odorat semblent conclure qu’une dimi- nution du calibre des fosses nasales par un obstacle purement anatomique (une déviation septale, une concha bullosa, un éperon septal volumineux) n’af- fecte pas les qualités de l’odorat (1, 2). À l’opposé, l’aé- roportage peut être altéré par la présence de lésions

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Figure 1. Examen tomodensitométrique, coupes axiales (A et B) et coronales (C et D), sans injection de produit de contraste, d’un patient présentant une anosmie liée à une polypose naso-sinusienne. On note des opacités diffuses de l’ethmoïde et des grands sinus. L’index de Lund-McKay est de 20.

A

C

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La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 321 - avril-mai-juin 2010 | 5

DOSSIER THÉMATIQUESpécial “Odorat”

Imagerie des troubles de l’odoratImaging and olfaction

P. Bonfils*, M. Devars du Maine*, D. Malinvaud*, O. Laccourreye*

* Département d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital européen Georges-Pompidou,  faculté  de médecine Paris-Descartes, univer-sité Paris-V, unité de recherche CNRS CeSeM (Centre d’études de la sensori-motricité), UMR 8194, Paris.

L’odorat est un sens chimique qui résulte d’une série d’événements faisant suite au contact de certaines molécules dites “odorantes” avec

des récepteurs spécifiques localisés dans le neuro-épithélium olfactif. Cette succession d’événements comporte quatre étapes. La première d’entre elles est l’aéroportage. Dans cette étape aérodynamique, les molécules odorantes entraînées dans le courant d’air nasal atteignent la partie haute de la fente olfactive où se situe le neuro-épithélium olfactif. Dans la deuxième étape, dénommée “événements péri-récepteurs”, les molécules odorantes, souvent hydrophobes, traversent la fine couche de mucus recouvrant le neuro-épithélium olfactif afin d’atteindre les cils des neurones olfactifs primaires. La troisième étape est la transduction ; c’est la traduction du message chimique en un message électrique. Cette étape s’effectue dans les neurones olfactifs primaires. Enfin, la dernière étape est l’in-tégration centrale, réalisée dès le bulbe olfactif et se poursuivant dans les aires corticales olfactives. Chacune de ces quatre étapes physiologiques a ses spécificités fonctionnelles, mais également sa propre sémiologie et ses propres pathologies.La démarche diagnostique devant une dysosmie quan-titative (hyposmie ou anosmie) doit comprendre deux stades : un diagnostic topographique puis un diagnostic étiologique. L’imagerie médicale est souvent nécessaire, voire indispensable à certains diagnostics.La démarche diagnostique à suivre devant une dysosmie qualitative (cacosmie, parosmie, phantosmie) est fondée sur une analyse sémiologique exacte de la dysosmie.

Les dysosmies liées à un trouble de l’aéroportageDeux grands types d’étiologies sont théoriquement susceptibles d’affecter l’aéroportage : les anomalies

anatomiques nasales et sinusiennes, et la pathologie inflammatoire chronique des cavités naso-sinusiennes. Néanmoins, les travaux étudiant les relations entre les anomalies anatomiques des cavités nasales et les troubles de l’odorat semblent conclure qu’une dimi-nution du calibre des fosses nasales par un obstacle purement anatomique (une déviation septale, une concha bullosa, un éperon septal volumineux) n’af-fecte pas les qualités de l’odorat (1, 2). À l’opposé, l’aé-roportage peut être altéré par la présence de lésions

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Points forts » La physiologie de l’odorat comporte quatre étapes : l’aéroportage, les événements péri-récepteurs,

la transduction et l’intégration centrale. À chaque étape correspondent des diagnostics différents pour lesquels l’imagerie médicale a une place précise.

» L’imagerie de l’aéroportage repose sur l’examen tomodensitométrique des cavités naso-sinusiennes. Les contraintes techniques doivent impérativement être respectées afin d’obtenir une analyse précise des lésions.

» Aucune imagerie n’est utile dans la pathologie des événements péri-récepteurs. » L’imagerie de la transduction est limitée aux diagnostics différentiels avec les pathologies de l’aéroportage. » L’imagerie de la pathologie centrale est dominée par l’IRM cérébrale qui permet de visualiser les tumeurs

(méningiome olfactif) ou l’agénésie bulbaire (anosmie congénitale).

Mots-clésDysosmieExamen tomodensitométriqueIRM cérébraleCacosmieMéningiome olfactif

HighlightsOlfactory physiology includes four parts: nasal airflow physio-logy, olfactory mucus secretion, transduction and central olfac-tory physiology. Diagnosis and medical imaging vary as a func-tion of the aetiology.CT scan is the main medical imaging method to explore smell and taste disorders due to nasosinusal pathologies. A strict methodology is needed.Medical imaging is not neces-sary to explore olfactory mucus pathology.Medical imaging is not neces-sary to explore the transduc-tion.RMI  is  the  main  medical imaging method to explore central olfactory pathology, either tumors (olfactory groove meningiomas), or congenital anosmia.

KeywordsDysosmia

CT scan

RMI

Cacosmia

Olfactory groove meningiomas

obstructives, polypoïdes ou tumorales, présentes dans la fente olfactive. L’exemple le plus typique est celui de la polypose naso-sinusienne.La polypose naso-sinusienne est la cause la plus fréquente de dysosmie par altération de l’aéropor-tage. La dysosmie est le signe majeur de la polypose naso-sinusienne (3). Le diagnostic est clinique ; il est porté devant la présence, bilatérale et le plus souvent symétrique, de polypes dans les 2 cavités nasales. Les polypes sont situés en dehors du cornet nasal moyen dans la moitié antérieure des cavités nasales (prove-nant des cellules ethmoïdales antérieures situées en avant de la lame basale du cornet moyen), et ils sont situés en dedans de ce même cornet dans la moitié postérieure de la cavité nasale (provenant des cellules ethmoïdales postérieures situées en arrière de la lame basale du cornet moyen). L’examen tomodensitomé-trique de la face est réalisé en coupes axiales et coro-nales, sans injection de produit de contraste (figure 1). Il doit être réalisé en dehors d’une poussée inflamma-toire récente (qui majorerait les opacités) et à distance d’un traitement corticoïde per os récent (qui minorerait les opacités). Un délai de 4 à 6 semaines est nécessaire après de tels événements. Cet examen permet de :– confirmer l’atteinte panethmoïdale bilatérale et à peu près symétrique ;– quantifier l’importance des opacités sinusiennes par l’index de Lund-McKay (tableau) [4] ;– rechercher des lésions associées pouvant majorer la réaction inflammatoire (comme une aspergillose maxillaire) ;– étudier les variations anatomiques en cas d’indi-cation opératoire.

Les dysosmies liées à une altération des événements péri-récepteursAvant de se fixer sur le récepteur du neurone olfactif primaire, les molécules odorantes doivent traverser la couche de mucus nasal. Or, de nombreuses molé-cules odorantes sont hydrophobes. Des protéines spécifiques transportant les molécules odorantes à travers la couche de mucus ont été isolées : ce sont les odorant binding proteins (OBP).La principale pathologie des événements péri-récepteurs est la rhinite chronique. Environ 35 % des patients ayant une rhinite chronique se plaignent de dysosmie, généralement d’hyposmie modérée. Aucun examen radiographique n’est indispensable au diagnostic ; un doute diagnostique avec une autre pathologie rhino-sinusienne chronique doit conduire à réaliser un examen tomodensitométrique de la face sans injection, qui se révélera normal (5).

Les dysosmies liées à une altération de la transductionLe neurone olfactif primaire effectue la transduction : c’est la traduction du message chimique en message électrique : une variation de potentiel intracellulaire. Les neurones olfactifs primaires ont une durée de vie courte, limitée à quelques mois, ce qui impose un renouvellement permanent. Ce renouvellement est effectué à partir des cellules basales.

Tableau. Calcul de l’index de Lund-Mac-Kay. Pour chaque côté (droit et gauche), la somme des nombres correspondant à chaque sinus doit être calculée. L’addition des deux sommes (côtés droit et gauche) donne l’index total. En cas d’opacité totale de toutes les cavités naso-sinusiennes, l’index est de 24 sur 24.

Normal Opacité partielle Opacité totale

Sinus maxillaire 0 1 2

Ethmoïde antérieur 0 1 2

Ethmoïde postérieur 0 1 2

Sinus sphénoïdal 0 1 2

Sinus frontal 0 1 2

Méat moyen 0 1 2

Total 0 6 12

Figure 2. Examen tomodensitométrique, en coupe axiale, sans injection de produit de contraste, d’un patient présentant une dysosmie semblant consécu-tive à une rhinite aiguë. Néanmoins, il présente depuis des années des symptômes rhinologiques modérés dominés par une obstruction nasale et une rhinorrhée postérieure. Ces symptômes mineurs doivent conduire à réaliser un examen tomodensitométrique, qui révèle des opacités panethmoïdales modérées, antérieures (EA) et postérieures (EP) en avant et en arrière de la lame basale du cornet moyen (pointillés), permettant de porter le diagnostic de rhino-sinusite diffuse.

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DOSSIER THÉMATIQUESpécial “Odorat”

La pathologie de la transduction olfactive est riche. Elle est largement dominée par les dysosmies post-rhinitiques (postviral olfactory loss, influenza-like infection, post upper respiratory infection [URI]) qui représentent la première cause de dysosmie dans le monde, et dont la prévalence est estimée entre 15 et 35 % des dysosmies. Aux États-Unis, R.I. Henkin et al. ont estimé cette prévalence à 1 patient pour 400 habitants, ce qui représente-rait 150 000 sujets en France (6-8). Ce type de dysosmie affecte particulièrement les femmes (65 à 70 %) d’un âge moyen compris entre 50 et 60 ans. La dysosmie serait essentiellement liée à une destruction des neurones olfactifs primaires. Le principal problème diagnostique est d’établir avec certitude la relation exacte entre la rhinite aiguë et la dysosmie. Durant toute rhinite aiguë, une hyposmie transitoire – souvent une anosmie – s’installe ; elle est liée à l’obstruction nasale secondaire à l’œdème muqueux et à la présence d’abondantes sécrétions. Lorsque l’obstruction et la rhinorrhée s’estompent après une dizaine de jours, l’odorat se normalise. Si la perte olfactive persiste après la guérison de la rhinite, on parle de dysosmie post-rhinitique. Dans la plupart des cas, la prise de conscience de cette évolution inhabituelle de la dysosmie n’est pas immédiate. Le patient attend le plus souvent plusieurs mois avant de prendre effectivement conscience de la persistance du trouble olfactif. Le point capital du diagnostic est d’établir la relation étroite entre la dysosmie et la rhinite aiguë : la dysosmie doit être immédiatement consécutive à la rhinite aiguë. La dysosmie est le plus souvent à la fois une dysosmie quantitative (l’hyposmie semble plus fréquente que l’anosmie [60 versus 40 %]) et une dysosmie qualitative, dominée par les parosmies, qui sont fréquentes (30 à 50 % des cas). Ainsi, le diagnostic de dysosmie post-rhinitique est clinique et repose sur l’interro-gatoire : la chronologie de l’atteinte, l’absence de symptômes rhino-sinusiens et neurologiques. Un doute peut subsister lorsqu’il existe des symptômes rhino-sinusiens (du fait de la fréquence des rhinosi-nusites chroniques dans la population générale). Il convient alors de différencier une dysosmie post-rhinitique d’une dysosmie liée à une poussée de rhinosinusite diffuse. La présence de polypes dans les cavités nasales orientera le diagnostic. En leur absence, il est préférable de réaliser un examen tomodensitométrique des cavités naso-sinusiennes, en coupes axiales et coronales, sans injection de produit de contraste. La présence d’opacités diffuses ethmoïdales antérieures et postérieures, en avant

et en arrière de la lame basale du cornet moyen, permettra de rectifier le diagnostic (figure 2).Les autres étiologies des dysosmies sont beau-coup plus rares. L’altération des neurones olfac-tifs primaires peut être d’origine toxique (chimie lourde), médicamenteuse (exceptionnel), médicale (pathologie rénale, hépatique) ou liée au vieillisse-ment. Aucun examen radiographique n’est utile. Le diagnostic est essentiellement fondé sur l’interro-gatoire (9-12).

Les dysosmies centrales

La première étape centrale dans le système olfactif est l’étape bulbaire. Le bulbe olfactif a une chimio-topie : chaque glomérule est une unité fonction-nelle. Ainsi, il semble exister un codage spatial des odeurs dans le bulbe olfactif. Les axones des cellules mitrales bulbaires empruntent le tractus olfactif latéral et se projettent dans diverses structures, dont le cortex olfactif. Le cortex piriforme est la principale structure corticale olfactive. Les 2 prin-cipales étiologies des dysosmies d’origine centrale sont les traumatismes crâniens (13) et la maladie d’Alzheimer (14).

Figure 4. Examen par résonance nucléaire magnétique cérébrale chez une patiente présentant une anosmie, probablement congénitale. L’IRM cérébrale centrée sur les bulbes et tractus olfactifs permet de confirmer le diagnostic en montrant l’absence de bulbe olfactif.

Figure 3. Examen par résonance nucléaire magnétique cérébrale chez un patient présentant une hyposmie progressive menant en 5 ans à une anosmie, sans étiologie évidente. Le scanner (A) et l’IRM cérébrale (B) révèlent un volumineux méningiome olfactif.

A B

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Imagerie des troubles de l’odoratDOSSIER THÉMATIQUE

Spécial “Odorat”

La fréquence des dysosmies post-traumatiques est importante (de 11 à 19 % des dysosmies). Elle représente la seconde cause de dysosmie selon la littérature. La prévalence des dysosmies dans les traumatismes crâniens est estimée à 5,3 % (13). Le lien entre le traumatisme crânien et l’apparition de la dysosmie est parfois difficile quand le trauma a été compliqué d’une longue période de coma. La dysosmie est le plus souvent une anosmie (60 % des cas), plus rarement une hyposmie (40 %). Une parosmie est souvent associée au trouble quanti-

tatif (40 % des cas). La dysosmie est liée à 3 méca-nismes plus ou moins associés : un cisaillement des axones des neurones olfactifs primaires dans la lame criblée ; des lésions du neuro-épithélium olfactif, notamment lors de brèches de l’étage antérieur de la base du crâne ; des lésions des centres olfactifs. L’étude par résonance magné-tique nucléaire cérébrale des patients dysosmiques après un traumatisme crânien permet de visualiser des lésions intra crâniennes fréquentes : 83 % des patients avaient des lésions bilatérales des bulbes olfactifs (15). Néanmoins, le diagnostic de dysos-mies post-traumatiques est clinique et repose sur l’interrogatoire. L’examen tomodensitométrique de la base du crâne a essentiellement pour but de visualiser une éventuelle brèche osseuse.La seconde étiologie des dysosmies centrales est le vieillissement du système olfactif, que celui-ci soit normal ou pathologique. La maladie d’Alzheimer, par exemple, atteint de manière précoce le système olfactif (14). L’un des problèmes majeurs actuels est de savoir si l’apparition d’une anosmie progressive chez un sujet de moins de 65 ans ne serait pas le premier marqueur d’une maladie d’Alzheimer à venir. L’importance de la dysosmie semble directe-ment liée à la gravité de la démence. Aucun examen radiographique n’est utile.Il existe des atteintes tumorales du système olfactif central dominées par le classique méningiome olfactif, qui ne représente que 0,5 % des étiolo-gies des dysosmies. Sa recherche ne doit pas être systématique mais résulte de l’élimination systé-matique des autres étiologies de dysosmie. Après avoir éliminé les étiologies les plus fréquentes (dysosmies post-rhinitique, post-traumatique, par dysfonctionnement rhinosinusien ou liée à l’âge), l’absence d’étiologie évidente devant une hyposmie progressive menant à l’anosmie doit faire rechercher un méningiome. L’imagerie est alors indispensable (16) ; l’IRM est l’examen de choix (figure 3).Parmi les causes rares de dysosmie centrale, l’anosmie congénitale représente entre 1 et 2 % des consultations pour dysosmie. Dans ce type d’anosmie, le sujet n’a jamais senti. Il faut éliminer – ce qui est souvent difficile –, par un interrogatoire strict, les autres causes de dysosmie de la petite enfance (traumatisme crânien, malformation céré-brale, etc.). L’imagerie médicale est essentielle : l’IRM cérébrale (figure 4) permet de visualiser l’ab-sence de bulbe et de tractus olfactifs (17). Seul ce cadre diagnostique permet de constater une telle anomalie.

Figure 5. Examen tomodensitométrique, en coupe coronale, sans injection de produit de contraste, d’un patient présentant une cacosmie. L’examen tomoden-sitométrique permet d’affirmer le diagnostic topogra-phique de sinusite antérieure de la face bilatérale avec, du côté gauche, des lésions dentaires responsables de la sinusite, et du côté droit, une greffe aspergillaire.

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DOSSIER THÉMATIQUESpécial “Odorat”

Les cacosmies

La cacosmie est définie par l’existence d’une mauvaise odeur dans les cavités naso-sinu-siennes (18). Plusieurs étiologies peuvent être évoquées : les sinusites d’origine dentaire, les mycoses sinusiennes, le reflux gastro-œsophagien et les infections chroniques dentaires et amyg-daliennes. La recherche d’une sinusite antérieure de la face d’origine dentaire repose sur l’examen tomodensitométrique des cavités naso-sinusiennes, en coupes axiales et coronales, sans injection de produit de contraste, associé à un dentascanner (figure 5). Le dentascanner a une forte valeur diagnostique par rapport aux clichés rétroal-véolaires et au panoramique dentaire. En effet, ces 2 derniers types de clichés étant des clichés plans, ils entraînent des superpositions des diffé-rentes structures dentaires ne permettant pas une analyse fine des apex dentaires. Il ne faut donc pas se contenter de tels clichés lorsqu’une origine dentaire est suspectée devant une cacosmie. Paral-lèlement, l’origine mycotique de la cacosmie repose sur l’examen tomodensitométrique : la présence de microcalcifications au sein de l’opacité signe l’as-

pergillose (figure 5). Chez un patient immunodé-primé ou diabétique, une sinusite fongique invasive doit être suspectée : l’examen tomodensitomé-trique et l’IRM sont 2 examens complémentaires.

Les parosmies

La parosmie (19) est définie par la présence d’une odeur, souvent qualifiée de désagréable, en réponse à une stimulation olfactive. Ainsi, l’odeur du café peut être perçue sous forme d’une odeur de plas-tique brûlé ou d’excréments. La présence d’une parosmie signe une atteinte neurosensorielle olfactive, le plus souvent liée à une atteinte du neuro-épithélium olfactif : dysosmie post-rhini-tique et dysosmie post-traumatique dominent les étiologies. L’imagerie médicale n’est pas utile au diagnostic.

Les hallucinations olfactives ou phantosmiesLes hallucinations olfactives ou phantosmies sont des perceptions d’odeurs qui n’ont pas de réalité physique. Elles sont toujours graves. Les étiolo-gies sont dominées par les causes psychiatriques (schizophrénie) et par les tumeurs cérébrales (20).

Conclusion

La diversité des étiologies des dysosmies impose une enquête fondée sur un interrogatoire et un examen clinique rigoureux. L’imagerie médicale ne doit pas être conçue comme un outil systématique. Les demandes doivent être raisonnées, fondées sur des hypothèses diagnostiques et étiologiques. Ainsi, la demande d’IRM cérébrale systématique afin d’éliminer l’hypothèse de méningiome olfactif n’a pas lieu d’être. Les examens tomodensito-métriques des cavités naso-sinusiennes seront demandés devant des pathologies de l’aéropor-tage et des cacosmies (le dentascanner est parfois l’élément clé du diagnostic). L’examen IRM sera demandé devant une crainte de pathologie endo-crânienne dominée par les tumeurs méningées et cérébrales. ■

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Imagerie des troubles de l’odoratDOSSIER THÉMATIQUE

Spécial “Odorat”

1. Bonfils P, Jankowski R, Werner A. Les dysosmies d’origine naso-sinusienne. Revue de la littérature (I). La polypose naso-sinusienne et les sinusites antérieures de la face. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2001;118:131-42.2. Bonfils P, Jankowski R, Faulcon P. Les dysosmies d’origine naso-sinusienne. Revue de la littérature (II). Les rhinites, les malformations nasales et les tumeurs. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2001;118:143-55.3. Bonfils P, Halimi P, Le Bihan C, Norès JM, Avan P, Landais P. Correlation between nasosinusal symptoms and topogra-phic diagnosis in chronic rhinosinusitis. Ann Otol, Rhinol, Laryngol 2005;114 :74-83.4. Thwin M, Weitzel EK, McMains KC et al. Validating the use of report-derived Lund-MacKay scores. Am J Rhinol Allergy 2009;23:33-5.5. Fein BT, Kamin PB, Fein NN. The loss of sense of smell in nasal allergy. Ann Allergy 1966;24:278-83.6. Henkin RI, Larson AL, Powell RD. Hypogueusia, dysgueusia, hyposmia and dysosmia following influenza-like infection. Ann Otol Rhinol Laryngol 1975;84:672-82.7. Faulcon P, Portier F, Biacabe B, Bonfils P. Anosmie secon-daire à une rhinite aiguë : sémiologie et évolution à propos

d’une série de 118 patients. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1999;116:351-7.8. Leopold DA, Hornung DE, Youngentob SL. Olfactory loss after upper respiratory infection. In : Taste and Smell in Health and Disease. Getchell TV et al. New York: Ed Raven Press 1991:731-4.9. Norès JM, Biacabe B, Bonfils P. Produits chimiques toxiques pour le système olfactif. Analyse et description. Presse Med 2000;32:1773-81.10. Norès JM, Biacabe B, Bonfils P. Troubles olfactifs d’origine médicamenteuse : analyse et revue de la littérature. Rev Med Int 2000;21:972-7.11. Biacabe B, Norès JM, Bonfils P. Analyse des troubles olfactifs liés au vieillissement. Revue de la littérature. Presse Med 1999 ; 28 : 1729-35.12. Norès JM, Biacabe B, Bonfils P. Troubles olfactifs et pathologie générale. Analyse et revue de la littérature. Rev Med Int 2000;21:95-104.13. Biacabe B, Norès JM, Bonfils P. Description et analyse des troubles de l’odorat après un traumatisme crânien. Revue de la littérature. Rev Neurol (Paris) 2000;156:451-7.

14. Norès JM, Biacabe B, Bonfils P. Analyse des manifes-tations olfactives dans la maladie d’Alzheimer et dans la maladie de Parkinson. Revue de la littérature. Ann Med Interne 2000;151:97-106.

15. Yousem DM, Geckle RJ, Bilker WB, McKeown DA, Doty RL. Posttraumatic olfactory dysfunction: MR and clinical evaluation. Am J Neuroradiol 1996;17:1171-9.

16. Hentschel SJ, DeMonte F. Olfactory groove menin-giomas. Neurosurg Focus 2003;14:e4.

17. Yousem DM, Oguz KK, Li C. Imaging of the olfactory system. Semin Ultrasound CT MR 2001;22:456-72.

18. Bonfils P, Malinvaud D, Bozec H, Halimi P. Les troubles olfactifs. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2004;121:67-74.

19. Bonfils P, Avan P, Faulcon P, Malinvaud D. Distorted odorant perception: analysis of a series of 56 patients with parosmia. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2005;131: 107-12.

20. Bonfils P, Tran Ba Huy P. Les troubles de l’odorat. Rapport de la Société française d’ORL et de pathologie cervico-faciale, 1999.

Références bibliographiques