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Illustration de couverture :

Le poète Li Bai en état d 'ébr ié té (204,8 x 98 cm), peinture sur papier de Su Liupeng (1844), Musée de Shanghai.

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PREMIER VOYAGE EN CHINE

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LOUIS LEVIONNOIS

PREMIER VOYAGE EN CHINE Journal

suivi de

HOMMAGE A AI QING Essai

et de

RENCONTRER AI QING Récit

ÉDITIONS LES CENT FLEURS

Résidence Antoine et Cléopâtre 17-21, avenue d'Italie

75013 Paris

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© Éditions Les Cent Fleurs, 1989. ISBN 2.906719.02.1

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à Joseph et Hélène Marchisio

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PRÉFACE

Poète voyageur et historien littéraire, Louis Levionnois ne pouvait manquer de rapporter de son premier voyage en Chine, durant l'été 1986, des vues et des réflexions susceptibles d'enrichir sa pensée et son œuvre.

De ce grand et fascinant pays, il avait déjà pu, vingt ans auparavant, approcher la culture millénaire et vivante, concevoir l'originalité pro- fonde et deviner la diversité, grâce à l'amitié partagée, dans sa vie d'étudiant à Rennes, de deux intellectuels chinois de qualité, l 'un du Nord et l'autre du Sud, qu'il retrouvera avec bonheur à Pékin, puis à Canton. Il n'avait cessé, dès lors, d'approfondir son intérêt pour les divers aspects de la civilisation chinoise du présent et du passé, avec une prédilection, chez lui bien naturelle, pour sa poésie toujours renouvelée dans sa continuité. Aussi l 'un des buts de son voyage était-il de rencon- trer le plus grand représentant contemporain de cette longue et bril- lante tradition poétique, Ai Qing, dont les œuvres traduites en français avaient suscité son admiration, et à qui il avait dédié un Hommage.

Le livre que nous donne aujourd'hui Louis Levionnois est d'abord l'impression de son Journal tenu du 10 juillet au 23 septembre 1986. Cet écrit au jour le jour, sans afféterie, porte la marque d 'une grande sincérité. Il est d'abord «naïf» au sens premier du terme, l'auteur dévoi- lant même, quelques jours avant son départ, les fantasmes oniriques déclenchés en lui par l'émotion de joindre bientôt cette Chine tant rêvée. Puis, à mesure que se précise et s'approfondit son observation,

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le voyageur attentif et de plus en plus intéressé ne se retourne plus guère sur lui-même que pour nourrir ses réflexions des faits, matériels ou psychologiques, qu'il observe dans un monde nouveau avec l'objec- tivité du photographe très actif qu'il est aussi, voire avec méticulosité, s'attachant parfois au menu détail. Sa quête de vérité l'amène de temps à autre à réviser ses jugements antérieurs et lui donne un regard neuf, source de réflexions toujours très personnelles, susceptibles comme tel- les d'être discutées, en tout cas d 'une spontanéité qui fait fi des con- ventions. Ce Journal, qui tient à la fois du reportage, de l'essai et, modérément, de l'autobiographie, est un document fort intéressant. Il éclaire aussi la psychologie de l 'auteur d 'une façon assez remarquable : le poète qui, dans les premières pages, se prend à rêver (au sens propre du terme) sous l'émotion du proche départ, se mue en observateur pré- cis du réel durant son séjour en Chine, mais le dépaysement du retour, par un nouveau choc émotionnel, renouvelle un moment ses fantasmes oniriques.

L'Hommage à Ai Qing qui suit le Journal n'est pas un panégyrique, mais une étude littéraire très fine et bien documentée, illustrée d'ex- traits traduits de l'œuvre du grand poète, qui suit les péripéties de son existence mouvementée de lettré révolutionnaire, soumise aux avatars de la politique et dont la période la plus pénible fut, de 1957 à 1978, celle d 'une condamnation au silence durant les années de la «révolution

culturelle», naufrage de la culture. Ce texte remarquable est accompagné, sous le titre Rencontrer Ai

Qing, du récit ému de l'entrevue qui eut lieu, le 16 juillet 1986, entre le vieux poète chinois réhabilité et son cadet en poésie. Aussi sobre que minutieux, ce récit a une force d'évocation qui nous fait comme partici- per à l'entretien, dans son cadre matériel et intellectuel, et presque voir, dans sa dignité enjouée, l 'auteur des plus beaux vers — et des plus accessibles en traduction — de la littérature chinoise contemporaine.

Afin de donner à ses lecteurs une idée d'ensemble de la poésie chi- noise à travers les siècles, Louis Levionnois termine son livre par plu- sieurs Annexes, dont un choix de poèmes traduits et une analyse des Poèmes chinois d'avant la mort réunis, par le grand sinologue Paul Demiéville, dans les derniers temps de sa vie.

Seul un poète comme Louis Levionnois pouvait nous offrir, sur la Chine d 'aujourd'hui et sur sa poésie de toujours, ce livre enrichissant

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et divers, très personnel et parfois singulier, mais empreint d'un huma- nisme qui ressent profondément tout à la fois l'irréductible originalité et les valeurs universelles de la civilisation chinoise.

Louis Bazin Président de l'Association des Amitiés Franco-Chinoises

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AVANT-PROPOS

La Chine actuelle s'est résolument ouverte à l'Occident. Le témoi- gnage qu'on va lire est le résultat d'un certain nombre de rencontres favorisées à la fois par des décisions de caractère historique, et un goût personnel pour ce grand pays dont l'axe dominant, à travers le mystère et l'attirance du plus extrême exotisme, aura toujours été la Poésie. Suite à la reconnaissance officielle par le général de Gaulle de la Répu- blique Populaire de Chine en 1964, un certain nombre d'étudiantes et d'étudiants chinois sont venus améliorer, à la Faculté des Lettres de Rennes, la maîtrise qu'ils possédaient déjà de notre langue et la com- préhension qu'ils pouvaient se faire jusque-là de notre civilisation et de notre société. C'est dans ce cadre que j'ai pu sympathiser avec deux d'entre eux, respectivement originaires le premier de Canton et le second de Pékin. Il me paraît nécessaire de conter, pour commencer, l'histoire de ces deux premières rencontres.

Il se trouvait en effet qu'à la même époque, j'étais moi aussi alors étudiant à Rennes. Et l'un de nos professeurs de Littérature ayant orga- nisé une excursion au pays natal de Du Bellay, au matin du dimanche 4 avril de l'année suivante, c'est-à-dire en 1965, au moment même où je venais de m'installer dans le car, un jeune Chinois me proposa de prendre place à mon côté. Bientôt entrés en conversation à la faveur du trajet, nous n'avions pas tardé à nous trouver des affinités. Et quelques heures plus tard au bord de la Loire, debout l'un non loin de l'autre à l'air libre devant une maison sur la façade de laquelle le sonnet

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Heureux qui, comme Ulysse... avait été gravé dans le marbre en lettres d'or, je crus sentir un instant quelque chose de l'émotion qui étreignit soudain mon compagnon de voyage, à mesure qu'il déchiffrait du regard chacun des vers du poème dont il découvrait ainsi l'existence...

De ce même jour encore, je garde le souvenir de m'être fait une autre remarque, dans la poursuite de notre dialogue déjà presque amical. Dans le désir qui s'avéra de plus en plus distinct en moi d'être compris aussi clairement que possible de mon lointain interlocuteur, comme je ne savais ni sa langue d'origine, ni même tout à fait le niveau qu'il avait atteint dans la connaissance de la mienne, je me suis surpris à éprouver le sentiment irrésistible de réapprendre, de réinventer en quelque sorte le français à chaque nouvelle phrase émise ou entendue de l 'un à l'autre. Or cela me conduisit aussi, de proche en proche et par voie de conséquence, à voir dans une tout autre lumière et les objets qui nous environnaient sur le moment, pour autant du moins qu'ils étaient susceptibles d'entrer dans les propos que nous échangions, et la nature même des relations d'être à être qui commençaient de la sorte à s'établir entre nous deux. Au cours des semaines et des mois qui suivi- rent, puis jusque durant l 'année universitaire ultérieure, je rendis visite à mon nouvel ami dans sa chambre d'étudiant de manière assez fré-

quente et régulière. C'est ainsi que je suis entré peu à peu, sans jamais négliger non plus l'histoire récente de son pays, dans l'univers plurimil- lénaire de la littérature, des arts, des mœurs, des diversités de toute sorte de la civilisation chinoise.

Voilà donc comment je fis la connaissance de cet ami de Canton, qui est venu partager récemment avec les miens notre traditionnelle veillée de Noël. Quant à celui de Pékin, que j'ai rencontré il est vrai plus rare- ment à Rennes, mais qui n 'en demeure pas moins aujourd'hui un fidèle correspondant, il me fut présenté d'abord ainsi qu'à ma famille par son camarade cantonais, un dimanche où nous les avons reçus tous deux à déjeuner et à dîner. Nous avons passé ensemble la journée en des visites diverses. Et je l'ai revu, par la suite, à deux ou trois autres occasions. Puis vint pour eux le moment du départ, celui du retour en Chine avec leurs autres compatriotes. Seul, mon ami de Canton m'avait confié son adresse. Mais malgré les lettres que je lui envoyais depuis la France, aucune réponse à cette époque ne parvint jamais, dans l'autre sens, jusqu'à moi. Reçut-il même mes courriers ? On était, là-bas, en

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pleine Révolution culturelle. Et c'est seulement depuis mon récent voyage dans son pays, depuis que nous nous sommes revus, que j'ai pu m'expliquer les vraies raisons de son silence prolongé.

Entre temps, mais seul désormais et toujours à la faveur de traduc- tions, je n 'en ai pas moins poursuivi de mon côté mes lectures chinoi- ses : philosophes, poètes surtout. Quelques années passèrent. Et je me suis retrouvé en Afrique anglophone. Sur cet autre continent du monde, dans des anthologies anglaises, je découvris de nouveaux poè- mes chinois. Et certains réveillèrent en moi de tels échos, que j 'en ai improvisé sur-le-champ une première traduction dans les marges. Bien- tôt vint le retour en France. Et d'autres années passèrent encore. Mes lectures chinoises étaient devenues plus espacées, presque oubliées même quand en décembre 1981, par le biais de mes parents à qui il s'était d'abord adressé, je reçus une première lettre de mon ami de Canton dans laquelle il m'exprimait son souhait de renouer avec moi. Le contact ainsi rétabli, c'est dans cette amitié perdue enfin retrouvée qu'une fois de plus, mais alors de façon autrement décisive, je suis revenu à la Poésie chinoise.

Peu à peu, je me suis senti respirer à nouveau dans l'atmosphère si singulière de jadis, au temps à peine plus qu'adolescent de mes entre- tiens en tête à tête avec ce jeune ambassadeur des immensités de la Chine, géographiques aussi bien que culturelles. En outre, les pièces d'inspiration taoïste ou bouddhiste qui chantent la retraite quasi éré- mitique dans des pavillons ou des sortes de chalets isolés en haute mon- tagne, avaient acquis depuis lors à mes yeux le privilège inouï de me faire revivre, à loisir et en imagination, les souvenirs de certains paysa- ges que j'avais déjà eu plaisir à qualifier sur place de «chinois» : avec par exemple, au-dessus des lacs dominés par d'anciens bungalows datant de la colonie britannique, ces longues écharpes de brume mati- nale, soie et lait tout ensemble, qui s'étirent et s'élèvent lentement avec le jour parmi les arbres de l'épaisse forêt montagneuse, en forme de vaste cuvette verte sous le ciel tout autour de l'eau. Mes rêves eux-

mêmes étaient devenus «chinois». Et repensant aux traductions que j'avais improvisées jadis sur le continent noir, je les ai reprises une à une

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en vue de les faire confronter aux textes originaux, par l'intermédiaire de ce lointain ami de Canton retrouvé après plus de quinze années de silence.

Mais le contact avec celui de Pékin ne fut rétabli que plus récemment encore, dans des circonstances différentes et qui, à leur tour, méritent d'être rapportées. A la fin du mois d'avril 1986, je reçus pour quelques jours sous mon toit un jeune professeur de français de la capitale chi- noise qui, lui aussi mais plus tard et pour trois années successives, était venu améliorer à la Faculté des Lettres de Rennes ses connaissances de notre langue et de notre civilisation. Au cours de l'un des tout premiers repas que je lui ai offerts, j'en suis venu à lui évoquer mes propres sou- venirs estudiantins, les professeurs que nous avions eus en commun par delà l'intervalle de plus d'une décennie et, surtout, ceux de la première vague de ses compatriotes que j'y avais connus et avec lesquels j'avais sympathisé. Or, par l'un des plus heureux hasards qui pouvaient se ren- contrer, il se trouva que mon jeune hôte tenait pour l'un de ses meil- leurs amis du département de français de l'Institut où il enseignait, ce Chinois de Pékin précisément que ma famille et moi-même avions reçu, avec l'ami de Canton, durant tout un dimanche à la maison. Il me donna de ses nouvelles, tant passées que plus récentes. Nous déci- dâmes aussitôt de lui écrire ensemble une lettre. Et c'est ainsi que j'ai renoué, avec lui aussi, un dialogue interrompu depuis exactement vingt ans.

Voici maintenant le récit de mes autres rencontres, beaucoup plus récentes celles-là et, d 'un certain point de vue, moins décisives que les précédentes. Jusqu'au jour de ma première visite à la librairie chinoise de Paris Les herbes sauvages, le 30 octobre 1984, j'ignorais tout de la vie et de l'œuvre du grand poète contemporain Ai Qing. Le gardien du magasin sut m'en faire un tel éloge, que je n'ai pas hésité à me procurer un exemplaire du livre qui recueille cent de ses poèmes, paru dans l'an- née à Pékin aux éditions Littérature Chinoise. Mais mon conseiller litté-

raire improvisé fit mieux encore, puisqu'il me permit d'entrer en rela- tion avec l 'un des deux traducteurs en français de ces poèmes, M. Yan Hansheng alors responsable du Service culturel de l'Ambassade de la

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République Populaire de Chine. Quelques jours plus tard, le 2 novem- bre suivant, je le reçus dans l 'appartement de mon beau-frère sénéga- lais, en même temps qu 'un autre de ses compatriotes qui ne le connais- sait que de réputation. J'avais pressenti ce dernier pour une éventuelle collaboration, dans la traduction de textes classiques de leur patrimoine poétique. Et je ne fus pas mécontent de voir les deux hommes se décou- vrir, s'apprécier mutuellement, s'entretenir un peu ensemble dans leur langue et se promettre de se revoir. Ils me parlèrent beaucoup l 'un comme l'autre de Ai Qing, et me confirmèrent si bien dans la haute estime où tous ceux qui l'avaient lu tenaient le poète, que je ne tardai pas à proposer à son traducteur d 'en faire moi-même, en français seule- ment il est vrai, mais aussi grâce à lui, une lecture attentive dont les résultats se concrétiseraient peut-être, par la suite, dans la rédaction d 'un essai. Telle fut l'origine de l' Hommage que j'ai fait suivre, dans ce livre, le journal de mon premier voyage en Chine.

Cette entrevue parisienne, que j'avais suscitée et qui avait réuni trois continents dans quatre personnes, fut le point de départ d 'une amitié littéraire aussi fructueuse et utile d 'un côté que de l'autre. Une corres- pondance s'établit entre M. Yan Hansheng et moi, qui nous permit de réaliser l'échange d 'un certain nombre de documents et d'informa- tions. Puis, comme sur la fin de l 'année suivante un Comité des Ami- tiés Franco-Chinoises fut fondé dans la région où je demeure, nous eûmes l'occasion de solliciter ses services pour une première manifesta- tion publique. Il fut invité personnellement à venir inaugurer l'exposi- tion que nous avions organisée sur son pays, dont il nous avait d'ailleurs confié lui-même une bonne partie des éléments. Et c'est ainsi que je reçus pour deux jours sous mon toit, en tant que membre du Bureau directeur de ce Comité régional mais aussi comme son correspondant littéraire, les 24 et 25 janvier 1986, celui à qui je devais d'avoir pu lire l'œuvre et mieux apprécier la personnalité de ce poète chinois contem- porain dont, chez lui comme en France et aussi ailleurs dans le monde, le nom fut récemment avancé parmi ceux des lauréats possibles du Prix Nobel de Littérature.

M. Yan Hansheng était encore en poste à l'Ambassade de Chine à Paris, mais promu Premier Secrétaire depuis quelques semaines déjà avant que je ne le reçoive chez moi quand, ayant appris plusieurs mois plus tard que j'allais bientôt m'envoler vers sa patrie, je le joignis par

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téléphone afin de lui demander de bien vouloir me ménager, à Pékin, une entrevue avec celui qu'il avait si bien servi dans le sens de notre langue. Mais je reviendrai ensuite sur ce voyage, comme aussi sur cette rencontre. Car il me faut d'abord rapporter, telle quelle et sans autre commentaire, la réflexion que je me suis faite le 4 novembre 1984, au milieu de ma première lecture des Cent poèmes de Ai Qing. Je l'ai notée sur l'une des pages blanches de l'exemplaire que je venais de me procurer aux Herbes sauvages. Elle résume assez bien ma pensée du moment sur la Chine et sur les Chinois, avant que je n'aille visiter le pays et n'apprenne même que je devais le faire plus tôt encore que je n'osais alors l'espérer. La voici donc, intégrale comme sans ajout :

Ce qui m 'étonne le plus chez les Chinois, à travers du moins leurs deux représentants il est vrai assez privilégiés avec lesquels j 'ai pris con- tact l'autre jour dans l'appartement de ma sœur à Paris, c'est cette alliance unique, inexistante pratiquement chez nous tels que nous som- mes et dans l'univers où nous vivons, d'une très haute culture et d'une intelligence raffinée à quoi rien d'humain jamais n 'est tout à fait étran- ger (mes impressions de conversation), avec une fraîcheur toujours sou- riante, optimiste dans son réalisme même, spontanée et qu 'on oserait presque qualifier de naïve, de leur sensibilité au monde et à la vie dans toutes ses manifestations. Or je vois bien que cette attitude, cet état de leur personnalité a une origine qui leur est commune et qui dépasse lar- gement leurs individualités respectives, indépendante même qu 'elle est de l'idéologie qu'ils peuvent professer officiellement à tel ou tel moment de leur histoire. Ce qu 'ils sont est étroitement lié à une cons- cience vivante du pays d'où ils viennent dans son originale et éternelle beauté, de ce peuple aussi dont ils sont issus et qu 'ils savent représen- ter, avec sa masse paysanne énorme et quasi éternelle qui concrétise les fondements, la pérennité d'une nation à l'histoire et au destin d'excep- tion. Pour ma part, j'avais pressenti cela dès le temps de mes dialogues avec mon ami de Canton, à Rennes en 1965. Et je l'ai soudain revécu à Paris ce 2 novembre dernier, mais avec toute la sensibilisation accrue et la lucidité acquise, dans l'intervalle, non pas encore par une visite sur place même, mais du moins par une attention toujours maintenue en éveil à la Chine actuelle dans son évolution et dans ses drames — mes lectures de Mao Zedong, de Jean Esmein, des Mémoires d'Étienne

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Universalité de Maurice Courant 1986 (inédit)

Lettre à Henri Fluchère sur François Malherbe 1986 (inédite)

Lettre à Pierre Menanteau sur Paul Verlaine 1987

Poésie de Paul Lorenz 1985 et 1988

Michel Leiris 1985 et 1988

André Chénier et la Poésie chinoise 1988 (à paraître)

Jean-Vincent Verdonnet 1985 et 1989

EN PRÉPARATION

Passage de Hölderlin en Charente essai

Les Cerfs de Lascaux récit autobiographique

Deuxième voyage en Chine : le Tibet récit de voyage

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