III. Etude du comportement en fatigue - INSA de...

36
III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement en fatigue Nous l’avons vu au §I.4., il existe dans la littérature un grand nombre de travaux s’intéressant au comportement en fatigue des fontes G.S.. Les principaux mécanismes de fissuration ont été présentés en portant une attention particulière à l’influence de la microstructure. Les traitements thermiques qui permettent de la faire évoluer, vont conduire à des différences de durée de vie selon l’état métallurgique du matériau. C’est notamment le cas des recuits de ferritisation qui sont au centre de notre étude. En nous basant sur les travaux précédents [MON00, DIE96] qui ont mis en évidence ces variations des propriétés de fatigue, tout en les complétant, nous souhaitons parvenir à dégager des voies d’optimisation des traitements thermiques afin d’améliorer la durée de vie en fatigue à faibles contraintes de ces nuances de fonte. Dans ce chapitre nous présentons une comparaison précise du comportement en fatigue des différents états de la nuance B. Dans un premier temps, nous déterminons la résistance en fatigue de 3 états de cette nuance, en traçant les courbes de Wöhler, qui donnent pour un niveau de contrainte le nombre de cycles à la rupture. Les résultats concernant les traitements thermiques T1 et T2 déjà obtenus par P. Dierickx et J.P Monchoux sont complétés de manière à confirmer la tendance observée. Des essais ont également été réalisés sur l’état brut de coulée B0 ce qui donne un élément de comparaison supplémentaire. Dans un second temps, nous poursuivons l’étude des mécanismes de fissuration en fatigue à faibles contraintes. Ainsi, nous souhaitons expliquer l’origine des différences de durée de vie en fatigue selon le traitement thermique appliqué. Les états BT1 et BT2 sont plus particulièrement étudiés en comparant aussi bien la phase d’amorçage des microfissures que la phase de propagation. Pour cela, des suivis de fatigue sont réalisés par l’intermédiaire d’observations en microscopie optique de la surface d’éprouvettes polies. Pour compléter les informations de surface obtenues, des caractérisations tridimensionnelles de la microstructure ont été entreprises, en utilisant une technique expérimentale récente, la tomographie X haute résolution. Elle permet l’obtention d’informations inaccessibles par de simples observations de surface. III.1. Courbes de Wöhler III.1.1. Techniques expérimentales Eprouvettes La géométrie des éprouvettes utilisées pour la détermination des courbes de Wöhler des différents états (B0, BT1, BT2), est identique à celle adoptée par [DIE96, MON00] (Figure III.1.). Ces éprouvettes vont permettre dans un premier temps d’évaluer la durée de vie en fatigue pour différents niveaux de contrainte, puis de réaliser des suivis en microscopie optique des mécanismes de fissuration (§III.2.). Pour cette raison, la section rectangulaire est non constante, ce qui entraîne la localisation de la contrainte maximale imposée, limitant ainsi la surface de la zone à observer. Le coefficient de concentration de contrainte est égal à 1,04.

Transcript of III. Etude du comportement en fatigue - INSA de...

Page 1: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

53

III. Etude du comportement en fatigue

Nous l’avons vu au §I.4., il existe dans la littérature un grand nombre de travaux s’intéressant au comportement en fatigue des fontes G.S.. Les principaux mécanismes de fissuration ont été présentés en portant une attention particulière à l’influence de la microstructure. Les traitements thermiques qui permettent de la faire évoluer, vont conduire à des différences de durée de vie selon l’état métallurgique du matériau. C’est notamment le cas des recuits de ferritisation qui sont au centre de notre étude.

En nous basant sur les travaux précédents [MON00, DIE96] qui ont mis en évidence ces variations des propriétés de fatigue, tout en les complétant, nous souhaitons parvenir à dégager des voies d’optimisation des traitements thermiques afin d’améliorer la durée de vie en fatigue à faibles contraintes de ces nuances de fonte.

Dans ce chapitre nous présentons une comparaison précise du comportement en fatigue des différents états de la nuance B. Dans un premier temps, nous déterminons la résistance en fatigue de 3 états de cette nuance, en traçant les courbes de Wöhler, qui donnent pour un niveau de contrainte le nombre de cycles à la rupture. Les résultats concernant les traitements thermiques T1 et T2 déjà obtenus par P. Dierickx et J.P Monchoux sont complétés de manière à confirmer la tendance observée. Des essais ont également été réalisés sur l’état brut de coulée B0 ce qui donne un élément de comparaison supplémentaire.

Dans un second temps, nous poursuivons l’étude des mécanismes de fissuration en fatigue à faibles contraintes. Ainsi, nous souhaitons expliquer l’origine des différences de durée de vie en fatigue selon le traitement thermique appliqué. Les états BT1 et BT2 sont plus particulièrement étudiés en comparant aussi bien la phase d’amorçage des microfissures que la phase de propagation. Pour cela, des suivis de fatigue sont réalisés par l’intermédiaire d’observations en microscopie optique de la surface d’éprouvettes polies. Pour compléter les informations de surface obtenues, des caractérisations tridimensionnelles de la microstructure ont été entreprises, en utilisant une technique expérimentale récente, la tomographie X haute résolution. Elle permet l’obtention d’informations inaccessibles par de simples observations de surface.

III.1. Courbes de Wöhler

III.1.1. Techniques expérimentales

Eprouvettes La géométrie des éprouvettes utilisées pour la détermination des courbes de Wöhler des

différents états (B0, BT1, BT2), est identique à celle adoptée par [DIE96, MON00] (Figure III.1.). Ces éprouvettes vont permettre dans un premier temps d’évaluer la durée de vie en fatigue pour différents niveaux de contrainte, puis de réaliser des suivis en microscopie optique des mécanismes de fissuration (§III.2.). Pour cette raison, la section rectangulaire est non constante, ce qui entraîne la localisation de la contrainte maximale imposée, limitant ainsi la surface de la zone à observer. Le coefficient de concentration de contrainte est égal à 1,04.

Page 2: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 54

Figure III.1 : Géométrie des éprouvettes de fatigue macroscopiques.

Machine de fatigue Les essais de fatigue ont été réalisés sur une machine hydraulique de type INSTRON 8516.

Les conditions expérimentales utilisées pour les essais de fatigue sont également analogues à celles employées par J.P. Monchoux et P. Dierickx.

Les essais sont pilotés en contrainte à une fréquence de 10 Hz avec une consigne sinusoïdale. Le rapport R = σmini / σmaxi est de 0,1.

Afin d’éviter de mobiliser la machine pendant des périodes trop importantes pour une même éprouvette, les essais sont arrêtés après 3 000 000 de cycles (3 jours à 10 Hz) lorsque la rupture de l’éprouvette n’est pas intervenue.

III.1.2. Résultats Les courbes de Wöhler donnant pour la contrainte maximale appliquée le nombre de cycles

à rupture sont représentées sur la Figure III.2. Les résultats obtenus par P Dierickx et J.P Monchoux sont reportés et les nouveaux essais réalisés permettent d’obtenir 5 points par niveaux de contrainte pour les états BT1 et BT2. Les résultats des fontes G.S. ferritisées au moyen des deux traitements thermiques sont comparés à ceux relatifs à l’état brut de coulée (B0).

Les résultats des essais de fatigue concernant les états BT1 et BT2 confirment bien ce qu’avait observé J.P Monchoux. A forte contrainte (contrainte maximale σM égale à 420 MPa, soit 1,2 à 1,4 fois σ0,2) les écarts entre les durées de vie sont faibles, tandis que pour des contraintes moins importantes (à partir de 400 MPa) les durées de vie de la fonte GS qui subit le traitement thermique T1 sont plus élevées. Pour une contrainte égale à 320 MPa il n’y a pas de rupture après 3 000 000 de cycles pour l’état BT1, tandis que pour l’état BT2 la durée de vie est d’environ 1 000 000 de cycles.

En ce qui concerne l’état B0 qui est brut de coulée, les durées de vie en fatigue sont comparables à celles de BT1, ceci pour une contrainte allant jusqu’à environ 380 MPa. Pour des contraintes plus faibles, les durées de vies de B0 semblent plus importantes et pour une contrainte de 340 MPa il n’y a pas de rupture après 3 000 000 de cycles. La durée de vie de BT1 pour ce niveau de contrainte est d’environ 1 000 000 de cycles, pour l’état BT2 elle est de 250 000 cycles.

Page 3: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

55

Figure III.2 : Courbes de WÖHLER des états B0, BT1 et BT2. Les symboles avec un fond blanc correspondent aux éprouvettes non rompues.

En résumé, ces résultats montrent que :

- A forte contrainte (σM ≈ 420 MPa, soit 1,2 à 1,4 fois σ0,2) B0 ≈ BT1 ≈ BT2

- A faible contrainte (σM ≈ 340 MPa, soit 0,9 à 1,1 fois σ0,2) B0 > BT1 > BT2 Le recuit de ferritisation diminue la durée de vie en fatigue par rapport à l’état brut de

coulé et cela d’autant plus que le traitement à été réalisé à une température élevée (880°C pour BT2 et 750°C pour BT1).

Relation entre la limite d’élasticité à 0,2 % et la durée de vie en fatigue Comme cela a été fait par J.P. Monchoux (voir §I.4.4.1.) [MON00], nous avons divisé les

contraintes maximales appliquées σM lors des essais de fatigue par les valeurs des limites conventionnelles d’élasticité à 0,2 % (σ0,2) des états B0, BT1 et BT2. Cette limite d’élasticité σ0,2 est celle qui est le plus facilement mesurable. Nous voulons ainsi confirmer la relation observée par [MON00] entre la limite d’élasticité de la fonte et sa résistance à la fatigue.

Les courbes correspondant σM / σ0,2 en fonction du nombre de cycles à rupture sont reportées sur la Figure III.3. Nous pouvons voir sur cette figure que les nuages de points correspondant aux états B0, BT1, BT2 sont proches pour chaque valeur de σM / σ0,2, ce qui confirme l’influence de la limite d’élasticité du matériau sur la durée de vie en fatigue.

Page 4: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 56

Figure III.3 : Courbes de WÖHLER des états B0, BT1 et BT2 rapportées à la limite conventionnelle d’élasticité σ0,2.

III.2. Mécanismes de fissuration en fatigue

III.2.1. Techniques expérimentales Dans cette partie, nous décrivons brièvement la technique utilisée pour les suivis en surface

de l’endommagement réalisés dans le but de comparer les mécanismes de fissurations des états BT1 et BT2. Ensuite nous présentons le principe de la tomographie X, puis les premières caractérisations en 3D de la microstructure de fontes. Pour finir, nous indiquons la méthode employée afin d’appliquer cette technique à l’étude des mécanismes de fissurations des fontes G.S..

III.2.1.1. Suivi de l’endommagement par microscopie optique Des suivis de fissures lors d’essais de fatigue ont été réalisés sur des éprouvettes identiques

à celles utilisées pour la détermination des courbes de Wöhler (Figure III.1.). Afin de pouvoir effectuer des observations en microscopie optique de la surface de ces éprouvettes, elles ont au préalable été polies, tout d’abord au moyen de papier SiC de grain 320, 600, 1200 avec lubrification à l’eau, puis de papier SiC de grain 2500 et 4000, à sec pour éviter la corrosion et ne pas endommager l’interface entre les sphéroïdes et la matrice. Une étape finale est réalisée à l’aide de pâte diamantée ¼ µm, lubrifiée au DP Blue (Struers). Les observations optiques se font à l’aide d’un microscope de marque ZEISS Axioplan.

Ces suivis ont été effectués sur les états BT1 et BT2. La contrainte maximale (σM) de sollicitation choisie est égale à 340 MPa, ce qui correspond à la plus faible contrainte conduisant à la rupture de chaque état. D’autre part, ce niveau de contrainte correspond à celui utilisé par [MON00] ce qui permettra d’associer nos résultats.

Au commencement du suivi, des arrêts fréquents sont réalisés afin d’étudier de façon précise la phase d’amorçage des microfissures. Dans le cadre de cette étude, nous considérons

Page 5: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

57

qu’une microfissure est amorcée lorsque sa taille est d’environ 1 µm. Ensuite, les intervalles d’observation sont allongés. Pour chaque étape d’observation l’éprouvette est démontée de la machine de fatigue, puis observée et de nouveau remontée.

III.2.1.2. Tomographie X haute résolution

1) Introduction Dans le domaine de la fatigue, où les phénomènes potentiellement responsables de la

rupture sont localisés, et où l’information de surface est limitative, la possibilité d’observer la microstructure d’un matériau sous la surface et à cœur est attractive et susceptible d’apporter de précieuses informations. Comme nous l’avons vu au §I.4., l’examen post mortem des surfaces de rupture d’échantillons permet, en partie, d’obtenir des informations précieuses sur les mécanismes de fissuration opérant au cœur du matériau. Cependant il s’agit d’une méthode destructive n’apportant pas d’informations sur la cinétique de fissuration. De même, le polissage et l’examen de coupes successives au sein d’un échantillon sollicité constituent une autre méthode d’analyse mais qui a le désavantage d’être très fastidieuse et assez délicate à mettre en œuvre : maîtrise de l’épaisseur de matière enlevée, artefact de re-bouchage des fissures etc. C’est aussi une méthode destructive ne permettant pas une étude cinétique.

Depuis quelques années, une nouvelle technique non destructive, la tomographie X haute résolution, permet d’obtenir des images tridimensionnelles (3D) au cœur des matériaux. Elle dévoile toutes les caractéristiques de la microstructure (présence de différentes phases, d’inclusions, de fissures, de porosités…) qui modifient le coefficient d’atténuation ou l’indice optique le long du cheminement emprunté par un faisceau de rayon X dans le matériau. Dans les années 1970, la technique a été principalement développée et utilisée dans le domaine médical avec une résolution typique de 300 µm environ. Récemment, l’utilisation d’une source synchrotron de la troisième génération, notamment à l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) a permis d’atteindre une résolution de l’ordre du micromètre, ce qui rend possible l’observation microstructurale des matériaux métalliques en 3D.

Cette technique dont nous décrivons le principe en annexe A.1., va nous permettre tout d’abord de caractériser sur les plans qualitatifs et quantitatifs la microstructure de la fonte GS (sphéroïdes de graphite, porosités), voir annexe A.2.. Ensuite il sera possible, sur des éprouvettes préalablement sollicitées en fatigue, de déterminer les dimensions réelles des défauts à l’origine de fissures (ou n’en ayant pas amorcé). Enfin nous pourrons obtenir des informations tridimensionnelles sur l’aspect des fissures.

2) Application de la tomographie X à la caractérisation de la microstructure de fonte Une première campagne d’essais a été réalisée à l’ESRF dans le but de s’assurer que la

caractérisation de la microstructure de fontes était possible. Les informations qui nous intéressent sont les défauts amorçants des microfissures (porosités et sphéroïdes de graphite) mais également les microfissures elles-mêmes. Pour vérifier cela, un échantillon de la nuance B, à l’état BT2 a été caractérisé en tomographie X (énergie de 30 KeV, résolution 1 µm, 900 projections). Cet échantillon a été prélevé dans une éprouvette de fatigue sollicitée durant 140 000 cycles à une contrainte de 340 MPa. Des observations en microscopie optique ont été effectuées de manière à s’assurer de la présence de microfissures (tailles maximales d’une dizaine de micromètres). L’échantillon a la forme d’une baguette de 500 µm de coté afin que sa diagonale soit égale à 700 µm (Ces petites dimensions sont nécessaires en raison de la forte atténuation des rayons X par le fer, voir annexe A.2.). Sa longueur est de 2 cm, ce qui permet de la maintenir dans un petit porte-échantillon.

La Figure III.4 montre un exemple de la microstructure de l’état BT2. Grâce à un seuillage, les informations provenant de la matrice ont été retirées. Seules subsistent les sphéroïdes de graphite et les porosités qui ont été différenciées numériquement (sélection manuelle des

Page 6: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 58

sphéroïdes de graphite par rapport aux porosités selon un critère morphologique). Ceci est nécessaire car ces deux éléments microstructuraux génèrent un contraste d’atténuation semblable. Il n’est donc pas possible de les dissocier par seuillage.

Tomographie X Vue de face Observation en MEB

Zones de porosités

Tomographie X rotation de 45° du bloc reconstruit ci-dessus

sphéroïdes de graphite

porosités

Figure III.4 : Visualisation 3D à l’aide du logiciel VGSTUDIOMAX 1.0 (micro-tomographie) et 2D (MEB) d’une petite zone de l’échantillon (état BT2) caractérisé en micro-tomographie. Les sphéroïdes de graphite apparaissent en vert, tandis que les porosités sont de couleur rouge.

En conclusion de ces premiers essais de caractérisation de fonte G.S. sollicitée en fatigue,

nous pouvons voir que : ⇐ Les sphéroïdes de graphite et les porosités, de par leur faible atténuation des rayons X,

sont détectées par micro-tomographie au sein de la matrice ferritique. La caractérisation tridimensionnelle de ces éléments permet l’obtention de nombreuses données présentées en annexe A.2.2.

⇐ Les microfissures visibles en microscopie optiques ne sont pas détectables sur les images 3D reconstruites.

Concernant ce dernier point, différents facteurs peuvent expliquer cela : - la résolution de 1 µm n’est pas suffisante, - les fissures sont trop petites et pas assez ouvertes, - la distance échantillon / détecteur n’est pas assez importante ce qui ne permet pas

l’obtention de contraste de phase.

Page 7: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

59

Le premier objectif visé qui est d’obtenir des informations provenant du cœur du matériau sur les éléments microstructuraux initiant des microfissures (sphéroïdes de graphite, porosités) est atteint. Ensuite, nous souhaitons pouvoir observer en 3 dimensions les fissures de fatigue, avec comme objectif à plus long terme, le suivi de l’évolution en 3D de l’endommagement.

3) Utilisation de la tomographie X pour l’étude des mécanismes de fissuration en fatigue

Pour répondre à ces différentes attentes, les conditions expérimentales ont été modifiées. Nous avons tout d’abord redéfini la géométrie des échantillons. Lors des premiers essais, des petits échantillons ont été découpés dans des éprouvettes de fatigue macroscopiques. Cela a plusieurs inconvénients. Cette méthode ne permet pas d’effectuer de nouvelles sollicitations de fatigue après caractérisation en micro-tomographie. D’autre part, les échantillons peuvent être endommagés lors du prélèvement en raison de leur faible taille.

Pour pallier à ces difficultés, des éprouvettes de fatigue que l’on peut qualifier de microscopiques sont élaborées de manière à permettre une caractérisation en micro-tomographie directement sur ce type d’éprouvette. Cette méthode a déjà été employée au laboratoire par [BUF02]. Elle nécessite l’utilisation d’une machine de fatigue spécialement conçue pour solliciter des éprouvettes de très petite taille. - Conditions d’essai sur éprouvettes microscopiques

Eprouvettes

La géométrie des éprouvettes à été déterminée de façon à permettre une caractérisation en micro-tomographie, ce qui implique une dimension maximale de 700 µm. De plus nous avons conservé un rapport d’aspect identique à celui des éprouvettes macroscopiques. Le schéma des éprouvettes de fatigue microscopiques est présenté Figure III.5.

Figure III.5 : Schéma des éprouvettes de fatigue microscopiques.

Les éprouvettes sont découpées par électro-érosion à fil. Cette méthode d’usinage permet

de réaliser des pièces de petite taille et de géométrie complexe. Cependant, leur surface est corrodée suite à cette opération. Une étape de polissage, analogue à celle réalisée sur les éprouvettes macroscopiques destinées au suivi de fatigue (voir §III.2.1.1), est ensuite réalisée pour éliminer cette couche et permettre des observations en microscopie optique.

Machine de fatigue

Afin d’étudier in situ les mécanismes de fissuration en fatigue par micro-tomographie, un dispositif de fatigue a été conçu et développé à l’INSA par J.Y. Buffière, P. Michaud et C. Touboulic (voir Figure III.6). Lors des caractérisations en tomographie X, le bâti de la machine ainsi que l’échantillon subissent une rotation nécessaire à l’obtention de toutes les projections. Afin d’éviter le masquage de l’échantillon par un montant de la machine lors de la rotation, un tube en PMMA qui donne une atténuation faible mais constante du faisceau de rayon X tout au long du scan est utilisé pour assurer la transmission des efforts mécaniques. Ceux-ci sont appliqués par un vérin pneumatique (partie supérieure de la machine).

Page 8: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 60

L’alimentation en air des chambres de vérin est pilotée par un automate qui permet d’atteindre une fréquence de cyclage de 5 Hz. La partie inférieure comprend un capteur de force de capacité maximale de 2000 N. La machine est directement installer sur le goniomètre.

Figure III.6 : Photo de la machine de fatigue in situ permettant l’observation en micro-tomographie X d’échantillons sous charge [BUF02].

- Validation de la technique expérimentale Pour évaluer les effets de ces conditions particulières, des essais de fatigue ont été réalisés

sur des éprouvettes microscopiques. Des comparaisons de deux ordres ont été faites entre les essais micro et macro : durées de vie des éprouvettes et mécanismes de fissuration observés. L’ensemble de cette nouvelle méthode d’investigation (sollicitation d’éprouvettes microscopiques + caractérisation en micro-tomographie + exploitations des données tridimensionnelles) nécessitant un travail extrêmement lourd, nous avons décidé de travailler uniquement sur un état de la fonte G.S.. L’état BT2 a été choisi car il présente la durée de vie la moins élevée ce qui permet un gain de temps lors des sollicitations de fatigue.

Ces caractérisations ont permis de constater que les durées de vie des éprouvettes

microscopiques sont proches de celles obtenues sur les éprouvettes macroscopiques (les résultats des essais de fatigue correspondant aux deux types d’éprouvettes sont présentées en annexe A.3.1.1.). Nous avons tout de même remarqué des durées de vie plus élevées pour les éprouvettes microscopiques. Ceci a nécessité l’utilisation d’une contrainte plus importante pour les suivis (σM = 400 MPa, car en dessous de cette contrainte certaines éprouvettes microscopiques ne se rompent pas). Malgré cela, les mécanismes de fissuration sont analogues à ceux observés par [MON00] sur des éprouvettes macroscopiques (σM = 340 MPa) comme le montrent les observations réalisées en microscopie optique, annexe A.3.1.2..

éprouvette

vérin

tube de polymère

Page 9: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

61

- Conditions de caractérisation en micro-tomographie X Une deuxième séance de caractérisation en micro-tomographie X a été réalisée à l’ESRF

(résolution 0,7 µm, ce qui nécessite l’acquisition de 1200 projections). Pour permettre l’obtention de contraste de phase facilitant la mise en évidence des fissures, la distance échantillon / détecteur a été augmentée à 40 mm. L’utilisation de petites éprouvettes qui ont été cyclées sur la machine de fatigue spéciale offre la possibilité de les maintenir sous charge. Cela permet d’ouvrir les fissures initiées pour qu’elles soient plus facilement visualisables. Une contrainte environ égale à 75 % de la contrainte maximale est appliquée.

Grâce à ces nouvelles conditions expérimentales nous avons caractérisé les défauts ayant amorcé des microfissures et mis en évidence ces fissures par micro-tomographie. Pour cela 4 échantillons ont pu être caractérisé en micro-tomographie : - Deux d’entre eux ont été sollicités durant un nombre de cycle correspondant, comme nous

le verrons au §III.2.2., à la phase d’amorçage ( 40 000 et 50 000 cycles) de façon à initier des microfissures.

- Deux autres ont été sollicités en fatigue jusqu’au domaine de propagation des fissures (§III.2.3.), c’est à dire pour 198 000 et 215 800 cycles.

- informations obtenues Ces conditions expérimentales ont permis de visualiser les microfissures (voir Figure III.7

(b) et (c)). La surface des éprouvettes caractérisées en micro-tomographie a également été observée en microscopie optique. L’association de ces deux techniques permet l’obtention des informations mentionnées sur la Figure III.7.

Figure III.7 : Exemples de données obtenues en associant des observations en microscopie optique et des caractérisations en Tomographie X haute résolution. Eprouvette de fatigue microscopique cyclée durant 215 800 cycles à 400 MPa. La contrainte est appliquée selon l’axe z (a) observation de surface en microscopie optique d’une microfissure amorcée à l’équateur d’un sphéroïde de graphite (b) même vue que (a) en tomographie X (c) vue de dessus en tomographie X.

Page 10: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 62

Sur la micrographie optique de la Figure III.7 (a) nous observons une fissure amorcée à l’équateur d’un défaut qui possède une petite taille en surface (< 7 µm). A partir de cette observation nous déterminons la taille apparente (en surface) de la fissure Tfa comme indiqué sur le schéma (en tenant compte de la taille apparente du défaut). La Figure III.7 (b) correspond à la caractérisation en micro-tomographie du défaut ayant amorcée cette fissure. Nous constatons que le défaut amorçant est un sphéroïde de graphite qui a la majeure partie de son volume située en dessous de la surface de l’éprouvette. Nous pouvons également distinguer la présence de la fissure à l’équateur du sphéroïde. La Figure III.7 (c) correspond à une vue de dessus du défaut et de la fissure. Grâce à cette caractérisation 3D, nous pouvons définir les dimensions précises du défaut amorçant, ce qui n’est pas accessible par des observations de surfaces classiques. Il est ainsi possible d’obtenir la profondeur maximale du défaut Pdmax et sa largeur maximale Ldmax.

III.2.2. Mécanismes d’amorçage des microfissures

III.2.2.1. Nature des sites d’amorçage Au cours des premiers instants du cyclage, des arrêts fréquents sont effectués afin de

détecter avec précision l’amorçage des premières microfissures. Elles interviennent après un très faible nombre de cycles (dès les 10 premiers cycles pour BT2). Comme cela a été mentionné par de nombreux auteurs [MON00, NAD97], les microfissures s’amorcent à l’équateur des sphéroïdes de graphite, Figure III.8 (a), et à l’équateur des porosités, Figure III.8 (b).

(a) (b)

Figure III.8 : Etat BT1, σmax = 340 MPa (éprouvettes macroscopiques). Les flèches indiquent la direction de sollicitation. (a) Amorçage à l’équateur d’un sphéroïde de graphite après 20 000 cycles. (b) Amorçage à l’équateur d’une porosité après 100 cycles.

D’autre part, nous n’observons pas de décohésion aux pôles des sphéroïdes de graphite

comme cela est observé en fatigue à haute contrainte [DIE96].

III.2.2.2. Caractéristiques des sites d’amorçage Les caractéristiques des défauts amorçants des microfissures ont été déterminées sur les

deux éprouvettes de fatigue microscopiques caractérisées à l’ESRF après avoir été sollicitées durant 40 000 et 50 000 cycles. Sur les deux faces de chacune des éprouvettes, une zone de 0,5 mm2 est observée en microscopie optique. Tous les défauts ayant amorcé des microfissures sont répertoriés, et dans chaque cas la taille de fissure apparente Tfa est mesurée. Tous ces défauts amorçants sont retrouvés ensuite lors de la visualisation en 3D des

Page 11: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

63

blocs obtenus en tomographie, ce qui permet de déterminer les dimensions réelles des défauts, à savoir Pdmax et Ldmax. Ensuite nous détectons tous les défauts non amorçants, et qui sont susceptibles d’amorcer des microfissures. Nous entendons par-là, les défauts qui sont débouchants, ou situés juste en dessous de la surface de l’éprouvette (lorsque la distance entre le bord du défaut et la surface est inférieure à 10 µm). En effet nous n’avons pas observé de microfissures dans le volume de l’échantillon. L’amorçage intervient uniquement en surface.

En tout, 284 défauts (35 porosités et 249 sphéroïdes de graphite) ont ainsi été répertoriés. Sur l’ensemble de ceux-ci, il y a eu uniquement 3 initiations de fissures sur des porosités alors que 64 sphéroïdes de graphite ont amorcé des microfissures. En tout, il y a environ 24 % des défauts qui ont amorcé des microfissures.

1) Taille des défauts amorçants Les sphéroïdes de graphite représentent l’essentiel des sites d’amorçage. L’histogramme de

la Figure III.9 indique pour différentes classes de taille, le pourcentage de sphéroïdes ayant amorcé ou non des microfissures.

Figure III.9 : Histogramme représentant le pourcentage de sphéroïdes amorçants par rapport aux sphéroïdes non amorçants en fonction de leurs largeurs maximale Ldmax (µm)

Nous constatons une augmentation du pourcentage de défauts amorçants pour les tailles les

plus importantes. L’histogramme de la Figure III.10 présente les valeurs de Ldmax des porosités susceptibles

d’amorcer des microfissures. Nous constatons que la majorité des porosités ont une taille inférieure à une vingtaine de micromètres. Ces petites porosités ont une forme plutôt sphérique. Quelques porosités de taille plus importante, mais restant inférieure à 100 µm, sont observées. Elles présentent des géomètries plus complexes et sont entourées d’un chapelet de petites porosités (voir Figure III.4).

Trois porosités sont à l’origine de l’initiation de microfissures. Les valeurs de Ldmax correspondantes sont de 58 µm, 21 µm et 20 µm. Ces dimensions ne dépassent pas celles des sphéroïdes de graphite mais sont assez élevées comparativement à celles des porosités non-amorçantes.

Page 12: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 64

Figure III.10 : Histogramme des valeurs de Ldmax des porosités amorçantes et de celles susceptibles d’amorcer de microfissures.

2) Situation des défauts amorçants Les caractérisations en tomographie X ont également permis de déterminer la position des

défauts amorçants par rapport à la surface. Dans le cas des trois porosités, ces défauts affleurent la surface de l’échantillon, comme le montre la Figure III.11.

Figure III.11 : Microfissure amorcée à l’équateur d’une porosité. La contrainte est appliquée selon l’axe z (a) micrographie optique en surface de l’éprouvette (b) visualisation 3D de la porosité amorçante et de la microfissure (même vue que (a)) (c) vue de dessus.

Page 13: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

65

En surface, la dimension apparente de ce défaut est très petite, elle est inférieure à 10 µm (Figure III.11 (a)). Nous voyons que cette porosité a des dimensions beaucoup plus importante au cœur de l’échantillon (Figure III.11 (b)). L’intersection de la porosité et de la fissure avec la surface a été marquée en bleu. Sur la Figure III.11 (c) qui représente une vue de dessus de l’image précédente, nous remarquons que la microfissure a endommagé le ligament de matrice compris entre la porosité et la surface de l’échantillon.

Comme pour les porosités, nous observons aussi l’amorçage de microfissures sur des sphéroïdes de graphite qui sont situés juste en-dessous de la surface de l’éprouvette. En effectuant le rapport de la profondeur du sphéroïde Pdmax sur sa largeur Ldmax il est possible d’évaluer sa position comme le montre la Figure III.12.

Figure III.12 : Position des sphéroïdes de graphite par rapport à la surface en fonction de Pdmax / Ldmax

L’histogramme de la Figure III.13 représente le pourcentage de sphéroïdes amorçants et

non amorçants en fonction du rapport Pdmax / Ldmax.

Figure III.13 : Histogramme représentant le pourcentage de sphéroïdes amorçants par rapport aux sphéroïdes non amorçants en fonction de Pdmax / Ldmax (µm).

Page 14: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 66

Nous remarquons sur ce graphique, que pour les valeurs de Pdmax / Ldmax supérieures à

0,75 le pourcentage de sphéroïdes amorçants augmente de façon importante. La valeur moyenne de Pdmax / Ldmax relative aux sphéroïdes amorçants est de 0,75. Cela tend à montrer qu’il y a un effet de la position du défaut par rapport à la surface. Lorsque le défaut est majoritairement situé sous la surface, l’amorçage des microfissures est favorisé.

Les histogrammes des Figure III.10 et Figure III.13 mettent en évidence l’influence de la

largeur des défauts et de leur position par rapport à la surface. L’histogramme de la Figure III.14 prend en compte ces deux paramètres et donne pour différentes classes de valeurs de Ldmax et de Pdmax / Ldmax la proportion de défauts amorçants. La zone de ce graphique où sont concentrés les pourcentages les plus élevés de sphéroïdes amorçants est située dans le domaine des valeurs de Ldmax élevées et de Pdmax / Ldmax proche de 1. Cela signifie que les sphéroïdes les plus critiques au niveau de l’amorçage des microfissures sont ceux de dimensions importantes et qui sont situés juste en dessous de la surface.

Figure III.14 :Histogramme à 3 entrées indiquant le pourcentage de sphéroïdes amorçants (valeur indiquée dans les cones) en fonction de la largeur maximale (Ldmax) du sphéroïde et de sa position par rapport à la surface (Pdmax / Ldmax).

III.2.2.3. Influence du traitement thermique de ferritisation sur la phase d’amorçage

Les observations réalisées sur les différentes éprouvettes de fatigue (microscopiques et macroscopiques) ont montré qu’il se produisait un multi-amorçage précoce de microfissures. En réalisant des suivis de fatigue sur des éprouvettes macroscopiques, nous avons quantifié ce phénomène pour les états BT1 et BT2, ce qui permet de voir l’influence du traitement thermique sur la phase d’amorçage. Le graphique de la Figure III.15 présente l’évolution du pourcentage de défauts ayant amorcé des microfissures en fonction du nombre de cycles. Une surface de 3 mm2 (répartie sur les deux faces d’une éprouvette) a été observée pour chacun des états. Pour inclure les défauts situés sous la surface (invisibles lors d’observations de surface) le pourcentage de défauts amorçants est calculé en utilisant les données de

Page 15: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

67

tomographie précédentes qui ont permis de déterminer le nombre de défauts susceptibles d’amorcer des microfissures par mm2. Nous faisons l’hypothèse que cette densité est proche pour les 2 états afin d’obtenir une estimation de ce pourcentage.

Figure III.15 : Evolution du pourcentage de défauts amorçants des microfissures en fonction du nombre de cycles (σmax = 340 MPa). Comparaison des états BT1 et BT2.

L’apparition des premières microfissures intervient dès les 10 premiers cycles pour BT2.

Après 1000 cycles, 30 % des défauts ont déjà amorcé des microfissures. Ce pourcentage augmente jusqu’à environ 75 000 cycles pour atteindre un peu plus de 45 %. Ensuite, pour un nombre de cycles plus élevé, il reste stable.

En ce qui concerne l’état BT1, les premières microfissures sont observées après 100 cycles. L’augmentation du pourcentage de défauts amorçants est plus progressive et aux environs de 100 000 cycles il n’y a plus de nouveaux amorçages. Il faut noter que le pourcentage de défauts ayant amorcé des fissures est plus faible que pour BT2, il est d’environ 38 %.

Nous remarquons, à la suite de ces observations, que l’état métallurgique de la fonte

influence la phase d’amorçage. En effet, l’état BT1, qui présente la durée de vie en fatigue la plus élevée, présente une évolution moins précoce et plus progressive du pourcentage de défauts amorçants et ce dernier est également moins élevé.

III.2.3. Mécanismes de propagation des fissures

III.2.3.1. Evolution des microfissures Après avoir caractérisé les sites d’amorçage, nous avons examiné l’évolution des

microfissures. Pour cela, nous comparons la taille apparente des microfissures mesurée en surface Tfa et la largeur maximale du défaut Ldmax (Figure III.16). Nous suivons l’évolution du rapport Tfa / Ldmax en fonction du nombre de cycles.

Page 16: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 68

Figure III.16 : Comparaison de la taille apparente de la fissure mesurée en surface avec la largeur maximale Ldmax mesurée au moyen des informations tridimensionnelles.

La Figure III.17 résume tout d’abord les résultats obtenus pour l’éprouvette sollicitée

durant 40 000 cycles (état BT2). Le rapport Tfa / Ldmax est exprimé en fonction du rapport Pdmax / Ldmax qui donne une indication sur la position du défaut par rapport à la surface (dans le cas des sphéroïdes de graphite, site d’amorçage principal dans notre cas).

Figure III.17 : Rapport entre la taille apparente de fissure Tfa et la largeur maximale du défaut Ldmax mesuré après 40 000 cycles en fonction du rapport Pdmax / Ldmax indiquant la position du défaut par rapport à la surface

Page 17: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

69

Nous constatons sur ce graphique que toutes les valeurs de Tfa / Ldmax sont inférieures à 1, ce qui signifie que les microfissures amorcées ne se sont pas propagées au-delà du défaut.

De plus, nous distinguons une différence selon que le rapport Pdmax / Ldmax est inférieur ou supérieur à 0,5 (sphéroïdes coupés à plus ou moins de la moitié par la surface de l’échantillon, voir Figure III.12).

Lorsque Pdmax / Ldmax est inférieur à 0,5, nous observons que Tfa / Ldmax est proche de 1 dans la majorité des cas, mais reste toujours inférieur à 1. Ceci est surprenant car en principe, lorsqu’une microfissure s’amorce sur un sphéroïde dans cette position, la valeur de Tfa / Ldmax doit immédiatement être supérieure à 1. La Figure III.18 illustre cette situation. Une microfissure s’est amorcée à l’équateur d’un sphéroïde de graphite (Figure III.18 (a)) coupé à plus de la moitié par la surface de l’échantillon (Figure III.18 (c)). Nous constatons que la microfissure a endommagé une zone de matrice comprise entre la surface et le sphéroïde. La présence de cette zone de matrice est surprenante au vu de la situation du défaut par rapport à la surface. Dans certains cas, elle peut être due au fait que la géométrie du sphéroïde n’est pas régulière [DIE96], ce qui engendre la présence de sinuosités emprisonnant des zones de matrice. Nous avons également remarqué, que le contour de certains sphéroïdes est recouvert de matrice qui pourrait être lié à l’étape de polissage.

Figure III.18 : Microfissure amorcée à l’équateur d’un sphéroïde de graphite (40 000 cycles). La contrainte est appliquée selon l’axe z (a) micrographie optique en surface de l’éprouvette (b) visualisation 3D du sphéroïde ayant amorcée la microfissure (même vue que (a)) (c) vue de dessus.

Page 18: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 70

Pour les défauts présentant un rapport Pdmax / Ldmax supérieur à 0,5, nous voyons sur le graphique de la Figure III.17 que la valeur de Tfa / Ldmax est généralement bien inférieure à 1. La Figure III.19 montre deux sphéroïdes de graphite ayant initié des microfissures qui sont dans cette situation. Les microfissures se sont amorcées à l’équateur de sphéroïdes de graphite (Figure III.19 (a)) qui sont situés principalement sous la surface de l’échantillon (Figure III.19 (b)). La taille apparente en surface de ces deux défauts est très petite. Les valeurs de Tfa / Ldmax sont faibles dans les deux cas, inférieures à 0,5, ce qui signifie qu’une importante zone de matrice reste à endommager pour que la fissure se propage au-delà du défaut.

Figure III.19 : Microfissures amorcées à l’équateur de sphéroïdes de graphite situés principalement en dessous de la surface (40 000 cycles). La contrainte est appliquée selon l’axe z (a) micrographie optique en surface de l’éprouvette (b) visualisation 3D des sphéroïdes ayant amorcé les microfissure (même vue que (a)) (c) vue de dessus.

Afin de suivre l’évolution de ces microfissures, nous avons continué à cycler l’éprouvette

qui avait été caractérisée en tomographie après 40 000 cycles. Des observations optiques ont été réalisées tout les 5000 cycles (jusqu’à 135 000 cycles) afin de mesurer les valeurs de la taille apparente des microfissures Tfa. La Figure III.20 présente les valeurs de Tfa / Ldmax après 40 000 et 80 000 cycles. En plus de l’amorçage de nouvelles microfissures, conformément aux résultats de la Figure III.15, nous remarquons qu’un certain nombre de microfissures amorcées après 40 000 cycles croissent. Cependant, même après 80 000 cycles, les dimensions des microfissures (Tfa) sont toujours inférieures ou égales aux dimensions des défauts amorçants (Ldmax).

Page 19: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

71

Figure III.20 : Rapport entre la taille apparente de fissure Tfa et la largeur maximale du défaut Ldmax en fonction du rapport Pdmax / Ldmax après 40 000 et 80 000 cycles.

Le comportement de ces microfisures est illustré Figure III.21. L’amorçage d’une

microfissure est remarqué à l’équateur d’un sphéroïde de graphite après 40 000 cycles (Figure III.21 (a)). L’évolution de cette microfissure a été suivi, et, après plus de 100 000 cycles la taille mesurée en surface est considérable (3 fois plus importante). Par de simples observations surfaciques, il aurait alors été possible de penser que cette fissure s’est propagée en dehors de la zone comprise entre le défaut et la surface. Les caractérisations en tomographie (Figure III.21 (b) et (c)) prouvent le contraire et montre que durant près de 100 000 cycles, il y a uniquement endommagement du ligament compris entre le défaut et la surface. Ce défaut a une taille importante (Ldmax = 81 µm) et est principalement situé en dessous de la surface de l’éprouvette (Pdmax / Ldmax = 0,83).

Page 20: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 72

Figure III.21 : Microfissure amorcée à l’équateur d’un sphéroïde de graphite situé principalement en dessous de la surface (Ldmax = 81 µm, Pdmax / Ldmax = 0,83). La contrainte est appliquée selon l’axe z (a) micrographie optique en surface de l’éprouvette (b) visualisation 3D (à 40 000 cycles) du sphéroïde ayant amorcée la microfissure (même vue que (a)) (c) vue de dessus (d) évolution de Tfa / Ldmax en fonction du nombre de cycles.

Au delà de 100 000 cycles de sollicitation, conformément aux suivis réalisés sur les

éprouvettes macroscopiques (§III.2.2.3.), il n’y a plus de nouveaux amorçages de microfissures. D’autre part, la taille (Tfa) de certaines fissures va dépasser la largeur maximale du défaut (Ldmax) et quelques phénomènes de coalescence de microfissures sont observés.

La Figure III.22 (a) présente une micrographie optique sur laquelle on remarque la présence de deux sphéroïdes de graphite ayant amorcé des microfissures qui ont par la suite coalescé après 110 000 cycles. Le graphique de la Figure III.22 (d) montre l’évolution de Tfa / Ldmax pour les deux microfissures. Le suivi montre qu’après une augmentation rapide, la valeur de Tfa / Ldmax reste stable pendant environ 50 000 cycles. La caractérisation en tomographie Figure III.22 (b) et (c) indique qu’il ne reste qu’une faible partie du sphéroïde n°1 sous la surface (Pdmax / Ldmax < 0,5) et que la taille de la microfissure (Tfa) est approximativement égale à celle du défaut (Ldmax). Le deuxième sphéroïde est situé principalement en dessous de la surface (Pdmax / Ldmax = 0,95) et jusqu’à environ 100 000 cycles, la taille de la microfissure (Tfa) est bien inférieure à celle du défaut (Ldmax). Pour un nombre de cycle plus élevé, cette microfissure va se propager afin d’endommager la zone de matrice comprise entre le défaut et la surface et va rencontrer la microfissure amorcée sur le sphéroïde voisin pour coalescer.

Page 21: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

73

Figure III.22 : Microfissures amorcées à l’équateur de sphéroïdes proche l’un de l’autre et ayant des positions par rapport à la surface différentes (fissure n°1 : Pdmax / Ldmax = 0,43 ; fissure n°2 : Pdmax / Ldmax = 0,95). La contrainte est appliquée selon l’axe z (a) micrographie optique en surface de l’éprouvette après coalescence de deux microfissures à 110 000 cycles (b) visualisation 3D (à 40 000 cycles) des sphéroïdes ayant amorcé les microfissures (même vue que (a)) (c) vue de dessus (d) évolution de Tfa / Ldmax en fonction du nombre de cycle.

Toutes ces observations, réalisées aussi bien en microscopie optique que par tomographie

X, ont permis de décrire l’évolution des microfissures. Ces dernières vont progressivement endommager le ligament compris entre le défaut et la surface (principalement pour les défauts ayant un rapport Pdmax / Ldmax > 0,5) ou rester stables si cette zone est déjà fissurée. Cette phase correspond à un nombre de cycles important (environ 100 000 cycles) pendant lequel la taille des microfissures apparentes (Tfa) est inférieure ou égale à celle des défauts (Ldmax). Ceci peut expliquer les blocages de microfissures en intragranulaire observés par J.P Monchoux [MON00] (§I.4.3.2.) lors de suivis par l’intermédiaire d’observations de surface.

III.2.3.2. Propagation des fissures courtes Après cette phase où les microfissures ont une taille inférieure à celle du défaut, certaines

d’entre elles vont se propager, comme l’ont montré les observations effectuées sur des éprouvettes macroscopiques. Nous avons centré notre étude sur l’état BT1, car [MON00] avait étudié précisément l’état BT2. Nous avons donc suivi l’évolution de la fissure amorcée sur la porosité située au centre de la surface polie, Figure III.8 (b). Une microfissure a été détectée après seulement 100 cycles. L’examen de sa propagation à une contrainte σM appliquée de 340 MPa révèle un comportement caractéristique des fissures courtes à basse contrainte [MON00, SAV00], à savoir des phases de ralentissement voire d’arrêt, encadrant des phases de propagation avec des vitesses plus élevées. Les micrographies optiques de la Figure III.23 prises à différents moments du cyclage illustrent ces phases d’arrêt de la fissure.

Page 22: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 74

Figure III.23 : Etat BT1, propagation entre 30 000 et 460 000 cycles d’une fissure amorcée sur une porosité. Notons que la propagation de la fissure est stoppée du coté b, entre 30 000 et 260 000 cycles, de même que du coté a entre 340 000 et 460 000 cycles.

Le graphique de la Figure III.24 permet de mieux distinguer les nombreuses phases d’arrêt

de la fissure. Pour cela nous avons considéré indépendamment les deux cotés (a et b) de la fissure, comme mentionné sur la Figure III.23. Nous remarquons des arrêts ou des ralentissements du développement de la fissure des deux cotés du défaut, avec parfois une propagation alternée, parfois simultanée ou un arrêt total de la propagation de la fissure quel que soit le côté.

Figure III.24 : Taille de la fissure en fonction du nombre de cycles.

Afin d’identifier les raisons d’un tel comportement, une attaque au nital a été effectuée

après 860 000 cycles de manière à révéler la microstructure (Figure III.25 (a)). En se basant sur les résultats reportés sur le graphique de la Figure III.24, nous avons retrouvé les zones où la fissure a connu une phase d’arrêt ou de ralentissement. Les micrographies ainsi obtenues sont présentées Figure III.25 (b). Nous remarquons que dans certains cas, les arrêts ont lieu dans des zones où l’attaque au nital révèle la présence d’un joint de grains en surface (arrêts

Page 23: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

75

a4, a5, a6 et b3). Concernant les autres arrêts, nous ne distinguons rien de particulier en surface, ce qui n’exclut pas la présence de barrières microstructurales au sein du matériau.

En observant la Figure III.25 (a), nous voyons que la fissure ne rejoint pas préférentiellement les sphéroïdes de graphite. Au contraire, le côté a de la fissure semble éviter le premier sphéroïde de graphite qu’elle rencontre pour se propager à l’intérieur du joint de cellule eutectique.

(a) (b)

Figure III.25 : Etat BT1, observation après 860 000 cycles (attaque au nital) de la fissure amorcée à l’équateur d’une porosité (a) montage de différentes micrographies permettant de visualiser l’ensemble de la fissure (b) micrographies à plus fort grandissement des zones ou la fissure a connu un ralentissement voire un arrêt.

Page 24: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 76

Le comportement des fissures courtes observées dans l’état BT2 par J.P. Monchoux est identique. Le Tableau III.1 compare les blocages de fissures pour cet état BT2 et pour l’état BT1. Tableau III.1 : Comparaison des phases de blocage des fissures courtes pour les états BT1 et BT2 (σM = 340 MPa).

Etat Fissure Blocage Nombre de cycles de blocage

Longueur de la fissure (µm)

n°1 [MON00]

n°1 n°2

80 000 20 000

125 188 BT2 n°2

[MON00] n°1 n°2

20 000 30 000

143 266

côté a

n°1 n°2 n°3 n°4 n°5 n°6

20 000 80 000 80 000 120 000 120 000 120 000

215 254 268 293 405 434

BT1

côté b n°1 n°2 n°3

270 000 120 000 160 000

141 219 254

Les 2 fissures suivies par J.P. Monchoux étaient toutes les deux situées en coin de

l’éprouvette, comme le montre la Figure I.28, qui présente la fissure n°1 qui a conduit à la rupture. Nous avons donc traité séparément les cotés a et b de la fissure de l’état BT1 car dans le cas de BT2 nous avons uniquement l’évolution d’un côté des fissures puisqu’elle sont situées en coin.

Nous constatons que les durées de blocage des fissures sont supérieures dans le cas de l’état BT1, avec de nombreux arrêts d’au moins 120 000 cycles, alors dans le cas de BT2 le nombre de cycles de blocage maximum est de 80 000 cycles. La Figure III.26 permet de mieux apprécier ces différences entre les deux états.

Figure III.26: Evolution des tailles des fissures de l’état BT1 (coté a et b) et de l’état BT2 (fissure n°1) en fonction du nombre de cycles.

Page 25: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

77

L’évolution de la taille de fissure est reportée en fonction du nombre de cycle pour la fissure n°1 de BT2 et pour les côtés a et b de la fissure de BT1.

Les arrêts sont beaucoup plus courts dans le cas de BT2, et la taille de la fissure devient rapidement importante (supérieure à 500 µm après moins de 300 000 cycles).

III.2.3.3. Origine des fissures propageantes Après avoir suivi les phases d’amorçage et de propagation, nous avons tenter d’identifier

les raisons qui conduisent une fissure à se propager et causer la rupture de l’éprouvette. Pour cela nous avons utilisé les informations apportées par les éprouvettes de fatigue microscopiques qui ont été caractérisées en tomographie. D’une part, nous avons caractérisé l’éprouvette cyclée pendant un grand nombre de cycles (198 000) et contenant une fissure propageante, (annexe A.3.1.2.) sujette à un blocage sur un joint de grains. D’autre part nous avons poursuivi le cyclage de l’éprouvette microscopique caractérisée en tomographie X après 40 000 cycles afin d’effectuer des observations de surfaces.

La Figure III.27 (a) présente la micrographie optique de la fissure propageante de l’éprouvette microscopique sollicitée durant 198 000 cycles. Elle passe par plusieurs sphéroïdes de graphite. La Figure III.27 (b) montre la caractérisation en tomographie X correspondante (même nombre de cycles). Grâce à ces données tridimensionnelles, il est alors possible d’obtenir les caractéristiques de ces différents défauts. Leur taille est assez importante, supérieure à 50 µm, et ils ont l’essentiel de leur volume situé à l’intérieur du matériau (Pdmax / Ldmax > 0,75).

La vue de dessus de la Figure III.27 (c) permet de constater que les sphéroïdes de graphite présents dans cette zone sont très rapprochés (distances bords à bords de 7 et 15 µm) si l’on compare ces valeurs à la distance moyenne entre sphéroïdes observée en tomographie qui est d’environ 30 µm (voir annexe A.2.2.). Nous constatons également que la fissure est bien propageante. En effet, cette fissure s’est propagée en profondeur et elle a la forme d’un demi-disque.

Figure III.27 : Sphéroïdes (notés 1, 2 et 3) à l’origine de la fissure propageante dans une éprouvette de fatigue microscopique caractérisée en tomographie X après 198 000 cycles.

Page 26: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 78

Sur l’éprouvette de fatigue microscopique caractérisée en tomographie X (à 40 000 cycles) nous avons repéré une fissure propageante lors du suivi, après 135 000 cycles. Elle est située en coin de l’éprouvette et a une taille d’environ 150 µm sur chaque face.

La Figure III.28 présente les deux sphéroïdes de graphite qui sont à l’origine de l’amorçage de cette fissure. Dès 40 000 cycles nous remarquons, grâce aux informations tridimensionnelles, la présence d’une microfissure à l’équateur du sphéroïde n°2. Ce sphéroïde à une taille importante (Ldmax = 80 µm) et il est essentiellement situé en dessous de la surface (Pdmax / Ldmax =0,8). Il faut noter qu’il possède une forme assez particulière. Chose plus rare, nous détectons également une fissure entre les sphéroïdes 1 et 2 qui sont, il est vrai, distants de moins de 2 µm. Cette fissure est la seule détectée au cœur du matériau lors des diverses observations tridimensionnelles de la microstructure d’éprouvettes fatiguées.

Figure III.28 : Sphéroïdes (notés 1 et 2) à l’origine de la rupture de l’éprouvette de fatigue microscopique sur laquelle ont été réalisés les suivis. Coupe perpendiculaire à la direction de sollicitation. Caractérisation en tomographie X après 40 000 cycles.

Ces observations suggèrent que l’origine des fissures propageante est probablement des

amas de défauts ou des défauts de très grande taille (porosités).

III.2.4. Analyse des résultats Les résultats des essais de fatigue concernant les différents états métallurgiques (brut de

coulée et traité T1 ou T2) mettent en évidence des écarts entre les durées de vie lors de sollicitation à faibles contraintes.

Des suivis de fatigue ont été réalisés afin d’améliorer notre connaissance des mécanismes de fissuration tout en nous apportant des indications sur l’origine des différences de durée de vie observées. Pour cela les états BT1 et BT2 ont plus particulièrement été étudiés.

L’analyse de ces différents résultats va nous permettre d’estimer l’influence de la microstructure et de dégager ainsi des voies d’amélioration qui permettront d’augmenter la résistance en fatigue de ces fontes.

III.2.4.1. Mécanismes de fissuration Les informations obtenues par l’intermédiaire d’observations optiques et de

caractérisations en tomographie X ont permis de mieux décrire les mécanismes de fissuration des fontes ferritiques à graphite sphéroïdal. Les différentes étapes (amorçage et propagation des fissures) sont analysées dans les paragraphes qui suivent.

Page 27: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

79

1) Amorçage des microfissures Comme l’ont constaté de nombreux auteurs, des microfissures apparaissent dès le début du

cyclage sur des porosités ou des sphéroïdes de graphite. Pour ces deux types de défauts, dans le domaine de contrainte étudié (σM ≤ σ0,2), les fissures prennent naissance à l’équateur.

Cela s’explique aisément si l’on considère les calculs réalisés par [DIE96] et [MON00] au moyen des éléments finis (élastoplastiques). En effet [DIE96] montre que la contrainte de Von Misès dans la matrice est maximale à l’équateur du sphéroïde. C’est donc dans cette zone que la plasticité sera la plus importante. En revanche, [MON00] indique que les contraintes radiales atteintes aux pôles sont inférieures aux contraintes de décohésion (de l’ordre de 80 MPa) établies par [DIE96]. Ceci est cohérent avec le fait que nous n’observons pas de décohésion aux pôles des sphéroïdes de graphite.

Ces différents calculs justifient pourquoi une fissure s’amorce à l’équateur des porosités et des sphéroïdes. Cependant ils ne permettent pas d’expliquer l’amorçage préférentiel des fissures sur certains défauts.

Par l’intermédiaire des différentes informations obtenues, nous avons pu mettre en évidence l’influence de deux paramètres sur l’initiation des microfissures. - Taille des défauts amorçants

Nous avons constaté que les microfissures avaient tendance à prendre naissance sur les défauts de taille importante, que ce soit dans le cas des porosités ou bien des sphéroïdes de graphite. L’initiation des microfissures est liée à la présence de concentration de contraintes locales. Cependant l’augmentation de la taille du défaut ne peut engendrer une augmentation du coefficient de concentration de contrainte local [ESH61] (en considérant une taille de défaut de faibles dimensions par rapport au volume du matériau sollicité). L’amorçage préférentiel des microfissures sur les plus gros défauts ne peut donc pas être directement lié à leur taille.

Cas des sphéroïdes de graphite

P. Dierickx [DIE96] a observé que les sphéroïdes de petites tailles étaient bien sphériques et avaient une surface lisse (voir Figure III.29 (a)) tandis que les sphéroïdes ayant un diamètre important avaient une forme moins sphérique et une surface plus accidentée (voir Figure III.29 (b)). Les caractérisations de la microstructure des fontes G.S. en tomographie X ont confirmé ces constatations (voir Figure III.4).

Figure III.29 : Observations des sphéroïdes de graphite en MEB après dissolution de la matrice dans de l’acide [DIE96] (a) petit sphéroïde lisse (b) gros sphéroïde à surface ″accidentée″.

Page 28: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 80

Cas des porosités

Dans le cas des porosités, les caractérisations en tomographie X ont montré qu’il y avait deux types de population. Nous avons observé de nombreuses porosités de faible taille d’aspect plutôt sphérique, alors que celles de taille plus importante présentaient une forme plus complexe (voir Figure III.4).

Les observations en 3 dimensions des porosités amorçantes permettent de connaître leurs géométries. Ces porosités sont de forme assez complexe et sont entourées d’un ″chapelet″ de petites porosités. Ceci est illustré sur la Figure III.11 (a) où nous pouvons voir une micrographie optique de la microfissure qui s’est amorcée sur la plus grosse des porosités (Ldmax =58 µm ; Pdmax = 29 µm). En observant la Figure III.11 (b), nous découvrons sa géométrie très complexe avec une multitude de porosités de plus faibles tailles situées à ces alentours.

Or, c’est pour une sphère que les concentrations de contrainte sont les plus faibles et toute

autre géométrie tend à les augmenter [PET73]. Donc, lorsque les défauts ont une forme tourmentée, les concentrations de contraintes locales augmentent, ce qui facilite l’amorçage des microfissures.

Pour ces deux types de défauts (sphéroïdes de graphite et porosités), il serait intéressant d’établir une relation directe entre l’amorçage des microfissures et la forme des défauts. Ceci est délicat à réaliser d’un point de vue quantitatif. - Situation des défauts amorçants

Il semble que la position du défaut par rapport à la surface influence également l’initiation des microfissures. Nous avons remarqué, qu’en majorité, les défauts amorçants avaient la plus importante partie de leur volume située sous de la surface de l’éprouvette. En analysant tous les sphéroïdes de graphite ayant amorcé une microfissure (les sphéroïdes représentant l’essentiel des sites d’amorçage des microfissures) nous avons calculé que leur position moyenne est tel que les ¾ du volume des sphéroïdes étaient situés au sein du matériau.

Une étude de A. Borbély et al [BOR02] réalisée au moyen de calculs par éléments finis apportent des informations permettant de mieux comprendre ce phénomène. Les auteurs calculent le coefficient de concentration de contrainte ( )σσ /max

zz pour des cavités sphériques ayant différentes positions par rapport à la surface, comme le montre la Figure III.30. Nous pouvons voir sur le graphique que max

zzσ augmente de manière importante lorsque la valeur de r/(r+d) approche 0,5. Dans cette configuration, la cavité affleure la surface. De plus, la contrainte max

zzσ est maximale à l’intersection entre l’équateur du défaut et la surface. En raison des faibles propriétés mécaniques du graphite (module d’élasticité E = 27 GPa),

nous faisons l’hypothèse que les sphéroïdes se comportent quasiment comme des cavités sphériques. Les calculs précédents sont alors valables dans le cas des fontes à graphite sphéroïdal et justifient que les microfissures s’amorcent préférentiellement dans le ligament de matrice, à l’équateur de défauts affleurant la surface de l’éprouvette (Pdamx / Ldmax proche de 1). Les concentrations de contraintes localisées dans le ligament de matière compris entre le sphéroïde et la surface vont engendrer des déformations plastiques qui vont conduire à la rupture de ce ligament.

Page 29: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

81

Figure III.30 : Evolution du rapport entre la contrainte locale max

zzσ (dans la direction de sollicitation) à l’équateur de la cavité et proche de la surface et la contrainte appliquée σ, en fonction de r/(r+d) qui indique la position de la cavité par rapport à la surface. La ligne horizontale en pointillé correspond à la solution pour une cavité située au cœur du matériau ( )96,1/max =σσ zz [BOR02].

2) Evolution des microfissures Les microfissures prennent naissance très rapidement, dés les premiers cycles de

sollicitation. Ensuite, comme l’avait observé J.P. Monchoux [MON00] (voir le §I.4.3.2.) et comme l’ont confirmé les observations réalisées sur les éprouvettes de fatigue microscopiques, ces microfissures se propagent peu, puis sont bloquées pendant un certain nombre de cycles. L’obtention des caractéristiques tridimensionnelles par l’intermédiaire de la tomographie X a permis de constater que durant cette phase, la dimension de la fissure est inférieure ou égale à la dimension maximale du défaut. Lors de cette première phase les microfissures ont uniquement entraîné la rupture des ligaments de matrice situés entre les défauts et la surface de l’échantillon.

Nous allons essayer d’expliquer pourquoi la majorité d’entre elles ne se propagent plus et pourquoi certaines autres vont conduire à une fissure courte qui va croître et mener à la rupture. Pour cela, nous considérons l’ensemble défaut-fissure comme une fissure plate semi-elliptique débouchant en surface, comme illustré Figure III.31. Ainsi, nous déterminons un facteur d’intensité de contrainte KI (plus exactement un ∆KI) selon l’expression donnée par [NEW83] pour une fissure présentant une profondeur a et une longueur à la surface 2c. D’une manière générale, KI est donné par :

Page 30: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 82

⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ ∅= ,,,

bc

ca

taF

QaKI πσ Équation III.1

où F et Q sont des fonctions données sous forme polynomiale et a, c, t, b et ∅ des paramètres décrivant la géométrie de la fissure et de l’échantillon ainsi que le point considéré le long du front de fissure (voir Figure III.31)1 .

Figure III.31 : Définition des paramètres géométriques pour le calcul du facteur d’intensité des contraintes le long du front d’une fissure elliptique.

Le ∆K a été calculé pour une microfissure amorcée sur un sphéroïde ayant les

caractéristiques les plus représentatives des défauts amorçants, à savoir une valeur de Ldmax égale à 50 µm et un rapport Pdmax / Ldmax égal à 0,75. Dans ce cas, la valeur de c est égale à 25 µm et la valeur de a est égale à 40 µm. Avec ces valeurs, nous trouvons, en faisant l’hypothèse que les formules ci dessus s’appliquent, un ∆K de 2,8 mMPa à l’intersection entre la fissure et la surface (∅ = 0 degrés) et un ∆K de 2 mMPa au droit de celle ci (∅ = 90 degrés). Ces deux valeurs sont inférieures au seuil de fissuration donné par Y. Nadot [NAD97] (∆Keffseuil de 3,75 mMPa ) pour une nuance de fonte analogue à la nôtre. Cela explique qu’une microfissure dans une telle configuration ne se propage pas.

3) Fissures propageantes Afin de comprendre comment les microfissures créées lors de la première phase

deviennent, dans certains cas, des fissures propageantes qui mènent ensuite à la rupture, nous avons calculé la taille de défaut minimale nécessaire pour que la fissure créée atteigne la valeur de ∆Keffseuil égale à 3,75 mMPa . Nous avons considéré une fissure telle que ∆K soit égal le long du front de fissure (a/c proche de 0,7). Les valeurs de c et de a obtenues sont respectivement de 62 et 76 µm.

La présence de sphéroïdes de graphite de cette taille est peu probable. Cela explique que les fissures menant à la rupture ont souvent amorcé sur des porosités d’une taille supérieure à 100 µm [DIE96, MON00, NAD97]. Cependant, dans certains cas, aucune porosité d’une telle

1 Attention, il y a inversion entre les symboles a et c utilisés par [CLE84] (§I.4.3.1.) et [NEW83]. Dans la suite

de ce chapitre nous utilisons la notation de [NEW83].

Page 31: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

83

taille n’est présente au sein du matériau. L’amorçage d’une fissure propageante peut alors intervenir sur un amas de sphéroïdes de graphite comme nous l’avons constaté (§III.2.3.3.).

Dans les deux exemples présentés au §III.2.3.3., nous avons mis en évidence que les distances inter-sphéroïdes dans ces zones d’amorçage étaient faibles. Ceci a eu pour conséquence la fissuration de la matrice comprise entre les sphéroïdes. Il est alors possible de considérer que la fissure propageante est issue d’un amas de sphéroïdes comme le montre la Figure III.27.

(a) (b)

Figure III.32 : Définition des zones d’amorçage des fissures propageantes (zone hachurée). Les facteurs d’intensité de contrainte sont calculés aux points A et B (a) cas de la Figure III.27, avec en trait noir la position de la fissure observée en tomographie X après 198 000 cycles (b) cas de la Figure III.28, avec en pointillés l’évolution de la fissure déduite grâce aux observations de surfaces.

Dans le cas de la fissure de la Figure III.27 nous observons, après 198 000 cycles, qu’elle

s’est essentiellement propagée au cœur de l’éprouvette, comme schématisé Figure III.32 (a) (les aires hachurées représentent les amas de sphéroïdes). Ceci peut s’expliquer par la différence entre le facteur d’intensité de contrainte induit par les sphéroïdes, à la surface de l’échantillon (point A) et à cœur (point B), calculés selon [NEW83].

Les dimensions dont nous tenons compte ici sont la profondeur maximale a = 54 µm (Pdmax du 2ème sphéroïde, Figure III.27) et la longueur en surface c = 93,5 µm (distance entre les extrémités des sphéroïdes 1 et 3). Avec ces valeurs, nous trouvons un ∆KA de 3,4

mMPa à l’intersection entre l’amas de sphéroïdes et la surface et un ∆KB de 4,1 mMPa au droit de celle-ci. La valeur de ∆KB est supérieure à ∆KA, de plus elle est également supérieure au seuil effectif de fissuration (∆Keffseuil = 3,75 mMPa ) alors que ∆KA est inférieur.

La fissure va donc se propager de manière à atteindre une forme pour laquelle le facteur d’intensité des contraintes est approximativement constant (∆KA ≈ ∆KB). Après 198 000 cycles, la fissure présente un rapport d’aspect a/c proche de 1 (la forme d’équilibre donnant un ∆K constant le long du front de fissure est atteinte pour a/c de l’ordre de 0,7). Dans cette configuration, le ∆K à l’intersection entre la fissure et la surface est égal à 4,2 mMPa et à 4,65 mMPa au droit de celle-ci. Ces valeurs sont supérieures au ∆Keffseuil de 3,75 mMPa ce qui explique la propagation de cette fissure.

Dans le cas de la Figure III.28 (schématisée Figure III.32 (b)), le rapport d’aspect de la

zone d’initiation de la fissure propageante est complètement différent (2c < a, avec a = 126

Page 32: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 84

µm et c = 40 µm). Pour cette éprouvette, nous disposons uniquement d’une caractérisation en tomographie réalisée après 40 000 cycles et nous remarquons alors seulement des microfissures entre les deux sphéroïdes de graphite et entre un sphéroïde et la surface. Par contre, des suivis optiques ont permis d’approximer l’évolution de cette fissure. Contrairement à la Figure III.32 (a), nous supposons que la fissure s’est propagée principalement de part et d’autre du défaut. Les calculs des facteurs d’intensité des contraintes calculés aux points A et B justifient un tel développement. En effet ∆KA est largement supérieur à ∆KB (∆KA = 4,1 mMPa ; ∆KB = 2,1 mMPa ) et, est également plus élevé que le ∆Keffseuil de 3,75 mMPa [NAD97].

4) Propagation des fissures courtes La propagation des fissures courtes présente de nombreuses phases d’arrêts ou de

ralentissement. Nous avons confirmé que ces blocages étaient souvent liés à la présence de barrières microstructurales, qui sont des joints de grains dans notre matériau. Nous avons constaté que ces blocages de fissures aux joints de grains représentaient une part non négligeable de la durée de vie. Dans le cas de l’état BT1, les suivis ont montré que la fissure principale s’est amorcée après 100 cycles. Ce nombre de cycle est faible par rapport à celui correspondant à la rupture de l’éprouvette (1 087 540 cycles). La phase de propagation représente donc l’essentiel de la durée de vie de l’éprouvette. Durant cette propagation de nombreux blocages interviennent et ralentissent l’évolution des fissures.

Ce phénomène, comme nous l’avons déjà mentionné au §I.4.4.1., a été observé dans d’autres matériaux. Lorsqu’une fissure arrive à proximité d’un joint de grains, la relaxation plastique du champ de contrainte qu’elle induit va produire une certaine activité plastique dans le grain adjacent à partir de sources situées dans ce grain. Les dislocations émises par ces sources sont susceptibles de s’accumuler par glissement irréversible. Lorsque la densité de dislocations est assez élevée, une microfissure apparaît dans le grain adjacent ce qui provoque le franchissement du joint de grains par la fissure principale [SAV00].

La durée du blocage de la fissure va donc dépendre de la limite d’élasticité du grain adjacent. Plus elle sera faible, plus vite la densité de dislocations critique sera atteinte ce qui réduira le temps de blocage de la fissure au joint de grains. Ainsi il est préférable que la limite d’élasticité de la ferrite soit élevée afin d’augmenter le temps d’arrêt des fissures et par conséquent la durée de vie en fatigue.

III.2.4.2. Origine des différences de résistance à la fatigue Nous avons suivi la phase d’amorçage des microfissures pour les états BT1 et BT2. Nous

avons remarqué une initiation plus précoce des premières microfissures, pour BT2 que pour BT1. Ensuite, l’évolution du pourcentage de défauts amorçants est plus progressive pour BT1 et le pourcentage total atteint est également plus faible.

La résistance à l’amorçage des microfissures de l’état BT2 semble donc inférieure à celle de BT1. Entre ces deux états, les défauts amorçants sont quasiment identiques. Les porosités sont semblables car le traitement thermique n’a pas d’effets sur elles. Les sphéroïdes de graphite sont quant à eux légèrement différents. Dans le cas de BT2, on remarque l’apparition de particules circonférentielles de ferrite à l’intérieur du graphite (voir §I.3.2.2.). Cependant, ces particules ont plutôt une influence à forte contrainte, lorsque des décohésions intra-graphite sont alors observées [DIE96]. Leur présence ne peut donc pas expliquer une telle différence de résistance à l’amorçage car les microfissures s’initient à l’équateur des sphéroïdes de graphite dans la gamme de contraintes que nous étudions.

L’origine la plus probable provient d’une différence de propriétés mécaniques entre la matrice des 2 états. Si la ferrite de l’état BT2 possède une limite d’élasticité plus faible, comme l’indique l’analyse précédente, les déformations plastiques seront facilitées ce qui

Page 33: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

85

aura pour conséquence une apparition plus précoce des microfissures, ceci en raison de l’accumulation de dislocations ayant eu un mouvement irréversible. D’autre part, des défauts plus nombreux seront suffisamment déformés pour provoquer l’amorçage de microfissures ce qui engendre un pourcentage de défauts amorçants plus élevé.

En observant la Figure III.15, nous pouvons voir qu’à partir d’environ 100 000 à 150 000 cycles, le pourcentage de défauts amorçants n’évolue plus, quel que soit l’état métallurgique, alors que la durée de vie de l’éprouvette à l’état BT1 est supérieure à celle de BT2 (d’un facteur 2). Ceci indique que la phase de propagation des fissures va également influencer la durée de vie de ce type de fonte.

En effet, nous avons constaté que les phases de blocage des fissures courtes sur les barrières microstructurales étaient moins longues pour BT2 que pour BT1. La limite d’élasticité de la ferrite peut également être invoquée pour expliquer ces différences, car elle influence ce phénomène, comme nous l’avons expliqué au paragraphe précédent.

Cette relation entre la limite d’élasticité et la résistance à la fatigue est vérifiée. En effet, le graphique de la Figure III.3, §III.1.2., qui présente l’évolution du nombre de cycles à rupture en fonction du rapport contrainte maximale appliquée sur limite d’élasticité à 0,2 % montre qu’il y a bien une corrélation entre ce dernier paramètre et la durée de vie en fatigue.

Cependant la mesure de la limite d’élasticité à 0,2 % est une valeur macroscopique qui dépend des propriétés de la ferrite, du graphite et de la perlite lorsqu’elle est présente.

Relation entre les propriétés mécaniques de la ferrite et la durée de vie en fatigue Nous avons donc cherché à obtenir les propriétés mécaniques de la matrice ferritique des

différents états (B0, BT1 et BT2) afin de les comparer aux propriétés de fatigue. Pour cela plusieurs techniques expérimentales ont été employées.

La première a consisté à mesurer de manière très précise le comportement global de la fonte G.S. lors de sollicitations en traction et compression ce qui permet de déterminer les microlimites d’élasticité (contrainte conduisant aux premières déformations plastiques détectables). Les résultats obtenus ont ensuite été comparés à des calculs par éléments finis de manière à remonter aux valeurs des limites d’élasticité de la matrice. En effet, nous avons affaire à un matériau de type composite, constitué de sphéroïdes de graphite et d’une matrice de ferrite ce qui impose une telle démarche. Cette étude a mis en évidence un comportement complexe lié à la fois aux hétérogénéités microstructurales et aux cycles thermiques subis par la fonte, ce qui rend très délicat la détermination des propriétés mécanique de la ferrite. Afin de simplifier ce manuscrit, ces résultats sont présentés en Annexe B.

La seconde a consisté à effectuer des mesures locales du comportement de la matrice par indentation. Deux types d’essais sont possibles. Le premier nécessite l’emploi d’une pointe sphérique avec laquelle on réalise des charges et des décharges successives ce qui permet par la suite, par l’intermédiaire de calculs par éléments finis de remonter aux valeurs des limites d’élasticité de la ferrite [LAM96, ELG99]. Le second consiste à réaliser des mesures de nanodureté au moyen d’un indenteur de forme pyramidale. C’est le second type d’essai qui a donné des résultats satisfaisants car nous avons rencontré différents obstacles techniques lors des essais avec la pointe sphérique.

Ces essais de nanoindentation sont réalisés avec un appareil NanoindenteurII de la marque Nanoinstruments. L’indenteur est en diamant, de type Berkovitch (pyramidal à base triangulaire) et la taille de son empreinte est de l’ordre de quelques µm avec la charge employée (50 mN). Les courbes de charge et décharge en fonction du déplacement sont enregistrées et leur analyse permet la détermination de la valeur de dureté locale (H), exprimée en GPa [OLI92, LAM96].

La Figure III.33 présente les micrographies réalisées dans les zones ou les indentations ont eu lieu. Pour chaque état, une vingtaine de mesures ont été réalisées, et les empreintes qui ont

Page 34: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 86

accidentellement été faites dans la perlite ou trop proches de sphéroïdes de graphite n’ont pas été retenues.

(a) (b)

Figure III.33 : Empreintes d’indentations dans la matrice ferritique de l’état brut de coulé, B0 (a) et de l’état ayant reçu le traitement thermique de type T2, BT2.

Les valeurs moyennes de dureté pour les 3 états métallurgiques qui nous intéressent sont

les suivantes : B0 = 3,15 GPa BT1 = 3,4 GPa BT2 = 3,05 GPa Nous remarquons qu’il y a un bon accord entre les valeurs de dureté et les durées de vie en

fatigue en ce qui concerne les états BT1 et BT2 (H BT1 > H BT2), par contre ce n’est pas le cas de l’état brut de coulé. La dureté de B0 est intermédiaire à celle de BT1 et BT2.

Pour les états subissant les traitements thermiques T1 et T2, ces mesures confirment que ce sont bien les différences de propriétés mécaniques de la ferrite qui conduisent à des écarts de durée de vie en fatigue. Par contre, dans le cas de l’état brut de coulé, la ferrite n’a pas la dureté la plus élevée, il y a donc une autre raison à la meilleure tenue en fatigue de cet état. Comme nous l’avons mentionné au §II.4., et comme nous le voyons sur la Figure III.33 (a), il y a une quantité non négligeable de perlite à l’état B0. Ce composé semble avoir un effet favorable sur la durée de vie en fatigue, soit au niveau de la phase d’amorçage, soit au niveau de la propagation des fissures. En effet, la perlite est principalement présente au niveau des zones de fin de solidification, là où se situent les porosités. Du fait de sa résistance élevée sa présence peut gêner l’amorçage des microfissures. Nous avons également souligné au §I.4.3.1. que la perlite pouvait être dans certain cas une barrière à la propagation des fissures ce qui est également favorable à la résistance à la fatigue.

III.3. Conclusions L’étude du comportement en fatigue qui a été réalisé a permis d’approfondir nos

connaissances des mécanismes de fissuration à faible contrainte (σM ≈ σ0,2) et d’arriver à une schématisation claire de ces mécanismes. La tomographie X haute résolution nous a apporté des informations précieuses sur les caractéristiques des sites d’amorçage des microfissures. Nous avons mis en évidence que les défauts de taille importante, vraisemblablement en raison de leur aspect tourmenté, et ayant une part importante de leur volume située juste en dessous de la surface faisaient office de site préférentiel d’amorçage, ceci en raison des fortes concentrations de contrainte engendrées.

Ces concentrations de contrainte sont à l’origine de la localisation des déformations plastiques dans les ligaments de matrice compris entre le défaut et la surface et conduisent à la

50 µm 50 µm

Page 35: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III. Etude du comportement en fatigue

87

rupture de ces zones. Ces microfissures qui s’amorcent dès les premiers cycles ne vont pas, pour la plupart, dépasser une taille équivalente à la largeur maximale du défaut.

Après cette phase où les microfissures demeurent dans le champ d’influence du défaut durant un nombre de cycles élevés, quelques fissures vont se propager. Elles sont issues de gros défauts (porosités ou amas de sphéroïdes) qui engendrent des facteurs d’intensité de contrainte supérieurs au seuil de fissuration du matériau.

La propagation de ces fissures n’est pas régulière et présente de nombreuses phases d’arrêt ou de ralentissement. Les suivis optiques ont montré que ces blocages avaient lieu au niveau des joints de grains de la ferrite et qu’ils correspondaient à un nombre de cycles élevé. Ces phases de blocage représentent une part importante de la durée de vie.

Les courbes de Wöhler des états brut de coulé (B0) et traités selon les traitements thermiques T1 et T2 présentent des différences importantes. Nous observons que les durées de vie de l’état brut de coulé sont supérieures à celle de BT1 qui sont elles mêmes supérieures à celles de BT2.

La comparaison des états BT1 et BT2 indique que la résistance à l’amorçage et à la propagation des fissures est inférieure dans le cas de BT2. Les mesures de σ0,2 de ces deux états ainsi que des mesures d’indentation réalisées dans la ferrite des états BT1 et BT2 permettent d’établir une relation directe entre les propriétés mécaniques de la ferrite et la durée de vie en fatigue.

La taille de la zone plastique et par conséquent l’amorçage des microfissures dépend fortement de la limite d’élasticité de la matrice entourant les défauts amorçants. De même les blocages des fissures courtes aux joints de grains sont d’autant plus longs que cette limite d’élasticité est élevée.

Par contre, le bon comportement en fatigue de l’état brut de coulée n’est pas lié à des propriétés mécaniques supérieures de la ferrite. En effet, pour cet état la dureté de la matrice ferritique est intermédiaire à celle de BT1 et BT2. Dans ce cas, c’est plutôt la présence de perlite dans les zones de fin de solidification qui peut expliquer les durées de vie plus importantes obtenues. Les zones situées entre les cellules eutectiques sont celles où se trouvent les porosités les plus importantes. La perlite qui possède une résistance plus importante que la ferrite fait obstacle à l’amorçage voire à la propagation des fissures.

Ces différentes comparaisons nous permettent de dégager deux voies d’optimisation de la

microstructure des fontes G.S. de manière à améliorer la durée de vie en fatigue. La première consiste à favoriser une limite d’élasticité de la ferrite élevée afin de diminuer

la phase d’amorçage et d’augmenter les temps de blocage des fissures aux joints de grains. Pour cela il est nécessaire d’identifier l’origine des différences de limite d’élasticité de la ferrite qu’il y a entre les états BT1 et BT2. Ceci permettra d’envisager une optimisation des traitements thermique de façon à faire évoluer la limite d’élasticité de façon favorable.

La deuxième voie d’optimisation est basée sur les traitements thermiques permettant d’obtenir des fontes G.S. avec une matrice composite. Il est souhaitable que cette matrice soit composée principalement de ferrite pour l’obtention d’une bonne ténacité ainsi que de zones plus résistantes, situées de préférence près des sites d’amorçage des microfissures (sphéroïdes de graphite et porosités) afin de diminuer fortement la phase d’amorçage. Ce deuxième constituant devra toutefois ne pas fragiliser la fonte, ce qui est le cas de la perlite.

Page 36: III. Etude du comportement en fatigue - INSA de Lyoncsidoc.insa-lyon.fr/.../9-III_Etude_du_comportement_en_fatigue.pdf · III. Etude du comportement en fatigue 53 III. Etude du comportement

III Etude du comportement en fatigue 88