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III - ARCHITECTURE ET PATRIMOINE

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Champiré

La Faucille

Dolmen

La Roche

Loncheray Bas Rocher

Le Percher

Vaux

Dolmen

Clocher Tors

Moulin du Rat

Hardas

Hamonnière

Bourmont

Neuf

Saulaie

Angrie

Fours à Chaux

Grandemaison

LanderondeHutte

St Hénis

Primaudière

Bois Geslin

Pierre Debout

La Fleuriaie

Coutardière

Eglise

Presbytère

Aulnays

Charnacé

Eglise Presbytère

Ste Barbe

La Lorie

Presbytère Eglise

Fortifications

Presbytère

Les RuesEglise

Tombe

Dolmen

GrandièreEglise

Presbytère

Moulin

Cour des C.

Cromlech

Eglise

Vents

Sourdon

EglisePrieuré

Eglise

Eglise

Crémaillé

AncienCouvent

Fortifications

PigeonnierGrenier Sel

Chapelle

Puit n°3

Dieusie

Chetardière

Pezelière

Logis

Touche M.

Harderie

Eglise

Chapelle

Danne

MiréChemiré-sur-Sarthe

Contigné

Brissarthe

Châteauneuf

Champigné

Sceaux-d'Anjou

Grez-Neuville

Le Lion-d'Angers

Brain-sur-Longuenée

la Pouëze

St-Augustin-des-Bois

Bécon-les-Granits

Freigné

St-Michel--et-Chanveaux

Noëllet

Armaillé

Vergonnes

PouancéCarbay

Chazé-Henry

la Chapelle--Hulin

Grugé--l'Hôpital

l'Hôtellerie--de-Flée

Montguillon

Aviré

Louvaines

Chambellay

Querré

Marigné

Soeurdres

Cherré

la Jaille-Yvon

Montreuil-sur-Maine

Thorigné--d'Anjou

Vern--d'Anjou

Chazé--sur-Argos

Angrie

Loiré

le Bourg-d'Iré

Ste-Gemmes--d'Andigné

le Tremblay

Gené

Andigné

Chenillé--Changé

Champteussé-sur-Baconne

Bouillé-Ménard

CombréeNoyant-la-Gravière

Bourg--l'Evêque

Pruillé

La Prévière

La Chapellesur Oudon

Les Monuments Classés ou Inscritsdans le Haut-Anjou Segréen

A D E L E ©

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Architecture et patrimoine

Architecture et patrimoine sont indissociables et, en Anjou, comme dans les grandes provinces françai-ses, le présent est intimement lié au passé. Aborder l’architecture du Haut-Anjou Segréen, c’est avant tout intégrer cette grande richesse patrimonia-le que représentent les constructions sur ce territoire : ce ne sont pas moins de 14 églises et 32 châteaux, manoirs ou logis, inscrits, classés ou à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, sur 35 des 67 communes; sans oublier une multitude de bâtiments, même modestes, qui méritent l’intérêt et la curiosité.

Pays discret, aux traditions bien préservées, mais aussi, pays d’audace, particulièrement depuis le XIXe, il nous donne à penser que les constructions d’aujourd’hui, sont notre patrimoine de demain…Sans vouloir faire une recherche historique, nous allons nous attacher à comprendre ce qui s’inscrit plus particulièrement dans sa mémoire et contribue à son identité.

Comprendre la spécificité de l’architecture, en ap-précier la diversité et son adaptation à différentes époques, c’est aussi préparer l’avenir...

Brissarthe: simple maison de bourg

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Le sentiment général sur l’ensemble du territoire s’apparente à une impression de grande homogé-néité: dix siècles d’une histoire commune se lisent dans les pierres. Si on exclut le néolithique, c’est de-puis de XIe siècle que l’on retrace l’architecture de ce pays, les époques se côtoient, sans heurt, avec chacune son apport: diversité des volumes, des sty-les, des usages...dans une juxtaposition heureuse, le tout absorbé par la couverture végétale du bocage et des parcs et réuni sous le couvert unicolore des toits d’ardoises.

Il faut remonter l’histoire pour comprendre et en ap-précier les éléments architecturaux :

L’architecture religieuse est particulièrement présen-te, elle nous donne les éléments les plus anciens et traverse les siècles jusqu’au XXe siécle: - Eglises et chapelles jalonnent les «che-mins», accueillent le voyageur. Tous les siècles, tou-tes les influences, semble t-il, sont représentés; dans chaque village, les églises sont singulières, chaque clocher est particulier. Difficile de comparer l’église de Champteussé-sur-Baconne, celle de Brissarthe, celle de Saint-Martin-de-Vertou au Lion-d’Angers et son portail datant du XIe, celle de Candé, jusqu’à la modeste et émouvante chapelle Sainte Barbe de Bois II. - les anciens prieurés sont nombreux et re-marquables, ils étaient construits aussi bien dans les villages que dans les campagnes. La carte vers 1150 des abbayes et prieurés sur le territoire (voir page

89) donne une idée de la répartition des richesses et des terres. Deux abbayes existaient sur le territoire : l’abbaye cistercienne de Pontron, disparue à la ré-volution et l’abbaye bénédictine de Nyoiseau, qui re-présente avec les maisons du village, un patrimoine d’un très grand intérêt.

L’architecture défensive avec l’impressionnant châ-teau fort de Pouancé du XIIIe siècle, les vestiges des fortifications de Chatelais et les nombreuses maisons fortes pour certaines encore entourées de douves.

L’architecture institutionnelle avec la présence répé-tée des granges aux dîmes (Pruillé, Champteussé-sur-Baconne, ...) et des greniers à sel (Pouancé) avec leurs toitures à croupes, les mairies construites au XIXe, celles de Châteauneuf-sur-Sarthe, du Lion-d’Angers, de Segré,... imposant la république après les temps troubles de la chouannerie.

L’architecture civile, rurale et seigneuriale: - les maisons moyennageuses, rares mais fa-cilement identifiables présentent leurs hauts pignons sur les places de village ( Nyoiseau, Bourg-l’Evêque, Freigné, Pouancé...) contrairement aux maisons voi-sines, plus tardives, qui présentent leurs façades, - les nombreux logis construits au XVe et XVIe et simples maisons de bourg, - les manoirs et châteaux du XVIIe et XVIIIe siècle, le château de La Lorie près de Segré, le Châ-teau de l’Isle-Briand au Lion-d’Angers, deux siècles néanmoins moins représentés si ce n’est dans les

transformations (baies, lucarnes...) et les extensions de constructions antérieures. - les manoirs, châteaux, maisons de maître, maisons de ville, construites au XIXe siècle et leurs nombreuses dépendances, simple abri, porterie, ferme, construites dans le style «chalet» et qui re-présente sur le territoire une période particulièrement riche.

L’architecture industrielle du XIXe et XXe, sur les si-tes miniers et ardoisiers (bâtiments industriels, che-valements et cités ouvrières) mais aussi le long des rivières navigables avec les minoteries, les maisons éclusières... Et plus récemment les bâtiments arti-sanaux qui, pour la plupart, sont de qualité et font preuve d’une bonne intégration paysagère.

L’architecture « régionaliste »:Celle enfin des constructions récentes, celle des lo-tissements, qui s’inscrit dans la continuité et reprend à son compte des éléments d’architecture des siècles précédents.

Cette liste quelque peu rébarbative nous permet de comprendre combien ce pays, à la fois divers et riche dans le temps, homogène dans l’espace, fait preuve d’une grande continuité.

A u f i l d u t e m p s

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Armaillé, la Primaudière: le prieuré et sa chapelle du XIIIe

La Pouëze, la chapelle de Ste Emérance du XVe

Nyoiseau,l’abbaye: un ensemble patri-monial remarquable

Châtelais, ancienne ville fortifiée, la porte Guerchaise du XIe

Pouancé, le château fort et ses trois enceintes aujourd’hui ruinées, la porte

du XVe

Le Lion-d’Angers, le portail du XIe de l’église St Martin-de-Vertou

Le Louroux-Béconnais, la chapelle St Barthélémy aux origines très anciennes

Châtelais et le curieux clocher de l’église surmontant la tour du XIe

La Pouëze: de nombreuses communes ont transformé les anciens prieurés en

mairie

Brissarthe, l’église et le presbytère: un lieu historique à l’architecture

exeptionnelle

Champigné, l’église construite au XIXe à l’exemple de beaucoup d’autres

Champteussé-sur-Baconne, l’église: une des plus ancienne du territoire

Architecture religieuse et défensive

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Chemiré-sur-Sarthe: façade moyen-ageuse et son haut pignon sur rue

Champteussé-sur-Baconne, la maison du pilori illustre les périodes transitoi-

res entre XVIe et XVIIe

Loiré: très belle ferme du XIXe La Pouëze: bonne intégration d’un bâtiment artisanal

St-Gemmes-d’Andigné: une architec-ture contemporaine rare sur le territoire

Segré: bâtiments industriels et cheva-lements, l’architecture d’une période

prospère

Le Louroux Béconnais, constructions pavillonnaires

Gené, le presbytére du XVIIe et sa façade à colombage

Grez-Neuville, le Grand logis: façade du XVIIe

Architecture institutionnelle, civile, industrielle, régionaliste et contemporaine

Segré, la mairie, bâtiment de prestige, construite en 1904

Villemoisan,la mairie construite en 1864 en même temps que l’école

St Sigismond: la Podevinière date du XIIe XIVe siècle

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Source : Atlas historique français : Anjou, Institut Géographique National,

2 volumes, 1973

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L ’ A n j o u N o i r

«S’il est vrai que la Loire est une frontière, elle n’est ,en Anjou, nullement ressentie comme telle alors qu’elle traverse cette province de part en part. Non pas que l’Anjou soit terre d’unité, bien au contraire : situé à l’encontre de deux mondes différents, l’un lié aux influences océaniques et marqué par la présence de terrains anciens, l’autre tourné vers l’intérieur et se développant sur des coteaux crayeux et des plaines argileuses, la province exprime «le heurt» de deux milieux radicalement opposés. Ici, nul compromis possible entre le schiste du Segréen et le tuffeau du Saumurois, entre l’ardoise du Val de Loire et la tuile canal des Mauges, entre la délicatesse de l’architec-ture des maisons de l’est et la rudesse de l’habitat de l’ouest. C’est, en effet, ce partage est-ouest qui est ressenti comme le caractère le plus flagrant de l’habi-tat angevin. De cette confrontation brutale, il ne s’est développé aucune adaptation bâtarde : matériaux de construction, formes des bâtiments, éléments d’ar-chitecture et de décor forment un tout et déterminent à l’intérieur de cette petite province quatre grands ty-pes d’habitat aux limites bien tranchées, ne laissant place à aucune ambiguïté.» p 31, Maison paysanne de l’ancienne France Hervé Fillipeti édition SERG/Berger-Levrault.

Il est curieux de constater combien les constructions vernaculaires marquent notre esprit d’une manière indélébile. L’impression retenue en parcourant le territoire peut se résumer dans cette construction modeste rencontrée dans les campagnes aussi bien que dans les bourgs que l’on peut définir comme «la maison type du Ségréen» : une maison basse cons-truite en schiste et pierre dure couverte d’un grand toit en ardoise.

Pourquoi cette maison nous apparaît-elle comme identitaire à ce pays? La réponse ne viendrait-elle pas de l’utilisation et de la mise en œuvre de matériaux directement issus du sous-sol et qui, du coup, font de cette petite construction son prolongement indiscu-table qui donne le sentiment si précieux d’appartenir à cette terre particulière entre toutes, puisqu’elle est la nôtre. Voilà bien le sens du mot patrimoine : la terre du père que cette petite maison, à elle seule, résume.

Angrie: maison type en centre bourg

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Matériaux de construction et géologie

L’ensemble du Pays Haut-Anjou Segréen prend ap-pui sur des terrains anciens, essentiellement des schistes qui au nord de la Loire se prolonge jusqu’à Trélazé, à l’exception de l’affleurement granitique près du secteur de Bécon-les-Granits. Le crétacé supérieur prédomine et repose sur le socle post-her-cynien du massif armoricain. Ce sous-sol donne une grande homogénéité et une singularité certaine à ce territoire qui s’oppose de manière radicale à l’autre grande région géologique de l’Anjou issue des cou-ches sédimentaires. Nous sommes vraiment au cœur de l’Anjou noir par opposition à l’Anjou blanc.

De ses bancs de schiste sont extraits les moellons des constructions et les ardoises qui recouvrent les toits.

Les moellons de schiste ne sont pas homogènes, ni en qualité, ni en épaisseur, ce qui introduit une varié-té dans la texture des murs et dans les couleurs: du noir, au bleu en passant par le jaune mêlé du rouge des veines oxydées, un jeu subtil pour qui sait regar-der. Cet effet est accentué par l’utilisation de joints et d’enduits de coloris très divers suivant les fines (sou-vent la terre prélevée sur le site) et le sable utilisés.

On peut supposer que le schiste réservé à la cons-truction des murs était de moins bonne qualité que celui réservé à la taille des ardoises.

Le Louroux-Béconnais

Le Louroux-Béconnais

Freigné

St Michel-et-Chanveaux

Freigné

Freigné

St Michel-et-ChanveauxVillemoisan

Segré

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L’ardoise sur les toitures est omniprésente. Elle est un gage d’une très grande homogénéité sur l’ensem-ble du territoire. Les toitures de ce pays sont magnifi-ques : très pentues du fait d’une moins bonne qualité de l’ardoise extraite sur le territoire, avec des faîtages de tuiles scellées en terre cuite qui leurs apportent une touche colorée, elles jouent avec les ciels chan-geants, se fondent dans les lointains, se mirent sous le soleil et reflètent les saisons.

Les encadrements des ouvertures sont constitués de blocs de schiste ardoisier bleu fumé appelé la pierre de Nozay qui se prête à un beau poli et dont l’extrac-tion est extérieure au territoire. On le retrouve dans les encadrements, appuis et linteaux, les seuils, les marches, les cheminées, les dalles (éviers).

L’autre matériau extrait du sous-sol segréen, le gra-nite est présent dans les moellons des murs, les encadrements, les soubassements, les seuils et les marches. C’est dans les bourgs du Louroux-Bécon-nais, à proximité des sites de carrières, qu’il est le plus couramment utilisé.On le retrouve au nord ouest du territoire en se rapprochant de la Bretagne.

Bécon-les Granits: moellons et enca-drement en granit. La porte en PVC et

en retrait : quel dommage!

Freigné, le mur et la roche: une même matière

Challain-la-Potherie,La Bourelière: le li-chen ensoleille les moellons de schiste

Villemoisan: le jeu des toitures et le faitage en tuiles

Le Louroux-Béconnais: le lichen, les réparations sur la toiture: une palette

très riche

La Chapelle-Hullin: un enduit au ton moyen qui réchauffe la façade

Carbay: un enduit clair à pierres vues et la pierre de Nozay

Carbay: des enduits d’un ton vif très soutenus colore ce petit bâtiment

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Mais le reste de l’Anjou se fait ressentir :

Le tuffeau n’est pas absent, il est là juste pour nous rappeller que le Saumurois et le Val de Loire sont de la même province. C’est surtout à partir du XVIIIe que le tuffeau s’est substitué aux autres matériaux de construction, en particulier pour les encadrements et les lucarnes. On le rencontre en moellons, corni-ches, chaînages d’angle, plus particulièrement dans les constructions des villes et dans les châteaux du XIXe. Il était transporté, à grands frais, par bâteau et en chariot depuis le lointain Saumurois. Dans les vieux logis, il est venu remplacer des encadrements plus anciens. C’est un signe évident de richesse que l’on ne ren-contre pas sur la «maison type du Segréen»

La brique est très présente en Anjou surtout dans l’ouest du département, en particulier dans les Mau-ges. Matériau traditionnel de construction depuis les gallo-romains, son utilisation est avérée sur le terri-toire particulièrement depuis le XIXe siécle, avec des briquetteries à Vern-d’Anjou, à Vergonnes, Louvai-nes. Elle est utilisée comme élément de modéna-ture : encadrement, chaînage, corniche et souches de cheminée.... La «maison type du Segréen» ne s’en pare que timi-dement, plus particulièrement dans les bourgs.

Le Louroux-béconnais: encadrement plein cintre en brique

La Cornuaille: l’emploi de la brique est fréquente dans les bourgs

Le Louroux-Béconnais: corniche en brique

La Cornuaille: détails inattendus sur un corps de ferme

Bécon-les-Granits: une lucarne en tuffeau sur une maison en granit

St Augustin-des-Bois: corniche en tuffeau

Segré, maisons de ville : emploi du tuffeau dès le XVIIIe

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La maison type du SegréenLa maison traditionnelle se rencontre dans les villages, hameaux et fermes à l’écart, et dans les bourgs. C’est une construction simple, basse, composé d’un rez-de-chaussée et d’un grenier. Elle s’apparente à la maison angevine, avec néanmoins quelques détails qui lui sont propres.

Quelles en sont les caractéristiques? :- le volume initial est allongé, sans décroché, il com-prend la partie habitation seule ou se prolonge par la partie exploitation dans le cas de la ferme,- les extensions et annexes se trouvent à l’arrière du bâtiment ou sur le pignon, - la façade principale est orienté au soleil du matin, se protégeant ainsi du vent d’ouest,- l’entrée principale et les ouvertures sont en façade et non sur le pignon,- sous un faîtage unique, l’ensemble est coiffé d’un grand toit à deux pans qui se soulève plus ou moins en bas de pente (coyau). L’appenti, à l’arrière, introduit une rupture dans la pente de toit, il semble toucher le sol. De même, en pignon, le pan de toit se décroche ap-portant des variations dans la hauteur de la façade. La toiture à quatre pans ou à croupes, rare sur les maisons traditionnelles, est introduite au XVIIIe.- la passe de toiture est faible, le coyau protége les murs du ruissellement des eaux de pluie; les corniches sont rares, éventuellement en brique, - une lucarne gerbière permet l’accès au grenier, l’accès se fait par une échelle contre le mur. Aussi, le plus sou-vent, elle ne s’aligne pas sur les ouvertures.

Les outeaux se rencontrent mais plus rarement,- les conduits de fumée sont en pignon, décalés de la faîtière, initialement en schiste, ils sont généralement en brique.- les encadrements sont en moellons de schiste, les linteaux et appuis en pierre de Nozay, en granite, en brique, en bois pour les lucarnes et dans la partie des communs, - les murs en schiste prennent des couleurs et des textures très variées suivant l’épaisseur et la qualité des pierres et suivant la couleur de l’enduit ou du liant employé pour les joints. La différence de teinte des terres locales employées avec ou sans chaux dans les constructions d’origine explique la variété et la richesse des coloris.

Carbay: petite maison basse sans lucarne et son conduit de fumée en

pignon

Villemoisan: maison de ferme et son extension latérale: un seul volume, un seul faîtage avec des variantions de toiture et de hauteur de façade, un coyau plus ou moins prononçé.

Châteauneuf-sur-Sarthe: l’extension arrière introduit une rupture de pente

en toiture et semble toucher le sol

St Sigismond: la maison et sa lucarne gerbière avec son échelle. Quel dom-mage de l’avoir blanchie à la chaux!

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Ce texte tiré du livre de Hervé Fillipetti « Maisons paysannes de l’ancienne France - 1. France septentrionale » aux éditions SERG/Berger-Levrault, p 45, illustre bien le charme de cet habitat traditionnel.

« Dès que l’on aborde le Segréen, bien isolé du reste de l’Anjou par la Loire et la Mayenne, c’est un habitat tout à fait différent que l’on rencontre. Ici, nulle pierre calcaire, nul appareillage savant, nulle recherche décorative si l’on excepte les maisons villageoises où ces éléments existent encore à l’inverse des nombreux écarts. Les bâtiments sont plus massifs surtout au nord de Segrée où les caractéristiques de l’habitat du Bas-Maine subsistent, avec des constructions élevées, couvertes d’une toiture à quatre pans, des corniches de briques, des murs constitués de blocs informes de grès et de granit liés à la terre, enduits d’un mortier de sable. Fréquemment traités en briques plates, les encadrements restent en bois de chêne pour les bâtiments les plus anciens.

Au sud de Segré, l’apparition de l’ardoise utilisée comme matériau des murs donne à l’habitat une originalité excep-tionnelle; tirée des ardoisières de la région, elles sont employées en plaques épaisses, posées en lits horizontaux et liées à la terre. La disparition du crépi de sable laisse à nu ces ardoises et les maisons ont alors une extraordinaire couleur noire que vient parfois contredire la rouille d’un lichen ou le vert d’une treille. Habitations, granges, étables, puits, souches de cheminée, l’ensemble des bâtiments et des éléments de construction présente cette même structure.

Selon les lieux, la richesse des constructeurs, les données du sous-sol, l’ardoise s’allie parfois à d’autre matériaux, granite, grès, tuffeau, pour composer d’étonnantes mosaïques : on retrouve des appareillages semblables à l’est d’Angers jusque dans la région de Ménitré.

Malgré l’aspect très frustre des constructions sans aucun décor, malgré l’absence de corniche dont l’utilité est exclue par le prolongement du toit hors de la façade, en un léger coyau, la sécheresse des lignes de cet habitat n’engendre d’aucune manière la monotonie ou l’ennui. Tout au contraire, cette architecture provoque la surprise, puis l’intérêt grandissant de l’observateur quêtant sur les murs l’ alliance de couleurs ou de textures qui semblent hors nature. Situé pourtant à l’opposé des constructions très raffinées du Saumurois et du Baugeois, l’habitat de cette région d’Anjou surprend et séduit. »

Carbay: cette maison du bourg repré-sentative des maisons du nord segréen

La Cornuaille: lucarne en bois, murs non-enduit, la bâtisse a conservé toute

sa rusticité

La lucarne gerbière ne s’aligne pas sur les ouvertures pour pouvoir poser l’échelle.

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Les maisons de bourg et de ville

« Traverser nos bourgades angevines en voiture, par la rue principale : certes vous y verrez des façades pro-prettes, des jardinets fleuris dont l’éloge n’est plus à faire, mais presque immanquablement vous n’aperce-vrez guère que des façades en somme assez banales, toutes un peu pareilles les unes aux autres, sagement alignées le long de deux trottoirs, en vertu de quelques arrêtés d’alignement d’un maire contemporain de Na-poléon III ou de M. Falières.».»Frapper d’alignement», écrit M. Enguehard, «c’est défigurer»... «Ainsi perdirent leur pittoresque visage un très grand nombre de nos villages.» p155, 156, Vieux logis en Anjou, André Sa-razin.

Il faut s’aventurer dans la profondeur des rues et ruelles transversales pour apprécier la richesse des construc-tions. A la simplicité des volumes maçonnés, souvent parallélépipédiques, s’oppose la complexité du jeu des toitures, renforcée par la densité des constructions : jeu des croupes, des toitures à quatre pans, des coyaux, de clochetons, de longs pans, de cassures de pente, des lucarnes, des cheminées vertigineuses...

Là encore, une grande uniformité due à la colorimé-trie générale: le beige clair du tuffeau et des enduits, le brun sombre du schiste, le bleu changeant des ar-doises et la note discrète et chaude des faîtages et des briques d’encadrement, composition que viennent compléter des enduits de couleurs rencontrés ça et là, comme une touche finale, joyeuse et indispensable, à la palette.

Le Lion-d’Angers: enchevêtrement des toitures

Bécon-les-Granits: maison de bourg

St-Augustin-des-Bois, maison de bourg caractéristique: deux étages en front

de rue

Le Louroux-Béconnais: variété du bâti à l’écart des rues principales

Segré: uniformité des couvertures d’ardoises

Brissarthe: l’implantation des maisons en front de rue suite à l’alignement du

XIXe

Bourg-d’Iré: maisons frappées d’aligne-ment d’un seul coté de la rue

Nyoiseau: variation des maisons en retrait ou alignées avec leurs murets,

leurs jardinets...

Angrie: bleu ou rouge, la couleur vient egayer la rue

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Terre aux nombreuses rivières et petits cours d’eau, le Pays Haut-Anjou-Segréen se remarque par ses nom-breux ouvrages liés à la présence de l’eau : moulins, lavoirs, quais, pontons, maisons éclusières…

Les lavoirs Les lavoirs présents autrefois au coeur des villages ne se remarquent plus. Ceux d’Armaillé, de Bourg -d’Iré, de Challain-la-Potherie et quelques autres ont été parti-culièrement bien conservés, ils occupent une place im-portante dans l’agrément du village et s’accompagnent d’un étang ou d’une pièce d’eau. Souvent reconstruits au XIXe siècle, ils rivalisent tous de charme et font l’ob-jet d’un circuit touristique. Les communes ont tiré parti de ce patrimoine en l’inté-grant aux aménagements de loisirs et de pèche. Les moulins Les anciens moulins à eaux ont, pour la plupart, dispa-rus ou, reconvertis en habitation, ils se mêlent au bâti environnant. Le moulin du petit-Chenillé à La Jaille-Yvon date du XIIIe, il donne une idée précise de la qua-lité de ces bâtiments. On peut toutefois penser qu’ils ne faisaient pas l’objet d’une typologie particulière mais s’apparentaient aux constructions de la région. A ce ti-tre, le moulin de Chenillé-Changé, encore en activité aujourd’hui, est atypique, fortement agrandi et transfor-mé au XIXe, il a défié les années depuis le XIIe siècle. Le moulin de Bourg-d’Iré, face au lavoir, fait partie des constructions entreprises par le comte de Falloux au XIXe, son style s’apparente au « style chalet» commun aux porteries à l’entrée des domaines, avec ses enca-

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drements en brique, et surtout l’emploi du bois tourné en passe de toit et pour la confection de rambarde. Les grands moulins, construits, principalement sur la Sarthe et la Mayenne, au XIXe et début XXe à l’em-placement d’anciens moulins, sont caractéristiques. Ils marquent fortement de leur présence massive les paysages de rivière. Ces minoteries ont vu leurs ac-tivités s’arrêter dans les années 70/80 à la suite du déclin du transport fluvial au profit du chemin de fer. Certains sont aujourd’hui reconvertis (Centre du patri-moine à Pouancé, maison de retraite à Chateauneuf-sur-Sarthe), les autres sont abandonnés à leur triste sort. Ils méritent pourtant notre intérêt : leur situation très privilégiée en bord de rivière, leur solide construc-tion sur quatre niveaux, leurs façades symétriques d’une grande sobriété et l’ordonnancement des ouver-tures cintrées ou droites en font un patrimoine que l’on aimerait voir réhabiliter. Quelques uns (Pouancé, La Jaille-Yvon) ont des extensions latérales en bois.Parmi ces grands bâtiments, la minoterie d’Armaillé, plus ancienne, avec sa haute cheminée en brique, date de 1863.

Les maisons éclusières de Grez-Neuville et du Lion-d’Angers sont construites au XIXe, sur le même modèle, en même temps que les ouvrages de canali-sation de la Mayenne: la symétrie de la façade, l’intro-duction de la brique en linteau cintré est caractéristi-que de l’époque.

Le Bourg-d’Iré, le lavoir: un site d’exep-tion

Châteauneuf-sur-Sarthe: un des rare grands moulins réhabilité et converti en

logements

Villemoisan, le moulin: un patrimoine à l’abandon

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Le Haut-Anjou Segréen est un territoire où de nom-breux logis seigneuriaux se remarquent au détour des chemins et dans les bourgs. Dans ce pays de bocage, la multiplicité des domaines est dû à la pe-titesse des exploitations, aux rachats successifs et au démantèlement des terres. On peut ainsi en dé-nombrer plusieurs par commune. La région médiane entre Candé et Contigné semble en recueillir moins qu’ailleurs. Serait-ce dû à une terre plus aride et à des conditions moins favorables à l’agriculture ou à la destruction et l’abandon des manoirs au profit de grandes fermes?Deux grandes périodes de la maison seigneuriale en Anjou et particulièrement dans le Segréen sont les mieux représentées : la fin du XVe et le XVIe et l’autre période de renouveau au XIXe, chacune représentant pour le territoire une époque de prospérité.

La maison seigneuriale synonyme de famille, économie et propriété«Utopie socio-familiale du bonheur, la maison sei-gneuriale du XVe au XIXe siècle fut la projection, à un double niveau, de la classe dirigeante dans ses valeurs les plus essentielles : la famille et la propriété foncière.» Présisons que:- «maison signifie aussi bien l’édifice que les person-nes qui vivent autour du maître»- «seigneur est différent de noble. Le seigneur, c’est la terre noble qu’il transmet héréditairement qu’il soit noble ou roturier,» p 11, La maison seigneuriale du Val de Loire, Denis Jeanson, Edition Garnier Frères.

Le logis, le manoir, la maison forte, le château, tra-duisent les formes architecturales d’une époque don-née et de ses usages. La maison seigneuriale est la traduction construite d’une tradition, d’un modèle de société et de hiérarchie sociale qui perdure à travers les siècles, entre la sortie du Moyen-Âge et le XIXe. Cette tradition fut reprise, alors, par des familles d’in-dustriels jusqu’à la seconde guerre mondiale et chose plus rare, mais rencontrée dans le Segréen, poursui-vie par des familles attachées au territoire depuis des générations jusqu’à aujourd’hui.

Les maisons seigneuriales les plus anciennes rencon-trées sur le territoire datent du XVe siècle. L’architec-ture civile antérieure est rare et ne constitue pas une typologie récurrente sur le territoire. Le XVe est un tournant historique qui marque la fin du Moyen-Âge et le début des temps modernes suite à la crise connue par les seigneurs féodaux, due aux épidémies et à la Guerre de Cent Ans. L’architecture connaît un essor particulièrement remarquable, dans ce pays, sous l’influence bénéfique et éclairée du «bon roi René»:«Le riche bourgeois commençait par asseoir sa for-tune en achetant des terrains, après quoi il construi-sait ou reconstruisait la maison de maître et rachetait à un seigneur miséreux ses droits seigneuriaux et sa basse justice qu’il faisait ériger en châtellenie par lettres patentes... » (châtellenie: seigneurie et juridic-tion d’un seigneur châtelain).» «Accompli surtout par la bourgeoisie et aussi par la noblesse, ce travail de reconstitution foncière eut pour effet un nouveau pro-grès de l’habitat dispersé, typique encore de l’implan-

tation actuelle». Le processus fut identique de 1480 à la révolution. «Le noble ou le bourgeois n’hésite pas à faire valoir directement son exploitation soit par lui-même, soit par des ouvriers agricoles, que la maison seigneuriale soit une résidence principale ou secon-daire.» Car si le seigneur du Moyen-Âge est un rural, «à la fin du XVe siècle, apparaît un type nouveau : le gentil homme campagnard que l’on oppose au cour-tisan. Cette opposition se traduit dans un nouveau système juridique de l’exploitation agricole: la gagne-rie ou le faire valoir direct, le métayage et le fermage général et le fermage d’une tenure.» p33, la maison seigneuriale du Val de Loire (Métayage : bail, partage la moitié de ses récoltes). Un domaine pouvait possé-der plusieurs fermes ou métairies. La grande propriété n’établit pas son emprise sur l’ensemble du territoire: il y avait à coté des grandes propriétés, des paysans propriétaires qui possédaient des terres peut être plus vastes au total que ceux du seigneur. De même, nombres de terres, fermes, ma-noirs et prieurés étaient restés propriétés de l’église.

La révolution ruine de nombreux domaines et cause un morcellement réel, rares sont les domaines qui, du-rant cinq siècles, restèrent dans la même famille. Mais une fois de plus le pays se relève et les propriétés, les terres changent de mains: le fermier rachète sa terre, transforme et «ennobli» ses bâtiments, le bourgeois et l’industriel se donnent un titre…Néanmoins, au XIXe, la noblesse, à la faveur de La Restauration et de la Monarchie de Juillet, opère un retour sur ses terres.

L e d o m a i n e s e i g n e u r i a l

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La maison seigneuriale relève de l’archi-tecture sérielle :

Toujours pour le plan, très souvent pour la modénatu-re et pour le décor, ces modèles d’architecture s’ins-pirent directement des écrits de Jacques Androuet du Cerceau (Livre d’architecture auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs, 1582), de Charles Etienne (l’Agriculture et la Maison rustique, Paris, 1564), de Olivier de Serres (Du Théâtre d’Agriculture, Paris 1600) et de Louis Liger (La Nouvelle Maison Rustique ou économie générale de tous les biens de campagne, Paris 1763)Au XIXe, la présence d’un architecte, René Hodé, né au pays, à Marans, va imposer le «néo-gothique» ou «gothique de transition» style propre aux manoirs et aux maisons de maître angevines.

La grande évolution de la maison seigneuriale du XVe au XIXe siècle va constituer dans la séparation du logis du seigneur et de l’exploitation agricole.

En effet, le domaine et la maison seigneuriale ont établi leur fonctionnement sur le « modèle » de la villa gallo-romaine, qui se décompose en logis du maître, logis du fermier intégré aux bâtiments d’exploitation et réserves, le tout disposé autour d’une cour fermée: la basse cour. Dans son livre Vieux logis en Anjou, André Sarrazin, archiviste de la ville d’Angers, en

1979, nous dit: «Nous nous attacherons à décrire les plus typiquement régionales, qui appartiennent au XVe et XVIe siècles et obéissent, dans leurs lignes générales, à quelques règles immuables. Dans leur plus grand nombre, ce ne sont plus aujourd’hui que de simples exploitations agricoles dont un cultivateur habite le rez-de-chaussée et emploie les étages en grenier.» Ce n’est sans doute plus tout à fait le cas aujourd’hui. Il poursuit: « Le plan de ces demeures est très simple: c’est un quadrilatère, entouré de murs de défense, voir de douves, ayant le logis seigneurial en fond de cour, les bâtiments d’exploitation de part et d’autre, un porche d’entrée, accosté d’un portillon à piétons, parfois surmonté d’un châtelet à l’entrée.»On rencontre encore sur le territoire de ces porches qui laissent supposer de l’agencement de la proprié-té, à La Chapelle-Hullin, dans le bourg, au Gravier sur la commune de Bissarthe.L’exemple de la Jaille à Noellet illustre les propos pré-cédents: «Au Moyen-Âge, la Jaille relève de la Forêt en Armaillé. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il appar-tient à la famille de La Jaille. M. d’Avoisnes achète alors le domaine et le vend trois ans plus tard à la famille Duclos. Le château a été composé d’un grand logis précédé d’une cour enclose de murs et de fos-sés avec droit de pont-levis et poterne. L’enceinte était flanquée de cinq tours, et dans l’une d’elle a été construite une chapelle en 1672.» p 1031, Le patri-moine des communes de Maine-et-Loire.

« Comme Estienne et Serres, Liger fait entrer dans la maison de maître tout ce dont il a besoin: habitation

et nourriture. Mais à l’opposé de ces deux prédéces-seurs, il sépare les deux composantes traditionnelles de la maison seigneuriale: la maison de maître et la basse cour. Situées l’une à coté de l’autre et non plus en enfilade, il décrit une situation qui s’imposa définitivement dans la tradition architecturale du Val-de-Loire lorsque Oliviers de Serre écrivait son Théa-tre de l’Agriculture: l’habitat dispersé à cour ouverte. Liger justifie son choix par le site et le plaisir de vivre à la campagne, mais loin de la ferme et de ses relents de fumier.» p 20, La maison seigneuriale de Val-de-Loire.

La maison de maître à partir du XVIIe se compose d’un étage qui est l’étage noble, le rez-de-chaussée étant réservé aux pièces de service, caves et réser-ves et les combles aux logements des domestiques. Les pièces d’apparat viendront investir le rez-de-jar-din, comme le montre le château de Lorie et son sa-lon de marbre dans son extension du XVIIIe et les châteaux de Hodé.

Le château de la Lorie

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L’évolution du logis au cours des siècles peut se ré-sumer de manière succincte dans:- l’intégration de l’escalier dans le corps du logis au XVIe et son déplacement successif jusqu’ en position centrale pour une meilleur distribution des pièces,- l’alignement de la lucarne sur les baies, contraire-ment à l’habitat traditionnel,- la symétrie de la façade et l’ordonnancement des baies à partir du XVIIe,- la création du couloir de distribution, au XVIIIe, in-ventée au siècle précédent pour les maisons des vil-les,- la transformation successive des baies et des me-nuiseries, depuis la fenêtre à meneaux issue du Go-thique,- l’introduction de plus en plus avérée, surtout à partir du XVIIIe, du matériau « noble » que représentait le tuffeau.

René Hodé, l’architecte du XIXème L’industrie naissante apporte des capitaux, les in-dustriels et les grands propriétaires font appel aux architectes en vogue pour la construction ou pour la transformation de leur demeure. René Hodé est connu pour les 27 châteaux qu’il a construits dans le Maine-et-Loire et particulièrement pour celui de Challain-la-Potherie et l’ensemble du domaine.« Construits sur une éminence, les châteaux de Hodé présente les mêmes caractéristiques: vaste rectan-gle, l’édifice est flanqué de deux ou quatre tours, ou

simplement de tourelles. Au centre du bâtiments, une construction plus élevée est surmontée de lucarnes aux pinacles richement sculptés, ornés de choux rampants et d’armoiries.»... «Le toit à forte pente est encore dominé par de hautes cheminées de brique couronnées de pierre «... «L’entourage de chaque ouverture est en tuffeau blanc, et les murs couverts d’un enduit légèrement rosé contraste avec l’ardoise bleue des toitures.» p 37 et 38, Le patrimoine des communes de Maine-et-Loire.

Parc et jardins des logis seigneuriaux

De même que les constructions répondaient à des archétypes décrits dans les ouvrages cités précé-demment, de même l’art d’aménager et de tirer pro-fit de son domaine y était largement développé. On peut imaginer tous ces logis du XVIe prolongés de parterres aux buis taillés tels que les décrivait Olivier de Serres dans «Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs» en 1600: «Que le lieu que désirons convertir en jardinage soit prochain de la maison, tant pour le plaisir que pour le profit»...«Le jardinage se distingue en quatre espèces, à savoir en potager, bouquetier, médicinal, fruitier.»...« Plus grand sera le jardin potager que le bouquetier et le médicinal en-semble, étant en cet endroit plus requis le profit de la simple délectation.»...«Tous lesquels jardins, conti-nus et unis ensemble, seront enfermés dans un clos entre eux divisés par allées découvertes ou couver-tes en treillage, plats ou voûtés, ou autrement, ainsi qu’on les voudra disposer.» p 80 et 81, Jardins et

paysage, Jean-Pierre Le Dantec, Larousse. Tant de jardins, aujourd’hui disparus par manque d’entretien et abandon pur et simple, mais surtout, par la trans-formation du tènement au cours des siècles et parti-culièrement au XIXe par la venue de «paysagistes» comme le Comte de Choulot invité par l’architecte René Hodé à compléter et à parfaire la composition de ses oeuvres, celle du Château de Challain-la-Po-therie, celle du Château de Bellevue, domaine du Comte de Falloux à Bourg-d’Iré et bien d’autres.

Le Comte de Choulot fut l’un des jardinistes français les plus réputés de la seconde moitié du XIXe siècle dont le talent s’exerçât auprès d’une clientèle privée composée d’aristocrates comme lui. On peut imagi-ner qu’il a trouvé dans le Segréen non seulement une clientèle de prédilection mais, aussi, les paysages vallonnés et de bocage en conformité avec ses goûts inspirés du tracé des jardins irréguliers ou agrestes, dit jardin anglais. «L’originalité de son Art des jardins tient dans la vo-lonté à transposer de façon consciente et systémati-que les techniques de la peinture de paysages» des siècles précédents dans le jardinisme paysagiste et celle de la perspective «qui s’efforce de traduire la profondeur et les distances» par des différences de masses et de valeurs colorées, «de profiter des ef-fets caractéristiques des lointains pour faire naître et entretenir le sentiment de la grandeur indispensable à la perfection de l’oeuvre. C’est donc le caractère du pays tout entier que le dessinateur doit d’abord rechercher. Il le trouvera dans la forme du terrain»,

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Chemiré-sur-Sarthe, le château de Ose-raie et son parc du XIXe

Challain-la-Potherie, le château: oeuvre majeure de René Hodé

La Cornuaille: une demeure XIXe

... sa basse cour.

la ferme dans l’alignement.La Couère: le manoir et ...

Châtelais:le château et sa ferme

éloignée, hors de vue.

Ste Gemmes-d’Andigné, La Pezelière:le manoir du XVIe et les communs

La Chapelle-Hullin: le porche qui donne accès à la basse cour

La Roche d’Iré : le logis, fait face à...

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« dans l’aspect des arbres»...» dans le cours des eaux»...»dans l’aridité et la fécondité des plaines et dans les pentes des collines, nues ou boisées, parse-mées de riches villages ou de rares chaumières.» p 305 et 306, Jardins et paysage, Jean-Pierre Le Dan-tec, Larousse. Ne croirait-on pas que le Comte de Choulot décrit, ici, les paysages du Segréen...On peut imaginer qu’une telle personnalité fit école et que les manoirs et autres maisons de maître se sont dotés d’un parc, même modeste, au goût de l’épo-que.

Les arbres et particulièrement les cèdres qui jalon-nent le paysage sont encore là pour témoigner. Néan-moins, en matière de jardin, on connaît l’emprise du temps sur la conservation des tracés d’origine. Aujourd’hui, les parcs ont gagné en masse végétale ce qu’ils ont perdu en structure, ils n’en restent pas moins beaux. C’est surtout leurs étendues qui ont diminuées, transformant les grandes pelouses en champs de blé et donnant à la campagne segréenne une note sophistiquée et théâtrale.

L’exemple du parc de Chateau Raguin est intéres-sant, qui réunit le jardin reconstruit dans l’esprit re-naissance entre 1595 et 1607 et son parc «à l’an-glaise» planté de cèdres et de maronniers.

Notons que les parcs et jardins «à la française» sont peu présents, le parc de La Lorie et son boulingrin et celui de Saint-Henis à Andigné, conservent le tracé d’un siècle qui a fait la grandeur de la France. Sans

aucun doute, les paysages du Segréen se prêtaient moins à cette source d’inspiration.

«Ce pays de bocage recèle des merveilles que l’on découvre avec d’autant plus de plaisir qu’elles sont cachées, enveloppées dans cette végétation d’arbres centenaires et de haies qui leur garde leur part de ro-mantisme et de mystère.» p 79 Vieux logis en Anjou.

L’enclos, la porterie, la ferme

Les domaines sont d’étendue très variable suivant la nature des terrains et la richesse de leur propriétaire. Ils pouvaient posséder plusieurs fermes.

L’enclos entre dans la composition générale du do-maine. Les murs massifs en schiste qui entourent la propriété et nous impressionnent aujourd’hui n’ont pas uniquement le caractère défensif que nous leur prêtons. Ils sont liés, aussi, aux droits et usages dé-finis dans les provinces pour régler les successions: la part de l’aîné était d’un seul tenant, clos de murs et comprenait les bâtiments seigneuriaux. Une ferme attenante ou non au château fait partie de la closure, cette ferme peut faire l’objet d’une disposition et de soins particuliers en rapport avec la richesse du do-maine. De l’enceinte rapprochée de la maison forte du XVe à la clôture aux longs murs des châteaux des siècles suivants, la surveillance des entrées et sorties s’est déplacée. Nombreuses sont les porteries construites au XIXe, appelées pour certaines «chalet», qui dans la facture des éléments architecturaux, l’emploi de

la brique et du bois, ne laisse aucune ambiguïté sur leurs dates de construction.

Les fermes traditionnelles du Segréen s’apparentent à la maison trype décrite précédemment. Deux grands groupes de bâti peuvent se répertorier sur le territoire, sur le principe de la cour ouverte, traditionnellement rencontrée dans les paysages de bocage : - les longères uniformes regroupant l’habitation et l’exploitation sous un même toit, la façade est dissy-métrique, l’habitation est à l’est, au soleil levant.- les groupes de bâtiments où la succession des ex-tensions donne des volumes plus complexes aux toi-tures échelonnées et aux bâtiments distincts.Les fermes en U sont plus rares. Les cours fer-mées sont les basses cours des logis seigneuriaux, aujourd’hui encore en exploitation.

Les fermes du Segréen ont la qualité de se fondre dans le paysage, avec leurs grands toits d’ardoise qui semblent descendre jusqu’au sol, leurs silhouet-tes tassées qui se tapissent aux creux d’un talus à la faveur d’un mouvement de terrain. Elles n’ont pas le caractère ostentatoire des fermes du XIXe qui cher-chent au contraire à imposer leur présence sur les terres alentour (voir chapitre suivant).Les exploitations d’aujourd’hui et leurs bâtiments agricoles recouverts de grands toits de fibro-ciment n’apportent que peu de dommage au paysage, les teintes, les volumes regroupés se fondent à leur tour dans le ciel du Segréen.

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Le Château des Briottières dans son écrin

Vern-d’Anjou: la porterie « le chalet» Freigné, la longére: partie habitation et exploitation se cotoient sous un même

toit

Le Louroux-Béconnais: le jeu des coyaux permet d’augmenter la hauteur

sous plafond de la partie habitable

Châteauneuf-sur-Sarthe: mimétisme des fermes dans le paysage

Châtelais: intégration des hangars

Loiré : ancienne ferme en U

Le Louroux-Béconnais: simplicité du volume allongé sous son grand toit

Château de Bellevue: le parc devenu champs

Candé: le parc de la mairie reconverti en espace public

Le Gravier, le parc: l’emprise du temps sur les tracés

Villemoisan, maison de maître et son parc

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« Au XIXe siècle, l’ordre, la morale, l’hygiène physi-que et sociale et notamment la recherche de l’épa-nouissement de l’homme par le travail, inspirent la plupart des projets et le territoire est soumis à une volonté de planification et de réorganisation. C’est dans cet esprit que sont créées les fermes modèles qui doivent être avant tout rationnelles, fonctionnelles et confortables.» p 720, La ferme modèle du XIXe, Le patrimoine des communes de Maine-et-Loire- Flo-hic Editions.

C’est aussi dans cet esprit que se sont édifiées les installations industrielles, à la même époque.

La ferme modèle du XIXe

L’agriculture a produit, de tous temps, des modèles d’habitat et d’exploitation: c’est au XIXe, à l’initiative du Comte de Falloux et dans le mouvement hygié-niste du Second Empire, que la ferme modèle a vue le jour.

L’exemple de la ferme du Château des Rues à Che-nillé-Changé est caractéristique:«Cette ferme modèle est construite à partir de 1857 à la demande du vicomte de Rougé qui s’installe au château des Rues. Le château n’étant que partielle-ment habité depuis 1808, il a besoin d’une rénova-tion. Elle est réalisée par l’architecte René Hodé en parallèle avec le Comte de Choulot, grand créateur de parcs. Le remodelage de la propriété a lieu dans

le cadre d’une politique d’aménagement de grands ensembles agricoles. La ferme modèle est construite à l’écart sur une hauteur dominant un vallon pour être vue de la route, mais pas du château. La ferme est consacrée à l’amélioration de la race bovine par le croisement de la race laitière de la région, la Mancel-le, avec des taureaux anglais de la race Durham re-connue pour la qualité de la viande. Ainsi, est fondée la race Maine-Anjou par le fils de Camille, le vicomte Olivier de Rougé.» p 437, Le patrimoine des commu-nes de Maine-et-Loire- Flohic Editions.

La ferme modèle est avant tout un modèle d’exploi-tation. Les bâtiments, proprement dit, qui englobent le logis du fermier, le logement des animaux, et le stockage des récoltes ne sont pas tous construits sur le même prototype, ils présentent néanmoins une typologie fort identifiable que l’on rencontre sur l’en-semble du territoire.

La ferme se caractérise par:- la symétrie des bâtiments qu’ils soient d’un seul corps ou de plusieurs,- les bâtiments d’un seul corps sont souvent relative-ment bas et allongés, d’un seul niveau surmonté d’un grenier accessible par des lucarnes gerbières,- le soin employé à la construction est identique pour l’habitation et pour l’exploitation,- l’emploi de la brique est généralisé pour les enca-drements de baies, les chainages d’angles, les che-minées, éventuellement les corniches,- la présence très fréquente en façade principale de

retour de pignons, accentue la symétrie,- les détails: l’emploi de l’aération des granges en demi cintre, l’utilisation du cintre pour les baies,Ces fermes construites à l’origine à quelques exem-plaires ont été copiées et ont constituées une réfé-rence pour de nombreux fermiers et propriétaires fonciers soucieux de rentabilité et non dénués d’es-thétisme.

Le comte de Falloux décrit ainsi sa ferme modèle de Bourg-d’Iré: «La maison d’habitation est située entre deux ailes, à égale distance, longue de cinquante mètres. Chacune est haute de six mètres en maçon-nerie, l’aile droite contient la boulangerie, le pressoir, le cellier, les écuries, les porcs, les moutons et dans toute sa longueur, le grenier de céréales, l’aile gau-che est uniquement consacrée à l’espèce bovine, le grenier de l’aile gauche est destiné à recevoir quatre-vingt mille kilos de foin.» p 1193, Le patrimoine des communes de Maine-et-Loire- Flohic Editions.

D u l a b e u r e t d e s h o m m e s

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La Chapelle-Hullin: retour de pignons en façade

Chemiré-sur-Sarthe: l’ensemble et...

... un ensemble remarquable

Le Louroux-Béconnais: la ferme re-peinte en blanc, quel dommage!

Le château des Briottières: une cour fermée ...

Ste-Gemmes-d’Andigné: une facture très soignée, l’emploi de la brique

Le Bourg-d’Iré: corps d’habitation type

Le Lion-d’Angers: une très grosse exploitation

Loiré: un bâti qui se dégrade

... l’utilisation du plein-cintre et des briques en encadrement pour les aéra-

tions et les baies

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La cité ouvrière

Les exploitations des mines de fer et des ardoisières ont donné lieu à des architectures tout à fait singu-lières: bâtiments industriels, arches du Carreau de l’Oudon et chevalements, dressent leurs hautes sil-houettes étranges et inutiles dans le ciel segréen et témoignent d’une activité encore très présente dans les mémoires (fermeture du site de Bois II à Nyoiseau en 1995). Leur avenir est compromis.

A coté de ces sites d’exploitation, se sont construites les cités ouvrières: modèle de l’habitat social de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle en vue d’améliorer les conditions de vie et d’habitat des ouvriers, dans l’esprit des cités-jardins à ceci près qu’il forment une urbanisation linéaire ou en damier. Ce sont des quartiers aux constructions typiques, aux implantations ordonnancées, faites sur le même modèle suivant l’opération. Cet habitat soigné, avec son petit jardin potager attenant, loin de produire des ghettos, peut faire figure aujourd’hui de petites cités coquettes.

La plus ancienne cité se situe à La Prévière: ce sin-gulier petit village est lié au travail des hauts four-neaux de Pouancé. La place du village, axée sur la mairie qui ressemble à une église, est bordée de mai-sons basses accolées, construite au XIXe, donnant directement sur la rue, et auxquelles on accède par quelques marches. Avec leurs grands toits en ardoise agrémentés de lucarnes et de croupes, ouvertes à

l’avant sur une grande pelouse centrale, à l’arrière sur le jardin privatif, elles forment un ensemble digne d’intérêt.

A Combrée:- la cité de Bois-Long, construit vers 1885, un long corps de bâtiment abritent une vingtaine de familles, - la cité ardoisière du Bois-Long, à Bel-Air, le long de la route départementale qui date de 1906, s’agran-dit vers 1930: 300 logements, sur un même modèle, s’alignent de part et d’autre de la rue et composent un ensemble qui mérite l’attention. Les maisons ac-colées, deux à deux, avec leurs encadrements et chaînages en brique, leurs lucarnes pendantes, leurs jardins sur le coté et à l’arrière, rythment la rue, rom-pue ça et là par la présence de garage en extension et le débordement végétal des jardins.- le village de «La Forêt» formé de la cité du Patis-Gourdon, de la cité Jeanne-d’Arc, et de la cité Du Guesclin recencait 380 habitants en1954.

A Noyant-la Gravoyère:- la cité-jardin et son urbanisation caractéristique en allées courbes, conçue entre 1919 et 1924: 64 mai-sons abritants 134 logements, contrairement aux ci-tés, présentent plusieurs modèles de constructions.- la cité ouvrière de Misengrain, récemment restau-rée en village-vacances et en logements locatifs où la disposition et l’agrément des maisons tenaient comp-te de la hiérarchie au sein de l’exploitation: ouvrier, contremaître et maître.- la cité ouvrière de Bois I.

A Nyoiseau:- la cité de Brèges composée de 64 logements,- la cité ouvrière de Bois II composée de 118 loge-ments: les maisons alignées construites sur un mo-dèle identique, présentent un curieux jeu de toiture: le toit se relève pour faire place aux fenêtres des cham-bres sous les combles.

A Segré:- la cité de Baugé- la cité des mines aux maisons identiques à celle de Bois II- d’autres maisons jumelées, toujours sur le même modèle, mais construites à l’écart des citées.

Cet habitat, aujourd’hui rénové, ou laissé à l’abandon «témoignent parfois avec dérision, mais non sans tendresse, de la nécessité de chacun d’affirmer sa personnalité afin de mieux se débarrasser du modèle standardisé.» (ref : Thierry Pelloquet Service Dépar-temental de l’Inventaire).

Il convient de mentionner un habitat social présent sur le territoire, de la petite maison ouvrière en ban-de, rencontrée dans les bourgs, aux ensembles de logements collectifs comme à la Pouèze au lieu dit : la Barre.

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...peut faire figure de petite cité co-quette avec ses maisons mitoyennes...

... leurs lucarnes pendantes, leurs encadrements en brique et leurs jardins

attenants.

La Pouëze, la Barre: un habitat social de qualité souvent rencontré sur le

territoire

St Sigismond: maisons d’ouvriers et petits jardinets, en façade, protégés par

un muret

Villemoisan: maisons d’ouvriers proté-gées de la rue par le jardin en terrasse

Noyant-la-Gravoyère, la cité jardin: maisons jumelées

Segré: la cité des mines

La Prévière: les maisons ouvertes à l’avant ,sur une grande pelouse cen-

trale

Nyoiseau: bâtiments industriels et chevalements dressent leurs hautes

silouhettes étranges dans le ciel

Combrée, Bel-Air, la cité de Bois-Long...

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Pavillon et lotissement: la maison d’aujourd’hui

Aujourd’hui encore, la maison seigneuriale repré-sente, pour les français et sans doute pour nombre d’étrangers, l’idéal socio-familial du bonheur: acces-sion à la propriété, réussite sociale et éconnomique, entente familiale et cadre campagnard. Aussi, la ty-pologie des constructions fait-elle souvent appel à ce modèle, particulièrement dans les enduits clairs des façades, en référence au tuffeau, et dans l’emploi de la lucarne en alignement des fenêtres. On peut re-gretter ce recours systèmatique aux couleurs claires alors que les couleurs locales sont beaucoup plus ri-ches et beaucoup plus nuancées.Maisons modestes ou maisons cossues, l’impression générale est néanmoins d’une grande uniformité par l’emploi géneral de l’ardoise en toiture.On peut noter l’utilisation de détails vernaculaires comme le coyau, la lucarne gerbière... Le volume alongé et simple de la maison traditionnelle est peu exploité... on peut le regretter, il donne une touche contemporaine aux maisons qui s’y conforment.Les clôtures souvent traitées par des végétaux contri-buent à l’ambiance générale.

L’habitat pavillonnaire bien que majoritaire n’est pas la seule réponse à la demande de logements. En cen-tre bourg, quelques opérations plus récentes ont été réalisées: petits immeubles alignés sur le bâti existant ou petites opérations de maisons comme à Bécon-les-Granits ou au Louroux-Béconnais.

A u j o u r d ’ h u i

Le Louroux-Béconnais: mauvaise adap-tation au terrain, l’entrée de plain-pied

exige un talus important

Le Bourg-d’Iré,mimétisme:exemple intéressant d’enduits foncés

Bécon-les-Granits: petit programme de 2 logements autour d’une courette, un type d’habitat diversifié en centre

bourg

Chateuneuf-sur-Sarthe: la simplicité est souvant de bon aloi

Le Louroux-Béconnais: trop de com-plexité dans un si petit volume

... façade arrière d’une maison accolée:Le Louroux-Béconnais: façade avant...dommage que les faîtages ne s’alignent

pas

Châteauneuf-sur-Sarthe: une sura-bondance de détails qui nuisent à la

composition

Le Louroux-Béconnais: importance du traitement de la clôture

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Patrimoine, restauration et reconversion

Dans une région aussi riche et avec des bâtiments aussi importants, se pose la question du maintien d’un tel patrimoine : - quel devenir pour ces grandes demeures et châ-teaux?- comment restaurer en respectant l’esprit de la cons-truction et les époques succèssives?- comment maintenir les logements en centre ville en conformité avec un mode de vie actuel?Bâtiments publics, maisons de retraite, gites ruraux, fermes transformées en habitat... Imagination, dyna-misme et savoir-faire doivent se conjuger pour main-tenir cette variété et cette richesse pour le plaisir et le bien être de tous.

Pour conclure:Trois éléments importants se détachent de l’étu-de des constructions sur le territoire:- la production répétée d’ architectures types: fer-mes modèles, maisons ouvrières, logis et manoirs, moulins... habitat pavillonaire d’aujourd’hui,- le «retour» de l’utopie socio-familiale du bon-heur, que représente la maison seigneuriale, au travers de tout un vocabulaire architectural copié par les constructions d’aujourd’hui, - la «fascination» des constructions du Saumu-rois, en tuffeau, au détriment des constructions et matériaux locaux. L’architecture, reflet de notre société? Quel deve-nir voulons-nous construire?

Candé: la Mairie St-Augustin-des-Bois: bonne reconver-sion d’une longère en habitat

Marans: maison de maître transformée en logement social

Pouancé: maintenir un logement dé-cent en centre ville

Le Louroux-Béconnais: les amélio-rations dénaturent souvent l’esprit

d’origine

Noêllet: restaurer tout en respectant les époques! un exercice difficile qui

demande de la nuance

Villemoisan: maison de retraite

Combrée: le collège, quel devenir?

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