II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

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Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B - 71 - II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires synthétisés par CuAAC Stratégie A-A + B-B II.1. Introduction - 72 - II.2. Synthèse des précurseurs alcyne et azoture - 73 - II.2.1. Synthèse des monomères alcyne - 73 - II.2.2. Synthèse des monomères azoture - 76 - II.3. Synthèse et caractérisation des polytriazoles - 79 - II.3.1. Rappels sur la polyaddition de type A-A+B-B [18] - 79 - II.3.2. Etude d’oligomères polytriazole de taille croissante - 81 - II.3.2.1. Synthèse des oligomères - 81 - II.3.2.2. Analyses par résonance magnétique nucléaire - 82 - II.3.2.3. Analyses par chromatographie d’exclusion stérique - 83 - II.3.2.4. Analyses thermiques - 86 - II.3.3. Etude d’une série de polytriazoles linéaires - 87 - II.3.3.1. Synthèse de polytriazoles en solution - 87 - II.3.3.2. Analyses par résonance magnétique nucléaire - 88 - II.3.3.3. Analyses par chromatographie d’exclusion stérique - 89 - II.3.3.4. Analyses thermiques - 90 - II.4. Etude cinétique par RMN 1 H - 91 - II.4.1. Rappels sur la cinétique chimique - 91 - II.4.2. Protocole opératoire - 92 - II.4.3. Influence de la température - 94 - II.4.4. Influence du taux de catalyseur - 96 - II.5. Conclusion - 98 - II.6. Références - 99 -

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Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 71 -

II. Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires synthétisés par CuAAC –

Stratégie A-A + B-B

II.1. Introduction - 72 -

II.2. Synthèse des précurseurs alcyne et azoture - 73 - II.2.1. Synthèse des monomères alcyne - 73 -

II.2.2. Synthèse des monomères azoture - 76 -

II.3. Synthèse et caractérisation des polytriazoles - 79 - II.3.1. Rappels sur la polyaddition de type A-A+B-B[18] - 79 - II.3.2. Etude d’oligomères polytriazole de taille croissante - 81 -

II.3.2.1. Synthèse des oligomères - 81 -

II.3.2.2. Analyses par résonance magnétique nucléaire - 82 - II.3.2.3. Analyses par chromatographie d’exclusion stérique - 83 - II.3.2.4. Analyses thermiques - 86 -

II.3.3. Etude d’une série de polytriazoles linéaires - 87 - II.3.3.1. Synthèse de polytriazoles en solution - 87 - II.3.3.2. Analyses par résonance magnétique nucléaire - 88 -

II.3.3.3. Analyses par chromatographie d’exclusion stérique - 89 - II.3.3.4. Analyses thermiques - 90 -

II.4. Etude cinétique par RMN 1H - 91 - II.4.1. Rappels sur la cinétique chimique - 91 -

II.4.2. Protocole opératoire - 92 - II.4.3. Influence de la température - 94 - II.4.4. Influence du taux de catalyseur - 96 -

II.5. Conclusion - 98 -

II.6. Références - 99 -

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Introduction

- 72 -

II.1. Introduction

Le concept de Click Chemistry a commencé à être appliqué en tant qu’outil de

construction de matériaux polymères en 2004 avec les travaux pionniers de Finn et al.

sur les adhésifs polytriazoles.[1] A l’origine de nos travaux, fin 2006, seuls quelques

exemples rapportaient l’utilisation de monomères diazoture et dialcyne pour la synthèse

de polytriazoles linéaires par CuAAC.[2-4] Ces études visaient à préparer des polymères de

nature spécifique (polymères conjugués, fluorés, ou glyco-peptidiques) pour une

application ciblée. S’ils ont clairement démontré l’efficacité de la réaction de polyaddition

par CuAAC, l’influence des paramètres expérimentaux sur cette réaction, ainsi que

l’impact de l’unité triazole sur les propriétés des polytriazoles n’ont peu, ou pas, été

étudiés.

Ainsi, l’objectif initial de ce projet est d’étudier en détails la réaction de CuAAC

comme outil de polyaddition, afin d’obtenir une nouvelle variété de polymères incluant

des motifs triazoles dans leur squelette, à partir de monomères modèles de structures

variées. Ce travail va notamment permettre de poser les bases expérimentales

nécessaires au développement voire à l’amélioration de la stratégie de polyaddition par

CuAAC. L’intérêt de cette stratégie repose sur l’efficacité de la réaction de Click

Chemistry mais également sur les propriétés intrinsèques du cycle triazole, qui de par sa

nature chimique devrait apporter stabilité thermique et rigidité au polytriazole résultant.

Cette première étude inclut donc les trois aspects fondamentaux sur lesquels

repose cette stratégie, à savoir :

- la synthèse des monomères difonctionnels azoture et alcyne, précurseurs de la

réaction de click polyaddition,

- l’étude détaillée du procédé de polyaddition par CuAAC, incluant la mise au point

d’un protocole de polymérisation,

- la caractérisation des polymères issus de cette polyaddition, afin de déterminer

l’influence des unités triazoles et de la nature chimique des monomères sur leurs

propriétés finales.

Afin de mieux comprendre le mécanisme de la polymérisation par CuAAC et d’optimiser

le protocole expérimental, une étude cinétique de la réaction de polymérisation par RMN

du proton est également présentée en fin de chapitre.

A

A B

n

B+

CuI

AA

A B

n

A BAA BB

n

BB+

CuICuI

Figure II-1 Représentation schématique de la polyaddition A-A+B-B par CuAAC.

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Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 73 -

II.2. Synthèse des précurseurs alcyne et azoture

La mise en place de notre stratégie de polyaddition par CuAAC nécessite bien

évidemment la synthèse de monomères mono- et difonctionnels portant les fonctions

alcyne et azoture précurseurs de cette réaction. Pour répondre aux critères de la Click

Chemistry, la synthèse de ces briques initiales doit être relativement aisée et donner des

rendements élevés. Nous allons voir comment la modification de réactifs commerciaux

appropriés permet d’obtenir ces monomères dans de telles conditions.

II.2.1. Synthèse des monomères alcyne

Il existe de nombreux précurseurs commerciaux mono ou multifonctionnels

portant la fonctionnalité alcyne (Figure II-2). Les précurseurs monofonctionnels sont

particulièrement utilisés pour introduire une triple liaison terminale sur un composé, par

couplage avec une fonction antagoniste ou par substitution nucléophile. L’amine et

l’alcool propargyliques sont notamment souvent utilisés pour fonctionnaliser différents

types de molécules organiques (polysaccharides, oligonucléotides, poly(éthylène

glycol)…).[5-9]

Br

O OH

O O

OH NH2

O O

O O

N

Figure II-2 Exemples de précurseurs alcyne commerciaux.

Cependant, la réaction de substitution nucléophile du bromure de propargyle par

un composé alcool reste de loin la plus utilisée, puisqu’elle est facile à mettre en œuvre,

et conduit à la formation d’une liaison éther relativement stable. D’après la littérature,

elle requiert la présence d’une base plus ou moins forte suivant l’acidité de l’alcool utilisé,

la plus utilisée étant le carbonate de potassium.[1, 10, 11] Pour notre étude, nous avons

souhaité partir de réactifs « modèles », présentant une analogie de structure avec des

monomères couramment employés dans la littérature et pouvant conduire à des

polymères de propriétés variables, notamment en terme de solubilité. Pour cela nous

nous sommes intéressés à la fonctionnalisation du bisphénol A et du diéthylène glycol,

qui sont des produits commerciaux.

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Synthèse des précurseurs alcyne et azoture

- 74 -

L’alkylation du bisphénol A a été réalisée avec succès en présence de carbonate de

potassium en utilisant une procédure largement décrite dans la littérature,[12] donnant le

monomère dialcyne 1 avec un rendement proche de 80% (Figure II-3, a)). La

fonctionnalisation étant totale lors de cette réaction, le produit est purifié simplement par

extraction au dichlorométhane puis recristallisation.

L’alkylation du diéthylène glycol s’est avérée plus complexe. En effet, le protocole

précédent a conduit à un mélange d’espèces mono- et di-substituées difficilement

séparable par colonne sur silice, réduisant considérablement le rendement. En effet, dans

le cas d’un réactif aliphatique, une base plus forte doit être utilisée pour conduire à une

réaction totale.

OOOHHOK2CO3, 18-c-6

acétonereflux, 24 h

Br

a)

HOO

OH OO

O

Br

NaH, 18-c-6

THF, 25°C, 6 hb)

1

2

Figure II-3 Synthèse des monomères alcyne 1 et 2.

L’utilisation d’hydrure de sodium (60% en dispersion dans la paraffine) en

présence de THF anhydre nous a finalement permis d’obtenir le monomère dialcyne 2

avec un bon rendement (> 60%) et avec un temps de réaction assez court, puisque

quelques heures suffisent pour une fonctionnalisation totale (Figure II-3, b)).[13] Le

produit est ensuite purifié par chromatographie sur colonne.

L’efficacité de ces réactions d’alkylation ainsi que la pureté des monomères

résultants ont été confirmés par analyses RMN 1H et 13C, ainsi que par SEC. La Figure

II-4 présente les spectres proton des monomère dialcyne 1 et 2. Pour les deux

monomères, on peut constater l’apparition du triplet caractéristique du proton terminal

de la fonction alcyne à 2.4-2.5 ppm (a), ainsi que le signal du CH2 en alpha de la triple

liaison, sous la forme d’un doublet à respectivement 4.7 et 4.2 ppm pour les monomères

1 et 2 (b). On peut ainsi vérifier que la modification est totale, puisqu’aucun des signaux

du bisphénol ou diol initial n’est présent dans les produits dialcyne. L’analyse SEC des

deux monomères permet de confirmer la pureté de ces derniers, puisqu’un seul pic

monomodal est obtenu dans les deux cas (Figure II-5).

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Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 75 -

Figure II-4 Spectres RMN 1H des monomères alcyne 1 et 2 (CDCl3, 25 °C).

16 18 20 22 24 26 28 30

Volume d'élution (mL)

1 2

Figure II-5 Courbes SEC des monomères dialcyne 1 et 2 (THF, 25 °C).

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Synthèse des précurseurs alcyne et azoture

- 76 -

II.2.2. Synthèse des monomères azoture

La suite de la démarche nécessite bien entendu la synthèse de monomères

diazoture capables de réagir par CuAAC avec les monomères dialcyne précédents. La

synthèse du premier azoture organique remonte à 1864, et l’intérêt pour ces

intermédiaires réactionnels très modulables s’est considérablement accru dans les

années 60. En principe, les azotures organiques peuvent être préparés selon différentes

méthodes : insertion d’un groupe N3 par substitution ou addition, insertion d’un groupe

N2 par réaction de transfert, insertion d’un atome d’azote, clivage de composés triazènes,

ou réarrangement d’azotures. En pratique, les conditions expérimentales sont très

variables en fonction de la nature de l’azoture synthétisé (aryle, alkyle, alkényle).

L’excellente revue de Bräse et al. récapitule les principaux modes de synthèse des

azotures organiques aromatiques et aliphatiques.[14]

Dans le domaine de la Click Chemistry, on trouve dans la littérature différents

exemples d’azidation suivant la nature et la fonctionnalité des molécules à modifier.

L’azidation par substitution nucléophile des halogénures en présence d’azoture de sodium

(NaN3) est cependant la méthode la plus couramment employée, en raison de sa grande

versatilité, de son efficacité, et de la large gamme de produits commerciaux disponibles.

Deux voies de synthèse des monomères azotures sont ainsi souvent privilégiées :

i) par substitution d’une fonction hydroxyle via un intermédiaire mésylate ou tosylate,

ii) par substitution directe d’un précurseur halogéné.

Si la première voie est bien adaptée à la modification de précurseurs alcool de type

polyéthylène glycol,[15, 16] la seconde voie lui est souvent préférée car elle permet d’éviter

une étape intermédiaire et peut être réalisée en milieu aqueux. Les deux méthodes sont

cependant quantitatives et donnent d’excellents rendements.

R X

X = Cl, Br, I,...

R N3

R OH

NaN3

R N3

NaN3i)

ii)

S

O

O

Cl

ouR O S

O

Oou

R O S

O

O

S

O

O

Cl

Figure II-6 Obtention d’un azoture organique par substitution nucléophile, i) d’un mésylate ou d’un

tosylate, ii) d’un halogènure.

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Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 77 -

Pour cette étude nous sommes partis d’halogénure commerciaux, l’un aromatique

et l’autre aliphatique, toujours dans l’optique de pouvoir moduler les propriétés finales de

nos polymères. Les azotures difonctionnels 3 et 4 ont ainsi été synthétisés à partir du

1,6-dibromohexane et du α,α’-dichloro-p-xylène d’après une procédure de la

littérature,[12] par substitution nucléophile des espèces halogène par l’azoture de sodium,

en solution dans le DMF à température ambiante (Figure II-7, a) et b)). L’azoture

monofonctionnel 5 a également été synthétisé à partir du bromure de benzyle suivant le

même protocole afin d’obtenir un bloqueur de chaine pour les réactions de polyaddition

(Figure II-7, c)).

BrBr

Cl

Cl

Br

NaN3, DMF

25°C, 20 h

N3

N3

N3

N3

N3

a)

c)

b)

3

4

5

Figure II-7 Synthèse des monomères azoture 3 et 4, et du bloqueur de chaine 5.

Tous ces précurseurs sont obtenus avec un rendement supérieur à 80%. Les

réactions étant quasiment quantitative, une simple extraction suffit généralement à

purifier les produits, en éliminant les sels de bromure de sodium ainsi que l’azoture de

sodium en excès. Une chromatographie sur colonne sur silice permet d’éliminer d’autres

résidus le cas échéant. Du fait de la sensibilité des composés azoture à la chaleur et à la

lumière,[17] ces produits sont stockés au réfrigérateur et systématiquement protégés de

la lumière durant les étapes de synthèse et de purification, ainsi que pendant leur

utilisation ultérieure.

Une fois encore, l’analyse des produits par RMN permet de vérifier l’efficacité de la

réaction. A titre d’exemple, la Figure II-8 présente les spectres 1H et 13C du monomère

diazoture 4. Cette dernière analyse permet en effet de confirmer la disparition totale du

signal de l’halogène. Sur le spectre proton, on observe la présence d’un singulet à 4.4

ppm (a), caractéristique du CH2 de l’azoture aromatique. Il est à noter que pour un

azoture aliphatique, ce signal prend généralement la forme d’un triplet à 3.3 ppm. Le

spectre 13C permet de confirmer la disparition du CH2 en alpha du chlore, au profit du

CH2 en alpha de l’azoture à 53.7 (a). La pureté des monomères azoture a également été

confirmée par analyse SEC, ainsi que présenté sur la Figure II-9.

Page 8: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Synthèse des précurseurs alcyne et azoture

- 78 -

Figure II-8 Spectres RMN 1H et

13C du diazidohexane 4 (CDCl3, 25 °C).

16 18 20 22 24 26 28 30 32 34

Volume d'élution (mL)

4 3 5

Figure II-9 Courbes SEC des monomères diazoture 3 et 4, et du monoazoture 5 (THF, 25 °C).

Il est important de noter que les azotures synthétisés dans cette première partie

ne répondent pas au critère de stabilité des azotures organiques, 3)(

N

OC

N

NN , puisque

ce ratio varie entre 1 et 2,3 pour les trois produits synthétisés. Une attention particulière

a donc été portée à ces composés lors de leur utilisation ultérieure, en évitant

notamment de les exposer à de hautes températures.

Page 9: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 79 -

II.3. Synthèse et caractérisation des polytriazoles

II.3.1. Rappels sur la polyaddition de type A-A+B-B[18]

Puisque l’objectif de cette étude est d’utiliser la réaction de CuAAC comme outil de

polyaddition, il semble important de rappeler quelques généralités sur ce type de

polymérisation. La polyaddition entre dans la catégorie des polymérisations par étapes et

procède, comme son nom l’indique, par additions successives de x-mères réactifs, sans

aucune élimination contrairement à la polycondensation. La polyaddition est dite de type

A-A+B-B quand les fonctions réactives A et B sont portées par deux monomères

différents (Figure II-10).

A A B B+ A A B BA AA A B BB B+ A A B BA AA A B BB B

Figure II-10 Principe de la polyaddition entre deux monomères difonctionnels.

Dans une réaction de polyaddition, la croissance d’une chaîne se fait par réaction

d’addition entre molécules de tout degré de polymérisation (ou x-mères). Chaque étape

individuelle se déroule donc de façon indépendante. La croissance s’arrête généralement

quand l’équilibre thermodynamique est atteint, et peut reprendre si l’environnement

réactionnel est modifié. D’autres effets peuvent cependant limiter la croissance des

chaînes : terminaison physique (i.e. augmentation de la viscosité du milieu), destruction

des groupes fonctionnels, réactions de cyclisation.

Il est important de définir plusieurs paramètres caractéristiques d’une réaction de

polyaddition. En premier lieu, le rapport stœchiométrique initial r entre les fonctions A et

B est un paramètre crucial puisqu’il va déterminer l’efficacité de la polyaddition. Il est

défini par :

r =

nombre de moles de fonction A à t = 0

nombre de moles de fonction B à t = 0

(E1)r =

nombre de moles de fonction A à t = 0

nombre de moles de fonction B à t = 0

(E1)

Un autre paramètre important est la conversion en espèces réactives A et B. La

conversion en fonctions A (ou B) est définie comme la fraction pA des groupes A (ou pB

des groupes B) initiaux ayant réagi :

pA = nombre de moles de fonction A ayant réagi

nombre de moles de fonction A à t = 0(E2)pA =

nombre de moles de fonction A ayant réagi

nombre de moles de fonction A à t = 0(E2)

Il est à noter que les calculs s’effectuent généralement à partir du groupe réactif en

défaut, qui est notée A par convention. Ainsi, on a r ≤ 1 et 0 < pA <1.

Page 10: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Synthèse et caractérisation des polytriazoles

- 80 -

A partir de ces deux paramètres, on peut exprimer le degré de polymérisation

moyen en nombre nX , défini comme le rapport entre le nombre d’unités monomères et le

nombre de chaînes en croissance, qui peut être obtenu à partir de l’équation suivante :

A

nrpr

rX

21

1 (E3)

Dans le cas d’un mélange stœchiométrique, l’expression de nX est réduite à 1/(1-pA),

montrant bien que les polymères de masse molaire élevée ne sont obtenus que pour de

hauts taux de conversion, i.-e. quand presque tous les groupements réactifs sont

consommés (Figure II-11).

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,00

50

100

150

200

Xn

pA

r = 1

r = 0,95

r = 0,80r = 0,50

Figure II-11 Evolution du degré de polymérisation en fonction de la conversion pour différents rapports

stœchiométriques r.

La masse molaire moyenne en nombre d’un polymère est le rapport de la masse

du polymère sur le nombre de moles de (macro)molécules de ce polymère. Pour une

réaction de polyaddition, on a :

0

nnn MXM (E4)

Où 0

nM est la masse molaire moyenne en nombre du mélange initial de monomères.

Enfin, il paraît important de préciser la notion de nombre d’unités de répétition n

du polymère, l’unité de répétition étant constituée de la plus petite unité constitutive

dont la répétition constitue une macromolécule régulière. Pour un système A-A + B-B en

parfaite stœchiométrie, l’unité de répétition contient deux unités monomères, on a donc

nX = 2n. Si l’on est en présence d’un excès de l’une des fonctions, il faut prendre en

compte la contribution de l’unité monomère terminale excédentaire ( nX = 2n+1). Enfin,

dans le cas où un composé monofonctionnel portant une fonction A est introduit dans le

mélange initial, il faut prendre en compte la contribution des deux extrémités de chaine

et de l’unité monomère excédentaire B-B ( nX = 2n+3).

Page 11: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 81 -

II.3.2. Etude d’oligomères polytriazole de taille croissante

La première étape de notre stratégie de polyaddition par CuAAC consiste

évidemment à faire réagir entre eux les monomères alcyne et azoture précédemment

synthétisés. La réaction de CuAAC nécessitant la présence d’un système catalytique à

base de CuI, nous avons choisi de travailler en solution afin de garantir une bonne

efficacité du catalyseur tout en contrôlant la quantité introduite. Le système catalytique

[Cu(PPh3)3Br + DIPEA], déjà bien décrit dans la littérature, a été notamment choisi pour

sa bonne solubilité dans les solvants organiques.

II.3.2.1. Synthèse des oligomères

Nous avons choisi dans un premier temps d’étudier un système de type A-A+B-

B+A en introduisant dans le mélange réactionnel un bloqueur de chaîne monofonctionnel,

ceci afin de limiter le degré de polymérisation ( nX ) des polytriazoles et de conserver

ainsi une bonne solubilité. Dans cette approche initiale, nous nous sommes donc

intéressés à la réaction de polyaddition par CuAAC entre le monomère dialcyne 2 et le

monomère diazoture 3, en présence du bloqueur de chaîne monoazoture 5. Tout en

conservant la stœchiométrie entre les fonctions alcyne et azoture, le ratio entre azoture

mono- et difonctionnel a été progressivement diminué afin de viser des oligomères de

degré de polymérisation croissant. Il est important de noter que le calcul du degré de

polymérisation est effectué en prenant en compte les extrémités de chaînes.

Cu(PPh3)3Br

DIPEA

THF45°C

OO

O N3

N3

N3

N

N N

OO

O

N N

N

N

NN

OO

O

NN

N

n

++

2 3 5

6 - 9

Figure II-12 Synthèse des oligomères 6-9 par polyaddition du monomère dialcyne 2 et du monomère

diazoture 3, en présence du monoazoture 5.

En premier lieu, l’oligomère 6 de nX théorique égal à 3 ( nX = 2n+3) a été

synthétisé à partir d’un ratio molaire 2:1 entre le monoazoture 5 et le dialcyne 2. Les

oligomères 7-9 de nX croissant ont ensuite été synthétisés en utilisant respectivement

des ratios 2/1/2, 1/2.5/3, and 1/5/5.5 en monomères 5/3/2. Les différentes réactions de

polymérisation ont été conduites pendant 15 heures à 45 °C dans le THF (solution à 5%

en masse de monomère), en présence de 1 mol% de Cu(PPh3)3Br et de 3 équivalents de

DIPEA par rapport au monomère alcyne.

Page 12: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Synthèse et caractérisation des polytriazoles

- 82 -

II.3.2.2. Analyses par résonance magnétique nucléaire

Des analyses RMN ont permis dans chaque cas de s’assurer de l’efficacité de la

réaction de polyaddition ainsi que d’estimer le degré de polymérisation des oligomères.

La Figure II-13 compare à titre d’exemple le spectre RMN 1H de l’oligomère 8 avec ceux

des produits de départ. On peut ainsi vérifier que la réaction de polyaddition est arrivée à

complétion : les signaux a et c caractéristiques des fonctions azoture, ainsi que les

signaux d et f caractéristiques de la fonction alcyne, ont été déblindés vers leurs

analogues A’, C’, D’ et F’ après formation des cycles triazoles, et les pics initiaux ont

totalement disparus.

Figure II-13 Spectres RMN

1H partiels de l’oligomère 8 et de ses 3 précurseurs (CDCl3, 25 °C).

Cette technique permet également de calculer un degré de polymérisation moyen,

par intégration des différents signaux. Dans le cas où un composé monofonctionnel est

inclus dans la stœchiométrie, l’expression du degré de polymérisation moyen en nombre

(E3) devient la suivante :

)1(232

32

qpq

qX n (E5)

où q est le ratio entre le nombre de mole de fonction apportées par les espèces mono- et

difonctionnelles portant la même fonction. Pour les taux de conversion élevés (p ~ 1), son

expression peut être réduite à : q

qX n

32 (E6)

Page 13: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 83 -

Pour obtenir le nX expérimental, il suffit donc d’intégrer les signaux A’ et C’,

caractéristiques des réactifs azotures 3 et 5 après réaction avec le monomère dialcyne 2,

et d’en déduire le ratio q. L’annexe 4 présente à titre d’exemple le détail du calcul du

degré de polymérisation dans le cas de l’oligomère 8. Le Tableau II-1 propose un

récapitulatif des degrés de polymérisation obtenus lors de la synthèse des oligomères.

Tableau II-1 Degrés de polymérisation des oligomères

Oligomère

Equivalents

introduits

2 / 3 / 5

ra q

b nX c

6 1 / 0 / 2 1 - 3

7 2 / 1 / 2 1 1 5

8 3 / 2.5 / 1 1 0.2 13

9 5.5 / 5 / 1 1 0.1 23 a où r est le rapport stœchiométrique entre fonctions alcyne et azoture

b où q est le rapport entre le nombre de fonction N3 apportées par le

monoazoture 5 et celles apportées par le diazoture 3 c obtenu par RMN

1H comme détaillé dans l’annexe 4

Ces résultats confirment qu’une gamme d’oligomères de degré de polymérisation

croissant a été obtenue par CuAAC. Il s’avère que l’introduction d’un bloqueur de chaine

benzylique dans la stœchiométrie initiale a permis de cibler de manière efficace un degré

de polymérisation moyen, limitant ainsi la taille des chaînes macromoléculaires.

II.3.2.3. Analyses par chromatographie d’exclusion stérique

Afin d’estimer la distribution et la masse molaire des composés formés, les

oligomères ont ensuite été caractérisés par chromatographie d’exclusion stérique, après

élimination du catalyseur sur résine échangeuse d’ions. Ces analyses ont été réalisées

dans le chloroforme car les oligomères 8 et 9 de plus haut degré de polymérisation se

sont révélés être insolubles dans le THF, précipitant dans le milieu réactionnel en fin de

réaction.

Les figures suivantes présentent les courbes SEC obtenues pour chacun des

oligomères 6-9 (Figure II-14), ainsi que le spectre MALDI obtenu pour l’oligomère 8

(Figure II-15), afin d’identifier les différentes espèces présentes dans les oligomères en

fin de réaction. En corrélant ces deux techniques, il est en effet possible d’attribuer les

pics de SEC à des structures chimiques bien définies. Le bilan des espèces obtenues lors

de la polyaddition par CuAAC est donné ci-après dans le Tableau II-2.

Page 14: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Synthèse et caractérisation des polytriazoles

- 84 -

Figure II-14 Analyse SEC des oligomères 6-9 (CHCl3, 25 °C).

Figure II-15 Spectre MALDI obtenu pour l’oligomère 8, et attribution des principaux signaux.

Page 15: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 85 -

Tableau II-2 Produits d’addition détectés par analyses SEC et/ou MALDI dans les oligomères 6-9.

Espèce Structure Mth

(g/mol)

VSEC

(mL)

A

315 17.8

B

350 17.2

X0

448 16.5

C

483 16.2

B’

700 15.9

X1

798 15.5

Ainsi, le trimère 6, obtenu à partir d’un ratio 2:1 du monoazoture 5 et du

dialcyne 2, apparaît sous la forme d’un pic monomodal (X0) à 16.5 mL. Le faible signal

observé à 17.8 mL pour tous les oligomères correspond certainement à la présence de

traces du produit d’addition du monoazoture 5 avec le dialcyne 2 (A), résultant d’un

léger écart à la stœchiométrie. Pour les oligomères 7-9, les chromatogrammes

présentent une séparation des premiers X-mères (Xn avec n = 0-5, Tableau II-2), mais

révèlent également la présence de signaux à 16.1 (C) et 17.2 mL (B) correspondant

visiblement à d’autres adduits de faibles masses molaire.

Pour éclaircir ce point, des analyses complémentaires ont été réalisées par

spectroscopie MALDI-TOF, utilisant une matrice dithranol. Il est à noter que seules les

chaînes de petite taille présentes dans les oligomères sont mises en évidence par ces

analyses. En effet, cette technique présente un seuil de coupure des hautes masses

molaires, qui restent adsorbées sur la matrice. La Figure II-15 présente un exemple de

spectre obtenu pour l’oligomère 8, confirmant la présence des produits d’addition B et C

des précurseurs 2/3 et 2/3/5, respectivement. La présence d’une grande proportion de

fonctions azoture et alcyne non réagies est à la fois incompatible avec l’efficacité de la

réaction de CuAAC et non révélée par les analyses RMN. Ainsi, nous avons émis

l’hypothèse que les sous-produits B et B’ sont le résultat d’une réaction de cyclisation

intramoléculaire des dimères et tétramères linéaires, déjà observée lors de précédentes

études.[19, 20]

N N N

O O

O

N

N N

OO

O

N N

N

N

N N

OO

O

N N

NN3

N

N N

OO

O

N N

N

N

NN

OO

O

NN

N

n = 1

NN

NN

N

N

OO

O

NN

N

OO

O

N N

N

NN

N OO

O

N

NN

Page 16: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Synthèse et caractérisation des polytriazoles

- 86 -

Comme nous venons de le voir, les chromatogrammes révèlent un élargissement

progressif de la distribution des masses molaires, avec une nette séparation des premiers

oligomères. Une estimation des masses molaires a été établie par comparaison avec des

standards de polystyrène (Tableau II-3). Bien que très éloignées des valeurs théoriques,

notamment du fait de la grande différence de structure avec le PS, on constate que

l’augmentation des masses molaires va de pair avec la diminution de la quantité de

réactif monofonctionnel 5 dans les mélanges réactifs initiaux. Ces résultats démontrent

donc, en complément des analyses RMN, que le degré de polymérisation des

polytriazoles peut être modulé efficacement en utilisant un bloqueur de chaîne

monofonctionnel.

Tableau II-3 Bilan des masses molaires des oligomères

Oligomère

Ratio en

monomère

5 / 3 / 2

Mn th a

(g/mol)

Mn SEC b

(g/mol)

6 2 / 0 / 1 448 -

7 2 / 1 / 2 623 630

8 1 / 2.5 / 3 2023 1060

9 1 / 5 / 5.5 3423 1100

a Calculée à partir de Mn = 350 x [( nX -3)/2] + 448.

b Obtenue à partir de standards polystyrène

II.3.2.4. Analyses thermiques

Des analyses thermiques ont été réalisées par ATG et DSC sur les différents

oligomères afin d’avoir des informations sur leur stabilité thermique ainsi que leurs

propriétés physico-chimiques. Le Tableau II-4 résume ces propriétés thermiques. Tout

d’abord, l’étude par ATG révèle des températures de dégradation relativement élevées

pour des oligomères de cette taille, la dégradation commençant un peu avant 300 °C

pour les petits oligomères 6 et 7, et autour de 350 °C pour les plus grands oligomères.

Cette bonne stabilité thermique est certainement liée à la présence d’unités triazole dans

la chaîne. Les oligomères 7-9 possèdent une température de transition vitreuse à 40 °C

(celle du trimère 6, inférieure à 0 °C, n’a pas été mesurée lors de ces analyses). On

observe de plus que les oligomères deviennent semi-cristallins pour nX >10, puisque les

oligomères 8 et 9 présentent une température de fusion de l’ordre de 80 °C.

Tableau II-4 Propriétés thermiques des oligomères 6-9

Oligomère nX Td10 a (°C) Tg (°C) Tf (°C)

6 3 276 - -

7 5 290 37 -

8 13 340 38 82

9 23 340 38 84 a Température de dégradation à 10% de perte de masse

Page 17: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 87 -

II.3.3. Etude d’une série de polytriazoles linéaires

II.3.3.1. Synthèse de polytriazoles en solution

Après avoir vérifié l’efficacité de la réaction de polyaddition par CuAAC sur des

oligomères de nX limités, nous nous sommes affranchis du bloqueur de chaîne

monofonctionnel afin d’obtenir des polytriazoles de masse molaire plus élevée. Ainsi,

une série de 4 polytriazoles a été synthétisée par combinaison stœchiométrique des

monomères dialcyne 1 et 2 avec les monomères diazoture 3 et 4, en conservant les

conditions expérimentales précédentes (Figure II-16). Suite à l’insolubilité des

oligomères de haut nX dans le THF, ce solvant a été remplacé par le chloroforme pour

les polymérisations ultérieures.

N N

N OO

O

N N

N

N

N N

O O

N N

N

N

N N

OO

O

N N

N

N

N N

O O

N N

N

n

n

n

n

10

11

12

13

2 + 3

1 + 3

2 + 4

1 + 4

a

a

a

a

a) Cu(PPh3)3Br (1 mol%), DIPEA (3eq.), CHCl3, 15 h, 45 °C Figure II-16 Polytriazoles 10-13 obtenus par combinaison des monomères 1-4.

Les polytriazoles ainsi synthétisés se sont révélés être insolubles dans la plupart

des solvants organiques usuels (THF, acétone, dichlorométhane,…) mais possèdent une

meilleure solubilité dans le chloroforme ou dans des solvants polaires aprotiques tels que

le DMF et le DMSO. Le Tableau II-5 résume la solubilité des 4 polytriazoles pour ces trois

derniers solvants. Ces propriétés de solubilité sont à corréler avec la nature chimique des

monomères, mais également la masse molaire des polymères synthétisés. En effet, il est

par exemple intéressant de noter que le polytriazole 11 est plus soluble que le

polytriazole 10, bien qu’il présente une plus forte aromaticité, tendant généralement à

limiter sa solubilité. Cependant, les polycarbonates à motif bisphénol A présentent

généralement une bonne solubilité dans plusieurs solvants organiques, pouvant

également expliquer le comportement similaire des polytriazoles 11 et 13.

Tableau II-5 Solubilité des polytriazoles 10-13.a

Polymère CHCl3 DMF DMSO

10 (~) (-) (~)

11 (+) (+) (+)

12 (-) (-) (-)

13 (-) (+) (+) a (+) soluble; (~) soluble après ultrasonication; (-) partiellement soluble

Page 18: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Synthèse et caractérisation des polytriazoles

- 88 -

II.3.3.2. Analyses par résonance magnétique nucléaire

Cette série de polytriazoles a ensuite été caractérisée par RMN 1H et 13C dans le

CHCl3 ou le DMSO deutéré en fonction de leur solubilité. Dans le cas du polymère 12,

seule une solubilité partielle a été obtenue, avec une légère précipitation du polymère

dans chacun des solvants. Une analyse RMN a quand-même été effectuée dans le DMSO-

d6 sur la partie soluble après passage aux ultrasons. A titre d’exemple, la Figure II-17

présente les spectres RMN 1H des monomères 1 et 3, ainsi que de leur produit de

polyaddition, le polytriazole 11.

Figure II-17 Spectre RMN

1H du dialcyne 1, du diazoture 3 et du polytriazole résultant 11 (CHCl3, 25 °C).

La formation des unités triazole est confirmée par l’apparition du signal du proton

du cycle triazole à 7.61 ppm (A), parallèlement à la disparition du triplet correspondant

au proton terminal de l’alcyne (a). A cela s’ajoute le déblindage des signaux

caractéristiques des fonctions alcyne (b, 4.71 ppm) et azoture (f, 3.29 ppm) vers les

signaux des groupes méthylène en alpha du triazole (B, 5.16 ppm et F, 4.31 ppm).

L’élargissement des pics visible sur le dernier spectre est également révélateur de la

formation d’un polymère de masse molaire élevée. La présence dans le spectre du

polymère d’un triplet résiduel à 3.29 ppm, associée à la disparition totale des signaux de

l’alcyne, indique que le réactif azoture a probablement été introduit en léger excès lors

de la polyaddition, faussant ainsi la stœchiométrie. Dans le cas d’un mélange non

stœchiométrique, et en considérant que la conversion est totale, l’expression du degré de

polymérisation (E3) se simplifie en : r

rX n

1

1 (E7).

Page 19: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 89 -

Par intégration des signaux B, F du polymère ainsi que celui de l’extrémité azoture

résiduelle f, on peut donc estimer le rapport stœchiométrique r entre les 2 fonctions, et

ainsi évaluer le degré de polymérisation du polytriazole. Dans le cas du polymère 11, on

trouve ainsi un nX de l’ordre de 80, soit une masse molaire moyenne de l’ordre de

18 400 g/mol. La même technique est ensuite appliquée aux autres polytriazoles. Les

signaux des bouts de chaîne étant encore plus faibles sur ces derniers spectres, il est

difficile de déterminer un degré de polymérisation avec précision car on entre dans le

domaine d’incertitude de la RMN. On peut cependant conclure qu’en se basant sur les

intégrations, un nX supérieur à 200 a été obtenu pour les polytriazoles 10, 12 et 13. Ces

résultats peuvent être corrélés avec les propriétés de solubilité des polytriazoles, pouvant

expliquer la meilleure solubilité de 11, de degré de polymérisation plus faible.

II.3.3.3. Analyses par chromatographie d’exclusion stérique

Afin d’avoir une idée de la distribution des masses molaires, la série des quatre

polytriazoles a été analysée par SEC dans le DMF, malgré la solubilité partielle des

polytriazoles 10 et 12 dans ce solvant. Pour ces deux derniers polymères, seule la partie

soluble dans le DMF, correspondant aux faibles masses molaires, a été analysée. La

Figure II-18 montre les tracés SEC obtenus pour les quatre polymères. Comme attendu,

les polytriazoles 10 et 12 sortent en fin d’élution, correspondant à des masses molaires

plus faibles, tandis qu’un pic plus large est observé pour les polytriazoles 11 et 13, bien

solubles dans le DMF. Une calibration conventionnelle basée sur des standards de

polystyrène donne des masses molaires moyennes en nombre de l’ordre de 40 000 g/mol

avec un indice de polymolécularité proche de 2 pour les polymères 11 et 13. Avec cette

même calibration, la masse molaire moyenne des chaînes solubles des polytriazoles 10

et 12 est de l’ordre de 20 000 g/mol, avec indice de polymolécularité de l’ordre de 1,5.

Figure II-18 Analyse SEC des polytriazoles 10-13 (DMF, 70 °C).

Page 20: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Synthèse et caractérisation des polytriazoles

- 90 -

II.3.3.4. Analyses thermiques

Des analyses thermiques ont été réalisées par ATG et DSC sur les polytriazoles

10-13. Le Tableau II-6 propose un récapitulatif des résultats obtenus par ces deux

techniques et la Figure II-19 permet de visualiser les thermogrammes obtenus par

dégradation sous atmosphère inerte. La dégradation thermique des polytriazoles démarre

entre 330 et 370 °C, attestant de la bonne résistance thermique de ces polymères, que

l’on peut notamment attribuer à la grande stabilité thermique de l’unité triazole.

Figure II-19 Thermogrammes ATG des polytriazoles 10-13.

Des expériences DSC, il résulte que seul le polytriazole 10 est semi-cristallin,

montrant une température de fusion de l’ordre de 100 °C. On peut noter que cette valeur

est légèrement supérieure à la température de fusion observée pour les oligomères de

structure similaire (Tf = 80 °C, Tableau II-4), alors que la température de transition

vitreuse reste sensiblement la même dans les deux cas (Tg = 38 °C). Cette cristallinité

n’est pas surprenante puisque les polymères aliphatiques de type polyéthylène ou

poly(oxyéthylène) sont généralement cristallins, et présentent des températures de

fusion de ca. 150 et 65 °C, respectivement. Le polytriazole 10 possède une température

de transition vitreuse bien plus élevée que celles du PE (Tg = -125°C) et du PEO (Tg = -

67 °C), que l’on peut attribuer à la présence d’unité triazoles « rigides » qui favorisent de

surcroit les liaisons hydrogène dans la chaîne du polymère.[21]

Les polytriazoles 11-13 présentent un caractère amorphe, avec des températures

de transition vitreuse augmentant visiblement avec le nombre de motifs aromatiques

présents dans la chaîne polymère. Ainsi, les valeurs de Tg les plus élevées (74 et 113 °C)

sont obtenues pour les polytriazoles 11 et 13, qui possèdent un motif bisphénol A. Ces

températures de transition vitreuse sont toutefois inférieures à celle d’un polycarbonate à

base bisphénol A (PC : Tg = 150 °C) car les squelettes des polytriazoles 11 et 13

contiennent également des séquences aliphatiques.

Polymère Td10 a (°C) Tg (°C) Tf (°C)

10 362 38 103

11 371 74 -

12 334 63 -

13 354 113 -

Tableau II-6 Propriétés thermiques des

polytriazoles 10-13.

a Température de dégradation à 10% de perte de

masse

Page 21: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 91 -

II.4. Etude cinétique par RMN 1H

Il n’existe pas de relations cinétiques générales pour les réactions de

polycondensation ou de polyaddition comme cela peut se faire pour les polymérisations

en chaîne, pour la bonne raison que chaque type de polycondensation possède sa propre

chimie, qui obéit à des mécanismes et des lois cinétiques particulières. Dans notre cas la

polyaddition est régie par la réaction de CuAAC, pour laquelle très peu d’études

cinétiques ont été réalisées jusqu’à présent. Le but de ces travaux est donc d’expliciter

par suivi RMN la cinétique de la réaction de Click Chemistry dans le cas d’une réaction de

polyaddition. L’influence de la température et du taux de catalyseur seront notamment

mise en évidence, et une énergie d’activation de la réaction sera déterminée.

II.4.1. Rappels sur la cinétique chimique

La vitesse d’une réaction de réactifs initiaux A et B introduits avec des

stœchiométries a et b se définit par :

dt

dx

dt

Bd

bdt

Ad

av

][1][1 (E8)

où x est la conversion ou degré d’avancement de la réaction. La loi de vitesse exprime la

dépendance de cette vitesse de réaction par rapport aux concentrations :

].[].[ BAkv (E9)

où α et β sont les ordres partiels de la réaction.

Dans le cas d’une réaction de polyaddition où les monomères A et B sont

introduits en stœchiométrie, on a [A] = [B] = [M], on peut simplifier l’équation (E4) :

].[Mkdt

dxv (E10)

où γ = α + β est l’ordre global de la réaction. En intégrant cette équation pour des

valeurs entières de γ, on peut déterminer la loi correspondant à ces ordres. Pour une loi

du 1er ordre, on obtient par intégration l’équation (E11). On peut également exprimer

cette équation en fonction de la conversion x en monomère à partir de la relation

[M]=[M]0 (1-x), ce qui donne l’équation (E12).

ktM

M

0][

][ln (E11) kt

xx

1

1ln)1ln( (E12)

La constante de vitesse k augmente généralement avec la température. La loi

empirique d’Arrhenius donne une expression analytique pour cette variation :

RT

EAk aexp (E13)

où Ea est l’énergie d’activation et R la constante des gaz parfaits (R = 8,314 J.mol-1.K-1).

Page 22: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Etude cinétique par RMN 1H

- 92 -

II.4.2. Protocole opératoire

Afin de limiter les problèmes de solubilité et de viscosité, la synthèse de

l’oligomère 7 de faible nX a été choisie comme réaction modèle pour la série d’études

cinétiques par RMN 1H. Sa synthèse a donc été reproduite à l’échelle du tube RMN, afin

de réaliser un suivi in-situ de la réaction de polyaddition. Le même protocole a été

appliqué pour le suivi de la réaction à différentes températures (25, 45 et 60 °C), et pour

différents taux de catalyseur (de 0.1 à 5 mol%). A titre d’exemple, la Figure II-20

présente l’évolution au cours du temps du spectre RMN 1H partiel du mélange réactionnel

à 60 °C.

Figure II-20 Evolution du spectre RMN 1H (CDCl3, 60 °C) durant la formation de l’oligomère 7.

La réaction de polyaddition est confirmée par l’apparition des signaux A, B et D de

l’oligomère, correspondant aux groupes méthylènes adjacents aux unités triazoles

(respectivement à 5.5, 4.7 et 4.3 ppm) ainsi que par la disparition des signaux a, b et d

des monomères 5, 2 et 3 (respectivement à 4.3, 4.2 et 3.3 ppm). Afin d’établir la

cinétique de réaction, la conversion de chaque monomère a été déterminée pour

différents temps de réaction par intégration des signaux correspondants. Le signal des

protons OCH2CH2O a été choisi comme référence, son intégrale ayant été fixée à une

valeur constante.

Page 23: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 93 -

Les deux pics correspondant aux groupements méthylène adjacents à l’unité

triazole (A, 5.5 ppm et B, 4.7 ppm) ont été choisis pour suivre la consommation du

monoazoture 5 et du dialcyne 2. Concernant le diazoture 3, le signal correspondant au

groupe méthylène adjacent à l’unité triazole (D) est superposé à celui du monoazoture

(a). C’est donc le pic du CH2 en alpha de la fonction azoture (d, 3.3 ppm) qui a été choisi

pour suivre la conversion du monomère diazoture 3. La formation du cycle triazole,

caractérisée par le signal de son proton à 7.3 ppm (non présenté sur cette figure), a

également été suivie.

On peut noter sur ces spectres un dédoublement partiel du signal b du monomère

dialcyne 2, durant la polyaddition. Ce décalage d’une partie du signal peut s’expliquer par

la formation d’un dimère possédant une extrémité alcyne, par addition du monomère 2

avec le monoazoture 5, peut-être lié à un léger écart à la stœchiométrie (défaut de

fonctions azotures).

On remarque également un net élargissement voire une fragmentation des

signaux RMN au fur et à mesure que la conversion augmente. Afin d’éclaircir ce point, les

spectres RMN 1H partiels des oligomères 6-9 synthétisés précédemment sont rappelés

sur la Figure II-21, montrant bien que les déplacements chimiques des signaux A, B et D

sont influencés par la distribution de chaînes de différentes tailles présente dans ces

oligomères, caractéristique d’une réaction de polyaddition. La multiplicité de ces signaux

s’explique donc par l’environnement variable des protons correspondants, suivant

l’espèce à laquelle ils appartiennent : trimères avec bouts de chaîne aromatique, chaînes

de taille croissante, oligomères cycliques…

Figure II-21 Spectre RMN 1H partiel des oligomères 6-9 (CDCl3, 25 °C).

Page 24: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Etude cinétique par RMN 1H

- 94 -

II.4.3. Influence de la température

Si des études cinétiques approfondies ont déjà été menées par Finn et al. sur la

réaction de CuAAC entre deux composés monofonctionnels à température ambiante,[22,

23] il n’existe à notre connaissance aucune étude quantifiant l’effet de la température sur

la cinétique de réaction, en particulier dans le cas d’une réaction de polyaddition par

CuAAC. A cette fin, la synthèse décrite précédemment a été reproduite 3 fois à l’échelle

du tube RMN et suivie in situ pour des températures de 25, 45 et 60 °C. La Figure II-22

présente les taux de conversion en monomères alcyne et azoture en fonction du temps,

ainsi que la conversion en unités triazole formées, pour la réaction à 60 °C. La

superposition des trois courbes visible sur cette figure indique que les trois précurseurs

suivent la même loi cinétique et possèdent donc une réactivité similaire. En traçant le

même type de courbes pour les réactions conduites à 25 et 45 °C, on obtient un

comportement semblable.

Figure II-22 Suivi par RMN

1H (CDCl3, 1 mol% Cu(PPh3)3Br, 60 °C) de la synthèse de l’oligomère 7 (

alcyne 2 (4.2 ppm), azoture 3 (3.3 ppm), ● azoture 5 (5.5 ppm), et triazole (7.3 ppm)).

Les courbes de conversion en fonction du temps obtenues pour les trois

températures sont présentées sur la Figure II-23, montrant la nette influence de la

température sur le temps de réaction. En effet, il semble que 180 minutes suffisent pour

arriver à complétion pour une réaction à 60 °C, alors que la même réaction conduite à 45

et 25 °C nécessite des durées de 300 et 850 minutes (soit environ 5 et 14 heures)

respectivement. Une linéarisation du premier ordre (cf. équation (E12)) a pu être

appliquée à ces courbes jusqu’à 100% de conversion pour les réactions à 60 et 45 °C, et

jusqu’à 80% de conversion pour la réaction à 25 °C. Il faut noter qu’une équation du

second ordre (de type 1/(1-x) = f(t)) a également été appliquée à ces trois systèmes,

mais n’a pas conduit à l’obtention de droites, ce qui a permis de discriminer la cinétique

d’ordre 2.

Page 25: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 95 -

Figure II-23 Courbes temps-conversion (gauche) et leur linéarisation du premier ordre (droite) pour la

synthèse de l’oligomère 7 (CDCl3, 5% pds de monomère) à 25 °C (), 45 °C () et 60 °C (), où x est la

conversion en monomère.

Il semble donc que notre réaction de polyaddition par CuAAC ait un ordre global

de 1, résultat surprenant puisque les réactions classiques de polyaddition sont

généralement d’ordre 2 voire supérieur. Cet ordre 1 est cependant difficile à interpréter,

compte-tenu de la complexité du mécanisme catalytique, encore mal connu, mais aussi

de la possible influence de certains produits ou réactifs sur la cinétique de réaction.

Notamment, une étude de Finn et al. a déjà révélé un comportement inhibiteur de

l’azoture de benzyle ou encore un comportement autocatalytique du cycle triazole.[22]

Les coefficients directeurs des droites ln(1/(1-x)) = f(t) nous donnent les valeurs

de la constante de vitesse globale k pour chaque température. A partir des constantes k

obtenues pour les trois températures, on peut tracer la droite ln(k) = f(1/T). L’utilisation

du coefficient directeur de cette droite dans une loi d’Arrhenius (équation (E12)), permet

d’estimer la valeur de l’énergie d’activation de la réaction de polyaddition par CuAAC, qui

est de l’ordre de 45 ± 5 kJ/mol pour le système considéré (Figure II-24).

0,0030 0,0031 0,0032 0,0033 0,0034-5,5

-5,0

-4,5

-4,0

-3,5

-3,0

ln k

1/T (K-1)

y = 12,6 - 5306 x

Ea = 45 kJ/mol

Figure II-24 Détermination de l’énergie d’activation par application de la loi d’Arrhenius.

Page 26: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Etude cinétique par RMN 1H

- 96 -

A notre connaissance, il n’existe pas d’autre exemple de détermination

expérimentale d’une énergie d’activation pour une réaction de CuAAC. Cependant,

l’équipe de Sharpless a réalisé une simulation numérique sur la réaction de Click entre un

alcyne et un azoture dans l’acétonitrile, permettant de prédire la valeur de la barrière

énergétique pour chaque étape du mécanisme de catalyse.[24] A partir de ces résultats,

on peut calculer une énergie d’activation globale d’environ 15 kcal/mol, soit 63 kJ/mol

pour cette réaction modèle (Figure II-25).

14,9 kcal/mol14,9 kcal/mol

Figure II-25 Représentation schématique des barrières d’énergie mises en jeu dans une réaction de

CuAAC entre un azoture et un alcyne monofonctionnels.[24]

II.4.4. Influence du taux de catalyseur

L’utilisation de métaux de transition tels que le cuivre pose particulièrement

problème pour des applications biologiques, poussant les équipes de recherche à

développer des réactions de Click Chemistry sans cuivre.[25, 26] Finn et al. ont déjà étudié

l’influence de la concentration en cuivre (système CuSO4/ Na Asc.) sur la vitesse de

réaction entre un monoazoture et un monoalcyne, en faisant varier cette concentration

de 10 à 40 mol% par rapport à un des monomères (Figure II-26).[22] L’influence des

ligands sur la cinétique de réaction catalytiques a également fait l’objet d’études.[23, 27]

Co

nv

ers

ion

Co

nv

ers

ion

Figure II-26 Evolution de la conversion en fonction du temps pour différents taux de catalyseur.[22]

Page 27: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 97 -

Dans le cas de notre polyaddition, il est important de réduire la quantité de cuivre

dans le milieu réactionnel, aussi bien pour des considérations environnementales que

pour des problèmes de purification et de vieillissement du polymère. L’influence du taux

de catalyseur sur le procédé de polymérisation a donc été étudiée en répétant la

synthèse de l’oligomère 7 à 60 °C pour des taux de catalyseur variant de 0.1 à 5 mol%

par rapport à la fonction alcyne, en utilisant des quantités croissantes de Cu(PPh3)3Br.

Figure II-27 Courbes temps-conversion pour la synthèse de l’oligomère 7 (CDCl3, 5% pds de monomère,

60°C) avec des taux croissants de Cu(PPh3)3Br (5 - 0.1 mol% par rapport à la fonction alcyne).

La Figure II-27 donne les courbes de conversion en fonction du temps obtenues

pour les différents taux de catalyseur. On peut constater une superposition des courbes

correspondant aux plus forts taux de catalyseur (0.5-5 mol%), des taux inférieurs

conduisent à une diminution de la vitesse de réaction. Ainsi, un taux de catalyseur de

l’ordre de 0.5 mol% paraît être un bon compromis en termes de temps de réaction et de

quantité de catalyseur, pour le système étudié ici. En effet, on observe en dessous de ce

seuil une décélération significative de la réaction, alors que l’utilisation d’une plus grande

quantité de catalyseur apparaît ici inutile.

Il est bien-sûr difficile de généraliser ces résultats à la grande variété de systèmes

catalytiques utilisés pour la réaction de CuAAC. Cependant, cette valeur est à comparer

avec les taux de catalyseur utilisés dans d’autres exemples de polymérisation par CuAAC,

généralement plus élevés puisqu’ils varient de 1 à 20 mol% par rapport à la

fonctionnalité alcyne.[1, 4, 6, 28]

Page 28: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Conclusion

- 98 -

II.5. Conclusion

Cette première étude a permis de démontrer la faisabilité et l’intérêt de la CuAAC

comme outil de polyaddition. Dans un premier temps, une gamme de précurseurs alcyne

et azoture de type A-A et B-B ont été synthétisés par fonctionnalisation de précurseurs

commerciaux, à partir de protocoles décrits dans la littérature. Deux monomères dialcyne

et diazoture et un azoture monofonctionnel de natures aromatique et aliphatique ont

ainsi été obtenus avec un très bon rendement, les réactions d’azidation et d’alkylation

utilisées étant quasi-quantitatives.

Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressés à la polyaddition de ces

monomères par réaction de CuAAC. L’utilisation d’un système catalytique [Cu(PPh3)3Br +

DIPEA], bien soluble en milieu organique, a permis d’effectuer les polymérisations à

basse température (25-60 °C). En premier lieu, un bloqueur de chaîne monofonctionnel a

été utilisé en complément des monomères difonctionnels afin de limiter le degré de

polymérisation des polytriazoles résultants. Une gamme d’oligomères de taille croissante

a ainsi été obtenue, démontrant l’efficacité de cette stratégie de polyaddition par CuAAC.

Le même protocole a ensuite été appliqué à la synthèse d’une gamme de quatre

polytriazoles de degré de polymérisation plus élevé, par combinaison des deux

monomères diazoture avec les deux monomères dialcyne. L’efficacité de la réaction a une

nouvelle fois été démontrée par analyses RMN et SEC, indiquant la formation de

polymères de masses molaires élevées. Les polytriazoles ont également fait l’objet

d’analyses thermiques, révélant des propriétés intéressantes, aussi bien en termes de

stabilité thermique que de température de transition vitreuse. La comparaison avec des

polymères de structures similaires semble indiquer une influence du motif triazole dans

l’amélioration de ces propriétés.

En dernier lieu, une étude cinétique d’une réaction modèle de polyaddition par

CuAAC a été réalisée par suivi in-situ par RMN du proton. Cette étude nous a permis de

déterminer l’influence de la température et du taux de catalyseur sur notre système

réactionnel, offrant ainsi la possibilité d’optimiser le protocole de polymérisation. Ainsi, il

apparaît qu’une réaction conduite à 60 °C avec 0.5 mol% de catalyseur arrive à

complétion en moins de trois heures. Cette étude a également permis d’estimer l’énergie

d’activation de cette réaction de polyaddition par CuAAC, de l’ordre de 45 ± 5 kJ/mol.

Malgré le succès de ces premiers essais de polyaddition, certains points

expérimentaux restent cependant à améliorer. Ainsi, la faible solubilité des polytriazoles

obtenus limite les caractérisations en solution. Il semble donc judicieux d’espacer les

unités triazole au sein de la chaîne polymère afin d’obtenir des polymères modèles mieux

solubles. De plus, l’utilisation de monomères difonctionnels pose toujours le problème du

contrôle de la stœchiométrie, dont l’écart peut entrainer une limitation des masses

molaires. Ces deux points seront donc abordés dans les chapitres suivants.

Page 29: II. Chapitre II Etude de polytriazoles linéaires ...

Chapitre II – Etude de polytriazoles linéaires : Stratégie A-A+B-B

- 99 -

II.6. Références

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