Idem, magazine sur le handicap

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www.mdph27.fr LE MAGAZINE DE LA MAISON DÉPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPÉES DE L’EURE ErgothérapEutE UN MÉTIER MÉCONNU JULIEN, LA PASSION DU KART CHANGER dE rEgard SUR LE HANDICAP ÉDITION 2013

description

Idem est un magazine sur le handicap édité par la MDPH (Maison des Personnes Handicapées) de l'Eure. Pourquoi "Idem" ? Parce que nous sommes tous semblables, en dépit de nos singularités. Parce que ce qui nous rapproche est plus important que ce qui nous différencie. Dans ce magazine, une large place est laissée aux témoignages de personnes handicapées, afin de refléter la diversité des situations de handicap, mais aussi de faire mieux comprendre leurs envies, leurs révoltes, leurs difficultés, leurs passions. L'objectif de ce magazine est de contribuer à changer le regard porté sur le handicap.

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www.mdph27.frLe magazine de La maison départementaLe des personnes handicapées de L’eure

ErgothérapEutE  un métier méconnu

JuLien, La passion

du kart

changer dE rEgard sur Le handicap

édition 2013

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La loi du 11 février 2005 a institué la créa-tion des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), au sein desquelles œuvrent conjointement le Département, l’Education Nationale,

la CAF, l’ARS, la CPAM, l’Etat et les associations représentatives du champ médico-social et du han-dicap. Pour la première fois, les représentants des associations des personnes handicapées ont eu droit à une présence significative et à un statut décision-naire.

Au-delà de ce caractère très novateur d’approche de la problématique du handicap dans notre société, il convient de souligner l’aspect symbolique extrê-mement fort qui a consisté à imposer le terme «han-dicap» dans l’appellation d’une structure gérée par une collectivité territoriale.  

Bien sûr, tout n’a pas été facile. Bien sûr, il a fallu que des structures, des organismes, des entités aux cultures différentes cohabitent et apprennent à tra-vailler ensemble.

Il n’en reste pas moins que, depuis 2005, l’action, la visibilité, la légitimité de la MDPH de l’Eure sont devenues indiscutables et il convient de noter l’excellent classement de la MDPH 27 comparée à celles du territoire national. Un travail considérable

et positif a été réalisé et un dialogue réel et stable s’est instauré entre les associations représentatives du handicap et les autres partenaires, en particulier le Conseil Général.

Au-delà de son action quotidienne au service des personnes handicapées, le rôle de la MDPH est aussi de sensibiliser le grand public aux thématiques du handicap et de favoriser l’intégration des personnes handicapées dans la société.

C’est la raison d’être de ce magazine annuel, que nous avons intitulé «  Idem ». Parce que nous sommes tous semblables, en dépit de nos singulari-tés. Parce que ce qui nous rapproche est plus impor-tant que ce qui nous différencie.

Dans ce magazine, nous avons voulu laisser une large place aux témoignages de personnes handi-capées, afin de refléter la diversité des situations de handicap, mais aussi de faire mieux comprendre leurs envies, leurs révoltes, leurs difficultés, leurs passions.

Nous avons également souhaité mettre en avant les actions des associations de personnes handi-capées et des structures qui agissent sur le terrain, dans l’Eure.

Nous espérons que ce magazine contribuera à changer le regard porté sur le handicap.

édito

Directrice de la publication : Andrée OgerConception éditoriale et rédaction en chef : Marianne BernèdeJournalistes : Marianne Bernède, Clémence Lamirand, Florence Raynal, Laurent Tastet, Françoise Vlaemÿnck Photographies : Philippe Dutel sauf mentions contraires

Création graphique et réalisation : Bertrand Grousset / 4m2tImpression : Vert Village – Evreux Tirage 15 000 exemplairesDirecteur de la MDPH27 : Jean Marie MarchandUn remerciement tout particulier à toutes les personnes qui ont accepté de témoigner pour ce magazine

4 histoires de vie

14 c’est ma passion

18 infos

24 c’est mon métier

quand l E handicap s’invitE dans la famillE

Idem, adverbe (i-dèm’). Terme emprunté du latin idem, qui signifie « le même »

(de gauche à droite)

Jean Louis destans, Président du Conseil général de l’Eure andrée oger, Vice-présidente du Conseil général de l’Eure, Présidente de la commission exécutive de la MdPH de l’Eure, michel-edouard doucet, Président de l’URAPEi Haute-Normandie, pour l’ensemble des associations partenaires de la MdPH

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quand l E handicap s’invitE dans la famillE

28 mes obstacLes

au quotidien

30 handicap & travaiL

32 handicap & scoLarité

34 voir Le handicap

autrement

36 proches & aidants

38 des structures

ouvertes au handicap

41 nos partenaires

associatifs

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Idem, adverbe (i-dèm’). Terme emprunté du latin idem, qui signifie « le même »

LA MdPH SUR LE WEB

La MdPH de l’Eure lance son site internet

outil interactif complémentaire du magazine an-nuel Idem, le site de la MDPH 27 se veut simple et attractif. Son objectif est avant tout d’apporter les informations pratiques dont les personnes en situation de handicap et leurs proches ont

besoin. Une présentation de la MDPH permet de mieux com-prendre son fonctionnement, ses missions, son organisation.

Le formulaire de demande auprès de la MDPH est télé-chargeable sur le site.

Grâce à la rubrique « questions fréquemment posées », il est possible d’obtenir une réponse rapide à de nombreuses questions.

Les informations pratiques sont organisées par rubriques : adulte, enfant, besoin d’une carte…

Toutes les aides et prestations destinées aux personnes handicapées et gérées par la MDPH sont expliquées en détail. Mais on peut aussi trouver des informations sur les héberge-ments et les lieux de vie, les organismes dédiés à l’accompa-gnement vers l’emploi, les établissements spécialisés pour les enfants, les aides à la scolarité et au transport, etc.

Enfin, des histoires de vie représentatives de situations prises en charge par la MDPH permettent de découvrir le soutien financier, matériel ou humain qui peut être apporté selon les cas.

www.mdph27.fr

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histoires de vie

c’est une histoire qui peut malheu-reusement arriver à tout le monde. Un accident de la

vie, comme on dit. A quelques an-nées de la retraite, Alain Cuvillier souffrait de hernies discales qui oc-casionnaient des douleurs insup-

portables. « J’ai été opéré trois fois. Les deux premières opérations n’ont rien résolu, mais la dernière inter-vention a carrément raté : la dure mère a été ouverte deux fois, donc le chirurgien m’a coupé les muscles et les nerfs de la jambe droite. Je n’ai plus aucune sensibilité au niveau du pied droit, je ne peux plus le bouger.

Je ne peux plus marcher car je n’ai plus d’équilibre. Je me déplace avec une canne, difficilement. Et j’ai tou-jours mal dans le dos. »

M. Cuvillier a passé deux ans en centre de rééducation. « C’est le docteur de ce centre qui m’a dirigé vers la MDPH. Je ne connaissais pas du tout. Quelqu’un qui est en bonne

santé ne pense pas à ça. Quand on n’est pas confronté au handicap, on ne s’y intéresse pas. »

A son domicile, Alain Cuvillier avait une salle de bains, mais pas de douche. « Je ne pouvais plus entrer ni sortir de la baignoire. » Un réa-ménagement était indispensable. « Mais je n’avais pas les moyens d’assumer ces travaux. Je suis en in-validité depuis les premières inter-ventions chirurgicales. J’ai engagé en 2010 une action judiciaire contre l’établissement où j’ai été opéré mais c’est très long, ça n’avance pas. »

Il a donc déposé un dossier à la MDPH pour un aménagement de sa salle de bains. « Une ergothéra-peute est venue chez moi. Elle a pré-conisé l’installation d’une douche italienne avec des barres d’appui et un siège, ainsi qu’un carrelage anti-dérapant. » Trois mois environ se sont écoulés entre la demande et la réalisation des travaux et, dans le cas de M. Cuvillier, il n’est resté que 20 % du montant à sa charge. Le plombier a parfaitement res-pecté le plan réalisé par l’ergothéra-peute. « C’est fantastique, s’exclame M. Cuvillier. Je ne glisse pas, je n’ai plus peur. Je suis pleinement satis-fait de l’aide que j’ai reçue. »

marianne bernède

La mdph au service des personnes handicapées

« J’ai gagné En autonomiE »

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nathalie Micheletti est la dynamique prési-dente de l’association Avenir Dysphasie Eure (AAD 27). Elle

est aussi, et avant tout, la maman de Leslie, 18 ans, qui souffre de dysphasie, dyslexie et dysortho-graphie. Des handicaps invisibles, encore mal diagnostiqués et que les parents ont souvent des difficul-tés à faire reconnaître et prendre en compte dans le parcours sco-laire de l’enfant. La dysphasie, un trouble structurel de l’apprentis-sage et du développement du lan-gage, toucherait pourtant 2 % de la population, soit plus d’un million de personnes en France.

SE BAttRE SANS fLéCHiRLorsque le problème de Leslie a été diagnostiqué à l’âge de 5 ans, la famille habitait dans le sud de la France. « A l’époque, je ne connais-sais rien sur les droits, je ne savais

pas ce qu’il fallait faire », se souvient Nathalie. Elle s’est battue pour que sa fille puisse suivre une scolarité normale en bénéficiant des aména-gements nécessaires. Cela n’a pas été une mince affaire. « Beaucoup de mamans arrêtent d’ailleurs de travailler ou passent à temps par-tiel pour s’occuper de leur enfant », explique Mme Micheletti, qui a dû assurer elle-même temporaire-ment l’éducation de sa fille, désco-larisée de l’école primaire pendant deux ans et demi.

Depuis son déménagement à Évreux il y a quelques années, Na-thalie a trouvé un soutien auprès de la MDPH. « Ils se sont bien occupé du dossier de Leslie, ils ont toujours été attentifs à ses besoins. » Un pro-jet personnalisé de scolarisation (PPS) a été mis en place pour l’en-trée de la jeune fille en 3ème avec une auxiliaire de vie scolaire (AVS) 9 heures par semaine et une dis-pense d’anglais, matière que Leslie n’arrivait pas à suivre à cause de sa

dysphasie. « Mais j’ai dû me bagar-rer avec le principal du collège qui ne voulait pas reconnaître le PPS », précise la maman.

LE LyCéE, UN PASSAgE diffiCiLEL’entrée en seconde a été une épreuve pour Leslie. « Il a fallu qu’elle s’habitue à une nouvelle au-xiliaire de vie scolaire. D’autre part, certains professeurs font beaucoup d’efforts mais quelques-uns sont récalcitrants. Une enseignante par-lait trop vite, donc impossible pour Leslie de noter. Une autre refusait de donner des copies écrites de ses cours. Ma fille s’est épuisée à tra-vailler. Et puis elle supportait mal le regard de ses camarades de classe, car son handicap n’était pas com-pris. » Mme Micheletti déplore que la thématique du handicap ne soit pas intégrée dans les programmes d’éducation civique ou d’édu-cation à la santé. « On parle de la drogue, de l’alcool, de la sexualité,

mais le handicap, on ne connaît pas ! »

Peu après sa rentrée en 1ère, Leslie a craqué psychologiquement. Elle a décidé de poursuivre son année scolaire par correspondance. La jeune fille souhaite s’orienter vers une formation de technicienne d’étude en bâtiment à l’ADAPT (Association pour l’Insertion Sociale et Professionnelle des Per-sonnes Handicapées).

marianne bernède

contactavenir dysphasie EurE (aad 27)[email protected]/dysphasieeure.avenir Tél : 06 87 92 01 51

« nous avons trouvé unE écoutE »

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dossier

agé de 14 ans, Tristan est né aux Etats-Unis avec une infirmité mo-trice cérébrale. Le diagnostic n’est cependant tombé que plus tard, en France, où ses parents avaient

décidé de rentrer, sentant, malgré les médecins, que quelque chose n’allait pas. Après consulta-tion de divers pédiatres et psychiatres et alors que Tristan souffrait de problèmes d’équilibre et de strabisme, un neurologue émit l’hypothèse

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Qu’il soit physique, psychique ou mental, le handicap d’un enfant perturbe toute la famille. Assaillis par la tristesse, la colère, le déni, la culpabilité, l’anxiété, les proches se retrouvent vite à devoir livrer un combat au quotidien. Au risque de l’épuisement. Au fil du temps et souvent avec l’aide des associations, l’horizon s’éclaircit.

qu’il avait dû manquer d’oxygène. Le dossier médical fut alors rapatrié des USA : anoxie anté-natale. « Tout était écrit noir sur blanc. On nous a fait vivre deux ans et demi dans le mensonge ! », regrette Gabrielle Nouet, la maman de Tristan. « Cela a été très douloureux. En fait, j’ai été sou-lagée d’avoir un diagnostic, mais j’ai éprouvé un énorme sentiment d’injustice. J’étais en colère… je le suis encore. » Depuis deux ans, Tristan est en fauteuil roulant. « On ne m’a pas non plus informée qu’il pourrait perdre la marche. Le choc a été énorme », poursuit Gabrielle, qui s’est arrê-tée de travailler. Le handicap fait en effet souvent irruption petit à petit dans la famille, par le jeu d’annonces décalées, au gré de l’apparition ou du repérage de nouveaux troubles, ravivant la dou-leur des proches et les obligeant à une perpétuelle adaptation.

Dans un registre différent, l’absence de dia-gnostic affecte particulièrement les familles confrontées au handicap psychique, car il est long à poser. « On constate, souvent à l’adolescence, que son enfant a des comportements différents, mais on ne comprend pas ce qui se passe et on l’inter-prète mal », résume Alain Triballier, animateur de l’antenne d’Évreux de l’Unafam 27 (Union nationale des familles ou amis de personnes malades et handicapées psychiques). Les familles sont de fait très déboussolées. « Elles peuvent diffi-cilement en parler et se voient parfois culpabilisées car l’éducation peut être considérée comme étant à l’origine des troubles », pointe l’Unafam dans un rapport de l’Institut national prévention et d’édu-cation pour la santé (Inpes) (1). La culpabilité est, de toute manière, un affect fréquent face au handicap. « La honte et la culpabilité concernent l’expérience d’avoir produit le handicap, elles sont éprouvées par les parents, par la fratrie d’un enfant présentant un handicap. Elles sont évidemment aussi éprouvées par l’enfant lui-même », sou-lignent Albert Ciccone et Alain Ferrant, psycho-logues et psychanalystes (2). Le handicap bous-cule en effet toute la sphère familiale. « Les parents sont très fragilisés. L’enfant rêvé, idéalisé, n’est pas là et il y a une blessure narcissique. Plein de choses vont s’entrechoquer sur deux individus blessés », constate Sandra Gibert, éducatrice spécialisée au service d’éducation et de soins spécialisés à domicile de l’Association des paralysés de France (APF). La situation génère de ce fait — ou parce que le handicap accapare trop l’un des conjoints — des tensions au sein des couples, et beaucoup finissent par exploser.

Les fratries aussi sont affectées. « La dyna-mique familiale est difficile à trouver. Quand on va au domicile, les autres enfants sont soit très dis-

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Chacun vit le handicap à sa façon“Bébé, Julien a eu des problèmes pour s’asseoir et vers l’âge de 9 mois, un scanner a révélé des lésions au cerveau. Personne ne savait comment cela évoluerait. Mon épouse a arrêté de travailler du jour au lendemain pour s’occuper de lui. À 5 ans, il a obtenu une place en IME, cela a été d’un grand soutien. Chacun vit le handicap à sa façon. Nous, nous ne

l’avons jamais caché. Celui de Julien est peu apparent physiquement, mais il ne parle pas. Surtout, il n’a pas la notion du danger, d’où des accidents. Cela impose une surveillance constante pour le protéger contre lui-même. Comme il casse aussi beaucoup, on a réduit les visites à la famille, ça nous a un peu éloignés d’elle. Mais le plus gênant dans le

handicap reste le regard des autres. Aujourd’hui, Julien a 22 ans, il réside dans un foyer et revient à la maison tous les 15 jours. C’est pour nous une deuxième vie qui commence. Avant 2005, je ne voulais pas m’impliquer dans la vie associative car mes priorités étaient ailleurs. Depuis 2008, je préside les Papillons blancs, c’est passionnant.”Stéphane Cléret, père de Julien

crets, soit très en appel, sur le mode : “Moi aussi, je suis là !” », poursuit-elle. Tristan, lui, a un frère et une sœur plus jeunes. « Ils vivent avec le han-dicap, ne se plaignent pas, mais ça leur pèse car je ne suis pas disponible comme ils le voudraient. Le soir, je fais les devoirs avec Tristan. Les autres passent toujours après, c’est dur », déplore Ga-brielle Nouet.

À 12 ans Léa, elle, souffre des réactions que suscite son frère de 9 ans atteint de surdité. « Théo est souvent rejeté car il crie au lieu de par-ler. Cela effraie certains enfants, elle vit ça très mal et pleure. Léa est aussi très protectrice », confie Nadia Tanney, leur maman. Le risque est aussi de surprotéger l’enfant handicapé. « Cela peut générer un sentiment de toute puissance et freiner son autonomie. On réalise beaucoup de soutien à

la parentalité pour que la vie familiale soit la plus harmonieuse possible, on aide à poser les limites. Les parents sont perdus, ils ont la réponse mais il faut les encourager », explique Sandra Gibert. La surprotection, c’est ce qui a poussé Gabrielle Nouet à rompre avec quelques membres de sa famille. « Je me bats pour que Tristan soit le plus autonome possible, or certains déconstruisaient tout derrière. Ils faisaient tout à sa place, il ne fal-lait jamais le contrarier. S’il fait une bêtise, il doit être traité comme les autres. Sinon, on en fait un tyran et c’est dangereux pour son avenir et sa vie sociale. » Le handicap peut ainsi avoir tendance à isoler. C’est le cas notamment avec les schi-zophrénies. « Stigmatisée, la maladie psychique est difficile à accepter et à exposer, même dans sa famille proche. Souvent, on se retrouve seul, tout le monde fuit, c’est très compliqué à gérer », assure Alain Triballier. La gêne, les préoccupations constantes, le rythme imposé aux familles ne facilitent pas non plus le maintien des relations.

ViVRE AVECL’arrivée du handicap complique le quotidien des familles sur tous les plans. Avec les troubles psychiques, l’anxiété s’installe. « Les parents sont en alerte permanente. Impossible de laisser ses soucis à la porte quand on va au travail, car on ne sait jamais dans quel état on retrouvera son adolescent ni sa maison. La nuit, s’il se lève, on l’écoute, cela peut perturber le sommeil. Et puis, on s’inquiète pour son avenir », poursuit-il. Il faut parfois enchaîner les consultations médicales, les hospitalisations, les espoirs et les déceptions, affronter le manque de tact de certains soignants alors que sa sensibilité est à fleur de peau. « Cer-tains médecins ont des propos culpabilisants, on n’a pas besoin de ça. Ou alors, ils alignent devant l’enfant toutes ses incapacités au lieu de le conforter en valorisant ses aptitudes », dénonce Gabrielle Nouet. Il faut aussi lutter pour sa sco-larité, son intégration, contre les préjugés, et as-surer quelquefois des tâches physiques usantes : porter un adolescent, par exemple. L’abattement, l’épuisement guettent alors. « La fatigue s’accu-mule, le ras-le-bol… Il faut se battre pour tout, je sature », complète-t-elle. L’Inpes relève d’ailleurs que « le stress et ses conséquences psychologiques voire somatiques [sont] en tête des problèmes de santé des aidants ». Selon le handicap, les loisirs peuvent également devenir un casse-tête. «  Le jeune peut avoir une phobie des transports, il faut parfois écourter les vacances… », témoigne Alain Triballier. « On délaisse son confort personnel. On renonce à l’hôtel, on refuse des week-ends… pour éviter tout problème », complète Stéphane Cléret, président des Papillons blancs.

Mais peu à peu, souvent avec l’aide des asso-ciations et leurs services (groupes de parole, structures d’accueil, interventions à domicile…), nombre de familles parviennent à mieux affron-ter la situation. Pour autant, rappelle Stéphane

dossier

sur internetmdph de L’eure www.mdph27.fr

ministèrE dEs affairEs sociaLes et de La sante www.social-sante.gouv.fr

aide handicap http://eure.aide-handicap.info

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en Livres« Comprendre les bouleversements existentiels que connaissent des parents projetés par le même canon dans l’univers du handicap ». Tel est le propos de l’ouvrage publié sous la direction de Charles Gardou, professeur de l’université Lumière-Lyon 2, aux éditions Érès et intitulé Parents d’enfant

handicapé (2012, 12 €). Dans cette même collection « Connaissances de la diversité », qui a pour projet de réunir des écrits non de spécialistes mais de personnes vivant ou côtoyant le handicap au quotidien, un autre titre mérite particulièrement l’attention : Frères et sœurs de personnes handicapées (2012, 12 €).

“Le handicap est entré comme une bombe dans la famille. Pendant la grossesse, on nous a parlé d’une éventuelle trisomie, puis d’un problème cardiaque. J’ai accouché dans le stress ; un mois plus tard, le diagnostic tombait : surdité profonde sévère. À 4 mois, Théo a été appareillé, on a compris qu’il était incurable. Depuis, je culpabilise. C’est dur de mettre au monde un enfant différent. J’ai ressenti un puissant sentiment d’injustice. Je me demandais : pourquoi nous ?Une surdité est rarement isolée et Théo souffre aussi d’autres

pathologies. Il a parfois du mal à marcher. Avec mon mari, nous avons choisi de lui donner toutes les chances possibles dans la vie, donc je ne baisse pas les bras, même si parfois je suis découragée et que j’en ai assez de voir des médecins. Avec du temps, de l’amour et de bons professionnels, Théo a beaucoup évolué. Aujourd’hui, il est épanoui et heureux de vivre. Et s’il ne parle pas, il me dit énormément de choses. On se regarde, on se touche, on se comprend. Il n’y a pas que le langage !” Nadia Tanney, mère de Théo

L’effet d’une bombe

Cléret, « on n’accepte jamais un handicap, on s’y adapte et on essaie de vivre au mieux. Si on dé-cide de faire avec, alors ça devient naturel. » Etre accompagné, ne pas s’enfermer se révèlent essen-tiels. « Depuis cette année, Tristan va à l’APF (As-sociation des Paralysés de France), c’est un grand soulagement. Là, on nous prend comme on est, selon nos besoins, nos désirs. J’y trouve beaucoup de réconfort », insiste Gabrielle Nouet. De même, témoigne Alain Triballier, « en parlant avec des personnes dans des situations comparables, on décuple ses forces. On réagit alors mieux et on s’épuise moins. C’est pourquoi à l’Unafam, on apprend à se refaire un cercle d’amis et à penser à soi. » Enfin, lance Nadia Tanney, « il faut toujours y croire ». La maman du jeune sourd veut posi-tiver. « Certes, des fois, on en a marre. Mais j’ai aussi rencontré des gens géniaux ! Grâce à Théo, j’ai appris la langue des signes et sa sœur, Léa, sait ce qu’est la différence. C’est une belle leçon de vie. » Et d’ajouter : « Mais attention, je n’ai pas toujours dit ça. Avant, j’étais mal avec moi-même. Il faut passer des étapes. » Si, aujourd’hui, Nadia tient à témoigner, c’est pour mieux faire connaître le handicap. Pour Théo. Et pour que les mentalités changent.

florence raynal

1) Recherche qualitative sur les possibilités d’amé-liorer la santé des personnes en situation de perte d’autonomie ou de handicap et leur entourage – Inpes, 20112) In Honte et culpabilité dans la clinique du han-dicap – Sous la direction de Sylvain Missonnier - Érès, 2011

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dossier

Personnellement, je ne partage pas l’idée, courante, de « faire le deuil de l’enfant normal ». Je préfère qu’on reconnaisse que cet enfant a des difficultés, qu’on ne le guérira pas et qu’il va falloir l’aider.

Que provoque l’arrivée du handicap dans la famille ? La révélation de l’existence d’un handicap ne survient pas toujours de la manière dont on l’imagine. Le processus de repérage peut être très progressif. La lit-térature se focalise en effet sur le handicap découvert à la naissance ou avant, alors que beaucoup d’annonces s’effectuent « en cas-cade » quand l’enfant est plus âgé. Un jour, la grand-mère dit : « Il ne tient pas bien sa tête », puis l’institutrice s’étonne d’une réaction inhabituelle… Peu à peu, le doute s’immisce et les parents veulent en savoir plus. Ensuite, il faut souvent du temps pour que le diagnostic soit posé, parfois il ne l’est jamais. On identifie les difficultés, on les prend en compte sans en connaître forcé-ment la cause.

Beaucoup de parents se disent choqués de la façon dont les annonces sont faites : brutalité, absence d’humanité… Il existe encore des annonces réalisées par cour-rier, par téléphone, dans un couloir ! Or on sait combien il importe de préparer psychologiquement les parents pour évi-ter un choc brutal. Notamment, il ne faut pas faire d’annonce grave à une personne seule mais exiger la présence d’un proche et éviter que l’un des parents ait à informer l’autre. Celle-ci doit aussi être réalisée dans un lieu intime, en prenant le temps néces-saire. Les parents doivent pouvoir pleurer, ne rien dire, réagir à leur rythme.

Comment impliquer l’enfant ? Lors de l’annonce, on s’intéresse souvent à ce que vivent les parents. L’enfant est alors une

sorte de spectateur de la scène. Il entend des mots qui font pleurer ses parents ; il voit des médecins déstabilisés ; on lui dit : « Ne t’inquiète pas, c’est rien », sauf que maman paraît triste, que papa a pris un jour de congé, que mamie ne cesse d’appeler… C’est un réel traumatisme. Il est indispen-sable, à toutes les phases de découverte, de dire quelque chose à l’enfant sur ce qui le concerne. On évitera beaucoup de souf-france psychique en s’adressant à lui, quel que soit son âge. C’est aussi une aide pour les parents. L’enfant ne doit pas être enfer-mé dans une dyade mère-enfant mais être pensé dans ses multiples liens avec son mi-lieu familial. En particulier, la temporalité de la reconnaissance du trouble inquiétant n’est pas la même pour la mère, le père, les frères et sœurs et l’enfant lui-même.

Quelle attitude adopter face à la fratrie ? Les enfants peuvent se demander pour-quoi ce petit frère, qui n’a pas l’air si bizarre que ça, mobilise tant l’attention et perturbe autant la famille. Ils peuvent lui en vouloir, être inquiets… À eux aussi, il faut parler. Mais inutile de faire de grands discours. Il suffit de dire par exemple : « Oui, je suis triste car ton petit frère lâche son verre et ce n’est pas normal  ». L’enfant croit tou-jours que l’adulte sait et s’il voit qu’il se tait, il imagine le pire. Il a juste besoin qu’on reconnaisse la légitimité de ses questions et qu’on lui parle pour apaiser son angoisse.

Peut-on, faut-il, accepter le handicap de son enfant ? On ne l’accepte jamais vrai-ment mais on peut penser qu’on peut vivre

avec et non plus contre. Personnellement, je ne partage pas l’idée, courante, de « faire le deuil de l’enfant normal ». Je préfère qu’on reconnaisse que cet enfant a des difficul-tés, qu’on ne le guérira pas et qu’il va falloir l’aider. Dans tous les cas, il faut du temps pour que chacun fasse avec cette réalité. Et le déni est, pour moi, transitoirement pro-tecteur. Les professionnels estiment parfois que les parents ne réalisent pas la souffrance des frères et sœurs, par exemple. Mais c’est faux. S’ils ne disent rien, c’est parce que leur peine est trop grande et qu’ils ont du mal à s’organiser pour s’occuper de tous leurs enfants. Un jeune de 13 ans que je suis, qui a un handicap important, commence seule-ment à pouvoir dire maintenant qu’il se sait handicapé. Il l’a toujours su au fond mais il faisait « comme si ». Entre le fait de savoir et celui de dire que l’on sait, il y a une marge, une temporalité importante à respecter.

Comment soutenir les parents dans cette voie difficile ? Rencontrer un psychologue peut être une aide, mais les parents d’enfants handicapés peuvent souvent eux-mêmes, ou aidés par leurs relations, répondre aux besoins ordinaires de leur enfant. Il faut aussi veiller à ne pas imputer au handicap tous les malaises de la famille. Des parents divorcent même en l’absence d’enfant han-dicapé… Il importe de faire le distinguo car l’enfant pourrait finir par penser qu’il a “le mauvais œil”. Enfin, se tourner vers les associations de parents peut être d’un grand secours. Tout comme l’usage d’internet, qui permet d’échanger ressentis et conseils avec d’autres personnes concernées. Les profes-sionnels doivent apprendre à travailler avec les informations véhiculées par internet et aider les parents, si besoin, à repérer les sites intéressants.

“Liens fraternels et handicap. De l’enfance à l’âge adulte” (Éd. Érès, 2010). “Handi-cap et psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent” (avec Jean-Philippe Reynaud, Éd. Érès, 2013).

Entretien avec Régine Scelles, psychologue et professeur de psychopathologie à l’université de Rouen.

« on n’accepte jamais vraiment le handicap d’un enfant »

Professeur des universités en psychopathologie, responsable du master 2 Recherche à l’université de Rouen, Régine Scelles exerce également en tant que psychologue clinicienne dans un service de soins et d’éducation spécialisée à domicile pour enfants atteints de pathologies diverses motrices, sensorielles, métaboliques, psychiques.

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temoignages Le handicap commence dans le regard des autres.

« Atteint du syndrome d’Alport, je n’ai vraiment pris conscience de mon handicap que tardivement, lorsque j’ai été appareillé pour ma déficience auditive, détectée à l’âge de 5 ans. J’avais environ 11 ans et j’avais développé instinctivement des techniques, comme la lecture labiale, pour pallier

ma surdité. Mon handicap a réellement commencé à me poser problème en 4e. Beaucoup de collégiens pensaient que j’avais un retard mental car je leur demandais souvent de répéter. Ils ne faisaient d’ailleurs rien pour m’aider : ils se mettaient la main devant la bouche ou me parlaient en me tournant le

dos… L’âge bête. Ce fut donc une période difficile, non à cause de ma surdité mais de la perception qu’en avaient les autres. L’entrée au lycée a été une véritable bouffée d’air : j’y ai fait la connaissance d’adolescents matures et j’ai commencé à faire du théâtre. À 16 ans, j’ai été suivi au Centre de rééducation auditive

« toUt LE MoNdE N’A PEUt-êtRE PAS LA CHANCE d’êtRE MALENtENdANt. »

Rémi Piazzi, jeune étudiant en lettres, malentendant depuis l’enfance

d’Évreux, où j’ai développé la lecture labiale et été initié à la langue des signes. J’y ai surtout rencontré d’autres jeunes atteints de surdité et cela m’a beaucoup aidé à accepter mon handicap. Aujourd’hui, après un bac L, je suis inscrit en licence de lettres modernes à l’université du Havre et cela se passe très bien. Je réside dans un logement étudiant, je continue le théâtre et j’écris des fanfictions, des sketchs humoristiques, des nouvelles, des analyses critiques… J’aimerais ensuite me tourner vers les métiers du livre ou de la conservation.

Mon handicap fait partie intégrante de ma vie, j’ai appris à vivre avec. Il ne m’a en fait que peu gêné. Il m’a même obligé à me surpasser. Le plus dur reste le regard de certains. Mais avec le théâtre, je prouve qu’être malentendant ne m’empêche pas de faire ce que j’aime. Et puis la surdité n’a pas que des inconvénients. Des voisins bruyants ? Hop, j’enlève mes appareils auditifs  ! Une personne vient me déranger  ? Je lui réponds qu’ils sont hors service. Enfin, de par mes difficultés, j’ai eu très tôt un goût pour la lecture, c’est une richesse. En conclusion, je dirais que tout le monde n’a peut-être pas la chance d’être malentendant. » fr

Mon handicap fait partie intégrante de ma vie, j’ai appris à vivre avec. il ne m’a en fait que peu gêné. il m’a même obligé à me surpasser.

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dossier

temoignages

Enfin, un jour, peiné, mon frère m’a dit maladroitement : “À ta place, je me serais tiré une balle !“

« L’alcool, la vitesse… puis ce fut l’accident. C’était au Portugal, un copain conduisait. Mon cousin y a laissé la vie. À l’hôpital de Garches où j’ai été rapatriée, les soignants m’ont prévenue que ma vie allait changer, que j’allais devoir lire beaucoup… Je ne comprenais pas. Plus tard, un médecin m’a carrément lancé : “Si tu ne remarches pas dans les 3 mois, tu ne remarcheras jamais !” Mais, même là, je n’ai pas réalisé. J’étais dans le déni. C’était trop brutal, trop inconcevable, j’allais me relever.

J’ai appris à manier un fauteuil, à me transférer sous la douche, dans une voiture, j’ai poursuivi ma vie d’ado, passé mon bac, mon permis, gagné en autonomie. Il m’a fallu 4 ans pour me rendre compte que je resterais peut-être toujours en fauteuil et c’est à 20 ans que j’ai pris une claque. Un matin, j’ai senti que je n’allais pas bien. J’ai appelé mes parents qui, divorcés, n’ont pas voulu

voir ma souffrance. Je me suis alors sentie très seule… avec mon fauteuil. Mon père, c’est comme si je l’avais déçu. Il était fier de moi, il m’emmenait partout, on allait au bal… Maintenant, j’ai beau travailler, faire de la plongée, du kayak, du parachute, voyager, c’est toujours comme si je survivais. J’aimerais lui dire que tout ça n’est pas de ma faute. Mais il n’écoute pas. Il éprouve sans doute de la culpabilité mais il ne l’exprime pas. Il en devient même agressif. Quant à ma mère, elle a réagi comme si c’était elle l’accidentée. Elle disait : “Pourquoi moi ?” ou “Que m’arrive-t-il ?”… Certes, elle

souffrait mais, en attendant, j’ai manqué du réconfort dont j’avais besoin. Enfin, un jour, peiné, mon frère m’a dit maladroitement : “À ta place, je me serais tiré une balle !” Pour moi, cela signifiait : “Ta vie vaut moins que rien”. Ça a été dur à entendre, mais aujourd’hui il affirme être fier de moi, il me voit en battante, comme mes sœurs, et ça lui donne de la force.

L’aide est en fait davantage venue de mes amis, de mes petits copains. Ils m’ont permis d’avoir une vie sociale équilibrée. Dès le début, ma meilleure amie m’a obligée à ressortir alors que, par honte, je ne voulais

En fauteuil depuis l’âge de 16 ans, la pétillante Karine Vieira déborde d’énergie. Après avoir nié son handicap, cette jolie maman de 33 ans a décidé de l’accepter et de vivre pleinement.

« JE SUiS EN ViE… doNC,

JE ViS ! »pas affronter les regards. Ensemble, on a repoussé les limites. Je continue d’ailleurs sur cette lancée puisque je viens de participer au Rallye Aïcha des Gazelles dans le désert marocain (www.rallyeaichadesgazelles.com). Entre 2008 et 2010, j’ai cependant dû suivre une psychothérapie. J’étais fatiguée moralement, physiquement, je baissais les bras, j’étais à deux doigts de vouloir disparaître. J’avais tendance à tout relier à mon handicap, par exemple les déceptions amoureuses, et je perdais confiance. Ce travail m’a permis de mieux comprendre ma relation avec mes proches, que j’avais le droit de vivre et qu’ils m’aiment même s’ils se taisent. Depuis deux ans et la naissance de ma fille, c’est comme si j’étais rentrée dans la norme et je les vois m’aimer à travers elle. Ils sont fiers car ils constatent qu’elle est épanouie, que je m’en occupe bien, qu’on va aux bébés nageurs… Je l’adore et, pour elle, je n’ai pas le droit d’aller mal. Tout n’est pas toujours facile mais je suis en vie… donc je vis ! Même en fauteuil, on peut être heureux. » fr

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« En mars 2008, le diagnostic est tombé : sclérose en plaques. Presque un soulagement. Depuis longtemps, je subissais divers maux sans comprendre ce qui se passait. J’accusais le sport, le travail, les transports, le stress… L’année précédant le diagnostic, mes troubles se sont accentués. J’étais de plus en plus fatiguée, irritable, insatisfaite. Je dormais mal, mes douleurs s’accroissaient. D’un coup, j’ai eu une névrite optique. J’ai fini par ne plus voir de l’œil gauche. Puis de l’œil droit. Cela arrive

souvent avec la sclérose en plaques, mais en général le malade récupère bien. Moi, je suis devenue malvoyante. Ma vision s’arrête parfois à 30 cm, et j’ai l’impression de regarder à travers une fine meurtrière. Connaître sa maladie permet de savoir contre quoi lutter et de mieux s’armer.

Ma vie s’est radicalement modifiée. J’enseignais le tissage dans une école de design à Paris, j’ai dû abandonner. J’ai également dû arrêter de conduire, apprendre à me déplacer

dans la maison, à cuisiner et à aider mes enfants à faire leurs devoirs sans voir, à écouter des livres…

Dès le lever, je sais que tout va être un combat. La plus banale des tâches peut devenir impossible. Parfois j’ai la sensation que mes jambes sont en feu ; parfois mes doigts sont insensibles. Heureusement, mes parents se sont immédiatement rendus disponibles. Ils nous ont fait un beau cadeau en achetant une maison à proximité. Je suis très fatigable et j’ai besoin de

« oN A LE dRoit d’êtRE EN CoLèRE MAiS… »

depuis cinq ans, Pamela Le Meur se sait atteinte d’une sclérose en plaques, pathologie qui a bouleversé sa vie et celle de sa famille. Aujourd’hui, à 42 ans, elle refuse cependant de s’enfermer dans la maladie.

périodes de calme. Mes deux garçons de 9 et 13 ans ont ainsi un autre lieu chaleureux où aller. Pour eux aussi, ça a été dur. J’ai été hospitalisée à plusieurs reprises, ils étaient inquiets. Il leur a fallu un an pour gérer cela. Même si le sujet n’est pas tabou à la maison, ils n’arrivaient pas à exprimer certaines angoisses. Avec des professionnels, ils ont pu les évacuer. Mais aujourd’hui encore, quand je suis en piteux état, l’anxiété gagne. Avec mes amis, j’ai dû apprendre à appeler au secours. Au début, je n’arrivais pas à demander de l’aide. Ma vie sociale s’est cependant réduite, car je ne peux jamais prévoir dans quel état je serai deux heures après. C’est douloureux.

Face à la maladie, il ne faut pas rester là à subir, à ressasser. Cela suppose d’effectuer un gros travail sur soi. J’essaie d’apprécier mes capacités plutôt que de me concentrer sur mes échecs et mes difficultés. Bien sûr, ça ne marche pas toujours. J’ai aussi compris qu’il était primordial de parler de son ressenti, notamment avec des personnes atteintes. Atteintes mais battantes, et avec qui on peut rire. À l’hôpital, je rencontre des malades qui en veulent à leurs proches de ne pas les comprendre. Comment le pourraient-ils ? Ils ne sont pas à notre place. Ils ne sont pas non plus responsables. On a le droit d’être très en colère, il est bon de l’exprimer pour ne pas céder à l’abattement. C’est une façon de tenir. Mais cette colère doit être tournée contre la maladie, pas contre les autres.  » fr

dès le lever, je sais que tout va être un combat. La plus banale des tâches peut devenir impossible.

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c’est ma

passion

TéTra karTdepuis sa plus tendre enfance, Julien Bachelet a été bercé par le ronronnement des moteurs. Celui des motos de son père sur lesquelles il a très vite roulé, au point de développer une véritable passion pour les sports mécaniques. Une passion qui ne s’est pas démentie, malgré l’accident qui l’a rendu tétraplégique à 15 ans.

Bien au contraire, elle s’est encore renforcée avec la pratique du kart. Aujourd’hui, ce jeune ingénieur défie doublement la gravité : avec son impressionnante force de caractère qui laisse sur la ligne de départ toute forme de pathos ; et dans les virages, à la recherche du meilleur chrono, au volant de son Rotax 125 Max.

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Je viens d’avoir 26 ans et je suis ingé-nieur mécanicien dans l’aérospatiale, à Vernon. Je conçois des moteurs de fusée et d’avion. Je suis tétraplégique depuis l’âge de 15 ans. J’étais en 3ème au collège

de Breteuil-sur-Iton. Je rentrais de l’école à moby-lette et une voiture m’a percuté. Le truc classique et inévitable : la voiture qui coupe un virage parce qu’elle arrive trop vite et heurte le deux-roues en face. Fracture de la cinquième vertèbre cervicale et deux ans de rééducation… J’ai toujours été sportif et je viens d’une famille de motards. Nous avions deux amis qui étaient comme ça à cause d’un accident de moto. Je « connaissais » donc déjà le handicap. Et, immédiatement, je me suis dit qu’il fallait y aller ! De toutes façons, je n’avais pas le choix. Et puis à 15 ans, on ne voit pas vrai-ment toutes les difficultés que l’on va rencontrer par la suite. J’ai donc repris mes études deux ans

NtK Racing, le kart pour tous en Normandie« Si des tétraplégiques ou des paraplégiques veulent essayer le karting, nous avons la possibilité de les initier sur le circuit d’Essay. Et s’ils souhaitent continuer, nous nous chargeons de les mettre en relation avec les bonnes personnes pour trouver un kart, les équipements et pour la réalisation des adaptations sur mesure ».

après l’accident, en seconde, dans un lycée ordi-naire, et tout s’est bien passé. J’ai tout rattrapé, j’ai continué jusqu’à bac plus 5, j’ai eu mon diplôme d’ingénieur, et puis voilà (rires). Aujourd’hui, je suis paralysé des quatre membres mais j’ai quand même une bonne motricité des bras et des poi-gnets. En revanche, je ne peux pas du tout bouger mes doigts. Mais j’arrive à me déplacer et à me débrouiller au quotidien. Pas forcément tout seul pour certains actes de la vie, mais pour pas mal de choses. Je suis autonome à 80 %.

JE REfUSE d’êtRE RédUit À dES SPoRtS CoMME LA SARBACANE ! Dans ma famille, on aime les sports mécaniques. Surtout papa, dont la vraie passion est la restaura-tion des motos anciennes. Ce virus, je l’ai attrapé très jeune. Je fais de la moto depuis l’âge de cinq ou six ans ! Et même avant, puisque depuis tout petit, j’ai roulé en side-car.

Le kart, c’est venu parce que faire de la moto n’était plus possible. Très vite, pendant la rééduca-tion, j’ai voulu refaire du sport. En tant que tétraplé-gique, on nous proposait de faire du ping-pong ou de la sarbacane et ça me saoulait. Là, on nous prend vraiment pour des handicapés ! Le problème, c’est qu’un handicapé dans un sport extrême, c’est tout de suite très mal vu. « Oh là là ! Il a déjà eu un acci-dent, pourquoi il fait un truc pareil ?! ». Ben, parce que c’est ma passion et que je veux la pratiquer. Qu’il y ait des compétitions de sarbacane, très bien, c’est un très bon sport pour certains. Mais on ne nous réduit qu’à ça en centre de rééducation et par-tout ailleurs. C’est vraiment un truc qui m’énerve. Le kart n’est pas plus dangereux qu’un autre sport

« Le problème, c’est qu’un handicapé dans un sport extrême, c’est tout de suite très mal vu. “oh là là ! il a déjà eu un accident, pourquoi il fait un truc pareil ?!” »

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« En kart, l’accélération est plus rapide. Pour nous, les tétras, le plus compliqué, c’est donc le maintien. »

c’est ma

passion

si on ne fait pas n’importe quoi. Quoi qu’il en soit, il me fallait quelque chose qui bouge. Un jour, je suis tombé sur le site de Fabrice Dubois, le premier tétraplégique à avoir fait du karting en France et même dans le monde. Il avait trouvé la solution : mettre une direction assistée électrique. En gros, quand je suis arrivé, tout était déjà fait. D’ailleurs, mon premier kart, c’était le sien, je lui ai racheté.

UN SPoRt QUi REViENt CHER Pour un kart neuf, il faut compter 8 000 euros, et il faut encore rajouter 2 000 euros pour la direction assistée et les autres adaptations nécessaires. No-tamment la barre cintrée, reliée au frein et à l’accé-lérateur, que l’on peut utiliser avec la main droite et qui remplace les pieds. Il y a aussi la fourche au volant qui permet de tourner avec l’autre main. Et puis, il y a le siège. Normalement, dans un kart, on n’est pas attaché. Mais là, on a mis un harnais trois points que l’on serre un « max » pour qu’il nous soutienne. Il y a même des attaches au niveau des jambes et des pieds. Parce qu’en kart, l’accélé-ration est plus rapide dans certaines compétitions automobiles classiques. Pour nous les tétras, le plus compliqué, c’est donc le maintien.

La première fois que j’ai essayé mon kart, je m’en souviens très bien. C’était à Essay, dans l’Orne, le plus beau circuit d’Europe, et c’était très violent ! Le kart n’était pas encore réglé, il avait des pneus an-ciens qui avaient durci, et il a commencé à pleuvoir. C’était une vraie catastrophe. En plus, il y avait

des gens qui s’entraînaient pour les championnats d’Europe et je roulais en même temps qu’eux. Je me suis fait peur à chaque moment. Ça accélérait telle-ment fort que je ne comprenais absolument rien. Jamais au point de renoncer, mais j’ai le souvenir d’avoir flippé. C’était vraiment impressionnant.

Aujourd’hui, je tourne essentiellement à Essay, à cause de la proximité. Parce qu’un déplacement, ça mobilise toute une logistique derrière. Il faut déjà deux personnes pour m’installer dans le kart. Et puis quand on est sur un circuit, on cherche à se dépasser, à taper du chrono, donc on sort souvent de la piste et, dans ce cas, il faut du monde pour nous remettre sur les rails.

UN dE MES MEiLLEURS SoUVENiRS ESt Lié À LA CoMPétitioNL’entraînement m’allait très bien, j’étais là pour m’éclater. Je ne pensais pas spécialement à la com-pétition. C’est Fabrice Dubois et son entourage, dont Philippe Streiff, ancien pilote de Formule 1 et tétraplégique, qui m’ont poussé. En 2010, ils ont mis en place une section handisport avec la Fédé-ration française de sport automobile. La FFSA a joué le jeu en créant une licence qui nous couvre comme les valides, sans contrepartie financière supplémentaire. Donc, pour la première course, je me suis dit qu’il fallait que je participe. Ça s’est pas-sé lors de la finale du championnat du monde de karting et ça a surpris tout le monde. Vous lâchez

quinze handicapés avec des karts de compétition, ils n’en revenaient pas ! Parce qu’il y avait de la ba-taille dans tous les sens, ça se poussait… Il n’y avait plus de potes sur la piste, on était tous des compé-titeurs. Au début, ils avaient même peur au vu des chronos que l’on tapait. Ils savaient que ça allait très, très vite. Quand la course s’est enfin terminée, ils ont soufflé. C’était un moment exceptionnel !

JE PENSE fAiRE dU KARt JUSQU’À 30 oU 35 ANSMais depuis des années, je réfléchis pour revenir à quelque chose de moins sportif, plus balade. Parce que le kart, c’est compliqué. Il faut se lever tôt, mettre la combinaison, se déplacer sur le circuit avec une personne, et puis il y a le temps que mon père doit passer avant pour préparer le kart. Au final, pour rouler deux heures, il faut compter dix heures de préparation. Je voudrais un « truc » plus simple, pour lequel je n’ai besoin de personne pour me transférer. Par exemple, adapter une Porsche pour faire des balades le week-end. Là encore, ce ne sera pas une question de vitesse mais de sensa-tions. Avoir un moteur comme un Flat 6 Porsche qui a un bruit unique ! Les moteurs font partie de ma vie depuis tout petit. C’est en ça que le kart a été essentiel. Mon seul regret, c’est que la musique soit interdite en course. Sinon, je mettrais un bon ACDC : « Highway to hell » !

propos recueillis par laurent tastet

contact ntk racing [email protected]él : 06 21 55 55 16

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ils avaient préparé leur voyage depuis des mois. En août 2012, ils ont pédalé jusqu’à Londres pour assis-ter aux Jeux Paralympiques. « Notre idée est vraiment de sensibiliser le maximum de personnes à la théma-tique du handicap, explique Magali Le Floch, conseil-

lère d’animation sportive à l’origine du projet. Nous sou-haitons montrer au plus grand nombre que les personnes en situation de handicap peuvent s’adonner à une pratique sportive. » Les 28 participants, dont 9 équipages d’un duo de sportifs valide et handicapé, ont fait six étapes dignes du Tour de France pour se rendre dans la capitale an-glaise. Avant de partir et tout au long de leur périple, ils ont diffusé leur message. Evidemment, ils ont poursuivi cette démarche d’information et de sensibilisation une fois rentrés en France, la tête remplie de souvenirs. « Nous avons connu des moments magiques à Londres, confirme Lydie Mahé, jeune femme amputée d’une jambe qui a parcouru les 360 kilomètres en handbike (vélo à trois roues sur lequel on pédale avec les mains). Nous avons aussi vécu une très belle aventure humaine. L’entraide au sein du groupe était formidable. »

REtoUR d’ExPéRiENCEDe leur aventure est né un film. Ils souhaitent aujourd’hui le présenter au plus grand nombre en se rendant notam-ment dans des écoles. « Parler du handicap à des enfants est très pertinent car ce sont les adultes de demain, estime Gilles Sorin, sportif handicapé qui s’est lui aussi rendu à

Londres en handbike. Les enfants posent facilement des questions, ils sont plus à l’aise avec le handicap que les adultes. Le dialogue est plus fluide, plus profond. » « Nous espérons aussi que notre message passera des enfants aux parents », ajoute Lydie Mahé.

Lors de ces interventions en milieu scolaire, ils ra-content leur quotidien et leur pratique sportive. Des ate-liers physiques pratiques sont également organisés. Ils permettent aux personnes valides de se retrouver dans la situation de personnes handicapées. « L’inverse n’étant pas possible, ironise Gilles Sorin, 33 ans, nous proposons à une personne valide de se mettre dans un fauteuil. C’est plus parlant que n’importe quel discours et le mélange entre valides et handicapés est vraiment enrichissant pour tous. » Une meilleure compréhension mutuelle : c’était l’objectif recherché par les organisateurs de l’événement «Sur la route des Jeux». « Il est important pour nous d’ouvrir les portes de tous les clubs sportifs aux personnes handica-pées », confirme Magali Le Floch.

Et dEMAiN ?Ceux qui se sont rendus à Londres souhaitent faire per-durer ce groupe qui a partagé une aventure incroyable. « Nous nous sommes évidemment donné rendez-vous en 2016, s’exclame Magali Le Floch, nous verrons bien  ! » Mais ils comptent aussi continuer à sensibiliser le grand public. « Il reste encore beaucoup à faire pour faire évoluer les regards sur le handicap, insiste Gilles Sorin. Pour créer une dynamique, nous devons en parler et en reparler… »

clémence lamirand

La route des JeuxNeuf équipages mixtes, composés d’une personne valide et d’une personne handicapée, avaient enfourché leur vélo en été 2012, direction les Jeux paralympiques de Londres. Aujourd’hui, ils racontent leur aventure, baptisée «Sur la route des Jeux», dans les écoles et profitent de chaque occasion pour parler plus largement du handicap et de l’intérêt de la

pratique sportive pour les personnes handicapées.

« Sur la route des Jeux » version équitation !Le comité départemental d’équitation de l’Eure souhaite, sur le même principe que «Sur la route des Jeux» (http://surlaroutedesjeux.fr/), rejoindre Caen à cheval pour les Jeux équestres mondiaux qui se dérouleront dans le Calvados en 2014. L’occasion de reparler de sport et de handicap.

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infos

L’Allocation aux Adultes Han-dicapés (AAH, voir page 20) est en principe réservée aux personnes atteintes d’un taux d’incapacité supérieur ou

égal à 80 %. Mais celles qui présentent un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 % peuvent aussi, sous certaines condi-tions, bénéficier de cette allocation. Ces

conditions sont regroupées sous le terme de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi : RSDAE.

Que représentent ces cinq lettres ? Si une personne rencontre, du fait de son handicap, des difficultés importantes d’accès à l’emploi et que cet état est re-connu par la MDPH, elle peut bénéficier de l’AAH. Dans ce cas, l’allocation est

La restriction subs tantieLLe d’accès à l’EmploiUn décret sur les conditions d’attribution de l’AAH a été publié en 2011 au Journal officiel, dans le but d’harmoniser l’attribution de l’Allocation aux Adultes Handicapés sur l’ensemble du territoire français.

Nouvelles lois, publication de décrets… les textes législatifs qui définissent et encadrent les diverses aides destinées aux personnes en situation de handicap changent, et il est important d’en être informé. Eclairage sur deux évolutions récentes.

actuaLités sociaLes quoi dE nEuf ?

droits et prestations

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un décret paru au Journal Officiel à l’été 2012 a instauré de nouvelles modalités d’ac-compagnement des enfants en situation de handicap en

milieu scolaire ordinaire. L’aide humaine apportée à ces enfants au cours de leur scolarité peut désormais être individuelle ou mutualisée. Ceux qui ont besoin d’un soutien à la fois dans l’accès aux activités d’apprentissage, dans les activités sociales et relationnelles et dans les actes de la vie quotidienne conservent une aide indivi-dualisée. Ceux dont la situation ne néces-site un accompagnement que dans un ou deux de ces domaines peuvent bénéficier d’une aide mutualisée. Dans ce cas, un même assistant d’éducation peut interve-nir simultanément ou successivement au-

près de plusieurs élèves. L’aide individua-lisée est apportée par un AVS-I (auxiliaire de vie scolaire pour l’aide individuelle), l’aide mutualisée est assurée par un AVS-M (auxiliaire de vie scolaire pour l’aide mu-tualisée).

UNE éVALUAtioN PLUS PRéCiSE PoUR UNE déCiSioN PLUS AdAPtéEAfin de proposer l’accompagnement le plus adapté, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont travaillé à l’amélioration de l’évaluation des besoins des enfants, tant pour les acti-vités liées à l’apprentissage qu’au point de vue de la mobilité, la sécurité ou la vie so-ciale. Cette évaluation nécessite un recueil d’informations minutieux, auprès des pa-rents et des professeurs notamment.

LE dERNiER Mot PoUR LA CdAPHLa commission des droits et de l’autono-mie des personnes handicapées (CDAPH) de la MDPH décide du type d’aide à par-tir des éléments récoltés. D’autres mesures peuvent également être proposées dans le cadre du projet personnalisé de scolarisa-tion (PPS) qui organise toute la scolarité de l’enfant : aide matérielle, aménagements pédagogiques, etc. cl

La restriction subs tantieLLe d’accès à l’Emploi

Elèves & handicap : les chiffresLa loi du 11 février 2005 avait pour objectif de favoriser la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. Cette volonté s’est déjà traduite dans les faits. Ainsi, en 2005, en France, 151 523 enfants handicapés étaient scolarisés dans un établissement classique. Cinq ans plus tard, ils étaient 201 388, soit une augmentation d’un tiers. La part des élèves en situation de handicap

dans la population scolaire générale est passée de 1,3 à 1,7 % entre 2005 et 2010. 71 % des élèves handicapés étaient scolarisés en milieu ordinaire en 2009 contre 66 % en 2005. Enfin, en septembre 2011, 210 395 enfants en situation de handicap ont fait leur rentrée dans des établissements scolaires publics ou privés : 130 517 en primaire et 79 878 dans le second degré.

a L’écoLe : aidE individuEllE ou mutualiséE ?L’aide mutualisée permet aux élèves handicapés qui ne requièrent pas une attention soutenue et continue de recevoir une aide adaptée et souple au sein de leur établissement scolaire.

accordée pour une durée maximale de deux ans. Si la RSDAE n’est pas validée, la personne peut faire valoir son droit à d’autres aides, comme le RSA (revenu de solidarité active).

Sur quels critères la commission de la MDPH tranche-t-elle ? La CDAPH, commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de la MDPH, valide la RSDAE après une évaluation pré-cise de la situation de la personne handi-capée qui a déposé une demande d’AAH, évaluation effectuée par une équipe plu-ridisciplinaire. Les conséquences et effets du handicap sur l’activité professionnelle font partie des principaux critères. Les contraintes liées aux prises de traitements ou aux traitements eux-mêmes sont également pris en compte. Les données recueillies auprès de la personne handi-capée sont toujours comparées à celles d’une personne valide se trouvant dans une situation professionnelle comparable.

clémence lamirand

2 points clésSi la notion de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est reconnue, la personne en situation de handicap peut :

• percevoir l’allocation aux adultes handicapés (AAH) même si son taux d’incapacité est compris entre 50 et 79 % ;• bénéficier de cette aide pour une durée de deux ans maximum.

A noter que le versement de cette allocation est soumis à des conditions administratives.

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infos droits et prestations

en+ Un complément de ressources peut s’ajouter à l’AAH afin de compenser une absence de

revenus pour une personne handicapée qui ne peut plus travailler. Un autre complément, la majoration pour la vie autonome, est également prévu pour les bénéficiaires de l’AAH qui disposent d’un logement indépendant.

L’aah en pratique L’allocation aux adultes handicapés (AAH) permet de garantir un revenu minimal aux personnes en situation de handicap. Zoom sur cette allocation.

pour qui ? Pour percevoir l’AAH, il faut résider en France et avoir entre 20 ans (ou 16 ans dans certaines conditions) et moins de 60 ans (sauf dans certains cas). Le taux d’incapacité du bénéficiaire doit être au moins égal à 80 % (ou entre 50 et 79 % si une restriction substantielle d’accès à l’emploi est reconnue – lire page 18).

montant 776,59 € (taux au 1er septembre 2012) : c’est le montant maximum que peut percevoir une personne qui ne dispose d’aucun autre revenu. Le montant est variable en fonction des ressources de la personne et de son conjoint.

cumuL Si la personne handicapée perçoit une pension (invalidité, rente d’accident du travail, retraite), elle peut bénéficier d’une AAH réduite. Si la personne en situation de handicap travaille à temps partiel par exemple, l’AAH est calculée en fonction d’une partie seulement de ses revenus d’activité.

durée L’AAH est attribuée pour une durée de un à cinq ans renouvelable. Cependant, si le handicap n’est pas susceptible d’évoluer, la durée d’attribution peut être plus longue, sans toutefois dépasser les dix ans pour les personnes ayant un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 %.

a qui s’adresser ? Il faut déposer un dossier à la MDPH. C’est la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes handicapées (CDAPH) qui décide de l’attribution de l’AAH, sachant que cette allocation est payée par la CAF (Caisse d’Allocations Familiales) ou la Mutualité Sociale Agricole (MSA).

avantages L’AAH est insaisissable et non imposable. Sous certaines conditions, les bénéficiaires peuvent être exonérés de certaines taxes et bénéficier de tarifs sociaux (abonnements téléphoniques, électricité…)

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La prestation de compensation du handicap (PCH) est une aide personnalisée qui peut être ap-portée aux adultes et aux enfants handicapés. Créée par la loi du

11 février 2005, elle permet de faire face à des dépenses spécifiques liées au handicap. Ainsi, elle peut aider à l’aménagement d’un

véhicule, au dédommagement d’un aidant familial ou encore à l’installation d’une rampe pour faciliter l’accès au domicile…

EN PRAtiQUELa PCH concerne les personnes de moins de 60 ans (exceptionnellement de moins de 75 ans). La décision d’attribution de la PCH est prise par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handica-pées (CDAPH).

CoMBiEN ? Le montant de la PCH varie en fonction des dépenses prises en charge. C’est le Dé-partement qui paye la PCH. Elle est versée mensuellement ou en plusieurs fois selon la nature des dépenses.

La pch, une aide pour des dépenses directement Liées au handicap

témoignage

« Nous bénéficions de la prestation de compensation du handicap car je m’occupe de ma fille au quotidien. Nous avons dû calculer le temps que je passe auprès d’elle. J’ai obtenu une indemnisation correspondant à 5h45 par jour. La PCH nous a été octroyée pour cinq ans. L’assistante sociale de l’APF (Association des Paralysés de France) nous a beaucoup aidés dans toutes nos démarches administratives et dans ces calculs. »— Jacqueline, dont la fille est tétraplégique.

bon à savoir La PCH n’est pas imposable. Toutefois, le montant attribué aux aidants familiaux est à déclarer au titre des bénéfices non commerciaux (se rapprocher de l’administration fiscale).

Les 5 volets concernés par la PCHL’attribution de la PCH dépend notamment de la nature de la (ou les) difficultés(s) rencontrées. Elle peut prendre en charge diverses dépenses, classées en cinq domaines :

1 aides humaines (exemple : rémunération d’un

auxiliaire de vie)

2aides techniques(exemple : appareil auditif)

3 aménagement du logement, du véhicule

et frais de transport(exemples : élargissement d’une porte, adaptation d’une salle de bain, surcoûts de transports)

4dépenses spécifiques ou exceptionnelles

(exemple : abonnement à un service de téléalarme)

5 aides animalières(exemple : frais pour un chien

guide d’aveugle)

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Une carte désormais européenne La carte de stationnement pour personnes handicapées a adopté un format européen. Bleue et blanche, elle présente sur le recto un logo fauteuil roulant, un numéro de carte, une durée de validité et la préfecture qui l’a délivrée. Sur le verso figurent le nom et prénom du titulaire, sa signature et sa photographie. Cette carte peut être utilisée dans les 27 pays de l’Union européenne.

Le chiffre

2%des places de stationnement

au minimum doivent être réservées aux personnes à

mobilité réduite

La carte de stationnement pour per-sonnes handicapées permet de se garer sur des places réservées. Cette carte est valable pour une personne, quel que soit le véhicule utilisé.

La carte européenne de stationnement pour personnes handicapées est attribuée à celles et ceux qui rencontrent des difficultés pour se déplacer. Il peut s’agir de personnes en fauteuil roulant, de malades ayant besoin d’un appareil fournissant de l’oxygène, de personnes qui ne peuvent pas marcher sans l’aide d’un tiers, etc.

EN PRAtiQUEIl faut déposer un dossier à la maison départe-mentale des personnes handicapées (MDPH). C’est le préfet qui décide de la délivrance de la carte, qui peut être valable pour un an ou à titre définitif. La demande de renouvellement doit être faite au moins 4 mois avant la date d’expiration de la précédente carte.

La carte européenne de stationnement est nominative et ne peut servir que lorsque son bénéficiaire participe au déplacement.

une carte pour se garer plus facilEmEnt

bon à savoir il n’est plus obligatoire d’avoir été reconnu invalide à 80 % pour obtenir la carte de stationnement

« Nous mettons toujours notre carte juste derrière le pare-brise et nous nous arrangeons pour que la photo soit bien visible. Notre carte est valable pour deux ans. Nous ne l’utilisons que lorsque notre enfant est dans le véhicule : cela nous paraît évident, pourtant tout le monde ne fait pas comme nous. Certains l’utilisent alors que leur proche handicapé n’est pas avec eux... Et ne parlons même pas des personnes qui se garent sur une place réservée sans carte, juste pour gagner un peu de temps ou ne pas s’embêter à chercher une place libre un peu plus loin !»— Claire, maman d’un petit garçon en fauteuil roulant

témoignage

infos droits et prestations

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3 Le dossier est étudié.

Une évaluation de la demande est effectuée par l’équipe pluridisciplinaire de la MdPH, en lien avec le demandeur.

5 Une notification est adressée au demandeur ainsi qu’aux organismes

payeurs et, le cas échéant, une information est envoyée aux structures médico-sociales concernées par les décisions de CdAPH.

1 La personne envoie ou apporte directement à l’accueil de la MdPH son formulaire de demande accompagné

des pièces justificatives (notamment le certificat médical)2 La MdPH traite la demande, l’enregistre

et vérifie que le dossier est complet.

4 Le dossier est examiné

par la Commission des droits et de l’Autonomie des personnes handicapées, qui rend sa décision.

Le parcours d’une demande auprès de La mdph

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c’est mon

metier

Un professionnel explique son métier au service des personnes handicapées

« s’intérEssEr à la personne, pas seuLement au handicap »évaluer le handicap d’une personne au regard des activités du quotidien et œuvrer pour lui offrir le maximum d’autonomie : telle est l’ambition de l’ergothérapeute. Un beau métier qui allie sens de la relation et compétences techniques. Entretien avec gilles Le diberder, ergothérapeute à l’hôpital La Musse, à Saint-Sébastien-de-Morsent.

Quelle est la spécificité de l’ergothéra-pie ? L’ergothérapie vise à restaurer le plus possible l’autonomie d’un patient afin qu’il puisse à nouveau se prendre en charge. Le propre de cette approche est d’appréhen-der la personne dans sa globalité et donc de tenir compte de ses habitudes de vie, de son environnement familial, social, profession-nel… Autrement dit, l’ergothérapeute ne traite pas une prothèse de hanche mais une personne ayant une prothèse de hanche et en difficulté face à un milieu contraignant. Nous évaluons les aptitudes fonctionnelles (musculaires, articulaires…) et/ou cogni-tives de la personne et tentons de trouver des solutions pour qu’elle puisse regagner des capacités ou ne pas en perdre.

Concrètement, comment intervenez-vous ? Nous mettons le plus possible les gens en situation. À l’hôpital, nous orga-nisons des ateliers pratiques, de cuisine par exemple, ou nous rendons visite aux patients dans leur chambre lors de la toi-lette pour voir avec eux ce qui leur pose problème et envisager des solutions tech-

niques. À La Musse, nous disposons en outre d’un appartement thérapeutique qui nous permet, si un patient garde des séquelles de son accident ou de sa patholo-gie, d’évaluer son autonomie tout en lui ga-rantissant une sécurité maximale. Ainsi, à partir d’objectifs fixés, nous vérifions com-ment il gère certaines situations au plan fonctionnel et cognitif. Est-il capable de se déplacer, de se lever, de faire son café dans des conditions acceptables ? Parvient-il à se projeter sur plusieurs jours, par exemple en programmant ses courses ? Nous pouvons même valider cela avec une sortie à l’exté-rieur.

Dans un tel lieu, tout concourt à rassu-rer la personne : aménagements adap-tés, suivi par les ergothérapeutes, etc. Comment préparez-vous le retour à la vie ordinaire ? Tout comme les ergothé-rapeutes de la MDPH, nous effectuons des visites à domicile. Après avoir dressé un pré-état des lieux au centre de rééducation avec la personne, en nous projetant dans son environnement, en imaginant une

journée type, etc., nous organisons, à la de-mande du médecin, une évaluation dans son cadre de vie. Nous nous rendons avec le patient dans son logement et analysons, à partir de ce qu’il ne peut plus faire, tout son quotidien. Cette visite peut être jugée un peu intrusive car nous allons partout : salle de bains, chambre, garage, mais nous n’imposons jamais rien. Nous réfléchis-sons ainsi aux aménagements à envisager, l’objectif étant de modifier le moins pos-sible l’environnement de la personne, car il ne s’agit pas de transformer son domicile en hôpital. Nous veillons aussi à trouver les solutions les moins coûteuses possibles.

Quels liens entretenez-vous avec la MDPH de l’Eure ? Nous remplissons un rôle de conseil. La MDPH peut apporter une aide aux personnes atteintes d’un han-dicap avant l’âge de 60 ans : cela concerne donc également une dégradation ou une séquelle qui surviendrait plus tard. Lorsque, pour un de nos patients, des tra-vaux se révèlent nécessaires, nous montons un dossier de prestation de compensation

ergothérapeute

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témoignage

UNE SALLE dE BAiNS AdAPtéELaurent Bercheux est atteint d’une pathologie évolutive invalidante. grâce aux conseils d’une ergothérapeute de la MdPH, il a fait réaménager une partie de sa maison à Vernon. « Chez moi, je me déplace soit en fauteuil roulant, soit à l’aide d’un déambulateur. Dans notre maison, la salle de bains étant située à l’étage, y accéder était devenu très difficile, voire impossible. Une ergothérapeute de la MDPH est donc venue à notre domicile afin d’évaluer la possibilité de créer au rez-de-chaussée, à côté de ma chambre, une salle de bains avec toilettes. Ensuite, elle nous a proposé des plans d’aménagement avec douche de plain-pied, lavabo utilisable en fauteuil, wc

équipé, porte d’accès élargie… A l’aide de ses propositions, nous avons ensuite contacté des entreprises pour qu’elles établissent des devis — ce qui n’a pas été la partie la plus simple. Jusqu’au début des travaux, nous avons été en relation constante avec l’ergothérapeute, car il a fallu faire des ajustements. Aujourd’hui, les travaux sont quasiment achevés et j’ai regagné en autonomie. Par ailleurs, grâce à l’aide que nous avons reçue, nous n’avons réglé que 30 % des travaux. » f. vlaemÿnck

du handicap auquel nous joignons notre compte-rendu de visite à domicile, ainsi que des devis d’artisans. En effet, même si nous avons des notions d’architecture, nous faisons toujours valider nos propo-sitions d’aménagement par des profes-sionnels : un plombier pour s’assurer de la possibilité de changer des toilettes de place afin de laisser passer un fauteuil roulant, un maçon pour créer un plan incliné, etc.

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c’est mon

metier

La demande est étudiée par une équipe pluridisciplinaire de la MDPH. Celle-ci analyse notre projet d’aménagement et fait, au regard de la réglementation, une propo-sition de financement.

La prise en charge de la personne étant globale, le travail d’équipe doit être essen-tiel ? La pluridisciplinarité est importante : dans nos investigations, nous intervenons rarement seuls. Nous exerçons sous le contrôle d’un médecin et en lien avec divers professionnels : assistante sociale, psycho-thérapeute, éducateur, psychomotricien, qui eux aussi évaluent, par leur prisme, la situation de la personne. L’ergothérapeute est également amené parfois à travailler en duo avec un autre spécialiste. Par exemple un orthophoniste, s’il s’agit d’équiper une personne ayant perdu l’usage de la parole avec un matériel particulier et que des aides techniques se révèlent utiles pour amélio-rer la communication.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’exercice de votre profession ? Le plus difficile, pour moi, est la sensation de ne pas toujours pouvoir aller au bout de la dé-marche. On réalise des visites à domicile, on élabore des demandes de financement, on imagine des solutions mais ensuite on ne voit pas si les travaux réalisés sont bien conformes à ce qui a été préconisé. Cela peut être frustrant. Mais quand des pa-tients reviennent en consultation, ils nous font des retours qui sont généralement po-sitifs. Enfin, il arrive que, pour diverses rai-

sons, un logement ne soit pas adaptable et qu’il faille envisager un déménagement ou une orientation en établissement spécia-lisé. C’est une responsabilité pas toujours simple à assumer.

En résumé, quelles sont pour vous les qualités indispensables à un bon ergothé-rapeute ? Tout d’abord, le sens du relation-nel. L’ergothérapeute doit savoir écouter, être en empathie, s’intéresser à la personne et pas uniquement au handicap. Outre les connaissances liées à sa formation, il doit ensuite développer des compétences dans des domaines spécialisés (pédiatrie, géria-trie), ou des registres particuliers (fonc-tions cognitives, outils informatiques). Il doit enfin être curieux, savoir recueillir de l’information et faire preuve d’ingéniosité. Aujourd’hui, on parle de livres écrits par des personnes handicapées avec leurs pau-pières… nul doute que là-dessous, il y a eu des ergothérapeutes ! florence raynal

témoignage EN toUtE iNdéPENdANCEinfirme moteur cérébral depuis sa naissance, François Remy vit à évreux depuis plusieurs années. grâce au travail des ergothérapeutes et à l’évolution des matériels et des technologies, il peut maintenir et faire progresser son autonomie. « Dès l’âge de 3 ans, j’ai été placé en institution. Dès mon plus jeune âge, j’ai donc été en relation avec des ergothérapeutes. Au fil du temps, j’ai voulu faire le maximum de choses pour dépasser mon handicap et être le plus autonome possible. J’ai eu un premier fauteuil manuel, puis électrique. Ce fut pour moi un sentiment de liberté. Je pouvais désormais me déplacer seul sans dépendre d’un « pousseur ». Ensuite, j’ai pu quitter l’institution pour emménager dans mon propre appartement. Enfin, j’avais un chez moi ! Avec l’aide d’un ergothérapeute, il a fallu l’aménager, à commencer par la porte d’entrée qu’il était nécessaire d’élargir afin que je puisse aller et venir avec facilité. La salle de bains a dû aussi être totalement équipée,

tout comme les toilettes et ma chambre, notamment autour de mon lit.

fAiRE LES CHoSES Soi-MêMEComme je voulais m’investir dans la vie associative, il m’a fallu acquérir un dispositif de synthèse

vocale pour préparer mes interventions afin d’être compris de tous, tout en limitant ma fatigue. J’ai également dû m’équiper d’un ordinateur avec un clavier et une souris spéciaux. Un outil qui me permet de faire tous mes courriers et mes

démarches moi-même. A chacune de ces étapes, j’ai eu recours aux conseils d’un ergothérapeute afin d’arrêter mes choix sur les aides techniques adéquates qui me permettaient de conserver mon autonomie et même d’en gagner. Aujourd’hui, bien que la plupart de ces aménagements soient achevés,

il reste toujours des choses à améliorer, car ma situation et mes besoins évoluent au fil des années et que les technologies facilitent toujours plus mon inclusion dans la société. Il reste cependant un point qui pose problème : pouvoir voyager en France et à l’étranger de façon indépendante. Dans ce domaine, on ne peut compter que sur la prise de conscience et la volonté des pouvoirs publics pour changer les choses… En attendant, mon seul souhait est de vivre pleinement ma vie. Pour cela, je peux également m’appuyer sur la présence et le dévouement de mon auxiliaire de vie qui, au quotidien, m’est d’une aide précieuse. »

françoise vlaemÿnck

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devenir ErgothérapEutE 

coût dE la formation il faut compter une centaine d’euros de frais d’inscription au concours. En formation initiale, selon les établissements, le coût de la scolarité varie de 1 500 € à 5 800 € par an.

saLaireLa fourchette est large et dépend du secteur d’activité : entre 1 500 € et 3 500 € euros bruts. A l’hôpital public : 1 500 € en début de carrière et 2 500 € en fin de carrière.

cursusLa formation se partage durant trois ans entre cours théoriques, sessions pratiques réalisées au sein de l’IFE et stages cliniques en centres hospitalo-universitaires (CHU), cliniques, associations, cabinets libéraux…

La formation est sanctionnée par un diplôme d’État. Le diplôme peut également être obtenu via la validation des acquis professionnels (VAE) et dans le cadre de la formation continue.

Avec quelque 8 000 professionnels en activité, l’effectif des ergothérapeutes a quasiment doublé en dix ans. La formation alterne

entre cours théoriques et stages sur le terrain.

débouchés profEssionnEls Les principaux sont :• Les établissements de soins et de rééducation, les maisons de retraite, les établissements psychiatriques. Les structures de soins et de maintien à domicile, qui se développent de plus en plus, recrutent également, ainsi que les MDPH.• Les fabricants d’appareils d’équipement domestique et d’aménagement de l’habitat font aussi appel à ces professionnels pour du conseil et de l’expertise.

• En entreprise, les ergothérapeutes peuvent également intervenir pour adapter les postes de travail et former les salariés à des gestes et postures adéquats en fonction de leur activité professionnelle.• En secteur libéral, l’exercice de l’ergothérapie demeure rare car leurs prestations ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale. Ainsi, seuls quelque 500 ergothérapeutes exercent en libéral en France.

evoLution de carrièreL’ergothérapeute peut accéder à des fonctions d’expert dans un domaine particulier. Après quatre ans d’exercice, il peut aussi entreprendre une formation de cadre de santé puis gravir

les échelons : assurer des fonctions de cadre supérieur de santé et, après une formation complémentaire, devenir directeur des soins et directeur d’établissement médico-social.

EntréE En formation En France, 19 instituts de formation en ergothérapie (IFE) publics et privés préparent au métier d’ergothérapeute. Dans l’Eure, un institut ouvrira ses portes en septembre 2013 à l’hôpital de la Musse, à Saint-Sébastien-de-Morsent. Le concours d’entrée dans ces écoles est ouvert aux personnes possédant au minimum un Bac ou équivalent. Par ailleurs, certains établissements n’ouvrent leur concours

qu’à des étudiants ayant effectué la Première année commune aux études de santé (Paces), la 1ère année de licence Staps ou de licence de Sciences et Vie. A noter qu’il existe de nombreuses classes préparatoires au concours. En 2012, seuls 12 % des candidats ont réussi les épreuves d’admission. 85 % étaient des bacheliers de la filière scientifique et la majorité avait suivi une classe préparatoire.

en savoir pLus association nationaLe françaisE dEs ErgothérapEutEs www.anfe.frLa capacité du nouvel Institut de formation en ergothérapie à l’hôpital de la Musse est de 35 places. L’entrée s’effectue par concours. Conditions d’inscription sur le site www.larenaissancesanitaire.fr/musse.php

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« Je suis autonome dans l’espace public, à condition toutefois que je connaisse les lieux ou que j’aie eu le temps de prendre mes repères. Sinon, j’ai besoin

d’être accompagné. À Évreux, je n’ai pas de difficulté pour me déplacer à pied ou en bus car je connais bien la ville. Et le fait d’avoir été voyant m’aide énor-mément, d’autant que je possède une excellente mémoire et une bonne repré-sentation spatiale. Au fil du temps, j’ai constaté que beaucoup de choses avaient évolué positivement pour faciliter l’auto-

affrontEr la ruEnomie et la sécurité des personnes défi-cientes visuelles dans la rue. Je pense par exemple aux bandes podotactiles* ins-tallées au sol et qui signalent un passage protégé ou un arrêt de bus. De plus en plus de feux tricolores sont également sonorisés et indiquent parfois le nom de la rue. Mais tous les carrefours n’en sont pas équipés… De fait, je n’emprunte pas toujours les trajets les plus courts mais les moins difficiles à pratiquer. Le plus souvent, je me fie uniquement à mon ouïe. Ce qui implique de prendre son temps pour analyser la circulation et

Non-voyant depuis l’âge de 36 ans, Sylvain grille a continué d’enseigner les mathématiques avant de prendre sa retraite. Piéton assidu, il constate cependant que la rue est pleine de pièges qu’il n’est pas toujours aisé d’éviter.

mes obstacLes au quotidien

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« L’un des effets de ma maladie est d’avoir la sensation d’être en per-manence un peu ivre, ce qui occa-sionne des troubles de la motri-cité et des difficultés à conserver

l’équilibre. Dans ces conditions, me dépla-cer à pied dans la rue est parfois difficile. Par exemple, monter ou descendre un trottoir entraîne de nombreuses ruptures d’équilibre. Si contourner un poteau est naturel pour la grande partie des piétons, dévier de ma trajectoire me réclame un gros effort de concentration ; et lorsque ce poteau m’oblige à descendre du trottoir, ça devient très compliqué à gérer. Idem avec des pavés irréguliers. Il suffit que je bute pour que mon équilibre soit rompu. Dans ce cas, le risque de chute est réel ! Et que dire des panneaux publicitaires plantés en

plein passage… Bref, désormais quand je sais qu’il va me falloir marcher ou rester debout longtemps, j’utilise un fauteuil rou-lant. Mais, là encore, ce n’est pas simple : il faut que je sois accompagné parce que les rues, la plupart du temps, ne sont pas prati-cables. Mais cela me permet quand même de renouer avec des activités que j’avais dû abandonner, comme aller dans les musées ou participer à diverses manifestations. Dans ces situations, en effet, je ne peux pas, en même temps, me déplacer et soutenir une conversation car il faut que je mobilise ma concentration pour conserver mon équilibre.

UNE foRME d’HUMiLiAtioNSouvent, je perçois cette entrave à ma liberté de circulation et à mon autonomie comme une atteinte à mon intimité ; je me sens parfois un sous-citoyen. On n’a pas toujours envie d’être aidé ni de demander de l’aide, même si, globalement, les gens sont prévenants. Je vis la dépendance aux autres comme une forme d’humiliation. J’aimerais pouvoir faire des choses seul, par exemple entrer dans une boulangerie pour acheter du pain ! Mais force est de constater qu’un grand nombre de com-merces de détail sont inaccessibles en ville. Si je peux comprendre que les petits com-merçants n’aient pas toujours les moyens d’investir pour aménager leur boutique, je suis en boule lorsque je ne peux pas accéder au guichet de ma banque ou à celui d’une administration ! Une maman avec une poussette ou une personne âgée aura la même difficulté que moi. Dès lors, prévoir des aménagements pour faciliter la circulation et favoriser l’autonomie ne concerne pas que les personnes handica-pées mais bien tout le monde ! Malgré cela, je reste optimiste car, depuis le vote de la loi de 2005, beaucoup de choses ont évo-lué positivement en matière d’accessibilité. Même si nous partons de très loin et qu’il reste énormément à faire.  » françoise vlaemÿnck

il rEstE bEaucoup à fairEA 57 ans, Luc Cassius, qui vit à évreux, est atteint d’une maladie neurologique rare entraînant des troubles de la marche et de l’équilibre. Pour ce bénévole très actif de l’association des paralysés de france (APf), se déplacer en ville reste trop souvent un parcours du combattant.

savoir, par exemple, si l’on est dans une rue à sens unique ou à double sens. Dans ces conditions, il faut avoir confiance en soi pour affronter la rue. D’une manière générale, évoluer dans l’espace public demande d’ailleurs une bonne dose de concentration. Si j’ai l’esprit ailleurs ou que j’utilise mal la canne, je peux, par exemple, me cogner dans des poteaux implantés au milieu des trottoirs. Heu-reusement, cela ne m’arrive pas très fré-quemment…

LE CœUR QUi fAit UN BoNdLe plus souvent, et c’est ça qui repré-sente un vrai danger pour les déficients visuels, ce sont les évènements inhabi-tuels, comme les travaux, qui ne sont pas toujours bien signalés. Si un chan-tier de voirie est matérialisé par des barrières, cela ne pose pas de problème, mais si les limites sont seulement repré-sentées par des piquets et un bandeau attaché en hauteur, je ne peux pas les détecter avec une canne. Cela m’est déjà arrivé de tomber dans une tranchée ! Les trottoirs étroits avec des poubelles au milieu ou des voitures et deux-roues mal garés sont aussi un vrai problème : dans ce cas, je suis obligé de marcher sur la chaussée ! Mais le plus désagréable, ce sont les automobilistes qui, croyant bien faire, klaxonnent pour prévenir de leur passage. C’est très déstabili-sant. Et, à chaque fois, mon cœur fait un bond… Je n’aime pas trop non plus marcher dans les « zones 30 » car il n’y a pas de démarcation entre la chaussée et la zone piétonne. D’ailleurs les asso-ciations de déficients visuels militent pour qu’y soit aménagé un minimum de matérialisation. Idem pour les bateaux des trottoirs  : ils sont parfois tellement abaissés qu’ils ont disparu alors que des normes existent et qu’elles conviennent aussi bien aux personnes en fauteuil roulant ou à mobilité réduite qu’à nous, les déficients visuels. Les associations souhaitent également que les véhicules électriques émettent un son minimum, car on ne les entend pas, tout comme les vélos. Mais, heureusement, ces phéno-mènes urbains ne se produisent pas tous le même jour, sinon, il serait difficile de sortir de chez soi ! » fv

* Une bande podotactile est une surface présentant une texture que les piétons atteints d’une déficience visuelle peuvent reconnaître au toucher (par les pieds ou avec leur canne blanche).

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handicap & travaiL

« Je suis atteinte d’une surdité bila-térale depuis l’âge de deux ans. J’ai donc suivi ma scolarité dans des établissements spécialisés pour sourds à Rouen et Paris. Je

suis appareillée et oralise, mais je com-munique également en langue des signes (LSF). J’ai une formation en comptabilité et secrétariat administratif. Après mes études, j’ai travaillé comme aide-comp-table pendant deux ans puis, jusqu’en 2011, comme agent administratif à la di-rection d’une école, mais c’était assez dif-ficile car peu d’efforts étaient faits pour que je m’intègre totalement.

J’ai pourtant fait le choix de continuer à chercher un emploi en milieu ordi-naire. Je n’ai jamais envisagé de travail-ler en ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail). J’avais l’impres-sion qu’ils étaient plutôt destinés à des personnes présentant un handicap lourd et les tâches de production qui y

sont généralement proposées ne m’atti-raient pas. Bref, je pensais que je ne me sentirais pas très à l’aise dans cet univers professionnel.

Je constate cependant qu’il est très difficile de trouver un emploi lorsqu’on est handicapé. Malgré la loi qui fait obligation aux employeurs d’avoir au moins 6 % de travailleurs handicapés dans leur effectif, nombre d’entre eux préfèrent payer une pénalité plutôt que d’embaucher ce profil de salariés. Le plus souvent, ils ont une mauvaise opinion du handicap et de fait, je crois qu’ils ne souhaitent pas que l’image de leur entreprise y soit associée. Il faudrait pourtant que les mentalités évoluent,

cela permettrait notamment de por-ter un autre regard sur le handicap et de mieux le comprendre, d’autant qu’il peut survenir à n’importe quel moment et toucher tout le monde.

CRéER dU LiENDepuis juillet 2012, je travaille à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de l’Eure. J’ai postulé spontanément sur les conseils de Cap Emploi, un dispositif financé par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handi-capées (Agefiph). Je m’occupe de la ges-tion électronique de documents. Je suis très autonome dans mon travail et les missions qui me sont confiées corres-pondent parfaitement à ma formation. Du moment que je n’ai pas à répondre au téléphone, je n’ai pas besoin d’amé-nagement spécifique de mon poste de travail. En revanche, ici, mon handicap est pris en considération. Lors de réu-nions, par exemple, il y a désormais une traduction écrite. Je suis rassurée de tra-vailler dans cet environnement car mes collègues comprennent mon handicap. Par exemple, ils se placent bien face à moi et ils articulent de manière à ce que je puisse lire sur leurs lèvres. Mes condi-tions de travail sont donc confortables mais c’est loin d’être toujours le cas. Il n’est pas rare en effet que des personnes handicapées ne bénéficient d’aucun aménagement de poste, pas rare non plus que les locaux des entreprises soient inaccessibles aux personnes à mobilité réduite…

En dehors des aspects économiques, travailler est socialement et personnel-lement très important pour moi. Je n’ai pas envie de rester dans mon coin, de vivre repliée sur moi et ma petite famille – j’ai deux enfants entendants. Travail-ler permet, en effet, de créer du lien, de se confronter à de nouvelles expériences et aux autres, de s’enrichir, de sentir qu’on a sa place dans la société et qu’on y a toute son utilité. »

françoise vlaemÿnck

prendre sa pLaceA 32 ans, Marie Kahilia mène de front sa vie professionnelle et familiale. Pour elle, l’intégration dans le monde du travail des personnes en situation de handicap ne va pas de soi. Si certains employeurs font des efforts pour intégrer ces salariés, trop se désintéressent encore de cette question.

« il n’est pas rare que des personnes handicapées ne bénéficient d’aucun aménagement de poste, ou que les locaux des entreprises soient inaccessibles. »

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«De formation, je suis menui-sier-charpentier. Mais j’avais beaucoup de difficultés à trouver un emploi dans cette branche car, aux yeux des employeurs, je

n’avais pas suffisamment d’expérience. Je me suis donc réorienté dans l’entretien d’espaces verts puisque j’avais des connais-sances dans ce domaine et aussi beaucoup de pratique. Cependant, je ne suis jamais parvenu à trouver un emploi stable. Je n’enchaînais que des CDD et des missions d’intérim. Puis, il y a quelques années, j’ai eu un accident et je suis resté hospitalisé durant 18 mois avant d’entrer en centre de rééducation. Je suis notamment resté am-nésique pendant plusieurs mois. Tout en poursuivant ma réadaptation, j’ai effectué quelques stages en entreprise pour évaluer mes capacités à retourner en milieu ordi-naire. Le bilan ne fut pas très concluant. Mon équilibre n’était pas très bon et je ne pouvais plus porter de charge. Cela a été dur d’accepter l’évidence. La formatrice d’insertion sociale et professionnelle du centre m’a alors proposé d’intégrer un Esat. Je connaissais ces structures de nom, mais je ne savais pas exactement ce qu’elles faisaient. Et, comme beaucoup, j’avais une image assez négative du handicap. D’ail-leurs, j’ai moi-même longtemps refusé d’admettre que j’étais handicapé. QUE VA PENSER MoN EMPLoyEUR ?J’ai quand même accepté de faire un stage d’observation à l’Esat, et je dois dire qu’à partir de ce moment-là, mon regard sur le handicap a totalement changé ! L’ambiance entre les collègues et avec l’encadrement est très bonne. Et je bénéficie d’un suivi social et pro-fessionnel, ce qui est très sécurisant. Je travaille dans les espaces verts, pour des entreprises ou des particuliers qui ont des contrats d’entretien avec l’Esat, mais je suis en binôme. Quand je ne par-viens pas à faire certaines tâches, mon collègue m’aide et inversement. Par ail-leurs, nous avons régulièrement des for-mations sur le maniement du matériel et la sécurité. Bref, je me sens plus à l’aise dans mon travail qu’auparavant et j’ai repris confiance en moi. Mon parcours prouve qu’une personne handicapée, à condition qu’elle soit soutenue et entou-

rée, peut surmonter son handicap et faire des choses dans la vie de manière autonome. Aujourd’hui, avec l’éduca-teur, je prépare mon retour en milieu ordinaire. Mais j’ai un peu d’appréhen-sion sur les objectifs et le rendement qui y est recherché. Les entreprises ne réalisent pas toujours qu’un travailleur

À la suite d’un accident, Michel Quérité, 33 ans, s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé. il a depuis intégré un établissement et service d’aide par le travail (Esat) de l’association les Papillons blancs, à évreux. il a pour projet de rejoindre une entreprise ordinaire dans les prochains mois.

handicapé ne peut pas forcément four-nir la même quantité de travail qu’un salarié «normal». Si je n’y arrive pas, que va penser mon employeur : que je ne suis pas la hauteur ? Ça me soucie. À l’Esat, nous ne sommes pas confrontés à ça. On s’entraide…» fv

rEtrouvEr la confiancE En soi

« Mon parcours prouve qu’une personne handicapée, à condition qu’elle soit soutenue et entourée, peut surmonter son handicap. »

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nicoLas, scoLarisé en institutionCe jour-là, Nicolas, 13 ans, rentre d’une sortie scolaire, un large sourire aux lèvres. Il fréquente depuis maintenant deux ans l’Institut d’Education Motrice « La Source » à Vernon. Auparavant, il était scolarisé dans une école classique. Mais sa maladie dégénérative, qui atteint les muscles, a contraint ses parents à trouver une autre solution pour sa scolarité.

Nicolas a démarré son cursus scolaire comme tous les autres enfants, dans le Loiret. En 2006, ses parents ont déména-gé dans l’Eure, où le jeune garçon est ren-tré en CP. « Nous avions prévenu la maî-tresse de Nicolas qu’il était dyspraxique et souffrait de troubles de la coordina-

tion » se souvient Claire Dardennes, sa maman. La même maîtresse l’a suivi deux ans. Puis a proposé aux parents un redoublement pour Nicolas.

dES AidES MiSES EN PLACEPour son deuxième CE1, l’enfant a bé-néficié d’un ordinateur et d’une auxi-

liaire de vie scolaire (AVS) six heures par semaine : des aides attribuées par la MDPH, sur avis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). L’année suivante, Nicolas a fait sa rentrée en fauteuil rou-lant ; l’AVS l’accompagnait alors 18 heures par semaine. Mais fatigué par la maladie,

une écoLe pour chacunScolariser son enfant en situation de handicap pose de nombreuses questions aux parents. faut-il privilégier un établissement scolaire classique ou une institution ? Vers qui se tourner ? illustration avec le portrait de deux enfants aux handicaps et parcours scolaires très différents : l’un est accueilli dans un centre spécialisé, l’autre passe une heure et demie par jour dans l’école de son quartier.

La Source, institut d’Education Motrice de VernonNicolas est dans une classe de neuf enfants âgés de 12 à 16 ans. L’instituteur spécialisé travaille avec deux éducatrices. A la Source, on compte trois classes et 22 enfants âgés

de 5 ans et demi à 16 ans. L’établissement a été créé en 1992. « Nous proposons un projet global : paramédical, éducatif et social, décrit le directeur Gilles Calderan,

nous ajoutons également dans nos prises en charge un volet social et psychologique. Tout se construit autour de l’enfant qui souffre d’un handicap moteur et de ses besoins. »

handicap & scoLarité

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il a rencontré des difficultés pour suivre le rythme imposé par le programme. Son maintien dans un établissement scolaire classique s’est révélé incertain. Ses pa-rents, conseillés par un enseignant réfé-rent handicap, se sont alors tournés vers le SESSAD, service d’éducation spéciale et de soins à domicile. « Le SESSAD nous a permis de proposer à Nicolas une prise en charge globale et multidisciplinaire avec un kiné, un ergothérapeute, un psy-chologue, un psychomotricien », raconte Claire Dardennes. « Nous n’avons pas fait appel à eux tout de suite car nous ne connaissions pas cette structure », ajoute Eric Dardennes, le papa. « Pourtant, elle nous a beaucoup apporté, et Nicolas a pu rester auprès de ses camarades.  »

UN CENtRE SPéCiALiSé fiNALEMENt ENViSAgéEn 2010, Nicolas a suivi son CM1 avec 18 heures d’AVS, l’accompagnement du SESSAD et d’une orthophoniste en libéral. Mais l’année d’après, Nicolas a dû quitter ses camarades de classe pour re-joindre un centre spécialisé. La décision a été prise avec toute l’équipe éducative. « L’école était devenue trop compliquée, explique Eric Dardennes, et Nicolas souf-frait de ses échecs… Cette décision a été difficile à prendre mais nous souhaitions que notre fils retrouve confiance en lui. »

Nicolas, délégué de sa classe, a long-temps regretté son école et ses amis. A la Source, il s’est trouvé confronté aux handicaps des autres et inévitablement à son propre handicap. « Nous pensons aujourd’hui que nous avons fait au mieux, même si cela n’était pas une évidence pour nous au début », analyse le père de Nicolas.

Aujourd’hui, après quelques mois dif-ficiles et une angoisse générée par la nou-veauté du lieu, Nicolas a pris ses marques dans sa nouvelle classe et s’y sent bien. « Il est heureux d’y aller, décrit Eric, il est toujours souriant et blagueur  !  »

La materneLLe et Le cmp pour enzoEnzo Kiss Mombo Bokiba souffre d’au-tisme. «  Il présente en tout cas certains signes, précise Myriam Mombo, sa ma-man. A 5 ans, il peut dire quelques mots mais ne fait aucune phrase. Et il est très introverti. » Enzo partage ses matinées entre l’école maternelle de son secteur et le centre médico-psychologique (CMP). Cette organisation s’est mise en place pe-tit à petit. Il y a trois ans, la maman d’En-

zo, inquiète du comportement de son fils alors âgé de deux ans, se rend au CMPP (Centre médico-psycho-pédagogique). On l’oriente vers le CMP. «  Enzo y est suivi depuis deux ans, raconte Myriam Mombo. La directrice de l’école de mon quartier m’a également contactée pour me dire que mon fils pouvait être scolarisé. Sans elle et ses conseils, je n’aurais pas su qu’Enzo pouvait aller à l’école. »

diRECtioN LA MdPHMyriam Mombo entame des démarches auprès de la MDPH et monte un dos-sier avec le soutien de la directrice de l’école. A la rentrée scolaire 2012, Enzo découvre l’école maternelle. Il bénéfi-cie d’une auxiliaire de vie scolaire pour l’heure et demie qu’il passe quotidien-nement à l’école et un chauffeur de taxi gère ses trajets. « Aujourd’hui, le système tourne plutôt bien », se réjouit Myriam Mombo.

Après l’école, Enzo passe au moins trois heures au CMP et l’après-midi, il retrouve sa maman. « Le CMP res-semble à une école mais les instituteurs sont remplacés par des psychologues ou des infirmières, décrit Myriam Mombo. Enzo y pratique de nombreuses activités. Une fois tous les deux mois, je fais un

point avec les professionnels du CMP, en présence d’Enzo. Je tiens à ce que mon fils fréquente cet établissement le plus pos-sible, pour qu’il soit entouré. C’est très important pour lui qui est très renfermé. Et pour moi aussi. »

LES BiENfAitS dE L’éCoLEMême si Enzo a du mal à se concentrer, à rester sur sa chaise et à ne pas se dépla-cer dès qu’il le désire, son intégration scolaire lui permet d’évoluer dans de nombreux domaines. « J’aimerais bien sûr qu’il aille davantage à l’école, raconte sa maman, mais avec la directrice et les professionnels de la MDPH, nous avons décidé de demander les mêmes horaires pour l’année prochaine. Un accueil plus long serait difficile pour tout le monde. Je maintiens toutefois mon objectif de voir mon fils aller à l’école primaire.» Pour la maman d’Enzo, l’école est un vrai plus pour son fils. Il lui a ramené récemment sa première peinture. « Elle est magni-fique, s’exclame la maman. Elle n’est pas parfaite, mais je vois bien qu’il s’est concentré. J’ai demandé confirmation à la directrice de l’école : il n’a pas été aidé pour faire son chef-d’œuvre qui est désor-mais accroché dans ma cuisine. »

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si certains pensent qu’elle « occupe » son temps en atten-dant de retrouver un emploi, d’autres la voient comme une idéaliste. Mais ces réac-

tions ne surprennent pas cette communi-cante, par ailleurs dotée d’un grand sens de l’humour. Et du challenge ! Car pour Véronique, ces attitudes sont avant tout révélatrices du manque de culture du bé-névolat en France, contre lequel elle milite aujourd’hui pour faire bouger les lignes. Rencontre avec une jeune femme au franc parler, qui a changé de regard sur le handi-cap en s’engageant.

Qu’est-ce qui a motivé votre engage-ment ? Pendant un an à Montréal, j’ai été chargée de communication sur l’environ-nement et le développement durable dans un organisme à but non lucratif. J’y ai ren-contré beaucoup de jeunes qui venaient me trouver pour faire du bénévolat. Là-bas, c’est une deuxième nature, c’est logique. Et ça m’a fait réfléchir. Je me suis dit que si je rentrais en France, je m’engagerais. Que ce n’était pas une question de disponibilité, qu’il fallait juste avoir le courage de le faire. Dès mon retour à Évreux, je suis allée voir

s’engager pour

changer de regardA 27 ans, après un séjour professionnel au Canada, Véronique guédée a choisi de devenir bénévole auprès de l’Association des paralysés de france. Une décision qui a surpris ses amis.

voir Le handicap autrement

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l’APF. Au départ, j’avais proposé d’accom-pagner leurs sorties mais quand je les ai rencontrés, ils voulaient refaire leur pla-quette de présentation. Comme c’est mon métier, j’ai également offert mon aide.

Pourquoi avoir choisi l’APF ? Aucun de mes proches n’est handicapé, je ne connais pas ce monde-là. Mais je l’ai « approché » parce que j’ai eu une scoliose foudroyante à 15 ans qui a nécessité une opération de la colonne vertébrale. Suite à l’intervention, j’ai dû passer trois jours en fauteuil roulant. Trois jours, ce n’est rien, mais je n’appréciais pas de compter sur ma mère pour m’ame-ner d’un point A à un point B. Je me sentais un peu dépendante. Par la suite, quand je voyais des personnes en fauteuil roulant en difficulté à cause d’un trottoir, cela me révoltait. Bref, l’APF est l’association avec laquelle j’ai senti le plus d’affinités et dans laquelle j’ai pensé que je pouvais aider.

Avant, quel était votre regard sur le han-dicap  ? Un regard indigné à cause des endroits peu accessibles pour les personnes en fauteuil roulant. Mais ça n’allait pas plus loin. Je restais dans mon petit monde, un peu individualiste. Au Canada, les jeunes qui sont révoltés poussent la porte d’une association et disent : « Bon qu’est-ce que je peux faire pour vous aider ? ». C’est tout simple et ça m’a ouvert les yeux. Et puis là-bas, j’ai croisé des jeunes en insertion qui avaient un comportement un peu bizarre et même parfois quelques petits accès de violence. Au début, je n’osais pas leur parler et tout le monde me disait : « Vas-y ! ». J’ai eu le déclic, j’ai compris qu’il fallait oser, et c’est vraiment là que j’ai changé de regard.

Pour changer de regard, il suffit d’oser ? Absolument  ! Les valides ne savent pas comment aborder les personnes handica-pées. Quand on ne connaît pas, on a peur. Alors, dans la rue, s’ils voient une personne qui a coincé son fauteuil sur un bord de trottoir, ils se disent « Ah mon Dieu ! », au lieu d’y aller et de demander s’ils peuvent aider. Ils n’osent pas, par peur de se faire envoyer balader ou de ne pas trouver les mots justes. Parce qu’ils imaginent qu’à cause du handicap, il faut être compa-tissant. Mais cela relève du mythe  ! Oui, certaines personnes handicapées n’aiment pas que l’on pousse leur fauteuil parce qu’elles veulent être indépendantes, et c’est

leur droit ! Par ailleurs, être handicapé ne veut pas dire « tout gentil, tout beau, dans un petit monde ». En fait, la difficulté, c’est d’agir normalement. Ce n’est pas parce que la personne est handicapée qu’il faut s’adresser à elle comme à un enfant  ! Je grossis un petit peu, mais c’est ça.

Vous avez connu cette peur  de «  mal faire » à l’APF ? Oui, et je l’ai surmontée par l’humour et l’honnêteté. Dès le début, j’ai expliqué qu’il n’y avait pas de personnes handicapées dans mon entourage, que je ne savais pas comment me comporter, qu’ils devaient m’apprendre. C’est un échange. Pour éradiquer la peur, il faut à la fois se mettre à leur place et rester soi-même. Du coup, on a la même attitude avec les per-sonnes handicapées qu’avec les autres. Ce cap, mes amis, par exemple, ne l’ont pas passé. Ils me disent : « Tu es courageuse, quand même !  ». Mais quand on va visiter le Louvre avec un groupe, où est le cou-rage ? En fait, il n’est pas du côté des « va-

lides ». Par exemple, cette visite du Louvre a été un véritable parcours du combattant pour le groupe. Le bus nous a déposés au niveau du sous-sol ; pour rejoindre le rez-de-chaussée depuis le parking, il a fallu une heure et demie. Plus que le temps de voyage d’Évreux à Paris  ! Parce qu’il y a seulement deux ascenseurs où ne rentre qu’un fauteuil et que nous étions une tren-taine. Ensuite, pour les toilettes, pareil ! Il y avait, certes, un espace adapté mais, un par un, c’est très long. D’autant que cet espace était au fond et que les fauteuils avaient du mal à passer entre les lavabos… C’était donc assez frustrant. Les personnes que j’accompagnais le déploraient : « On veut juste visiter le Louvre, un des plus beaux musées du monde, et voilà où on passe notre temps… » Eh bien le courage, il est là.

Que faudrait-il faire pour que le regard change ? Développer la culture du béné-volat. Les sensibilisations dans les écoles, c’est bien, mais on pourrait imaginer que les enfants ou les ados viennent un samedi par mois dans une association. Aider, ça ne signifie pas nécessairement pousser un fauteuil ! Il y a des ateliers de création : un jeune qui aime bien la musique peut proposer ses services à l’APF. Ce n’est pas contraignant, on peut le faire de temps en temps, une fois par mois ou tous les deux mois, il n’y a pas d’obligation… Et ça pour-rait vraiment participer au changement de regard, car les personnes handicapées restent malheureusement trop souvent entre elles. La majorité des bénévoles sont des retraités ou des proches de personnes handicapées. Il n’y a pas assez de jeunes.

Comment pensez-vous réussir à convaincre vos amis  ? Il faudrait que je les emmène à l’APF. Si je leur dis que je tra-vaille à la préparation d’un événement et que j’ai besoin d’eux, je sais qu’ils le feront et ce sera là que leur regard changera vrai-ment. C’est par l’engagement qu’on peut impulser le changement !

propos recueillis par laurent tastet

« Par exemple, cette visite du Louvre a été un véritable parcours du combattant (…) : pour rejoindre le rez-de-chaussée depuis le parking, il a fallu une heure et demie ! »

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vivre avec une personne handicapée

proches et aidants

gwenaëLLe et vianney Gwenaëlle Le Bervet et Vianney Chan-Tsin vivaient ensemble depuis plusieurs années près de Bayeux, avec les enfants de Gwenaëlle, lorsqu’en 2003, Vianney a eu un accident de la circulation qui l’a rendu tétraplégique. Après un mois de réani-mation, un mois de post-réanimation et six mois de centre de rééducation, Vian-ney a retrouvé les siens. « Les débuts ont été compliqués, se souvient sa compagne.

Nous habitions un rez-de-chaussée suré-levé. Il fallait que quelqu’un m’aide pour que nous puissions sortir. Nous avons très rapidement fait une demande de loge-ment mais il n’y en avait pas pour une famille de quatre personnes. Nous avons finalement obtenu une petite maison qui était loin d’être idéale puisque la salle de bain était à l’étage... Nous y sommes tout de même restés jusqu’en 2010. »

UNE NoUVELLE ViE dANS UNE NoUVELLE MAiSoNDepuis, ils ont acheté et aménagé une

maison près du centre ville de Caen. Vianney s’est occupé des devis, Gwe-naëlle supervisait. Cette maison leur a changé la vie. «  C’est un vrai bonheur, raconte Gwenaëlle. Vianney peut circuler librement, il n’est pas confiné. Je me sens également beaucoup moins envahie par le personnel qui peut être amené à intervenir à la maison. »

Cette sensation de ne plus se sen-tir chez elle dès qu’une personne passe à son domicile a incité Gwenaëlle, en accord avec son compagnon, à éviter au maximum de faire appel à une tierce personne pour gérer le quotidien de Vianney. Du coup, elle s’occupe des toi-lettes et des soins pour privilégier leur intimité. « A Bayeux, dix-sept personnes différentes tournaient chez nous, se sou-vient-elle, le personnel changeait souvent. Je n’avais pas envie de cela. » Cette indé-pendance vis-à-vis des autres leur offre une liberté incroyable, malgré le han-dicap de Vianney. « Nous pouvons par-tir plus facilement en vacances, illustre Gwenaëlle. Nous sommes allés plusieurs fois aux Etats-Unis et à Londres, nous prenons l’avion régulièrement. Nous fai-sons ce que nous voulons. Pour nous, rien n’est impossible. Tout est plus compliqué, bien sûr, et demande beaucoup de temps, mais quand nous avons envie de quelque chose, nous nous donnons les moyens d’y arriver. C’est notre moteur. »

on parle rarement d’eux. Pourtant, ils occupent une place essentielle dans la vie de la plupart des personnes

en situation de handicap. on les appelle désormais les « aidants familiaux ». Pour idem, trois d’entre eux,

Jacqueline, Serge et gwenaëlle, racontent leur quotidien.

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ENSEMBLE PoUR LE MEiLLEURGwenaëlle gère donc seule le quotidien, tout en travaillant à temps plein. « Gwen-aëlle est très présente, raconte timidement Vianney, elle m’aide à faire tout ce que je ne peux pas faire seul. Elle m’accompagne et accepte pas mal de choses... » « Je l’aide, je l’assiste, confirme Gwenaëlle, mais il essaie aussi de faire un maximum de choses. Parfois, je n’hésite pas à lui dire non si j’estime qu’il peut se débrouiller... » Le caractère de Vianney leur permet aus-si d’avancer dans leur vie. « Vianney est un battant, il ne se laisse pas aller. Il était comme cela avant l’accident et l’est resté... On peut même le qualifier d’hyperactif. Il a toujours une personne à voir ou un ami à appeler. Parfois, il me fatigue ! Ce trait de caractère nous porte tous. Si Vianney res-tait à la maison à ne rien faire, la situation deviendrait rapidement invivable... Mais il est très dynamique, il est incroyable ! »

Pour tout gérer, Gwenaëlle dit avoir fonctionné à l’instinct. «  Juste après l’accident, se souvient-elle, j’étais extrê-mement triste mais je devais être présente auprès de lui. » Elle passera des journées entières à l’hôpital. «  C’est l’amour qui m’a fait tenir, estime Gwenaëlle. Quand on aime, on se bat. Je n’ai pas réfléchi. »

JacqueLine et sergeJacqueline et Serge Binet ont deux en-fants. Un soir, Sophie a fait un AVC en rentrant du travail. Elle avait à peine trente ans. C’était il y a presque dix ans. Depuis, elle souffre d’un syndrome d’en-fermement (locked-in syndrome) et elle est paralysée des quatre membres. Elle ne parle pas, ne bouge pas mais entend et comprend tout. Ce sont ses parents qui s’occupent d’elle à temps plein, plus particulièrement sa mère qui a arrêté de travailler en décembre 2005. Ils assument aussi, depuis cette époque, leur petite-fille Laureen (la fille de Sophie) qui passe son bac cette année.

Jacqueline et Serge gèrent ensemble le quotidien de Sophie qui se déplace dans un fauteuil. « Il faut que je sois en perma-nence avec elle, décrit Jacqueline, le quo-tidien est très difficile. Nous ne pouvons pas sortir, nous n’avons pas de week-end. Mon mari doit m’aider à la sortir de son lit, je dois lui faire la toilette et les soins. Au début, nous avions une personne qui venait pour ces tâches mais ce système ne convenait ni à Sophie, ni à nous. Nous

souhaitons finalement nous occuper de notre fille le plus longtemps possible. »

dES SéJoURS EN CENtRE dE tEMPS EN tEMPSLes parents de Sophie font régulière-ment des demandes pour qu’elle passe du temps dans des centres spécialisés. L’oc-casion pour elle de bénéficier de soins et d’activités adaptées. L’occasion pour eux de se reposer et d’avoir un peu de temps libre. Mais les places sont rares. Son der-nier séjour, récent, a été attendu pendant plus de deux ans. Une demande a d’ores et déjà été faite pour un nouveau séjour en centre en 2014.

Quand elle est chez elle, Sophie lit beaucoup. Ses parents lui ont réaménagé le garage de la maison familiale qui est devenu son espace de vie et celui de sa fille. Elle passe du temps devant son or-

dinateur et échange de nombreux mails avec des amis. Elle fait aussi du vélo élec-trique. Le vélo tourne tout seul ; cela fait du bien à la jeune femme d’avoir les arti-culations en mouvement.

Sophie aime aller en ville et flâner dans les magasins d’habillement ou de décora-tion. « Nous allons aussi faire les courses ensemble, ajoute Jacqueline. C’est une vé-ritable expédition mais Sophie aime bien ce moment ! » Tous les vendredis, mère et fille vont au cinéma : c’est Sophie qui choi-sit le film. Et lorsque leur fille se trouve dans un centre assez éloigné de leur domi-cile, Jacqueline et Serge ne rateraient pour rien au monde leur visite du week-end. «  Je lui prépare des crêpes au chocolat tous les samedis que nous dégustons ensemble le dimanche : elle en raffole  », raconte Jac-queline, le sourire aux lèvres.

clémence lamirand

Echanger et partagerJacqueline et Serge Binet ont cherché et trouvé du soutien auprès de l’association Alis. « Une réunion annuelle est organisée, raconte Serge, jeune retraité. Nous

rencontrons des professionnels de santé et obtenons des informations sur le locked-in syndrome. Et nous pouvons, ce qui est essentiel à nos yeux, échanger avec d’autres

personnes concernées par cette maladie. Sophie aime aussi aller à ces réunions qui lui permettent de rencontrer des gens qui souffrent du même syndrome qu’elle. »

Jacqueline et sa fille Sophie

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« J’aime beaucoup la piscine. Je roule la frite pour nager…  » Tristan Gezolme, 7 ans, a dit l’essentiel et passe très vite le relais à Sandra, sa maman. « Avant, il n’osait pas

aller dans l’eau. Tristan a une rétinite pig-mentaire qui le prive de vision périphérique, et tout ce qui sort de son champ de vision lui fait peur. La première fois, en arrivant dans le grand bassin, il a eu une grande frayeur, mais tout de suite, Véronique et une autre accompagnatrice l’ont mis en confiance et maintenant, il adore y aller. Il m’épate parce qu’il plonge, il va dans le grand bassin, et ça, je ne l’aurais jamais imaginé ! » Véronique Delaune, la responsable pédagogique de l’ABCE, se souvient aussi très bien de ces instants qu’elle appelle « les petites réus-sites ». Elle pourrait d’ailleurs en citer biens d’autres. « Bastien est un petit garçon au-tiste qui a toujours refusé le grand toboggan. Et mercredi dernier, il s’est lancé tout seul ! Il ne faut pas brusquer et laisser du temps pour progresser. D’ailleurs, le plus difficile, ce sont les enfants qui ont peur de l’eau. Le handicap n’est donc pas nécessairement là

Créé en 1985, l’Aqua Baby Club Ébroicien, dédié aux bébés nageurs et aux tout-petits ayant peur de l’eau, a progressivement élargi ses activités en s’ouvrant au handicap. Avec un seul objectif : faire partager les plaisirs de l’eau pour effacer les différences.

Nager eNsemble !

des structures ouvertes au handicap

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« Le plus difficile, ce sont les enfants qui ont peur de l’eau. Le handicap n’est donc pas nécessairement là où on peut le penser »

où on peut le penser ». Les douze membres de l’équipe de l’ABCE ont tous été formés au handicap, sans vouloir en faire une spé-cialisation. Pour Véronique Delaune, l’es-sentiel reste l’intégration. « Cela participe

au changement de regard des autres enfants et c’est vraiment le sens de notre démarche. On fait pareil pour les enfants qui ont peur de l’eau. On les mélange avec des enfants qui sont plus à l’aise et qui les aident. »

C’est à la Madeleine, une piscine muni-cipale mise à sa disposition, que l’ABCE accueille les enfants et leurs parents, dans une eau chauffée à plus de 30 degrés. Pour les personnes qui ne peuvent accé-der toutes seules au bassin, la piscine est équipée d’un fauteuil qui tourne et des-cend, facilitant ainsi la mise en eau. Elle dispose par ailleurs d’un fauteuil roulant permettant de faire le relais avec les fau-teuils des adhérents. Si ces aménagements facilitent l’accessibilité, à l’exception d’un pédiluve qui gêne toujours la circulation des fauteuils, le manque d’espace est plus problématique puisqu’il n’autorise qu’une seule cabine adaptée pour les personnes handicapées. L’ABCE envisage donc de changer de piscine même si ce déménage-ment ne résoudra pas tous les problèmes. Car pour Véronique Delaune, les freins à l’accessibilité sont aussi ailleurs : « Il ne

faut pas que les parents hésitent en pensant que ce n’est pas possible. Ils doivent se sentir libres d’essayer. » Un constat partagé par la maman de Tristan. « Avant, je me mettais des obstacles parce que je ne connaissais pas les possibilités de mon fils par rapport à son handicap. Les Jeux paralympiques ont servi de déclencheur. Ils m’ont permis de voir que c’était possible ! » Comme pour Emma, une autre « petite réussite » dont se sou-vient toute l’équipe de l’ABCE. « Elle avait un retard intellectuel et a mis un an avant d’aller dans l’eau. Elle jouait au bord du bassin et un jour, quand elle avait environ 5 ans, elle a dit : « Emma est grande au-jourd’hui », et elle est rentrée dans l’eau ! »

laurent tastet

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À gauche : Bastien et sa maman. Ci-dessous : Tristan.

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lecture pour tous

accès de plain-pied, ascen-seurs, portes élargies… A l’occasion de son agran-dissement et réaménage-ment il y a quelques années,

la médiathèque d’Évreux a fait peau neuve afin d’offrir de meilleures condi-tions d’accueil et d’accès au plus grand nombre, notamment aux personnes en situation de handicap. Cette prise en compte ne s’est pas arrêtée aux seuls aménagements puisque, il y a trois ans, une concertation avec plusieurs associa-tions, dont l’association Valentin Haüy et la Bibliothèque sonore et leurs adhérents, a conduit à la création du « pôle basse vision ». « Nous souhaitions répondre au mieux à leurs attentes et à leurs besoins », explique Hervé Grosdoit-Artur, respon-sable multimédia et référent accessibilité du réseau* des bibliothèques de la ville. « Jusqu’alors, les collections dédiées à ces publics étaient disséminées dans le réseau des bibliothèques de quartiers ou pas tou-

jours aisément accessibles. Par exemple, à la médiathèque, la collection basse vision était située au second étage. »

SENSiBiLiSER LE gRANd PUBLiCCréé en 2010 au rez-de-chaussée, le pôle basse vision compte désormais plusieurs centaines d’ouvrages en gros caractères, des livres sonores ainsi qu’une centaine de DVD en audio description, les biblio-thèques de quartier continuant également à proposer des ouvrages pour les défi-cients visuels. Côté technologie, une ma-chine à lire et un télé-agrandisseur sont en libre service. « Mais à tout moment, les usagers peuvent demander aide et conseil aux personnel. Sur la base du volontariat, une quinzaine d’agents et bibliothécaires ont été formés à l’accueil des usagers han-dicapés », développe le référent. En 2012, en s’appuyant sur la même démarche de concertation, c’est le « pôle sourds » qui a vu le jour. Il propose des ouvrages et

documents ayant trait à la culture sourde ainsi qu’une dizaine de DVD en LSF (langue française des signes). Cet espace est aussi un centre de ressources pour les professionnels et les éducateurs travail-lant dans le champ de la surdité. Par ail-leurs, la médiathèque organise ponctuel-lement des événements : concert dans le noir, projection de films en audiodescrip-tion, soirée conte en LSF… Récemment, elle a accueilli une exposition photogra-phique réalisée par l’Association Eur’en Ciel à l’occasion de séances de parapente organisées pour les personnes atteintes de handicap. « Mais l’un de nos axes de travail est désormais de créer des actions tout public afin qu’y prennent part, sans différenciation, les personnes en situation de handicap et les personnes valides. Par exemple, proposer à tous un évènement en langue des signes permet de sensibili-ser le grand public au handicap », argu-mente Hervé Grosdoit-Artur. Forte de cette dynamique, la médiathèque étudie actuellement un projet de portage gratuit de livres à domicile pour les personnes à mobilité réduite, notamment non-voyantes ou âgées. « Pour l’instant, le pro-jet prévoit une tournée hebdomadaire sur quatre secteurs. A terme, il pourrait être étendu à d’autres handicaps et à toute la ville », conclut Hervé Grosdoit-Artur.

françoise vlaemÿnck

Située au cœur d’évreux, la médiathèque municipale développe depuis plusieurs années des actions en faveur des personnes handicapées. Elle propose ainsi des collections spécifiques dédiées aux déficients visuels et aux personnes sourdes ou malentendantes. Courant 2013, elle devrait également organiser un portage de livres à domicile pour les personnes à mobilité réduite et âgées.

des structures ouvertes au handicap

* Le réseau compte, en plus du site central, trois bibliothèques de quartier et un bibliobus.

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contact Les papiLLons bLancs pont-audemer 02 32 41 15 97 www.lespapillonsblancs-pontaudemer.orgévreux 02 32 62 23 60

Lorsque cette association a été créée en 1963, à l’initiative d’un couple de parents d’un enfant atteint d’un handicap mental, elle n’accueillait que 5 ou 6

enfants et employait une dizaine de sala-riés. « C’était déjà considérable, souligne Francis Perna, l’actuel directeur général, car à l’époque, ce type de handicap était le plus souvent confiné à l’hôpital psychia-trique. » Cinquante ans plus tard, avec un budget annuel avoisinant les 9,5 millions d’euros, les Papillons Blancs de Pont-Au-demer regroupent 9 établissements, em-ploient près de 200 salariés et prennent en charge 365 personnes handicapées.

CoNStRUiRE UN PRoJEt dE ViEAutre temps, autres moyens, mais la phi-losophie reste la même : répondre aux besoins des familles et surtout des usa-

gers, désormais au centre du dispositif. Trois services sont aujourd’hui dédiés aux enfants et aux adolescents : un Centre d’accueil médico-social précoce qui per-met de diagnostiquer le handicap dès la naissance ; un Service d’éducation spé-ciale et de soins à domicile qui prend le relais de l’école et favorise l’autonomie future des enfants ; enfin, un Institut médico-éducatif qui scolarise les enfants ne pouvant être accueillis à l’école et pro-pose l’apprentissage de différents métiers pour les plus âgés. Des équipes pluridis-ciplinaires, médecins, psychiatres, psy-chomotriciens, ergothérapeutes, éduca-teurs… se relaient pour assurer les soins et construire avec les usagers leur projet de vie. Les plus dépendants pourront séjourner dans la Maison d’accueil spé-cialisée ou être suivis à leur domicile par le Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés. Les plus

autonomes pourront travailler en milieu ordinaire ou dans l’ESAT qui propose différents ateliers : menuiserie, espaces verts, conditionnement de parfum, ensa-chage, entretiens des locaux, blanchisserie et restauration. Un Foyer d’hébergement collectif, un Service d’accompagnement à la vie sociale et le Centre d’activité de jour pour travailleurs handicapés complètent pour l’instant ce dispositif, que trois pro-jets d’envergure viendront bientôt étoffer.

ACCoMPAgNER LA REtRAitELe premier, déjà finalisé, concerne l’ESAT qui ouvre, au printemps 2013, un restau-rant dans la zone d’activités de Pont-Au-demer. Le second, une résidence service, proposera des appartements individuels pour les personnes ayant atteint l’âge de la retraite. « C’est un projet très important car il va permettre la prise en charge jusqu’à la fin de vie, confirme Francis Perna. Avant, le déplacement des usagers en maison de retraite classique était parfois douloureu-sement vécu. Et puis, cela répond aux in-quiétudes des parents pour l’avenir de leurs enfants quand eux-mêmes ne seront plus là. » En cours de travaux, cette résidence, réalisée dans un ancien collège de la ville, partagera le site avec le nouveau foyer d’hébergement collectif, sur l’emplace-ment duquel des appartements indivi-duels pour les personnes en activité seront construits. Ce troisième projet, également prévu pour 2014, contribuera, lui aussi, à l’amélioration de la qualité de vie.

laurent tastet

AccompAgner le hAndicAp

Cette année, les Papillons Blancs de Pont-Audemer fêtent leur cinquantenaire. Un anniversaire qui permet de mesurer le chemin parcouru depuis leur création et de mettre en exergue les nombreux projets qui verront le jour vers 2014.

Les Papillons Blancs sont affiliés à l’UNAPEI, première fédération d’associations française de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles.

nos partenaires associatifs

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de l’exclusion à l’inclusion

depuis 80 ans, l’association des paralysés de France (APF) défend et représente les personnes en situation de handicap. Outre son

combat quotidien pour faire respecter le droit des personnes handicapées et son soutien à leurs côtés, elle a été partie prenante de nombreux textes législatifs visant à faire reconnaître et progresser le droit de ces personnes. Grâce à ses 28  000 adhérents, 25  000 bénévoles et 12  000 salariés, l’APF est présente sur tout le territoire à travers ses délégations départementales dont une à Évreux. Au-delà de ses missions traditionnelles, telles l’aide à domicile, l’accès à l’emploi, l’accueil, l’information, l’organisation d’activités culturelles, sociales et de loi-

Vol libre, course à pied, musique, randonnées en 4x4… Nombre d’associations, à l’origine éloignées du monde du handicap, s’engagent désormais aux côtés de l’Association des paralysés de france. Elles proposent aux adhérents de l’APf de participer à des activités dont ils étaient jusqu’alors écartés.

sirs, l’APF de l’Eure développe des par-tenariats avec des structures associatives qui ont la volonté d’inclure dans leurs activités des personnes atteintes de han-dicap. « C’est une démarche relativement nouvelle de la part des ces structures : cela fait environ cinq ans. J’y vois les effets de la loi sur le handicap de 2005, conjugués au travail d’associations comme la nôtre qui œuvrent pour que le regard sur le handi-cap change et qui tentent de le rendre vi-sible à l’ensemble de la société. Le plus sou-vent, nous rencontrons ces associations à l’occasion de forums associatifs mais elles nous contactent aussi directement pour proposer à nos adhérents de participer à leurs initiatives. Notre but est commun puisque, de notre côté, nous travaillons pour que les personnes handicapées ac-

cèdent, si elles le désirent, aux activités les plus variées possible », explique Thibault Lemagnant, directeur de la délégation de l’APF de l’Eure.

éMotioNS PARtAgéESAinsi, depuis plus de trois ans, l’APF a tissé des liens étroits avec l’association DEFI. Un partenariat qui permet à ses adhérents de prendre part régulièrement à des courses à pied. « Au départ, nous leur avons prêté notre joëlette (semblable à une chaise à por-teur), mais ensuite l’association a cherché elle-même des subventions pour acquérir son propre matériel », indique Thibault Lemagnant. Depuis, les adhérents de l’APF s’associent à plusieurs courses par an, no-tamment les 20 kilomètres de Paris. « Le fait que chaque participant ait son propre numéro d’engagement et son dossard nous a beaucoup séduits. Même si la personne en joëlette ne court pas à proprement par-ler, elle fait vraiment partie de l’équipe et ressent les mêmes émotions que les deux coureurs qui pilotent. » Dans le même es-prit, l’association Les chemins normands propose depuis quatre ans des balades en 4x4 dans toute la région, sur des chemins qu’elle entretient régulièrement. Une initia-tive qui a permis à beaucoup de personnes en fauteuil roulant ou à mobilité réduite de découvrir pour la première fois la forêt et des sites naturels inaccessibles. Plus récem-ment, le club Eur’En Ciel, section de para-pente animée par la Maison des Jeunes et de la Culture d’Évreux, dont l’un des pilotes est breveté pour accompagner des personnes handicapées, a également pro-posé aux adhérents de l’APF des sessions de vol libre. Certains ont d’ailleurs pris part à la Coupe Icare qui se déroule chaque an-née à Saint-Hilaire-du-Touvet dans l’Isère. Désormais, Eur’En Ciel compte dans ses rangs une quinzaine de pilotes brevetés handicap. Plus récemment encore, l’asso-ciation Wassa Kumba, qui promeut dans l’Eure les musiques africaines, a organisé dans les locaux de l’APF un concert de per-cussions. Des échanges sont en cours pour qu’elle puisse inclure prochainement des personnes handicapées dans ses cours. A suivre…

françoise vlaemÿnck

contact apf

délégation départementale

de l’eureLieu-dit Garenne

de Melleville27930 GuichainvilleTél. : 02 32 28 16 66

http://apf27.blogs.apf.asso.fr

nos partenaires associatifs

F.G

RIM

AUD

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contact cra Joachim du beLLay 13 rue Lavoisier, 27000 Évreux Tél. : 02 32 28 77 05 www.laronce.asso.fr [email protected]

« Depuis que Théo est pris en charge au centre de rééducation audi-tive [CRA], il a beaucoup évolué. Je ne remercierai jamais assez l’équipe  », assure Nadia Tanney,

dont le petit garçon est suivi depuis quatre ans dans cette structure médico-sociale (voir p. 9). Accueillant, après notification de la MDPH, des enfants et adolescents de l’Eure souffrant d’une déficience auditive avec ou sans troubles associés, le CRA a en effet vocation à les aider à acquérir des modes de communication, à accompagner leur scolarité et leur intégration sociale et à soutenir leurs parents tout en les impli-quant. À cette fin, le centre, dont la capa-cité d’accueil est de 26 places, dispose d’une solide équipe pluridisciplinaire. Médecins ORL, pédiatre, orthophonistes, audiopro-thésiste, psychologue, psychomotricienne, éducateurs… œuvrent ainsi de concert pour établir et faire avancer le projet de chaque enfant. « Les objectifs de travail sont déclinés par l’ensemble des professionnels mais avec des approches singulières. Pour nous, les compétences sont collectives. Par exemple, l’acquisition du langage oral ne revient pas qu’à l’orthophoniste, elle peut aussi être du ressort de l’éducatrice spécia-lisée, qui emploiera d’autres techniques », résume Magali Lehouelleur, directrice.

UNE iNSCRiPtioN dANS LA CitéChaque projet est discuté avec la famille et tient compte des besoins et potentiali-tés du jeune. Celui-ci reçoit un planning hebdomadaire comportant des rendez-vous avec un ou plusieurs profession-nels, des activités en solo ou en groupe, d’éventuelles séances d’apprentissage de la langue des signes française (LSF)… Les soins sont réalisés sur ou hors temps scolaire. « Nous essayons de ne pas mettre l’enfant en difficulté en le retirant trop

souvent de l’école mais nous voulons aussi préserver sa vie familiale, ses loisirs, son bien-être », explique la directrice.

Le centre cherche également à faciliter le développement personnel du jeune en privilégiant son ouverture sur le monde. Des ateliers éducatifs de groupe sont ainsi organisés grâce à des partenariats avec des acteurs locaux (Beaux-Arts, Ferme pédagogique). « Il y a un riche va-et-

vient. Les professionnels du médico-social vont à l’extérieur pour aider les enfants à s’approprier certaines ressources du terri-toire et, à l’inverse, des personnes viennent au centre, car c’est un lieu de vie », pointe Magali Lehouelleur. Enfin, le CRA a monté un centre de formation à la LSF ouvert à tout public. Une autre manière de tisser un pont entre la société et le han-dicap auditif. florence raynal

À évreux, le centre de rééducation auditive Joachim du Bellay, de l’association La Ronce, suit des enfants sourds ou malentendants âgés de 3 à 18 ans. Au programme : un projet personnalisé mis en œuvre par une équipe pluridisciplinaire.

Créée officiellement en 1955, l’association La Ronce compte divers établissements et services visant à aider les personnes handicapées. Outre le CRA, son secteur « enfants » comprend un CAMSP (centre d’action médico-sociale précoce), un IMP (institut médico-pédagogique), un IMP Pro (institut médico-professionnel), un SASI (service d’accompagnement et soutien à l’intégration scolaire) et un Sessad (service d’éducation et de soins spécialisés à domicile).

à l’ecouTe des besoins de l’enFAnT

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MdPHMaison départementale

des Solidarités11 rue Jean de la Bruyère

27000 évreuxLigne de bus no1,

arrêt Maison départementale des Solidarités

Accueil sans interruption

et sans rendez-vous,

du lundi au vendredi

de 8h30 à 17h30

tél : 02 32 31 96 13No vert : 0800 881 605fax : 02 32 60 45 40

Mail : [email protected] internet : www.mdph27.fr

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