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K a r a t é Uechi r yu , Shor in Ryu, Goju Ryu et Kabuk i à la m ê m e é c o l e

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LA CITE DE TOUS LES Pour beaucoup d'experts, les mouvements des katas traditionnels remontent au temps où les maîtres chinois copiaient la gestuelle des animaux. Pour d'autres, comme à Okinawa, leskatas japonais s'inspirent de l'art de la danse traditionnelle et du folklore populaire millénaire. Le dojo de Karaté et Kobudo d'Okinawa de Yomitan fait la démonstration de sa vision de l'histoire en devenant l'acteur majeur d'un projet à 35 millions de yens ! Karaté Bushido vous dévoile cette folle aventure.

Par notre envoyé spécial à Yomitan (Okinawa), Cyril Guénet > Photos : Johann Vayriot

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ARTS

des Ryukyu et les mouvem demis, des centaines d'années,

vivantes à Okinawï

Pays : Japon Lieu : Okinawa Art Martial : Karaté

n dirait de ia danse ». Tout pratiquant de Karaté a déjà dû entendre cette phrase au moins une fois lors d'une démonstration de

kata ou un passage de grades. Certes, l'aspect

péjoratif de la remarque peut être agaçant pour un grand nombre d'entre nous, mais force est de constater qu'elle n'est pas si éloignée de la vérité. Après tout, les arts martiaux traditionnels ont toujours eu un lien très étroit avec la danse, et ce depuis des siècles.

Prenez par exemple la Capoeira afro-brésilienne, le Bokator cambodgien, le Tahtib égyptien ou encore le combat russe pour ne citer qu'eux, une très grande partie des arts martiaux sont liés à l'art de la musique et de la danse, et les combats sont de véritables festivités. Le Karaté-do n'échappe pas à la règle.

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< J C REPORTAGE

©Vo ic i l'une des danses dont l'Embuzen a été copié pour l'exécution des tout premiers katas de Kobudo.

® Le château de Shuri est un des seuls lieux au monde à proposer des spectacles de danses dont les mouvements ont inspiré les Katas.

® Beaucoup de passants posent en tenue traditionnelle devant la porte de la courtoisie, symbole du château de Shuri. Cette coutume touristique est très populaire.

® Les nobles du château de Shuri portaient tous cette tenue. Leur rang était défini par la couleur de leur toque : bleue, rouge, jaune et, enfin, le mauve pour les nobles les plus importants.

5 n A n

Ce village situé au bord des côtes de la mer de Chine accueille un dojo fort original : le centre d'étude de Karaté traditionnel et Kobudo d'Okinawa. Une école d'entraînement née à l'initiative du premier ministre... polonais ! Maître Uechi Satoshi, le responsable des lieux nous accueille. 7e dan de Karaté Uechi Ryu< il est également le vice-président de la Kokusai Uechi Ryu Karaté Do Association (l'organisation mondiale) et donne des cours à Yomitan depuis des années. « Voilà une dizaine d'années qu'ont eu lieu de grands séminaires de Karaté en France et en Pologne », explique-t-il. « Ces séminaires internatio­naux regroupaient les styles Uechi Ryu, Goju Ryu et Shorin Ryu. A l'issue du dernier stage, en 2003, le Premier Ministre polonais a demandé s'il existait, à Okinawa, un lieu où pratiquer ces trois styles. Bien sûr, à cette époque, il n'y en avait pas et c'est de ce constat qu'est née l'idée d'ouvrir ce centre de recherche du Karaté et Kobudo. Pour la première fois, trois grands maîtres se sont associés pour créer ce lieu : Chinen Kenyu du Shorin Ryu, Yagi Meitatsu

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du Goju Ryu (maître dans la lignée de Yagi Meitoku, élève du célébrissime Chojun Miyagi, fondateur du Goju Ryu), et Shimoji Yasuo de i'Uechi Ryu. Aujourd'hui, le centre est composé de dortoirs, de bureaux et d'un dojo traditionnel. Il a pour but d'ac­cueillir les étrangers et leur faire découvrir le Karaté traditionnel d'Okinawa, »

U N M I L L I E R DE K A R A T É K A S De ces trois styles, le Shorin Ryu est le Karaté le plus présent. Il est au cœur de toutes les attentions et de tous les projets. Il faut dire que c'est à Yomitan que se trouve le siège du World Oshukai Dento Okinawa Shorin-ryuKaratedo Kobudo Fédération, l'organisation de Karaté Shorin-Ryu créée par le célèbre Chinen Kenyu. Sensei Chinen est 9e dan Hanshi de Karaté-do et 8e dan de Kobudo. Il est réputé pour avoir appris le Karaté auprès de maître Miyahira Katsuya (10e dan, élève direct des maîtres Motobu et Chibana) et est célèbre à travers le monde. Il vit désormais en France et vous avez peut être déjà eu la chance de le voir en démonstration au Festival des Arts Martiaux de Paris Bercy. Le centre d'étude du Karaté et Kobudo sert donc de quartier général mondial à l'organisation de maître Chinen. Le dojo reçoit environ deux cents stagiaires par an et un millier d'écoliers des Ryukyu viennent y découvrir le karaté. Des chiffres très encourageant, portés par l'engouement des Japonais à venir visiter l'extraordinaire environnement dans lequel se trouve le dojo : La cité de Murasaki Mura à qui Yomitan doit son développement touristique.

Il s'agit là d'une cité féodale traditionnelle de 15 000 m2 nommée Taiken Okoku Murasaki Mura. Si elle est en tout point identique aux villages traditionnels que l'on pouvait trouver à Okinawa

.-a 500 ans, elle a la particularité d'être... artificielle Ces ruelles d'époques, les portes et les temples ont

tous été construits de toutes pièces au début des années 90, à la demande de la chaîne de télévision japonaise NHK pour les besoins du tournage d'une série télévisée historique : Ryukyu no Kaze. Après l'arrêt de la série télévisée, la cité

® Maître Chinen est l'un des maîtres de Kobudo d'Okinawa les plus connus en France. Il pose ici en tenue de Tinbe Jutsu dont les katas sont les plus anciens au monde.

© La fédération mondiale de maître Chinen se trouve au dojo de Yomitan, où il revient très souvent pour faire des stages (ici, un séminaire effec­tué cet été).

© Le Dojo de Yomitan a été créé suite à une remarque du Premier Ministre polonais. Il profite aujourd'hui à trois styles de Karaté : I'Uechi Ryu, le Shorin Ryu et le Goju Ryu.

® Satoshi Uechi est l'actuel responsable du Centre d'Etude du Karaté Traditionnel et Kobudo d'Okinawa. Il est également 7e dan de Uechi Ryu.

@ Le Dojo de Yomitan sert également de quartier général à la World Oshukai Dento Okinawa Shorin-ryu Karatedo Kobudo Fédération de maître Chinen.

@ © le dojo et les dortoirs du Centre d'Etude du Karaté Traditionnel et Kobudo d'Okinawa sont loués à la cité de Murasaki Mura.

© © Les armes des différents styles de Karaté et Kobudo pratiqués sont toutes mises à disposition dans le dojo.

a été préservée et entretenue jusqu'à ce qu'elle devienne un grand parc à thème. Il y travaille désormais une trentaine d'artisans dont le but est de faire revivre les métiers d'autrefois. Grâce à la série Ryukyu no Kaze, la cité de Murasaki Mura est

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REPORTAGE

© Jungo Matsuda est le responsable de l'école Shorin Ryu de Yomitan.

© Tract présentant les cours et stages de Shorin Ryu à Yomitan.

® Jungo Matsuda et Kevin Chaplin vivent au cœur de Murasaki Mura, dans les dortoirs du dojo. Ils pratiquent le Karaté à longueur de journée.

devenue très populaire au point d'avoir récemment intégré au parc un prestigieux complexe hôtelier ainsi que quelques restaurants où l'on peut découvrir d'anciens mets des Ryukyu. C'est donc au cœur de cette ville d'époque que Yomitan a installé et loué aux maîtres de Shorin Ryu, Uechi Ryu et Goju Ryu son complexe martial traditionnel. Une idée originale qui permet au Karaté de rencontrer un grand succès auprès des visiteurs.

RYUKYU NO KAZE, UNE SÉRIE TV À SUCCÈS

^ I • La NHK a eu l'idée de réa-H ^ ^ | H »;ITBW I n^MMH liser, à la fin des années

H yS 11 80, une fresque historique • romancée à Okinawa. A la

B j m demande de la chaîne de H télévision, d'importants m travaux de construction 3 ont débuté sur les côtes

Hg^^^r^IpP^^^g H 11 de Yomitan. C'est finaie-*ïm^jJas&Ê Wm \ \ m e n t en 1993 qu'a débuté

J B H B y • ' I la diffusion de Ryukyu no ÀÊm I i > S I Kaze. Cette série de

Yoshimura Yoshimuri met en scène le célèbre acteur

Sho Kosugi dans un village médiéval au 16e siècle. Si les scènes d'actions et les cascades font sourire aujourd'hui, la série a eu un franc succès dans les années 90. Ryukyu no Kaze est encore à ce jour l'une des raisons qui font que la cité de Murasaki Mura a du succès à Okinawa. Les fans visitent ce lieu comme ils visiteraient un décor de cinéma. On retrouve des traces de la série dans beaucoup de restaurants et boutiques.

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En 2011, la préfecture d'Okinawa s'associe au parc de Murasaki Mura dans le but de créer un projet visant à améliorer le tourisme sur l'île tout en utilisant l'impact mondial du Karaté traditionnel. Avec le soutien financier de quatre grandes sociétés des Ryukyu, la préfecture injecte 35 millions de yens* dans le développement de ce projet unique au monde, et décide de solliciter en exclusivité les talents du dojo de maître Chinen.A l'aube de 2012, trois grandes directions naissent de ces accords.

retrouve travers le

v " spectacle toutes les formes de pratiques anciennes de renforcement.

Le premier axe consiste à améliorer le profit des sociétés de l'île en les liant de près ou de loin au Karaté. « La spiritualité du Karaté traditionnel d'Okinawa peut être utilisée dans le business. Nous aimerions que les sociétés d'autres régions, comme celles du mainland**, viennent à Okinawa pour leurs projets de développement. On peut ainsi utiliser le Karaté comme une source de développement pour les affaires autant que pour le tourisme, peut être même de façon internationale », confie Toru Iketani, le PDG de la compagnie Roots. Le second axe, mis en place depuis le mois de mars 2012, est de proposer des cours d'essais de Karaté

© Murasaki Mura est devenu un parc à thème féodal. Ce plan touristique nous montre l'ensemble de la cité.

©Vo i c i la cité féodale

| telle que l'on peut la voir dans la série Ryukyu no

S Kaze.

afin que les jeunes japonais aient envie d'intégrer un dojo dans un avenir proche. En quelques mois, plus de mille étudiants ont eu le plaisir de découvrir ainsi l'art de la main vide. Le dernier axe est celui qui attire notre attention puisqu'il s'agit du cœur même du projet à 35 millions de yens, et pour cause : pour la première fois au monde, le théâtre traditionnel japonais rencontre le Karaté d'Okinawa.

Investir autant d'argent pour créer un spectacle mélangeant arts martiaux et danse traditionnelle est un pari particulièrement osé. Il est donc de bon ton de saluer l'initiative qui, au-delà de son aspect marketing, a le mérite de sortir de l'ombre certains points de la pratique martiale. Pour concevoir et assurer le spectacle, treize personnes ont été engagées à temps plein. Parmi eux, on retrouve les élèves de la World Oshukai Fédération de maître Chinen dont le Sensei de Yomitan lui-même : Jungo Matsuda. Du haut de son 2e dan, il est l'élève direct de maître Chinen. Ce jeune Okinawaïen est le responsable du Shorin Ryu au dojo de Murasaki Mura et il tient un rôle titre dans le spectacle organisé par la cité médiévale. Il est accompagné dans cette aventure par un autre élève de son école : Kevin Chaplin. Le jeune Anglais profite du rudimentaire dortoir du centre d'étude du Karaté et Kobudo pour vivre dans la cité et tient, quant à lui, le rôle phare de la pièce. Ensemble, ils révisent consciencieusement leurs scènes entre deux cours ou entraînements.

Il faut savoir que l'art du théâtre, du déguisement et du jeu d'acteur codifié est majeur au Japon et est pris très au sérieux. Le Kabuki, dont les trois

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S'il est un art qu'on ne peut prendre à la légère dans l'archipel nippon, c'est bien celui de la danse traditionnelle. Bien qu'il s'agisse d'une façon codifiée d'interpréter de multiples rôles à travers le chant, la danse et la gestuelle, on y trouve de grandes similitudes avec les arts martiaux, ne serait-ce que dans sa rigueur d'apprentissage. Parmi d'anciennes danses martiales d'Okinawa, nous citerons les Meekata : formes de Kata (le plus souvent au bâton court) destinés à la démonstration folklorique. Dans l'ouvrage Ryukyu Buyo Nyumon, Gibo Eijiro évoque les danses traditionnelles des Ryukyu appelées Mae Nu Hama. Ces dernières auraient influencées les déplacements de Karaté, et ont été utilisées au début de la période Taisho par l'acteur Inkichi pour la création d'une

danse populaire aux mouvements de Karaté. Que ce soit dans le théâtre Kabuki, le No ou le Bunraku, on y retrouve par exemple la célèbre pratique d'Uchi-Komi où chaque mouvement est répété à l'infini. Dans les années 1600, le Kabuki a été créé par Tsumo no Okuni. Une vingtaine d'années plus tard, il est devenu exclusivement masculin afin d'éviter tout débordement lors de représentations publiques. Le jeu d'acteur changea alors légèrement : moins de danse, plus d'action et des postures légèrement plus viriles. Même si les danses traditionnelles d'Okinawa prennent leurs sources dans un passé très lointain, l'art comme celui du Kabuki ont influencé la pratique du Karaté avec le temps, d'autant que beaucoup de Kata et Waza ont été créés durant le siècle dernier.

idéogrammes signifient respectivement chant, danse et habileté technique, est l'aboutissement de la maîtrise et de l'agilité du corps à travers l'art du spectacle. Pas question pour les élèves de maître Chinen de prendre leurs rôles à la légère, Bien que le ton donné soit illustré par l'humour dramatique, le fond de l'histoire s'appuie sur des faits authentiques mettant en scène l'arrivée du Kobudo et de la « main vide ».

« RELANCER LA PRATIQUE EN CLUB » Le spectacle de Murasaki Mura raconte l'invasion de l'île par la province féodale Satsuma (située à l'extrême Sud du Japon) qui, en 1609, prit possession d'Okinawa. L'île n'ayant quasiment aucune force militaire à opposer aux guerriers Satsuma, les habitants reçurent alors l'ordre du roi de se rendre

@ La maîtrise de l'art du maquillage est indispensable dans le théâtre traditionnel japonais.

© Pour les besoin du spectacle, la préfecture d'Okinawa a engagé de véritables actrices et danseuses professionnelles.

© Kevin Chaplin interprète un étranger adopté par une famille d'Okinawa et Jungo Matsuda son père.

® A l'ouverture du show, Kevin Chaplin démontre les techniques de Karaté qui ont traversées les âges.

sans résistance. Cette invasion marqua le début de l'interdiction des armes sur l'île ainsi que l'avènement du royaume des Ryukyu. Les Ryukyu permirent ainsi à la province de Satsuma un réel enrichissement grâce au commerce avec la Chine. De son côté, le Kabuki étant devenu masculin, la liaison entre l'apprentissage des déplacements et techniques martiales et celui de l'art théâtral fut établi. Au milieu de ce tumulte, dans un souci purement divertissant, le personnage de Kevin Chaplin a été créé : un bébé étranger recueilli par une famille okinawaïenne qui se verra confier les secrets du Kobudo et de ce qui deviendra le futur Karaté. Une façon délicate de rappeler que l'Occident ne tient son savoir que parce qu'Okinawa le lui a transmis en premier lieu.

Depuis le début de l'année, les touristes de Murasaki Mura replongent ainsi chaque soir 500 ans dans'

le passé pour découvrir ce show unique. Pour saisir l'implication du Shorin Ryu dans ce spectacle, Jungo Matsuda n'hésite pas à soulever les problèmes que rencontre l'actuel Karaté : « J'aime l'idée de promouvoir le Karaté de façon différente. Il ne faut pas se le cacher, au Mainland comme à Okinawa, il y a de moins en moins de pratiquants. Les jeunes ne s'inscrivent plus autant qu'avant. De prime abord, un dojo peut paraître austère et impressionner les gens. Il est donc de notre devoir de tout faire pour relancer l'image positive du Karaté. De plus, ce spectacle présente l'histoire et la culture d'Okinawa. On y retrouve une philosophie qui veut que l'on accepte son adversaire plutôt que de le combattre. J'encourage cette philosophie. » L'image d'Okinawa, la popularité de Murasaki Mura et l'aura du Karaté-Do semblent ainsi être le mélange idéal pour relancer le tourisme et la pratique en club. De nombreux pratiquants s'opposent à l'association de la danse et du Karaté... ceux d'Okinawa osent franchir cette ligne, dans l'unique but de faire rayonner le Karaté, et de ne pas laisser le temps effacer l'histoire.

* 355 000 € ** Le mainland est le nom donné aux îles principales Japonaises,

Retrouvez le reportage vidéo dans le DVD inséré dans ce magazine.

Merci à Miguel Da Luz, membre du Bureau de liaison du Karaté Traditionnel d'Okinawa, et à l'OCVB (Okinawan Convention and Visitors Bureau) qui ont permis la série de reportages que Karaté Bushido publie depuis plusieurs mois, dont celui-ci. Si vous désirez pratiquer à Okinawa, n'hésitez pas à contacter Miguel Da Luz (www.okkb.org)

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