Hydronymie autour de Strasbourg - Free
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Hydronymie autour de Strasbourg
On a peu étudié les noms des différents cours d’eau qui parcourent -‐ ou parcouraient -‐ les environs de Strasbourg. Certains ont une origine parfaitement claire, d’autres remontent à des temps immémoriaux. En voici quelques exemples.
Aar : Petit cours d’eau au nord de Strasbourg. Par son nom, il trouve sa place dans une grande famille. Il existe en effet une autre Aar en Suisse, qui prend sa source au Saint Gothard. Son nom antique *Araura, a servi à nommer la tribu des Rauraques (*Araurakes ). On sait même comment ces derniers appelaient leur territoire : Nantaror, « vallée de l’Aror ». La Saône, avant de porter le nom de Succona, s’appelait Arar, et la Ruhr, qui a servi à nommer la grande zone industrielle allemande, était également à l’origine une *Araura. Notre Aar strasbourgeoise porterait donc un nom celtique, voire pré-‐celtique ? Le sens de l’hydronyme reste pourtant obscur. Signalons ici l’ancien nom de Rohrbach : Raurebacya (696). S’agissait-‐il d’une autre araura qu’on aurait prolongée d’un bach germanique ? Ameisenfluth : littéralement « flot des fourmis ». Ce petit cours d’eau est signalé par Silbermann, qui le dit issu du Blumengiessen. Voir plus bas, Fluth. Andlau : Rejoint l’Ill à Ohnheim. 912 : Antalaha rivus. A été expliqué par le germanique aha, « eau ». Mais que signifiait Antal- ?
La sortie du Rheingiessen, avec son pont et la Redoute. A droite, le cours principal du Rhin avec, au loin, le pont. D’après W. Hollar, ou presque.
Blumengiessen : Ce « canal des fleurs » se jetait jadis dans l’Ill près de la maison du péage. Il a été condamné par la construction de la citadelle. On le connaît aussi sous le nom Wührgiessen. Un wühr était un barrage permettant de détourner un cours d’eau. Bruche : Alsacien : d’ Brysch. Ald : Breusch. 661 : Brusca. 826 : fluvius Prusca. Il aurait existé une forme Brinusca. Ce cours d’eau traverse toujours Strasbourg sous le nom d’Ill. Le sens reste obscur. Dorfgraben: « fossé du village ». Ce lieu-‐dit apparaît sur nombre de cadastres autour de Strasbourg. Les villages n’ayant pas droit à un rempart (qui aurait fait d’eux des villes), ils s’entouraient d’un fossé (graben) doublé d’une clôture (itter). Ehn: cours d’eau qui a donné leur nom à Obernai et Niedernai : (Ober/ehn/heim ; Nieder/ehn/heim). Il pourrait s’agir d’un hydronyme très ancien. On l’a rapproché de l’ancien germanique aha, mais il pourrait aussi être celtique : penser à l’Inn , anct. Aenus, en Autriche. Fluth : ancien chenal reliant le Rhin à Strasbourg et jadis utilisé par les convois de bois provenant de la Kinzig. En 1778, un barrage a coupé la Fluth, interdisant le flottage. Elle est encore visible sur le terrain. Ergelsenbach: au nord d’Hindisheim. 834 : Argenza. Voir art. Ill. Gerbergraben : « Fossé des Tanneurs ». Ce fossé qui traversait Strasbourg a été comblé dans les années 1840. Il servait à la navigation, mais aussi à l’évacuation des déchets. On en trouve encore des traces dans le quai de la place B. Zix et dans le quai Lezay-‐Marnésia, sous la forme de voûtes.
L’entrée de la Bruche à la hauteur des ponts couverts. La rivière se divi-se en plusieurs bras séparés par des bandes de terre ou wörth . Elle n’a pas encore traversé la ville : l’eau est assez propre pour la baignade. D’après une gravure du 17e siècle.
Giessen : du vieil allemand : giozan ; mhd : giezen : « s’écouler rapidement ». Dans les environs de Strasbourg, les Giessen reliant la Bruche au Rhin changent de sens selon que le Rhin est plus haut ou plus bas que la Bruche. Goldgiessen : Un petit chenal aujourd’hui disparu, suivait dans Strasbourg le tracé de l’actuelle rue de l’Or. On l’a expliqué par la présence d’orpailleurs. Ce petit cours d’eau franchissait le rempart au même endroit que le Metzgergiessen, (Voir plus bas) sous la surveillance d’une tour, le Wasserturm, qui existe toujours Place de l’Hôpital. Hirzlache : « l’étang aux cerfs ». Etendue intermittente d’eau, jadis à l’est du couvent Sainte Claire. Se décompose en hirz, « cerf » et lache, « flaque ». Holzgiessen : « chenal du bois ». S’explique soit par la proximité d’une forêts (Holz), soit par la pratique du flottage. Ill : Affluent du Rhin. Alsacien : d’Ill. 770 : Illa ; 849 : Hilla ; 10e s. : Alsa. Cette dernière variante est donc une forme savante. L’origine et le sens de l’hydronyme posent toujours problème. On l’a rapproché d’ Ehl, an-‐ciennement Helvetum ou Hellelum. Il semble que dans l’Antiquité, la rivière se soit appelée * Arganta, «la brillante», d’où Argento-rate (Strasbourg) et Argentovaria (Horbourg ?). Cet ancien nom *argant- et le nouveau els- semblent s’être conservé côte à côte dans des toponymes tels que Erg/elsen/heim, actuellement Elsenheim, ou Erg/elsen/bach. Kaelbelrhein ou Kaelbelgiessen : Un des Giessen entre Rhin et Ill. Il se situait au droit du débouché de la Kinzig. Il était emprunté par le flottage du bois en direction de Strasbourg. Kolbsenbach : « ruisseau de Kolbsheim ». Krimmeri (Meinau), « le tordu ». Krumme Woog : au Stockfeld. De krumm « tordu » et woog : eau stagnante, point bas dans un ruisseau. On aurait donc un méandre à l’arrêt, un bras mort du Rhin. Liesbach : Affluent de la Souffel en amont du pont sur la Souffel, au s-‐e de Lampertheim. Lies signifie « limite » (cf. « liseré », « lisière », « lice »). Il devait marquer la limite entre deux terroirs.
Metzgergiessen. Le Giessen des Bouchers. Chenal qui, dans Strasbourg enpruntait l’actuelle rue des Bouchers. Molkenbronn, à Lingolsheim. Littéralement « source laiteuse ». Comp. Souffel Mühlbach/Mühlgraben : Les moulins (mühl), étaient alimentés soit par un ruisseau (bach), soit par un fossé fait de main d’homme (graben). Musaubach : Affluent de la Souffel à Dingsheim. La Musau était en fait une zone humide que parcourait ce ruisseau, d’où le sens de « ruisseau de la Musau ». Laquelle Musau tirait don nom de la consistance vaseuse de son terrain. Riepbergergraben ou Hurengraben : Un fossé à l’est de Strasbourg. Ce déversoir est surtout connu sous son second nom, « déversoir des p… ». En 1521, une décision du magistrat ordonnait aux prostituées d’aller exercer leurs talents au-‐delà de ce chenal. Rheingiessen : Ancien chenal reliant le Rhin à Strasbourg. Il débouchait dans la Bruche au niveau du Guldenthurm. Egalement appelé Johannisgiessen, « chenal de Saint Jean » à cause du monastère Saint-‐Jean aux-‐Ondes, détruit en 1475. C’est par lui qu’en 1576 les Zurichois sont arrivés à Strasbourg. Ce monastère Sanctus Johannes in Undis tirait son nom de sa localisation dans une zone inondable, mais la langue populaire le comprit d’une autre manière, moins innocente : zu den Hunden, « chez les chiens ». Runz : Du ahd : rinnan : se déplacer rapidement, couler. En gothique et ahd : runs : cours d’eau. Aucun cours d’eau ne porte ce nom autour de Strasbourg, mais runz serait le second nom du Stichmühlbach, près de Kembs. On le reconnaît dans Rountzenheim et dans Runzbach, un affluent de la Fecht près de Soultzbach. Schänzelhoot Giessen : affluent du Rhin Tortu. Dérivé de schanze, « redoute » et p.ê. de hut, « garde ». Souffel : Als. d’Süffel. Longe à l’ouest la colline de Hausbergen, la contourne à Mundolheim, puis se dirige vers le Rhin. Le nom pourrait signifier « la soufrée » (schwefel). A servi à nommer Souffel/weyers/heim et Soufflen/heim.
Schwarzwasser : « eau noire », petit cours d’eau affluent du Rhin Tordu. Steingiessen : au nord de la Robertsau. Sens : « le chenal pierreux ». Teich : « Etang », nom donné à l’ancienne Bruche au niveau de la porte des Pêcheurs. Zembs : bras de l’Ill, près de Kraft. Pourrait être rapproché du celtique *Cambete, « méandre », qui a également donné Kembs et Gambsheim. Ziegelwasser, « chenal des tuiles ? « Affluent de la Souffel, à Stutzheim-‐Dossenheim. Selon Hermann, il se serait anciennement appelé Kalkgiessen, « chenal de la chaux ». Ziegelwasser provient en fait du voisinage d’une tuilerie. Cf. Holzgiessen. Petite bibliographie. CLAUSS, Joseph M.B., Historisch-Topographisches Wörterbuch des Elsass, Saverne, 1895. POST Rudolf, SCHEER-‐NAHAR FRiedel, Alemannisches Wörterbuch, Fribourg, 2010. DELAMARRE, Xavier, Dictionnaire de la langue gauloise, Paris, 2003. HERMANN, Jean-‐Frédéric, Notices historiques, statistiques et littéraires sur la ville de Strasbourg, Strasbourg, 1817. URBAN, Michel Paul, Lieux dits, dictionnaire étymologique et historique des noms de lieux d’Alsace, Strasbourg, 2003.