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LA RELANCE DE BOU BEKER (1936…)

Assez peu de temps,

précisément, après ces épisodes qui

tranchent crûment avec la ligne de vie antérieure de Jean Walter, ses horizons vont s’élargir à nouveau comme jamais depuis ses voyages à

bicyclette à travers l’Europe il y a… un tiers de siècle. Mais cette fois c’est le sud de la Méditerranée qui va être son terrain. En 1937 il est en effet appelé en Egypte, à pour construire un hôpital à Alexandrie, puis à Ankara pour la même tâche. Mais, auparavant, il aura résolu de rouvrir la mine de Bou Beker. C’est que les circonstances ont changé : l’arrivée au pouvoir d’Hitler à Berlin en 1933, l’annonce qu’il libèrerait l’Allemagne du “diktat de Versailles”, suivie de la remilitarisation de la Rhénanie début 1936, tandis qu’en 1935 l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie fasciste alertait la Société des Nations. Or c’est une constante de l’Histoire que les périodes de tension internationale sont propices à une montée des cours des matières premières. Le milieu des années 1930 n’échappe pas à la règle. Le cours du plomb remonte en effet de façon spectaculaire : il triple par rapport à son pla,cher de 1931. Jean Walter décide donc de venir voir par lui-même, en avril 1936, l’état des choses dans ce Maroc oriental qu’il a découvert dix ans plus tôt.

I l note avec plaisir que “le chemin de fer [menant au port ] de Nemours venait d’être terminé” – avec un embranchement vers Oued el-Himmer, à une quinzaine de kilomètres de Bou Beker (au pied du cher Mont Mohceur !), où

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opère désormais la société Peñarroya. Cela signifie, au total un raccourcissement très sensible des lignes d’évacuation du minerai : environ 150 kilomètres, au lieu de 300 en 1926-1931 vers Oran. Et, du fait de l’ouverture de mines de charbon à Djérada, Oujda est en train de sortir de son relatif ensommeillement, ce qui va permettre, par exemple, d’en faire venir l’électricité – et, plus largement, va constituer une solide “base arrrière”, à toutes fins utiles.

Jean Walter, convaincu que, cette fois, le bon niveau des cours du minerai n’est pas un feu de paille, décide d’augmenter notablement le capital de La Société des Mines de Zellidja. Ses associés acceptent non seulemnt de remettre au pot, mais aussi que tous les bénéfices escomptés soient aussitôt réinvestis (de fait, aucun dividende ne sera distribué jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale.) Et, aussi, le “patron” annonce qu’on va substantiellement “recruter du personnel européen” d’encadrement et de maîtrise. Enfin son fils Jacques, désormais âgé de vingt-huit ans, qui a fait les Mines, “vient de nouveau s’installer à Bou Beker”. La concision de la formule ne permet pas de décider si cela lui fut ou non quelque peu intimé. Jacques arrive naturellement avec sa femme et les deux enfants déjà nés au couple : Jean-Jacques, aujourd’hui président de la Fondation Zellidja pour les Bourses de voyage et qui avait alors quatre ans, et son frère Marc, d’un an plus jeune.

Car, alors qu’en 1930 la présence de Jacques à Bou Beker avait été météoritique, cette fois il est là pour longtemps : vingt et un ans ! Ce qui autorise sa fille Marine, qui naîtra deux ans plus tard, en 1938, et vivra là-bas toute son enfance et son adolescence “ On dit toujours Jean Walter, Jean Walter. Mais Bou Beker, c’est notre père qui a autant dire tout fait !” Jacques est d’emblée nommé directeur général et, hormis une interruption en 1943, il ne cessera, durant toute cette période, d’exercer l’autorité majeure sur place - tout de même sous la supervision lointaine d’un père qu’on peut qualifier d’autoritaire. Celui-ci veillera à toujours recruter pour Bou Beker certains des meilleurs ingénieurs de leur génération. Ce n’est qu’une fois son père décédé, en 1957, que Jacques Walter, on le verra, décidera de rentrer en France - et même de vendre dans la foulée aux nouvelles autorité marocaines (l’Indépendance a été obtenue début 1956, après quarante-quatre ans de Protectorat français et deux ans de quasi guerre civile) les actions de la Société des Mines qu’il a acquises – première étape d’un processus de “défaisance” qui s’achèvera au début des années 70. Entre temps, en 1954, Jacques aura obtenu un des rares satisfecit publics que son père ait jamais

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décerné à quiconque : “Il m’a donné cette grande satisfaction de voir deux générations associées intimement et cherchant à atteindre un but commun. Je vous souhaite à tous d’avoir un fils tel que lui.”

[Pour relancer la mine de Bou Beker,

il faut tout faire à la fois.] Les premières tâches sont toutes d’urgence :construire des logements d’un acceptable confort pour des cadres qui vont débarquer de métropole, souvent avec leur famille, pour prendre leurs fonctions dan ce désert; édifier deux ou trois “maisons communautaires” pour des techniciens qui, eux, pour la plupart, vont venir “en célibataires”; “durcir” la mauvaise piste de quarante-cinq kilomètres qui mène à Oujda; remettre en état des matériels qui ont nécessairement souffert de cinq années d’inactivité dans un climat rude, froid l’hiver (on est tout de même à 1 200 mètres d’altitude), et très chaud l’été, et, surtout, tenter de trouver des formules, salariales et autres, pour réussir la quadrature du cercle : convaincre des semi-nomades habitués à l’ample désert et aux grands remuements atmosphériques, de se fixer à des tâches sédentaires – et peu exaltants de surcroît : piocher sous terre, rapporter le produit à l’air libre en le portant dans une couffe ou le poussant à la brouette. Tout sera fait en quelques mois et, le 15 novembre 1936, la laverie, pour rudimentaire qu’elle soit, redémarre.

Les chiffres de

production vont

lentement croitre

jusqu’en 1940, puis régresser et stagner - à des niveaux

toutefois supérieurs à celui des

années 1926-1931

(si même

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incommensurables avec ceux d’après le Seconde guerre mondiale) : 1937, 3 177 tonnes de concentré de minerai; 1938, 7 142 tonnes; 1939: 12 000 tonnes; même chose en 1940. Mais la production, désormais, risque - collaboration pétainiste aidant - de profiter à l’Allemagne - ce à quoi Jean Walter, plus “anti-Boche” que jamais, s’efforce, on le suppose, en intervenant discrètement auprès de Vichy. En 1941, la production tombe à 5 700 tonnes. C’est que “le courant électrique nous fut pratiquement coupé”. Il ajoute : “Nous aurions dû arrêter l’exploitation l’année suivante si une solution n’était pas trouvée.” Ici prend place une action restée mythique qui sauve la situation : “Malgré la guerre et l’immense difficulté d’acheter, je trouvai à Cherboug un moteur à gaz pauvre, un autre à Châlons, des gazogènes à Paris. Grâce à des ruses multiples [NDL’A : davantage encore, on m’imagine, en zone occupéée...] nous arrivâmes à démonter ce matériel qui pesait plus de cent tonnes,sous les yeux des Allemands, àl’acheminer à Marseille, à l’embarquer et à le transporter à Bou Beker.” Et de conclure : “Ce fut un travail dangereux, mais qui donna des résultats puisque grâce à lui la production des années suivantes [jusqu’en 1946-47] s’éleva à 6 000 tonnes.” Entre temps, en 1942, Jean Walter rencontre, en France, Henry Pagézy, le “patron” de Peñarroya, son voisin de Bou Beker, avec qui il va nouer un relation d’affaire efficace (les deux sociétés s’associent pour la Fonderie de plomb d’Oued el Himmel), et une amitié dont plus d’un parlait encore, rue Geoffroy-L’Asnier, des années après la mort du “patron”.

En outre, Émile Trystram, père de Florence, si souvent citée dans ces lignes, un pilote qui, à l’armistice de 1940, avait réussi à amener en Afrique du nord l’escadrille qu’il commandait - et qui, ingénieur des Mines, avait été aussitôt embauché par l’Asturienne (autre voisin de Zellidja !) – accepte, la même année 1942, d’entrer à la Société des mines de Boubeker. L’aura de son geste patriotique, deux ans et demi plus tôt, suffira à couvrir toute suspicion d’un éventuel laxisme antérieur dans le directionnement des minerais. À partir de 1943, la question ne se posera évidemment plus puisque les Alliés ont débarqué, le 8 novembre 1942, au Maroc, et en Algérie...