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  • Homlie Nol : Messe de minuit ABC-Anne B, 1975

    Luc 2,1-14

    Naissance de la joie de Dieu dans la misre humaine

    Le rcit de la naissance de Jsus, telle que Luc la rapporte, comprend normalement un

    morceau de plus que ce que nous venons dentendre et que nous entendrons demain la messe de

    laurore. Cela nous indique saint Luc a divis son rcit en trois parties. La premire, du verset 1

    5, fait allusion lactivit de Dieu le Pre, ce que les Pres de lglise disent trs bien : tout

    lAncien Testament a t accompli par le Pre. Cest ce qui est signifi par ce recensement de

    toute la terre fait par lempereur, recensement auquel se soumettent Marie et Joseph. La 2e

    partie,

    le reste de ce que nous venons dentendre, est attribue au Fils, car, par sa venue, il vient

    accomplir le plan du Pre. Quant la 3e

    partie que nous aurons demain matin, elle est attribue

    au Saint Esprit, lui qui va rpandre la grce du Christ dans lglise et pour le monde.

    Essayons de comprendre ces deux premires parties ce soir, et tout dabord ce

    recensement. Dans ce recensement, il y a deux vnements qui se passent. Les 3 premiers versets

    nous rapportent cette ordonnance universelle du matre de la terre, obligeants tous les gens se

    faire recenser, se faire contrler. Voil le chef du monde lpoque o lEmpire romain avait

    tout conquis, voici cet empereur Auguste, qui veut recenser le monde entier, qui veut se

    lasservir. Cest bien l limage de notre condition humaine, de notre condition de membres

    dune race qui est domine de plus en plus par ses chefs. Tout est contrl, organis, inscrit.

    Remarquons aussi que personne nest nomm, tout est anonyme, sauf le chef qui domine. Depuis

    le pch, le monde opprime, asservit, quitte, de temps en temps, lcher quelques soupapes : des

    congs, des ftes. Alors on se rue sur ces congs, vers ces ftes, pour trouver un peu de cette joie

    que lesclavage du travail et du monde ne donne pas ; et les hommes se vautrent dautant plus

    dans ces joies factices quils savent trs bien quaprs ces ftes factices, lasservissement

    recommencera.

    Mais, en parallle ce recensement universel du chef de ce monde qui opprime ses sujets,

    il y a toute lhistoire dIsral, incarne par Joseph et par Marie. Et voyez avec quel luxe de dtails

    on les nomme : Joseph, de la ville de Nazareth, en Galile, sen va pour aller en Jude, la ville

    de David appele Bethlem ; il tait de la maison et de la descendance de David, il allait avec

    Marie, son pouse, qui tait enceinte, qui portait en elle le fruit mme de 2000 ans d histoire .

    Nous voyons ces deux personnes obir ce recensement de toute la terre, voulant suivre les lois

    de ce monde, parce quils savent trs bien, daprs la Rvlation, que ce monde a t cr par

    Dieu ; et mme si le pch a aggrav la situation dimperfection de ce monde, ils savent que Dieu

    a voulu se servir mme du pch de lhomme pour venir le sauver. Ainsi nous remarquons

    comment Marie et Joseph se soumettent. Mais ils se soumettent dans un tout autre esprit que les

    autres. Si vous vous reportez au texte grec, vous verrez tout de suite cela. Au verset 3, il est dit

    que tous savanaient pour tre recenss , le verbe est au passif. Mais propos de Joseph, il est

    dit au verset 5 qu il se fait recenser , le verbe est lactif. Il va volontiers, dans un tout autre

    esprit, et cet esprit cest dtre tout entier Dieu, mme dans lesclavage. Cest cela la nouveaut

    dj vcue par Isral. Cest cela, la joie suprme ou tout au moins le dbut de la joie suprme que

    Dieu vient apporter lorsquil incarne son Fils. Ainsi, dans la situation o nous sommes, dans la

    condition mme o le monde nous a placs, nous pouvons toujours tre Dieu et recevoir la

    plnitude des dons du ciel.

  • Ces deux vnements, le recensement impos par lempereur du monde entier et cette

    dmarche dobissance de Marie et de Joseph incarnant la longue histoire dIsral, vont

    maintenant se rejoindre dans un seul acte : le recensement, lesclavage, et dans un mme lieu :

    Bethlem, le lieu que Dieu avait choisi depuis longtemps, puisque dj Jacob, vous vous rappelez,

    y avait enterr Rachel, et que cest David, qui tait de Bethlem, que Dieu avait fait la promesse

    denvoyer un fils dhomme qui serait son propre Fils. Voil maintenant que lhistoire du peuple

    juif, et lhistoire du monde entier des paens, vont se rejoindre Bethlem. Cette jonction se fait

    dune faon tonnante, se rvle certaines personnes seulement, et se ralise dans des

    circonstances que nous ne parvenons plus bien comprendre aujourdhui, parce que nous

    sommes tellement habitus entendre cet vangile de lenfance.

    En effet, la naissance de Jsus va se passer dans la pauvret, dans l obscurit et dans

    lincognito. Comme Marie et Joseph, les bergers vivent dun autre monde. Ils ne sont pas, avec

    les autres, occups faire le rveillon et faire les ftes habituelles qui clbrent le solstice

    dhiver, cest--dire la renaissance du soleil, o lon voit que les jours commencent allonger. Ils

    veillent la nuit sur leurs troupeaux. Les bergers, les pasteurs, nous savons ce qu ils sont dans

    lcriture Sainte. Ce sont les chefs du peuple de Dieu, qui, depuis plusieurs sicles, stimuls par

    les prophtes, attendent le Messie. Eh bien ! Ce sont ceux-l, ceux qui se rendent compte quils

    sont dans la nuit et quils ont besoin dun Sauveur, qui accomplissent leur besogne de veiller sur

    le peuple de Dieu pour quil reoive son Sauveur. Ce sont ces bergers que lAnge avertit. Et

    voyez comment lannonce aux bergers se fait par la parole, une parole qui se sert encore dun

    signe la fois banal et riche de sens pour leur faire dcouvrir le mystre. Ceci veut dire quil faut

    avoir les yeux de la foi pour dcouvrir ce mystre, quil faut les antennes de lesprance pour

    lentrevoir, quil faut le feu de lamour pour le pressentir. Les bergers sont dans cette attitude.

    Prenons notre tour leur disposition intrieure, et voyons comment tout se passe dans

    cette rvlation faite aux bergers, comme dailleurs dans cette naissance du Fils de Dieu, comment

    tout se passe exactement comme Dieu a agi dans lAncien Testament. Or Dieu agit toujours sur

    deux plans : le plan humain et le plan divin. Tout dabord, cette naissance est un vnement

    humain naturel, tellement naturel que les paens ny voient rien. Nous retrouvons souvent ceci

    dans lhistoire du peuple juif. Songez, par exemple, au passage de la mer Rouge. Nest ce pas un

    vnement extraordinaire pour les gyptiens que leur pharaon et toute leur arme soient

    anantis ? Et cependant, dans les annales de leur histoire, ils ny font pas allusion. Lcrivain sacr

    nous rapporte cet vnement pour nous montrer quil faut faire attention lattitude de Dieu

    dans les vnements qui se passent, et que rellement Dieu est intervenu. Or, quand Dieu

    intervient, la foi dcouvre ce que nous appelons, nous chrtiens, le merveilleux, mais qui nest pas

    merveilleux au sens o les paens lentendent. Ici, nous avons la mme chose. Une naissance toute

    simple, une femme qui met au monde un enfant, qui le lange, qui doit bien le placer quelque part.

    Et ceci est, pour les bergers, tellement naturel, tellement humain, quil faut que lange leur

    annonce et le leur explique.

    Ensuite, ct, ou plutt, dans cet vnement humain, saint Luc souligne quil y a

    lintervention de Dieu. Il y a non seulement lange du Seigneur qui intervient, il y a aussi, comme

    dans lAncien Testament, la gloire du Seigneur qui enveloppe les bergers de sa lumire, et il y a

    mme cette parole reprise de lAncien Testament : Aujourdhui vous est n un Sauveur qui est

    Christ, Seigneur , quatre termes qui reviennent souvent dans lAncien Testament pour exprimer

    ce quest Dieu et ce quil va faire le jour o il enverra Jsus. Pour nous aussi, par consquent,

    Nol est la venue, dans lglise, du Sauveur, Christ, Seigneur, et comme pour les bergers, cette

    venue nous est donne dans des signes, et ces signes nous sont expliqus par la parole divine. Ce

    sont des signes dextrme pauvret : un nouveau-n, il est lang, couch dans une mangeoire.

    Un nouveau-n : la fragilit, la petitesse, lesprance de la vie certes, mais lesprance qui peut

    tre anantie nous connaissons lhistoire dHrode qui voudra tuer lenfant Jsus ; tout cela

    signifie que la vie de Jsus est fragile et ne tient qu un fil. Et puis, il est lang : dans

  • lcriture cela exprime que Jsus devra tre duqu, form par la Loi. Puis, il y a le terme

    pos , couch , terme que lon retrouve lorsquon met Jsus dans le tombeau ou lorsque

    Jean trouve les bandelettes poses, allusion la passion du Christ comme sa rsurrection. Et

    enfin, dans une mangeoire : on ne met dans une mangeoire que ce qui est manger ; il vient

    donc pour se livrer.

    Quand nous voyons ces signes pauvres, ces signes misrables, on pourrait se faire la

    rflexion suivante : aux yeux du monde, aux yeux de la chair, aux yeux de la raison humaine,

    quy a-t-il de plus triste que la naissance dun Dieu riche, glorieux, heureux, qui a choisi cette vie

    misrable ? Et cependant, aux yeux de la foi, cest ce moment-l que le ciel entier se rjouit et

    demande tous ceux qui sont du ciel, qui ont t form par la Rvlation et qui veulent rentrer

    dans le plan de Dieu, de se rjouir. Quel contraste entre ce qui est vil, mprisable, rejet par les

    hommes, et le mystre qui a la plus grande valeur aux yeux de Dieu ! Eh bien ! Ce contraste se

    trouve prsent dans la personne du Christ. Mais vous comprenez aussi que ceux qui n ont pas

    peru ce contraste, qui ne voient que laspect humain, qui ne vivent que dune faon charnelle, ne

    clbrent Nol que par un rveillon et par des ftes mondaines. Encore, ce faisant, ne cherchent-il

    l quune occasion de se rjouir ! Beaucoup de chrtiens se disent mme : nous sommes

    chrtiens, nous allons bien vite la messe ou faire une crche puisque c est Nol, mais le plus

    important cest tout le reste ; surtout, livrons notre cur tout ce que nous aimons . Telle est la

    voix de la chair. Au contraire, celui qui vit de lEsprit, qui a voulu se laisser former non

    seulement par 2000 ans dhistoire, comme Marie et Joseph, mais encore par ce temps de lAvent,

    et dj auparavant par toute sa vie chrtienne, celui-l cherche et peroit, dans la pauvret

    humaine de Jsus, ce qui est lessentiel, savoir : Dieu. Dieu qui, ayant travaill pendant 2000

    ans, dcide que le moment est maintenant venu de donner la plnitude de ce qu il est, et de faire

    natre lHomme suivant le rve quil avait fait quand il la cr.

    Ce double aspect, lhumain et le divin, saint Luc le souligne, lun dans la pauvret, lautre

    dans cette lumire, cette annonce de lange, et mme dans cette apparition dune troupe cleste

    innombrable qui loue Dieu et qui crie : Voici enfin runis le ciel et la terre (v. 14). Nous

    voyons ainsi comment ces deux aspects, provoqus par le Verbe de Dieu, ne peuvent se laisser

    dcouvrir que par ceux qui ont vcu de la parole de Dieu. Oui, Jsus vient dans notre coute,

    Jsus vient dans notre obissance la parole. En vivant tous les vnements du monde, comme

    Marie et Joseph, avec lEsprit de Dieu, croyons, en dpit des apparences, que lIncarnation du

    propre fils de Dieu dans la misre est le sommet de lactivit de Dieu et est le commencement de

    la joie suprme donne lhomme. Aprs avoir entendu cet vangile, avec lglise clbrons cette

    nativit au cours de cette Messe de la nuit : ce renouvellement du sacrifice du Christ en est

    lactualisation pour nous qui voulons vivre de la foi. Accueillons cette pauvret de Dieu, que la

    chair mprise, mais qui est pour nous le gage du Salut.

    Avec toute lglise qui, aujourdhui, clbre vraiment ce mystre de lIncarnation,

    offrons-nous et plaons-nous sur lautel, comme le Christ va tantt se placer de nouveau sur

    lautel comme dans une mangeoire pour tre mang par nous. Qu notre tour, en communiant

    lui, nous dsirions communier sa joie, car la vritable joie se trouve l dans ce petit enfant : il ne

    se plaint pas, le propre fils de Dieu le Pre, de ltat dans lequel il se trouve. Nous aussi, dans

    nimporte quelle situation o nous pourrions nous trouver, demandons de mieux comprendre

    dans la foi que le Christ nous est donn et que cela nous suffit.

    Grard Weets

    La Rame, Jauchelette, 1975.