Homélie mgr robert wattebled

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Congrès des présidents des Hospitalités francophones Cathédrale de Nîmes, 27 octobre 2013 30 ème dimanche ordinaire de l'année C Ce qui nous réunit ce matin dans cette cathédrale, pour bon nombre d'entre nous, c'est notre participation aux pèlerinages à Lourdes ; plus précisément en ce qui concerne les Hospitaliers, c'est l'accompagnement et le service des personnes malades qui souhaitent participer à un pèlerinage organisé par leur diocèse. Cela donne déjà une orientation à notre célébration, à notre méditation, à notre prière. Ce n'est pas rien en effet, et cela pourrait être toujours davantage souligné, que cet attachement des malades aux pèlerinages de leur diocèse, ce n'est pas rien que ce service et cette présence des Hospitaliers, présence et service qui se poursuivent sous une forme ou une autre au long de l'année dans les secteurs et les paroisses. C'est aussi un appel que nous pouvons entendre, une invitation à nous interroger sur la place des pèlerinages et, à un autre plan, sur celle des malades dans la vie de nos communautés et de l'Église diocésaine. Ce qui est sûr, c'est que nous ne serions pas là s'il n'y avait pas de pèlerinage à Lourdes, ou plutôt s'il n'y avait pas eu cette série d'apparitions de Marie à Bernadette, cette histoire que nous connaissons tous, au moins dans ses grandes lignes. Lourdes, les sanctuaires, la grotte, les basiliques, les lieux d'accueil… tout cela paraît aujourd'hui presque aller de soi ; ce sont des lieux familiers aux habitués des pèlerinages. Pourtant il fut un temps où cela n’était pas et les lieux apparaissaient tout autres. Quand j'essaie de me représenter Lourdes à l'époque de Bernadette, j'imagine aussi volontiers les réactions des gens. Je me sens proche du curé Peyramale : pourquoi donc faudrait-il envisager de construire une chapelle, alors qu'on ne dispose pas de la moindre somme d’argent ? Pourquoi aller en procession vers cette grotte ? L'église paroissiale ne suffirait-elle donc pas ? Autre interrogation : pourquoi Marie choisit- elle d'apparaître en un tel lieu, dans cette grotte si sale où la lumière du soleil ne pénètre pas ? L'église paroissiale, c'est vrai, pourrait suffire. La communauté paroissiale a mission de témoigner de l'Évangile. Elle le faisait humblement sans doute, à sa façon, dans le contexte de l'époque comme nous essayons de le faire nous-mêmes aujourd'hui. Mais Marie, en apparaissant à Bernadette, ouvre à beaucoup d'autres personnes une possibilité supplémentaire et différente. Le pèlerin pas forcément à l’aise dans sa paroisse - pourra vivre une démarche intérieure sans que pèse sur lui le regard des autres. Sa démarche peut prendre appui sur des gestes, des attitudes qui comptent, même si ce ne sont pas des sacrements : toucher le rocher, tenir un flambeau, boire, se laver aux fontaines ou aux piscines, participer aux processions… Et surtout son pèlerinage lui fait entendre ou réentendre le message de l'Évangile : l'appel à la conversion, à la pénitence, à la prière pour les pécheurs… Nous connaissons les paroles reçues par Bernadette. Pénitence ! Priez pour les pécheurs …C'est là que me rejoint l'Évangile de ce dimanche (Lc 18, 9-14). Priez pour les pécheurs : à qui cette invitation de Marie me fait-elle penser ? Est-ce que cela veut dire prier pour d'autres que nous ou prier les uns pour les autres en priant aussi pour nous ? Quand nous prions pour les pécheurs, est-ce que nous nous mettons « dans le lot » ou est-ce que spontanément nous nous mettons à part ? Vous voyez l'enjeu : si je ne pense pas à me mettre « dans le lot », je me retrouve sans le dire dans la situation du pharisien de la parabole : je ne suis pas comme les autres… À l'inverse,

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Page 1: Homélie mgr robert wattebled

Congrès des présidents des Hospitalités francophones

Cathédrale de Nîmes, 27 octobre 2013

30ème

dimanche ordinaire de l'année C

Ce qui nous réunit ce matin dans cette cathédrale, pour bon nombre d'entre nous, c'est notre

participation aux pèlerinages à Lourdes ; plus précisément en ce qui concerne les Hospitaliers,

c'est l'accompagnement et le service des personnes malades qui souhaitent participer à un

pèlerinage organisé par leur diocèse. Cela donne déjà une orientation à notre célébration, à

notre méditation, à notre prière. Ce n'est pas rien en effet, et cela pourrait être toujours

davantage souligné, que cet attachement des malades aux pèlerinages de leur diocèse, ce n'est

pas rien que ce service et cette présence des Hospitaliers, présence et service qui se

poursuivent sous une forme ou une autre au long de l'année dans les secteurs et les paroisses.

C'est aussi un appel que nous pouvons entendre, une invitation à nous interroger sur la place

des pèlerinages et, à un autre plan, sur celle des malades dans la vie de nos communautés et

de l'Église diocésaine.

Ce qui est sûr, c'est que nous ne serions pas là s'il n'y avait pas de pèlerinage à Lourdes, ou

plutôt s'il n'y avait pas eu cette série d'apparitions de Marie à Bernadette, cette histoire que

nous connaissons tous, au moins dans ses grandes lignes. Lourdes, les sanctuaires, la grotte,

les basiliques, les lieux d'accueil… tout cela paraît aujourd'hui presque aller de soi ; ce sont

des lieux familiers aux habitués des pèlerinages. Pourtant il fut un temps où cela n’était pas et

les lieux apparaissaient tout autres. Quand j'essaie de me représenter Lourdes à l'époque de

Bernadette, j'imagine aussi volontiers les réactions des gens. Je me sens proche du curé

Peyramale : pourquoi donc faudrait-il envisager de construire une chapelle, alors qu'on ne

dispose pas de la moindre somme d’argent ? Pourquoi aller en procession vers cette grotte ?

L'église paroissiale ne suffirait-elle donc pas ? Autre interrogation : pourquoi Marie choisit-

elle d'apparaître en un tel lieu, dans cette grotte si sale où la lumière du soleil ne pénètre pas ?

L'église paroissiale, c'est vrai, pourrait suffire. La communauté paroissiale a mission de

témoigner de l'Évangile. Elle le faisait humblement sans doute, à sa façon, dans le contexte de

l'époque comme nous essayons de le faire nous-mêmes aujourd'hui. Mais Marie, en

apparaissant à Bernadette, ouvre à beaucoup d'autres personnes une possibilité supplémentaire

et différente. Le pèlerin – pas forcément à l’aise dans sa paroisse - pourra vivre une démarche

intérieure sans que pèse sur lui le regard des autres. Sa démarche peut prendre appui sur des

gestes, des attitudes qui comptent, même si ce ne sont pas des sacrements : toucher le rocher,

tenir un flambeau, boire, se laver aux fontaines ou aux piscines, participer aux processions…

Et surtout son pèlerinage lui fait entendre ou réentendre le message de l'Évangile : l'appel à la

conversion, à la pénitence, à la prière pour les pécheurs… Nous connaissons les paroles

reçues par Bernadette.

Pénitence ! Priez pour les pécheurs …C'est là que me rejoint l'Évangile de ce dimanche (Lc

18, 9-14). Priez pour les pécheurs : à qui cette invitation de Marie me fait-elle penser ? Est-ce

que cela veut dire prier pour d'autres que nous ou prier les uns pour les autres en priant aussi

pour nous ? Quand nous prions pour les pécheurs, est-ce que nous nous mettons « dans le lot »

ou est-ce que spontanément nous nous mettons à part ?

Vous voyez l'enjeu : si je ne pense pas à me mettre « dans le lot », je me retrouve sans le dire

dans la situation du pharisien de la parabole : je ne suis pas comme les autres… À l'inverse,

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quand nous demandons à Marie de prier pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure

de notre mort, nous retrouvons l'attitude du publicain évoquée par Jésus.

À Lourdes, à l'Hospitalité, il me semble que la grâce nous est offerte de nous découvrir ainsi,

pauvres pécheurs, quasi spontanément plus proches les uns des autres, tous les clivages de la

vie courante étant relativisés : clivages entre malades et bien-portants, entre patients et

soignants, entre jeunes et vieux, entre notables, personnes considérées et gens ordinaires,

« petites gens » comme on dit, comme on devait sans doute le dire de Bernadette et de sa

famille.

"Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis". Nous connaissons l'importance de cette

attitude, de cette prière, dans ce que le pape François partage de sa propre expérience, de son

propre itinéraire : " je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard". C'est vrai : la

fange, la boue ne disent pas le dernier mot de la vie humaine. L’apparition dans la grotte en

est un signe. Là où le péché abonde, dit saint Paul, la grâce de Dieu surabonde. Que cette

grâce nous donne donc de nous reconnaître pécheurs, de nous abandonner à la miséricorde du

Seigneur, de nous engager sur les chemins de la conversion et d'en témoigner auprès de tous

en menant une vie nouvelle dans le Christ Jésus. Amen !

+ Robert WATTEBLED

Evêque de Nîmes