HOLD-UP OR NOT HOLD-UP Comédie en quatre actes - La … · difficile pour toi de…de… faire...

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1 HOLD-UP OR NOT HOLD-UP Comédie en quatre actes Lieu : Une agence bancaire: Le Crédit Populaire Décor : Deux bureaux, trois fauteuils bas, une table basse. Deux entrées : extérieur et bureau du directeur Deux employées de la banque projettent de réaliser le hold-up de leur propre agence. Elles y renoncent au moment où un autre individu exécute lui aussi le hold- up. Ayant découvert l'identité de l'auteur de ce hold-up , elles décident de le faire chanter. Puis, elles changent d'avis et orientent leur chantage vers un autre personnage peu recommandable. (On peut se contenter de faire le noir entre deux actes) Personnages Stella Employée de la banque, la trentaine ou la quarantaine . Très coquette. Lucienne Autre employée. Bien moins élégante, gaffeuse. Albert Bouron Directeur. Mme Cadéssou Cliente. Elle exploite les petites gens, locataires de ses appartements Mr Rizotto Un maffieux au très fort accent italien. Mr Quiram Client. Il fait partie des victimes de Mme Cadéssou. Claude Hombo Inspecteur de police. Vantard et totalement inefficace. Mireille Stagiaire de police Edith Aurial Journaliste Pierre Niklé L'ennemi public n°1 ( cagoulé, il peut être joué par le même comédien que celui qui incarne Albert, Quiram ou Rizotto)

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HOLD-UP OR NOT HOLD-UP

Comédie en quatre actes

Lieu : Une agence bancaire: Le Crédit Populaire Décor : Deux bureaux, trois fauteuils bas, une table basse. Deux entrées : extérieur et bureau du directeur Deux employées de la banque projettent de réaliser le hold-up de leur propre agence. Elles y renoncent au moment où un autre individu exécute lui aussi le hold-up. Ayant découvert l'identité de l'auteur de ce hold-up , elles décident de le faire chanter. Puis, elles changent d'avis et orientent leur chantage vers un autre personnage peu recommandable. (On peut se contenter de faire le noir entre deux actes)

Personnages Stella Employée de la banque, la trentaine ou la quarantaine . Très coquette. Lucienne Autre employée. Bien moins élégante, gaffeuse. Albert Bouron Directeur. Mme Cadéssou Cliente. Elle exploite les petites gens, locataires de ses

appartements Mr Rizotto Un maffieux au très fort accent italien. Mr Quiram Client. Il fait partie des victimes de Mme Cadéssou. Claude Hombo Inspecteur de police. Vantard et totalement inefficace. Mireille Stagiaire de police Edith Aurial Journaliste Pierre Niklé L'ennemi public n°1 ( cagoulé, il peut être joué par le même

comédien que celui qui incarne Albert, Quiram ou Rizotto)

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Acte I Scène 1 ( Lucienne et Stella ) ( Chacune est derrière son bureau. Stella se fait les ongles, se maquille. Lucienne tape sur son ordinateur, souffle. Visiblement, elle a du mal à exécuter le travail qu’on lui a demandé) Lucienne Bouh ! J’y arrive pas ! Tous ces bordereaux , tous ces récépissés que je

dois rentrer, plus… alors , là , tu vois, ça , c’est le bouquet… tous les fichiers clients que je dois numériser… alors là, tu vois je…je …je peux pas, j’y arrive pas.

Stella Ben ! Lucienne J’y comprends rien. Tu peux pas m’aider, toi ? Stella Ah ! Non ! C’est le genre de truc qui me gonfle. D’ailleurs , Bébert , il me

le demande pas . Lucienne Comment tu fais pour l’appeler Bébert ? C’est le chef d’agence, quand

même. Stella Oh ! Tu sais, un chef d’agence en caleçon, ça n’a plus grand chose de

chef. Lucienne Mais , c’est vrai, tu l’as déjà vu en caleçon ? Stella Avec et sans. Lucienne Non ! Quand il te dit, « Stella au rapport » et que tu le suis dans son

bureau…c’est … Stella C’est ça, au rapport ( sourire ambigu) Lucienne Non ! Dans son bureau ? Stella Dans son bureau, sur son bureau …et sous son bureau… Lucienne Non ! C’est pour ça qu’il te fait les yeux doux, qu’il te parle gentiment,

qu’il te passe la main sur les épaules et gnagnagna…et gnagnagna… Je comprends mieux… Et que c’est pour ça que la numérisation des fichiers clients, tu n’y as jamais droit…et que c’est toujours moi qui m’y colle… Et que quand il y a une course à faire à l’extérieur, c’est pour ma pomme… et que comme ça, il peut être tout seul avec toi…et que…et que… Et tu le vois à l’extérieur de l’agence ? Il t’a jamais invitée chez lui ?

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Stella Ca va pas ? Et sa femme ! Il paraît que c’est un dragon qui le mène par

le bout du nez. Lucienne Comment tu sais ça , toi ? Stella J’ai une copine , eh bé, sa sœur, c’est leur voisine. Il paraît qu’elle, la

femme à Bébert, elle est toujours hyperlookée, fringuée luxe et tout et tout ?

Lucienne C’est pas son cas. Ch’sais pas comment il a le dessous , mais le

dessus, c’est pas très classe. Stella Pas top ! Lucienne Quoi, pas top ? Stella Les dessous , les caleçons, c’est pas la classe , non plus. Lucienne Donc, sa femme lui pompe tous ses sous, et en plus, elle lui mène la

vie dure. Je comprends mieux qu’il cherche un peu de bonheur au boulot . (elle ironise) Tu es une sainte. Tant de dévouement, tant d’abnégation ! J’admire !

Stella Tu peux ! Si j’y trouvais mon compte encore ! Mais côté cœur, c’est pas

mon genre, et de toutes façons , il est retenu à son dragon…et côté cul…c’est très , très en dessous de la moyenne.

Lucienne C‘est vrai que tu es une experte. Ta grande expérience te permet

d‘établir des statistiques. Stella Bah ! N’importe quoi ! Faut pas exagérer quand même. Lucienne Mais je rigole ! N’empêche que, t’es bien foutue, et que c’est pas

difficile pour toi de…de… faire tourner la tête aux hommes. C’est pas comme moi.

Stella Mais arrête, ma Lulu ! Faut pas s’y fier. C’est pas parce que j’en parle

que je trouve la perle rare, l’homme idéal. Telle que tu me vois, pas trop mal gaulée, pas trop mal fringuée, c’est sur internet que je les construis mes rencontres et pour le moment , je n’ai pas encore trouvé l’homme idéal.

Lucienne Non ! Toi aussi ? Je croyais que c’était pour des filles comme moi, les

sites de rencontre. Stella Eh bé non ! Moi aussi, je tripote le clavier, mais jusqu’à maintenant, du

clavier , il n’en est sorti que des fiascos retentissants. Lucienne Toi aussi ?

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Stella Si je te racontais… Lucienne Oui, oui, dis, raconte.

Stella Et les bordereaux et la numérisation des fichiers clients ? Lucienne Laisse tomber. On verra plus tard. De toutes façons, j’y arrive pas.

Faudra bien que Mr Bouron me donne un coup de main. Et puis le jeudi, à cette heure-ci, il n’y a personne qui vient.

Stella ( elle rapproche son siège) Un jour…ben, il y a un mois de ça…Ah,

celui-là , il valait son pesant de cacahuètes. Un gars…Simon , il s’appelait… on se rencontre à mon bar habituel, … Pas vilain, responsable des ventes chez Loréal, tu vois…le look et le compte en banque qui va avec. On décide d’aller chez moi. Moi, ça ne me gênait pas, tu vois, j’avais fait le ménage, j’avais mis des roses rouges toutes fraîches dans un vase…tout quoi. Je l’installe au salon. Je lui propose un alcool. Non, non, Perrier citron. En plus , il boit pas. Je reviens au salon avec mon Perrier citron. Il était en train de téléphoner.

Lucienne Sérieux, le bonhomme. Mais il y a des moments où le travail peut

attendre. Stella Mais il ne téléphonait pas au bureau. Non, à sa mère. Et il lui racontait

notre rencontre et que j’étais mignonne et bien habillée. Et elle voulait tout savoir, ma taille, et la couleur de mes yeux…Et comme il n’avait pas eu le temps de les voir , il m’a fait arrêter , et il me décrivait à sa mère.

Lucienne C’est fou, ça ! Stella Attends ! Attends la suite. J’ai accepté, tout ça. Il m’éblouissait quand

même. On est passé au lit et là , au moment de passer à l’acte, tu vois pas qu’il regarde sa montre. Trois heures et quart. Il me dit « Excuse-moi, je suis en retard ». Il prend un magazine dans son sac, il cherche la grille des mots fléchés. « Heureusement, il me dit , je l’avais finie » et tu vois pas qu’il appelle sa mère et ils échangent leurs réponses par téléphone. J’ai hurlé ! J’ai pris ses affaires, fringues et mots fléchés et je les ai balancées sur le palier. Et puis je l’ai poussé, lui , le Simon de mes fesses, le responsable des ventes chez L’Oréal, je l’ai propulsé , à poil, rejoindre ses fringues sur le palier.

Lucienne C’est du délire ! Eh bé, ça me fait penser à celui que j’ai ramené à la

maison. Lui aussi , il était mignon. Il transportait un sac. Ca m’a fait penser à mon sac de linge sale.

Stella Et alors ?

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Lucienne Eh bé, c’était vraiment un sac de linge sale. Il m’a demandé si je pouvais lui faire tourner une machine. Moi, bonne poire, j’ai accepté. Et pendant qu’elle tournait, nous avons bavardé. Bien… Des qualités, ce garçon, un peu précieux, mais bon…. Puis après , il m’a demandé si je pouvais lui étendre le linge , et si je voulais bien le lui repasser, il passerait le prendre le lendemain. Eh bé, tu vois, même réaction que toi, j’ai tout balancé, le bonhomme et son linge humide, le tout sur le trottoir !

Stella Attends, attends, le dernier…C’était , il y a quinze jours. Alors là , tu

vois, je croyais avoir touché le gros lot. Non mais, t’aurais vu : A côté, l’Apollon du belvédère, c’est Quasimodo ! Grand, mais pas trop, blond aux yeux bleus , comme je les aime. De la conversation, sans être pédant, pas non plus qui te raconte sa vie à la première fois. Qui s’intéresse à toi…

Lucienne La perle, quoi. Et à quel moment ça a foiré ? Stella Ben, au moment critique. Celui où l’un et l’autre on n’a plus un carré de

tissu sur la peau. Alors là, comment te dire ? L’horreur ! Ou plutôt rien … ou presque rien. La pièce essentielle du costume trois pièces qui avait rétréci au lavage. Tout petit, petit . Comme disent les enfants dans la comptine, kiki riquiqui !

Lucienne Et alors ? Stella Alors, en y mettant les formes, je lui ai dit que j’avais une grosse

indisposition et que , finalement, il valait mieux qu’on en reste là. Lucienne Il l’a bien pris. Stella Il n’est pas sot, tu sais. Il doit bien le connaître , son problème. Il s’est

rhabillé et il est reparti. Je crois qu’il était malheureux. Lucienne ( elle gémit, renifle, commence à pleurnicher) Oh là, là ! Stella Ben, faut pas m’en vouloir. Tu sais , la bagatelle, ça met de l’huile dans

les rouages d’un couple. Et s’il n’y a pas ce qu’il faut pour la bagatelle… Lucienne ( elle pleurniche de plus belle) Oh là, là ! Stella Tu crois pas que tu t’en fais un peu trop pour l’Apollon ? Lucienne C’est pas ça ! C’est que ça m’a fait penser à Pompon. Pareil, tu vois,

les yeux magnifiques, tout doux de partout. Stella Et pour quoi, mon bel athlète t’a fait penser à ton chat ? Lucienne Ben , ( gênée) …à cause de leur point commun…

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Stella Ah ! Je comprends…Mais c’est normal , Pompon, c’est un chat sans queue de l’île de Man. Et puis franchement, pourquoi tu l’appelles Pompon ? Parce que, au niveau des pompons, couic ( geste des doigts mimant des ciseaux). D’ailleurs, ça la fait doubler de volume.

Lucienne Oh là, là ! Que je suis malheureuse ! Stella Mais enfin, ça fait un moment que tu l’as fait castrer. Il a fini de les

regretter , ses pompons. Lucienne Surtout maintenant. ( sniff) Il est passé sous une voiture, hier soir. Stella Oh pardon ! Je suis vraiment désolée. ( Albert entre, venant de son bureau) ACTE I , Scène 2 ( Lucienne, Stella, Albert) Lucienne Bonjour…heu.. (sniff) Monsieur Bouron…Je ne savais pas que vous

étiez là. Albert (pas aimable) Ca y est bientôt, ces numérisations ? Et puis les

bordereaux , il faudrait bientôt me les faire passer. Et puis, mouchez –vous , c’est désagréable ! ( il passe derrière Stella, lui passe la main sur les épaules. Mielleux) Dites , ma petite Stella, vous voudriez bien venir me faire votre rapport ?

Stella ( grimace vers Lucienne) Tout de suite , Monsieur Bouron. ( elle le suit

dans le bureau du directeur) Lucienne ( au public) Rapport, rapport…Il y a rapport et rapport. ACTE I , Scène 3 (Lucienne, Cadessou, Rizotto ) ( Mme Cadessou , bourgeoise, hautaine, entre côté porte d’entrée. Elle a une petite

valise à la main) Cadessou (pas aimable) Mr Bouron ?

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Lucienne Bonjour, Mme Cadéssou. Cadéssou ( agacée) Oui, oui, bonjour, bonjour. Mr Bouron, où est Mr Bouron ? Je veux voir Mr Bouron. Lucienne Mr Bouron est en rapport. Cadéssou Pardon ? Lucienne Heu…,je veux dire …euh que Stella a des rapports …euh…enfin, je

veux dire que Mr Bouron est occupé avec Stella…euh Cadéssou Mais enfin , ma p’tite , reprenez-vous. Lucienne Oui, oui. Excusez-moi, Mme Cadessou. Mr Bouron est occupé. Je peux

faire quelque chose pour vous ? Cadéssou Non, non. Vous ne pouvez rien. Juste prévenir Mr Bouron que je veux

effectuer mon dépôt. Lucienne Quel dépôt ? Cadéssou ( elle s’énerve) Quel dépôt ? quel dépôt ? MON dépôt, mon dépôt,

comme chaque mois. Lucienne Voulez-vous que je m’en occupe ? Cadéssou Certainement pas ! Ca ne va pas , non ? Mon dépôt à une …une

…sous-fifre ? Lucienne Bien Madame, bien Madame. J’appelle Mr Bouron. ( elle commence à décrocher le téléphone. Rizotto entre violemment , un attaché-

case à la main. Habillé mafioso, fort accent italien) ( Lucienne a sursauté à l’entrée violente de Rizotto. Elle a laissé tomber le téléphone

. Elle plonge sous le bureau pour le récupérer) Rizotto Bongiorno Signora Cadessou. Il n’y a personna , ici ? Cadéssou Mais si, mais si. ( elle se retourne , mais Lucienne est sous le bureau) Ah ? Ben non ! Vous savez , de nos jours , on ne peut même plus faire

confiance aux banquiers. Comment voulez-vous que les pauvres gens honnêtes comme vous et moi, nous nous en sortions. On veut bien avoir un compte en banque , mais on n’est jamais sûr de rien, n’est-ce pas ? Je me demande si je ne devrais pas garder mes bijoux chez moi. Oh ! Ce n’est pas grand chose , mais vous savez ce que c’est, des petites choses auxquelles on attache une valeur sentimentale.

( Lucienne ressort de derrière le bureau) Lucienne Sentimentale, sentimentale. Il y a sentimentale et sentimentale.

Bonjour, Mr Rizotto.

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Rizotto Non, non. Moi, jé laissé l’argent à la banque. Ma qué, les banquiers

sont bien assourés , non ? En cas dé hold-oup , ils doivent vous rembourser, pas vrai ?

Lucienne Si, si ma qué…oh pardon ! Mais j’espère qu’il n’y aura pas de hold-oup !

C’est ma hantise. Cadéssou Ne vous en faites pas, quand même . Un employé de banque n’a

qu’une chance sur 4826 d’être pris dans un braquage pendant sa carrière.

Lucienne Que je ne m’en fasse pas ? Vous rigolez ! Ca veut dire que sur 4826

employés, il y en a un qui se fait braquer. Avec mon bol habituel, l’employé en question ce sera moi, ça , je vous le garantis. Vous alignez 4826 employés de banque . Vous faites entrer le premier malfrat venu. Il va tout droit pointer son pistolet sur une tempe, la mienne.

Rizotto Ouné hold-oup, ma qué, ça doit être excitant ! Lucienne Monsieur Rizotto, avec tout le respect que je vous dois, vous êtes un

grand malade ! Rizotto Jé vais diré qué jé n’ai rien entendou. Lucienne Excusez-moi, Mr Rizotto. Mais je dois avouer que la perspective d’un

hold-up ne m’excite pas du tout. Rizotto En tous cas , il faudra qué Mr Bouron mé donné oun réçou en marquant

bien lé total dé toutés les pépettés qué jé loui porté. Lucienne Je vais l’appeler. Il va vous recevoir tous les deux. ( elle reprend le

téléphone) Allo, Monsieur ? …Etes-vous disponible pour Mme Cadessou et Monsieur Rizotto ? … Il arrive tout de suite. Voulez-vous vous asseoir en attendant ? Excusez-moi, j’ai quelques fichiers clients ( grand soupir) … à numériser.

( Albert surgit de son bureau, presque aussitôt et se rajuste. Il renfile sa chemise dans son pantalon, resserre sa cravate et rabat ses cheveux tout ébouriffés . Il est suivi de Stella qui reboutonne et rajuste son chemisier, remonte la fermeture éclair de sa jupe. ) Albert Ah ! Madame Cadessou, Monsieur Rizotto, bonjour ! ( obséquieux, il

multiplie les courbettes) . Entrez , entrez. Cadéssou Ah non ! Pas ensemble ! Je ne tiens pas à ce qu’on…à ce qu’on… Rizotto Pardoun ? Décidément, jé mé fais insoulter par les femmés. Jé né

connais pas touté la langué franchésé, mais cé cons , ça jé connais. Et j’aimé pas trop mé fairé traiter dé con. Capicci ?

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Cadéssou Oh ! Mon petit monsieur, ne le prenez pas sur ce ton ! Je ne vous ai pas traité …comme vous dites. Je voulais juste dire que je ne tiens pas à ce qu’on connaisse la nature de mon dépôt . Seul, Monsieur Bouron doit la connaître.

Rizotto D’accord, d’accord. Eh bien, jé vais attendré ici qué vous ayez …

déposé votré quincaillerie. Cadéssou Ma quoi ? Rizotto Né montez pas sour vos grandés canassons, Madamé Cadéroussellé.

Tout lé mondé sait cé qué vous avez dans la pétité malletté. Albert Allons ,allons ! Monsieur, Madame, calmons nous. Cadéssou Et qu’est-ce que j’ai dans ma pétité malletté ? Rizotto Des bijoux qué vous achétez ouné misèré à des pauvrés gens qui ont

bésoin dé pépettés . Albert Allons , allons ! Madame Cadessou, veuillez me suivre. Nous aurons

vite fait le dépôt dans votre coffre. Mr Rizotto accepte de vous attendre. Il sera en bonne compagnie avec Stella et … et…

Lucienne Lucienne, Monsieur, Lucienne. Albert C’est ça, c’est ça. Madame, s’il vous plaît. ( Cadéssou et Albert sortent bureau directeur) ACTE I Scène 4 ( Stella , Lucienne , Rizotto) Rizotto ( dragueur) Alors, les pétités , tout sé passé commé vous voulez à la

banqué ? Lucienne Ca va, ça va. Si ce n’était pas ces satanées numérisations des fichiers

clients… Rizotto Ah ! Tous les jobs ont leurs inconvénients, non ? Lucienne Peut-être , mais quand on se pèle les numérisations des fichiers clients

pendant toute une semaine, ça vous donne envie de prendre votre retraite.

Rizotto Ma qué ! Vous êtés touté jeuné. Il né faut pas penser à la rétraité. C’est

comment lé pétit nom ? Lucienne Lé pétit nom à moi ?

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Rizotto Si. Jé né connais pas votré pétit nom. Jé connais Stella, l’étoilé qui

brillé dans l’agencé. Lucienne Stella, elle, on sait tout de suite son petit nom. Moi, c’est Lucienne. Stella Ne sois pas jalouse, ma Lulu. Stella , ça sort de l’ordinaire. C’est pour

ça que j’ai préféré changer. Monique, je sais pas pourquoi, les mecs n’arrivaient jamais à le retenir. Et puis, ça va mieux avec le décor.

( d’un geste , elle montre son look assez spectaculaire : mini-jupe et talons hauts) Lucienne Tu es parfaite. Parfaitement cohérente. Belle et ça se voit. Je suis fière

d’être ton amie. Rizotto Santa Madonna ! Commé elles sont mignonnés! Vous né vous

réssemblez pas du tout. Lé look, c’est pas lé mêmé. Stella, c’est la classé. On dirait la femmé dé mon neveu. Loui, il possèdé oun hôtel dé louxé. Et sa femmé , ellé dirigé ouné douzainé dé jeunés fillés bien sous tous rapports . ( des deux mains , il mime une poitrine opulente)

Lucienne Oui, mais , il y a rapport et rapport. Rizotto Et vous Ginetté ? Lucienne Lucienne ! Rizotto C’est ça, c’est ça. Et vous euh…c’est tout intérieur. C’est la classé

intériora. Hein Stella, qué Adrienné , c’est touté la classé intériora ? Lucienne ( voix lasse) Lucienne Stella Tout à fait. Rizotto Et vous Stella, ça né vous importouné pas trop , les noumérisationes

des fichiers clients ? Stella Je ne suis pas spécialiste de ce genre de travail. Aussi , Mr Bouron

m’en dispense. Rizotto C’est vrai qu’il a bésoin dé vous pour loui fairé les rapports. ( gros clin

d’œil et sourire graveleux) . Vous n’êtes pas spécialisté des rapports, vous , hein Gabriellé ?

Lucienne Lu… euh…Madeleine, Madeleine…Non, non, avec moi, pas de rapport. Rizotto ( il rit grassement) Ah ! Stella, elle sait y fairé avec lé chef. Alberto, il

aimé bien les employées molto sexy. Mêmé la clientèlé, hé, hé, hé ( il tourne autour de Stella) Vous aussi, Germainé, vous dévriez êtré oun peu …oun peu…

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( Cadéssou revient , suivie de Albert) ACTE I Scène 5 Albert C’est parfait , Madame Cadéssou, vos valeurs seront, ici, bien à l’abri.

Soyez tranquille , vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Cadéssou Merci, mon petit Albert. Je compte sur vous. Albert ( il la raccompagne à la porte de sortie) Vous avez bien pris votre

reçu ? Cadéssou Oui, oui, mon petit Albert. Au revoir, mon petit Albert. Albert ( manifestement, il n’apprécie pas d’être « le petit Albert ») Au revoir,

Madame Cadéssou. A bientôt. Rizotto A nous , mon pétit Albert. Albert Ah ! Vous n’allez pas vous y mettre aussi, vous ! Rizotto Jé t’appellé come jé veux, moun pétit Albert. Allons-y. ( ils vont vers le

bureau d’Albert. Rizotto n’oublie pas son attaché –case) Salouté les fillés. ( à Lucienne) Et pouis, hein, Josiané, dou…( geste des mains l’invitant à être plus sexy, puis il sort, un doigt sur la bouche)

( la porte refermée, Lucienne fait mine de le poursuivre, le bras levé , très en colère) Lucienne Ouah, c’est sûr que je n’ai pas un prénom très rock and roll , mais il les

y a tous passés les prénoms ringards. Stella Moi, je l’aime bien ton prénom, ma Lulu… Tu sais qu’ils sont odieux les

deux margoulins : La mère Cadéssou et ses bijoux qu’elle extorque aux pauvres , et le Rizotto avec sa caisse à billets. Va savoir où il les trouve, lui, ses biftons . Tu vois , j’sais pas pourquoi, je ne le vois pas trop vendre ses légumes bio sur le marché du dimanche matin.

Lucienne J’aimerais bien savoir combien il ramène. Depuis qu’il stocke , il doit y

en avoir pour une fortune dans le coffre numéro 13. Stella Et puis , pas moyen de savoir. Il n’y a que Bébert qui a le double de la

clef. Quant au carnet de reçus , tintin, Bébert le fait suivre partout. Lucienne Et pendant ce temps, nous , on trime avec nos (sur le ton de la

dérision) numérisations des fichiers clients. Stella Moi, pas trop.

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Lucienne Bah ! Tu as bien raison d’en profiter, va. Si je pouvais… Stella Et en plus, on le sait, qu’ils les volent leurs richesses. Lucienne Ils l’emporteront pas au paradis. Stella Et si…Et si on n’attendait pas qu’ils soient au paradis ( mine

interrogative de Lucienne) Et si on leur piquait … Lucienne Ben , ça va pas , non ? Stella Si on faisait le casse de notre propre banque … Lucienne S’tu racontes ? Stella Ecoute. C’est pas compliqué. On arrive encagoulées, avec un pétard.

Tu as déjà vu, au cinéma, non ? Lucienne Mais on sait pas s’en servir, d’un pétard ! Stella C’est pas fait pour s’en servir. Et puis, on prendra des faux pour pas

risquer de blesser quelqu’un. On plante le revolver sur la tempe à Bébert et on lui fait ouvrir les coffres de Cadéssou et de Rizotto. Et comme on est encagoulées et bien déguisées, personne ne pourra nous soupçonner.

Lucienne Mais on est au boulot ! Comment on peut être derrière le bureau et en

train de nous braquer nous même ? Stella On prendra un jour de congé de maladie. Lucienne C’est fou, ton truc. Ca me fiche la trouille. Stella Mais arrête, ça risque rien ! Bébert, je le connais un peu, c’est rien

qu’un trouillard. Il ne va même pas réagir. Je te parie qu’il va se liquéfier rien qu’en voyant des bandits masqués.

Lucienne Bébert liquéfié, je voudrais bien voir ça. Stella Eh bien , ma vieille, tu vas voir . Lucienne Et tu crois qu’il faudra l’attacher ? Stella Non, il suffira de l’enfermer dans son bureau. Il y a la clef sur la porte.

On enlève la clef en partant. Lucienne Et après…et après , qu’est-ce qu’il faudra qu’on fasse ? Stella Après, on s’en va. On va …euh…chez toi. C’est toi qui habites le plus

près. On partage et on reste chez nous toute la journée.

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Lucienne Ca me fait drôle, quand même. C’est si facile que ça ? Au cinéma ,

c’est vachement compliqué. Ils passent la moitié du film à la préparation , la deuxième moitié à faire le coup …et à la fin , ils se font toujours prendre.

Stella Oui, mais ça , c’est du cinéma. Moi, j’ai lu que…que…qu’on n’arrive

presque jamais à trouver les gens qui ont fait le coup. Lucienne Et puis , on peut pas être malades toutes les deux en même temps . Ca

va être suspect. Stella Ah oui, t’as raison. Euh… Lucienne Si tu le faisais toute seule. Tu te fais porter pâle toute seule. Moi, je suis

à l’accueil. Quand t’arrives , je fais semblant de résister, tu m’amènes dans le bureau de Bébert. Je ferai celle qui a une trouille bleue et comme ça, ça incitera Bébert à pas résister.

Stella T’as raison. Bon, OK, c’est moi qui le ferai. On ira dans le bureau de

Bébert. Je te malmènerai pour la forme. Je te tiendrai sous la menace du revolver et je lui dirai « ouvre les coffres ou je la bute ».

Lucienne Alors là, je ne crois pas que ça , ça va le décider. Ma peau n’a pas une

très grande importance à ses yeux. Si tu lui dis « ou je TE bute » ça aura beaucoup plus d’effet...

Stella D’accord. Et après, quand j’aurai les bijoux et l’argent, je vous

enfermerai dans le bureau. Et une fois dehors , j’appellerai la police pour qu’elle vienne vous délivrer.

Lucienne Comme ça , d’accord. Tu es un vrai cerveau, un vrai Spaggiari…Mais

vraiment , tu te sens capable de faire ça ? Stella Mais écoute ! Quand je vois les deux olibrius et leurs richesses mal

acquises, ça me donne du courage. Lucienne Bon , et puis la…récolte…tu la gardes pour toi, évidemment. C’est

normal. Stella Pas question , je partage avec toi. Lucienne T’es trop chou…Mais les bijoux de la mère Cadéssou, qu’est-ce qu’on

va en faire ? On peut pas les vendre comme ça. Si on savait à qui elle les a extorqués, on pourrait les rendre à leurs propriétaires, mais là , c’est pas possible.

Stella T’as raison , c’est trop compliqué. Je vais pas faire ouvrir le coffre de

Cadéssou.

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Lucienne Mais si tu fais ouvrir seulement le coffre 13, celui de Rizotto, la police va trouver que tu es drôlement bien renseignée.

Stella Ben dis donc. Et c’est moi le cerveau ? Lucienne Non. Tu fais ouvrir 3 ou 4 coffres que tu sais vides… le 2, le 7,le 18

ceux –là , je suis sûre qu’ils le sont. Il s’agit pas d’aller voler des gens honnêtes. Et tu finis par le 13, celui de Rizotto. Comme ça , ça fera celle qui n’était pas informée…Et puis , il faudra pas qu’il reconnaisse ta voix.

Stella Alors ça, c’est pas un problème. Tu connais pas mes talents d’imitateur.

Tu verras , tu vas être étonnée. Je peux imiter…par exemple …le corbeau ( elle fait le corbeau)

Lucienne Tu parles bien corbeau , mais c’est pas terrible pour donner des ordres

aux otages. Stella T’inquiètes. Je peux aussi imiter Sarkozy. Lucienne Oui, mais lui, il serait plutôt copain avec les banquiers. Dis donc, c’est

plutôt rigolo ton histoire. Stella Je crois qu’on va se marrer. Lucienne Ca va me changer des numérisations des fichiers clients. Ouh ! Ca

m’excite ! Je crois que je vais pas dormir de la nuit. Stella Moi non plus. Lucienne Et quand est-ce qu’on fait ça ? Pardon , que TU fais ça ? Stella Ben ! Demain ! Il faut que je m’invente une maladie. Je vais aller vomir

aux toilettes maintenant. Je demande à Albert de rentrer chez moi. Demain matin, j’appelle pour dire que je peux pas venir. Et demain soir , avant la fermeture, j’ATTAQUE !

Lucienne T’auras le temps de te procurer la cagoule et le faux pétard ? Stella Ouais, ouais, ça ira. J’ai pas envie d’attendre plus. Je file aux toilettes. ( elle sort côté extérieur) Lucienne Oui, vas-y, ma puce. En tous cas, moi, j’ai la trouille. Beuh ! Je crois

que j’ai la nausée. Mais moi, c’est pour de vrai. ( entrée de Albert et Rizotto venant du bureau. Albert a l’air sombre) ACTE I Scène 6

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(Lucienne, Stella, Albert, Rizotto) Rizotto T'as bien compris, moun pétit Albert. Tou fais commé jé té dis et tout sé

passéra bien. Jé compté sour toi. Albert C'est ça, c'est ça, Mr Rizotto. Je ferai de mon mieux. (Il aperçoit

Lucienne qui n'a pas l'air bien ). Qu'est-ce que vous avez...heu...heu... Lu...Lucienne?

Lucienne J'ai quelques nausées. Rizotto Loucienné, Loucienné. Il faut ténir lé coup et pouis, hein? améliorer le

look. Oun pé plous dé ...dé... ( gestes suggérant une poitrine opulente) ...dé sexy. Pas vrai Daniellé? Qu'est-ce qué tou en pensés toi, Albertino?

Albert Ouais, ouais. Et Stella , elle est où? Lucienne Aux toilettes. Elle aussi, elle a des nausées. Il y a une épidémie de

gastro, en ce moment. ( Retour de Stella, main devant la bouche. Elle a réussi à se donner mauvaise mine.

Elle a des hauts-le- coeur .) Rizotto Oh! Elle n'a pas l'air d'aller du tout, l'étoilé dé la banqué . Ouné grossé

pertourbation qui l'empêché dé briller dans lé ciel dou Crédit Popoulairé.

Stella Non , ça ne va pas trop. Rizotto Vous dévriez rentrer chez vous. T'en pensés quoi, moun pétit

Albertino? Albert C'est ça, c'est ça. Rentre chez t...rentrez chez vous. Stella Merci , Monsieur. ( elle prend son sac derrière le bureau et sort côté extérieur) Rizotto Ca tient pas lé coup, les fillés. Il y a ouné microbé qui passé et ça y est

mêmé les étoilés s'éteignént dans lé ciel. Vous né trouvez pas qué jé souis poêté.

Albert ( bougon) Si, si Rizotto Caché ta joie, moun pétit Albert! Bon, allez , j'y vais. Et vous, hein?

euh...Hortensé... ( le même geste de poitrine opulente) sexy, hein? sexy.

( il sort côté extérieur, un clin d'oeil égrillard au public)

RIDEAU

16

ACTE II , Scène 1 ( Lucienne, Albert, Cadéssou, Quiram) ( Lucienne est à son bureau, le casque de son dictaphone sur les oreilles. Elle tape une lettre. Albert entre venant de son bureau, un sac de voyage à la main. Il a l'air pressé et préoccupé)

Albert ( de mauvaise humeur) Vous trouvez que c'est le moment d'écouter de

la musique? Vous n'avez toujours pas fini la numérisation des fichiers clients.

Lucienne Mais j'écoute pas de la musique! Je tape une lettre que votre douce

voix, agréable et caressante est en train de me dicter. ( elle débranche le casque et on entend la voix du directeur sortir du dictaphone et

dicter une lettre) Albert ( énervé) Bon, bon, d'accord. Euh...Excusez-moi. Euh...continuez. Ah!

Dites-moi...euh... Machin , j'ai une course à faire. Vous fermerez. A demain. ( il sort rapidement. )

Lucienne Eh! Mais , j'ai pas la clef! C'est malin, c'est lui qui l'a! ( brutalement , elle

réalise) Eh, mais ça va pas , ça! Quand Stella va arriver pour le hold-up, elle pourra pas lui faire ouvrir le coffre, s'il est pas là. Ben, c'est foutu . C'est de ma faute. Je colle la poisse à tout le monde . Tout ce que j'entreprends, ça foire. Oh! là là ! ...Oh! là....

( entrée de Mme Cadéssou et de Mr Quiram. Celui-ci porte une chaîne de montre au revers de sa veste. Lucienne arrête le dictaphone)

Lucienne ( pas aimable) C'est à cette heure-ci que vous arrivez? Cadéssou Oh! Dites ma petite Lucienne, sur un autre ton , s'il vous plaît. Vous me

paraissez bien tendue. Prévenez Mr Bouron que je suis là. J'ai quelques petits dépôts à effectuer.

Lucienne Encore! Cadéssou Comment encore? Lucienne Mais vous êtes déjà venue hier porter de la quincaillerie. Cadéssou De la quincaillerie! (elle fait mine de se pâmer) Ouh! Ouh! Mon coeur

saigne quand j'entends ça! Moi qui, pour aider les nécessiteux achète à prix d'or, quelques souvenirs, quelques objets sans grande valeur.

17

Lucienne Tu parles! J'vous parie qu'il y a surtout des bijoux, oui! Sinon , vous ne les planqueriez pas dans votre coffre. Des bijoux que vous extorquez aux pauvres gens dans le besoin, quand ils ne peuvent pas payer le loyer de VOS appartements.

Quiram Ju...justement... Ca tombe bien que vous en parliez....euh...Puisque

vous êtes là...euh...puisque le hasard nous a... euh...réunis...euh...je voulais...euh...enfin, c'est surtout ma femme qui...qui voulait...elle souhaiterait vous demander de bien vouloir ...euh...euh...m'accorder un délai pour le paiement du loyer de ce dernier mois.

Cadéssou ( elle rugit) DELAI? C'est quoi , ce mot? Je connais pas! Je vous ai déjà

accordé un...( elle prononce le mot avec dégoût )... délai! Si vous voulez un ...délai...j'accepterai cette montre que vous avez dans votre poche de veste.

Quiram ( il tire sur la chaîne) La montre , vous l'avez déjà ..."acceptée" le mois

dernier. Du souvenir de mon père, il ne me reste plus que la chaîne. Cadéssou Teu...teu...teu. Je suis sûre qu'il doit encore y avoir, chez vous,

quelques petites valeurs, non ? Lucienne Mais vous êtes odieuse! Cadéssou Oh! Vous , ça va , hein? Les banquiers ne sont pas bien placés pour

donner des leçons de morale. ( elle s'énerve) Lucienne Mais je ne suis pas banquière! Cadéssou Ca suffit! Appelez-moi Mr Buron ou je vais moi-même dans son

boureau. Euh...C'est l'inverse...Appelez Mr ...euh...Bouron ou je vais dans son... bureau.

Quiram Ju...justement. Je voulais voir moi-aussi Mr Bouron pour lui demander

de m'accorder un ( il regarde Cadéssou et lève le coude comme pour protéger sa tête...) délai sur la dernière mensualité de mon crédit. L'entreprise dans laquelle je travaille est au bord de la faillite et ne m'a pas payé mon dernier salaire. Et mes trois enfants n'ont plus rien à se mettre.

Cadéssou ( jouant l'apitoyée) Oh! Mais bien sûr, mon pauvre Monsieur. C'est

inhumain de vivre de telles situations. Je vais appuyer moi-même votre demande de délai. Il faut absolument que la banque vous exempte de payer cette mensualité. Il faut être compréhensif , tout de même.

Lucienne ( au public) Elle manque pas d'air! ( A Cadéssou et Quiram) De toutes

façons, Mr Bouron est sorti. ( elle regarde sa montre et redevient fébrile) J'espère qu'il va revenir avant la fermeture , parce que je n'ai pas la clef pour fermer l'agence.

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ACTE II Scène 2 (Lucienne, Cadéssou, Quiram, Albert)

( Arrivée brutale d'un personnage en combinaison noire et cagoule noire. C'est Albert. Lucienne s'inquiète car elle ne voit toujours pas revenir Mr Bouron. Le malfaiteur braque son pistolet alternativement sur les trois personnes. Cadéssou et Quiram sont complètement affolés ) Malfaiteur Les mains en l'air , c'est un hold-up. Cadéssou ( elle serre son sac contre elle avec une main, l'autre en l'air. Un geste

du malfaiteur l'incite à lever les deux mains, mais aussitôt ramène son sac contre elle. Le même manège se renouvelle) Mr le voleur...Je ...je... je sais pas comment vous appeler.

Malfaiteur On m'appelle pas. Cadéssou Bien, bien...Ne me faites pas mal! Pitié pour une vieille femme sans

défense. Je n'ai que ces petites économies pour vivre. Malfaiteur Tu parles! ( il fait mine de prendre le sac. Cadéssou rugit, bouche

ouverte comme une lionne qui menacerait de mordre. Le malfaiteur retire sa main) De toutes façons , ça ne m'intéresse pas.

Quiram Mon...Monsieur le malfaiteur, s'il vous plaît, vous pourriez m'accorder

un petit délai? Vous pourriez repasser le mois prochain? Malfaiteur Silence! Cadéssou Monsieur le voleur, s'il vous plaît... Quiram Monsieur le malfaiteur, soyez humain. Pensez à ma famille. Cadéssou Monsieur le voleur, ayez pitié. Soyez humain si vous n'êtes pas

honnête . Malfaiteur C'est vous qui parlez d'honnêteté? Cadéssou ( pitoyable) Ne me tuez pas. Que deviendraient mes chats sans moi?

Pitié pour mes chats. ( elle se jette aux genoux du malfaiteur) Quiram ( il l'imite) Pitié pour mes quinze enfants! Malfaiteur Silence! En plus , vous dites n'importe quoi! Vous, là... euh... Machin...

euh. ( à Lucienne) Venez ici! ( Lucienne s'approche)

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Lucienne ( aparté au malfaiteur) Ben dis donc, t'imites drôlement bien Bébert. Malfaiteur Quoi? ( à Cadessou et Quiram) Vous deux, passez devant. ( il leur

montre le bureau du directeur) Et pas de blague, hein? Sinon, je bute Luci...euh , la fille. ( à Lucienne) A vous. ( il rudoie Lucienne et la pousse vers la porte du bureau)

Lucienne Ben doucement! T'en fais beaucoup! On s'y croirait. ( ils rentrent dans le bureau à l'instant où Stella entre par la porte d'entrée) ACTE II Scène 3 ( Stella) Stella Ben! ( au public) Vous avez vu comme moi, ou j'ai rêvé? .Ca devrait

être moi, là avec la cagoule. ( elle se tâte) Mais non, je suis là. (elle se montre) et pas là ( elle montre la porte du bureau) Mais , mais, mais...alors, ça veut dire que c'est ...c'est un vrai hold-up? Avec un vrai hold-upeur? J'en ai jamais vu qu'à la télé, moi. Ca y est , j'ai les jetons. Qu'est-ce que je fais? J'appelle la police. Ca va pas , non? S'ils interrogent Lucienne, elle va dire que c'est moi avec la cagoule. C'est fin! Faut que je me tire. Ouais, mais si c'est un vrai malfaiteur, il risque de faire du mal à Lucienne.

Bon , tant pis! J'appelle la police. (elle sort son portable) . C'est quoi, déjà, le numéro de la police? Je confonds toujours. Entre le 15, le 16, le 17 ou le 18, je ne sais jamais qui est quoi. Samu, police , pompiers ...Allez , j'essaie. ( elle n'arrive pas à numéroter) En plus , je tremble comme une feuille...Allo? Allo? Y a ...y a un hold...ah! et zut , je suis chez les pompiers. Excusez-moi, Madame la pompière, je voulais appeler les fli...euh, la police...Ah! le 17... Merci... J'arrive jamais à me le mettre en tête. ( elle fait le 17) .En même temps , ça prouve que je ne suis pas trop souvent agressée... Allo? Y a un hold-up à la banque! ... J'entends rien . Je mets l'amplification. Allo, la police?

Répondeur Vous avez demandé la police? Stella Ben oui! Répondeur Ne quittez pas Stella Ben non , je quitte pas. Répondeur Ne quittez pas Stella Mais non, je te dis que je quitte pas. Evidemment, je reste là! Répondeur Ne quittez pas , nous allons prendre votre appel.

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Stella C'est quand tu veux. Répondeur Toutes nos lignes sont occupées, veuillez renouveler votre appel

ultérieurement Stella Y a pas de problème, je vais inviter le hold-upeur à prendre le thé, le

temps que vos lignes se désoccupent...Je refais le 17, quand même Une voix (un peu ridicule et très lente au téléphone) Allo, que puis-je faire

pour vous? . Stella ( elle s'ébroue) Euh... oui...euh... ( très fort , le ton tout d'un coup

paniqué) Y a un hold-up. La voix Votre nom? Stella Peu importe mon nom! Je vous dis qu'il y a un hold-up! Et le malfaiteur,

eh bé...eh bé... , il a pris ma copine Lulu en otage. La voix Lulu? Epelez. Stella ( elle crie) Mais on s'en fout! Dépêchez-vous . Il va lui faire du mal! ( le malfaiteur entre, venant du bureau directeur, un sac à la main. Il passe devant

Stella qui le regarde passer; l'air affolé et il sort côté rue. ) La voix Allo? ...Allo? ...Vous êtes toujours là? ...Allo? ( une 2ème voix prend le relais au téléphone . Elle est grave et suave) La voix 2 Allo, Madame, vous êtes là? Stella Euh... oui... La voix 2 Vous dites qu’il y a un hold-up ? Stella ( envoûtée) Oui…oui …euh…Mon …monsieur La voix 2 Où a lieu le hold-up? Stella (calmée par la douceur de la voix, sous le charme) Au Crédit Populaire.

Rue du Chat qui Dort. La voix 2 Nous arrivons. Stella C'est déjà trop tard, le malfaiteur vient de repartir. La voix 2 Ne bougez pas . Je vous envoie l'inspecteur Hombo. Stella Ah bon? C'est pas vous qui allez venir? La voix 2 Non, je dois partir sur un cas de viol.

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Stella (langoureuse) Ah bon! Dommage! C'est comment votre prénom? La voix 2 François. Stella Peut-être une autre fois, François. ( le téléphone coupe. On entend la sonnerie du téléphone occupé. Stella garde le

téléphone à son oreille, un sourire béat . Puis elle se secoue) Une autre fois, j'espère. Un viol? ( songeuse) Hé, pourquoi pas? En

tous cas , je devrais faire le 17 plus souvent. ( elle se précipite vers le bureau du directeur) Lucienne! Lucienne! ( Lucienne, Cadéssou et Quiram sortent) Lucienne ( à Stella) Mais tu es déjà changée? Tu viens de sortir. Stella ( mi-voix) C'était pas moi! Lucienne Quoi? Quiram Ah! Melle Stella! Vous êtes là! J'ai failli mourir. Le malfaiteur a mis le

revolver sur ma tempe. Il allait tirer. Ah! Mes 3 enfants! Ils ont failli être orphelins!

Cadéssou J'espère que vous habitez à côté de la maternité, parce que tout à

l'heure, l'arrivée du malfrat vous avait fait gagner 12 enfants d'un coup. Quiram Ah! Ca m'avait complètement déboussolé. J'étais affolé. Mais je suis

bien content que tout soit bien fini. Je suis même content de vous voir. Ah! Tiens , je vous embrasse. ( il s'approche de Cadéssou, mais elle se recule et met ses mains sur le visage pour se protéger du baiser de Quiram)

Cadéssou Non, non, ce n'est pas nécessaire. Un peu de tenue ,s'il vous plaît. Quiram Excusez-moi. Je perds la tête. Cadéssou Vous avez failli perdre la vie , c'est donc moindre mal. Lucienne (mi-voix , à Stella) Tu m'expliques? Stella J'ai eu la frousse. Je me suis dégonflée. Lucienne Mais...mais...mais alors! Et moi qui lui parlais comme si c'était toi. Stella Qu'est-ce que tu lui as dit? Lucienne Oh ben! Comme il me brutalisait, je te...enfin...je lui ai dit que tu...enfin

qu'il en faisait beaucoup. Mais dans le bureau, je t'ai...enfin ...je lui ai dit

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que tu...qu'il imitait bien Bébert. En tous cas, lui aussi, il l'imite drôlement bien.

Cadéssou Si on vous dérange! Quiram Moi, je m'en vais. Cadéssou Vous avez raison . Il y a votre quinzaine d'orphelins qui doivent

réclamer la becquée. Peut-être que depuis, ils sont passés à 20. Vous devriez vous dépêcher d'aller voir.

Quiram Vous vous moquez. Il n'empêche que j'ai eu très peur . Et je suis sûr

que vous aussi. Cadéssou Euh...euh... De toutes façons , je m'en vais , moi aussi. Je remporte

mes bijoux, je vais les changer de banque. ( sirène de police) Lucienne et Stella Trop tard! ACTE II Scène 4 ( Lucienne, Stella, Cadéssou, Quiram, Inspecteur, Stagiaire, Journaliste) (Arrivée de l'inspecteur de police suivi de la stagiaire. Il brasse beaucoup de vent.

Vantard, il se fait mousser devant la stagiaire qu'il cherche à éblouir. ) Inspecteur ( il montre sa carte d'un geste ample à toute l'assistance) Inspecteur

Hombo. Claude Hombo . Et Mireille, stagiaire. Elle est arrivée ce matin, mais elle va en apprendre en 10 jours plus qu'en un mois avec quelqu'un d'autre. Tu as bien fait de demander à être avec moi.

Stagiaire ( voix timide) J'avais rien demandé. On m'a dit qu'il n'y avait personne

d'autre. Inspecteur Tu parles, ils disent toujours ça. T'inquiètes pas , Mimi, avec moi, tu vas

faire des progrès fulgurants! ( arrivée bruyante et en catastrophe de la journaliste. Elle trébuche, manque s'étaler.

Elle perd son carnet, son stylo. Elle retient difficilement son sac en bandoulière, pose son sac à provisions d'où émergent une baguette de pain et une botte de poireaux)

Journaliste Excusez-moi. Inspecteur Ah, ça y est. Vous voilà. Toujours aussi discrète. Je vous présente

Melle Aurial, journaliste à ( journal local). Elle me demande toujours d'assister à mes enquêtes.

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Journaliste Avec tout le respect que je vous dois, inspecteur, c'est vous qui me

demandez de relater vos faits et gestes. Mesdames , Messieurs, je m'appelle Edith Aurial . Appelez-moi Edith. Vous avez commencé votre enquête , inspecteur?

Inspecteur J'ai beau être rapide, je viens à peine d'arriver. Un peu plus et on

arrivait avant le malfaiteur. Journaliste Ouf! J'avais peur de rater quelques-unes de vos prouesses, inspecteur. Inspecteur Sarcastique! Ca aurait été dommage...parce qu'en général, ça ne traîne

pas. Mimi. Regarde bien. Tu vas être épatée. Tout en psychologie. Au premier coup d'oeil, je devine plein de choses. ( à Quiram) C'est vous le directeur de l'agence, je suppose.

Quiram Ah! Pas du tout. Moi, je suis un client. Inspecteur Ah oui! euh...j'avais fait exprès . Tu t'étais fait avoir, toi, hein , Mimi? Quiram Oui, mais, j'ai failli être assassiné, Mr l'inspecteur. Il m'a mis le pistolet

sur la tempe et il a failli tirer. Inspecteur Qui? Quiram Ben lui! Inspecteur Qui lui? Stagiaire Ca doit être du malfaiteur que Monsieur veut parler. Inspecteur Tu as vu: il faut bien faire préciser les circonstances. D'accord? Tu

notes? Ils étaient combien? Lucienne Un seul. Inspecteur Vous êtes qui? Lucienne L'employée de la banque. Lucienne. Inspecteur ( à Stella) Et vous? Stella Stella. Stella Poisson Inspecteur ( il la dévisage) Oh! Je sens que je vais aller à la pêche, moi! ( rire gras)

Et vous faites quoi? Stella Employée de banque. Inspecteur ( il regarde Stella et Lucienne alternativement) Mais , c'est elle.

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Stagiaire A mon avis, il y en a deux. Inspecteur ( admiratif ) Très bien! Tu suis . C'est très bien. Il n'y a pas de

directeur? Lucienne Il est sorti juste avant le hold-up. Journaliste ( elle note tout sur son carnet. A Cadéssou) Et vous , vous êtes qui? Cadéssou Une cliente de la banque. ( ton doctoral). Alors , je venais faire ,

comme de temps en temps , un petit dépôt à la banque. Quelques petites babioles que j'achète à prix d'or à quelques familles nécessiteuses afin de leur venir en aide, sans leur donner l'impression de leur faire la charité. Vous comprenez, ces gens là , ont aussi leur dignité. ( grande inspiration) Quand, soudain, un individu, en combinaison et cagoule fit irruption ...

Journaliste Pas si vite, pas si vite , je n'ai pas le temps de noter. Cadéssou ( elle continue en ralentissant beaucoup le débit) Cet individu, disais-je,

me braqua le revolver sur la tempe. ( Lucienne et Stella partent s'asseoir) Quiram Pas à vous, à moi. Cadéssou Pas du tout, à moi. Quiram N'importe quoi. A moi. Inspecteur Eh! Vous parlerez quand on vous interrogera. Tu vois, Mimi, il faut

discipliner les interrogatoires, sinon, c'est le bordel. D'abord ,( à Cadéssou) vous êtes qui?

Cadéssou Je vous l'ai déjà dit, une cliente. Si vous faites répéter, on va pas

avancer. Inspecteur VOTRE NOM! Sacrebleu! Quiram Ne vous mettez pas en colère , inspecteur. La colère est toujours

mauvaise conseillère. Inspecteur Vous , ça va . ( à Cadéssou) Alors , votre nom, saperlipopette! Journaliste Vous écrivez ça comment? Inspecteur QUOI? Journaliste Saperlipompette.

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Inspecteur ( furieux) Mais pas saperlipompette, saperliPOpette!!! Journaliste Et alors , vous l'écrivez comment? Inspecteur J'aurais jamais dû vous inviter à venir. Je sais plus où j'en suis. Cadéssou Et alors, je continue. Après qu'il - je parle du malfaiteur, évidemment-

nous ait appuyé le canon du revolver sur la tempe... Stagiaire C'était un revolver ou un pistolet? Inspecteur Mais on s'en fout!!! Stagiaire J'ai lu que , suivant le type d'arme utilisé, on peut orienter l'enquête

différemment. Inspecteur ( de plus en plus en colère) Alors revolver ou pistolet? Cadéssou, Quiram, Lucienne, Journaliste C'est quoi la différence? Stagiaire Alors, le pistolet dit automatique, est plutôt plat, alors que le revolver... Inspecteur Je te dis qu'on s'en fout! Jopurnaliste Mais c'est passionnant. Cette comparaison peut intéresser le lecteur. Inspecteur C'est mon enquête , oui ou non? Cadéssou Alors, je continue. L'individu... Journaliste Vous étiez où? Inspecteur Eh! Qu'est-ce que je viens de dire? C'est MON enquête! Cadéssou ( elle tourne délibérément le dos à l'inspecteur et s'adresse à la

journaliste) L'individu nous avait précédemment...Ca va , je ne vais pas trop vite?...

Journaliste Ca va, ça va. Cadéssou L'individu nous avait précédemment poussés à l'intérieur du bureau du

directeur... Journaliste Comment s'appelle le directeur? (l 'inspecteur part s'asseoir et boude) Stella Vous voulez un remontant , inspecteur? J'ai l'impression que vous en

avez besoin. Lucienne Bébert...Enfin, je veux dire Albert Bouron.

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Journaliste Bouron , comme un bout rond? Lucienne B.O.U.R.O.N. Stagiaire Vous avez dit que le directeur est sorti juste avant le hold-up. ( l'inspecteur tourné vers le public, se moque. Il pointe son crâne) Inspecteur C'est que, il y en a , là -dedans. Lucienne C'est ça. Il avait un sac comme pour partir en voyage. Journaliste Il avait posé des congés? Stella Ah non! Il était déjà en vacances, il y a une semaine! Quiram Il en a de la chance, lui, de partir . Moi, ça risque pas. Cadéssou C'est sûr, qu'avec la famille extensible que vous avez, vous pouvez

hésiter entre le camping-car et le bus Pullmann. Ben dites, peut-être que je peux continuer mon compte -rendu.

Inspecteur Qu'est-ce que ça serait s'il y avait la télé. C'est le genre qui s'accroche

au micro comme le pitbull à ton mollet. Stagiaire Qu'est-ce qui s'est passé ensuite? Cadéssou ( elle a repris le rythme normal de parole) Alors, le malfaiteur , il a

ouvert quelques coffres... Journaliste Moins vite, s'il vous plaît. Inspecteur ( toujours au public) C'est que ça s'apprend plus, la sténo. Cadéssou ( lentement) Ils étaient vides. Quiram Vous n'oublierez pas de dire que vous avez supplié de ne pas ouvrir le

n° 15, le vôtre. Cadéssou Ben évidemment, vous, ça ne vous pose pas de problème. Vous avez

de la chance, vous n'en avez pas , de coffre. Inspecteur Ben voyons. Les pauvres, ils connaissent pas leur bonheur. Et ils se

plaignent. Journaliste Tous les coffres étaient vides? Lucienne Il s'est arrêté après avoir vidé le n°13, celui de Mr Rizotto et puis , il est

reparti.

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Stagiaire Mais comment a-t-il fait pour ouvrir les coffres? Il avait les clefs? Inspecteur On dirait pas qu'elle est arrivée ce matin, la Mimi . Comme si elle avait

déjà assimilé plusieurs de mes leçons. Cadéssou ( à la journaliste et parlant lentement) Il a ouvert deux ou trois tiroirs du

bureau du directeur et il a trouvé un trousseau de clef. Lucienne Il a eu vite fait. Un vrai pro, sûrement. Stagiaire Je pense qu'il serait bon d'aller voir tout ça de près. Qu'en pensez-

vous, inspecteur? Inspecteur ( désabusé) Oh! Moi, vous savez , ce que j'en pense... ( tout le monde sauf l'inspecteur qui reste assis, sort côté bureau du directeur. ) Mimi, vous me direz ce que vous avez trouvé. Moi, je garde les

poireaux. On ne sait jamais. Avec tout ce qu'on voit...On n'est plus sûrs de rien, ni de personne. On se fait agresser pour un oui ou pour un non, alors pour des poireaux, ma bonne dame...On se demande ce que fait la police...( un temps puis un brusque sursaut) Eh! Mais c'est moi la police! Oh! J'ai comme un coup de fatigue!

( arrivée d'Albert) ACTE II Scène 5 ( inspecteur , Albert) Albert Qu'est-ce que vous faites? Inspecteur Ah! Moi? Oh moi, je poireaute. Albert Je me disais bien que ça sentait le poireau. Inspecteur Non. ( il montre le panier à provision) L'odeur, là, c'est eux. Albert Ah! les poireaux, les poireaux, j'adore les poireaux. Oh! Une fondue de

poireaux! ( il s'installe à côté de l'inspecteur et se rapproche) Alors , je vous explique: Il faut d'abord les couper finement en petites lamelles, puis , vous les faites revenir dans une bonne noix de beurre. N'hésitez pas à forcer un peu le feu . Un soupçon de roussi, ça réveille un peu le goût et puis vous ajoutez...

Inspecteur Je vous arrête tout de suite. Albert Pourquoi? Vous êtes de la police? Inspecteur Oui... mais non.

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Albert Vous pouvez éclaircir la sauce... euh...la situation? Inspecteur Je veux dire qu'avec une poêle à la main, je suis une bille. Le soupçon

de roussi, il risque de se transformer en vrai feu de la St Jean . Albert Rassurez-moi, vous n'êtes pas candidat à Top Chef. Inspecteur Non, non. Albert Et vous êtes ? Inspecteur ( soupir) Déprimé. Albert C'est votre nom, votre métier ou un état d'esprit? Inspecteur Le blues du flic. Albert Vous...vous...êtes vraiment de la police? Inspecteur Apparemment, ça ne saute pas aux yeux. Albert Euh...euh...Vous venez placer des fonds? retirer des espèces? Inspecteur Vous en connaissez beaucoup, vous, des flics qui ont des sous à

placer? Dans notre métier, on n'a pas besoin de se creuser la tête pour savoir dans quel paradis fiscal, on va faire évader nos économies. Non, je suis là parce qu'il y a eu un hold-up dans votre banque.

Albert Non! Et justement quand je n'étais pas là! Inspecteur Il paraît que vous êtes sorti juste avant . Un coup de bol. Sinon, vous

auriez été pris en otage. Albert Il y a eu une prise d'otage? Inspecteur Un peu. ( retour de la stagiaire, de la journaliste, de Cadéssou et de Quiram) ACTE II Scène 6 ( Albert, inspecteur, stagiaire, journaliste, Cadéssou, Quiram) Quiram Oh! Mr le directeur! Mr le directeur! J'ai failli être assassiné. Cadéssou Et d'un seul coup , la France a failli compter 15 orphelins de plus.

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Quiram Vous pouvez parler:" Pitié, ne me faites pas mal...Je n'ai que quelques économies...Pitié pour mes chats..." Vous vous trouvez glorieuse?

Inspecteur Bon, c'est fini? Vous n'allez pas recommencer. Dans ce genre de

situation, le trouillomètre , il a du mal à dégeler. Vous savez , Superman, c'est surtout au cinéma qu'on le rencontre. ( à la stagiaire)

Bon, Mimi, des dégâts ? Tu as fait toutes les constatations? Je t'ai laissé faire pour que ça te fasse un exercice. Rapport oral immédiat, rapport écrit au commissariat.

Stagiaire Inspecteur. En fait, un seul coffre a été vidé. Celui d'un certain Mr...

j'arrive pas à me relire... Mr Rigolo ou Zigoto. Inspecteur Ah! Une faille, Mimi. (il regarde les notes de Mireille par dessus son

épaule) Vous écrivez comme un cochon. C'est pas possible, vous utilisez une truelle. Rappelez-moi de vous apprendre à écrire. Vous aurez , au moins gagné ça pendant le stage.

Cadéssou C'est le coffre de Mr Rizotto qui a été plumé ( elle a du mal à se retenir

de rire) Albert Ah bon? Stagiaire C'est tout ce que ça vous fait? Albert ( il se reprend) Ah, mais oui...euh...C'est une catastrophe! Qu'est-ce

qu'il va dire? C'est que ... c'est qu' il y en avait pour une fortune. Journaliste On peut savoir combien? Albert Je ne suis pas autorisé à vous le dire. Inspecteur Bon, c'est pas le tout, mais on n'est pas d'ici. Vous allez donner vos

identités et toutes vos coordonnées à Mimi...euh...je veux dire à Mireille.

Stagiaire C'est déjà fait , inspecteur. J'ai tout noté. Inspecteur Vous faites des progrès fulgurants à mon contact, Mireille. Si les petits

cochons ne vous mangent pas.... Journaliste Attendez, attendez. Vous parlez de cochon...Vous avez relevé des

indices impliquant des cochons? Inspecteur Ma petite Edith, chez vous, les petits cochons ont déjà tout mangé.

Madame, Monsieur, j'attends vos dépositions au commissariat. Et d'ailleurs , aussi, celles des employées. Vous avez aussi leurs identités?

Stagiaire Bien sûr. Elles mettent de l'ordre dans le bureau.

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Inspecteur Eh bé , on y va. T'as vu, Mimi, c'était rondement mené. Pas vrai? Stagiaire Pourquoi? Vous avez découvert l'identité du malfaiteur? Inspecteur Ah non! C'est pas comme ça que ça se passe! On va faire un rapport

en trois exemplaires à tête reposée et on le rangera dans le dossier des affaires non élucidées, comme d'habitude.

Stagiaire Et après? Inspecteur Et après, et après... Je t'en pose ,moi...T'es prête , oui? Journaliste Attendez, attendez. Une petite photo souvenir. C'est mon premier hold- up. ( elle cherche son appareil photo dans son sac, ne le trouve pas . Elle sort les poireaux du sac à provision et finit par découvrir l'appareil photo. Elle fait placer tout le monde , en bougeant, piétine les poireaux. L'inspecteur prend l'air avantageux au premier rang) Merci Quiram Vous pourrez me dire quand l'article passera. Mes enfants pourront

découper la photo et l'apporter à l'école. Cadéssou ( en sortant) Il faudra pas oublier de faire une quinzaine de photocopies

pour tous les rejetons. ( Tout le monde est sorti. Seul le directeur reste) ACTE II Scène 7 ( Albert, Rizotto) Albert Ouf, ça y est! Vous avouerez tout de même que la police se contente

de peu. Moi, je vous dis , on n'est plus protégés. Vous croyez que votre argent est en sécurité dans une banque ? Eh bé non!

( entrée de Rizotto) Rizotto Ma qué , tou parlés tout seul. J'aimé pas beaucoup qué mes associés,

ils perdént la boussolé. Albert Non, non, tout va bien. J'ai encore toute ma lucidité. Rizotto Alors , comment qué ça s'est passé? T'as pas ou dé problèmé? Albert Non, non , ça s'est bien passé. pas de trace, j'ai ouvert des coffres

vides. Des hésitations devant les tiroirs pour trouver les clefs, et en plus, une jolie photo dans le journal.

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Rizotto Quoi? Tou t'es fait prendre en photo? Mais , Santa Madonna, t'as lé crané farci à la polenta!

Albert Mais non! Là , maintenant, à visage découvert, comme un bon petit

directeur bien honnête, et avec tous les témoins et même la police. On peut pas rêver une meilleure couverture.

Rizotto C'est quoi, ces méthodés? Tou té prends pour Arsèné Loupino? Albert Lupin, Lupin. Arsène Lupin. Non, mais ça détourne les soupçons. Rizotto Ces nouvellés méthodés, c'est plous pour moi. Jé souis un poco

dépassé . J'en souis resté à la soulfatosa (il fait le geste de la mitraillette qui tire à tout va) . Trop soubtilo pour moi, les nouvelles méthodés. Il faudrait qué jé prenné ma rétraité dé maffioso. Mais j'ai pas beaucoup cotisé à la Sécou.

Albert C'est quoi la Sécou? Rizotto Tou mé dis pas qué tou né connais pas la Sécou, la Sécourité Socialé. Albert Si, si , je connais. Rizotto Et tou as broulé tous les billetes? Albert Oui, oui, ne vous inquiétez pas. La chaudière faisait un feu d'enfer. Rizotto C'est bien, oun feu d'enfer pour brouler cé qui est malhonnêté. Ca

broulé bien , hein , l'argent dé la drogué! Ca te donné oun aperçou dé cé qué lé diablé té réservé.

Albert Vous m'y retiendrez une place quand vous y arriverez. Rizotto Alors, mainténant, tou fais ta déclaration dé hold-oup à ton assourancé.

C'est commé ça qué ça sé passé, non? Et moi, jé vais aller hurler chez moun assoureur qu'on m' a volé mes millions, avec lé réçou qué Monsieur lé Directeur dé la banqué m' a donné.

Albert Oh! Je vous fais confiance pour hurler. Rizotto Et commé ça , jé récoupèré des millions bien proprés. Albert Mais après, on arrête: Hold-up ou autre chose. je ne veux plus entrer

dans vos combines. Rizotto Ca , c'est moi qui décidé, moun pétit Albertino. N'oublie pas qué jé sais

beaucoup dé chosés sour toi et sour tes malversations. C'est commé ça qu'on dit, non? tes malversations passées. Moun pétit Albertino , jé té tiens par lés noisettés. ( il se dirige vers la sortie) , et si jé serré un peu, ça va fairé couler dé l'houilé. ( il sort)

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Albert Il est odieux, ce type. Comment je vais m'en sortir? Avec ce genre

d'individu, si on met le doigt dans l'engrenage, ( il pleurniche, puis en imitant Rizotto), on est broyé jusqu'aux noisettés. ( il sort son mouchoir de sa poche, et ne s'aperçoit pas que la cagoule en tombe) . Je ferme et je rentre chez moi. Trop d'émotions.

( il sort. Bruit de serrure) ( Lucienne et Stella entrent venant du bureau du directeur) ACTE II Scène 8 ( Lucienne, Stella) Lucienne Mais il nous a enfermées! Stella Il est tellement perturbé qu'il nous a oubliées. Lucienne C'est malin! Stella Quelqu'un t'attend? Lucienne Non. Même pas un poisson rouge. Et toi? Stella Ben, il y a le cactus. Lucienne Ce genre de truc, ça n'a jamais soif. Et puis , même si tu ne lui fais pas

la bise, ce soir, en allant te coucher, ça ne l'empêchera pas de s'endormir.

Stella Il n'y a plus qu'à passer la nuit ici. Toutes les deux. ( elles rient et se

tapent dans les mains) On est quand même bien , non? toutes les deux. Lucienne Tu l'as dit, mon amie. Heureusement que tu es là, tu donnes du piquant

au métier, parce que ... les numérisations de fichiers clients et tout le reste, parfois ça me pèse.

Stella Mais qu'est-ce que tu racontes? C'est magnifique,( ironique) le métier

de banquier ! ( elle commence à chanter sur l'air de Paris, Paris du film Viva Maria.

Lucienne la suit . Elles chantent en duo et dansent) On a chanté la cultur' du libraire On a chanté le peintre et ses tableaux On a chanté les doigts d'la couturière Oui, mais banquier, c'est tellement plus beau Le livret A et tous les comptes épargnes Numériser du client, le fichier

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Agenc' des villes ou bien de la campagne C'est tout cela qui fait notre métier ( bis) Banquier, Banquier, Banquier, Banquier, ( bis) On a chanté les mich's d'la boulangère, Le pâtissier et ses bons petits fours, On a chanté les oeufs frais d'la fermière Oui, mais banquier l'emportera toujours. Virements , liquidités et ratios Crédit, échange, chèque et taux d'intérêt Découverts et garanties des dépôts C'est tout cela qui fait notre métier (bis) Banquier, Banquier, Banquier, Banquier, (bis) (elles rient et se retapent dans les mains) Lucienne Finalement, on s'amuse comme des gamines . Il y a longtemps que ça

ne m'était pas arrivé. Alors , tu dis qu'on peut passer la nuit ici. Stella Tu vas voir , il n'y a pas de problème. Bébert , il a tout ce qu'il faut dans

son bureau. Bouge pas. ( elle sort vers le bureau directeur) ( depuis le bureau , elle expédie deux matelas mousse. Lucienne se baisse pour les

ramasser et aperçoit la cagoule par terre) Lucienne C'est quoi, ça? C'est Bébert qui l'a laissé tomber. ( elle reconnaît une cagoule, l'enfile sur sa tête et, tournée vers le bureau du

directeur, mime un malfaiteur tenant un revolver à la main) Les mains en l'air. La bourse ou la vie. ( Stella arrive , une bouteille d'alcool à la main et affolée pousse un cri. Lucienne

enlève aussitôt sa cagoule) Stella C'est malin. Tu m'as fait peur. J'ai failli laisser tomber la bouteille. Lucienne Oh non , je te connais, les bouteilles d'alcool , tu ne les laisses pas

tomber si facilement. Stella Mais à quoi tu joues? C'est quoi ça? Lucienne C'est la cagoule du malfaiteur. Je la reconnais. Stella Où l'as-tu trouvée? Lucienne Par terre. C'est Bébert qui l'a laissée tomber. Stella NON! C'était lui le voleur! Mais pourquoi il a fait ça? Qu'est-ce qui lui a

pris? Lucienne Va savoir , c'est peut-être un stage de reconversion.

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Stella Pour se reconvertir dans le grand banditisme? Eh bien , bravo, Mr le Directeur!....Oh, mais , mon petit Bébert, ça ne va pas se passer comme ça! ... ( elle cherche une idée) Tu sais pas? Eh bé, on va le faire cracher, le Bébert. T'as un papier? ( elle s'approche du bureau de Lucienne ) Tu sais que ton dictaphone continue de tourner.

Lucienne Mais non, je l'ai arrêté quand Mme Cadéssou et Mr Quiram sont entrés.

J'en suis sûre puisque je ne l'entendais plus dicter la lettre. Stella Je t'assure qu'il tourne. Ce qu'il y a , c'est que tu l'as mis en

enregistrement. Lucienne C'est malin! Stella Mais ça veut dire qu'il a tout enregistré. (elle arrête l'enregistrement,

branche le casque, écoute) ... Oups, là , il y a des choses qu'il vaut mieux qu'on n'entende pas: c'est quand tu parles au voleur en pensant que c'était moi. J'efface. ( elle manipule le dictaphone)

Lucienne Attends, laisse-moi écouter. ( elle colle l'un des deux écouteurs sur son oreille) Stella Tu m'étonnes que le malfrat imitait bien Bébert, puisque c'était lui. Lucienne L'enfoiré! Stella Oh! La mère Cadéssou! ( elle l'imite) Ne me faites pas mal! Je n'ai que

ces quelques économies pour vivre. Lucienne L'enfoirée! Stella Là, c'est quand j'arrive. J'efface ( manipulation) Là , c'est l'inspecteur

qui se fait mousser. Tu parles d'un nul! Il veut aller à la pêche parce que je m'appelle Poisson!

Lucienne L'enfoiré! Stella Là, j'efface...j'efface...j'efface. Ah voilà Rizotto qui arrive...oh! Tu

entends. Je sais pas ce que Bébert a fait par le passé, mais le Rizotto a l'air de bien le tenir par les" noisettés".

Lucienne L'enfoiré! Stella Mais c'est fou, ça! Cette technique pour laver l'argent sale. Ah ben, je

connaissais pas. Ce Rizotto, c'est un vrai maffieux . Lucienne L'enfoiré! Stella Comme tu dis, ma Lulu.

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Lucienne C'est égal, il me fait de la peine, ce pauvre Bébert. Stella C'est vrai. T'as raison...Tu sais pas? Lucienne Pas encore. Mais , tu vas encore me trouver une de tes idées farfelues,

genre hold-up. Stella Non. Mais l'enregistrement, TON enregistrement, on va en faire

quelques copies propres et on va le faire écouter à Rizotto. Ca m'étonnerait qu'il embête encore Mr Bouron.

Lucienne T'as raison, t'es la meilleure! On aura peut-être même droit à un petit

pourboire. ( Stella attrape la bouteille d'alcool, en boit une gorgée, s'assied par terre sur une

mousse, tend la bouteille à Lucienne, qui boit à son tour et s'aasied sur sa mousse)

Lucienne A la santé de Bébert. Stella Ah! Mr RizoTTTTo, nous aussi, on vous tient par les " noisettés"

RIDEAU

( Pour connaître les deux derniers actes , veuillez me contacter à [email protected] )