Histoire d'une reco · Histoire d'une reco … par Val et Mo Nous nous sommes retrouvés sur le...

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Histoire d'une reco … par Val et Mo Nous nous sommes retrouvés sur le quai de Sète. Nous avons travaillé sur le bateau ... Préparation des routes, des missions de chacun, "et par là, tu crois qu’on peut ?" Nous touchons du doigt ce que seront les interrogations, les inquiétudes et les bonheurs des gazelles 2010 … Première tajine kefta, le récit commence véritablement en terre marocaine. Sur la route qui descend vers le Sud, champs de melon en cours de récolte (qu’elles ne verront pas en mars), et jolies pyramides jaunes orangées qui ponctuent les chemins. Sur nos radios les échanges sont vifs, joyeux, des niveaux d’huile aux cultures locales, il fait encore si chaud.. Des nids de cigogne joliment perchés sur les poteaux électriques, pas assez de cheminées, par ici, place à l’imagination alors … Première halte, arrivée de nuit dans un hôtel inconnu tout neuf, bavardages tardifs, tant de choses à se raconter, à préparer, à imaginer.

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Histoire d'une reco …

par Val et Mo

Nous nous sommes retrouvés sur le quai de Sète. Nous avons travaillé sur le bateau ... Préparation des routes, des missions de chacun, "et par là, tu crois qu’on peut ?"Nous touchons du doigt ce que seront les interrogations, les inquiétudes et les bonheurs des gazelles 2010 …

Première tajine kefta, le récit commence véritablement en terre marocaine.Sur la route qui descend vers le Sud, champs de melon en cours de récolte (qu’elles ne verront pas en mars), et jolies pyramides jaunes orangées qui ponctuent les chemins.Sur nos radios les échanges sont vifs, joyeux, des niveaux d’huile aux cultures locales, il fait encore si chaud.. Des nids de cigogne joliment perchés sur les poteaux électriques, pas assez de cheminées, par ici, place à l’imagination alors …

Première halte, arrivée de nuit dans un hôtel inconnu tout neuf, bavardages tardifs, tant de choses à se raconter, à préparer, à imaginer.

Au matin, lamsamen de rêve, ce qu’il faut de craquant et d’onctuosité dans ces crêpes épaisses … et en reprenant la route, la surprise d’apercevoir loin dans l’horizon des sommets couverts d’une fine couche de neige.Nous sommes au pied de l’Atlas et, finalement, bien que la température monte vite, l’automne n’est pas si loin. La route descend vers Rissani et des nuages noirs menaçants planent sur l’ouest de notre trajectoire. Nous éviterons la tempête de justesse.De halte en auberge, de ravitaillement en mise en place, nous voilà à pied d’œuvre. Aujourd’hui, recherche de l'endroit parfait pour le bivouac de ce rallye, 20ième édition. Du monde à loger... gazelles, organisateurs, La Poste, presse, restaurants, clinique. Chacun vante les mérites de son terrain, l’ombre des arbres, la piste pas trop loin mais pas trop près, le moelleux du terrain, la vue sur les dunes, le choix sera difficile.

La route du jour, première étape, nous mène entre des reliefs bruns et noirs dont chaque détail se dessine avec minutie dans un ciel débarrassé de tous ses nuages d’orage. Il nous semble retrouver de vieux amis dans chaque pic, dans chaque sentinelle de pierre brune dressée au flanc des montagnes. Nous prenons les relèvements, alignons les chiffres et en préparation des cours de navigation, photographions les falaises et les dunes avec la même gourmandise.

Le soir venu, nous prenons enfin nos quartiers de bivouac, au pied du somptueux Djebel Begaa. Dans le fond d’un oued creusé par les pluies récentes, de traîtresses herbes à chameaux nous ont retenues quelques longues et imprévues minutes (heures) … de pelletage acharné.

Et comme chaque année, toujours renouvelé, le premier lever avant les lueurs de l'aube ... magique. Dans le silence presque total, nous attendons ici avec le premier café, l’illumination des roches noires d'où dégoulinent des langues de sable presque rouge …Il ne faudra pas plus de deux jours hors du goudron pour commencer à ne plus pouvoir dater nos périples. Les jours de la semaine et les dates exactes n’ont plus cours ici. Nous comptons en étapes, en CP, quelqu’un se souviendra bien que dans quatorze jours, il faudra rentrer …

Aujourd’hui en tout cas, pour nous consoler de quelques dunettes un peu molles et prises de travers, nous avons fait la triangulation parfaite. Dans un ciel presque trop bleu pour être vrai, sur un décor de carton pâte de film d’aventure des années 60, il n'y a même pas de vent pour soulever la carte étalée sur le sol !Et puis un peu de mécanique électrique, pourquoi diable notre radio hoquète- t- elle sitôt le contact coupé, la masse, bien sûr ! Sous un arbre à pique-nique gigantesque, assez pour nos voitures et la trousse à outils grande ouverte à côté de l’argenterie du repas de midi …

Il y aura aussi le plaisir de la découverte de la passe là haut, guettées par les autres qui attendent de voir si ça passe avant de nous suivre ... oui et de l'autre coté du raidillon aux pierres noires glissantes, gravi à toute petite vitesse prudente, la plaine, attendue sur la carte et dans nos souvenirs. Cela vaut bien un amortisseur…

Le Rich Sidi Ali ne livrera la totalité de ses couleurs que demain matin très tôt avec les premiers rayons du soleil mais ce soir, la blancheur fantomatique des reliefs qui entourent notre bivouac prend des allures de tenue de soirée argentée et luminescente.

Pour ne pas perdre la main, mécanique au bivouac du soir, l’amortisseur est réparé, reste à le remettre. Mo s’y colle avec Gaston pendant que les pâtes atterrissent de façon imprévue sur le sable ... Les fennecs et scarabées aimeront, sûrement !Pendant ce temps, la lune préparait son entrée, passant du roux le plus flamboyant et chaleureux au blanc le plus lumineux et le plus glacial en montant vers son zénith…

Le Draa déroule ses méandres larges de sable gris, presque argenté entre les étendues de tamaris serrés et les falaises ocres et rouges. Nous serpentons de concert, glissant comme des vaisseaux occupés à lutter contre le courant, guettant les piscines qui restent de la dernière crue et les zones encore humides où nos navires pourraient bien s ‘enliser …

Décidées à trouver la route vers le nord même si elle n’existe pas sur nos cartes, nous avons roulé de droite et de gauche, jusqu’à trouver un souvenir de traces, de piste peut-être que nous réinventons à chaque rigole et qui, pour finir, récompense notre opiniâtreté. La piste devient presque facile à suivre.

Alors l’attente de la passe, le rêve de l’ouverture sur la plaine se réalise. De part et d’autre se dressent les colonnes de pierre ocre qui flamboient un dernier instant au soleil couchant, dans les dernières minutes du jour. Guidés par un immense doigt de pierre qui marque l’entrée de la passe, au détour d ‘un méandre de l’oued, tout à coup la plaine s’installe à nos pieds. Nous passons d’un monde vertical de pierre à un monde horizontal de sable et chacun de nous voudrait pouvoir rester là...

La piste au nord du Grand Mdaouer est difficile à suivre, défoncée par les saignées des oueds qui entaillent le plateau noir. Les cailloux incrustés de fossiles accentuent encore l’effet désolé et impressionnant du lieu. Le soleil qui dessine les innombrables colonnes dressées dans le ciel au sommet des montagnes noires adoucit cette atmosphère. Mais, plus encore, la douceur provient des marches de pierres luisantes et des palmiers dont émergent les palmes les plus hautes; îlots de verdure dissimulés, à peine visibles du sol, dont le fond ombragé se diapre du sel qu’a déposé la dernière crue de l’oued…

Qui a dit que le désert n’avait pas d’odeur?Toute la journée, glissant d’oued gris en piste tourmentées entre les tamaris, nous avons foulé aux roues des champs de roquette. C’est à cela que nous avons pensé, odeur forte, poivrée, qui vient par bouffée nous rappeler que chaque goutte d’eau est ici une manne inespérée pour les graines enfouies.

Nous n’avons pas résisté longtemps à la halte pour cueillette, remplissant la voiture de la senteur presque entêtante de cette herbe dont le goût trop relevé nous découragera ensuite ... avant que Mohamed ne nous explique qu’ici on la cuit avant de la déguster !

Des odeurs il y en a d’autres …Des petits buissons aux boules jaunes, étendus en nappes serrées inévitables sous les roues, dont le froissement dégage une odeur qui rappelle tant la camomille.Ou tout simplement, la poussière dans les chèches ... cette odeur au détour du sac qu’on vide après le retour; quand on peine à ouvrir les yeux sur la grisaille; quand on traîne, plus que la fatigue des courtes nuits, l’envie de ne pas être rentrée, conscience d’ avoir laissé là-bas bien moins de traces dans le sable que nos mémoires n’en gardent. Odeur de la poussière qui donne l’envie de ne rouvrir les yeux que sur le silence du dernier matin.

Devant nous la dune à peine ridée, juste assez pour retenir les rayons du dernier lever de soleil, s’étirait paresseusement au pied d’une ces montagnes aux flancs arrondis surmontés de colonnes de roches. Natte majestueuse posée en couronne sur les éboulis de pierres noires, odeur de poussière…

Et d’une mer à l’autre, d’un vaisseau à l’autre, les souvenirs colorés des jours passés reviennent à nous et la vingtième édition se dessine sur les cartes.

Vingt ans !Vingt ans de couleurs !Vingt ans de rêves et de galops de Gazelles !Et ce désert marocain qui est toujours à découvrir…

crédit photo : Valérie – Marie-Odile - Jean